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Les affaires reprennent chez SFR à Mayotte

Fin des négociations. Après trois jours d’inactivités, les salariés grévistes du groupe SFR ont repris le chemin du travail. Un accord a été scellé entre la direction et les syndicalistes. Hier, les boutiques ont repris l’accueil clientèle.

Vendredi, 13h. L’intersyndicale CFDT/UNSA, les élus de la SMR (société mahoraise de radiotéléphonie) et la direction se rencontrent pour une ultime visio-conférence qui se prolonge jusqu’à minuit. « Le dialogue était plus ouvert comparé au meeting précédent », témoigne Anrmy Bourane, délégué syndical de la CFDT et secrétaire du CSE (comité social et économique). La première avancée majeure porte sur la pression exercée sur les élus. Selon le représentant, un expert en médiation sera envoyé par le groupe Altice SFR depuis Paris. « Ce dernier sera chargé de réunir les différents protagonistes, à savoir les deux élus, la manager et le RH, de manière à analyser la situation afin de proposer des solutions alternatives au conflit », dévoile-t-il.

Le second point met l’accent sur le poste vacant de directeur de la SMR. Les syndicalistes souhaitent avoir un dirigeant local qui soit proche de la population. Chose entendue par la direction qui nomme immédiatement un responsable RH dont l’arrivée est imminente. « Nous voulons une personne prête à s’impliquer auprès des Mahorais et qui vivent à leur côté », ajoute le secrétaire du CSE. Le troisième point de satisfaction traite des minimas salariaux conventionnels. « Nous avons ressenti un manque de transparence dans le mode de calcul des minimas en 2018, il y a eu de nombreuses zones d’incompréhension », souligne le délégué de la CFDT. La participation de Jean-Christophe Capel, responsable de la partie paye et organismes sociaux du groupe Altice SFR, au cours de cette visio-conférence rassure le syndicat. « Il va demander à ses équipes de contrôler la totalité des dossiers « Mayotte » en septembre avant de nous faire parvenir les résultats. Ensuite, il s’est engagé à être présent sur le CSE SMR. Ce sont des choses qu’il faisait dans toutes les sociétés du groupe Altice SFR sauf à Mayotte », précise-t-il.

« Il n’y aura pas de suppression d’emploi »

Fin du quiproquo concernant l’externalisation du service client. La direction confirme qu’il n’y aura pas de suppression d’emplois. Yves Gauvin, le directeur général adjoint de SFR Mayotte/Réunion, soutient que le service client à l’échelle locale, en place depuis plusieurs années, est plus à même de conseiller les Mahorais. « C’est une bonne nouvelle pour l’économie de l’île, les salariés et les clients », s’enthousiasme Anrmy Bourane. 

Samedi, 9h. Le suspens prend fin. Après une longue nuit de réflexion, une entente s’opère entre la direction et les manifestants pour la reprise des activités le temps de conclure le différend. C’est au terme de quatre réunions, avec un taux de grévistes de 83%, que le protocole de fin de conflit est signé, à 12h, entre les deux partie, suivi d’une réouverture des agences dès ce lundi. 

Cette grève se termine avec la parution d’un communiqué de presse de l’intersyndicale UFDT/UNSA qui présente ses excuses à la direction du groupe SFR par rapport à des propos rapportés par notre rédaction. La direction aurait exigé un mea-culpa suite à l’usage du terme « esclaves ». Une manière de définitivement enterrer la hache de guerre. 

 

 

Réseau saturé entre les salariés et la direction de SFR à Mayotte

Négociations sous haute tension. Après une première journée de grève, la direction de SFR a reçu les syndicats pour faire un point sur leurs revendications. Remontés après ce premier échange, les salariés ont reconduit leur mouvement social pour une durée illimité.

Mercredi, 17h. L’intersyndicale UI-CFDT/UNSA, les élus de la SMR (Société Mahoraise de Radio-Téléphonie) et la direction de SFR se réunissent après une première journée de mobilisation. Mais au bout d’une heure, le verdict tombe : les négociations tournent en rond. La direction propose alors aux grévistes de suspendre leur mouvement pendant le temps des pourparlers. Proposition balayée d’un revers de la main par le syndicat. Bis repetita hier avec un nouveau sitting devant les locaux de l’entreprise téléphonique. Tous mobilisés, les salariés expriment leur mécontentement vis-à-vis de leur direction, porté par le slogan « Nooon Karivendzé ».

Au cœur des revendications ? Trois points importants détaillés par Anrmy Bourane, délégué syndical UI-CFDT et secrétaire du CSE (comité social économique) de la SMR. En premier lieu, le syndicat évoque la problématique des pressions exercées sur les représentants du commerce de la SMR et du CSE. « Des élus qui ne peuvent pas s’exprimer et qui ne peuvent pas travailler, ce n’est pas possible. Ça s’appelle de la discrimination syndicale et de la pression sur élu », martèle celui-ci.

Deuxième point : « l’externalisation » du service client, avec entres autres la déportation des activités à Maurice qui selon Anrmy Bourane pénaliserait les clients mahorais en raison de la barrière de la langue. « Les personnes qualifiées ne se trouvent pas seulement à La Réunion et à Maurice. Je pense qu’il y a toutes les compétences réunies à Mayotte pour avoir un service client de qualité, qui d’ailleurs est offert ici, par les Mahorais depuis des années, avec la pratique du chimaoré et le chibouchi. Ce qui est une chance pour la population », détaille-t-il.

« Nous ne voulons pas être les esclaves de l’opérateur »

Enfin, les grévistes déplorent l’absence de pilote aux commandes de l’avion de la SMR. En effet, depuis le départ de leur ancien directeur, le poste est resté vacant. « Nous demandons tout simplement un responsable, ici à Mayotte de manière à pouvoir vivre avec les salariés mahorais et à comprendre les clients locaux, pour éviter ce type de grève, car ce n’est pas une partie de plaisir, que ce soient pour les salariés, les clients ou la direction. Chose qu’on aurait pu éviter avec une direction locale car je rappelle que notre RH, notre directeur et notre comptable travaillent à La Réunion. En bref, la SMR est un sous-traitant de la SRR, qui est la maison-mère. Nous ne voulons pas être les esclaves de l’opérateur », relate le délégué syndical.

Conséquence de cette absence de dialogue, le syndicat invite les clients à ne pas se déplacer. Aucun salarié n’est susceptible de les orienter dans les espaces SFR. Hier matin, de 8h à 10h, a eu lieu une réunion avec 80% des salariés selon le Anrmy Bourane pour passer à l’étape supérieure. Le groupe compte durcir le mouvement dans les prochains jours. « Nous ne souhaitons pas de prendre en otage la population mahoraise, qui a déjà du mal dans son quotidien, en occupant les rues. Notre stratégie est d’agir en nombre et d’utiliser les médias », rassure le secrétaire du CSE. Toujours est-il que les grévistes se disent ouverts à la discussion. À 14h, s’est tenue une réunion pour déterminer l’issue de ce mouvement. « Nous avons une très forte détermination, nous irons jusqu’au bout ! La grève sera levée quand le protocole de fin de conflit sera signé », dévoile-t-il, quelques minutes avant de prendre part à cette nouvelle visio-conférence.

Finalement, celle-ci se déroule dans de meilleures conditions, en compagnie de Yves Gauvin, les responsables RH de la métropole et de La Réunion, trois représentants de l’UNSA et un représentant de CFDT, le dialogue s’opère de manière plus sereine. « Il y a eu beaucoup de malentendus et d’incompréhensions lors de la première réunion », souligne Yves Gauvin, le directeur général adjoint de SFR Mayotte/Réunion. Il tient à rassurer ses salariés quant à l’inquiétude autour de la délocalisation de postes. « Il n’est pas question de supprimer des emplois », ajoute-t-il. Concernant la revendication des syndicalistes sur la nécessité de nommer un chef d’orchestre local, Yves Gauvin promet l’installation d’un responsable RH à Mayotte d’ici la fin du mois. Si les négociations ont avancé, les deux parties n’ont toujours pas scellé d’accord. Selon le directeur général adjoint de SFR, le secrétaire de la CFDT a refusé de signer l’ordre du jour au dernier moment. Ainsi, la grève est toujours d’actualité. Une nouvelle rencontre est prévue ce jour à 13h.

Suite aux récentes agressions, le SMUR de Mayotte revoit ses plans d’intervention

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Jamais pris à partie jusqu’alors, le SMUR et les transports sanitaires ont vécu deux agressions coup sur coup. Ces deux événements poussent le centre hospitalier de Mayotte à revoir son mode opératoire lors de ses interventions, qui espère un appui plus important et fréquent des forces de l’ordre dans certaines zones du territoire. Responsable du Samu et du Smur, le docteur Christophe Caralp dévoile les dessous des prochaines mesures.

Flash Infos : En l’espace de quelques jours, un véhicule du Smur a été violemment attaqué à Combani avant qu’un transport sanitaire ne soit pris à partie à Dzoumogné. Comment avez-vous vécu la situation ?

Christophe Caralp : Nous dénonçons et condamnons ces agressions vis-à-vis du Smur et du transport sanitaire parce que ce sont des personnels soignants qui viennent secourir autrui. Ces incidents se produisent en métropole mais ils n’avaient jamais existé à Mayotte ! Et c’est la population dans son ensemble qui va le payer puisque le 4×4 a été immobilisé pendant quelques jours, le temps des réparations. Et nous n’avions pas d’autres moyens de transport pour intervenir dans des milieux périlleux. Il ne nous restait plus que des ambulances standards qui ne peuvent pas circuler partout dans Mayotte. D’autre part, cela va dans le prolongement de ce qui s’était passé il y a quelques semaines avec le blocage de l’hélicoptère. Il faut sanctuariser la santé ! Personne ne doit gêner les pompiers et les services de secours dans leurs interventions, même si c’est, malheureusement, mal vécu par les habitants quand celles-ci sont au profit de personnes en situation irrégulière. Mais l’accès aux soins pour tous fait partie de l’éthique médicale.

FI : Dans quel état d’esprit avez-vous retrouvé le personnel soignant et les ambulanciers suite à ces deux événements ?

C. C. : Tout d’abord, aucun soignant ne s’est mis en grève suite à l’incident de Combani. L’ensemble de l’équipe du Smur a été reçue par la direction et par l’encadrement médical. La première chose qui m’a frappé est que le personnel reste toujours aussi volontaire à exprimer ses craintes sans évoquer une mise en retrait. Et pour cela, je tiens à les féliciter car ce sont de très grands professionnels. Ensuite, l’équipe en intervention reste extrêmement choquée. Certains agents sont en arrêt de travail. Ils ont eu peur pour leur vie, ils ont eu peur de mourir. Ils sont effrayés à l’idée qu’un jour la situation dérape et qu’un soignant ou un secouriste perde la vie pour aider quelqu’un. Je le répète : c’est inacceptable !

FI : Quelles solutions s’offrent à vous pour remédier à ce climat délétère ?

C. C. : Déjà, il est très clair que n’importe quelle agression, qu’elle se passe à l’intérieur ou l’extérieur du centre hospitalier, donnera lieu à des poursuites. Nous ne tolérerons jamais que le personnel soignant du CHM ou les secouristes du Sdis soit mis en difficulté dans le cadre de leurs fonctions.

Ensuite, nous travaillons avec les forces de l’ordre pour sécuriser certaines de nos interventions la nuit et plus particulièrement dans la région du Centre. S’il y a des sorties avec une notion d’agression ou d’utilisation d’armes blanches comme cela a été le cas à Combani samedi dernier, nous ferons le point avec la gendarmerie pour pouvoir arriver en même temps sur les lieux. Et si malheureusement la zone n’est pas sécurisée, il y aura une perte de temps et peut-être une perte de chance pour les blessés puisque nous nous mettrons en retrait le temps que ce soit le cas. Aujourd’hui, par chance, nous n’avons relaté que des dégâts « secondaires » avec un véhicule hors d’usage et du matériel médical arraché.

FI : Ce mode opératoire sera-t-il également démultiplié dans le Nord où les affrontements entre bandes rivales sont fréquents du côté de Koungou et de Trévani ?

C. C. : Dans le Nord, il s’agissait d’un transport sanitaire du CHM, c’est-à-dire une ambulance non médicalisée avec seulement des ambulanciers. Potentiellement, nous pouvions penser que c’était moins grave. Mais là encore, la même consigne a été donnée aux transports sanitaires : tant qu’ils ne se sentent pas en sécurité, ils se mettent directement en retrait et ils rappellent la régulation du centre 15. Et à ce moment-là, nous voyons pour envoyer du renfort avec les forces de l’ordre.

FI : Ne pensez-vous pas que ce type d’incidents puisse porter préjudice à votre recrutement ?

C. C. : Malheureusement, l’image de Mayotte est souvent associée à une image de violence, de vol… Mais nous avons la chance dans le recrutement du pôle Ursec (réanimation, Samu, urgences) d’avoir du choix et surtout une vision à long terme. Nous espérons tout simplement que ces événements ne se reproduiront plus sur le territoire. Pour l’instant, cela n’a pas encore d’impact sur le recrutement mais en cas de récidives, qui sait… Je pense qu’il était très important que la direction nous soutienne et c’est ce qu’elle a fait. Maintenant, il faut voir l’évolution dans les prochaines semaines pour adapter nos sorties avec les forces de l’ordre !

Crise sanitaire : 500 résidents mahorais seraient toujours bloqués aux Comores

Alors que 48 Mahorais bloqués à Moroni ont pu rejoindre le département jeudi, des centaines d’autres attendent encore de pouvoir rentrer chez eux, parfois depuis plusieurs mois. Pendant que la préfecture assure suivre le dossier, certains, exaspérés, auraient déjà fait la traversée en kwassa.

« On ne comprend pas ce qui se passe ici ! », martèle au téléphone Mariama M’Samlinde. Depuis le mois de février, cette mère de famille est bloquée aux Comores, loin de ses deux enfants, âgés de 3 et 17 ans et restés à Mayotte avec leur père. Depuis le début de la crise sanitaire, ils seraient près de 500 ressortissants mahorais à être coincés sur le sol de l’union voisine, sans aucune visibilité sur une possible date de retour et pour cause, la règlementation de l’aviation civile a suspendu tous les vols entre Mayotte et les Comores.

La semaine dernière, un collectif se constituait à Moroni afin d’organiser un rapatriement. 48 personnes, fraîchement dépistées comme non porteuses du Covid, ont ainsi pu regagner Mayotte en bateau jeudi matin. À l’issue d’une septaine à domicile, elles seront soumises à un nouveau test PCR. Mais les autres, eux, restent dans le flou. « Nous avons remplis tous les papiers que nous demandaient l’ambassade », atteste Mariama M’Samlinde. « Mais depuis, il ne se passe plus rien, nous attendons encore que le consul nous appelle. »

« On ne fait rien pour nous ramener »

Parmi les personnes en attente d’un retour, des enfants mineurs, des personnes en situation de handicap ou gravement malades, mais aussi une femme enceinte de sept mois. « Il y en a déjà deux qui ont dû accoucher ici ! », s’emporte la mère de famille mahoraise qui avait rejoint les Comores pour les funérailles de son père. « On nous dit qu’on est Français, mais on ne fait rien pour nous ramener dans notre pays. On ramène des gens depuis Paris, La Réunion, Madagascar, mais rien pour nous qui sommes bloqués là depuis plusieurs mois. »

De son côté, la préfecture de Mayotte assure travailler activement sur le dossier. « L’objectif, c’est de faire revenir toutes ces personnes dès que possible sur le territoire mahorais, où elles résident », assure le sous-préfet Julien Kerdoncuf. « Mais outre le test PCR, nous devons aussi vérifier que toutes ces personnes habitent bien à Mayotte, et c’est en cours. » Autre difficulté, alors qu’un pilote mahorais avait lui-même proposé d’assurer les aller-retour, l’aviation civile a suspendu toutes correspondances entre le 101ème département et l’Union des Comores. « Sur le principe, la préfecture et les autorités comoriennes sont toutes d’accord pour assurer les liaisons », garantie encore Julien Kerdoncuf, qui ne peut toutefois pas, en l’état, donner la date du prochain rapatriement. Selon nos informations, plusieurs personnes bloquées à Moroni auraient risqué la traversée en kwassa pour regagner Mayotte où ils seraient arrivés sains et saufs.

Transport scolaire à Mayotte : « Si le département ne bouge pas, il n’y aura pas de bus pour la rentrée scolaire »

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Les chauffeurs de la société Matis ont déposé un préavis de grève pour le 18 août, après que le conseil départemental a modifié une clause de l’appel d’offre de marché public du transport scolaire. Dans le dernier texte en date, l’entreprise qui remportera la délégation ne sera plus obligée de reprendre les employés du délégataire sortant. 80 emplois pourraient ainsi être menacés, à l’instar des droits des employés, acquis pour certains depuis 2010.

Un vent de grève souffle aussi sur la rentrée scolaire. Alors que le retour en classe des élèves et des étudiants mahorais est prévu pour le 24 août, les employés de la société Matis, délégataire du service public en charge du transport scolaire, ont déposé un préavis de grève pour le 18 du même mois. En cause : les termes de l’appel d’offre de marché public de transport scolaire, fraîchement lancé par le conseil départemental. Jusqu’alors, la collectivité stipulait qu’en cas de changement de délégataire, le transfert des employés de Matis vers la nouvelle société serait automatique, garantissant de fait le maintien des avantages acquis depuis le début de l’exploitation de Matis, en 2010. Une clause en vigueur depuis la même année mais qui ne figure plus dans le nouvel appel d’offre, selon lequel la reprise des contrats de l’entreprise sortante demeure, certes, possible, mais plus obligatoire.

« C’est une situation très inquiétante. Si le Département ne bouge pas, il n’y aura pas de bus à la rentrée », promet Anli Djoumoi, secrétaire général FO Transport et délégué syndical de Matis, qui compte quelque 80 employés. « Le conseil départemental est en train de tuer notre profession. » Pourtant, en 2018 et en 2019, lorsque deux avenants successifs sont conclus pour prolonger la délégation de service public entre le transporteur et la collectivité, le transfert des salariés était déjà assuré. Problème, la dernière convention est arrivée à échéance en juillet dernier. « Donc à la rentrée, plus personne ne sera sous contrat », clarifie Anli Djoumoi. Or, « s’il faut conclure un nouvel avenant (sans l’obligation d’un transfert automatique, ndlr) en attendant de passer au nouveau marché, en 2021, on n’est pas sûr que cet avenant ne soit pas attaqué par le tribunal administratif », commente la Dieccte. Une procédure en référé ayant déjà été engagée par Matis fin juillet.

Si le conseil départemental est libre de fixer lui-même les termes de son appel d’offre, celui-ci n’assure actuellement pas au futur exploitant la capacité financière de maintenir les avantages des salariés de Matis, et empêche, de facto, leur transfert d’une société à l’autre. « Si on maintient le marché dans ses termes antérieurs, cela signifie qu’il y a une prime au sortant, Matis proposant des avantages élevés à ses salariés. Les nouveaux exploitants ne voudront pas forcément les maintenir puisque ça représente un plus fort coût du marché pour eux », insiste encore la Dieccte. Autrement dit, en supprimant la clause jusqu’alors en vigueur et peu encourageante pour les potentiels candidats, le conseil départemental augmente ses chances de faire rentrer un nouvel exploitant. Une manœuvre qui, selon FO, serait susceptible de nourrir une « politique de favoritisme ». « On a constaté que, dans le cahier des charges, le Département oblige les candidats à recruter ses propres médiateurs », déplore le secrétaire général de Force Ouvrière. « Ce qui écarte les salariés du privé en favorisant ceux de la collectivité », puisque les entreprises candidates devront prévoir leur masse salariale selon les suggestions imposées par les termes du marché. De quoi poser un certain problème en termes de concurrence.

Vers une bataille sociale, économique et juridique ?

D’un point de vue légal, le transfert automatique des salariés de l’ancien délégataire vers le nouveau n’est pas obligatoire, mais elle demeure « très largement coutumière dans le domaine du transport, y compris en métropole », témoigne la Dieccte. « Il y a une convention collective dans le transport, à laquelle les salariés à Mayotte font référence puisque les employeurs en appliquent certaines dispositions, mais pas d’autres. Tant que la convention collective n’a pas élargi son champ à Mayotte, elle n’y est pas obligatoire. Suivant la façon dont le marché est rédigé, le code du Travail va s’appliquer ou pas. D’où l’intérêt d’une rédaction qui fait référence directement à l’article L1224-1 (qui encadre le transfert automatique des salariés, ndlr) au lieu d’une disposition évasive. »

Le mois dernier, des négociations avaient été entamées pour que la clause de reprise réapparaisse sur l’offre de marché public. Mais vacances obligent, les discussions ont dû être suspendues jusqu’en septembre. « Il faut ouvrir une concertation sur les conditions de reprise sur marché concernant l’avenant de 2021 et le nouveau marché qui débutera ensuite pour quatre ans », développe encore la Dieccte, qui précise que ni elle, ni le préfet ne peut « faire d’injonctions au conseil départemental ». Si aucun accord n’est trouvé, la collectivité s’expose à une lourde bataille sociale, économique et juridique. Fin 2018, les salariés grévistes de Matis avaient bloqué les voies d’accès routier au Département suite à la réorganisation du marché du transport scolaire, entraînant le basculement d’employés de Matis vers une autre société. « Nous avons bon espoir que ce dialogue social aboutisse », tempère tout de même la Dieccte, le Medef et la direction de Matis s’étant ralliés aux salariés de la société exploitante. Contactée par la rédaction, la vice-présidente du conseil départemental en charge des transports n’a pas répondu à nos sollicitations.

Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte : le nouveau président fait déjà jazzer

Après l’élection, jeudi, de Fahardine Ahamada à la tête du Smeam, son prédécesseur, Moussa Mouhamadi Bavi, estime que le scrutin n’a pas respecté certaines dispositions légales et est de fait invalide.

À défaut, parfois, de faire couler l’eau, le Smeam n’en finit plus de faire couler de l’encre. Jeudi, l’élection du maire de Bandraboua, Fahardine Ahamada, à la tête du Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (Smeam), n’a pas tardé à faire réagir Moussa Mouhamadi Bavi, le président sortant, qui conteste la légalité du scrutin. « Pour procéder à l’élection du président, l’assemblée délibérante doit être complète », rappelle-t-il, alors que le candidat de la commune de Pamandzi n’avait pas été « désigné valablement ». Aussi, « les représentants de la commune de Chiconi n’ont pu apporter la preuve de [l’élection de ses délégués]. Or la loi exige la proclamation des résultats et leurs publications ». Autrement dit, selon Bavi, les suppléants envoyés par la commune ainsi que par celle de Pamandzi, les maires n’ayant pu assister eux-mêmes à l’élection, n’auraient jamais dû participer aux votes. Un imbroglio qui avait éclaté en pleine séance, que le doyen a fini par suspendre, voyant les esprits s’échauffer. C’est à ce moment que Bavi, suivi par 15 autres délégués a décidé de quitter les lieux. Pourtant, l’élection s’est poursuivie avec les seuls 18 délégués restants, tous issus de l’opposition d’après les dires de l’ancien président, qui entend déposer un recours auprès de la préfecture afin de faire contrôler la légalité du vote.

De son côté, le nouveau chef de la Smeam, lui, balaie ces accusations du revers de la main. Pour Fahardine Ahamada, Bavi ne digérerait simplement pas de ne pas avoir été soutenue par la majorité. Mais les accusations ne s’arrêtent pas là, puisque Moussa Mouhamadi prétend que les sympathisants de son successeur se sont empressés de faire changer les serrures du siège de la structure, à Kawéni, après en avoir cassé les portes. « C’est faux, et ça n’aurait pas été illégal : dès lors que la délibération est prise, elle est exécutoire », se défend le maire de Bandraboua. « D’autant plus que la plupart des portes sont à codes, donc je ne vois pas comment on aurait pu faire… » Puis, renvoie de balle ! « Vous savez, Bavi n’est plus président du syndicat mais il utilise toujours les voitures et les téléphones du Smeam », raille Fahardine Ahamada. « Et 10 à 20 agents qui n’acceptent pas le changement de présidence refusent de venir travailler. »

Mais la population ne tardera pas, à son tour, à entendre le nouveau président au tournant. Première préoccupation : la gestion du budget de la collectivité. Dans le détail, elle accuse un déficit de 9,5 millions d’euros pour 42 millions d’euros de budget concernant le volet de l’eau, et un déficit de 26 millions d’euros pour le budget de l’assainissement, dont les dépenses sont cette fois estimées à 62 millions d’euros. Pourtant, Fahardine Amahada, qui devra rééquilibrer le portefeuille pour les six prochaines années, semble confiant. « Je suis maire de Bandraboua depuis plus de dix ans et chaque commune a plusieurs budgets à gérer, c’est quelque chose que je connais », promet-il. « Je suivrai les préconisations de la chambre régionales des comptes et je ferai en sorte que tout soit appliqué à la lettre. » Premier axe à exploiter selon lui, les 140 millions d’euros versés par l’État au Smeam pour l’année en cours, et dont aucun centime n’aurait été dépensé.

Les pompiers de Kahani repartent en grève

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Dialogue de sourds. Après avoir suspendu leur grève en juillet, les sapeurs-pompiers de Kahani ont ravivé le mouvement depuis plusieurs jours. Ils accusent leur direction de leur faire courir « un risque sanitaire », dans ces locaux qui devraient bientôt être refaits à neuf.

Le torchon brûle entre les sapeurs-pompiers et leur direction. Depuis lundi, les soldats du feu de Kahani ont repris, comme promis, la grève qu’ils avaient entamée en juin pour demander plus de sécurité et d’hygiène dans leur caserne qu’ils estiment à la limite de la vétusté. Après plusieurs semaines, le conseil administratif du Sdis émettait finalement un avis favorable à la plupart des revendications, parmi lesquelles la réfection du plancher et l’installation d’un chauffe-eau. Les grévistes avaient alors suspendu leur mouvement, en assurant que si les travaux les plus urgents n’avaient pas été réalisés au 31 juillet, le service minimum reprendrait pour une durée indéterminée. Et ils ont tenu parole.

 

« Notre direction fait de la langue de bois ! », martèle, exaspéré, le président du syndicat SNSPP-PATS, Abdoul Karim Ahmed Allaoui. « Nous logeons dans des anciens containers du lycée. On n’a pas d’eau chaude, nos lits sont endommagés, et il n’y a qu’une seule toilette qui fonctionne ! On ne peut pas vivre tranquillement dans ces conditions. » Des conditions que la direction du Sdis reconnaît. « Le site de Kahani sera en chantier l’année prochaine et reconstruit avec un niveau de sécurité supérieur. Malgré ça, nous avons accepté toutes leurs demandes, sauf une, à savoir l’installation d’un portail électrique », commente le colonel Fabrice Terrien, directeur du service. Un portail qui a, depuis, pris des airs de pomme de discorde.

« Ce n’est pas ce que nous avions demandé »

« Le portail électrique est prévu dans le chantier, c’est pour ça que la présidente du conseil d’administration a estimé qu’en installer un aujourd’hui reviendrait à jeter l’argent public par les fenêtres, d’autant plus que le portail devra être enlevé au début du chantier », commente encore le Sdis, pendant que les sapeurs-pompiers de Kahani doivent avant chaque intervention, ouvrir et fermer manuellement la grille qui protège les lieux, vandalisée et pillée en mai dernier par une bande d’individus qui s’étaient introduits dans la caserne. « La priorité, c’est la sécurité des sapeur-pompiers », insiste Fabrice Terrien. « Nous avons pris des mesures immédiates pour pouvoir verrouiller le portail actuel, et avons proposé à court terme et en attendant les travaux, l’installation d’un nouveau portail, manuel, mais avec un dispositif anti-escalade. »

Mais lorsque celui-ci est livré à la caserne par l’entreprise chargée de l’installer, les sapeurs-pompiers s’y opposent, estimant y voir une provocation de la part de la direction. « Ce n’est pas ce que nous avions demandé. Les points les plus urgents pour nous concernent nos conditions sanitaires, nos conditions de vie ! », défend de son côté le SNSPP-PATS. Le Sdis quant à lui explique avoir commandé les premiers devis dès le lendemain de sa rencontre avec les représentants du personnel. Un rendez-vous au cours duquel le conseil d’administration avait donc accepté la quasi-totalité des requêtes – à l’exception du tant controversé portail – et avait également proposé d’autres mesures sécuritaires, comme l’amélioration de l’éclairage de la caserne, la consolidation de la clôture et le déploiement d’un système de vidéosurveillance. « Puis cinq jours plus tard, nous avons reçu un préavis de grève », s’étonne le directeur du Sdis. « La situation est aujourd’hui totalement bloquée, un vrai rapport de force s’est installé, pourtant, négocier, c’est concéder, et nous leur avons accordé 99 % de leurs demandes. » Un discours qui ne passe pas du côté de la trentaine de sapeurs-pompiers de Kahani. « On est en train de faire courir un risque sanitaire aux agents, mais la direction elle, y reste sourde », s’inquiète leur représentant syndical. « Notre nouvelle caserne, on se doute qu’elle ne sera jamais construite d’ici l’année prochaine, puisque rien n’a encore été lancé. » En signe de soutien, les sapeurs-pompiers de Longoni ont accroché une banderole devant leur caserne, et ceux de Chirongui, à l’instar des agents du centre de traitement de l’alerte/centre opérationnel de la direction incendie et secours (CTA-Codis) ont cessé le travail ce mardi. Le préavis de grève, lui, ne concerne que Kahani.

Des pompiers attaqués à Combani

Trois mois après les actes de vandalismes qui ont secoué la caserne de Kahani, ce sont cette fois les pompiers de Combani qui ont été attaqués ce week-end, au cours d’une intervention conjointement menée avec les services de gendarmerie et le SMUR. Il est entre minuit et une heure du matin dans la nuit de samedi à dimanche, lorsque 15 à 20 jeunes font irruption dans un restaurant de la commune, et, machette au poing, blessent grièvement le propriétaire des lieux et un client. Mais lorsqu’ils arrivent sur place, les secours sont reçus par une pluie de pierres, lancée par une bande cachée dans l’obscurité. Les tirs explosent le pare-brise d’une ambulance et froissent la tôle de plusieurs véhicules, à tel point que pompiers, gendarmes et soignants doivent à leur tour se réfugier dans le restaurant pour les uns, ou sous le toit du RSMA, à quelques pas de là, pour les autres. Pendant ce temps, les véhicules abandonnés sont saccagés. « C’est un miracle qu’il n’y ait eu aucun blessé parmi nos rangs, les dégâts matériels sont considérables », déplore le Sdis. Une ambulance et un 4×4 du SMUR sont ainsi hors-service, et du matériel médical et de transmission a été dérobé. Alors qu’une plainte a été déposé pour violences, dégradation de biens publics et vol, le service mobile d’urgence et de réanimation a expliqué ne plus pouvoir intervenir, faute de véhicule adapté disponible, dans les endroits les plus difficiles d’accès. « Nous avons mené un retour d’expérience avec tous les effectifs impliqués dans cet évènement afin de définir de nouveaux modes opératoires en collaboration avec la police et la gendarmerie », a fait savoir le Sdis. Une cellule d’écoute a été activée pour les professionnels attaqués. « Psychologiquement, nous sommes tous bouleversés. Les pompiers et les équipes médicales ont été agressés parce qu’ils tentaient de sauver des vies », déplore le SNSPP-PATS.

Jour J pour le jeune talent du FCM Isaack Ahamadi

Isaack Ahamadi, jeune joueur formé au Football Club M’tsapéré et évoluant jusqu’alors en U13, s’envole ce mercredi pour La Réunion, où il passera les deux prochaines années au sein du pôle Espoirs football de Saint-Denis. Il est l’un des nouveaux bénéficiaires du dispositif « Jeunes Talents Mahorais » lancé en 2013 par la DJSCS État. Celui-ci permet aux jeunes Mahorais d’effectuer des détections sur l’île, sous la supervision de cadres du Creps de La Réunion, et, si les tests sont concluants, d’intégrer la structure sportive de développement vers le haut niveau. C’est le deuxième joueur du FCM retenu pour le Pôle réunionnais. Vendredi soir, le club m’tsapérois a organisé un pot en son honneur, en présence de plusieurs personnalités, dont le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla, l’emblématique entraîneur de la sélection de Mayotte Massoundi Abidi, ou encore le capitaine de l’équipe senior du FCM et Sportif de l’année 2019, Mouhtar Madi Ali « Johnny ». Isaack fait la fierté des Diables Rouges, comme l’explique le trésorier du club Hyoudhacar Mohamed. « Nous avons réalisé tout un travail de restructuration autour de nos équipes jeunes pour leur réussite. La sélection d’un de nos jeunes pour le CREPS est le fruit de ce travail. C’est une belle récompense pour nous. » Isaack – qui vivra avec sa mère à La Réunion – pourra compter sur le soutien de son club formateur et ses différents partenaires, bien décidés à l’accompagner pour la suite de son parcours sportif et scolaire.

Affaire du rapt en Petite-Terre : l’un des hommes placé en détention provisoire à la surprise générale

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Nouvel épisode dans l’affaire très médiatisée d’enlèvement de Petite-Terre. L’apparition du corps du jeune enlevé complique davantage la situation des quatre hommes inculpés. Le juge des libertés et de la détention a décidé de placer l’un d’entre eux en détention provisoire, et cette décision reste incomprise par la population.

L’angoisse était palpable dans la salle d’audience B du tribunal judiciaire de Kaweni jeudi dernier. Les quatre habitants de Petite-Terre accusés d’enlèvement et séquestration d’un jeune homme au mois de mai ont à nouveau été entendus par la juge d’instruction durant 6 heures. Ils sont ensuite passés une nouvelle fois devant le juge des libertés et de la détention afin de déterminer s’ils restent en contrôle judiciaire ou s’ils doivent être en détention provisoire. Ce rebondissement est dû à la découverte du corps sans vie du jeune homme en question, aux Badamiers en Petite-Terre fin juin. Cette découverte a mené la procureur à réclamer la détention provisoire des quatre hommes au vu de la gravité de l’affaire. Elle avance plusieurs arguments qui entraveraient l’avancement de l’enquête. “Ce que je viens défendre, c’est la recherche de la vérité. Il faut assurer la sérénité du débat par l’absence de concertation entre eux, l’absence de pression sur les victimes parce que suite à ces premiers éléments, une autre personne a été enlevée et séquestrée, la famille de la victime a été approchée. Et il ne faut pas qu’il y ait d’influence sur les témoins”, déclare-t-elle devant les accusés, leur avocat, le président de la cour et toute la population qui s’est déplacée pour assister à l’audience.

Des déclarations que réfute l’avocat des prévenus, Me Nadjim Ahamada. Selon lui, ses clients sont parfaitement conscients des risques qu’ils encourent et ont coopéré dès le début de l’enquête. “Pour mettre quelqu’un en détention provisoire, il faut un risque de pression sur les victimes et ils ne l’ont pas fait. Il faut un risque de fuite, ils n’ont pas fui. Il faudrait que la personne n’ait pas collaboré, ils ont tous collaboré. Donc juridiquement, le juge n’a aucune raison de les mettre en détention.” En effet, les quatre hommes se sont montrés coopératifs, l’un d’eux s’est même présenté volontairement au commissariat. Ils ont également respecté les conditions de leur contrôle judiciaire. Tous sont des pères de familles qui habitent sur l’île et ont une activité professionnelle. Cependant, leur avocat est parfaitement conscient qu’il s’agit d’une affaire très médiatisée et suivie par les Mahorais. “Des milices se forment sur le territoire et je pense qu’il y a une volonté pédagogique de les placer en détention provisoire, même si le dossier ne le mérite pas, afin de calmer la population”, nous indique Me Ahamada. La procureur ne s’en cache pas, elle veut donner l’exemple. “On voit des milices naître un peu partout sans aucune autorisation et on ne peut pas laisser faire ça. Il faut traiter cette affaire à sa juste mesure parce que sinon, c’est ouvrir la voie à des comportements de type lynchage en toute impunité”, défend-elle. Après plus d’une heure d’audience et presque 2 heures de délibération, le suspens prend fin. Le juge des libertés et de la détention maintient la liberté sous contrôle judiciaire pour trois des accusés et place celui qui est considéré comme la tête pensante en détention provisoire. Une décision qui laisse sans voix l’assemblée, et le principal concerné.

“C’est un acharnement du ministère public”

Les membres du collectif des citoyens de Mayotte, les familles et les amis des prévenus ont tous assisté à l’audience dans un silence oppressant. Lorsque la décision tombe, une partie de la salle d’audience se vide instantanément. À l’extérieur, on retrouve des femmes en pleurs. Le porte-parole du collectif des citoyens de Mayotte, Said Mouhoudhoiri, témoigne son incompréhension. “Je pense que c’est un acharnement du ministère public. Ils voulaient absolument envoyer quelqu’un derrière les barreaux, alors ils ont visé cet homme. Le verdict n’est pas à la hauteur, il a été préfabriqué. On a fait le pré-procès d’un homme tranquille qui n’a jamais eu d’histoires.” Selon lui, cette décision risque d’envoyer un mauvais signal aux délinquants qui sévissent sur l’île. “Ils peuvent nous harceler, nous assassiner, les autorités les regarderont en tant que simples spectateurs, passifs. Ils leur disent qu’ils n’ont rien à craindre, la prison de Mayotte n’est pas faite pour les bandits et les criminels.” La détention provisoire est renouvelable tous les ans, jusqu’au procès qui déterminera si les quatre accusés sont coupables ou non des faits qui leur sont reprochés, c’est-à-dire séquestration suivie de la mort de la personne enlevée. Leur avocat indique qu’ils feront appel de la décision. La procureur de son côté a d’ores et déjà fait appel. Elle souhaite que les trois autres soient également placés en détention provisoire.

Laboratoire privé à Mayotte : pour le docteur Didier Troalen, « on ne veut pas être pris en otage »

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Depuis le 15 juillet, 14 des 28 salariés du laboratoire privé de Mayotte sont en grève. Ce mouvement social entraîne un certain nombre de perturbations au sein du fonctionnement de l’établissement puisque la plupart des patients subissent les foudres des employés en colère. La direction, les grévistes et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) se sont réunis ce mardi pour tenter de trouver un accord dans le but de reprendre un rythme de travail normal.

Flash Infos : Dans une note à l’attention de l’ensemble du personnel de la société Mayo Bio, vous revenez sur le mouvement social auquel le laboratoire est confronté depuis maintenant plusieurs semaines. Le ton employé démontre une certaine exaspération à l’égard de vos employés grévistes…

Didier Troalen : Tout d’abord, je tiens à préciser que laboratoire peut assurer ses différentes missions. Toute la chaîne de production et d’actes médicaux est possible. Le seul problème est que le personnel non-gréviste se fait malmené et insultés quand il vient travailler. Nous avons par exemple recensé un certain nombre de propos racistes à son égard ainsi que des pneus crevés. Nos préleveurs qui se rendent à l’extérieur sont également suivis et menacés… Nous sommes obligés de donner rendez-vous aux libéraux en ville pour récupérer leurs prélèvements. Mais le plus grave dans cette histoire est que nous faisons face à un blocage systématique des patients, qui ne peuvent pas accéder à nos locaux. C’est tout simplement inadmissible ! La santé devrait être un sanctuaire… Nous avons une mission vis-à-vis de la population qui est d’assurer les soins. Que ces employés refusent de travailler, c’est leur droit, mais actuellement, ils entrepassent leur droit de grève !

FI : Les employés grévistes, par la voix de leur représentant Ben Housman Abdallah, dénoncent le non-respect du protocole signé lors du dernier mouvement social qui s’est déroulé en avril 2019.

D. T. : L’ensemble du protocole a été respecté ! Il y a des points qu’ils veulent à nouveau remettre en cause. Dans notre entreprise, au cours des dernières années, pleins d’avantages ont été négociés, comme le passage au 35h payé 39h, l’instauration du 13ème mois, la prime de fin d’année d’intéressement, la prise en compte de l’ancienneté tous les 3 ans, ou encore l’application volontaire de la convention collective qui n’est pas obligatoire à Mayotte. Tout cela était dans le protocole d’accord. Là où ça bloque, c’est sur une question salariale. Ils voudraient que nous appliquions d’emblée des salaires sur lesquels nous avons 25% de charges contre 7% à Mayotte.

FI : Par ailleurs, cette partie du personnel évoque un climat pesant depuis plus d’un an et met en lumière le non-remplacement de trois des huit techniciens qui ont quitté leurs fonctions.

D. T. : Tout cela, c’est pour appuyer leurs propos ! Les recrutements à Mayotte sont très difficiles. Les gens ne restent pas. Je ne vous apprends rien en disant que le turnover est très important et que les temps de présence sont très courts sur le territoire. À condition égale, les personnels qualifiés préfèrent aller à La Réunion ou rester en métropole. Les départs sont liés à ces difficultés alors que les conditions de travail sont meilleures depuis le dernier conflit. Ce n’est pas le laboratoire qui ne les attire pas, puisque quand nous annonçons les conditions salariales, ils viennent.

FI : Ce mardi, vous avez rencontré les grévistes en compagnie de la Dieccte. Qu’en est-il ressorti ? Sommes-nous proches d’une levée du piquet de grève ?

D. T. : Rien n’est encore statué au niveau de la réunion avec la Dieccte et les salariés. Nous sommes encore en phase de discussion. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous reprenons toutes leurs revendications et que nous travaillons dessus. Le but est de trouver un accord et de ramener les grévistes à la raison pour qu’ils arrêtent de procéder à des actes délictueux. Nous allons faire des propositions concrètes dans l’espoir d’avancer, mais nous n’irons pas plus loin qu’un certain niveau. Nous ne voulons pas être pris en otage, comme cela a pu être le cas au cours des dernières semaines. Nous espérons tout simplement que la situation se débloque pour reprendre un rythme normal, notamment pour les patients chroniques et ceux qui doivent être pris en urgence. Si ce n’est pas le cas très prochainement, nous risquons de faire face à de graves problèmes sanitaires.

 

Légende 1 : Le lundi 20 juillet, les salariés grévistes ont sillonné les rues de Mamoudzou, depuis le laboratoire jusqu’aux locaux de l’agence régionale de santé où ils ont été reçus par une délégation, en l’absence de Dominique Voynet.

Légende 2 : En avril 2019, une partie des employés avait déjà manifesté leur mécontentement à l’égard de la direction. Selon le docteur Troalen, le protocole d’accord signé à cette période a été respecté.

La situation financière de Tsingoni s’est encore détériorée

Manque de transparence des recrutements, avantages en nature « sans base légale », non-respect de la concurrence… Dans son dernier rapport, la chambre régionale des comptes pointe du doigts de sévères irrégularités dans la gestion de la commune de Tsingoni, dont le déficit ne cesse de se creuser.

La chambre régionale des comptes épingle la gestion de Tsingoni. Dans un rapport dévoilé lundi, la juridiction fait état d’un déficit actuel s’élevant à trois millions d’euros. « La situation financière et budgétaire, déjà fragile, s’est détériorée alors même que la collectivité fait l’objet d’un plan de redressement depuis 2016 et que son budget est réglé chaque année par le préfet », explique le document d’une trentaine de pages.

Entre 2015 et 2018, « les charges de fonctionnement ont considérablement augmenté », à tel point qu’elles dépassent aujourd’hui les produits de gestion. Mais alors que la commune de Tsingoni ne dégage plus d’épargne depuis quatre ans, celle-ci « n’est plus en mesure de financer ses investissements autrement qu’en creusant son déficit ».

Dans le détail, les charges de personnel représentent l’augmentation la plus forte, puisqu’elles sont passées de 4,7 millions à 7,3 millions d’euros, « sous l’effet de l’instauration de la sur-rémunération, de recrutements importants et de la consolidation des emplois aidés ». Or, selon la chambre régionale des comptes, les procédures de recrutement manquent de transparence, le temps de travail n’est pas respecté et l’absentéisme est important. Pire, « des avantages en nature, tels que l’attribution de véhicules de fonction ou de téléphones sont par ailleurs octroyés à certains agents ou élus sans base légale ».

En conséquence, « la commune doit mettre en place un véritable plan d’économies et rechercher des ressources complémentaires afin de redresser durablement sa situation déficitaire et retrouver rapidement les marges d’autofinancement nécessaires pour conduire les projets d’équipements indispensables ». Ainsi, seule la réduction de la masse salariale permettra de « contenir la pression fiscale à un niveau supportable pour la population ». La minoration de la sur-rémunération, le non-renouvellement des contrats et l’instauration d’une comptabilité d’engagement rigoureuse sont les meilleures options envisagées pour redresser le déficit.

La solution auprès des non imposés ?

Malgré sa situation très fragilisée, « la commune continue de procéder à la réalisation d’équipements non subventionnés ou d’engager des constructions avant d’avoir finalisé ses plans de financement », alors même que les investissements sont déficitaires et qu’elle n’est pas en capacité de s’auto-financer. « Les ressources correspondant aux opérations d’équipement ne sont pas mobilisées de manière optimale faute d’un suivi rigoureux des subventions, notamment des procédures de déblocage des fonds. La commune se prive de recettes importantes du fonds de compensation de la TVA en ne passant pas toutes les écritures comptables nécessaires à leur éligibilité. » Aussi, la mise en concurrence n’aurait pas été respectée dans le cadre de plusieurs marchés, comme le terrain de Mroalé. D’autres irrégularités ont également été soulevées dans les modalités de publicités et l’archivage des procédures.

En octobre dernier, la commune signait avec la préfecture un contrat de redressement des finances communales, qui, selon la chambre des comptes, « pourrait permettre à Tsingoni de s’inscrire dans une trajectoire de redressement, sous réserve d’en respecter strictement les termes ». Dans une lettre de réponse, la direction générale des services de la commune a par ailleurs expliqué avoir mené des travaux d’identification des locaux dans le cadre de l’optimisation des recettes fiscales. Une enquête qui a permis le recensement de 444 locaux à usage d’habitation, soit une valeur cadastrale de trois millions d’euros. « Cette démarche nous a permis de recenser les potentiels contribuables qui ne sont pas imposés », s’est défendu l’ancienne municipalité qui explique également avoir reçu une réponse favorable de la DRFIP à sa demande de dégrèvement de la taxe foncière, « imposée à tort depuis 2013 ».

“L’afflux considérable d’immigrés à Mayotte ralentit le traitement des procédures”

Mayotte compte actuellement 2.500 demandeurs d’asile. Un chiffre multiplié par 8 en l’espace de 6 ans. Cette augmentation complique considérablement leur prise en charge par l’État. Jérôme Millet, sous-préfet, directeur de cabinet du délégué du gouvernement de Mayotte, fait le point sur la politique de gestion qui est pointée du doigt par les demandeurs d’asile.

Flash Infos : Comment réagissez-vous face aux revendications des demandeurs d’asile qui manifestent dans la rue ?

Jérôme Millet : Nous sommes dans une logique de compréhension puisque nous n’igno-rons en rien les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Cependant, nous connaissons tous la situation de Mayotte et ces difficultés touchent également certains Mahorais qui n’ont pas de logements décents, ou de travail.

FI : Vous avez reçu le collectif des demandeurs d’asile africains, quelles solutions leur proposez-vous ?

J. M. : Nous proposons la solution du droit. Le collectif voulait que l’on fasse un certain nombre d’exceptions à leur situation, mais la seule solution est celle du droit. Nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle à Mayotte car en 6 ans le nombre de demandeurs d’asile a été multiplié par 8. Actuellement, ils sont environ 2.500 en file active. L’afflux considérable d’immigrés ralentit le traitement des procédures. Ce qui pouvait se faire hier en 15 jours se fait désormais en plusieurs semaines. Pour autant, les deman-deurs d’asile voient leurs dossiers traités. On a multiplié le nombre de bornes permettant de traiter leurs dossiers, mais il est vrai que cela prend beaucoup de temps.

FI : Cet afflux massif d’immigrés donne l’impression que l’État est dépassé par la si-tuation à Mayotte et qu’il y a une faille dans le contrôle des frontières…

J. M. : Non, nous ne sommes pas dépassés. Je réfute cette thèse. Mayotte protège très bien ses frontières. C’est le seul département de France qui bénéficie d’une couverture 24h/24 d’à minima 2 intercepteurs à n’importe quel moment de la journée. Parfois, nous montons même jusqu’à 4. Le nombre de refoulement des kwassas qui viennent des Co-mores témoigne du fait que la protection des frontières est bien assurée. Je rappelle le chiffre de quasiment 30.000 éloignements réalisés en 2019. C’est un chiffre totalement inédit dans l’histoire de Mayotte, et il représente plus de la moitié des éloignements de l’ensemble de la France. Donc nos frontières sont bien protégées.

FI : Concernant les demandeurs d’asile, en France ils sont censés être protégés et bénéficient des aides telles que l’Ada* et le Cada**. Pourquoi n’existent-elles pas à Mayotte ?

J. M. : La protection s’applique surtout aux réfugiés, mais tous les demandeurs d’asile ne sont pas reconnus comme réfugiés statutaires. À Mayotte, plus de 80% des demandes sont abusives, c’est-à-dire qu’elles ne donnent pas lieu à une reconnaissance du statut de réfugié. Il existe cependant un certain nombre d’aides qui s’appliquent aux demandeurs d’asile qui sont à Mayotte, et l’alignement sur le standard métropolitain est en train de s’ef-fectuer.

FI : De quelles aides bénéficient-ils actuellement ?

J. M. : Des aides liées au logement. Nous travaillons avec des associations, notamment avec Solidarité Mayotte qui met à disposition des logements pour les demandeurs d’asile qui sont dans des situations vraiment compliquées. Il y a également une indemnité finan-cière qui leur est versée. Ceci-dit, même la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a.

FI : Que se passe-t-il pour eux dès lors que leur dossier est traité et que leur de-mande d’asile est refusée ?

J. M. : S’ils ne se font pas reconnaître le statut de demandeurs d’asile, ils basculent dans le droit commun au même titre que les autres étrangers. Ensuite, nous examinons à nou-veau leurs situations au regard du droit français. Ce qui est l’immense cas de ceux qui de-mandent une reconnaissance des demandeurs d’asile. Seulement 18% d’entre eux sont reconnus comme tels à Mayotte. C’est un taux très faible, mais tout à fait conforme au reste du territoire national, parce que la plupart d’entre eux ne sont pas des gens qui en-courent un danger dans leur pays d’origine.

* Allocation des demandeurs d’asile

** Centre d’accueil pour demandeurs d’asile

Michel Henry quitte la Croix-Rouge de Mayotte, le sentiment du devoir accompli

En poste depuis 8 ans comme directeur territorial de la Croix-Rouge, Michel Henry s’est envolé ce mercredi pour la Polynésie où il compte profiter de sa retraite. L’occasion pour Flash Infos de dresser son bilan, d’évoquer les projets à venir mais aussi de revenir sur l’importance d’une telle association dans un territoire comme Mayotte.

Flash Infos : Quel bilan tirez-vous de ces 8 années à la tête de la direction territoriale de la Croix-Rouge ?

Michel Henry : C’était riche en expérience professionnelle ! Je suis arrivé presque par hasard à Mayotte puisque j’ai suivi mon épouse et je ne savais pas que j’allais rencontrer la Croix-Rouge sur ma route et en devenir le directeur. Nous sommes partis sur une petite équipe de 7 salariés, avec deux ou trois dispositifs que nous avons réussi à stabiliser et à élargir. Et petit à petit, nous avons montré que nous avions des savoir-faire et que nous étions en capacité de monter d’autres dispositifs. Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’activités : le médico-social avec le SIAD (soins infirmiers à domicile), la prévention spécialisée, le logement à travers le SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation), l’aide alimentaire et la santé communautaire, l’accès au droit… Au bout de 8 ans, nous comptons plus de 80 salariés dans nos rangs. J’ai le sentiment que la Croix-Rouge a enfin trouvé sa place sur un territoire où il y avait encore peu d’associations de ce type qui pouvaient répondre aux besoins des personnes vivant dans la plus grande précarité. Et il y a encore d’autres projets qui sont en cours d’élaboration et qui vont être mis en place dans un avenir proche, comme les situations d’urgence et le Samu social. J’ai l’impression d’avoir apporté ma pierre à l’édifice et d’avoir contribué à faire avancer Mayotte !

FI : Qu’est-ce que votre successeur devra encore développer dans les prochaines années ?

M. H. : Il y a encore plein de dispositifs dans le médico-social, pour lesquels nous avons des projets avec l’agence régionale de santé, comme l’hospitalisation à domicile. Dans le social, nous avons d’autres plans, à l’instar de la maison des familles. Mais il reste encore beaucoup de chemins à parcourir à Mayotte et j’espère que la Croix-Rouge pourra être le porteur de nouveaux projets à l’avenir.

FI : À Mayotte, encore plus qu’ailleurs, les associations comme la Croix-Rouge jouent un rôle prépondérant dans le quotidien de la population.

M. H. : Je voudrais insister sur un point : la Croix-Rouge s’adresse à toutes les personnes, quel que soit leur nationalité, leur religion, leur sexe, leurs habitudes et leurs cultures. Nous ne faisons aucune distinction entre elles, qu’elles soient en situation irrégulière ou non. Les circonstances de la vie les ont amenées ici. Nous sommes là pour leur apporter notre aide qu’il s’agisse d’habitants français ou ceux issus de Madagascar ou des Comores. Il ne faut pas oublier les grands principes de la Croix-Rouge, à savoir l’humanité et la neutralité. Après, certains dispositifs sont spécifiques à Mayotte, qui est un territoire avec encore d’énormes besoins, tels que l’aide alimentaire, les bornes fontaines, la santé communautaire qui n’est pas une pratique qui se fait en métropole. Ici, nous sentons très bien qu’il faut aller vers les gens pour les faire soigner et éviter que leur situation s’aggrave.

FI : Vous quittez l’île aux parfums alors que le territoire connaît une crise sanitaire de grande ampleur. Comment analyseriez-vous l’apport de la Croix-Rouge au cours de celle-ci ?

M. H. : Le but de la Croix-Rouge est d’aller à la rencontre des personnes qui ont besoin de nous. Avec les autres crises que nous avons connues précédemment (les décasés, les intempéries, les glissements de terrain), nous avons toujours répondu présent, avec les salariés mais aussi et surtout avec les 200 bénévoles qui nous entourent et qui ont toujours assuré, peu importe les circonstances. La crise Covid a simplement démontré que nous étions capables, en lien avec l’État et le conseil départemental, d’apporter les besoins élémentaires, comme l’accès à l’eau. La Croix-Rouge est une grande maison qui dégage des valeurs et qui essaie tant bien que mal de répondre aux attentes de la population !

La préfecture de Mayotte reçoit les demandeurs d’asile africains

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Mayotte était pour eux synonyme d’un monde meilleur. Une fois sur place, les demandeurs d’asile africains ne trouvent que désillusion et précarité. Depuis une semaine, ils lancent un cri d’alarme dans les rues du chef-lieu. Ils ont finalement été reçus par la préfecture ce mardi 28 juillet, mais la rencontre leur laisse un goût amer.

“Nous voulons l’égalité !” C’est le slogan qu’ont clamé haut et fort la centaine de demandeurs d’asile qui ont manifesté dans les rues de Mamoudzou ce mardi. Leur itinéraire avait une destination bien précise : la préfecture. Après avoir été reçus par la mairie de Mamoudzou il y a une semaine, c’est dans les bureaux du directeur de cabinet du préfet de Mayotte qu’ils ont fait part de leurs revendications. “C’est la première fois que les hauts cadres de Mayotte nous reçoivent et nous écoutent. C’est déjà un point positif”, déclare Junior Botomo, l’un des représentants du collectif des demandeurs d’asile africains. Leurs demandes sont les mêmes : la scolarisation de leurs enfants, la mise en place à Mayotte des aides qui existent sur le territoire national, le droit à la sécurité sociale, le droit de travailler et la mise à disposition de logements. Ce dernier point leur tient particulièrement à cœur, car aujourd’hui, les demandeurs d’asile ne se sentent plus en sécurité. “Ma fille a été violée en février et c’est arrivé parce que nous sommes sans abri. J’étais obligée de laisser les enfants dehors pour aller chercher à manger. Maintenant, elle est perturbée mentalement”, dénonce une mère très en colère. “Nous avons fui notre pays parce que nous étions menacés. On nous a dit qu’à Mayotte, les demandeurs d’asile sont protégés, mais aujourd’hui, on se rend compte que ce n’est pas le cas”, constate avec regret un ressortissant.

“Les réponses n’ont pas été satisfaisantes”

La rencontre entre le collectif des demandeurs d’asile africains et la délégation préfectorale a duré plus d’une heure, mais les membres du collectif en sont ressortis avec un demi-sourire. “Les réponses n’ont pas été satisfaisantes. Ils nous ont dit que Mayotte a un problème de financement, que le territoire est submergé par l’afflux migratoire. Ils sont vraiment débordés, mais ils travaillent sur les questions de logements et aides financières”, indique Junior Botomo. Selon ce dernier, la préfecture leur a promis d’apporter des réponses assez rapidement. Parmi lesquelles, la simplification ainsi que la transparence des démarches administratives. “Ils vont installer un nouveau dispositif qui nous permettra de suivre l’évolution en temps réel de notre dossier sur Internet”, explique le représentant du collectif. La préfecture a également proposé une aide alimentaire accrue, par le biais de l’association Solidarité Mayotte. Cette rencontre n’a pas été concluante pour les demandeurs d’asile, mais ils gardent espoir car c’est dans l’espoir d’un monde meilleur qu’ils ont traversé la mer pour vivre sur l’île aux parfums.

La gestion de la fonction publique défaillante à Mayotte ?

Pour la chambre régionale des comptes, le centre de gestion de la fonction publique de Mayotte ne remplit pas pleinement ses missions. Des anomalies dans les factures, dans l’organisation des concours et dans les cotisations perçues sont pointées du doigt.

Le rapport définitif a été délibéré il y a plus d’un an, mais vient seulement d’être dévoilé. La cour régionale des comptes estime, à travers une série d’observations, que les missions de gestion de l’emploi public territoriales sont « partiellement remplies ». « L’organisation des concours, dont la validité est nationale, a donné lieu à des irrégularités notamment dans l’établissement des listes d’aptitude », juge la juridiction qui a passé au peigne fin les finances du centre de gestion de la fonction publique de Mayotte depuis 2014. Ainsi, la double correction des copies conformément aux décrets fixant les modalités d’organisations propres à chaque concours n’a jamais été mise en place.

La mission générale d’information du centre n’a elle pas non plus été assurée, alors que celui-ci est tenu d’établir un bilan de la situation de l’emploi public territorial et de la gestion des ressources humaines. Il permet également d’élaborer des perspectives d’évolution de l’emploi, des compétences et des besoins en recrutement. « Faute d’objectifs chiffrés, d’indicateurs de performance, de budgets et comptes fiables, le centre de gestion ne dispose pas de référentiels lui permettant d’avoir une vision de l’évolution de son activité. La gestion des recettes s’avère défaillante s’agissant par exemple des cotisations obligatoires. Ni leur assiette, ni leur liquidation ne font l’objet d’un contrôle fiable », commente même la chambre.

Autre point contesté : des anomalies dans les factures. « Par exemple, 15.000 euros de visites médicales ont été facturées aux collectivités pour des consultations réalisées entre juillet et octobre 2016, alors que le centre ne disposait pas de médecin à cette période », met encore en lumière le rapport. « D’autres visites ont été facturées deux fois ou ont fait l’objet de factures quasiment identiques, portant le même numéro, mais des montants différents. L’état des restes à recouvrer fait ressortir, au 13 novembre 2018, plus de 88.000 euros de créances se rapportant aux visites médicales non soldées, soit plus d’une année de recettes. » Retoqué, le centre de gestion s’est toutefois engagé à assurer « une meilleure traçabilité des consultations réalisées et un contrôle plus rigoureux de la facturation ».

Quant à elle, l’assurance statutaire, qui vise à couvrir les risques liés au décès, à la longue maladie ou à la maternité des agents titulaires a généré, en 2017, 165.000 euros, soit 70 % des recettes liées aux missions facultatives sans rapport avec le service rendu aux collectivités souscriptrices. Problème : « L’application du régime général de sécurité sociale aux fonctionnaires territoriaux de Mayotte fait doublon avec l’assurance statutaire mise en place (…). L’assiette des cotisations recèle des fragilités qui pourraient remettre en cause 40 % du montant perçu par l’établissement, soit 0,6 million d’euros. L’absence d’application du régime spécial de sécurité sociale des fonctionnaires territoriaux abonde les ressources de l’établissement et remet en cause celles reçues au titre de l’assurance statutaire. »

Commission d’enquête : D. Voynet dézingue « les décisions brutales et imposées » à Mayotte

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Auditionnée ce mercredi 22 juillet par la commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion, Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé, n’a pas mâché ses mots au moment d’évoquer les principales difficultés rencontrées sur le territoire. Florilège de ses déclarations croustillantes qui risquent de faire jaser à Paris. 

« Quand on a été professionnelle de santé, ministre, sénatrice, directrice de l’ARS, on a une liberté de langage que l’on ne rencontre pas souvent. » À elle-seule, cette phrase du sénateur Alain Milon, président de la commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion, résume parfaitement l’audition de Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé. Et pour ainsi dire, cette dernière n’a pas mâché ses mots au moment de dresser un bilan, sous serment, ce mercredi 22 juillet. 

Parmi les difficultés rencontrées sur le territoire, la principale est la suspension « immédiate et sans préavis » de tous les vols à partir du 20 mars. Pour l’ancienne maire de Montreuil, cette décision, « prise du jour au lendemain » a mis en péril l’acheminement des personnels de renfort et de relève et surtout le fret sanitaire. Une hérésie en cette période critique selon elle ! Puisque le pont aérien « sous-dimensionné et complexe » n’a fait que renforcer la concurrence avec l’île de La Réunion. Et surtout une alternative coûteuse, par le biais d’une délégation de service public, qui a empêché une garantie de ressource non négligeable pour la compagnie Air Austral, qui aurait pu empocher une enveloppe de 25.000 euros par voyage entre Dzaoudzi et Saint-Denis. « Ce n’est pas exagéré de dire que cette situation, qui a généré la mise en place de lourdes cellules logistiques, nous a bien plus pénalisée que la prise en charge des cas de Covid », a-t-elle tancé. Évoquant au passage les tensions existantes sur des biens de consommation courante, tels que le papier toilette ou le riz. « C’est une fierté d’avoir réussi dans la quasi-totalité des cas la continuité des approvisionnements. Nous sommes devenus très pro sur la chaîne civile et militaire, aérienne et maritime, sur le rôle des transitaires et des lettres de transport aérien, sur les procédures de dédouanement, sur les contraintes techniques. Nous avons harcelé les cellules de crise des différents ministères, justifié chaque demande plus ou moins urgente, plus ou moins sensible au chaud. Nous nous sommes arraché les cheveux quand un colis urgent n’était pas chargé suite aux caprices d’un pilote ou d’un gestionnaire d’entrepôt. » Dominique Voynet a également pris l’exemple du rapatriement des Français coincés à Madagascar et aux Comores pour dénoncer, une fois de plus, « les décisions brutales et imposées sans discussion par le ministère des Outre-mer ». Des retours de voyageurs sur l’île aux parfums dont elle n’avait connaissance que quelques heures avant leur arrivée à l’aéroport alors qu’il fallait organiser l’accueil sanitaire, l’hébergement, le suivi des quatorzaines… D’où son « impression permanente d’interférences avec la décision sanitaire », mais aussi « d’amateurisme ». 

Des réunions ministérielles bien trop souvent inutiles ? 

Et sur ce point, la directrice de l’ARS n’y est pas allée par quatre chemins pour relater « le rythme de production des instructions et la lourdeur de l’affaire ministérielle ». Ainsi, elle a fait référence aux multitudes de directives nationales, « des dizaines et des dizaines », « parfois redondantes, parfois contradictoires et inadaptées à notre territoire ». Pour étayer ses propos, Dominique Voynet a insisté sur « une multiplicité de canaux de remontées d’informations, très consummatrices en temps à un moment où nous étions sous l’eau ». Notamment des visioconférences à la pelle, « parfois concrètes et productives, parfois bavardes et inutiles ». Sans oublier « l’arbitrage interministériel » qui a provoqué des reports successifs, à l’instar de l’application du dispositif « tester, tracer, isoler », ou encore du feuilleton des tests obligatoire ou non qui « n’est encore que très provisoirement réglé ». En résumé, elle a regretté, semble-t-il, que Paris ne prenne pas assez en considération les réalités du terrain. Or, elle n’a cessé de rappeler que, non seulement, Mayotte avait un décalage de sept semaines avec la métropole, mais qu’en plus, le territoire avait subi un confinement bien plus long, alors qu’un tiers de la population n’a pas accès à l’eau. 

Dominique Voynet en a profité pour mettre en exergue les faiblesses structurelles, comme les « modestes » capacités hotellières, dont la totalité est utilisée par les renforts de gendarmes et de polices, par la réserve sanitaire et par le service de santé des armées, et l’absence de lieu d’hébergement et d’isolement (l’internat de Tsararano a finalement été réquisitionné). L’occasion aussi de rappeler « le turnover habituel des personnels de santé et la modestie des équipes dans certaines spécialités ». « Quand on dit qu’il y a deux fois moins de biologistes à Mayotte qu’à Saint-Denis pour le même volume d’activité, ça veut dire quelque chose », s’est-elle interrogée au moment de son intervention. Autre problématique pointé du doigt : les tensions sur les matériels. « Je pense à la préemption jamais expliqué de respirateurs Hamilton commandés avant la crise au CHM et jamais livrés. À l’annonce de la livraison de respirateurs Monal T60, reportée de semaine en semaine, et de respirateurs Osiris arrivés après la bataille. » 

Un franc-parler qui n’est pas souvent entendu à un tel poste. Et qui a visiblement convaincu les sénateurs Catherine Deroche et Bernard Jomier, qui ont tour à tour qualifié Dominique Voynet de « franche » dans son exposé. D’ailleurs, la directrice de l’ARS a considéré que le Covid avait offert une opportunité à Mayotte, à savoir une mobilisation sans faille des associations et de ses bénévoles, qui « ont permis en lien avec les équipes mobiles de l’ARS d’ébaucher un véritable réseau de santé communautaire espéré depuis longtemps ». « Je suis pleine d’admiration pour cette population qui a affronté cette épidémie dans des conditions très dures, avec beaucoup de courage et de sagesse », a-t-elle conclu. De quoi reconquérir le cœur des Mahorais, qui n’ont pas hésité à la lyncher durant cette crise ? Peut-être. Un peu moins celui des responsables basés à Paris en tout cas !

Un comité de villageois mise sur les fundi et les cadis pour combattre la délinquance à Mayotte

Face à la délinquance qui règne dans les rues de Mamoudzou, plusieurs dizaines d’habitants du chef-lieu se sont réunis mercredi pour évoquer la constitution d’un comité villageois. Le but ? Remettre l’éducation religieuse et le rôle des cadis et des fundis au cœur de la vie des quartiers. Et par la même, inciter la population à signaler à ces sages toutes les situations susceptibles de dégénérer. 

Le projet est apparu il y a trois ans, mais il commence seulement à se concrétiser. Mercredi, une cinquantaine d’habitants de Mamoudzou se sont réunis sous le toit de la maison de quartier de Cavani pour évoquer la création d’un comité villageois de lutte contre la délinquance. Un projet défendu à Paris par Youssouf Thany, ancien conseiller pédagogique mahorais lors de sa visite à l’Élysée à l’occasion du 14 juillet. Mais alors que l’actualité récente a été marquée par le meurtre d’un père de famille à M’Tsapéré et, entre autres, une série de cambriolages à Cavani, il est devenu d’autant plus urgent d’agir. 

« Le but, ce n’est pas de créer une milice ! », corrige d’emblée Nouridine Hakim, créateur du label Green Fish, et l’un des porteurs du comité en train de se structurer. « L’idée serait de rassembler des habitants qui pourraient signaler aux fundis et aux cadis les gamins qui traînent tous les jours dans la rue, ou les familles qui ne parviennent pas à s’occuper de leurs enfants. Ces informations-là, la préfecture ne peut pas les recueillir elle-même, mais si on lui fait tout remonter par cet intermédiaire, des mesures plus adaptées seront prises. C’est aussi une façon de responsabiliser l’ensemble de la population, puisqu’elle serait au cœur des décisions prises par les services de l’État. » Mais aussi au cœur des traditions sociales mahoraises. 

La professionnalisation des fundis 

Pour apporter un meilleur cadre aux jeunes, le comité villageois entend composer avec les madrassa. « On y apprend des valeurs de civisme, de respect mais aussi de travail en allant cultiver le champ », rappelle Nouridine Hakim. « Nous, c’est à l’école coranique qu’on nous a inculqué le respect des aînés. Mais Mayotte est entrée dans une phase de mondialisation et on a oublié certaines traditions, et plus personne ne s’y identifie. » Parmi les pistes envisagées par le comité villageois, la professionnalisation des fundis. « Certains sont d’une autre génération, ils sont un peu dépassés. Alors on se dit qu’en plus d’éducateurs spécialisés, on pourrait avoir des fundis diplômés. » L’un des chantiers pour lequel le groupe a sollicité l’appui d’un juriste, en plus de profiter du soutien de la nouvelle municipalité en place à Mamoudzou. 

« Pourquoi vouloir créer de nouveaux systèmes et nous les imposer, alors que nous avons, dans notre culture, des personnalités qui jouaient un rôle important de médiateurs sociaux. Il faut leur redonner une place centrale dans la société », défend encore l’entrepreneur mahorais, en faisant référence à l’action des Gilets jaunes en 2018. « Il faut que les villages soient inclus dans les initiatives prises pour lutter contre la délinquance. Car si la préfecture peut agir, ce n’est pas le mzungu qui y travaille qui va permettre de signaler la situation de tel ou tel jeune ou telle ou telle famille dans tel ou tel quartier. » La veille, Jean-François Colombet rencontrait les quatre associations qui constituent le dispositif de médiation citoyenne. Le délégué du gouvernement avait alors reconnu que les acteurs de terrain sont plus à même de détecter les situations à risque. Le comité villageois, lui, programme une réunion la semaine prochaine pour échanger avec le maire de Mamoudzou et son équipe. Une autre rencontre, ouverte à tous, devrait être organisée dans les prochaines semaines sur le terrain de basket de Cavani.

Mayotte : “On veut que l’État nous prenne en charge comme tous les demandeurs d’asile qui vivent en France”

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C’est un ras-le-bol qui a poussé les demandeurs d’asile africains à manifester ce lundi 20 juillet devant la mairie de Mamoudzou. Ils réclament de meilleures conditions de vie et une meilleure prise en charge de la part des associations et de l’État, mais les moyens mis à disposition à Mayotte ne sont pas suffisants. 

Pancartes à la mains, visages fermés, les demandeurs d’asile africains étaient réunis devant la mairie de Mamoudzou lundi dernier. Leurs revendications se résument en une seule phrase “On veut que l’État nous prenne en charge comme tous les demandeurs d’asile qui vivent en France”, déclare Bakidi Massamba, leur porte-parole. Plus concrètement, ils souhaitent que les autorités mettent à leur disposition des logements. Une très grande partie d’entre eux vivent dans des habitats précaires. Ils réclament également un local afin de pouvoir vendre leurs marchandises “légalement”. Enfin, ils veulent que leurs enfants soient scolarisés. “Cela fait trois ans qu’on est à Mayotte et mon fils n’est jamais allé à l’école. J’ai fait tout mon possible pour l’inscrire à la mairie mais c’est impossible parce qu’on me demande une facture à mon nom. Comment puis-je trouver cela ?”, se demande Nana Aloko. La scolarisation est l’unique domaine où la mairie de Mamoudzou a pu apporter une réponse, même si elle reste évasive. “Nous sommes à l’écoute, nous allons essayer de travailler avec eux dans la mesure du possible. Tous les enfants doivent être scolarisés et nous allons travailler pour que tous les enfants de la commune de Mamoudzou puissent aller à l’école”, déclare Malidi Mlimi, conseiller délégué qui a reçu les demandeurs d’asile lundi. Les questions de logements, de régularisation administrative ou d’aides financières ne font pas partie des compétences du maire. 

Un eldorado qui n’existe pas à Mayotte 

En théorie, les demandeurs d’asile se trouvant sur le sol français sont protégés jusqu’à la fin de leurs démarches administratives. Ils sont en premier lieu hébergés dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). Cependant, à Mayotte, la réalité est toute autre. “Les solutions d’hébergements sont quasi inexistantes, voire nulles. Il n’y a pas de Cada, les demandeurs d’asile se retrouvent donc à la rue. Certains arrivent à se loger dans des habitats précaires avec toutes les difficultés qui s’en suivent”, indique Solène Dia, chargée de projet régional à La Cimade (association qui s’occupe de réfugiés). Le manque de logement n’est pas le seul problème que rencontre les associations. Les demandeurs d’asile sont censés percevoir l’Ada (allocation des demandeurs d’asile) mais là encore, les aides financières sont bien en deçà. Ils reçoivent un forfait de 30 euros par mois pendant 6 mois. “Est-ce qu’en France on peut vivre avec seulement 30 euros par mois, soit 1 euro par jour ?”, s’indigne leur porte-parole. À la fin des 6 mois, ils n’en bénéficient plus et ne sont toujours pas autorisés à travailler. “Normalement, ces personnes devraient avoir une autorisation pour travailler, mais dans la réalité c’est quasi impossible. Donc elles se retrouvent dans des procédures qui peuvent durer 2 ans, voire plus, complètement livrées à elles-mêmes”, dénonce Solène Dia. 

À cela s’ajoute le problème de scolarisation qui est un vrai casse-tête pour les associations qui accompagnent les demandeurs d’asile. Selon la chargée de projet régional de La Cimade, certaines mairies de l’île refusent systématiquement l’inscription des enfants dont les parents sont étrangers ou rendent impossible leur scolarisation. “L’Éducation nationale vient de sortir un décret qui liste les pièces que les mairies peuvent exiger des parents. Sauf qu’ici, les mairies ne le respectent pas et continuent à exiger des pièces abusives que les parents ne peuvent avoir.” Toutes ces doléances seront transmises à la préfecture par les demandeurs d’asile africains. Ils seront reçus par le directeur de cabinet de la préfecture de Mayotte mardi prochain. Mais ils ne se font plus d’illusion. Tous ont réalisé que l’eldorado mahorais n’est finalement qu’un mythe.

Le préfet de Mayotte « compte » sur les médiateurs pour remettre les jeunes dans le droit chemin

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Ce mardi, le préfet Jean-François Colombet a entamé une après-midi marathon pour aller à la rencontre des quatre associations – Famhamou Maecha, Action coup de pouce, Messo et Mlezi Maoré – qui font partie du groupe de la médiation citoyenne. L’idée ? Montrer que ce dispositif n’est pas un simple coup de communication et qu’il se met progressivement en œuvre sur le terrain. 

17h30. La vingtaine de médiateurs d’Action coup de pouce se place en rang d’oignon, du plus petit au plus grand, à l’entrée du collège K1 pour accueillir le préfet, en tournée toute la journée de mardi pour rencontrer les structures qui ont rejoint le groupe de médiation citoyenne. Un lieu de rencontre hautement symbolique qui fait bien trop souvent l’objet d’intrusions comme en témoigne la fondatrice de l’association créée en 2013, Dhoirfia Saindou. En l’espace de quelques minutes, le délégué du gouvernement ressasse inlassablement le même discours auprès de ses interlocuteurs. « En étant sur le terrain, vous avez des signaux faibles qui ne parviennent pas auprès des autorités. Si vous faites remonter les informations, cela apaise la situation », lâche-t-il d’emblée, prenant l’exemple d’un souci d’assainissement qui peut potentiellement embraser tout un quartier en un claquement de doigts. Et c’est bien là l’essence même du groupe de médiation citoyenne, une action annoncée à la fin de l’année 2019 et pilotée par la préfecture et le Département. 

La tentation de la délinquance 

Si les associations commencent à peine à prendre leur marque, Jean-François Colombet voulait « marquer cette étape » d’une pierre blanche sur l’ensemble du territoire et ainsi démontrer que « nous ne sommes pas seulement dans la communication mais aussi et surtout dans la mise en œuvre ». Avant de dresser un premier bilan à la fin du mois de septembre pour s’assurer que le dispositif apporte réellement une plus-value. « Nous l’évaluerons ensuite en fin d’année pour décider s’il faut le renforcer, l’adapter ou bien le remplacer par une autre idée. » Conscient que ces médiateurs ne résoudront pas à eux-seuls la recrudescence de la criminalité sur l’île aux parfums, le préfet de Mayotte se montre tout de même optimiste concernant leur intérêt. « Nous n’attendons pas que tous les problèmes soient réglés bien sûr, mais il apparaît indispensable d’installer de la médiation lorsque des gamins de 12, 13, 14, 15 ans ou plus sont exposés à la tentation de la délinquance. Il faut que quelqu’un puisse leur dire qu’ils font fausse route et qu’ils se trouvent dans une voie sans issue », argumente-t-il, en précisant bien que les délinquants notoires restent bien évidemment dans le viseur des services de police et de la gendarmerie et qu’ils doivent être présentés aux juges pour être « punis ». À contrario, ceux qui ne sont pas des « voyous » doivent être orientés vers les emplois aidés. « Plutôt que de traîner dans la rue, nous pouvons leur proposer des formations », martèle-t-il. 

Un échange bref dans le simple but de rappeler aux associations le rôle considérable qu’elles peuvent jouer, à savoir « apaiser la société » et « redonner de la qualité de vie aux Mahorais ». Suffisant pour convaincre ceux qui se trouvent désormais en première ligne ? « Nous comptons sur vous », répète Jean-François Colombet au moment de se diriger vers le siège d’Action coup de pouce. Profitant par la même occasion pour saluer les quelques bandes de jeunes qui errent à proximité du stade et qu’il espère remettre dans le droit chemin… « Je reviendrais vous voir », glisse-t-il malicieusement en guise de conclusion. Effet de com’ ou réelle volonté politique ? Rendez-vous dans deux mois !

Pris en flagrant délit, des braconniers attaquent un garde tortue à Mayotte

Nuit d’angoisse à Saziley. Lors d’un bivouac organisé par les Naturalistes vendredi soir, deux braconniers qui venaient d’abattre une tortue s’en sont pris à Mohamed Ali, l’un des agents de dissuasion du conseil départemental alors en patrouille. Après avoir permis de découvrir une vingtaine de kilos de viande fraîche, l’homme a perdu connaissance. Pris en charge au CHM, ses possibles séquelles sont encore inconnues. 

La soirée a commencé au chevet des tortues, et s’est finie aux trousses des braconniers. Comme chaque semaine, les Naturalistes organisaient ce week-end un bivouac de suivi de ponte sur la pointe Saziley. Mais vendredi, sur la plage de Majicavo 4, rien ne s’est passé comme prévu. À tel point que l’un des gardes tortue du conseil départemental a dû être conduit à l’hôpital, inconscient. 

Quelques heures plus tôt, l’homme, par ailleurs bénévole expérimenté de l’association, décidait d’aller patrouiller sur la plage près de laquelle l’équipe avait installé son campement, en attendant que la mer ne monte. À marée basse, rares sont les tortues à s’aventurer hors de l’eau pour venir pondre dans le sable. C’est pourtant à ce moment-là que Mohamed Ali aperçoit dans la nuit deux individus charger de lourds sacs près du cadavre frais d’une large tortue verte, gisant sur les rochers, la carapace évidée. Lorsqu’il les interpelle, l’un d’entre eux le prend en chasse en lui jetant des pierres, avant de disparaître dans la malavoune. Ali est touché au visage, à la main et dans le dos. 

Alerté par les cris, tout le camp se réveille. Spontanément, deux groupes se forment : l’un reste veiller sur le lieu du bivouac, l’autre se rend sur la plage. Au cours de leur ronde, les six veilleurs découvriront, abandonné près d’un chemin, un sac poubelle plein, bien ficelé, et dont le contenu ne fait aucun doute. « Il ne faut pas qu’ils viennent le récupérer ! », laisse échapper l’un des membres de la petite expédition. Mais alors que Paul, Naturaliste aguerri resté près des tentes, vient de recevoir la visite de l’un des braconniers, qui a pris la fuite immédiatement en le voyant, il devient urgent d’aller prévenir l’autre groupe, installé sur la grande plage de Saziley. Faute de réseau à Majicavo 4, trois personnes, dont Ali, se mettent en route. 30 minutes plus tard, arrivé à bon port, l’homme perd connaissance et s’écroule. 

Une évacuation périlleuse 

Les pompiers, les gendarmes, les policiers sont appelés. Mais un kwassa vient de chavirer, personne ne peut intervenir immédiatement, d’autant plus que la houle complique l’accès au site, particulièrement isolé. Ce sont finalement les proches d’Ali qui viendront le chercher sur les coups de 2 heures du matin, avec leur propre barque, pour l’évacuer. « Un bateau de la gendarmerie maritime est bel et bien arrivé, mais la mer était trop agitée pour que le semi-rigide puisse accoster », raconte alors Victoria, animatrice pour les Naturalistes, chargée d’encadrer le bivouac. « Lorsqu’ils ont croisé la barque, ils leur ont demandé de s’occuper eux-mêmes du blessé, puisque leur bateau était plus maniable. » 

Toujours inconscient, le garde tortue est ramené au village de M’tsamoudou. Les pompiers l’y attendent pour le conduire au CHM, où il reprendra connaissance quelques heures plus tard. Mais pour écarter tout soupçon de commotion cérébrale, Ali doit passer plusieurs scanners, dont le dernier était prévu ce mardi. Selon les résultats, son évacuation vers La Réunion pourrait être décidée dans les prochaines heures. 

Samedi, au petit matin, une brigade de gendarmerie arrive à Majicavo 4, et procède au prélèvement de la viande de tortue renfermée dans le sac découvert la veille et sur lequel le groupe a veillé toute la nuit durant. Un lourd butin d’une vingtaine de kilos, et dont la valeur sur le marché noir avoisine les 1.500 euros. L’emballage et le lien qui le scellaient sont eux-aussi récupérés par les forces de l’ordre, espérant y trouver de potentielles empreintes. 

« Ça aurait fini par arriver tôt au tard » 

« On n’est déjà pas assez nombreux en temps normal », laisse échapper un gradé. « Ce qu’il faudrait faire, c’est déployer des militaires du DLEM ou du RSMA lors des bivouacs. Ils pourraient interpeller des braconniers si nécessaire ou partir à leur recherche dans la brousse. C’est pour ça qu’ils sont formés. Nous, en pleine nuit, on ne peut pas faire grand-chose. » 

À quelques pas de là, sur la grande plage de Saziley, Jean-Pierre Cadières, chef de l’unique police environnementale de l’île, installée dans l’intercommunalité du Sud, hoche la tête, le regard rivé sur l’horizon. « C’est difficile à dire, mais l’événement de cette nuit était prévisible. » Silence. « Ça aurait finit par arriver tôt au tard. » En cause selon lui, le manque de mobilisation de certains élus, comme en témoigne le retard pris pour armer la brigade verte, qui enclenche, chaque mois, une vingtaine de procédures pour atteinte délictuelle à l’environnement. « Heureusement, le sous-préfet Jérôme Millet et la cheffe de cabinet Catherine David ont appuyé notre demande d’équipement et nous ont permis d’avoir tous les documents nécessaires. On leur doit beaucoup. Mais on a vraiment besoin de plus de soutien de l’ensemble des acteurs. C’est grâce à la volonté de chacun que nous arriverons à faire quelque chose. » 

 

Déjà la veille, Ali évoquait au coin du feu les difficultés rencontrées par son association, l’ASVM, qu’il a lui-même montée pour assurer plus de sécurité dans le village de M’tsamoudou. Par extension, la petite structure avait, au fil des années, fini par assurer des missions de surveillance des plages de Saziley, et y organisait régulièrement des ramassages de déchets. « On n’arrête pas de se battre, mais on ne nous a jamais accordé la moindre subvention », déplorait alors Ali, engagé dans la lutte contre le braconnage depuis 2017. « On ne nous donne pas les moyens d’agir. » 

Sea Shepherd réagit 

L’ONG mondiale de défense des océans a tenu, ce week-end, à saluer l’engagement de Mohamed Ali, dont l’association, l’ASVM, est l’un des partenaires de Sea Shepherd : « En plus de ses heures de travail en tant que gardien, Ali est aussi bénévole et patrouille en tant que tel sur ses jours de congés, à nos côtés et avec d’autres bénévoles de l’ASVM. Tous prennent les mêmes risques pour protéger les tortues du braconnage face à la défaillance de l’État et au peu d’intérêt du préfet de Mayotte pour le sujet. » Sea Shepherd a par ailleurs expliqué étudier les possibilités d’un retour rapide sur l’île, malgré la situation sanitaire, pour y poursuivre ses actions de lutte contre le braconnage. L’association a annoncé que son avocat représenterait gracieusement Ali « pour faire défendre ses droits face à ceux qui l’ont agressé ».

Un blessé, et des déchets

Si ce week-end a été particulièrement mouvementé, il était initialement l’occasion de célébrer la fête de la mer et des littoraux, en collaboration avec le parc naturel marin et le Remmat, réseau mahorais d’échouage des mammifères marins et des tortues marines. Pour l’événement, les Naturalistes ont dévoilé les déchets récoltés sur la seule plage de grande Saziley en seulement quatre week-ends : un lourd volume de cordages et de filets de pêche, dans lesquels les tortues – entre autres – se retrouvent fréquemment prisonnières, mais aussi 482 tongs et 2.088 bouchons de bouteille en plastique, le tout ramassé en une dizaine de jours, sur 875 mètres de plage. Si les premiers déchets sont « impossibles à revaloriser » selon Michel Charpentier, président des Naturalistes, les deux autres catégories permettront aux scolaires, dès la rentrée prochaine, de mener un travail de sensibilisation sur la pollution des océans. « Il est temps que tout le monde comprenne que ce que nous jetons dans la rue ou dans la nature finira, un jour ou l’autre, dans nos océans, puis dans les poissons que nous mangeons. » Une étude de l’association WWF, publiée le mois dernier, révélait en effet qu’un individu moyen ingérait jusqu’à cinq grammes de plastique par semaine.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes