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Une nuit avec les gendarmes mobiles à Mayotte

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Si le confinement à Mayotte a permis, à ses débuts tout au moins, de calmer les violences que connaissait le territoire, d’autres les ont remplacés rapidement. Pour intervenir sur ces rassemblements virant aux affrontements, la gendarmerie mobile est déployée. Nous l’avons suivi durant une nuit. 

Il est 19h30, mercredi 20 au soir. Dernière nuit de travail pour les hommes de l’escadron de gendarmerie mobile de Saint-Gaudens (31), qui attendaient alors leur relève pour le 22 mai. Arrivés le 19 janvier, le confinement les aura contraints à rester à Mayotte un mois de plus. Objectif de ce report : assurer des “opérations de contrôles de zone”. En d’autres mots : veiller à ce que le confinement soit bien respecté. Au moins autant que faire se peut. Au moins sans violence. Car c’est là la vocation de la gendarmerie mobile : intervenir pour disperser les attroupements violents et les manifestations spontanées. 

Et de ce côté-là, on peut dire que ce prolongement a été bien loin d’être une sinécure. Ce qui explique, au-delà l’envie de retrouver conjoints, familles et amis – et même si “certains couples se sont habitués à vivre ainsi et ne pourraient plus faire autrement”, comme en rigolait un des hommes -, l’attente forte du départ, prévu trois jours plus tard. Mais il faudra encore patienter puisque restent encore quelques heures de mission à assurer. 

De l’hôtel Sakouli, où résident les effectifs, le convoi de trois véhicules – deux camions et un 4×4 – se met en route. À 20h15, il rejoint les gendarmes déjà en place au carrefour de Tsararano pour se tenir prêt en cas d’intervention dans cette zone sud de l’île. Au total, deux pelotons – soit 32 hommes – positionnés là et visibles de tous. Ce n’est pas pour rien. “L’endroit est stratégique”, précise le capitaine Florent Colombet en expliquant “la présence qu’il permet d’assurer et la rapidité d’intervention qu’il autorise”. Trois routes partent en effet d’ici : celle du nord, bien que d’autres pelotons de gendarmerie mobile y soient présents, et surtout celles de Chiconi et de Chirongui. La longue attente peut commencer, toujours basée sur un mot d’ordre : se tenir prêt. Car à la moindre alerte, il s’agira de se rendre sur les lieux agités pour tâcher de remettre de l’ordre. Une mission désormais bien connue par ces hommes et femmes qui, ces dernières semaines, ont eu à réguler et disperser les tensions entre jeunes, notamment celles liées à la tenue de morengués. L’officier l’explique : “Avec le confinement, nos missions ici ont un peu évolué, bien que nous avons eu à intervenir pour disperser des violences avant, à Kawéni et Tsoundzou notamment. Puis il y a eu une relative période de calme avec le début des mesures liées au virus, avant qu’elles ne reprennent dans le cadre cette fois de morengués. Les jeunes y cherchaient l’affrontement et en profitaient pour piller des commerces et cambrioler les habitants.” 

Mais pour le moment, tout est calme et seul un affectueux chien errant et quelques cigarettes viennent égayer la vie du groupe. Pas de quoi se rassurer pour autant. Tous s’accordent : “Cela peut être calme pendant quelques heures et dégénérer d’un seul coup. Même quand nous sommes de retour à l’hôtel, nous pouvons repartir en urgence.” 

Intervention de soutien 

Une heure plus tard, toujours rien en termes de rassemblement, mais une demande de la gendarmerie départementale. Celle-ci a reçu l’appel d’un homme habitant Hajangoua et qui dit être violemment menacé par son voisin après une dispute. Vraisemblablement, le taux d’alcoolémie de chacun des deux protagonistes n’est pas étranger à l’histoire. Oui, mais voilà : le premier serait armé selon les dires du plaignant. De quoi convaincre les départementaux de demander l’appui de la mobile. Quelques hommes sont donc envoyés sur place. Chemin inverse pour rejoindre les lieux et, au niveau du stade d’Iloni, un caillou jeté sur les grilles du camion, malgré la présence d’adultes en bord de route. “C’est systématique quand on passe ici”, déplore un des gendarmes. À l’arrivée à Hajangoua, descente du véhicule et accueil par le plaignant, dont le bonbon à la menthe avalé entre temps peine à dissimuler les relents d’alcool. Sur le mur de cette grande maison rappelant curieusement un mas provençal, une fenêtre s’entrouvre. Du premier étage, ledit voisin, finalement endormi, interpelle les gendarmes, non sans une certaine assurance. “Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?”, s’étonne-t-il, lampe-torche à la main, mis en joue sans le savoir par deux des hommes présents dans la cour. Explications du gendarme. “Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries encore ? Il me doit quatre mois de loyer”, s’indigne-t-il encore. “Non, juste un mois à cause du confinement”, répond son voisin, passablement énervé. Nous nageons là en pleine querelle exacerbée de voisinage. Pour autant, les choses se calment. 

• “Retournez vous coucher monsieur, nous repasserons demain pour en discuter”, intime le gendarme. 

• “Voilà faisons ça, oui”, lui répond l’homme, toujours à sa fenêtre, râlant. Et toujours avec, il faut lui reconnaître, un culot étonnant : “Qu’est-ce que c’est de débarquer comme ça chez les gens ? On n’est pas encore en dictature que je sache. Et pensez à refermer la chaîne en partant.” 

• “Fermez votre fenêtre monsieur et allez vous coucher je vous ai dit.” 

• “Oui oui, qu’est-ce que c’est que cette façon de faire…” 

Retour au camion et, à nouveau, départ pour rejoindre les troupes encore en poste à Tsararano. À nouveau, au passage d’Iloni, une pierre vient s’éclater contre le véhicule. Traditionnel, comme le faisait remarquer un des hommes. 

Au carrefour, tout est toujours calme. Il semble que ce soir, rien ne soit à signaler. Les forces déployées dans le cadre des récents événements auraient-elles porté leurs fruits ? Peut-être, mais rien n’est moins sûr car, encore une fois, “ça peut changer d’un moment à l’autre”. 

Un contexte très particulier 

En attendant, les hommes discutent. Une chose revient de leur expérience de quelques mois à Mayotte. La situation ici leur apparaît très particulière. L’un d’entre eux le déplore : “Des gamins parfois livrés à eux-mêmes et parfois sous chimique. Ou avec des parents qui ne transmettent aucune éducation. Tout ça est grave. On voit des petits dans la rue faire des conneries, devenir ultra-violents pour bien peu, un téléphone, un billet… C’est vraiment très particulier comme contexte.” Même si la violence existe partout, notamment en Outre-mer où ces hommes sont déployés une partie de l’année, ce particularisme social de Mayotte retient leur attention. Mais ce soir, ils n’auront pas à y faire face. La soirée s’est déroulée dans le calme. Rien à signaler. Ou pas encore en tout cas. 

Vers minuit, le convoi reprend donc la route de l’hôtel Sakouli. À Iloni, le stade et les bords de route se sont vidés. Pourtant, quelques centaines de mètres après, c’est de la pénombre de la brousse que viendra un nouveau jet de pierre. Un gros caillou cette fois, n’empêchant pour autant pas le camion de poursuivre sa route. Savent-ils alors, ces jeunes, que les mobiles rentrent à l’hôtel ? Cela se pourrait : “Ils nous observent, guettent nos allers-venues pour pouvoir sortir ensuite”, a constaté l’un d’eux durant son séjour ici. Une fois à l’hôtel, il s’agit alors de décharger et ranger le matériel. Après cela, ils pourront débuter leur nuit et se préparer à la quatorzaine qui les attend à leur retour en métropole, dans un camp militaire. Mayotte étant en zone rouge, leur périple n’est pas encore tout à fait fini. 

Sur le chemin du retour à Mamoudzou, à hauteur de la Brigade territoriale autonome de la gendarmerie départementale, les phares de notre voiture éclairent soudainement un panneau au milieu de la route. Il n’est pas seul : celui indiquant la direction de la gendarmerie a été arraché et posé lui aussi sur la voirie. Comme deux autres. Un barrage improvisé destiné à arrêter les véhicules et en dépouiller les conducteurs et passagers. Nous accélérons en slalomant entre les obstacles et passons sans mal. Coup de fil au capitaine Colombet, qui enverra une équipe sur place. Ils nous l’avaient bien dit, les mobiles : en termes de sécurité, à Mayotte, nul ne saurait être prophète.

Ouverture des écoles à Mayotte : “le rythme c’est de ne pas aller trop vite”

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Ouvriront ou n’ouvriront pas ? C’était la question que tout le monde se posait la semaine dernière. Après deux reports des ouvertures des écoles à Mayotte, la décision était très attendue par l’ensemble des agents de l’Éducation nationale et les familles. Même si la décision finale revient aux maires, le rectorat s’est fortement mobilisé pour permettre une reprise cette semaine. 

“Compte tenu de la situation locale, et de l’augmentation du nombre de cas, on ne peut pas prendre le risque d’ouvrir ces écoles. Il y a plus de risques à attraper le virus maintenant à l’école qu’il y a deux mois” annonce d’emblée Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental du syndicat de l’enseignement du premier degré SNUipp FSU. Pourtant Gilles Halbout, le recteur de Mayotte, n’est pas du même avis. Il estime que “ce n’est ni aux maires, ni au rectorat, ni aux syndicats d’évaluer les risques épidémiologiques. Cela ne fait pas partie de leur compétence ni de la mienne.” Selon lui seul, le gouvernement peut assumer cette responsabilité et donner le feu vert. Et il a été donné le week-end dernier par le préfet. Avec l’autorisation des maires, une vingtaine d’écoles accueillent dès aujourd’hui un nombre d’élèves très limité. Ces établissements devront respecter quatre principes qui sont le maintien de la distanciation physique, l’application des gestes barrières, la limitation du brassage des élèves et le nettoyage et la désinfection des locaux et matériels. Pour le recteur, l’objectif n’est pas de se précipiter, mais plutôt d’accompagner les communes à respecter le protocole sanitaire. “On sera plus prudents que les élus eux-mêmes. On aimerait ouvrir entre 15 et 20 écoles la première semaine puis monter à 50 la deuxième semaine, pour arriver à une moitié des écoles pour les quatre dernières semaines. Le rythme c’est de ne pas aller trop vite”, indique Gilles Halbout. Malgré toute la mobilisation de l’Éducation nationale qui a reçu 300.000 nouveaux masques chirurgicaux et 1,5 tonne de gel hydroalcoolique la semaine dernière, les syndicats des enseignants, les parents d’élèves et certains maires ne sont pas rassurés. Ils considèrent que beaucoup de questions restent encore sans réponses. La désinfection des salles de classe semble être la plus préoccupante puisqu’elle a été évoquée à plusieurs reprises. “Ces salles de classe doivent être désinfectées plusieurs fois par jour. Il faut des agents pour cela et le rectorat n’en dispose pas assez pour assurer cette mission. De plus, il doit y avoir des formations à la désinfection, car c’est une opération particulière avec des produits adéquats. Il ne s’agit pas simplement de nettoyer la classe”, précise Henri Nouiri, responsable départemental du SNES-FSU, syndicat des enseignants du second degré. À cela s’ajoutent les problématiques de points d’eau dans les établissements, le contrôle de la température des élèves chaque matin ou encore le respect de la distanciation physique dans les collèges et lycées qui sont tous surpeuplés à Mayotte. “On y va avec une grande prudence pour les établissements du second degré. On prendra un élève sur deux”, affirme le recteur. 

Préparation de la nouvelle année scolaire 

Tous ces questionnements et les réponses apportées permettent surtout de préparer la rentrée 2020. L’Éducation nationale doit désormais apprendre à composer avec l’épidémie sur le long terme. Pour cela, le temps est précieux. “Il ne faut pas reporter à dans deux mois ce qu’on peut faire maintenant. Ce n’est pas à partir du 15 août qu’on va commencer à mettre les écoles aux normes pour le 23. Tout ce que nous faisons maintenant est aussi une manière de préparer la prochaine rentrée qui de toute manière sera différente des autres”, explique Gilles Halbout. Son ambition est de mettre aux normes les 184 écoles de l’île pour la rentrée de fin août. Du côté des syndicats, les responsables sont plutôt dubitatifs. “Compte tenu des moyens que l’on connait dans les établissements, le protocole sanitaire est difficilement applicable. Néanmoins si on ne l’applique pas, on prend des risques et nous ne pouvons accepter cela”, prévient Henri Nouiri du SNES-FSU. 

Même son de cloche pour le SNUipp FSU. “Le rectorat peut toujours faire un passage en force, mais nous serons très vigilants pour vérifier si les normes sont respectées. On ne fera plus de bricolage”, avertit Rivomalala Rakotondravelo. Il est également important de préparer les élèves à leur nouveau quotidien à l’école. Raison pour laquelle la reprise à quelques semaines des vacances scolaires serait nécessaire. Les élèvent pourront apprendre les nouveaux gestes à adopter à l’école et connaîtront les règles. Le recteur de Mayotte est conscient des réticences qui fusent de toutes parts, et il se veut rassurant. “Il faut être vigilant, mais il ne faut pas non plus être catastrophique. On prépare la rentrée avec beaucoup de prudence et de raison. On ne fait pas prendre de risques aux enfants.”

“Les Mahorais doivent expliquer aux décideurs parisiens que Mayotte c’est la France au même titre que les autres départements”

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Il est écrivain, ancien syndicaliste, et surtout amoureux de son île. Soulaimana Noussoura a consacré toute sa vie à défendre les intérêts de Mayotte. Aujourd’hui, la crise qui traverse l’île le pousse à lancer un nouvel appel. Un appel à l’aide, un appel à la raison, un appel à changer les choses. 

Flash Infos : Vous avez récemment écrit une lettre à destination des Mahorais où vous apportez quelques remèdes aux nombreux maux de Mayotte. Quel est l’objectif de cette lettre ? 

Soulaimana Noussoura : J’ai écrit cette lettre quand la ministre des Outre-mer est arrivée la semaine dernière, car je considère que Paris a du mal à ouvrir les yeux concernant notre île et Mayotte fait beaucoup trop de bruit. Paris doit arrêter de dormir et Mayotte doit arrêter de faire du bruit pour rien. Le train est déjà en marche. Pour que l’on puisse le rattraper, il faut se mettre au travail et créer une passerelle afin d’y entrer. 

FI : Vous dites qu’un développement économique n’est viable que si la finalité est sociale. Qu’entendez-vous par cela ? 

S. M. : Je suis de ceux qui disent que le monde est devenu fou parce que le monde a oublié cette vision des choses. Les anciennes générations se sont battues pour qu’on ait ce que nous avons aujourd’hui afin de rendre la vie plus vivable. Un développement économique doit être pensé pour améliorer la qualité de vie des Hommes. Mais aujourd’hui, certains considèrent qu’ils peuvent avoir toujours plus d’argent même si à côté d’autres meurent de faim. Cela crée un déséquilibre dans la société. 

FI : Selon vous est-ce que cette théorie est appliquée à Mayotte ? 

S. M. : À Mayotte non plus nous ne considérons pas que le développement économique doit être pensé pour l’humain. À notre époque, nous ne devrions pas avoir ici des gens qui n’ont pas d’eau, pas d’électricité, qui ne peuvent pas se soigner, qui ne peuvent pas aller à l’école ou qui ne se sentent pas en sécurité chez eux. Le potentiel qu’a le monde aujourd’hui peut permettre à chacun de vivre convenablement, mais ce n’est pas ce qui anime tout le monde et c’est regrettable. 

FI : Dans votre lettre, vous évoquez un plan Marshall pour Mayotte. En quoi consiste-t-il ? 

S. M. : C’est une théorie que je défends depuis 2009-2010. Le plan se présente en 5 points. À l’époque, seulement 25 % de la population avait un emploi. Il fallait que le plan Marshall emmène ce pourcentage à 51 % au bout de 10 ans. La communication sous toutes ses formes est également un point essentiel. Il faut par exemple mettre tous les moyens pour que nous ne passions pas autant d’heures sur la route et diminuer les embouteillages. L’autre point essentiel est le développement de l’autosuffisance alimentaire. Enfin, il faut que les autorités mettent en place un plan habitat sur une trentaine d’années afin d’éradiquer les habitats précaires et que chacun puisse avoir un logement convenable. 

FI : Comment pourrions-nous développer l’autosuffisance alimentaire chez nous ? 

S. M. : Mayotte se développe et devient de plus en plus attractive. Il y a donc de plus en plus de personnes sur l’île. Nous devons nous préparer à nourrir tout le monde et cela passera pas l’agriculture. Il faut encourager les gents à s’y intéresser. Nous pouvons aussi passer des conventions avec les pays de la région pour des productions bien ciblées. 

FI : Vous parlez également de dynamique économique permettant de créer des emplois. De quelle façon pouvons-nous concrétiser ce concept ? 

S. M. : Il n’est pas normal que sur un territoire français, plusieurs membres de la même famille n’aient pas de travail. Il y a une quinzaine d’années, dans le plan Marshall, je parlais de créer une dynamique pour que dans 10 ans au moins 51 % de la population en âge de travailler ait un travail. Pour cela, il faut en premier lieu que les enfants aillent à l’école parce que chaque Français doit avoir les connaissances de base. Nous devons ensuite identifier les métiers en tension et former les jeunes pour qu’ils occupent les emplois qui existent. Enfin, les entreprises et les collectivités doivent faciliter les diplômés à s’insérer dans le monde du travail. 

FI : Une décennie plus tard, avez-vous l’impression que la situation a évolué telle que vous l’envisagiez dans le plan Marshall pour Mayotte ? 

S. M. : Nous n’avons pas fait le boulot. Il n’y a pas de plan pour le développement de Mayotte et l’évolution de sa population. Le boulot n’a pas été fait du côté de l’État, mais il n’a pas non plus été fait du côté des Mahorais. Nous devons expliquer aux décideurs parisiens que Mayotte c’est la France au même titre que les autres départements. Notre territoire était comme un bébé qui acceptait ce que nous lui donnions au début parce qu’il n’avait pas le choix et c’était suffisant. Aujourd’hui, le bébé a grandi et a besoin de plus pour s’épanouir, ce que nous lui donnons ne lui suffit plus pour vivre. 

FI : Existe t-il cependant un moyen pour réparer la situation ? 

S. M. : Oui nous avons les moyens d’y remédier, et la première chose à faire est d’inciter les jeunes à étudier afin d’avoir plus d’ingénieurs. J’ai envie de voir des Mahorais qui sont préfets, des Mahorais ministres, des Mahorais qui prennent leur place au sein de la République.

Mayotte : une visite ministérielle pour faire le bilan… et régler les différends ?

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En visite surprise à Mayotte pour deux jours, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a pu faire le bilan avec les élus et les directeurs d’administration, des mesures prises pour faire face à la crise liée au Covid-19. Sans toujours répondre à leurs questions.

C’est ce qu’on appelle un passage en coup de vent. La ministre des Outre-mer Annick Girardin a atterri à 7h ce mardi sur le tarmac de Pamandzi, en Petite-Terre, après qu’une rumeur, rapidement confirmée, avait enflé la veille sur les réseaux sociaux, au sujet de cette visite officielle surprise. Las, en plus d’être inattendue, cette excursion jusqu’au 101e département ne s’étalera dans le temps : la ministre ne sera sur place que deux jours, avant de s’envoler à nouveau pour Paris. De quoi toutefois faire un rapide bilan des mesures prises pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 à Mayotte.

“Je suis venue pour être aux côtés de ceux qui se battent en première ligne depuis le premier jour”, a expliqué Annick Girardin devant les caméras à la sortie de l’avion. “Je pense aux soignants, mais aussi à tous les autres, ceux qui sont en charge de la sécurité, de l’éducation, Monsieur le préfet, la directrice de l’ARS, et aussi les élus du territoire, les maires, le président de la collectivité, et les parlementaires”, a-t-elle poursuivi. Une visite officielle, qui vise donc aussi à montrer le soutien de l’État, alors que l’île aux parfums est durement frappée par la crise. Avec 1.419 cas confirmés ce mardi, Mayotte, le département d’Outre-mer avec le plus de contaminations, et le seul encore confiné, attire les regards depuis la métropole alors que le pic épidémique ne semble toujours pas atteint.

Un voyage et des renforts

Mais alors, pourquoi un tel mystère ? “Tout s’est décidé il y a seulement trois jours, et nous devions attendre les résultats de nos tests avant d’embarquer”, a justifié la ministre. La petite équipe a pu profiter d’un fret de l’avion présidentiel, venu ravitailler Mayotte en renforts matériels et humains. Ce sont donc aussi les 850.000 masques attendus du conseil départemental, mais également neuf respirateurs supplémentaires et un nouvel automate destiné aux tests qui ont débarqué à l’aéroport ce mardi. Ainsi que, comme convenu, les seize militaires et personnels de santé de la réserve sanitaire, et les deux épidémiologistes venus prêter main-forte aux équipes du CHM et de l’ARS. “C’est un renfort que nous attendions, et ces dix-sept respirateurs sont indispensables pour faire face à l’évolution de l’épidémie ici”, a salué Dominique Voynet, la directrice de l’ARS. La ministre a également annoncé qu’un deuxième avion devait arriver demain avec un million de masques supplémentaires.

Mais Annick Girardin est surtout venue rencontrer les acteurs qui luttent au quotidien contre l’épidémie et la crise sociale et économique qui en découle. À ce sujet, elle avait rendez-vous dès 9h au lycée de Mamoudzou-Nord, avec les directeurs d’administration et les élus, dont elle a remercié la réponse à une invitation tardive. Tour à tour, l’ARS, le CHM, la préfecture, la gendarmerie, le rectorat, la Dieccte, sont venus présenter un bilan de leurs actions depuis la mise en place du confinement et les différents enjeux sanitaires, sociaux, économiques, scolaires, et sécuritaires.

“Volonté d’en découdre”

Sur la sécurité, le chef de la gendarmerie, le général Philippe Leclerc, n’y est pas allé par quatre chemins : “Le couvre-feu a permis de donner un nouveau prétexte à la défiance de la jeunesse, basée non pas sur une revendication sociale, mais une volonté d’en découdre.” Annick Girardin s’était attirée les foudres d’une partie de la population mahoraise après ses propos la semaine dernière devant l’Assemblée sur une baisse de 45 % des faits de délinquance depuis trois mois. Si elle n’est

pas revenue sur son chiffre, elle a profité de cette visite pour redire qu’il y avait une incompréhension entre la statistique, son explication, et le vécu quotidien des habitants. “Mais il n’y a pas un matin sans que je ne tique sur la note qui m’est remontée de Mayotte, et qui me tient au courant des faits de violence sur l’île.” Pour autant, la ministre n’a pas semblé encline à accepter de nouvelles demandes de renforts. “Derrière cette violence, qui a eu lieu ces derniers jours et heureusement s’est tassée, c’est l’ennui. Ce n’est pas de plus de forces de l’ordre dont ce territoire a besoin, c’est de développement économique”.

Des élus sans réponses

Économie, rapatriements, tests… Les élus ont profité de cette visite pour monter au créneau. Roukia Lahadji, la maire de Chirongui, a interpellé la ministre sur l’importante hausse du chômage qui guettait le territoire alors que les mairies auront justement besoin de gonfler leurs effectifs. Dans l’éventualité d’un déconfinement, il faudra du personnel, ne serait-ce que pour rappeler les gestes barrières et garantir la distanciation des enfants dans les écoles, a soulevé l’élue du sud, en demandant davantage de contrats aidés (CEC). Plusieurs élus ont aussi évoqué la question des Mahorais, coincés loin de leur île, en métropole ou à l’étranger. Une dizaine de personnes attendent en effet toujours à Dubaï, tandis que des étudiants en métropole ont vu la date de leur quatorzaine pour un possible retour à Mayotte repoussée. “Oui, je sais que c’est dur de leur demander cet effort supplémentaire”, a répondu la ministre, qui est en train d’étudier les solutions pour rapatrier ces différents groupes. “Mais je vous annonce déjà qu’un vol jeudi va prendre des passagers en grande quantité, entre La Réunion et Mayotte, pour ramener des Mahorais et des Réunionnais chez eux.” Une réponse que le député Mansour Kamardine n’a visiblement pas jugé satisfaisante. L’avocat, un brin provocateur, en a profité pour en remettre une couche, sur les Mahorais de Dubaï, la création d’un hôpital en Petite-Terre, la pauvreté, le nombre de tests, et même sur l’hydroxychloroquine. Car, après tout “si un chef d’État de la première puissance mondiale en prend, je ne vois pas pourquoi ma mère n’en prendrait pas”.

 

À la maison de santé de Mamoudzou, “trois p’tits tours et puis s’en va” pour Annick Girardin

Après son passage au CHM, Annick Girardin a pris la route vers la maison de santé de Mamoudzou, où elle a notamment visité le laboratoire d’analyses et échangé avec quelques professionnels de santé. Le tout en un rien de temps.

Par dizaines, les policiers municipaux abondent dans la rue du commerce et autour du rond-point du Manguier. À peine a-t-elle quitté le CHM qu’Annick Girardin arrive déjà à la maison de santé du Jardin Créole, à Mamoudzou. Il est 16h30. Moins de 20 minutes plus tard, la ministre des Outre-mer s’en va. Et à en juger par le programme de cette visite expresse, tout rappelle que ce déplacement exceptionnel à Mayotte a été prévu dans l’urgence.

En descendant de voiture, exit les traditionnels colliers de jasmin et le chant des m’biwis, Annick Girardin est cette fois accueillie par des poignées de gel hydroalcoolique et passera, finalement, autant de temps à se frotter vigoureusement les mains qu’à échanger avec les professionnels de santé présents pour l’occasion. Première étape, la visite des lieux, menée par le docteur Ducastel. Mais ce ne sont pas les salles de consultation des trois médecins embauchés ici qui attirent l’attention de la ministre. Sur une porte, un large écriteau indique “Téléconsultation”. Dans la petite pièce exiguë, la ministre des Outre-mer se penche, les yeux ronds, sur une large valise noire. “Ça, c’est une belle mallette ! Où est mon téléphone ? Il faut que je la prenne en photo !”, sourit-elle. Une belle mallette, oui, d’autant plus qu’elle est capable de réaliser à distance des électrocardiogrammes et des échographies. Un service bienvenu à l’heure de la distanciation sociale. Ironie du sort, celle-ci sera de nombreuses fois enfreinte par les représentants des autorités lors du déplacement.

Pas le temps de s’extasier, il faut encore faire quelques pas pour pousser, cette fois, la porte du laboratoire d’analyse privé, le seul de l’île, qui a dont été missionné pour prendre en charge les tests de dépistage du Covid-19, en sus du CHM. Dans le hall, quelques libéraux attendent la ministre. Après une nouvelle flopée de “caribou” échangés, ceux-ci ne tardent pas à faire part d’un problème qu’ils rencontrent fréquemment : le manque d’approvisionnement en réactifs dits Covid PCR, nécessaires à chaque test. S’ils manquent à la structure depuis déjà quelques jours, une nouvelle livraison est prévue jeudi. “Cinq boîtes de 24”, précise un professionnel. “Quoi ?”, s’étonne cette fois le préfet. “Mais c’est à peine de quoi tenir une journée !” Une remarque sur laquelle Annick Girardin rebondit immédiatement : “C’est un problème national, donc par la force des choses, il impacte aussi les départements.” Une mauvaise nouvelle pour les deux nouveaux automates de tests, livré mardi matin pour le premier, et un peu plus tard dans la semaine pour le second. 

Quelques mercis et un au revoir plus tard, celle que l’on surnomme la “MOM” se dirige vers la pharmacie du Lagon, attenante à la maison de santé. “Oh, vous avez même mis une pompe de gel à l’entrée !” Hop, voilà que toute la délégation se désinfecte à nouveau les mains, pendant que Jean-François Colombet applaudit le marquage au sol et les parois de plexiglas fraîchement posées devant chaque caisse. “Vous vendez des masques ?”, interroge Annick Girardin. “Oui, on en vend quelques-uns”, répond sobrement le gérant de l’officine. “Pourtant, nous en avons distribué dans toute l’île”, lance le préfet, l’air étonné. “Mais certains viennent quand même pour prendre des masques chirurgicaux”, lui précise-t-on. Alors que le petit groupe s’apprête à quitter la boutique, l’un des pharmaciens leur propose de leur offrir quelques flacons de gel hydroalcoolique. “Non, c’est bon, on a ce qu’il faut !”, le rassure Dominique Voynet, directrice de l’agence régionale de santé. Mais, dans le doute, la délégation passera tout de même une dernière fois les mains sous la petite pompe

installée près de l’entrée avant de remonter en voiture. Peut-être, finalement, qu’un tube de pommade aurait été plus adapté.

 

À la rencontre des couturières mahoraises

En fin de matinée, la ministre des Outre-mer s’est rendue chez une figure locale. Et pour cause, l’atelier de couture de Moinécha Hariti produit des masques lavables et réutilisables. L’occasion pour Annick Girardin de se féliciter des initiatives locales, mais aussi d’aborder les chiffres de la délinquance invoqués la semaine dernière et les mesures prises pour permettre aux Mahorais en dehors du territoire d’y revenir.

Avec 70.000 masques fabriqués à Mayotte par six fournisseurs locaux, et quelque 30.000 autres commandés par des entreprises privées, Mayotte a dû, comme d’autres territoires face au brouhaha national général, s’organiser pour faire face aux besoins. Il était donc logique que la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, s’enquiert symboliquement de la question.

Figure bien connue à Mayotte, la couturière Moinécha Hariti et son atelier faisaient donc partie du programme de la visite ministérielle.

À l’intérieur des locaux, six couturiers et couturières s’activent sur leurs machines. Ici ont été produits, depuis le début de la crise, quelque 14.000 masques en tissu réutilisables à volonté. Une innovation dont est fière la couturière : “Plutôt que de les jeter au bout de cinq utilisations, nous avons fait des masques dans lesquels ont peut simplement remplacer la feuille d’essuie-tout à l’intérieur. Ils sont économiques et écologiques.” L’occasion pour Annick Girardin de féliciter le territoire : “On a pu voir des innovations dans les territoires ultramarins et ici, c’est un bon exemple avec la création de cette coopérative de fabrication de masques.” Un peu de légèreté durant cette visite de crise sur le dernier territoire confiné de France.

“Il était important pour moi de venir à Mayotte, qui connaît aujourd’hui l’épidémie la plus croissante, de venir auprès des Mahorais pour évoquer les questions sanitaires, éducatives, sécuritaires, etc.”, a aussi justifié la ministre. Et sur les questions sécuritaires, justement, elle est revenue sur ses propos de la semaine dernière, annonçant une baisse de la délinquance de 45 % depuis trois mois. “J’ai utilisé des chiffres qui ont pu choquer, tout simplement car ce sont des chiffres globaux qui nécessitent davantage d’explications”, a-t-elle expliqué en reconnaissant que “c’est compliqué d’utiliser des chiffres qui concernent l’ensemble d’un territoire [pour] parler à des gens qui viennent de se faire agresser, ont connu un cambriolage, ou ont assisté à des scènes violentes. (…) C’est cette difficulté-là qui fait que nous ne nous sommes pas compris. Oui il y a des chiffres, mais oui, il y a aussi ce que vit chacun.” Et ensuite ? Quid des éventuelles mesures sécuritaires pour le département ? Pour le moment, cela ne semble pas à l’ordre du jour : “La problématique à Mayotte, ce sont des jeunes délinquants très violents et qui, au moment où Mayotte connaît une crise, pensent que les forces de l’ordre sont occupées ailleurs. Il y a des politiques publiques menées avec les services de l’État en concertation avec le Département et les communes. C’est comme ça qu’on avance. Cela se fait avec une efficience sur le terrain qui ne nécessite pas de forces supplémentaires, mais qui mobilise les gendarmes, les policiers, l’opération Résilience avec les militaires, et les agents communaux.” Quant à l’organisation de “milices” pour tenter de ramener un peu d’ordre, “je ne suis pas sûr que [l’on] puisse dire qu’elles sont une solution. La solution c’est une coopération entre les forces de l’ordre, militaires, mais aussi policières, les communes et le Département. Ce sont aussi les parents qui doivent assumer leur responsabilité.”

Dernier point abordé sur cette séquence, celui du retour des Mahorais actuellement bloqués à l’extérieur – en métropole ou à La Réunion. Jeudi, un premier vol pour les ramener chez eux doit arriver à Mayotte. Quant aux étudiants, ils devraient pouvoir rentrer dans une quinzaine de jours, et à un tarif “acceptable” pour leurs finances. “Ils auront une possibilité de quatorzaine si celle-ci est toujours effective. Mais il n’est pas sérieux de faire rentrer tout le monde en même temps, au moment où l’épidémie n’est pas contenue.”

 

Une heure d’échanges pour dresser les problématiques du centre hospitalier de Mayotte

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En milieu d’après-midi, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, s’est rendue au centre hospitalier de Mayotte pour visiter les urgences et le laboratoire et entendre les problématiques rencontrées par le personnel soignant. Catherine Barbezieux, la directrice de l’établissement, en a profité pour insister sur l’importance des évacuations sanitaires au sein du même du territoire et vers La Réunion.

Après la théorie le matin, place à la pratique l’après-midi. La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, s’est déplacée pendant une heure au cœur du centre hospitalier de Mayotte pour prendre le pouls. Une visite de terrain, interdite à la presse comme il fallait s’y attendre, ô combien importante en cette période de crise sanitaire. La membre du gouvernement a ainsi déambulé dans les couloirs des urgences pour se rendre compte de ses propres yeux des mesures prises avant de se rendre au laboratoire où elle a pu découvrir l’organisation interne. “Nous lui avons présenté nos problématiques”, a résumé quelques minutes après cette rencontre, Catherine Barbezieux, la directrice de l’établissement, relativement satisfaite de l’échange du jour.

Justement, il est prévu que le CHM augmente sensiblement ses dépistages quotidiens. Toutefois, il est encore trop tôt pour connaître le nombre exact de tests supplémentaires qui seront effectués. Seule certitude ? L’arrivée de deux nouveaux automates au cours des deux derniers jours, dont un venu directement avec l’avion présidentiel. Concernant ce sujet, Catherine Barbezieux a souligné le renfort récent de la réserve sanitaire, avec notamment “des techniciens de laboratoire et des biologistes”, mais elle a rappelé qu’un nouveau petit coup de pouce serait le bienvenu pour atteindre les objectifs fixés. “J’ai adressé un point de vigilance sur l’aide en personnel”, a-t-elle insisté, avant de se réjouir de l’acheminement temporaire d’un hélicoptère, lors de la dernière rotation du Mistral le lundi 11 mai. “Il tourne beaucoup et permet d’évacuer plus rapidement les personnes en urgence vitale qui se trouvent dans les centres médicaux de référence. Il s’agit d’un appui considérable.” Avec l’espoir, dans un coin de la tête, de garder un tel moyen de déplacement ? “Nous dresserons un bilan après la crise sur son utilité afin de poursuivre ou non ce dispositif, même s’il est onéreux.”

La réanimation se prépare à souffrir

Autre sujet épineux : la capacité d’accueil du CHM, au sein duquel le risque de saturation a poussé les autorités à agir au cours des dernières semaines pour libérer des lits. D’où les quarante-sept évacuations sanitaires, dont six patients atteints du Covid-19, vers La Réunion entre le 3 et le 17 mai. Cette décision a pu s’expliquer par une hausse non négligeable de l’activité du service de médecine, qui accueille actuellement une quarantaine de patients positifs. “Un phénomène atypique par rapport à la métropole, qui a surtout reçu un afflux considérable de malades en réanimation.” D’ailleurs, Catherine Barbezieux a encore du mal à savoir à quelle sauce sera mangé ce dernier service dans les jours à venir. “Quotidiennement, nous avons entre huit et neuf patients Covid+ en réa. Cette moyenne dure depuis maintenant plusieurs jours. Lorsque nous regardons les résultats de la modélisation faite par l’agence régionale de santé et Santé publique France, nous nous demandons si ce palier va encore doubler comme cela a pu être le cas au début de l’épidémie et surtout à quel moment”, a exposé la directrice de l’établissement hospitalier. Pour prévenir cette éventuelle explosion qui serait tout bonnement catastrophique, la visite d’Annick Girardin a ainsi permis l’arrivée sur le territoire d’un détachement de seize militaires du service de santé des armées pour venir prêter main-forte au personnel soignant. En attendant la venue prochaine d’un deuxième détachement plus conséquent pour faire face au pic épidémique tant redouté…

 

Mayotte : le secteur du tourisme nage en eaux troubles

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Le tourisme à Mayotte peine, depuis toujours, à décoller. Mais alors que les activités nautiques sont suspendues et les hôtels fermés jusqu’à nouvel ordre, les professionnels du secteur avancent, sans certitude ni visibilité.

La richesse du lagon de Mayotte est l’unique ressource économique pour un bon nombre d’entreprises spécialisées dans les activités nautiques. Mais alors que les pêcheurs professionnels sont autorisés à exercer leur activité, les bateaux des entreprises de loisirs sont condamnés à rester amarrés aux quais durant toute la période de confinement. Une situation qui détériore l’état des embarcations. “Lorsqu’un bateau ne navigue pas pendant des mois, des algues et des huîtres s’accrochent sous la coque et cela rend la navigation difficile, voire impossible”, explique Denis Fabre, gérant de la société Lagon Aventure Mayotte. C’est ce qui est arrivé à certains de ses bateaux qui ne sont pas sortis en mer depuis plus de deux mois. Avant de les remettre en route, il devra opérer quelques réparations qui coûtent des milliers d’euros. “Cela dépend du type de bateau, mais pour les miens, l’antifouling, la peinture qui empêche les algues et les huîtres de s’incruster, coûtera entre 1.500 et 3.000 euros par bateau”, indique Denis Fabre. Sur le ponton de Mamoudzou et sur celui de Dzaoudzi, tous les navires se trouvent dans le même état et les professionnels se demandent comment financer les réparations en ayant perdu 100 % de leur chiffre d’affaires. “Je pense que l’État devrait payer la remise en état de nos bateaux. Nous n’avons aucune entrée d’argent depuis des mois, mais nous devrions en dépenser pour pouvoir reprendre le travail ?”, s’interroge Gurvan Stéphan, gérant de l’entreprise Mayotte découverte.

Ces entrepreneurs doivent également faire face à la lenteur administrative qui les empêche de recevoir les aides octroyées aux entreprises. “On n’a aucune nouvelle du conseil départemental. Pourtant, ils m’ont dit que mon dossier était complet, mais je n’ai plus de nouvelle”, se plaint Denis Fabre. Tous affirment cependant avoir reçu les 1.500 euros accordés par l’État. Quant aux employés, si certains peuvent encore se permettre de payer intégralement leurs salaires à l’image du gérant de Lagon Aventure Mayotte, d’autres ont dû avoir recours au chômage partiel. Cependant, cette solution ne satisfait pas tout le monde. “Mon devoir est de payer mes salariés, mais il faudrait peut-être penser au chômage partiel pour les gérants parce que je n’ai aucune entrée de salaire”, souligne Gurvan Stéphan de Mayotte découverte.

Les professionnels n’ont pas de date précise concernant la reprise de leur activité, mais ils sont tous conscients que celle-ci sera semée d’embûches. Le catamaran de Pascal Jardin, gérant de Maitai Croisières, peut transporter 25 personnes, mais afin de respecter la distanciation physique, il devra revoir ce chiffre à la baisse. “C’est un réel manque à gagner. Et pour l’instant, je ne sais même pas combien de personnes on m’autorisera à mettre dans le bateau parce que nous n’avons reçu aucune précision.” Ce dernier n’est même pas certain d’avoir assez de clients. La période de juin-juillet n’est pas la plus propice pour le secteur, alors que celle qui vient de passer était très attendue. “On vient de perdre une grosse saison. Il fait beau, c’était les vacances scolaires et c’est la saison des raies monta. On va devoir attendre la saison des baleines d’août à octobre pour espérer renflouer les caisses”, indique le gérant de Lagon Aventure Mayotte. Mais selon son confrère, la perte financière a été trop lourde et il sera difficile de remonter la pente. “On fait un chiffre d’affaires d’environ 20.000 euros par mois. Là, nous avons perdu trois mois et je ne pense pas que les clients seront nombreux puisque les gens ont peur du virus. Il faudra du temps avant d’oser reprendre les activités collectives. On ne récupéra jamais sur l’année les trois mois non travaillés”, déclare Pascal Jardin. Ce dernier affirme d’ailleurs que les réservations se font rares. Seulement trois en une semaine alors qu’en

temps normal, il en comptabilise dix par jour. Même si l’avenir est incertain pour ces professionnels du tourisme, ils restent motivés par la certitude de retrouver tôt ou tard les merveilles de notre cher lagon.

L’avenir des hôteliers, lui aussi incertain

Chez les hôteliers aussi, les réservations inquiètent. La matinée touche à sa fin, mardi, lorsque Bruno Garcia reçoit un nouvel e-mail. “Encore des clients qui annulent”, souffle le gérant du Caribou, incontournable à Mamoudzou. “Et cette fois, c’est pour le mois de novembre !” Depuis maintenant deux mois, nombreux sont les vacanciers ou les entreprises à annuler leur voyage vers le 101ème département, toujours classé rouge. Mais au-delà de la peur du virus et des moyens sanitaires locaux, un autre facteur entre en jeu : la quatorzaine, toujours de mise à l’arrivée en Outre-mer. “Personne n’a envie de venir en vacances pour rester enfermé 15 jours à l’hôtel”, s’inquiète Bruno Garcia, qui déplore déjà 100 % d’annulation pour le mois de septembre, coup d’envoi de la saison haute qui court jusqu’à novembre pour le secteur. Pourtant, dès le début du mois de mai, près de la moitié de ses chambres étaient déjà réservées pour cette période. Un coup dur, auquel s’ajoutent des contraintes financières : “Lors d’une réservation, les clients payent une avance sur la chambre. Maintenant, je dois tout rembourser”, s’inquiète le gérant du Caribou qui avait déjà dû indemniser la vingtaine de clients qui ont simultanément quitté l’hôtel le 16 mars, jour où la fermeture des établissements a été décidée par l’État. “D’un coup, on n’avait plus rien du côté de la trésorerie.” Et l’aide aux entreprises de 1.500 euros versée par le gouvernement ne suffira pas, à elle seule, à amortir la perte des 150.000 euros brassés chaque mois par l’entreprise, qui a dû avancer 65.000 euros de salaire à ses employés, en chômage forcé depuis plus de deux mois.

“La reprise va être très difficile, l’avenir du secteur à Mayotte est plus que jamais incertain”, reconnaît Bruno Garcia. Cela se traduira-t-il par une hausse du prix de la nuitée lorsque les hôtels rouvriront ? “Non, ce serait déplacé. Les clients n’ont pas à payer pour l’impact du virus sur l’économie”, juge-t-il, avant de préciser toutefois que l’achat de gel hydroalcoolique et de masques, condition sine qua non au respect des gestes barrières, sera forcément pris en compte au moment de la facturation.

Au nord de l’île aussi, l’incertitude grandit. “On n’a pas de dates particulières pour la réouverture, donc on n’a aucune visibilité pour les réservations”, commente à son tour Thierry Saidani, directeur d’exploitation du Trévani, un hôtel dont la plupart des clients sont des investisseurs ou des hommes d’affaires qui travaillent avec le port. “En janvier et février, le remplissage était déjà faible”, l’épidémie ayant, à ce moment, déjà gagné de nombreux pays. En mars, coup de grâce, puisque les annulations commencent déjà à pleuvoir. Déjà, le chiffre d’affaires baisse, alors que les deux hectares du domaine doivent être entretenus en permanence, confinement ou non. En d’autres termes, l’hôtel doit continuer d’assumer des frais fixes, sans plus ne percevoir aucune recette depuis des semaines. “En temps normal, on a besoin de 60 % de remplissage pour amortir nos coûts”, développe encore Thierry Saidani. Mais avec la recrudescence de violence observée entre Trévani et Koungou, le directeur d’exploitation craint que ses affaires souffrent, par delà la crise sanitaire, de la mauvaise image du territoire, particulièrement renforcée en ce moment par la presse nationale.

Mais en attendant l’annonce des réouvertures, les professionnels du secteur pourront, à l’instar de la métropole, compter sur l’allongement du chômage partiel, de l’accès au fonds de solidarité, du report des échéances bancaires et de l’exonération de charges sociales entre mars et juin, comme annoncé par le premier ministre la semaine dernière. Et si les départs vers l’Outre-mer seront autorisés pour les métropolitains entre juillet et août, encore faut-il que la situation sanitaire du dernier territoire français confiné se stabilise d’ici là.

 

Agents d’entretien qualifié au centre hospitalier de Mayotte, Ils font disparaître les déchets

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Chaque jour, ils récupèrent des trentaines de bacs disposés dans chaque service pour les vider. Les agents d’entretien qualifié du centre hospitalier de Mayotte ont un planning bien huilé pour assurer la collecte des déchets aux quatre coins de l’établissement. Immersion dans ce service de l’ombre, indispensable durant cette crise sanitaire, et sur le pied de guerre sept jours sur sept. 

Chaque jour, les agents d’entretien qualifié, comme Fardi Boura Maladi, déambulent dans les différents services pour récupérer les bacs entreposés dans des pièces spécifiques. Parmi eux, ceux avec les couvercles jaunes qui contiennent les déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI), qui sont ensuite récupérés et enlevés par la Star depuis le nouveau local dédié inauguré au mois d’avril. “Avec la propagation du virus, nous sommes passés de 13.000 kilos au mois de janvier à 21.000 en mars”, souligne Bacar Abdou, le responsable de service de gestion des déchets au centre hospitalier de Mayotte. Pour avoir un ordre de grandeur, l’équipe avait collecté 189.449 kilos de DASRI de janvier à décembre 2017. 

 

Logistique oblige, ces hommes de l’ombre, ici Chaanrani Toumbou et Massoundi Abdallah Silah, réalisent une première tournée de 7h à 10h, avant d’enchaîner une deuxième de 11h30 à 14h. Réglés comme du papier à musique, ils empruntent différents secteurs clés de l’hôpital pour ne pas se disperser. Le bloc, la maternité, la chirurgie ambulatoire, la pharmacie centrale et la stérilisation représentent un seul et même regroupement, tout comme la réanimation néonatale, la médecine, la pédiatrie, le laboratoire et la radiologie, ou encore l’extérieur l’établissement avec les bâtiments de la direction. Durant leur parcours, les agents d’entretien qualifié doivent utiliser les ascenseurs pour passer d’un étage à l’autre. “S’il y a une panne, nous sommes obligés de traverser le service de soins pour en rejoindre un autre”, souffle Bacar Abdou, qui relève l’âge avancé de certains de ses collaborateurs. Pour cette raison, il propose d’investir dans des pousseurs électriques pour réduire leur pénibilité. Une fois ramassés, les déchets assimilés aux ordures ménagères sont emmenés à la plateforme centralisée, par camion en fonction des points de collecte, pour faciliter leur retrait. Selon une étude réalisée par le responsable du service, pas moins de 243 bacs sont récupérés chaque semaine, ce qui représente 187.110 kilos. 

 

Dans le cadre du tri sélectif, les agents d’entretien qualifié séparent les cartons pour les compacter. Depuis le 6 avril dernier, pas moins de 4.160 kilos ont été réduits et récupérés par la Star. Le service de gestion des déchets dispose également d’un emplacement pour les encombrants : une benne pour la ferraille et une autre pour le bois.

L’accident de la route à Doujani finit en pugilat

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Après Kahani, vient le tour de Doujani. Ce week-end, un jeune motard a trouvé la mort sur le remblai après avoir été percuté par une voiture. Comme une semaine auparavant dans le centre de l’île, cet accident de la route a donné suite à plusieurs scènes de violences contre l’automobiliste mis en cause et les forces de l’ordre. 

Pour la deuxième fois en moins de dix jours, un accident de la route a provoqué un déferlement de violences inouï, ce week-end à M’tsapéré. Une semaine plus tôt, des émeutes éclataient à Kahani, où une enfant de cinq ans venait d’être blessée par un automobiliste circulant à une vitesse trop élevée. Mais le motard fauché ce dimanche n’en est lui, pas sorti vivant. Il est 20 heures 30 ce soir-là, lorsqu’un jeune homme au volant de son deux-roues entreprend un dépassement “hasardeux” selon les forces de police, en sortant du rond-point de Doujani. En pleine courbe, il se déporte sur la voie de gauche. En face, une voiture arrive et n’a pas le temps de freiner. Percuté de plein fouet, l’homme de 20 ans est tué sur le coup. 

Immédiatement, l’automobiliste, âgé lui d’une soixantaine d’années, s’arrête sur le bas-côté pour appeler les secours. À peine a-t-il le temps de raccrocher que plusieurs dizaines de jeunes qui venaient d’assister à la collision s’approchent de lui et le molestent à coups de pieds et de poings. Lorsque les pompiers arrivent sur place, ces mêmes jeunes s’en prennent cette fois au véhicule chargé de remorquer la moto accidentée, pendant que l’automobiliste passé à tabac est conduit au CHM, légèrement blessé. Puis, la police intervient à son tour pour sécuriser l’évacuation des soldats du feu. Les jeunes prennent alors à partie les forces de l’ordre et, comme à l’accoutumée, tirent des rafales de pierres en leur direction. Après quelques ripostes à coup de gaz lacrymogènes, le calme revient enfin lorsque sonnent les 22 heures. Là encore, aucune interpellation ne sera possible ce soir-là, et nul ne sait à ce stade si le sexagénaire, qui a porté plainte, sera en mesure d’identifier ces agresseurs. Une scène que ne connaissent que, tristement, trop bien les habitants du 101ème département. 

Pendant ce temps-là, la délinquance baisse selon la ministre des Outre-mer 

Pourtant, mardi dernier, la ministre des Outre-mer, interrogée par le député Mansour Kamardine sur l’insécurité à Mayotte, répondait que les faits de délinquance y avaient baissé de 45 % sur les trois derniers mois. Une déclaration rapidement qualifiée de “déni de réalité” par le parlementaire, qui, depuis l’automne dernier, ne cesse de signaler au gouvernement “un regain notable d’insécurité” sur le territoire, notamment concernant des faits de vol à main armée, de séquestration, d’agression, de pillages de commerce, d’incendie et de guet-apens contre les forces de l’ordre. Atterrée par les propos tenus par Annick Girardin, la population a également vivement réagi sur les réseaux sociaux. “Il faudrait qu’elle regarde de temps en temps le journal”, suggéraient les uns, pendant que les autres l’invitaient à revenir dès que possible voir la réalité de l’île, loin des colliers de fleurs et des m’biwi qui accompagnent chaque visite ministérielle. 

Réinterrogée quant à ses déclarations, cette fois par le sénateur Thani, la ministre des Outre-mer avait, deux jours plus tard, maintenu ses propos, faisant état de “deux nuits de phénomènes” et de “faits ponctuels” : “C’est ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux et je sais que les chiffres que j’ai donnés peuvent paraître éloignés du ressenti au quotidien des Mahorais (…) Si j’ai choqué les Mahorais, c’est que nous ne nous sommes pas compris. Oui, globalement la violence a baissé. Ces chiffres viennent de la baisse de plaintes déposées. Alors, on peut s’interroger. Est-ce que les gens vont moins porter plainte parce qu’ils estiment que ça ne change pas grand-chose ? Ou est-ce que la période de confinement a fait qu’il y a eu moins de plaintes ?” Une question que le ministère de l’Intérieur avait déjà tranchée dès la fin du mois de mars, en dévoilant les chiffres des crimes et délits enregistrés sur tout le territoire national depuis le début de la crise sanitaire. Sans surprise, tous, sans exception, affichaient une nette baisse, à l’heure où les déplacements étaient, partout, strictement limités. 

Si l’avis de la population semble lui aussi bien tranché, qu’en est-il du côté de la police ? “Il faut évidemment faire le distinguo entre les statistiques pures, dont le nombre de plaintes, et le ressenti sur le terrain qui est forcément en décalage avec les chiffres”, a à son tour affirmé le commandant Stéphane Cosseron, chef de la police dans le département. “La délinquance est soutenue, et on se doute qu’il y a des agressions que certains gardent pour eux et qui passent entre les mailles du filet, mais on ne peut pas dire qu’on constate une augmentation massive”, les barrages routiers, notamment, y étant effectivement monnaie courante, et ce depuis plusieurs mois. Vendredi dernier, deux hommes âgés de 20 ans ont d’ailleurs été condamnés à huit et dix mois de sursis probatoire pour avoir participé à plusieurs émeutes à Koungou au mois de décembre.

Rue du Commerce à Mayotte presque déconfinée : peu de clients, mais des attroupements

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En même temps que la réouverture des magasins, la préfecture, avec le rectorat, organisait ce lundi une distribution de masques et de gel hydroalcoolique avec rappel des gestes barrières, rue du Commerce. Une opération qui a vite ameuté les passants, visiblement plus intéressés par les masques que par les boutiques ouvertes. 

Il souffle comme un air de déconfinement, ce lundi après-midi, dans la rue du Commerce. Et pas seulement dans les boutiques, autorisées à rouvrir progressivement dans le respect des gestes barrières. Sur les trottoirs, à côté des devantures et des panneaux “arrivages le 18 !”, des attroupements se forment ici et là. Des klaxons retentissent depuis la voie, où un micro-embouteillage s’est formé, comme au bon vieux temps. “Donne-moi un masque !”, hèle un automobiliste derrière son volant. La personne qu’il interpelle, déjà alpaguée par des mains tendues de tous les côtés, est un volontaire du service civique de l’Éducation nationale. Il fait partie des fameuses “brigades mobiles” qui, à partir de cette semaine, doivent sillonner les différentes communes de l’île pour procurer gratuitement masques et gel hydroalcoolique. Tout en rappelant, bien sûr, les bons gestes à appliquer pour lutter efficacement contre la propagation du Covid-19. 

Mais en guise de gestes, l’on retiendra surtout ces mains tendues dans l’espoir d’obtenir le précieux sésame, et le mouvement saccadé du bras d’Akim*. En effet, le volontaire qui a épuisé son stock de masques en moins d’une demi-heure n’arrête pas de pomper sur le manche du distributeur de gel, accroché à son dos. Des passants viennent sans arrêt, et lui tendent des bouteilles vides, pour repartir avec la solution à la maison. “Deux boîtes de masques, visiblement, ça n’était pas assez !” maugrée-t-il derrière son masque. Appelé à la rescousse pour cette distribution, cet agent de l’Éducation nationale a répondu présent à l’appel de son chef d’établissement. Sans plus de précisions. Tout juste a-t-on pris le temps de lui rappeler les gestes barrières, dont il a surtout pris connaissance avec “ce qu’on voit à la télé”. “On nous a dit qu’il y avait besoin de deux personnes, je suis plutôt du genre à dire oui, même si c’est quand même dangereux de s’exposer ainsi”, explique-t-il. Mais le “brigadier” ne sait pas si cette distribution sera rémunérée ni s’il devra revenir les prochains jours. Et vu la cohue de cette première journée, pas sûr qu’il reste aussi conciliant très longtemps… 

Protéger les gens 

Pourtant, tout avait plutôt bien commencé. Sur le parvis de l’Hôtel de Ville, la préfecture et le rectorat avaient donné rendez-vous aux brigades mobiles, ainsi qu’à différents acteurs engagés dans des actions de distribution à travers l’île : la DRJSCS (Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale), mais aussi la Poste, et le RSMA (Régiment du service militaire adapté) étaient donc présents. Objectif de la journée : accompagner la réouverture des magasins en rappelant l’importance des gestes barrières. Et, pour joindre le geste à la parole, distribuer à tous des masques et du gel gratuitement. “Cette opération va se poursuivre tout le temps nécessaire. C’est la politique des petits pas, quand on se pense prêt, on réouvre les petits commerces, mais on protège les gens”, souligne le préfet Jean-François Colombet, qui refuse encore de parler de déconfinement, tant que le R0 – le taux de reproduction de base, soit le nombre de personnes contaminées par une personne positive au Covid-19 – sera supérieur à 1. “Nous avons recommandé encore 150.000 masques en plus des 450.000 déjà arrivés, je ne veux voir personne qui me dise qu’il ne peut pas en avoir.” Pour s’en assurer, les brigades mobiles doivent donc parcourir les rues de Mayotte, à la rencontre des habitants. En tout, 36 jeunes – des équipes de deux par commune, et une équipe de quatre à Mamoudzou – issus du service civique de l’Éducation nationale seront chargés de donner un masque à chaque fois qu’ils croisent une personne sans protection. 

“Une opération de contamination” 

Et le message passe, du constat même du préfet. “Vous voyez dans la rue, de plus en plus de gens en portent, ils sont contents d’en avoir.” Presque un peu trop, visiblement. La troupe, partie de l’Hôtel de Ville, se retrouve vite assaillie par les passants, qui boudent les boutiques pour se ruer sur les masques. Des jeunes s’en amusent et posent devant les caméras avec leur toute nouvelle acquisition. Un commerçant, qui constate la cohue devant sa porte, l’a d’ailleurs plutôt mauvaise. “Je dis merci au préfet pour nous permettre de rouvrir nos commerces, mais vous voyez là, ce qu’il se passe ! Ce n’est pas possible”, gronde-t-il. Lui-même n’a déjà pas eu beaucoup de clients pour cette première journée, et craint de devoir fermer avant même d’avoir pu vendre un pantalon. “Si, à cause de ce que je vois aujourd’hui, on a un nouveau pic, avec pour centre la rue du Commerce, je suis prêt à porter plainte.” Et de conclure : “Ce n’est pas une opération de communication, c’est une opération de contamination.”

Ramlati Ali, députée mahoraise : “Les militaires peuvent nous aider”

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Vendredi, la délégation Outre-mer de l’Assemblée nationale auditionnait les acteurs impliqués dans la gestion de la crise sanitaire à Mayotte. Parmi eux, les directrices de l’ARS et du CHM, le recteur, mais aussi la députée Ramlati Ali. L’occasion pour la parlementaire de regretter certaines failles apparues dès le début de la crise. 

Flash Infos : Le report du confinement a été annoncé vendredi. Votre collègue, Mansour Kamardine, se positionnait contre. Vous, comment accueillez-vous cette annonce ? 

Ramlati Ali : Je ne croyais pas à la date du 18 mai. Compte tenu de la circulation du virus sur le territoire et du fait que nous sommes dans la phase ascendante, cela ne me paraissait pas envisageable. Cela correspond d’ailleurs aux critères de déconfinement annoncés par le premier ministre. Je comprends la démarche de Mansour, en ce sens où, avec la poursuite du confinement, le monde économique souffre. Certes, il est moins développé qu’ailleurs, mais nos petites entreprises vont en pâtir et risquent de mettre la clé sous la porte. Sa position est donc compréhensible. Mais d’un point de vue social, de mon point de vue de médecin, je ne peux pas dire qu’il faut déconfiner alors que la circulation du virus est active. Si on ramène le nombre de cas de Covid-19 de Mayotte à sa population, le ratio est plus élevé qu’en métropole. On dit aux gens de rester confinés et ils font le contraire, alors que se passerait-il si on disait qu’il y avait déconfinement ? Ils penseront que tout est rentré dans l’ordre et que la vie peut reprendre comme avant. Rapidement, on en arriverait à une immunité parfaite, car tout le monde serait atteint par le virus ! 

FI : Lors de votre audition auprès de la délégation des Outre-mer de l’Assemblée nationale, vendredi, vous avez regretté un manque de coopération entre les différents acteurs du territoire en début de crise : État, conseil départemental, élus, etc. Qu’avez-vous regretté ? 

R. A. : Actuellement, la coopération est claire entre le conseil départemental et l’État, et je l’applaudis. Mais au début de la crise en effet, nous n’avons pas su nous coordonner. Chacun jouait sa propre partition. Sur un petit territoire comme le nôtre, avec ses spécificités, sa pauvreté, etc., cela n’aurait pas dû se passer comme ça. Mais ce n’est pas une nouveauté. 

On prend souvent l’exemple de l’organisation des distributions alimentaires, mais même au-delà, il y a eu confusion. En termes de mesures prises, j’étais par exemple persuadée que, compte tenu de la précarité de la population, le port du masque serait obligatoire dès le début de la crise, au moins pour les personnes vivant dans des habitations insalubres où la distanciation est impossible. Dès le début, j’en ai parlé aux uns et aux autres. Cela se fait aujourd’hui et tant mieux, mais c’est quelque chose qu’il aurait fallu instaurée dès le début. En le demandant tous d’une même voix – parlementaires, maires, Département et préfecture –, nous aurions pu être entendus par Paris, même si le gouvernement n’y était pas favorable. Beaucoup de députés et de membres du gouvernement sont venus à Mayotte durant cette mandature, les spécificités de Mayotte sont connues. 

FI : Également, vous avez soumis l’idée que les militaires présents dans le cadre de l’opération Résilience puissent apporter leur soutien aux forces de l’ordre. Avez-vous espoir que la demande soit entendue ? L’union que vous prônez pourrait être utile dans ce cadre-là… 

R. A. : Absolument. J’en ai discuté avec les uns et les autres, et je pense qu’à Mayotte, cette solution est nécessaire. Nous avions su le faire dans le cadre de l’opération Shikandra. Nous pouvons le refaire. Face à la montée de l’insécurité, il faut aller plus loin, montrer à ces jeunes que même à 

Mayotte, on est sur un territoire de la République. Nous envoyer plus de gendarmes mobiles à chaque crise ? Cela ne marche pas : il y a une accalmie le temps qu’ils sont là, et puis ça repart ensuite. Il faut donc réfléchir autrement. Ces militaires sont là, ils peuvent nous aider. La demande a été faite au ministère de l’Intérieur et je sais que je ne suis pas la seule à l’avoir fait. Nous sommes trois élus de la majorité à nous être exprimés en sa faveur, le député Mansour Kamardine n’y est pas opposé non plus, et je pense que le préfet ne serait pas contre une aide de cette nature. Cela ne peut être qu’un bien pour ramener le calme dans ce territoire.

Le Covid pendant la période de suractivité à la maternité de Kahani

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Première maternité de France, Mayotte regroupe quatre maternités périphériques en plus de Mamoudzou sur son île. Celle de Kahani recense un nombre de naissances bien supérieur aux autres de par sa position géographique sur le territoire. Et alors que les sages-femmes connaissent une suractivité à cette période de l’année, elles doivent également s’adapter au Covid-19.

“Madame, le masque c’est au-dessus du nez. Vous aussi Madame, je vous ai vue dans le reflet de la fenêtre”, adresse malicieusement Cloé, coordinatrice sage-femme à la maternité de Kahani, à deux femmes enceintes assises à l’entrée de l’établissement vendredi matin. Ici, comme partout ailleurs, les mesures d’hygiène règnent. À peine un pied dans le couloir orangé d’hospitalisation pour rejoindre son bureau que les cris des nouveau-nés bourdonnent puis s’intensifient. Installée derrière son ordinateur, la jeune femme reçoit un coup de fil de sa coordinatrice en maïeutique gynécologie-obstétrique, Zabibo Moendandze, pour faire un point logistique sur le matériel. Une série de chiffres s’ensuit dans l’échange avant que la communication ne s’interrompe, faute de réseau. Les aléas de la brousse… Café à la main, elle reprend et termine la conversation avant de partir, téléphone autour du cou, prendre des nouvelles de son équipe.

Au loin, Mariame nettoie minutieusement, munie de ses gants roses, les lits des bébés qui sortent de leur bain, tandis que Manon, lunettes sur le nez, tapote les dernières données sur le clavier de l’ordinateur. L’auxiliaire de puériculture et la sage-femme échographiste gardent à l’œil pas moins de vingt lits de suites de couches. Et elles peuvent compter six jours par semaine sur le soutien de Matthias, pédiatre de maternité, qui jongle avec les autres structures de Grande-Terre (Mramadoudou et Dzoumogné, en plus de Kahani) et apporte une touche masculine dans cet univers si souvent féminin. “La prise en charge est optimale tant pour la mère que l’enfant”, certifie Cloé. De l’autre côté du bâtiment, Roukia, Madi et Coralie gèrent ce jour-là la salle de naissance dans la zone du bloc obstétrical. La sage-femme en poste y assure les accouchements de grossesses physiologiques. En cas de complication, celle-ci peut procéder à une réanimation néonatale avant que la maman et le nouveau-né ne soient conduits par Saïd dit Laurent vers l’établissement de la ville chef-lieu, avec une ambulance spécialement dédiée, avec la présence d’Anne, la sage-femme en charge des transferts. Et dans une autre aile, Claire et Bibi s’occupent des consultations pour le suivi de grossesse et l’échographie, mais aussi des pesées, des soins de cordon et des suivis d’allaitement lors du premier mois de vie. “Un médecin spécialisé vient une fois par semaine pour apporter son avis et son expertise sur certaines pathologies”, précise Cloé.

117 naissances au mois de mars

Si Mamoudzou réalise près de 70 % des accouchements sur le territoire, Kahani représente la deuxième maternité de l’île, avec pas moins de 962 naissances en 2019. Preuve de cette envolée, le mois de mars 2020 recense le plus fort taux d’accouchements du centre périphérique depuis les cinq dernières années (117). Un chiffre record qui s’explique en raison de la densité de la population et du flux migratoire des personnes en situation irrégulière vers le nord de l’île. “Sur le pôle gynéco-obstétrique, nous sommes en plein rush, c’est-à-dire en suractivité. C’est un phénomène chronique à cette période de l’année qui coïncide avec la saison des mariages, mais surtout qui se cumule avec le covid et la dengue”, souligne la coordinatrice sage-femme. En effet, ces deux épidémies poussent l’équipe soignante à revoir son mode de fonctionnement, notamment pour s’assurer que les patients ne soient pas risques à contamination. “Nous n’avons jamais eu de femmes en cours de grossesse testées au Covid+ à Kahani [selon le point épidémiologique du 14 mai de Santé Publique France, 54 femmes enceintes ont contracté le Coronavirus à Mayotte, ndlr]. Les deux cas que nous avons rencontrés sont des dames qui ont accouché à Mamoudzou et qui nous ont été envoyées pour réaliser leur séjour en suites de couches. Elles ont présenté des symptômes au bout de 24 heures et ont bénéficié d’un dépistage. Dès les premiers signes, nous les avions placées en chambre d’isolement, mais elles n’ont pas nécessité d’oxygénothérapie”, développe Cloé. Et en cas d’accouchement imminent d’une patiente positive, la maternité possède une salle spécifique pour la prendre en charge et ainsi protéger le personnel soignant et les autres futures mamans.

Des sorties à éviter et des séjours réduits

Autres restrictions liées à la propagation du virus ? Le confinement des mères dans leur chambre, alors que celles-ci avaient pris pour habitude de profiter d’un bol d’air sur la terrasse après la période des soins du matin… “À l’heure actuelle, ce n’est plus permis pour éviter au maximum les échanges et les contacts.” Seul lot de consolation durant cette attente qui peut paraître interminable, la durée des séjours, de trois jours initialement pour un accouchement par voie basse, a été raccourcie à deux en raison de la période de suractivité. “Mais elles continuent d’être suivies par des sages-femmes libérales en sortant”, sourit Cloé. Quid alors des visites ? Celles-ci sont tout simplement interdites depuis le déclenchement du plan blanc le 15 mars dernier. Idem pour les accompagnants au moment de l’accouchement. Face à ce constat, l’équipe de sages-femmes a sollicité la direction au sujet de cette absence, qui allait selon elles à l’encontre des recommandations nationales. Verdict : l’administration est revenue sur sa position et a de nouveau autorisé la présence du père depuis peu. Une “petite” victoire certes, mais ô combien importante durant crise sanitaire, qui “n’empêche pas les naissances”.

Lisser la vague pour éviter le tsunami à Mayotte

Le déconfinement ne sera pas pour aujourd’hui. Vendredi, le préfet Jean-François Colombet annonçait la décision du gouvernement. Mayotte demeure donc confinée malgré un assouplissement pour certains commerces. Un report qui répond aux craintes de l’ARS de voir l’épidémie, déjà en large circulation sur le territoire, grimper en flèche. Objectif : lisser la vague épidémique pour ne pas se retrouver face à un tsunami.

Soulagée la directrice de l’ARS, Dominique Voynet ? Au moins en partie. En repoussant le déconfinement à une date ultérieure, le gouvernement répond à sa crainte : voir l’épidémie de Covid-19, déjà en grande circulation sur le territoire, grimper en flèche en cas de retour à la normale. Vendredi soir en effet, le préfet Jean-François Colombet a confirmé sur l’antenne de nos confrères de Mayotte la 1ère que seuls les petits commerces – hors bars et restaurants – pourraient réouvrir sous réserve de faire respecter les gestes barrières et le port du masque. Un assouplissement qui doit s’accompagner de la mise en place de “brigades avec des services civiques pour proposer du gel hydroalcoolique et des masques aux personnes qui n’en seraient pas équipées”, a promis le haut fonctionnaire. Pas de réouverture des écoles ce jour non plus, mais possiblement le 25 mai si les conditions de sécurité sanitaire le permettent. Rien de moins sûr donc.

Un report du déconfinement à une date encore inconnue destiné à lisser la “vague épidémique”, terme préféré par l’ARS à celui de pic. Dominique Voynet, directrice de l’organisme, l’expliquait vendredi matin, lors de son point presse bi-hebdomadaire : “On reste sur un modèle de vague. On parle de pic par commodité, mais tant qu’on ne l’a pas eu on ne sait pas jusqu’où cela peut monter. (…) Jusqu’à présent, nous avons travaillé sur des modèles mathématiques qui prévoyaient le confinement, avec différents scénarios – très bien ou moyennement respecté –, mais pas sur des modèles prévoyant un déconfinement.” Or, “le modèle du confinement bien respecté correspond à ce qu’on a vu jusqu’à fin avril. (…) Le R0 était alors en dessous de 1. [Mais] depuis le 25 avril, on a une augmentation de nombre de cas et un R0 passé à 1,5. L’épidémie augmente donc à un rythme modéré, mais elle augmente (…) sans que l’on sache si l’accentuation du déconfinement conduira à une explosion du nombre de cas ou à une croissance plus régulière”. Pour rappel, lesdits modèles annoncent un apogée de l’épidémie aux alentours du 21 mai, suivi d’une chute du nombre de cas positifs.

Et de poursuivre, à ce moment où, bien que devinant la décision, elle n’en connaissait pas encore la teneur officielle : “Quelle que soit la décision prise, le déconfinement ne peut pas être rapide et général, il ne peut pas faire l’impasse sur la priorité absolue qu’est le respect des gestes barrières. La distribution de masques à chaque habitant, la volonté d’assurer l’accès à l’eau pour permettre à tout le monde de se laver les mains, et celle de faire respecter les distances physiques, en sont des préalables.” Sur le papier, nous en sommes là : dans l’attente de rentrer dans le vif du sujet.

Un avion sanitaire pour Mayotte

Une attente qui demande de la préparation et de libérer de la place au sein des services du CHM concernés par l’épidémie, médecine et réanimation. C’est la raison des évacuations sanitaires vers le CHU de La Réunion (il y en a eu 47 entre le 3 et le 17 mai, dont six patients touchés par le virus, ndlr). Une nouvelle sur ce point : l’arrivée d’ici quelques jours d’un avion sanitaire qui permettra d’évacuer les patients Covid-19, ceux-ci ne pouvant être pris en charge sur les vols maintenus par Air Austral entre les deux départements. Au moins quatre vols par semaine sont prévus.

Et puis, il faut prévoir des tests, autre point sensible compte tenu des difficultés d’acquisition du moment. “Notre capacité monte petit à petit, mais on reste encore limité”, a regretté la directrice de l’ARS en précisant toutefois : “Nous avons une capacité de 400 tests par jour. [Si nous devions les faire], cela supposerait de faire travailler le laboratoire du CHM 24/24h, ce qui n’a pas encore été nécessaire compte tenu du nombre de prescriptions. Quand nous en aurons besoin et que nous aurons le matériel pour, nous changerons de rythme.”

Arrivée prochaine de l’EMR

Du matériel qui arrivera en partie avec le Service militaire des armées, dont le déploiement n’a pas été sans complication compte tenu de l’espace et des moyens techniques qu’il nécessite. Une partie doit décoller ce soir de Paris pour une arrivée mardi matin à Mayotte. Dans cette première cargaison : 16 militaires en renfort, des lits et du matériel, dont un automate et des consommables pour augmenter la capacité des tests. Deux autres arriveront “dans les15 jours”. Une “garde avancée” qui précèdera le reste du détachement, ses 80 personnes et surtout l’Elément militaire de réanimation (EMR) prévu.

 

24 heures avec… Le Père Bienvenu, confiné sans ses paroissiens mahorais

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Le curé de l’Eglise Notre Dame de Fatima à Mamoudzou veut voir dans le confinement un message d’espérance. Et pour lui, cette période trouble ne suffit pas à l’éloigner des autres ni de ses habitudes, bien au contraire.

On l’a vu, pour Pâques, sur les antennes de Mayotte la 1ère. La chaîne était venue lui rendre visite en ce jour sacré. Ce matin-là, il avait tout préparé, comme à l’ordinaire. “J’ai décoré l’Église pour la messe, et j’ai célébré ce jour comme si j’avais mes paroissiens en face de moi”, raconte Père Bienvenu Kasongo, le curé de l’Église Notre Dame de Fatima à Mamoudzou. “C’est une fête essentielle, car c’est la Résurrection du Christ. Mais pendant ce confinement, nous en passons d’autres, à distance les uns des autres : le Carême, la Pentecôte, et même le Ramadan”, poursuit le prêtre, qui veut toutefois voir dans cette période troublante un message d’espoir. “C’est un moyen de lutter contre la propagation du Covid -19 et pour moi, c’est le sens même de l’amour du prochain et du sacrifice”.

Pour autant, le serviteur de Dieu le reconnaît sans faux-semblant : “Oui, cela me manque de ne pas voir les paroissiens.” Alors, pas question de perdre le lien. Père Bienvenu passe toujours beaucoup de temps à l’écoute des fidèles catholiques, par téléphone ou par WhatsApp. Voire même un peu plus que d’habitude. “C’est une période où je me suis rapproché de mes paroissiens, en me rendant encore plus disponible. C’est la mission du pasteur au troupeau”, souligne l’homme de foi, qui aime citer cette phrase du curé d’Ars, Jean-Marie Vianney : “Le curé est la sentinelle de la foi de ses paroissiens.” Résultat, son planning est bien chargé. Même avec le confinement, le prêtre de Mamoudzou ne loupe jamais un rendez-vous avec la messe, qu’il officie tous les jours à 18h et le dimanche à 9h30. Pour maintenir le contact, il envoie à ses ouailles les feuilles de messe. “Ainsi, nous sommes en osmose avec eux dans la prière.”

Une vie pastorale ordinaire

Pour le reste, sa vie se déroule “comme à l’ordinaire”. “C’est essentiel de ne pas interrompre ses activités”, insiste-t-il. Ses journées, toujours réglées comme du papier à musique, commencent dès l’aube, vers 5h30, pour la Liturgie des heures, la prière du matin. S’ensuit un rapide casse-croûte, avant de filer vers son bureau pour s’attaquer aux dossiers administratifs. Derrière ce terme, il désigne tout un tas de paperasses diverses, de la convention signée avec les cadis pour exonérer églises et mosquées de facture pendant les deux mois de confinement, à l’ouverture des courriers ou l’envoi d’actes de baptême. Mais aussi les préparatifs pour la suite, car, comme tout le monde, l’Eglise a pris du retard dans son planning de l’année. “On reçoit des appels pour préparer des mariages, et c’est vrai que nous n’avons pas pu faire nombre de sacrements depuis le début”, développe-t-il.

Ding dong ! Ce sont les douze coups de midi qui sonnent, et avec eux la Prière de l’Angélus. Passé ce moment de communion, Père Bienvenu profite d’un repas, et parfois d’une petite sieste avant de reprendre ses activités. Une fois tout son travail de la journée effectué, il n’oublie pas de faire son sport : vers 16h30, on peut le voir déambuler dans la cour de la paroisse, avant la messe de 18h. À part ces quelques pas, le prêtre n’a pas beaucoup eu l’occasion de sortir. Sauf une ou deux fois, quand il a été appelé pour apporter l’onction des malades à un patient de l’hôpital, ou pour officier la messe des funérailles en Petite Terre, avec moins de 20 personnes et dans le respect des gestes barrières.

Un nouveau look de la vie

Le reste de son temps, il l’occupe essentiellement par de la lecture. Et quand on vient à parler littérature, le prêtre est inépuisable. Entre Enquête sur les apparitions de la Vierge Marie, de Yves Chiron, Le mariage, aventure de sainteté, de Henri Caffarel, Les 5 clés du comportement : construire soi-même son optimisme, de Michel Lejoyeux ou encore Par-delà le bien et le mal, de Friedrich Nietzsche, ou L’art de se connaître soi-même, de Arthur Schopenhauer, Père Bienvenu dévore les livres de sa bibliothèque, religieux comme profanes. Et c’est sans doute dans cette diversité culturelle qu’il puise la source de ses réflexions sur la vie et le sens des récents événements liés à la pandémie. Son esprit résolument optimiste le pousse à refuser dans le confinement, “une fatalité, une résignation, un laxisme, un jeu, ou la fin du monde”, dicte-t-il. “Au contraire, il faut le vivre comme un nouveau look de la vie, le vivre avec optimisme, foi et espérance.”

 

Une rénovation s’impose au sein de l’enseignement supérieur à Mayotte

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Pendant la crise sanitaire, le Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte s’est heurté aux situations précaires dans lesquelles se trouve un grand nombre des étudiants mahorais. Sans ordinateur ni d’accès à internet, il est difficile d’assurer une continuité pédagogique. Ce constat mène le directeur du centre, Aurélien Siri, à repenser tout le système de formation.

Flash Infos : Est-ce que le CUFR de Mayotte a contribué d’une manière ou d’une autre à la gestion de la crise ?

Aurélien Siri : L’une de nos actions a été le don de masques, de gel et de gants à l’ARS Mayotte. Ce sont des produits qu’on avait dans nos laboratoires de recherche. Cependant, nos actions ont surtout été ciblées pour nos étudiants. Ils sont souvent dans des situations précaires socialement et numériquement. On a alors mis en place un soutien financier. Une commission a accordé une aide spécifique d’urgence à ceux qui en avaient besoin et qui nous ont sollicités. D’autres étudiants nous ont appelés pour des besoins alimentaires, nous les avons orientés vers La Croix Rouge. Nous avons également mis en place un soutien psychologique avec l’assistante sociale et l’infirmière grâce à une permanence téléphonique.

FI : La crise sanitaire a-t-elle révélé des failles dans le fonctionnement du centre universitaire ?

A. S. : Malheureusement, beaucoup de nos étudiants ne sont pas équipés. Ils n’ont pas accès à internet et ils n’ont pas d’ordinateur. La difficulté a été d’arriver à toucher ces étudiants à distance en leur apportant les cours. Dans une réflexion que l’on doit avoir sur les mois à venir, il faut penser davantage à avoir des moyens pour que tous les étudiants puissent travailler à distance même s’ils sont dans des situations défavorisées. On va travailler avec le rectorat, le conseil départemental, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour qu’on ait des moyens supplémentaires afin d’équiper les étudiants dès qu’ils inscrivent chez nous. On identifiera dès le départ les étudiants qui sont en difficulté sociale et financière pour que l’on puisse apporter le prêt d’un ordinateur le temps de leur scolarité chez nous.

FI : Dans la tribune que vous avez co-signé, vous insistez sur le fait de repenser l’enseignement supérieur. De quelle manière faudrait-il appliquer cela au CUFR de Mayotte ?

A. S. : La tribune incite à repenser la formation de l’enseignement supérieur, mais on ne parle pas des matières. À la rentrée, il faudrait prévoir plus d’enseignements en ligne, plus d’outils numériques, plus de classes virtuelles. C’est-à-dire une hybridation de la formation. Nous devons également prévoir des initiatives de pédagogie numérique avec de la captation de vidéo. Aujourd’hui, l’amphithéâtre bondé n’est peut-être plus la meilleure solution compte tenu de l’épidémie. On pourrait plutôt filmer les cours et les mettre en ligne. Cela sera très bénéfique pour les étudiants, car ils perdent beaucoup de temps dans les transports scolaires et ils sont fatigués.

La tribune invite aussi à mieux considérer les petits établissements qui apportent une valeur ajoutée très forte à leurs territoires, à l’image du CUFR de chez nous. Ce type d’établissements sont importants au développement du territoire.

FI : Comment envisagez-vous la fin de l’année universitaire ainsi que la prochaine rentrée ?

A. S. : Il n’y a plus de cours jusqu’à la rentrée, mais l’établissement reste ouvert pour certaines activités qui ne peuvent pas être pratiquées à distance (activités de recherche, entretien des locaux). On rouvrira aussi pour les inscriptions, nous sommes en train de réfléchir à une organisation. Le CUFR n’a jamais procédé à l’inscription en ligne, mais si on peut le faire on le fera et on aimerait le mettre en place pour les années à venir. Concernant la prochaine année universitaire, on démarrera les cours en présentiel en août et on fera passer les rattrapages en août également en présentiel. En temps normal, cela se fait au mois de juin. Il est important que les rattrapages se fassent en présentiel afin que tous ceux qui n’ont pas pu composer à distance puissent le faire. La crise a entrainé un assouplissement des modalités d’évaluation des étudiants. Cela veut dire qu’on est en droit de remplacer les devoirs sur table par un devoir maison ou le contrôle continu. Cet assouplissement s’est fait en collaboration avec les universités partenaires de l’hexagone et de La Réunion.

FI : N’avez-vous pas peur que cela favorise le discours qui affirme que le niveau des étudiants mahorais n’est pas assez élevé ?

A. S. : Non parce que pendant la crise de 2018, l’établissement était fermé pendant 45 jours, on avait peur qu’à la fin de l’année les résultats des étudiants soient très mauvais, mais finalement le taux d’échec n’était pas très élevé. Il l’était un peu plus que les autres années, mais pas tant que ça. Les étudiants qui sont en deuxième et troisième année et en master ont un niveau suffisant, ils ont un équipement suffisant, ils savent travailler en autonomie, et ils arrivent à s’en sortir. La plus grande difficulté vient des étudiants de première année qui ont besoin d’être plus encadrés et ils sont moins équipés. Donc à mon avis il n’y aura pas de gros écart entre le taux de réussite de l’année dernière et celui de cette année. Et nos étudiants sont traités exactement de la même manière que les étudiants des universités partenaires. Il est important de préciser qu’à Mayotte, l’année universitaire commence plus tôt. Quand on a fermé les établissements en mars, il ne restait plus qu’aux étudiants un mois de cours à Mayotte. Donc l’impact de la crise est moindre parce qu’il y avait eu beaucoup d’enseignements qui avaient été réalisés.

FI : En terme d’équipement êtes-vous prêts à accueillir les étudiants et le personnel tout en respectant les mesures d’hygiène ?

A. S. : Nous avons fait une grosse commande de gel, de gants et de masques pour 30.000 euros. L’objectif est d’équiper le personnel et les étudiants qui n’auront pas de masques. Tout cela est un budget qui n’était pas prévu, il va falloir que le ministère nous accompagne pour prendre en charge ces dépenses supplémentaires. Pour l’instant, nous avons puisé dans le budget de l’établissement, mais on a un budget total de 2 millions d’euros donc 30.000 euros c’est beaucoup pour nous, surtout s’il faut commander une nouvelle fois.

 

À Miréréni, les masques ne protègent pas contre la dengue ou la faim

Le CCAS de Tsingoni a entrepris de distribuer les masques de la préfecture aux familles du village de Miréréni, en prévision du déconfinement. Mais dans ces quartiers où les gens connaissent mieux la faim et la dengue, il est parfois difficile de faire entendre l’utilité de ces nouvelles protections. 

Il est neuf heures, ce jeudi, au CCAS de Tsingoni. Une foule s’agite à l’ombre, à une dizaine de mètres de l’entrée du local. Un grand homme assez fin apparaît de derrière un poteau : on lui a dit qu’il pouvait obtenir une aide avec la CAF. “C’est bien ici ?” demande-t-il autour de lui. “Oui, attendez de ce côté-ci”, lui répond Soumaila Soula M’madi, le directeur du CCAS. Entre les demandes pour la CAF et les inscriptions sur les listes pour bénéficier des aides, ici, c’est chaque jour la même rengaine. “Ils viennent tous les matins, parfois ce sont des familles que l’on connaît, que l’on a déjà inscrites, et qui reviennent, parce qu’elles n’ont rien eu”, rapporte le directeur. 

Et pour cause : une partie des bons alimentaires censés apporter un peu de répit aux foyers démunis depuis le début du confinement n’a pas été distribuée, ou du moins pas d’après la liste établie par le CCAS. Les élus de la mairie ont récupéré cette mission, et certains foyers sont donc toujours sans nouvelle, alors même que le déconfinement approche. Face à ces familles aux bourses vides et aux estomacs creux, les agents n’ont parfois plus de réponse. “Souvent, on doit leur expliquer que l’aide va arriver, que cela ne sert à rien de venir tous les jours se réinscrire, mais à force, les gens ne nous croient plus”, soupire Soumaila Soula M’madi, derrière son masque en tissu. 

Une journée pour distribuer 500 masques 

Mais pour cet ancien chargé de mission aux politiques de la ville, qui travaille depuis au moins onze ans à Miréréni et ses alentours, pas question pour autant de rester les bras croisés. Lassé par les lenteurs administratives, il s’appuie désormais essentiellement sur les associations, comme le Man-Oi ou Horizon, qui continuent d’effectuer des distributions alimentaires, entre autres missions. “Horizon a fait un très important travail de sensibilisation des populations. Pendant les deux premières semaines, ils n’ont pas arrêté de venir rappeler les gestes barrières, et l’importance de se protéger contre ce nouveau virus”, salue-t-il. Ce matin, il a décidé de se rendre lui-même sur le terrain, pour la deuxième journée consécutive, avec l’aide de deux associations locales. Objectif : distribuer près de 500 masques aux familles des bangas environnants, qui n’ont pas toujours de boîte aux lettres. Au détour du stade qui sépare le centre communal d’action sociale du quartier de “Chajou”, aussi appelé “Petite-Terre” ou “Petite France”, l’équipe se prépare. Sac sur le dos et masques sur le nez, elle entame alors sa mission dans le dédale terreux du bidonville, qui s’étale à perte de vue sur les flancs de la colline et près du lit de la rivière. 

Un quartier insalubre en pleine expansion 

“Hier, j’y ai passé la matinée, et j’ai à peine fait 1/4 des maisons”, raconte le responsable, un sac de 200 masques pendu au bras. Il faut dire que le travailleur social est plus qu’un simple livreur. À chaque maison en tôle, celui qui a aussi une formation de psychologue prend le temps d’expliquer comment mettre le masque, l’importance de se protéger et de protéger les enfants quand ils iront à l’école. Mais si ces distributions au porte-à-porte prennent du temps, c’est aussi parce que le quartier est en pleine expansion. “Ça a changé depuis la dernière fois que je suis venue”, souffle Faika, de l’association Waparo, ébahie devant les maisons de tôle qui se succèdent sous ses yeux. Des hommes, le casque de chantier vissé sur la tête, en construisent de nouvelles, à côté de la rivière ou dans un champ de bananiers. D’après le dernier recensement, Tsingoni, la commune qui administre le village de Miréréni, a connu l’une des plus fortes croissances de population : +5,9 % entre 2012 et 2017. Et à Chajou, beaucoup de personnes se concentrent autour de la rivière dans des conditions insalubres. 

Masques VS. bons 

Résultat, la dengue fait déjà des ravages dans ces quartiers enfouis au fond de la jungle, d’après Soumaïla Soula Madi. Difficile d’ailleurs, de le contredire, quand on voit les déchets qui jonchent ici et là les différents points d’eau du village. Un caddie renversé, des emballages plastiques… autant de potentiels gîtes larvaires dans lesquels le moustique tigre peut se reproduire. Au détour d’un chemin, un malade se repose justement au fond de sa case en tôle. “Odi, odi ?”. La réponse, en shimaoré, vient de loin. “Encore une victime de la dengue.” Il est déjà 10h30 passé, et la petite troupe poursuit sa tournée. Malgré le travail de sensibilisation, les familles jettent souvent un regard interrogateur sur ces visiteurs masqués. Mais acceptent quand même le colis de cinq masques en tissus. “Tu le mettras pour être jolie ?”, sourit le directeur à une petite fille, qui s’enfuit en riant. “Moi j’ai déjà eu les masques, je veux les bons !”, s’exclame une jeune femme en train de faire sa lessive en contrebas. À Chajou comme dans beaucoup d’autres quartiers sur l’île, le Covid-19 inquiète moins que la faim…

Le lagon de Mayotte à nouveau sous haute surveillance

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Les récents actes malveillants à l’encontre des espèces marines et des plages ont poussé les autorités à agir. Le parc naturel marin et les associations habilitées sont à nouveau autorisés à surveiller le lagon même si le confinement n’est pas levé. Cette reprise d’activité marine est aujourd’hui indispensable afin d’atténuer les dégâts de demain. 

La nature a repris ses droits pendant le confinement, mais le lagon n’a pas été épargné par la succession d’actes malveillants durant cette période. Le dernier en date a été de trop et les organismes en charge de la surveillance du lagon et des plages ont été autorisés à reprendre leurs activités. Pour rappel, il y a une quinzaine de jours, 29 cadavres de tortues ont été découverts sur la plage de Moya. “Suite à cela, le conseil départemental a remis des agents pour surveiller les plages de Petite-Terre. On a également réussi à convaincre l’Office français de la biodiversité (OFB) de nous autoriser à réactiver les moyens nautiques malgré le confinement”, indique Christophe Fontfreyde, directeur du parc naturel marin de Mayotte. Les agents constatent une succession de braconnage. Mercredi, l’association Oulanga Na Nyamba a découvert deux autres cadavres de tortues sur la plage de Papani en Petite-Terre. Cette plage est assez isolée, par conséquent, elle est idéale pour les braconniers. “Nous faisons une inspection environ deux fois par mois. La dernière date d’il y a 10 jours, et depuis il y a eu deux cas supplémentaires. C’est un peu moins que ce qu’on recense habituellement”, selon Dina, coordinatrice des projets de sensibilisation et de la vie associative de Oulanga Na Nyamba. Elle explique cela par la récente interpellation des deux braconniers. La surveillance des plages est donc indispensable. “Nous nous sommes rendus compte que lorsqu’on ne le fait pas, le taux de braconnage augmente considérablement”, souligne Christophe Fontfreyde. 

Le lagon est également mis à mal. Le parc naturel marin recense un certains nombre d’actes malveillants et de délits depuis la reprise. 29 embarcations ont été contrôlées en seulement deux jours. Un filet de 140 mètres de long a été intercepté sur la côte à Sada. Leur utilisation est très encadrée et celui-là se trouvait sur une zone non adéquate qui empêchait les tortures de se déplacer. À cela s’ajoute la pêche au fusil qui consiste à pêcher des poissons difficiles à attraper normalement. Cette pratique est strictement interdite dans le lagon. 

“On a un lagon qui est encore en bon état, mais chaque année un peu moins qu’avant” 

Le parc naturel marin a donc repris son activité de surveillance. Leurs deux bateaux sont de service, les équipes sont sur les chapeaux de roues. Selon le directeur, il faut agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard. “On a un lagon qui est encore en bon état, mais chaque année un peu moins qu’avant. C’est dans l’intérêt des Mahorais de le surveiller pour que nos enfants ne mangent pas que des sardines en boîte.” Un acte qui peut paraître anodin aujourd’hui peut avoir de lourdes conséquences à l’avenir. La pêche au fusil vise principalement les poissons reproducteurs, en les capturant c’est toute une espèce qui risque de disparaître. Les tortues ne sont pas en reste. “Une tortue pond une centaine d’œufs et seul un aura la chance d’atteindre l’âge adulte. Si on les tue, les conséquences seront graves dans quelques années”, rappelle Dina de l’association Oulanga Na Nyamba. Selon elle, la surveillance ne peut pas être le seul moyen de dissuasion. “Il faudrait démanteler le circuit, parce que s’il n’y a pas de consommateurs, il n’y aura pas de fournisseurs. Et il faut multiplier les actions des forces de l’ordre qui interpellent les braconniers.” En attendant, si les agents du parc naturel marin de Mayotte interpellent une personne en flagrant délit, cette dernière risque de le payer cher. “On a des inspecteurs de l’environnement sur le bateau. Ils sont habilités à lancer des procédures qui peuvent se finir par une confiscation du matériel, la remise à l’eau des espèces pêchées et ça peut aller jusqu’à la confiscation du bateau. C’est la même chose pour les braconniers avec un passage au 

tribunal et même la confiscation du véhicule qui a permis la mise à l’eau du bateau”, prévient Christophe Fontfreyde. Il n’est donc pas raisonnable de prendre tous ces risques pour quelques

Les poissonneries mahoraises ont le bec dans l’eau

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À Mayotte, la préfecture a autorisé le maintien des activités de pêche. Une bonne nouvelle pour le secteur, qui se retrouve maintenant confronté à un problème de stockages des produits frais. Les poissonneries et les coopératives sont aujourd’hui les premières à faire les frais du manque de structures adaptées. 

Ils nagent en eaux troubles. Alors que les pêcheurs professionnels de Mayotte ont réussi à renégocier leurs autorisations de sortie en mer mi-avril, d’autres acteurs du secteur, eux, n’ont pas eu la chance de pouvoir stabiliser leur activité. Depuis maintenant deux mois, poissonneries et coopératives de pêche tentent d’assurer leur rente, alors que leurs plus gros clients, les hôtels et restaurants, sont, pour la plupart, fermés. Et les commandes suspendues jusqu’à nouvel ordre. 

En conséquence, “les palangriers et les gros navires ont stoppé leurs activités”, atteste Michel Goron, chef de l’unité territoriale de de la direction de la mer sud de l’océan Indien (DMSOI). “L’activité de pêche a été préservée dans son inégalité puisqu’à Mayotte, les circuits sont majoritairement très courts. En revanche, pour les plus grosses entreprises, ça devient plus embêtant.” Parmi ces coopératives touchées de plein fouet, celle de Captain Alandor, à Doujani, accuse une réduction de 50 % de son produit de pêche. Pourtant, le poisson est là, les capacités aussi. “Pour sortir les bateaux et ramener du poisson n’est pas vraiment une contrainte”, complète à son tour Régis Masséaux, patron de la société. “Ce qui l’est, c’est qu’il faudrait qu’on puisse stocker les produits en attendant la réouverture des établissements scolaires, des restaurants et compagnie.” D’autant plus que des aides financières existent pour les besoins en entreposages. Mais à Mayotte, aucune structure adaptée n’existe encore. 

Les bateaux restent à quai 

Et si, mardi dernier, les pêcheurs ont pu se réjouir de l’annonce du prolongement de six mois de l’ensemble des titres professionnels, et ce à compter de la fin de la crise sanitaire ainsi que d’une indemnisation spéciale de l’activité partielle, rien à ce jour n’a encore été annoncé pour les enseignes qui, localement, possèdent leurs propres barques de pêche. “Il y a bien une aide pour les bateaux restés à quai…”, souffle Régis Masséaux. Mais à raison de quelques dizaines d’euros par jour, le dispositif ne suffit pas. Alors, la DMSOI s’est récemment saisie de la question et devrait très prochainement adresser à la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture une demande d’aides propres à la commercialisation des produits de pêche. D’ici là, “on va également solliciter le prêt garanti par l’État”, projette le patron de Captain Alandor, dont les marins ont tous été mis en chômage partiel. Ce prêt à faible intérêt qui permet aux entreprises de ne payer la première échéance qu’un an après qu’il ait été versé. De quoi laisser le temps au secteur de se remettre au moins un peu d’aplomb, alors que la saison des alizées gagne doucement le 101ème département, synonyme de baisse des activités de pêche. Déjà la semaine prochaine, les vents empêcheront tout bateau d’aller en mer. Si le début du ramadan a permis de “sauver un peu le mois d’avril”, selon les mots de Régis Masséaux, la suite pourrait bientôt être “catastrophique”.

Une opération citoyenne pour fournir des masques à la population mahoraise

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Quatre personnes ont lancé l’opération Solidarité Mayotte Covid-19 consistant à récolter des dons en ligne pour fournir des masques à la population mahoraise. Si cette initiative n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une démarche citoyenne, sachant que son port s’annonce prochainement obligatoire, notamment dans les commerces, pour une période plus ou moins longue. 

Le nom de l’opération Solidarité Mayotte n’a aucun lien quelconque avec l’association qui vient en aide aux réfugiés. D’où la précision Covid -19 à la suite de l’appellation pour ne pas faire l’amalgame. Lancée lundi, cette initiative a pour but de venir en aide à la population mahoraise, au travers d’une cagnotte mise en ligne*. L’objectif ? Financer l’achat de masques en tissu, lavables et réutilisables, qui seront par la suite distribués gratuitement aux habitants. À sa tête : Asmah Faradji, présidente de l’association Cfam976, Zaina Ibrahim, fondatrice de l’association Mayot’ Together ainsi que Laurie et Abdillah Sousou, couple d’entrepreneurs. “Ce n’est pas la première fois qu’on mène des projets à Mayotte”, souligne la femme du karatéka, qui s’occupe de toute la partie communication de cette démarche “purement citoyenne”. L’idée de mener cette campagne ensemble pour l’île aux parfums ne prend que quelques heures. “Le 101ème département est le dernier confiné et on est en décalage par rapport à la métropole. On ne peut pas rester sans rien faire”, insiste celle, dont la belle-famille habite sur le territoire. 

Un objectif de 20.000 masques 

Après la création de la page Facebook en deux temps trois mouvements, les quatre mousquetaires se mobilisent pour activer leurs réseaux respectifs et ainsi fédérer autour d’eux. “En quatre jours, on a récolté plus de 900 euros. Une entreprise nous a fait don de 200 masques et on est en pourparlers pour en recevoir 300 autres.” Fort de sa marque de vêtements, Sousou Sportwear, le couple souhaite faire appel à certains de ses fabricants, dont quelques-uns produisent déjà des masques en métropole, pour apporter sa pierre à l’édifice. En ligne de mire : l’espoir suprême d’atteindre la barre des 20.000 protections. Un chiffre qui paraît symbolique comparé aux 450.000 dévoilées lundi par le conseil départemental et la préfecture, mais qui se justifie pour Laurie. “La durée de vie des masques est limitée à environ 25 lavages. Dans tous les cas, il en faudra énormément par habitant si on part sur un port obligatoire oscillant entre six et sept mois.” 

Si l’intention séduit sur le papier, quid de la réalité des coûts de production ? Naturellement plus élevés qu’à Madagascar où les autorités ont récemment acheté les leurs… “La situation aujourd’hui fait que les citoyens se tournent vers le local. Ça nous a paru plus logique de solliciter des entreprises françaises qui sont sensibles à notre opération.” Ainsi, les commandes de fabrication seront hebdomadaires en fonction de l’évolution du montant reçu, sachant que la cagnotte se termine le 29 mai. En plus des précieux sésames, le groupe est à la recherche de solutions hydroalcooliques. “J’ai pris contact avec une start-up parisienne qui confectionne des distributeurs de gel sans contact. Ça pourrait être sympa d’en avoir un au niveau de la barge”, espère Laurie. 

“Toute aide est la bienvenue” 

Se pose alors la question de l’acheminement… Une problématique délicate depuis l’arrêt des vols commerciaux entre l’Hexagone et le territoire. Mais pour Laurie, une solution existe, grâce au soutien d’une entreprise spécialisée dans la communication sur Mayotte et La Réunion qui s’engage à payer le transport. “Les autorités font passer des colis liés à la situation sanitaire. La société qui 

s’est portée garante a déjà importé du fret”, souligne-t-elle. “Certes, ça va être compliqué, mais ce n’est pas impossible. On reste confiants.” Sur place, la distribution revient à l’association Mayot’ Together, qui se rapproche actuellement des maires des différentes communes pour connaître les besoins des habitants en termes de masques. D’ici là, les bons samaritains peuvent d’ores et déjà proposer leur aide comme bénévoles, que ce soit pour réaliser du démarchage téléphonique auprès des entreprises ou pour filer un coup de main sur le terrain. “Toute aide est la bienvenue”, conclut Laurie. 

*https:/cagnotte.me/42255-solidarite-mayotte-covid19/fr?fbclid=IwAR0WuNCubT4HDWyR06eJojBuq9GwO1GhHKav5hPz9QtzI7D9wiiI2G2F7cs

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