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Younoussa Abaine, directeur de la médiation et de la cohésion sociale au conseil départemental

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Directeur de la médiation et de la cohésion sociale en charge du service cadial au conseil départemental, Younoussa Abaine s’inquiète de voir de plus en plus de jeunes mahorais se désintéresser de l’éducation, tant religieuse que laïque. Face à cette rupture culturelle, le responsable estime urgent de se mobiliser.

 

Mayotte Hebdo : L’éducation coranique occupe-t-elle toujours une place importante dans l’éducation des jeunes aujourd’hui ?

Younoussa Abaine : Non, ce que l’on déplore aujourd’hui c’est que par rapport aux anciens, les jeunes Mahorais ont complètement perdu leurs repères et leurs valeurs. Cela s’explique en partie parce qu’ils vont de moins en moins à l’école coranique et c’est dû à plusieurs choses. La première est l’évolution de la société : les enfants vont désormais à l’école (laïque, ndlr) tous les jours, ce qui leur laisse moins de temps pour la madrasa. Le rythme scolaire est un premier frein, mais on voit aussi que les jeunes s’intéressent moins à l’école au sens large. Le niveau scolaire a beaucoup baissé et on voit de moins en moins de jeunes ambitieux. Aujourd’hui les enfants sont gâtés, ils ont tout à la maison : l’ordinateur, le portable, etc. Ils pensent davantage à leur plaisir et leur amusement, plutôt qu’à préparer leur avenir. Pourtant, ils doivent devenir de futurs adultes, mûrs, responsables, qui par leur éducation et leur intelligence, font avancer la société. C’est pour cela que je suis convaincu de la nécessité de préserver l’école religieuse à Mayotte.

MH : Comment faire si la fréquentation des madrasa est en baisse ?

YA : Il faut qu’il y ait un véritable échange entre tous les acteurs : les institutions, les collectivités, les élus, les parents, les madrasa, etc. Et pas seulement sur la formation professionnelle. Tous doivent chercher à comprendre comment notre société évolue pour trouver les mesures adaptées à la construction de l’avenir de la jeunesse. Par exemple, il n’est pas normal de laisser les terrains de sport allumés toutes les nuits. Oui, l’enfant doit pratiquer une activité physique, mais il doit aussi parfois être sérieux et étudier ses leçons. Il faut se réveiller et mettre le paquet là-dessus, car nos enfants sont en danger : il y a de la violence dans les établissements scolaires, des bagarres entre bandes rivales, certains jeunes y amènent des couteaux, etc. Les enfants ne se sont même pas conscients de l’ampleur de ces agissements parce qu’ils pensent que tout leur est permis.

MH : L’éducation religieuse permettrait-elle d’éviter cela ?

YA : Ce qui est sûr, c’est que tout enfant a besoin d’une éducation morale, et il ne la trouve pas toujours au sein de l’école de la République. C’est pourquoi je pense que l’éducation religieuse est tout à fait nécessaire pour accompagner les jeunes. L’islam peut leur apprendre à se respecter eux-mêmes, à respecter les autres pour ne pas leur nuire, car il prône la tolérance. Je dis toujours que l’ignorance est la cause de tous les maux, notamment de la violence. On parle aujourd’hui de Mansour Kamardine, de Saïd Omar Oili, etc., mais s’ils en sont là, c’est parce qu’ils ont reçu une éducation, un cadre, des repères, comme les anciens.

 

Lire le dossier ‘Les écoles coraniques au XXIème siècle’ : https://www.mayottehebdo.com/reader/1869

« Faire découvrir aux habitants leur propre territoire »

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Premier du genre à voir le jour à Mayotte, l’office de tourisme de l’intercommunalité du Centre-Ouest a été inauguré samedi dernier. Première cible de ce nouvel outil : le public local, « qui a besoin de trouver des activités ».

 

C’est le Comité départemental du tourisme de Mayotte (CDTM) qui va être soulagé. Très récemment encore, aucun office de tourisme n’existait sur l’île aux parfums et certaines prérogatives de ces centres d’information avaient été transférées au CDTM, telles que l’accueil du public. Une compétence qui ne relève normalement pas d’un comité du tourisme, chargé plus particulièrement des orientations stratégiques d’un territoire ainsi que de la promotion à l’extérieur de cette offre (lors de salons et d’évènements hors du département, notamment).

Ainsi l’inauguration samedi dernier des locaux du premier office du tourisme de l’île, celui de l’intercommunalité du Centre-Ouest (3CO), constitue-t-elle le point de départ d’une réorganisation plus conforme aux exigences nationales des structures dédiées au tourisme. L’arrivée tardive de ces outils de promotion sur le territoire est due à la mise en place également retardée des intercommunalités qui portent ces structures. En effet, c’est la promulgation de la Loi NOTRe, en 2015, qui a marqué l’obligation d’un transfert de compétences des communes vers les intercommunalités d’ici 2020 – notamment la collecte et le traitement des déchets, l’eau et l’assainissement ainsi que le tourisme, donc. Or, les communautés de communes ont peiné à sortir de terre, celle du Nord, d’ailleurs, n’étant toujours pas constituée, en raison d’un différend sur la présidence de la structure.

 

Un office de tourisme pour les locaux

Actuellement composée d’une unique salariée chargée de mission, l’équipe du nouvel office du tourisme de la 3CO (opérationnel depuis août dernier) devrait prochainement s’étoffer grâce au recrutement d’un chargé d’événementiel et d’un directeur. Le leitmotiv de Samina Mahamoudou, chargée de mission à l’office du tourisme : « Faire découvrir aux habitants leur propre territoire« . « On se dit souvent, à tort, qu’il n’y a rien à faire à Mayotte« , déplore-t-elle. « Il faut communiquer » davantage sur les offres touristiques, estime encore la chargée  de mission qui cible le public local, « déjà sur Mayotte et qui a besoin de trouver des activités« . Un travail visant à répertorier les prestations touristiques dans la zone couverte par l’office de tourisme (Mtsangamouji, Tsingoni, Sada, Ouangani et Chiconi) est en cours. Il permettra, outre le fait d’avoir une vision globale de ce qui est proposé, « d’améliorer la qualité des prestations » et, le cas échéant, de monter en compétence grâce à des formations. Une fois que les cinq offices du tourisme du territoire seront opérationnels – celui de l’interco de Petite-Terre est déjà en ordre de marche –, le CDTM ne fera plus d’accueil mais se focalisera sur les orientations stratégiques et centralisera les offres de chaque communauté de communes afin de proposer la destination Mayotte à l’extérieur.

Vers septembre / octobre, le nouvel office de tourisme proposera deux jours de randonnée pédestre et de VTT afin de (re)découvrir la région Centre-Ouest et, en outre, participera au prochain Salon du tourisme en mettant en avant la gastronomie locale et les produits du terroir.

Le nouvel office sera doté d’un budget de fonctionnement de 200.000 euros grâce à un apport de l’intercommunalité. En outre, le Département a prévu une enveloppe de 200.000 euros dédiée à chaque office du tourisme. Ainsi a-t-il été sollicité par la 3CO.

Un show exceptionnel à Combani

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Pari réussi pour May’ Festival malgré les nombreuses péripéties. La tête d’affiche, Alpha Blondy a mis le feu à Combani lors de sa prestation le samedi 27 avril. Combien étaient-ils sur le stade ? 5000 ou 7000 certainement, puisque l’espace était plein à craquer. “C’est le père, le vieux de la vieille. Il est trop rodé en concert live”, nous ont confié certains spectateurs. Eh oui, le festival organisé par Root Music et May Vision, a connu une belle finition. Cela, avec la grande messe du Reggae. Alpha Blondy et Babadi ont offert un voyage aux mélomanes pour la Jamaïque. Il était 1 heure du matin lorsque la star ivoirienne a fait sa montée sur le podium. Juste quelques minutes pour la balance, et c’est parti. Le public se réveille véritablement et les choses sérieuses ont commencé. Alpha rejoint son orchestre et le public ne peut contenir sa joie de voir ce monument de la musique. La fête s’est terminée au rythme du Saranga avec le groupe Komo de Mroalé. Baco Ali qui devrait clôturer la soirée a quitté le stade pour des raisons inconnues.

 

Laboratoire de Mayotte : les négociations au point mort

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Depuis le 8 avril, une majorité des salariés du Laboratoire de Mayotte expriment leur mécontentement vis-à-vis de la direction. En fin de semaine dernière, les négociations étaient toujours au point mort. Si le directeur a transmis une nouvelle proposition, tout porte à croire que la mobilisation ne semble pas faiblir.

 

Les grévistes du laboratoire privé de Mayotte ont achevé leur troisième semaine de mobilisation vendredi. Le mouvement social aurait pourtant pu se terminer le 17 avril dernier, jour où une proposition de sortie de crise leur avait été soumise devant la Dieccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). « Nous l’avons jugée convenable », admet Ben Housman Abdallah, délégué Sud-Santé-Sociaux au laboratoire. Sauf que « la direction n’a pas donné suite« , selon lui. Puis plus rien jusqu’à la réception par les collaborateurs d’un SMS du Docteur Troalen, directeur du laboratoire, en date du 22 avril. « De nombreuses avancées sociales ont été accordées par la direction. Cet effort aura un impact budgétaire important pour les années à venir. Cependant, la situation de blocage actuelle dégradant considérablement la situation économique du laboratoire, sans une reprise du travail d’ici le mercredi 23 avril, le financement de ces mesures ne sera plus possible. De

ce fait, l’accord sera caduque« , écrivait-il alors. En effet, employés et employeur avaient préalablement trouvé un terrain d’entente sur un certain nombre de revendications. Premièrement, le versement d’un treizième mois en juin. Deuxièmement, une prime d’activité de 18 centimes accordée sur chaque dossier, représentant « un montant de 12.000 euros par an pour l’entreprise » selon le Docteur Troalen. Troisièmement, la mise en place d’une convention collective nationale (notamment une mutuelle « pour un coût total de 15.000 euros« ). Et enfin, l’augmentation d’1,5 % des salaires en 2019.

 

Un moratoire demandé par la direction

Malgré cette date butoir, les grévistes ont décidé de ne pas reprendre le travail. Et l’affaire a pris une nouvelle tournure jeudi dernier lorsque l’inspecteur du travail a prévenu le représentant syndical que le Docteur Troalen souhaitait rajouter un moratoire stipulant qu’aucun salarié

ne pourrait négocier d’augmentation salariale, de manière collective ou individuelle, pendant dix-huit mois. Une requête justifiée et assumée par le principal intéressé « pour qu’il n’y ait pas de nouvelle crise dans deux mois« .

Réponse de Ben Housman Abdallah ? « Nous voulons bien le signer si la direction nous octroie une hausse de 10 %, ou nous accorde une prime annuelle de 900 euros. La balle est dans son camp ! » Conscient de l’ampleur du mot, le Docteur Troalen a transmis une nouvelle proposition dans la matinée de vendredi, avec « une revalorisation du point d’indice d’ancienneté et une augmentation salariale en fonction des accords nationaux trouvés par les syndicats, dans le but de s’exonérer de ces négociations à l’échelle locale. » D’un point de vue plus général, ce mouvement a créé de nombreuses tensions au sein de la société, estime Ben Housman Abdallah. « Des personnes extérieures à l’entreprise réalisent des prélèvements. C’est une entrave au droit de grève« , dénonce-t-il. « C’est n’importe quoi !« , réplique le Docteur Troanel. « Ils n’admettent tout simplement pas que tout le monde ne soit pas gréviste. Ils ont envoyé des mots de délation au CHM. C’est une mascarade. » Après trois semaines de grève, la direction dit s’en sortir avec les moyens du bord. « À 2,5 techniciens, nous faisons le boulot, alors qu’en temps normal, nous sommes au nombre de neuf. Cela me fait dire que nous sommes sûrement en sur-effectif. » Des têtes seraient-elles susceptibles de tomber ? La perspective ne risque en tout cas pas de mettre fin au mouvement.

Des souris et des femmes

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Vendredi, un nouvel espace d’insertion sociale et professionnelle a été inauguré à Mayotte. La Maison digitale de Cavani, fruit d’un partenariat entre la fondation Orange et l’association Mlezi Maoré, vise à aider les femmes en situation précaire à s’approprier l’outil informatique afin de ne pas rester au ban de la révolution numérique et de l’emploi.

 

À l’heure du tout numérique, certaines de ces cocos n’avaient encore jamais eu ni souris ni clavier entre les mains. Dans les locaux de l’association Mlezi Maore, vendredi matin, une vingtaine de femmes de tous âges se sont rassemblées pour un atelier numérique à l’occasion de l’inauguration de la première Maison digitale de Mayotte, rue Jardin fleuri à Cavani, Mamoudzou. Cet espace dédié aux femmes en situation de précarité ou en recherche d’emploi a vocation à leur permettre, via le numérique, de faciliter leurs démarches, apprentissages ou loisirs, et de les aider à s’insérer dans le monde professionnel. Issue d’un partenariat entre la Fondation Orange – qui a déjà ouvert 250 espaces de ce type à travers le monde depuis quatre ans – et l’association locale de protection de l’enfance et de lutte contre l’exclusion Mlezi Maore, la Maison digitale est un dispositif de formation qui vise à donner plus d’autonomie et de perspectives professionnelles aux femmes de Mayotte. Les 23 bénéficiaires du dispositif sont déjà accompagnées par l’association Mlezi Maore, qui a bénéficié d’un financement à hauteur de 35.000 euros de son partenaire pour mettre en œuvre ce projet.

Sans qualification ni emploi, les femmes retenues pour participer au projet ont des profils variés qui vont à l’encontre des idées reçues. Ainsi, « les jeunes ne sont pas forcément les plus agiles sur le net« , observe notamment le formateur en charge des ateliers, Moissi Zaki. Dispensées en français et en shimaoré, les formations pratiques permettent d’aborder les bases de l’informatique, loin d’être si évidentes pour ces oubliées de la révolution numérique. Le taux d’illettrisme record de l’île (58%) constitue à cet égard l’un des premiers fossés qui les sépare du monde connecté.  

 

Vingt ans, première adresse mail

Parmi elles, Rouchdati, 20 ans, qui vient juste de créer sa première boîte mail grâce aux formations de l’association. Venue des Comores où elle a été contrainte d’arrêter l’école en cinquième, cette jeune femme n’a jamais eu l’occasion d’apprendre à manipuler un clavier ou à naviguer sur Internet. L’ordinateur de la maison appartient à sa sœur, qui ne lui prête qu’occasionnellement. Le reste du temps, Rouchdati le passe sur son téléphone mobile, qu’elle utilise « surtout pour aller sur Youtube« . Son aisance sur un PC reste aléatoire. « La souris, ça va, mais le clavier, c’est encore un peu compliqué« , confie-t-elle. La jeune femme aurait notamment besoin d’améliorer son niveau informatique pour effectuer des démarches administratives. Avec la dématérialisation, de plus en plus d’institutions communiquent avec leurs usagers par mail ou via des plateformes numériques.

Mais c’est aussi une fenêtre sur le monde extérieur que les porteurs de projet entendent offrir à ces femmes. « Elles restent souvent confinées chez elle, en intérieur, et certaines ne sont jamais allées dans certains endroits de Mayotte comme le Mont Choungui, par exemple« , explique le formateur de Mlezi Maoré, Moissi Zaki. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il leur aura fallu passer par Google pour découvrir l’existence des ces lieux bien connus des touristes, pourtant à quelques kilomètres de chez elles. « L’idée, c’est vraiment d’acculturer ces femmes au numérique, pour qu’elles puissent s’insérer professionnellement, mais aussi pour les aider avec leurs enfants, qui eux, sont sur Internet », détaille Charlotte Oui, directrice juridique de la Fondation Orange à La Réunion et à Mayotte. En effet, à l’instar de la langue française lorsqu’elle est mal maîtrisée par les parents, l’écran peut constituer une vraie barrière entre la mère et son enfant. Apprendre les bases de l’informatique doit ainsi permettre à ces femmes d’avoir accès aux devoirs et bulletins scolaires – eux aussi en voie de dématérialisation – ou de mieux contrôler les navigations Web de leur progéniture, se réappropriant ainsi pleinement leur rôle.

Esclavage : un livre pour en finir avec le déni

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Samedi, le Département a commémoré l’abolition de l’esclavage. Plusieurs événements étaient prévus à cette occasion, parmi lesquels une conférence sur le « déni mémoriel » à Mayotte et une exposition de peinture au Musée de Mayotte.

 

À l’occasion de la journée commémorative de l’abolition de l’esclavage, le conseil départemental organisait samedi une conférence à l’hémicycle Younoussa Bamana. »Chaque année à la date commémorative de l’abolition de l’esclavage, il y a des évènements qui sont mis en œuvre. Cette année, nous avons eu une commande du président Soibahadine Ibrahim Ramadani afin de faire un ouvrage grand public sur l’histoire de l’esclavage à Mayotte (…) Les auteurs qui ont contribué ont essayé d’interagir avec le public« , a dévoilé l’historien Inssa De N’guizijou M’dahoma, du service des archives du conseil départemental. Anthropologues, linguistes, historiens, écrivains, artistes, professeurs et élèves ainsi que simples passionnés d’histoire se sont ainsi succédé dans l’hémicycle pour évoquer cette histoire souvent méconnue, samedi. Les institutions, représentées par le préfet Dominique Sorain, les vice-présidents et conseillers départementaux, et Adou Hamissi Mohamed vice-président de l’Office culturel départemental (OCD) étaient également au rendez-vous. Le président du conseil départemental- auteur de l’introduction du livre – n’a en revanche pas pu participer à l’événement, toujours en convalescence à La Réunion depuis son malaise du début du mois d’avril. L’ouvrage collectif présenté ce samedi, intitulé L’esclavage à Mayotte et dans sa région, Du déni mémoriel à la réalité historique, sera à la disposition du public dès ce lundi à la Maison des Livres. Construit à partir des documents des archives départementales de Mayotte et des archives nationales d’Outre-mer basées à Aix-en-Provence, il s’agrémente d’illustrations réalisées par le peintre Gausst, de son vrai nom Idaroussi Mohamed.

Un passé « peu glorieux » de Mayotte

Le livre, coordonné par l’écrivain et chercheur en histoire de l’esclavage Lawoetey-Pierre Ajavon, met l’accent sur le tabou et le « déni mémoriel » de la population mahoraise quant à ce pan « peu glorieux » de l’histoire de l’île, qui a subi l’esclavage arabo-musulman bien avant l’achat de Mayotte par la France en 1841. Néanmoins, « on retrouve dans la vie courante +socioculturelle+ des Mahorais des noms de quartiers, des expressions linguistiques qui font référence à ce passé lié à l’esclavage et à la condition servile sur l’île« , a expliqué Mlaili Condro, chercheur et linguiste mahorais, qui a participé à la rédaction. Puis, la déclinaison de l’esclavage vers un système dit de « travail engagé » sous la période coloniale – guère plus favorable -a également été évoquée de façon à interpeller les représentants de l’État. Au cours des échanges avec la salle, un professeur a notamment plaidé pour un travail « commun » de « réparation des stigmates » à engager sur ce passé douloureux auprès des descendants d’esclaves. Une requête qui n’a pas laissé indifférent le préfet Sorain, qui, après avoir évoqué la « mosaïque de situations et d’origines » qui composent l’île aux parfums, a réaffirmé la nécessité pour l’État français de « reconnaître son passé » à Mayotte.

Faïdat Vita, éducatrice sportive, fitness et musculation

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À tout juste 30 ans, Faïdat Vita est éducatrice sportive, fitness et musculation à Mayotte. Une consécration pour celle qui a fait de son domaine de prédilection son métier. Des projets pour son île elle en a, en faisant notamment bouger ses adhérents au rythme du fitness et de la zumba, mais pas que !

 

La jeune femme baigne dans le milieu sportif depuis son jeune âge. Elle a grandi au sein d’une famille de grands sportifs et compte à son actif plus de douze années d’école de danse à Mayotte. « J’ai toujours aimé faire du sport », déclare-t-elle. Elle fera de cette vocation sa profession. Née à Mamoudzou, Faïdat Vita a grandi à Mayotte jusqu’à ses 18 ans. Âge à partir duquel elle quittera son île pour l’Hexagone afin de poursuivre ses études supérieures. Nous sommes alors en 2006.

Pendant une année, la sportive dans l’âme suit un cursus en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) en région parisienne. « Je me suis rendue compte qu’à la fac c’était trop vaste, trop vague. On n’était pas sur un sujet bien précis, bien concis », se rappelle celle qui apprenait également l’histoire du sport, ne ressentant aucune appétence. Faïdat Vita se tourne alors vers une formation professionalisante. Une première année de préparation est de rigueur pour le diplôme qu’elle vise : le brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) aujourd’hui agrémenté des Activités gymniques de la forme et de la force (AGFF). Un diplôme qu’elle a passé en dix mois au Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS), toujours dans la capitale française. « J’ai beaucoup aimé, c’était exactement ce que je voulais, ce que je recherchais. Apprendre sur le tas tout en étant en formation ». Une formation en alternance qui lui a permis d’être parallèlement sur le terrain. Un rythme effréné aussi, avec des cours théoriques le matin à l’école, et la pratique l’après-midi avec « les autres collègues de formation » en salle de sport. « C’était très intéressant et enrichissant pour moi. C’était comme ce que l’on voit à la télévision avec les groupes en formation [sportive]. Ça m’a inspiré. Il y avait une bonne dynamique et une bonne ambiance », raconte la jeune femme. Un encadrement minutieux en corollaire, qui lui apprendra également beaucoup sur la structuration du stage une fois sur le terrain. Subséquemment, Faïdat Vita sera embauchée par la salle de sport dans laquelle elle était en formation, elle y restera cinq ans.

Cette « transition parisienne » lui a permis de « prendre de l’expérience et de pratiquer dans différents milieux. Dans le monde du fitness, dans les salles de sport, il y a plusieurs structures : des associations, des clubs privés, des comités d’entreprises, beaucoup de possibilités différentes. J’ai pu toucher à tous ces domaines-là en région parisienne ». Et d’ajouter : « Un client en association et un client en entreprise dans une salle de sport privée n’a pas les mêmes attentes, les mêmes demandes, n’a pas le même rapport avec le professeur. Il ne s’agit pas de la même démarche non plus ». Une différence aussi avec les professeurs de sport sur laquelle insiste Faïdat Vita : « L’objectif de l’éducateur sportif est de mettre les gens en confiance et en sécurité dans chaque démarche qu’on entreprend avec notre clientèle. Éduquer les gens, à bien se placer, bien se tenir, à avoir une bonne démarche pédagogique dans la pratique sportive ». En effet, le fitness amène à prendre soin de son corps, « se sentir plus souple, plus léger dans les mouvements du quotidien », explique Faïdat Vita. « Il ne s’agit pas de la même démarche lorsqu’on va jouer au football ou au handball ».

 

« METTRE LES GENS EN CONFIANCE ET EN SÉCURITÉ »

Après une année de « Working holiday » en Australie en 2012 pour se perfectionner en langue anglaise Faïdat Vita est de retour sur son île natale. Un bienfait pour celle qui ne voulait plus se couvrir de manteau et autres tenues hivernales. Elle rentre d’abord à Mayotte pour « les vacances ». « Je ne savais pas trop ce que je voulais faire à ce moment-là », confie-t-elle. Sur conseils de sa famille, elle reste sur l’île pour « essayer quelque chose au niveau professionnel ». À l’époque, peu de salles de sport sont proposées à Mayotte. Faïdat Vita suit les conseils de sa grand-mère « avec ses phrases encourageantes et motivantes à la mahoraise, et qui te donnent envie de te bouger ». Conjointement avec son entourage, elle crée d’abord l’association May Form sise à Mamoudzou. Après six mois à peine, elle compte déjà une centaine d’adhérents. Cours collectifs de fitness sont au rendez-vous les soirs entre 18h et 20h30. L’association a été créée « pour tester [son] activité ». La viabilité du projet sera également étudiée par le biais de la couveuse d’entreprises, en tant que « entrepreneuse stagiaire ». Le dossier de Faïdat Vita est éligible, elle restera en couveuse un an et demi avant d’ouvrir cette fois sa propre entreprise dénommée Vis ta forme, fin 2015. « Entreprendre à Mayotte n’est pas toujours simple, mais c’est possible contrairement à la métropole ou beaucoup de domaines sont saturés », souligne l’éducatrice sportive. « Ici, il y a encore beaucoup à faire. Je me dis que j’ai de la chance d’avoir pu entreprendre si tôt. Je n’aurais peut-être pas pu le faire ailleurs de cette manière ».

Musique, étirements, renforcements musculaires, cardio-training…

Aujourd’hui, Vis ta forme compte plus de 300 abonnés. Tantôt à Koropa piscine, au collège de Majicavo dans le préau extérieur et la salle intérieure, tantôt à la maison des jeunes de M’gombani, Faïdat Vita dispense des cours de renforcement musculaire, de pilates, de cardio-training, zumba, jumping, fitness et bien d’autres. La grande nouveauté reste les cours de « Les mills » (à lire en anglais), soit des programmes d’entraînements à haute intensité qui rencontrent un franc succès à travers le monde. « L’enchaînement du cours est le même que ce soit à Shanghai, à Mayotte ou à New-York », précise la coach. Des cours collectifs, activités adultes ou enfants, coaching à domicile et prestations certains week-end lors d’évènements singuliers font également partie de son quotidien. Faïdat Vita travaille seule et ne possède pas encore de lieux à proprement parlé pour dispenser ses cours, mais « espère embaucher l’année prochaine pour proposer plus d’activités et surtout honorer la demande en coaching à domicile ». L’éducatrice sportive compte allègrement les « retours positifs » des adhérents. « Réussir à rendre heureux les gens dans leur activité est le principal », confie-t-elle avant d’ajouter : « Pratiquer une activité physique, c’est se défouler aussi. Se vider la tête, oublier tous ses soucis. Je pense que c’est un moment où on s’évade et c’est le cas pour moi-même ».

Si Faïdat Vita ne fait pas de campagne de sensibilisation particulière quant à la lutte contre l’obésité elle précise tout de même que « le fitness est une lutte naturelle contre l’obésité. L’alimentation va de pair avec le sport » dixit l’éducatrice sportive. « On ne peut pas juste faire du sport, en tout cas avec un objectif sain, et ne pas faire attention à ce que l’on mange. Pour moi, l’un ne va pas s’en l’autre », conclut celle qui est fermement contre les régimes alimentaires et prône un « équilibre alimentaire ».

 

Lire gratuitement le Mayotte Hebdo : https://www.mayottehebdo.com/reader/1869

Sortir Mayotte du modèle « importation-consommation »

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L’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom) a dévoilé jeudi sa synthèse annuelle de l’économie mahoraise. Assurément, les mouvements sociaux de 2018 ont laissé leur empreinte sur l’activité des entreprises qui peinent encore à investir.

 

Si la « résilience » de l’économie mahoraise avait déjà été évoquée lors des derniers bilans trimestriels, elle est désormais confirmée à l’échelle de l’année. « L’économie de Mayotte s’est à nouveau inscrite dans une dynamique de reprise« , relève en effet Institut d’émission des départements d’Outre-mer dans sa synthèse de l’économie locale portant sur l’année 2018. Inévitablement, les mouvements sociaux ont paralysé l’activité du premier semestre. La « crise de trésorerie sans précédent » alors traversée par les entreprises aurait, selon l’Iedom, « accentué la dualité entre les petites, fortement fragilisées, et les grandes, mieux armées pour y faire face« .

Depuis, la dynamique de reprise semble toutefois bien amorcée, à en croire la remontée de l’indicateur du climat des affaires, mais la crainte d’une nouvelle crise pèse encore au-dessus des entreprises qui « font preuve de réserve sur l’évolution de l’activité économique à court terme« , décrit la synthèse. Conséquence : les investissements des acteurs locaux manquent, pendant que « le commerce extérieur enregistre une nouvelle hausse des importations« .

La consommation des ménages, quant à elle, reste solide, sous une inflation modérée. L’activité bancaire poursuit sa progression, « avec une demande de financement toujours croissante« , mais la hausse de la collecte, elle, ralentit.

Investir pour la consommation

Ces facteurs entretiennent l’importance de la consommation des ménages mahorais, principal pilier de l’économie locale depuis quelques années, notamment sous l’influence de la croissance démographique (+ 3,8 % par an entre 2012 et 2017). Une dynamique distancée par l’investissement public et privé, qui ne représente que 1,2 % des importations, contre 7,5 % pour les importations liées à la consommation. « Le modèle économique basé sur l’importation-consommation ne peut durablement permettre à l’économie mahoraise de se développer sur des bases stables« , prévient l’Iedom. L’institut estime que l’investissement doit être mobilisé pour établir d’autres relais de croissance, accompagner la consommation « comme moteur de l’activité et de l’emploi« .

Si la synthèse stipule que « la fin de l’année 2017 présentait des signes plutôt favorables pour le secteur privé, avant que le mouvement social ne freine les initiatives« , elle relève également que « 2019 peut être une année de tremplin qui permettrait de lancer l’économie mahoraise vers une voie de croissance pérenne« . Mais pour cela, « la stabilité du climat social, l’accompagnement des porteurs de projets et l’amélioration des délais de paiement sont des éléments indispensables« , conclut l’institut.

 

Alpha Blondy : icône africaine et écho mahorais

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Après plusieurs jours d’incertitude liés aux événements météorologiques, la star ivoirienne du reggae se produira bel et bien ce soir à Combani. 

 

 

Il ne s’était plus produit à Mayotte depuis douze ans, et le faire revenir n’aura pas été facile. Finalement, même le passage du cyclone Kenneth n’aura pas eu raison d’Alpha Blondy, qui pour la troisième fois de sa carrière, donne ce week-end un concert sur l’île aux parfums. Un rendez-vous inattendu, lancé par le May Festival. Pour sa première édition, l’événement local dédié au reggae a réussi à placer l’une des plus grandes icônes du genre en tête d’affiche. 

 

« Les Mahorais méritaient la venue d’Alpha Blondy », défendait vendredi soir l’organisation du May Festival, soulagée, pendant que les membres du staff commençaient à peine à dresser la scène sur le stade de Combani, où près de 200 participants étaient attendus dès le lendemain. C’est pourtant le jour-même que devait se produire Alpha Blondy notamment, jusqu’à ce que les aléas climatiques ne contraignent l’organisation à annuler la première soirée, le terrain, trempé, n’étant pas en état de l’accueillir. Mais alors que le reggaeman ivoirien était déjà en vol pour Mayotte, pas question de faire machine arrière. En hâte, il est alors reprogrammé le samedi, à 23 heures, entre les prestations de plusieurs talents mahorais. Parmi eux, Chai qui ouvrira le festival, à 19h30, puis Baco Ali, qui se chargera de la clôture, à 2h du matin. Au total, six artistes se succèderont le même soir. Sont effacées de la programmation, presque à la dernière minute, les lives de Mbosso et Harmonize : sous la menace du cyclone entraînant la fermeture préventive de l’aéroport de Mayotte, les artistes tanzaniens n’ont pu trouvé de vol disponible à temps. Sans pour autant donner de date, les agences organisatrices, May Vision et Roots Musik, promettent que tous les artistes qui n’ont pas pu assurer la première soirée de concert seront reprogrammés après le ramadan, « sûrement début juin« . 

 

Derrière ces aléas, la volonté de faire du 101ème département un véritable pôle culturel.  « Mayotte doit jouer un rôle dans la région. Nous devons montrer que nous aussi, nous sommes capables d’être au niveau de tout ce qui se passe aux Seychelles ou à Maurice« , développe l’organisation du festival, qui évoque à demi-mot le manque de soutien des institutions locales. « Organiser un événement ici, c’est vraiment difficile« , concèdent ça-et-là les instigateurs de l’évènement, pendant qu’Alpha Blondy, à peine débarqué sur l’île, tempère déjà : « L’essentiel c’est qu’on soit là, prouvons à Kenneth qu’après lui, il y aura le beau temps, inch’Allah !« 

 

Ainsi pourrait se résumer son mantra. « Puisque la misère est planétaire, que la pauvreté aussi, il vaut mieux regarder du côté lumineux« , résume Seydou Koné de son vrai nom, avant de lâcher ce mot qui ponctue presque chacune de ses phrases, « Alright« . « Bien« , celui-là même qu’Alpha voit en toute chose, ce « bien » qu’il continue de chanter, encore et encore, après 37 ans de carrière et 16 albums. Son prochain disque justement, est déjà dans les cartons. Il le prépare déjà, chez lui à Abidjan, dans son « labo« , avec ses « gars« , la douzaine de musiciens et choristes du groupe Solar System. Ces « gars » qui le suivent depuis vingt ans, et qui, évidemment, ont fait le voyage avec lui jusqu’à Mayotte. 

 

Nul n’est prophète en son pays

 

Si le décor change, la musique, elle, reste la même. « En ce moment, j’écris une chanson sur la Mecque. Ça m’inspire beaucoup, et je peux vous dire que tous les pèlerins vont s’y reconnaître« , promet le reggaeman au sujet de son nouvel album. Sa date de sortie ? Même lui ne la connaît pas, et c’est presque voulu. Demandez à Alpha Blondy pourquoi il a attendu douze ans pour revenir à Mayotte, il vous répondra qu’il n’est pas maître du temps. « C’est le créateur tout puissant qui décidera quand je reviendrai, et si je reviendrai« . 

 

Chaque sujet est prétexte à parler de religion qui demeure en chanson, l’un de ses sujets de prédilection. Né d’un père musulman et d’une mère chrétienne, Alpha Blondy considère chaque culte et, unificateur, il se plaît à défendre que tous se rejoignent : « Un bon musulman respectera toujours un juif, un bon juif respectera toujours un chrétien, un bon chrétien respectera toujours un musulman ! » , égraine-t-il.

 

« La lecture du Coran m’a conforté dans ma foi en Dieu », sourit l’artiste africain. « 604 pages quand même !« . Le Coran, la Bible, et bientôt la Torah, Alpha Blondy les lit parfois, au micro de sa propre radio, à laquelle il a donné son nom. Chaque soir, il y propose une émission littéraire, durant laquelle il lit tantôt des romans, tantôt les textes saint. « Il y a tellement de mauvaises interprétations, qu’il faut que les gens puissent savoir de quoi on parle pour se faire leur propre idée« défend le chanteur, avant de faire aux chanteurs mahorais un petit appel du pied : « Si des artistes mahorais veulent passer sur Alpha Blondy FM, ils sont les bienvenus, même s’ils ne font pas du reggae !« 

Cyclone Kenneth : un premier bilan en chiffres

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Le cyclone tropical Kenneth, qui est passé à proximité des côtes de Mayotte sous forme de tempête tropicale intense avant d’être reclassé en cyclone a occasionné plusieurs dégâts sur le département, sans faire de victimes. Il a poursuivi sa route vers les côtes est-africaines et a atteint le Mozambique, déjà touché par le destructeur Idai il y a un mois.  

 

À Mayotte, l’heure est désormais au déblayage et à l’apaisement. Alors que le cyclone Kenneth, de catégorie 4, s’est éloigné des côtes mahoraises pour atterrir jeudi soir àenviron 150 km au nord de Pemba, au nord est du Mozambique, la situation se stabilise dans le 101ème département. Les vigilances « forts vents », « orages » et la pré-alerte cyclonique y sont désormais levées. En revanche, la vigilance « forte houle » est maintenue et les plus grandes précautions s’imposent en mer (voir encadré 1). La houle de nord-nord-ouest peut en effet encore dépasser 1,5 mètre dans le lagon et 3 mètres à l’extérieur. Dès lors, plaisanciers et professionnels de la mer sont invités à rester à terre. Sur les routes de bord de mer, il est recommandé de limiter sa vitesse. Les rotations des barges n’en ont pas moins progressivement repris en début d’après-midi jeudi, et devraient retrouver leur rythme de croisière ce vendredi, de même que les transports et établissements scolaires, qui accueilleront normalement élèves et enseignants ce vendredi matin.Concernant le trafic aérien, après deux journées complètes de perturbations, Air Austral a annoncé jeudi soir anticiper la reprise de ses vols pour permettre un retour à la normale de son programme de et vers Mayotte « dans les plus brefs délais« . Compte tenu du retard pris et « du nombre de passagers n’ayant pu être transportés et accumulés sur la période« , la compagnie espère un retour à son programme initial des vols d’ici à dimanche (voir encadré 2). 

 

 

Kenneth en quelques chiffres

  • 33 : C’est le nombre d’arbres tombés sur la chaussée dans l’ensemble de l’île. La préfecture a également recensé six poteaux électriques effondrés et deux éboulements. Les dégâts sont concentrés dans la zone sud de Grande-Terre, où cinq zones routières fonctionnaient encore en circulation alternée jeudi midi. Afin de répondre à toute nouvelle et éventuelle difficulté,  des patrouilles de la Deal (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Mayotte) sont renforcées jusqu’à demain samedi.

 

  • 1285 : Tel est le nombre d’éclairs recensés entre minuit et trois heures du matin dans l’orageuse nuit de mardi à mercredi.

 

  • 290 : C’est la vitesse maximale, en kilomètres/heure, des rafales qui accompagnent le phénomène cyclonique, selon le site spécialisé Mtotec.

 

  • 8 : C’est le nombre d’interventions qu’il a fallu réaliser pour prendre en compte des dégâts sur des habitations au niveau de clôtures, toitures, murs, ou équipements publics, etc.

 

  • 400 : Il s’agit du nombre de clients affectés par des perturbations sur le réseau électrique mercredi après-midi, au plus fort de la crise. Toutes les difficultés ont pu être surmontées dans la journée. En ce qui concerne le réseau téléphonique, quelques perturbations sont intervenues sur les réseaux mobiles, principalement dans le secteur de Tsingoni à Vahibé, mercredi soir. Outre ces difficultés, « le réseau a résisté aux événements grâce aux dispositifs de secours mis en place par les opérateurs« , souligne la préfecture. Les problèmes d’alimentation électriques ont également entraîné quelques perturbations sur la distribution d’eau potable, notamment à Kani-Kéli.

 

  • 3 : C’est le nombre de navires de pêche qui étaient en route dans la zone avant la diffusion de la pré-alerte cyclonique. Partis sur le site de plongée des bancs de la Zelée (voir carte ci-dessous) et du Castor, ils sont rentrés sains et saufs. En outre, plusieurs navires, vides de leur occupant, ont échoué à Mamoudzou notamment. À Trévani, un navire moteur était jeudi après-midi en cours de récupération et un autre a coulé à Dzaoudzi. Il devrait être récupéré à marée basse. En outre, un voilier repéré en dérive à Longoni a pu être mis à l’abri par la station de pilotage de Mayotte. Trois, c’est aussi le nombre de concours de la fonction publique qui ont dû être reportés suite à la fermeture préventive des établissements qui devaient les accueillir. De nombreuses festivités et rendez-vous ont par ailleurs été décalés à une date ultérieure, comme la deuxième édition du Festival du Lagon, initialement prévue pour se tenir de vendredi à dimanche.

 

  • 450 : C’est le nombre de personnes qui se sont réfugiées, au plus fort de la crise, dans les établissements scolaires ou autres structures dédiées (Maison des jeunes et de la culture, collèges de Koungou et de Majicavo, parc de relogement de la Direction de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, etc.). Les collectivités et la Croix-Rouge, mobilisées pour l’occasion ont concouru à cet hébergement d’urgence. Ce vendredi, les établissements scolaires réquisitionnés devraient retrouver leur fonctionnement normal et accueillir élèves et enseignants. Du côté sanitaire et malgré les difficultés de circulation, le centre hospitalier de Mayotte (CHM) « n’a pas eu à gérer de situations critiques et a pu assurer la continuité du service, en reportant les interventions programmées ou non urgentes« , a indiqué la préfecture.

 

Vigilance « forte houle » : les consignes à suivre

Outre le fait de ne pas prendre le bateau et de ne pas se baigner, la préfecture recommande de protéger les embarcations en les mettant à l’abri ou en les sortant de l’eau. Les parents sont invités à surveiller attentivement leurs enfants et à bannir les jeux de ballons à proximité de l’eau. Il est recommandé aux habitants de bord de mer de protéger leurs biens face à la montée des eaux, et d’évacuer si nécessaire pour s’abriter à l’intérieur des terres. Enfin, en bord de mer, la plus grande méfiance est de mise face aux rouleaux et la préfecture rappelle que « même une zone a priori non exposée – rebord de falaise par exemple – peut être balayée par une vague soudaine plus forte que les autres« . Pour plus d’informations, contactez Météo France au 02.69.60.10.04 ou rendez vous sur le site Internet.

 

Le vol Mayotte-Paris de vendredi 26 annulé

Dans un communiqué envoyé jeudi soir, la compagnie Air Austral a indiqué que « faisant suite à la non confirmation de la réouverture de l’aéroport demain 26 avril, Air Austral a d’ores et déjà pris par précaution la décision d’affréter l’A380 de la compagnie Hifly pour transporter au plus vite les passagers des vols Mayotte<>Paris restés en souffrance, via La Réunion. Par conséquent, les vols UU976 Paris-Mayotte de ce soir et UU 977 Mayotte-Paris de demain 26/04 sont annulés. En parallèle, la compagnie a déclenché plusieurs vols supplémentaires entre La Réunion et Mayotte. 2 rotations complémentaires sont en effet prévues à ce stade ce vendredi 26/04 et ce samedi 26 avril ».

 

 

La vigilance toujours de mise

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La tempête tropicale Kenneth, de passage à 200 kilomètres au nord de l’île mercredi, a poursuivi sa route vers l’Ouest et devrait atterrir sur les côtes est-africaines en fin de semaine, après être passé sur l’archipel des Comores. À Mayotte, d’importants moyens ont été déployés pour sécuriser les habitants et les infrastructures.

 

De simple tempête, Kenneth s’est mué en cyclone tropical mercredi midi tandis qu’il passait à environ 200 kilomètres des côtes nord de Mayotte. Le phénomène météorologique continue à cette heure son déplacement en direction de l’Ouest, à 18 km/h environ, a indiqué la préfecture en milieu d’après-midi mercredi. Une journée au cours de laquelle le cyclone a généré des vents forts sur Mayotte, atteignant les 70 km/h, voire les 100 à 110 km/h en crête et sous orages. Aussi, les vigilances « orages », « forts vents » et « forte houle » étaient-elles maintenues, ainsi que les consignes de sécurité afférentes (voir encadré). La prudence reste en effet de mise puisque des phénomènes orageux peuvent ressurgir dans la foulée du cyclone, bien que s’amenuisant ce jeudi, tandis qu’une houle de 2,5 mètres devrait perdurer à l’intérieur du lagon.

Dès lors, les autorités ont décidé de maintenir fermés les établissements scolaires ce 25 avril et d’interdire les transports scolaires et de marchandises dangereuses et de plus de 7,5 tonnes. Le trafic des barges et de l’aéroport reste également suspendu. Le phénomène atmosphérique se dirige à présent vers la Grande Comore. À Moroni, dans l’attente de son passage, les commerçants avaient fermé boutique dès mercredi matin, comme en attestent les photographies d’un journaliste présent sur place, relayées sur les réseaux sociaux.

Hier midi, la préfecture faisait état de quelques dégâts, heureusement sans gravité, dans l’île. On dénombrait ainsi treize arbres tombés, dont un sur une case en tôle dans un quartier de Petite-Terre, mais sans faire de victimes. Deux arbres restaient à évacuer dans le secteur de Coconi. Un éboulement sans conséquence à Ouangani et trois chutes de poteaux électriques ont également été recensés. Ce dernier événement n’a pas non plus affecté la population, les circuits ayant été déviés. Après une brève coupure de courant à la station de pompage de Kwalé, l’alimentation a été rapidement rétablie.

Des effectifs renforcés  

« Ce qui a été annoncé [lundi, avec le déclenchement d’une pré-alerte, ndlr] nous a amenés à renforcer nos effectifs« , a rapporté mercredi l’adjoint du directeur du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours), le colonel Frédéric Robert. De 66 personnels en activité normale, l’effectif est ainsi passé, en cette période de risque cyclonique, à 133 pompiers pour 47 véhicules. Parmi ces personnels, 19 pompiers venus de La Réunion ont également été prépositionnés. En plus de cette mobilisation exceptionnelle, dans le centre de Kahani (l’une des six casernes du territoire), une ambulance supplémentaire a été mise à disposition, de même qu’un véhicule dit de « déforestage » pour dégager les voies en cas de chute d’arbres. Outre les risques de crues torrentielles, de coulées de boue, voire de glissements de terrain, ou les redoutables envols d’objets tels que les toits de tôles « très destructeurs« , les pompiers se sont également préparés à l’éventualité de coupures du réseau de communication, véritable problème pour le traitement de l’alerte. « Pour l’instant, les gens peuvent continuer à nous appeler au 18. » Toutefois, si les réseaux étaient endommagés, seuls deux groupes électrogènes permettraient d’assurer les communications téléphoniques (en Petite-Terre et dans le grand Mamoudzou). C’est pourquoi les six centres de secours ont été préparés à fonctionner en autonomie. Un dispositif récent pour ce jeune SDIS et qui a été mis à l’épreuve lors du mouvement social de 2018. Dans ce cas, chaque centre prend ses décisions de manière autonome et quadrille son secteur par des patrouilles de véhicules, afin de repérer toute situation anormale que la population n’aurait pas pu signaler faute de réseau téléphonique. Une organisation similaire a été mise en place dans les différents centres de soins de l’île, selon une source médicale. Du côté de la gendarmerie, le chef d’escadron François Bisquert indiquait mercredi que les effectifs avaient également été renforcés, et que tous les repos prévus ce jour avaient été annulés, faisant passer les effectifs à disposition de la moitié aux deux-tiers du total.  

Pas de réapprovisionnement immédiat  

Dès lundi, la plate-forme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI) de la Croix-Rouge, pilotée depuis La Réunion, a été activée.« Selon les prévisions météo, nous sommes plus inquiets pour les Comores que pour Mayotte », expliquait mercredi matin Michel Henry, directeur territorial de la Croix-Rouge pour l’île aux parfums. Toutefois, la dizaine de cadres et la cinquantaine de bénévoles de l’antenne locale de l’ONG étaient sur le qui-vive et se tenaient prêtes à réagir en fonction de l’évolution des conditions météorologiques. « Nous n’avons reçu aucune demande d’intervention spécifique de la part de la préfecture ou des communes. Nous attendons les instructions des autorités locales« , confiait en outre le président de la Croix-Rouge à Mayotte, Yassine Boinali, tout en assurant connaître la procédure à suivre sur le bout des doigts en cas de besoin.

Si les sept entrepôts mutualisés de la PIROI (un aux Comores, un à Mayotte, un aux Seychelles, deux à Madagascar, un à La Réunion et un à Maurice) comptabilisaient près de 500 tonnes de matériels pour faire face à une éventuelle catastrophe naturelle sur la zone, le hangar de Mayotte est en flux tendu depuis l’envoi le mois dernier de 40 tonnes d’aide humanitaire en direction du Mozambique après le passage du cyclone Idai (voir Flash Infos du 26 mars 2019). « Le réapprovisionnement du stock n’arrivera pas avant la fin de semaine« , selon Yassine Boinali. Dans le détail des 20 tonnes restantes, on dénombre 52 tentes dites « famille » – pouvant accueillir jusqu’à cinq personnes – quelque 974 bâches, 400 jerricanes, 160 draps, 320 lits picots, 6 générateurs, 2 kits d’éclairage et 2 unités de traitement de l’eau (nécessaires en cas de défaillance du réseau de distribution de l’eau potable). « Tant qu’il existera une menace potentielle pour Mayotte, notre matériel ne sera pas mobilisé ailleurs« , ont assuré les responsables de la PIROI.

Les plans communaux de sauvegarde appliqués   

Depuis mardi soir, les municipalités sont également sur le pied de guerre. À Mamoudzou, 60 personnes, parmi lesquels directeurs et chefs de service, sont mobilisées.

Le poste de commandement est situé à l’école de la place du Marché, tandis que les gros moyens, tels que les deux tractopelles, la minipelle, le bob4 et la nacelle, se situaient sur le site du Baobab, et les agents pour l’élagage et la propreté urbaine à la mairie. « Trente-cinq écoles ainsi que les maisons des jeunes et de la culture(MJC) sont ouvertes et prêtes à accueillir jusqu’à 10.000 habitants. Nous avons eu une réunion de crise hier [mardi] avec tous les effectifs concernés et la police municipale a prévenu la population de Kawéni à Vahibé« , a détaillé Mohamed Ahamada, dit « Tostao », directeur de la logistique et des moyens à la commune.  La veille au soir, une centaine d’administrés se sont réfugiés à l’école de Kawéni.

De 19h à minuit à Koungou, le collège a accueilli 250 personnes. Mounirou Ahmed, directeur général adjoint en charge du développement économique et humain à la mairie, annonçait « un nombre limité de dégâts, mis à part quelques tôles envolées et l’évacuation des zones sensibles« . Au niveau des effectifs, 55 personnes (police municipale, services techniques et sociaux confondus) sont toujours en alerte ce jeudi matin.

Dans le sud, Kani-Kéli a subi plusieurs déconvenues mercredi. « Les dégâts dans les villages côtiers sont importants« , regrettait Fatima Saindou, adjointe au maire en charge de la sécurité. L’élue a recensé des inondations à M’Bouini, des caniveaux et des rivières en crue, et l’un des murs de l’école de Kani-Bé près de s’effondrer… « Les arbres tombent comme des feuilles mortes entre Kani-Kéli et Choungui. Quand il y a des rafales, ça secoue violemment« , a-t-elle confié.

Un peu plus au nord, à Chirongui, la réunion de crise a été déclenchée dès 10h, mardi, « pour définir les missions de chaque service« , selon Cédric Maleysson, responsable du pôle sécurité et de la police municipale. « L’équipe du pôle social et du CCAS s’est chargée d’identifier les personnes vulnérables et de prendre contact avec elles pour expliquer la situation. Nous leur avons distribué 1 à 2 litres d’eau minérale. Le pôle sécurité a surveillé les routes et les points stratégiques de la ville et s’est chargé de l’information des habitants. Le pôle administratif s’est occupé de l’accueil du public en mairie et au téléphone tandis que les services techniques sont restés sur le terrain pour vérifier toutes les zones à risque, comme les ponts et les caniveaux, et nettoyer au maximum de leur capacité. »  

Entre 40 et 50 agents ont été mobilisés pendant de longues heures sur les deux derniers jours. Quatre citernes d’eau ont également été réparties à des points stratégiques. Si aucun dégât majeur n’est à signaler, trois arbres sont tout de même tombés et un pylône électrique en bois, penché à plus de 80 degrés, a nécessité une intervention à distance d’EDM.

 

De nombreux appels téléphoniques

À Bandrélé, aucun dégât à déplorer, mais tous les équipements publics, tels que MJC et écoles, ont été ouverts pour faire office de refuge. Les écoles de Nyambadao et de Hamouro ont notamment accueilli quelques administrés, habitant sur le front de mer, le mardi soir. « En plus des quatre policiers municipaux, chacun des six villages est sous la responsabilité de deux agents des services techniques. Et le directeur effectue des va-et-vient pour gérer la coordination« , a annoncé le maire Ali Moussa Moussa Ben.

À M’Tsamboro, les élus se sont rendus sur le terrain ce mercredi. « Des arbres sont tombés sur le réseau routier et quelques poteaux électriques ont pris feu », relatait mercredi le DGS Assadillah Abdourahamani. Le poste de commandement a élu domicile à la mairie annexe de M’tsahara. Les trois écoles et le collège, situés sur les hauteurs, ont été désignés comme les équipements pouvant accueillir la population. « Nous avons réquisitionné quatre minibus pour mettre les habitants à l’abri en cas de nécessité mais aussi pour les besoins des services techniques. »

Sous la houlette de l’adjoint à la maire en charge du social, Ahamada Madi, Sada s’en est bien sortie. « Les chefs de service et les élus se sont réunis hier [mardi] à 15h pour mettre en œuvre le plan communal de sauvegarde« , dévoilait-il, avant de confier être en lien étroit avec la gendarmerie. Le premier bilan faisait état de nombreux appels téléphoniques par concernant des arbres et des fils électriques. Cinq véhicules techniques, avec chacun trois agents à son bord munis de machettes et de trousses de secours, ont patrouillé dans les villages pour assurer les petites interventions. « Mais les mesures nécessaires seront prises après la tempête pour une question de sécurité ! » Le collège, le lycée, une école primaire ainsi qu’une maison des jeunes et de la culture étaient disponibles en cas de besoin.

 

THIERRY LIZOLA, BRIGADIER EN CHARGE DU BUREAU PARTENARIAT ET PRÉVENTION À MAYOTTE

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Ce policier en charge du bureau partenariat et prévention de la police nationale à Mayotte a lancé, fin 2017, avec l’aide du responsable associatif Hithouwane Ibrahim, le dispositif de sécurité citoyenne des gilets jaunes. Interrompu en décembre 2018, ce programme inédit a fait son retour il y a trois mois, dans une nouvelle mouture plus encadrée et réglementée, sous la dénomination de maillots jaunes. Désormais placés sous la responsabilité directe de la police, tous les volontaires ont des papiers d’identité en règle et justifient d’une présence d’au moins cinq ans sur le territoire.

« IL FALLAIT RAMENER LES GENS DANS LA RUE »

Mayotte Hebdo : Qui sont ces Maillots jaunes que l’on voit arpenter les rues et les ronds-points de la commune de Mamoudzou et qui ont pris la place des anciens Gilets jaunes ?

Thierry Lizola : C’est une population assez hétéroclite. Nous avons des gens originaires de l’archipel des Comores, des gens de Mayotte, des métropolitains, des gens qui travaillent, d’autres qui ne travaillent pas, quelques professeurs aussi, etc. Ce ne sont pas des professionnels de la sécurité, sauf pour quelques-uns. Sur Mamoudzou, on comptabilise aujourd’hui 290 Maillots jaunes, soit un peu plus de 10% du nombre des anciens Gilets jaunes. Il y a eu jusqu’à 1 000 bénévoles à Mamoudzou et jusqu’à 2 000 dans toute l’île au plus fort du pic de la crise sociale de 2018, pendant sept mois. Là, il y a un petit mouvement de délinquance qui s’est créé du fait de la disparition des Gilets. Les Maillots jaunes, c’est quelque chose d’institutionnel et qu’il faut structurer, donc on y va tout doucement car on ne veut pas perdre la main. Le but, c’est aussi qu’ils soient bien visibles pour être reconnus. Plus ils seront connus comme des agents de prévention – et prévenir, c’est aussi avertir – et plus les délinquants se diront : « Maintenant il faut faire attention ». L’objectif, c’est d’abord de prévenir les primo-délinquants. C’est d’empêcher le premier passage à l’acte de ces gamins qui, dans certaines classes d’âge, basculent. Pour empêcher ce basculement, les Maillots jaunes sont un peu les parents qui sont absents, ils les suppléent. Ils sont là, ils dissuadent, ils voient un gamin qu’ils connaissent peut-être et dont ils n’avaient pas forcément conscience qu’il traînait à un kilomètre de chez lui, et comme ils le connaissent, ils peuvent lui dire : « Mais toi, qu’est-ce que tu fais là, tes parents, ils savent que tu es là ? » Les individus qui sont déjà passés à l’acte, eux, ont l’habitude de s’adapter à la police, aux agents, etc. Ils se déplacent pour commettre leurs actions et restent assez indifférents au dispositif.

MH : Comment les Gilets jaunes originels sont-ils nés ?

TL : On a eu une émeute en novembre 2017, à Bandrajou (Kawéni), un quartier où les flics n’allaient plus depuis dix ans. Hithouwane a fait un travail de médiateur extraordinaire, il m’a ouvert les portes du village, il m’a permis d’y aller. J’y suis allé une fois, deux fois, trois fois, on ne me parlait pas. On me jetait des pierres, on me crachait dessus. Hithouwane a fait le travail de fond. Et un jour ça c’est ouvert. J’ai dit « Je ne suis pas armé », nous avons fait le tour du quartier à pieds et nous avons pu discuter avec tout le monde. Les habitants demandaient un couvre-feu. Je leur ai dit : « si vous faites ce couvre-feu, on voit avec le directeur pour qu’on vous laisse tranquilles, on vous laisse faire ce couvre-feu. » Pendant un mois, ça a bien marché, les gamins étaient rentrés le soir. Le 15 janvier 2018, nous avons fait une réunion avec Bacar Ali Moto (l’adjoint au maire de Bandrajou), les représentants de la mairie, de la police nationale, etc. Finalement, 2 000 personnes sont venues. Bandrajou est alors devenu le symbole du Bureau partenariat et prévention et le point de départ des Gilets jaunes. Finalement, le couvre-feu a duré un an. Dans mon esprit, il fallait sanctuariser ce village. Pacifier Bandrajou, c’était pacifier Kawéni. Les « voyous » venaient de là. Ça a aussi permis de sécuriser 12 000 élèves : deux lycées, deux collèges, six écoles primaires !

MH : D’autres dispositifs de surveillance citoyenne ont déjà été mis en oeuvre en métropole et à l’étranger ces dernières années, à l’instar des « Voisins vigilants » par exemple. Quelle est la différence avec les Maillots jaunes de Mayotte ?

TL : Ce n’est pas du tout le même cadre, nous allons d’ailleurs au-delà. Nous n’attendons pas que l’évènement vienne à nous pour réagir. Les Maillots jaunes, c’est vraiment une force de dissuasion. D’abord, il faut empêcher ceux qui sont déjà actifs de continuer à l’être, ensuite empêcher qu’ils puissent fédérer autour d’eux, et enfin, essayer de ramener dans le droit chemin ceux pour qui c’est encore possible. Ils sont organisés dans le cadre de la Police de sécurité au quotidien (PSQ), de la même manière que les Groupes de proximité opérationnels (GPO), qui traitent de problèmes ponctuels et particuliers – comme les chiens errants, les bandes organisées, ou encore les violences aux abords des établissements scolaires – avec des partenaires particuliers, tels que des associations.

Les Maillots jaunes, ils ont la chance de pouvoir parler la même langue, ils ont la chance de connaître les jeunes d’ici. Avant, l’autorité était partagée dans la culture mahoraise. Il y avait aussi l’école coranique et les cadis. Tout ça, ça a explosé, notamment avec la départementalisation. Il y a aussi un problème de reconnaissance de l’enfant à Mayotte, d’intérêt pour l’enfant. Nous, nous avons repris toute la structure locale antérieure et nous avons essayé de la reconstruire.

MH : Comment convaincre des citoyens de s’impliquer bénévolement dans un contrat d’engagement aussi lourd – un an à raison de 22 heure par semaine maximum – sans leur proposer la moindre rémunération ?

TL : Si vous leur expliquez que vous êtes là pour les aider et que vous allez régler les problèmes avec leur aide, que vous êtes loyal, si vous ne trichez pas, eux, ils vous suivent. Mais il ne faut pas tricher. C’est un rapport de confiance. Avec Hithouwane, dès le départ, on s’est dit : « d’abord on se tutoie, on se dit les choses, ce qui va et ce qui ne va pas. » Si tu me dis « merde », je ne vais pas retenir un outrage, alors que je suis policier. Sa façon de voir les choses est culturelle, la mienne est légaliste, et nous essayons de mettre les deux en cohérence. Tout cela avance, du moment que les deux points de vue ne sont pas radicaux. Le problème de la France, c’est peut-être qu’on est un peu radical des deux côtés. Ce sont des forces qui s’opposent, c’est comme un aimant.

 

MH : Pour autant, est-ce vraiment le rôle des citoyens de participer à la mission de sécurité de l’État ?

TL : La sécurité c’est l’affaire de tous, c’est un contrat social, et ça va même au-delà. La sécurité, c’est la première des libertés. Ça consiste aussi à considérer que la population a un intérêt à sortir de l’attentisme. Les années 2015 et 2016 ont été dramatiques à Mayotte, avec une augmentation de 600 à 700 % de la délinquance. Les gens ne sortaient plus dans la rue, ils ne jouaient plus aux dominos, ils ne parlaient plus dans la rue, alors qu’à Mayotte, on vit dans une société du palabre. Il fallait donc ramener les gens dans la rue, c’est ce qu’ils attendaient de nous (…) Avec Hithouwane, nous avons dit aux habitants de Mamoudzou : « Dans six mois, avec les Gilets jaunes, vous reviendrez dans la rue », et ça a marché. Ce que je regrette parfois, c’est que le travail qu’ils ont fourni pendant trois ans, jour et nuit, avec le Bureau partenariat et prévention, n’a pas été reconnu à sa juste valeur. Quand ils se sont arrêtés (en décembre dernier ndlr), les gens ont pris conscience de leur rôle. La délinquance a repris crescendo pendant cette période. Puis il a fallu sortir des Gilets jaunes parce qu’il y avait une connotation négative, notamment parce l’idée nous avait été « piquée » par la métropole.

MH : Ce genre d’initiative pourrait-elle fonctionner ailleurs ?

TL : Ici, à Mayotte, on peut être dans la même configuration que dans une banlieue parisienne. Le système peut marcher partout, oui, mais à condition d’avoir des gens impliqués. La population a besoin de confiance. La seule différence, elle vient des agents, des agents au sens large, des citoyens, des policiers, etc. C’est-à-dire ceux qui sont en interaction. Ici, on a réussi à comprendre que ça vient des personnes, qu’il faut que dans l’interaction, il y ait une zone de tampon où les choses se mélangent et qu’elles soient en harmonie. Mais ça demande une posture de la part du policier qui ne rentre pas dans ce qu’il a l’habitude de faire (de la répression plutôt que de la prévention, ndlr) et ça demande à la population de sortir d’une position victimaire et revendicative, de toujours demander plus à l’État providence.

Lire l’ensemble du dossier sur les ‘Maillots Jaunes’ : https://www.mayottehebdo.com/reader/1865

« Il y a eu des résultats »

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Un an après la crise sociale de 2018, la ministre des Outre-mer Annick Girardin s’est rendue de nouveau sur l’île pour faire un point d’étape du « Plan d’action pour l’avenir de Mayotte ». Devant des élus et représentants des services de l’Etat, elle a déclaré que « beaucoup a été réalisé » sur les 53 engagements et 125 actions du plan acté en mai dernier.

 

Cette « réunion de chantier« , comme la nomme métaphoriquement la ministre des Outre-mer, visait à constater « ce qui a été fait, ce qui est bien fait, ce qui n’est pas fait« . Arrivée dimanche sur le 101ème département français, Annick Girardin a convié dès le soir même élus et représentants de l’Etat à un point d’étape du « Plan d’action pour l’avenir de Mayotte ».

Elle a ainsi détaillé les 53 engagements déclinés en 125 actions de ce plan élaboré en réaction au mouvement social contre l’insécurité qui a paralysé l’île au premier semestre dernier. « Il faut reconnaître ce qui a été fait et remercier ceux qui l’ont fait » même si tout « prend toujours plus de temps qu’on ne le voudrait face à des urgences (…) qui s’accélèrent de jour en jour« , a-t-elle reconnu.

La ministre a d’emblée évoqué le renfort des forces de l’ordre, « la première chose qui nous a été demandée » et notamment les 170 policiers et gendarmes supplémentaires entre 2018 et 2019. Le dispositif de sécurisation des transports scolaires – « la crise est partie de là« , a rappelé Annick Girardin – a également été félicité.

L’intensification de la lutte contre l’immigration clandestine a évidemment fait l’objet d’une attention toute particulière de la ministre qui a souligné que depuis 2019, près de 2.300 éloignements mensuels étaient réalisés contre 1.600 en 2017 ; et que les interpellations à terre d’étrangers en situation irrégulière avaient augmenté de 17%. En 2018, ce sont 7 filières de passeurs qui ont été démantelées et les Mahorais qui employaient des clandestins ont été verbalisés pour 650.000 euros d’amendes au total, a encore mis en exergue Annick Girardin.

 

« On ne fera pas de miracle »

La question migratoire fut au cœur d’échanges francs entre élus et ministre. A la suite de la présentation de l’avancement des mesures par Annick Girardin, l’adjoint au maire de Tsingoni s’est adressé à elle, se plaignant de ce que « les personnes reconduites le soir prennent le petit déjeuner le lendemain matin à Mamoudzou« . Mais l’intervention la plus remarquée fut celle du maire de Kani-Kéli, Ahmed Soilihi, qui a légitimé l’emploi de personnes en situation irrégulière, expliquant que « les Mahorais préfèrent utiliser un clandestin (…) plutôt que de se faire tabasser« . Ainsi, « pour éviter qu’il y ait du scandale dans nos villages, (…) [le Mahorais] préfère arranger ça et utiliser [le clandestin] chez lui« . Il a conclu : « Les Mahorais ont peur, ils sont terrorisés (…) par cette foule d’immigration qui ne s’arrête pas« .

Des prises de parole auxquelles la ministre a fermement répondu : « Quand les Comoriens n’arriveront pas à travailler, à se loger, (…) ils repartiront« , a-t-elle déclaré, appuyant sur « la responsabilité générale« . Elle a reçu de nombreux soutiens dont celui du président du tribunal, Laurent Sabatier, qui a martelé qu’il n’avait « jamais vu un territoire qui cultive autant d’ambiguïté« , reconnaissant lui aussi « une part de responsabilité citoyenne« . Il a en outre rappelé que Mayotte est le seul département français où le juge des libertés et de la détention (JLD) s’occupe exclusivement de la question des étrangers. Résolu à défendre le travail au long cours des « cadres qui s’épuisent« , il a précisé qu’en 4 ans, 8 magistrats supplémentaires avaient complété les effectifs, une augmentation significative pour une juridiction aussi petite.

« Je ne peux pas laisser dire que parce que nous avons peur, nous utilisons la misère [des migrants] « , s’est insurgé de son côté le maire de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili, appelant à « arrêter l’hypocrisie« . Il faut « s’attaquer au système » global de l’immigration clandestine dont les reconduites en mer « ne sont qu’un aspect« , a déclaré pour sa part le préfet de Mayotte Dominique Sorain.

« On ne fera pas de miracle, parce que c’est une île, on ne pas mettre de barrage tout autour, ce n’est pas possible« , a commenté la ministre, appelant à être « réaliste« . Elle a toutefois promis des renforts, en hommes et en navires – deux intercepteurs supplémentaires devraient d’ailleurs arriver en 2019.

 

Un nouveau site du CHM en 2027

Dans la foulée de Christophe Castaner la semaine dernière, la ministre des Outre-mer a confirmé qu’un nouveau commissariat allait voir le jour à Mamoudzou – les études vont être lancées. En matière de santé, Annick Girardin a indiqué que 192 millions d’euros ont été fléchés pour les infrastructures sanitaires – 20 millions pour des travaux d’urgence et 172 millions pour la construction d’un nouveau site du CHM avec une ouverture prévue en 2027. Du côté des ressources humaines, 30 postes de médecins spécialistes ont été créés et 8 sont déjà pourvus, même si la ministre a reconnu que le manque d’attractivité était un frein à l’embauche. Par ailleurs, le Fonds d’intervention régional, qui a pour objectif de mettre en place des campagnes sanitaires en partenariat avec les pays tiers, a doublé, passant de 7,5 millions d’euros à 15,6 millions.

A Mayotte, « ce n’est pas un problème de moyens, c’est un problème d’ingénierie« , a jugé la ministre qui a annoncé qu’une plateforme d’ingénierie (6 postes) viendrait en appui aux collectivités locales cette année. Le préfet a également pris la parole pour déclarer que face au manque d’attractivité de l’île, il envisageait « une voie de recrutement contractuelle« . « Il faut sortir de la fonction publique« , a confirmé la ministre et « mieux communiquer » sur les postes disponibles. Enfin, elle a promis que l’Etat reconnaîtrait désormais « mieux l’engagement des fonctionnaires en outre-mer » et faciliterait les mouvements de mutation de ces agents en particulier.

 

« Améliorer le recrutement »

Elle a en outre rappelé que 100 millions d’euros sur le quinquennat allaient être alloués aux constructions scolaires du premier et second degré et qu’à la rentrée 2018, 300 postes supplémentaires avaient été créés au sein de l’académie même s’ils ne sont « peut-être pas tous pourvus » et « qu’il faut améliorer le recrutement« , a-t-elle glissé.

En termes d’infrastructures, elle a loué l’augmentation de la participation financière de l’Etat à l’entretien des routes (7 millions d’euros pour les routes nationales, 9 millions pour les départementales). De plus, ce seront 140 millions qui seront injectés pour la modernisation du réseau d’eau et d’assainissement dans le cadre du contrat de progrès signé avec le Sieam et 5,5 millions avec la participation de l’Europe pour le déploiement de la fibre optique sur 55 sites prioritaires (hôpital, établissements scolaires, administrations).

Grâce au maintien du CICE sur le territoire, à la création des premiers emplois francs et à la défiscalisation, entre autres, « le modèle [économique] le plus avantageux [de France], il est ici« , a estimé Annick Girardin. Les mesures d’urgence mises en place par le président de la République sont également applicables sur le 101ème département français, telles que la prime d’activité pour les revenus proches du Smic et la défiscalisation de la prime de fin d’année. « Ce qu’on attend, c’est la concrétisation de tout ça« , a souhaité au micro la présidente du Medef de Mayotte, Carla Baltus.

L’état d’avancement de ces mesures est disponible sur le site https:/transparenceoutremer-mayotte.gouv.fr/. La ministre des Outre-mer quittera le territoire ce mardi soir.

Délinquance, la décroissance

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Les chiffres poursuivent leur tendance baissière au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier. Avec 203 faits délictueux de moins pour un total de 2.045 contre 2.248 au 1er trimestre 2018, les actes délictueux sont en baisse de 9%. Sans se féliciter du niveau général, toujours élevé, d’insécurité, les services de l’État appellent à poursuivre les politiques engagées.  

Après des années de « hausse exponentielle » jusqu’en 2016, la baisse des chiffres de la délinquance se confirme au premier trimestre de cette année, a dévoilé le préfet Dominique Sorain ce jeudi dans les locaux de la Direction départementale de la police aux frontières (DDPAF). À Mayotte, la délinquance générale a ainsi diminué de 9% au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier, avec 2.045 faits recensés au total (-203 faits). Cette diminution semble pérenniser celle déjà observée sur l’ensemble de l’année 2018, avec un nombre d’actes délictueux en baisse de 8,8% par rapport à l’année précédente. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de délinquance« , a d’emblée relativisé le préfet ce jeudi, conscient que les chiffres ne retranscrivent que rarement la perception d’une population, et particulièrement celle des Mahorais, qui n’ont certes pas oublié le début d’année 2018 et ses sept semaines de grève générale contre l’insécurité. « Bien sûr que les gens sont touchés lorsqu’ils sont victimes, et ce n’est pas admissible« , indubitablement, « de la délinquance, il y en a toujours trop » dans le 101ème département, a insisté le préfet, « mais on ne peut pas parler de développement galopant« , a-t-il nuancé. Si pour lui, « la délinquance zéro n’existe pas« , les efforts entrepris ces derniers mois doivent être poursuivis, comme l’a fait valoir le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner lors de sa visite-éclair du début de semaine.

 

Une plus forte baisse en zone police

D’un point de vue géographique, la tendance se confirme autant en zone police qu’en zone gendarmerie, bien qu’à des niveaux différents. Ce début d’année aura ainsi enregistré 162 faits de moins dans la première et 41 dans la seconde. Une disparité qui s’explique notamment par le fait que la délinquance avait beaucoup augmenté en zone police, particulièrement en 2016, et par la mise en place de la vidéosurveillance à Mamoudzou. Un dispositif d’autant plus « dissuasif« , selon les termes du préfet Sorain, qu’il est couplé à l’initiative de participation citoyenne des Maillots jaunes (ex-Gilets jaunes), ces citoyens volontaires qui patrouillent bénévolement dans les rues de la commune pour prévenir les actes délictueux. Le système, désormais formalisé et encadré par un contrat de partenariat avec la police (voir Mayotte Hebdo n°881 de ce vendredi 19 avril), exclut d’emblée toute personne en situation irrégulière et définit une série de droits et de devoirs stricts. Le dispositif a d’ailleurs fait des émules en zone gendarmerie. Celle-ci vient de signer avec les mairies de Bandrélé et Chirongui des conventions en ce sens, a dévoilé le général Philippe Leclercq ce jeudi. Du côté de la gendarmerie, cette diminution de « seulement » 41 faits sur le premier trimestre s’explique aussi, selon ce dernier, par le fait que la gendarmerie exerce sa compétence sur pas moins de 72% de la population du département. Par ailleurs, les chiffres de référence sont ceux de 2018, et s’inscrivent dans un contexte particulier pour les gendarmes, qui ont eu à essuyer l’essentiel des difficultés liées au mouvement social.

 

Moins de cambriolages, plus de reconduites

 

Dans le détail, le paysage délictueux de ce premier trimestre se caractérise par une nette diminution des cambriolages (-32,2%) avec 179 faits, contre 264 à la même période l’an dernier. De manière générale, les atteintes aux biens sont en recul de 16,7%. Les atteintes volontaires à l’intégrité physique sont également en baisse, bien que dans une moindre mesure, avec 781 faits constatés contre 809 au premier trimestre 2018 (-3,46%). À noter toutefois que les violences gratuites augmentent de 4,36% en moyenne (bagarres, règlements de comptes; altercations, conflits de voisinage…) et que la diminution globale des atteintes physiques est tirée par celle des violences crapuleuses (-24,57%).

Du côté de la lutte contre l’immigration clandestine, les interpellations à terre ont progressé de 104% par rapport au premier trimestre 2018, a fait valoir la préfecture. Au total, près de 7.000 étrangers en situation irrégulière (ESI) ont été éloignés, à 98% vers l’Union des Comores. En moyenne, 77 personnes ont été reconduites chaque jour, contre 54 en 2017.

 

Violences intrafamiliales et accidents de la route en hausse

 

À contre-courant de la tendance globale, les violences intrafamiliales sont en hausse de 116,32%, tout comme l’accidentologie routière, avec des accidents corporels en augmentation de 83% et un nombre de blessés en hausse de 57%. En outre, trois personnes ont perdu la vie sur les routes de Mayotte ce trimestre.

Le bond des violences intrafamiliales – ce « fléau social« , selon les termes du préfet Sorain –  s’explique quant à lui par une nette augmentation du nombre de plaintes des victimes supposées et des signalements émanant des hôpitaux, écoles, Aide sociale à l’enfance (ASE) ou Protection maternelle infantile (PMI), a souligné le directeur départemental de la sécurité publique Philippe Jos. « En l’espace de trois ans, je n’ai jamais vu autant de signalements« , a-t-il relevé. Quant à l’augmentation du nombre des plaintes, elle résulte notamment de la mise en œuvre récente de diverses campagnes de sensibilisation et de nouveaux dispositifs tels que la Salle Mélanie pour les mineurs ou l’accompagnement au titre de l’aide aux victimes, a pointé le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet.

 

Une meilleure coordination et des politiques ciblées

 

Parmi les facteurs d’explication de cette tendance globale, une plus grande présence des forces de sécurité, qui devrait s’accentuer sur le territoire dans les mois à venir, et la « qualité des rapports entre magistrats et services de l’État« , saluée par le préfet. La « fin de cette querelle stupide entre la police qui fait, et la justice qui pense » a également permis, selon le procureur de la République Camille Miansoni, d’aboutir à une meilleure « coordination » entre les services, au profit d’une action plus efficace. C’est aussi le développement de nouvelles politiques, plus ciblées et adaptées au territoire, qui porteraient leurs fruits. Le fait, par exemple en matière de travail illégal, de « toucher les délinquants au portefeuille » serait ainsi « la sanction la plus efficace« . Il s’agira encore de confisquer les terrains dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne, ou les cultures dans le cadre des défrichages illicites. Outre ces politiques ciblées, la préfecture entend mettre l’accent sur la prévention, compte tenu du fait qu’un tiers des mis en cause ce premier trimestre étaient des mineurs, a rappelé le préfet. À titre d’exemples, la toute jeune BPDJ (Brigade de prévention de la délinquance juvénile), mise en place l’an dernier, ou le dispositif des élèves « pairs » pour lutter contre les violences en milieu scolaire.

 

Porter plainte : « une démarche civique« 

Interpellé ce jeudi par un journaliste sur une supposée baisse du nombre de plaintes et sur l’exaspération d’une population qui n’en verrait pas, ou plus, l’intérêt, le préfet Dominique Sorain a insisté sur l’importance de la démarche et encouragé toute personne qui se considérerait comme victime à la suivre de manière systématique. Il a également rappelé que le dépôt de plainte est le point de départ quasi indispensable – sauf à ce que le parquet ne s’autosaisisse –  au lancement de poursuites et à l’interpellation des auteurs. « Nous en avons besoin pour avoir connaissance des faits et pour ouvrir les enquêtes« , a-t-il fait valoir, tandis que le général Leclercq évoquait une « démarche civique au service de la communauté« . Quant à la diminution supposée du nombre de plaintes, le commissaire Jos a balayé l’idée. « J’ai plutôt l’impression qu’on s’inscrit dans la tendance inverse« , a-t-il estimé, et ce, « à Mayotte, comme en métropole, ne serait-ce que pour des questions d’assurance, qui permettent de se faire rembourser un téléphone volé ou de faire refaire des papiers d’identité perdus« .

 

À Mayotte, l’esclavage oublié

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La douzième édition du festival des arts traditionnels de Mayotte, le Fatma, se déroulera du 23 au 28 avril. Concomitant à la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le festival sera l’occasion de présenter le premier ouvrage jamais écrit sur l’esclavage à Mayotte.

Créé par le conseil départemental en 2007, le Fatma (festival des arts traditionnels de Mayotte) souhaite organiser un moment d’échanges et de convivialité autour de la richesse culturelle de l’île. Foire artisanale, exposition, carnaval, danses et chants traditionnels rythmeront la semaine. Au-delà de la mise en avant des savoir-faire mahorais, la philosophie du Fatma s’inscrit avec la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le 27 avril. Si le passé esclavagiste de l’île est souvent méconnu, voire passé sous silence, selon les organisateurs, il constitue un héritage socioculturel qui imprègne toujours le quotidien des Mahorais et Mahoraises. Pour rappel, Mayotte a été la première des possessions territoriales françaises à franchir le pas de l’abolition, le 9 décembre 1846. Les autres colonies et possessions ne parvenant à une abolition totale que deux ans plus tard, le 27 avril 1848.

Le chorégraphe Jeff Ridjali, intervenant au festival, veut transmettre cette mémoire, bien vivante, dans son art. D’ailleurs, « on peut lire la présence de l’esclavage à travers les mouvements et les émotions des danses traditionnelles de Mayotte. On y retrouve un langage empli de messages historiques. » Cet art ancestral se perpétue cependant de moins en moins, regrette-t-il, d’où la volonté de le mettre à l’honneur le temps d’une soirée au festival Fatma.

 

Le premier ouvrage sur l’esclavage à Mayotte

Afin de rompre avec cette idée faussement répandue que l’esclavage à Mayotte n’a pas existé, le conseil départemental a supervisé la création du livre L’esclavage à Mayotte et dans sa région, du déni mémoriel à la réalité historique*. Cet ouvrage scientifique, mêlant histoire, ethnologie, sciences du langage et archives, à destination du grand public et en particulier la jeunesse a été coécrit par cinq auteurs, archivistes, universitaires et chercheurs en histoire, ethnologie, ou sciences du langage. Pour Maoulana Andjilani, du pôle Services à la population du conseil départemental et à la tête du comité éditorial, « cet ouvrage va nous réconcilier avec nous-mêmes et surtout, permettre à la jeunesse de s’approprier son histoire. » L’année dernière, le festival avait déjà inauguré une stèle commémorant l’abolition de l’esclavage dans le jardin du conseil départemental. Cette nouvelle pierre à l’édifice mémoriel de l’esclavagisme à Mayotte est à découvrir à partir du samedi 27 avril.

*Auteurs : Abdallah Ali Latufa, Charpentier Michel, Condro Mlaili, Lebel Anne, N’guizijou M’Dahoma Issa et Yahaya Boinaïdi Siti.

 

Programme :

  • Du mardi 23 au vendredi 26 avril :
  • Foire artisanale à la MJC de Mamoudzou
  • Samedi 27 avril : ouverture officielle du festival
  • De 8h30 à 12, à l’hémicycle Younoussa Bamana : cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage et présentation de l’ouvrage « L’esclavage à Mayotte et dans sa région, du déni mémoriel à la réalité historique ».
  • De 14h à 16h, au musée de Mayotte de Dzaoudzi : vernissage de l’exposition du peintre Gausst.
  • De 20h à 00h, sur le parking de la place du cinéma ALPAJOE : gala de danses folkloriques, sur le parking de la place du cinéma ALPAJOE.
  • Dimanche 28 avril :
  • De 12h30 à 18h, au terrain du Baobab, vers le terre plein de M’Tsapéré : grand carnaval sur l’abolition de l’esclavage à Mayotte.
  • De 20h à 00h, au Remblai de M’Tsapéré : grand Chigoma de clôture.

Un schéma à adopter pour 2020

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Les premiers Ateliers du territoire débutent ce jeudi. Au total, quatre sessions seront organisées tout au long de l’année pour permettre l’élaboration du SAR, le schéma d’aménagement régional. Son objectif : orienter et planifier le développement territorial de Mayotte sur le long terme, en concertation avec tous les acteurs de l’île.

 

D’ici trente ans, Mayotte devrait compter « au moins » 500.000 habitants, estime le conseil départemental. « Cette transformation globale de la société mahoraise se traduira inévitablement par une forte modification de l’occupation de l’espace« , indique un communiqué émanant de l’institution. Dans ce contexte, le schéma d’aménagement régional (SAR), propre à chaque région d’Outre-mer, constitue un outil stratégique d’orientation et de planification inédit en matière d’infrastructures, de logements, d’équipements publics et commerciaux, de déplacements et d’environnement.

« C’est le Mayotte de demain que nous allons inventer et construire tous ensemble« , résume solennellement Nomani Ousséni, conseiller départemental et référent du projet. Pour cela, quatre « Ateliers du territoire » de deux jours chacun seront organisés sur toute l’île courant 2019. Des élus, des acteurs de terrain, des techniciens, des associations et bientôt des jeunes (près de 150 personnes au total pour chaque atelier) seront conviés à ces visites, conférences et débats à l’issue desquels ils élaboreront en concertation les axes de projets qui seront ensuite formalisés dans le document final. 

Coup d’envoi de la première session

La première de ces quatre sessions débute d’ailleurs ce jeudi autour du sujet « Mayotte au monde« . Cette thématique se penche spécifiquement sur les déplacements des Mahorais en dehors de l’île, le positionnement de Mayotte dans son environnement régional et mondial via le port et l’aéroport, ainsi que « les incidences de ce développement sur l’organisation et la structuration du territoire« . « La finalité de cette première session d’Ateliers du territoire est d’inscrire le SAR dans la réalité de l’espace d’expansion et de rayonnement de Mayotte« , précise le conseiller Ismaël Zoubert, chef de projet.

Parallèlement à ces ateliers réservés à un public spécifique, la population sera appelée à s’approprier ce vaste chantier lors de rencontres dédiées, de réunions publiques et d’appels ponctuels à contribution. Une première concertation est d’ores et déjà prévue pour le mois de juin, via « des supports et des outils de diffusion« , commente Sébastien Ramora, responsable d’agence d’Ateliers UP+, une agence spécialisée dans l’urbanisme et membre du groupement de bureaux d’études en charge de l’élaboration du SAR. Parmi les outils cités, une maquette de Mayotte de cinq mètres de long, qui ira « de village en village » afin de faire découvrir aux habitants les projets portés par le schéma. « Il faut créer un évènement, faire de la pédagogie pour que la population s’empare du sujet« , développe Laurence Boumati, architecte d’UP+.

 

Des délais « serrés »

Le schéma final « devra être adopté par le conseil départemental courant janvier 2020« , explique Nomani Ousséni, avant d’être validé par le préfet, présenté au grand public puis discuté et approuvé en conseil d’État. Le tout dans la même année, calendrier électoral oblige. « Au départ, l’approbation devait être décidée en 2021, mais le délai a dû être raccourci à cause de l’élection départementale« , explique le référent du projet.

Les délais sont « serrés« , Nomani Ousséni le reconnaît. Mais ce planning évite de prendre le risque de voir l’élaboration du schéma retardée par un renouvellement du conseil départemental. Déjà en 2008, le plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte était resté dans les cartons, à cause de la départementalisation. Cette fois-ci, « nous ne voulons plus reproduire les mêmes erreurs« , assure l’élu du canton de Sada. Et de conclure : « Ce n’est pas juste un document. Il y a derrière une vraie volonté d’en faire un outil collaboratif et opérationnel« .

La grippe saisonnière en recrudescence

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L’activité de consultation des cabinets libéraux et des urgences du centre hospitalier est en augmentation depuis la fin du mois de février, indique l’ARS OI (Agence régionale de santé océan Indien). Pour limiter les risques de contamination, une campagne de vaccination, débutée le 15 avril, va se poursuivre jusqu’au 30 septembre.

 

Personnes âgées, femmes enceintes, enfants de six mois à cinq ans, personnes atteintes de maladies chroniques, etc., sont invitées à se faire vacciner au plus vite. Et pour cause, les consultations pour symptômes grippaux sont en « nette augmentation » dans l’île depuis la fin du mois de février, rapportent les médecins du réseau de surveillance épidémiologique Sentinelle. Loin de se limiter aux cabinets libéraux, cette tendance est constatée également au sein des urgences du centre hospitalier de Mayotte (CHM). La surveillance du virus opérée par les médecins du dispositif Sentinelle a permis de mettre en évidence une circulation virale de type A, indique l’Agence régionale de santé océan Indien (ARS OI). Il en existe de nombreux sous-types tels que A (H1N1) et A (H3N2). Sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on peut ainsi lire que « seuls les virus grippaux de type A ont été à l’origine de pandémies« .

Pour rappel, la grippe est une infection respiratoire aigüe et très contagieuse. Ses symptômes les plus courants sont une fièvre supérieure à 39°C « d’apparition brutale » accompagnée de courbatures et de divers troubles respiratoires. La propagation s’effectue par voie aérienne, lors de la toux, de l’éternuement, des postillons, par le contact rapproché avec une personne malade, ou avec des objets touchés par celle-ci (poignées de porte, par exemple).

Des réflexes d’hygiène simples et un vaccin gratuit

Pour éviter la contamination, quelques mesures peuvent être appliquées au quotidien, rappelle l’ARS OI. Elles doivent être renforcées au contact de personnes vulnérables. Voici ces mesures : se laver les mains régulièrement avec de l’eau et du savon ou les désinfecter avec une solution hydroalcoolique ; se couvrir la bouche avec un mouchoir ou dans sa manche à chaque toux ou éternuement et transmettre ce réflexe aux enfants ; se moucher dans des mouchoirs à usage unique et les jeter ; éviter de serrer des mains, d’embrasser, de partager ses effets personnels (brosses à dents, couverts, etc.), notamment avec les plus fragiles.

Outre ces bons gestes, la vaccination reste « une priorité » pour les personnes les plus vulnérables, indique l’ARS OI. C’est le cas dès 65 ans, ou en cas de maladies chroniques, de grossesse, ou d’obésité. Les professionnels de santé sont également directement concernés. Si la vaccination ne permet pas « toujours » d’éviter la maladie, « le vaccin réduit le risque de complications graves ou de décès« , insiste l’agence de santé. Et de rappeler que la campagne actuelle offre aux « populations prioritaires » une prise en charge à 100%. Aussi, un courrier d’invitation à la vaccination sera-t-il envoyé par l’Assurance maladie à l’ensemble des assurés de plus de 65 ans et à certains professionnels de santé libéraux : généralistes, pédiatres, gynécologues, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes. Les pharmaciens d’officine devraient également recevoir un courrier de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Pour les personnes qui n’y sont pas directement invitées, il faut se rendre chez un médecin traitant : une prescription leur sera délivrée « si leur état de santé le nécessite« .

 

 

Remise de médailles sans le « ministre de l’urgence »

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Ayant quitté précipitamment le territoire dans la nuit de lundi à mardi en raison de l’incendie de Notre-Dame de Paris, le ministre de l’Intérieur n’a pu honorer le programme de son dernier jour sur l’île aux Parfums – et notamment d’une cérémonie de remises de médailles prévue ce mardi. C’est donc le préfet Dominique Sorain qui s’en est chargé, affirmant que le « ministre de l’urgence » avait, malgré son départ soudain, porté « une attention particulière » aux problématiques de l’île aux parfums.

 

Une légère ambiance de déception flottait ce mardi matin au-dessus de la préfecture de Grande-Terre, avant que le préfet ne remette des médailles aux agents de la fonction publique et aux membres de la société civile s’étant distingués. En effet, cette cérémonie devait s’inscrire dans le cadre de la visite de Christophe Castaner, arrivé dimanche sur l’île aux parfums mais reparti précipitamment dans la nuit de lundi à mardi, pour « pouvoir se rendre à Paris afin d’apporter son soutien et de témoigner de sa solidarité aux Français » après l’incendie survenu lundi soir à Notre-Dame de Paris.

Atmosphère un peu ébahie ce matin donc, sur le site de la préfecture de Grande-Terre, même si l’on entendait au loin les sifflets familiers de la manifestation des grévistes du premier degré emmenés par le SNUipp-FSU, certainement placés devant le vice-rectorat.

Aux côtés d’un panel de personnalités locales – le procureur de la République Camille Miansoni, le général Philippe Leclercq, le maire de Mamoudzou Mohamed Majani, etc. –, le préfet Dominique Sorain a prononcé un discours solennel à l’adresse des agents de la fonction publique, des représentants du monde économique et des notables du monde civil. Il a d’abord partagé avec l’assemblée le contenu de ses derniers échanges avec le ministre de l’Intérieur, ayant décollé vers 2h du matin dans la nuit de lundi à mardi à bord d’un Falcon de la Marine nationale. Ce dernier aurait « regretté de ne pas avoir pu achever cette visite » à laquelle il a toutefois porté « une attention particulière« . Mais être ministre de l’Intérieur c’est être « ministre de l’urgence« , a rappelé Dominique Sorain et son absence à Paris alors qu’un incendie venait de ravager l’un des monuments les plus symboliques de la capitale « n’était pas concevable« .

Déplacement « marathon »

Cependant, son séjour « marathon » aura permis au ministre de « repartir avec de nombreuses pistes« , y compris dans le domaine environnemental, a assuré le préfet lors de son discours mardi matin. Christophe Castaner aurait encore confié au préfet qu’il était « fier » de l’engagement des services de l’État à Mayotte mais qu’il « comprenait que certains trouvent qu’il n’y avait pas eu assez d’efforts pour Mayotte« . Dominique Sorain a rappelé les engagements du ministre de l’Intérieur : l’implantation d’un plus grand commissariat à Mamoudzou dans les prochaines années, le maintien du troisième escadron de gendarmerie mobile et l’arrivée de plus de 60 personnels de sécurité en 2019. « Il a pris pleinement conscience de l’impact de l’immigration illégale« , a encore déclaré Dominique Sorain. À ce sujet, le haut représentant de l’État à Mayotte a estimé que « les efforts paient mais que nous devons rentrer dans un nouveau processus » et notamment un dispositif civilo-militaire, tel que le souhaite le président de la République. Cette stratégie avait été évoquée lundi par Christophe Castaner alors qu’il était à bord du navire intercepteur. Elle permet entre autres une coordination plus affirmée entre les différents corps, la Marine, la police aux frontières, les douanes, la gendarmerie, voire la Légion étrangère, dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. « Il nous faudra être plus ambitieux« , a déclaré fermement le préfet.

 

Rires non protocolaires

À la suite de son discours, le préfet a remis des médailles aux policiers, gendarmes, militaires, fonctionnaires des services de l’État et membres du monde associatif s’étant particulièrement distingués ces derniers mois. Ainsi ont-ils été décorés de médailles de bronze et d’argent pour leur mobilisation, notamment lors du mouvement social de 2018, de la crise des décasages ou encore durant celle des « gilets jaunes » à La Réunion alors qu’ils avaient été envoyés en renfort. La cérémonie s’est déroulée dans la plus grande solennité à l’exception de la remise de médaille à Binti Assani, du service de paie de la préfecture. Décorée pour avoir « contourné chaque jour les barrages au prix de plusieurs heures de marche quotidienne pour assurer le service de paie« , Binti Assani a eu toute la sympathie du public. Quelques rires ont émaillé l’assistance à la lecture de ces quelques mots, se sont généralisés puis ont été suivis de francs applaudissements. « C’est hors protocole mais ça donne une grande popularité« , s’est amusé le préfet. Si le ministre de l’Intérieur a dû écourter son séjour, la ministre des Outre-mer Annick Girardin est, elle, toujours attendue le week-end prochain.

FAISSOIL SOILIHI – SOCIOLOGUE ET CONSULTANT EN STRATÉGIE

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Sociologue, Faissoil Soilihi, l’affirme : il n’est pas indispensable de partager le même mode de vie pour se comprendre et échanger, mais seulement d’identifier un sens commun, un objectif à partager, pour apprendre à se connaître. Entretien.

 

Mayotte Hebdo : Selon-vous, les métropolitains sont-ils porteurs, eux aussi, de stéréotypes ?

Faissoil Soilihi : Aucune personne ne peut se détacher de ses propres a priori. Cela voudrait dire qu’elle n’a pas de culture. Le fait d’avoir une trajectoire sociale qui a été nourrie d’une forme d’acculturation et de socialisation implique qu’il y ait des a priori, des prises de position, et parfois de l’idéologie lorsque cela va plus loin. Mais il faut voir les choses de façons claires : si l’on porte un jugement sur les wazungus, alors on tombe nous-mêmes dans le piège.

MH : Ils ont pourtant parfois l’image de personnes ne s’intéressant que trop peu en profondeur au territoire, de par le peu de temps que beaucoup y passent. Le turn-over est bien connu…

FS : Qu’est-ce qui amènerait une personne à quitter sa terre, les siens, son histoire, sa trajectoire, pour aller à l’autre bout du monde, quand bien même s’agit-il d’un territoire français ? Là, on peut avoir plein de justifications possibles. Tout se résume donc autour de l’objectif que chaque personne se donne : « Je vais à Mayotte parce que j’ai un emploi », « Je vais à Mayotte parce que j’ai besoin de changer d’air », « Je vais à Mayotte parce que j’aime apprendre des autres », etc. Ce qui veut dire que l’on ne peut pas obliger un mzungu à vouloir apprendre des Mahorais. Il faudrait que lui-même se dise que parce qu’il veut apprendre des autres, son expérience sociale sera meilleure. Mais c’est aussi à nous de travailler là-dessus.

La question ici, et pour tout le monde, est surtout « Comment faire pour quitter son champ de socialisation ? » Par exemple, aller voir ce qui se fait sur le plan culinaire, artistique, et dans bien des domaines. Il y a des wazungus qui, parce qu’ils ne veulent pas mal vivre leur expérience sociale sur le territoire et rester sur des a priori, repartir avec les mêmes schémas construits en partant de Paris-Charles de Gaulle, vont aller voir les autres et faire avec eux. Lorsqu’on quitte sa zone de confort et que l’on va à la rencontre d’une autre culture, on se met en danger pour s’enrichir, pour aller rechercher d’autres valeurs alternatives ou contradictoires avec la façon dont on se représente le monde. C’est là que l’on peut parler d’intelligence. L’intelligence, ce n’est pas le fait de tout savoir, mais la capacité à pouvoir mettre en lien des éléments qui, au départ, étaient des éléments distincts.

MH : Diriez-vous que ces deux communautés se comprennent ? Ou bien qu’elles ne se sont pas encore rencontrées ?

FS : Oui, elles se comprennent, mais selon les espaces qu’elles partagent, selon les besoins dont chacun se revendique. Il y a des endroits où Mahorais et wazungu se retrouvent, que ce soit dans le milieu professionnel, que ce soit dans un bar, dans un restaurant, etc. Ils peuvent ne pas manger ensemble, mais ils partagent le même espace.

Toujours est-il que, de plus en plus, le temps joue aussi un rôle important, au-delà des espaces. Le temps, c’est la manière dont les générations de Mahorais qui reviennent sur le territoire reprennent un certain nombre d’aptitudes culturelles qu’ils ont eu à pratiquer ailleurs. Ce qui veut dire qu’ils se rejoignent avec les wazungu sur des habitudes culturelles que ces derniers essayent de revivre ici. Il y a des pratiques, des habitudes, qui font que les wazungus et certaines franges de la population mahoraise se retrouvent. Elles permettent à ces deux populations de se retrouver.

MH : Doit-on comprendre que la rencontre est en train de se faire ?

FS : Bien évidemment. Mayotte est en train d’évoluer. Avec les crises que l’on connait aujourd’hui et leur nombre dans un laps de temps si court, il faut comprendre une chose : le besoin en matière d’infrastructures, de politiques culturelles, de politiques éducatives, sanitaires, économiques, etc. est réel. Cette rencontre entre les deux communautés se fait sur la base de ces revendications. Elles constituent des espaces qui permettent de dire « À Mayotte nous avons besoin de plus de santé, d’économie, d’être libre, de nous exprimer, d’avoir des dirigeants qui soient des visionnaires, etc. » In fine, cela veut dire qu’il y a un besoin de sécurité. On dit la chose suivante : « On ne veut plus seulement de la protection donnée depuis 1841, mais aussi de la sécurité. » Ce sont deux choses différentes. Dans la sécurité, il y a cette recherche du vivre-ensemble. Que ce soit entre les cultures, les populations, il y a cette recherche de mouvement qui permet de nous sécuriser. C’est ce qui fait la différence avec la notion de protection, qui s’apparenterait à quelqu’un qui construirait un fort pour se protéger. La sécurité, elle, est une recherche d’équilibre, comme une personne pédalant sur un vélo : à un moment donné le pied droit est en haut, mais à un autre le pied gauche reprend le dessus, et ainsi de suite. C’est ce que l’on recherche ici.

« IL Y A UNE RECHERCHE DE VIVRE ENSEMBLE »

MH : Finalement, même si on a l’impression qu’il n’y a pas tant de partage que cela, nous serions donc déjà dans ce mouvement, dans cette recherche de but commun ?

FS : Exactement. Il faut rechercher l’équilibre, et on ne peut pas l’avoir tant qu’on ne nous dit pas quelle ligne suivre. Ce n’est pas une loi, ce n’est pas quelque chose de répréhensible ou d’interdit, c’est quelque chose qui doit s’inscrire dans la dynamique collective. À Mayotte, on parle de stratégie, mais le but n’est pas encore connu. Qu’est-ce qui serait le mieux pour ce territoire de par sa position géographique, géologique, sa culture, son passé, etc. ? C’est cela que l’on doit déterminer : un but commun, pour mettre tout le monde dans cette dynamique là. Les Mahorais et les wazungus apprendront alors à mieux se connaître. Dès lors, chaque fois qu’il y aura des désaccords, on pourra se rattacher au but commun, la démarche initiale.

MH : Vous parliez de désaccords et de crise. Justement, si les rapports entre les deux communautés sont globalement bons, on sent parfois des crispations lors des crises sociales. Les a priori des uns et des autres ressortent plus facilement. Le métropolitain est celui qui a l’argent d’un côté, le Mahorais est celui qui fait toujours grève de l’autre, etc. C’est l’absence de but commun qui provoque ces réactions ?

FS : Imaginez que l’on identifie clairement ce but commun, et que l’on distribue les tâches à chacun sur la base de ce qu’il sait faire. À partir de là, toutes les justifications qui émaneraient d’une forme d’idéologie préconçue sur l’autre n’auront pas de place. Lorsqu’on reste sur des revendications qui consistent à dire qu’on aime plus Mayotte que les autres, on ne va rechercher que des critères qui émanent de la nature de l’autre. Et là forcément, on ne peut voir que des formes de désaccords, soumises à une forme de jugement. Des traits au niveau des personnes identifiées vont être utilisés comme des éléments justifiant le fait que telle ou telle personne doit être jugée comme ci ou comme ça. En revanche, lorsque les tâches ont été distribuées, quel que soit le comportement ou le jugement moral que l’on porte sur untel ou untel, la seule chose exigée, c’est le résultat. C’est le savoir-faire et le savoir de chacun qui intéresse. Le jugement qui émanerait des valeurs culturelles ou identitaires n’a plus lieu d’être. Chacun dépend de l’autre. C’est ce à quoi il faut parvenir.

Cela dit, identifier un objectif ne fera pas tout. Il faudra aussi distribuer les tâches selon les compétences des uns et des autres pour éviter les frustrations. Une fois d’accord là-dessus, il restera juste à réguler. Il pourra y avoir des conflits, oui, mais celui qui tient la manette pourra dire « Stop » aux conflits subjectifs – qui consistent à avoir des jugements interpersonnels – dans un champ où l’on demande plutôt d’avoir des conflits dits objectifs, des conflits sur la manière de réaliser les choses. La manière de faire plutôt que la manière d’être. Il faudrait qu’on y arrive.

MH : Vous défendez en ce sens la notion de management interculturel. De quoi s’agit-il ?

FS : C’est un instrument utilisé par beaucoup, inspiré des anthropologues, pour travailler sur un certain nombre de territoires comme Mayotte, à 8 000 kilomètres de Paris sur le plan géographique, mais aussi culturel. Aujourd’hui, avec les évolutions que l’on connait et les crispations dont nous avons parlé, on ne peut pas avoir une approche consistant à appliquer les mêmes mécanismes de management qu’en métropole. Personne n’est gagnant dans cette affaire-là. Celui qui fait ainsi aura plus de travail au final et il devra être en permanence derrière ses employés, car il n’aura pas leur confiance, et ils n’auront pas gagné la sienne. Cela ne peut pas fonctionner ainsi, cela ne peut que ramer. Par exemple, il y a des gens qui travaillent dans une entreprise à des postes de petits subordonnés, alors qu’ils sont des chefs dans leur village, et ont la mentalité qui va avec. Parce qu’on n’a pas demandé à la personne qui elle était chez elle, on s’empêche de développer des capacités humaines que l’on pourrait exploiter pour le bien de l’entreprise. Le salarié qui est dans ce cas ne peut pas se sentir concerné. In fine donc, il se dit que ce qui l’importe, c’est son équilibre familial, et donc de percevoir un salaire.

Un savant sénégalais, Cheikh Amadou Bamba, disait que l’équilibre de la société pouvait se retrouver autour de trois niveaux liés au concept du travail, qui est un concept universel. La première définition qu’il donne du travail est le salaire, la rétribution, le khasbou – hisabou en maoré, le décompte. On oblige ces gens à s’arrêter à ce sens-là du travail, au niveau de la contribution-rétribution, alors que si l’on connait la valeur du collaborateur dans d’autres espaces que celui du travail, on peut le mobiliser sur d’autres choses. On peut l’amener vers le sens dans le travail à mener, au-delà la rétribution. Cheick Amadou Bamba parle de l’enseignement que l’on donne en retour de l’action qui a été accomplie. Lorsqu’on amène cette même personne vers le sens du travail, on l’incite lui-même à faire des heures supplémentaires sans qu’il demande quoi que ce soit en échange. C’est la deuxième définition.

À Mayotte, il a rupture sur le plan culturel et sur le sens à donner au travail commun à réaliser, donc on s’arrête au premier niveau, le khasbou, alors qu’il faut arriver au sens donné au travail, au-delà de la rétribution.

Une fois qu’on sera parvenu à donner du sens à l’action du travail, le troisième niveau arrivera : khadima, avoir de la bienveillance, travailler pour l’intérêt général, dépasser ses propres besoins personnels imminents et travailler pour le collectif. C’est à cela que les managers ou les personnes qui viennent à Mayotte pour diriger doivent être sensibilisés. La question à se poser est « Comment partir de la notion d’individualisme pour arriver à celle de collectivisme ? » La manière de se représenter ce processus est différente en France métropolitaine, à Mayotte, en Angleterre, en Espagne, etc. Il faut donc s’approprier celle qui convient pour parvenir à mobiliser les personnes dans l’intérêt du collectif. De la même manière qu’à l’échelle de la société tout entière, il s’agit de dépasser ses propres besoins pour trouver un but commun.

« ON NE PEUT PAS DEMANDER À UN MZUNGU DE DEVENIR MAHORAIS »

MH : Revenons-en donc à la question des communautés. Finalement, wazungus et Mahorais n’ont pas nécessairement à confondre leurs modes de vie, mais simplement à se retrouver autour d’un objectif commun clair ?

FS : Oui, on ne peut pas demander à un mzungu de devenir Mahorais, et réciproquement. Il ne faut pas chercher la petite bête, la façon dont chacun se représente l’autre, mais aller sur des choses simples et objectives. Comme ont dit, la meilleure façon d’identifier un traitre c’est de le mettre à l’oeuvre. Alors, distribuons les tâches à tout le monde et on verra qui s’engagera ou pas, qui est de bonne volonté ou pas, mais uniquement sur la base de la contribution. Toutes les sociétés qui ont réussi à vivre avec plusieurs cultures, sur un temps très long parfois, ont compris cela. Il n’y aura plus de crispations entre wazungu et mahorais en situation de crise si, au préalable, un objectif commun a été trouvé et que les tâches ont été distribuées, tout simplement parce qu’il n’y aura plus de crise.

Un second trophée pour Mami

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Dimanche à Sakouli, dans une finale inédite, l’entreprise Mayotte Maintenance Industrielle (Mami) a remporté la 18ème édition du Beach Foot Entreprises, face à la Star Urahafu. Le second trophée pour Mami après celui de 2015.

 

Le triplé annoncé de MCTP n’aura pas eu lieu. Vainqueur des deux dernières éditions du Beach Foot Entreprises, la société de bâtiments et travaux publics a cette année cédé dès les quarts de finale, aux tirs aux buts, dans une finale avant l’heure face à la Colas (0-0, 3-2). La qualification de la Colas aux dépens de MCTP, faisait de lui le grand favori.

Mais en demi-finale, les coéquipiers de Jean François Crescence, triples vainqueurs du tournoi et finalistes 2018 sont à leur tour tombés face à un outsider : l’entreprise Mayotte Maintenance Industrielle (1-0). Après une excellente compétition, ponctuée par le prix de la meilleure attaque, Mami a fini le travail en dominant la Star Urahafu en finale (2-0).

Ce dénouement marque le retour au sommet d’une équipe déjà gagnante du tournoi et qui a régulièrement fait de la victoire finale un objectif à atteindre. Mansour Mari, gérant de l’entreprise Mami, n’a d’ailleurs jamais caché sa volonté de recruter ses salariés en partie en fonction de leur niveau footballistique, au vu de l’événement Beach Foot Entreprises.

Cela a failli payer en 2014, quand, pour leur première participation, Mami se hissait sur le podium. L’année suivante, la stratégie de recrutement avait fait mouche : l’entreprise remportait son premier trophée de vainqueur au BFE 2015. Après trois éditions passées dans l’ombre de la Colas et de MCTP, avec notamment une seizième place au classement général en 2018, la société de maintenance industrielle renoue donc avec le triomphe.

Pour l’agence Angalia, c’est encore un événement à la hauteur des attentes. Du soleil, de la mer, du football, des voulés… Tous les ingrédients du Beach Foot Entreprises ont de nouveau été réunis. Avec 41 équipes dont 36 déjà présentes l’an dernier, les entreprises devraient rester fidèles au rendez-vous à l’occasion de la 19ème édition, en 2020.

 

Le classement 2019

1er 

 MAMI

11ème 

 ETPC

21ème 

 JUMBO SCORE

31ème 

 EPF

2nd 

 STAR URAHAFU

12ème 

 SIEAM

22ème 

 ORANGE

32ème 

 SOGEA

3ème 

 TOTAL

13ème 

 DOUKA BE

23ème

DAAF 

33ème

RSMA

4ème 

 COLAS

14ème 

 BFC

24ème

 MATIS

34ème 

 MCG

5ème 

 MCTP

15ème 

 STAR MAYOTTE

25ème 

 SOMAGAZ

35ème 

 CANANGA 

6ème 

 BUREAU VALLEE

16ème 

 CSSM

26ème 

 ENZO

36ème

 DISMA

7ème 

 ONLY

17ème 

 MAYOTTE HEBDO

27ème

 BRINK’S

37ème

 ELECTRO DISTRIBUTION

8ème 

 SMTPC

18ème 

SODIFRAM

28ème

 MAYOTTE DEVELOPPEMENT

38ème 

 IMPRIMAH

9ème 

 MAYCO

19ème 

 DEAL

29ème

 MAYOTTE TOPO

39ème 

 CREDIT AGRICOLE

10ème 

 MIM

20ème 

 SOMIVA

30ème 

 SIM

40ème

 COPHARMAY

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes