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Naissance d’un volcan : quand les Mahorais s’en mêlent

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La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, rencontre avec Saïd Saïd Hachim, géographe mahorais qui, des années plus tôt, émettait déjà l’hypothèse de la naissance d’un nouveau volcan, précisément dans la zone où celui-ci a été découvert en 2019.

« Quand je suis passé pour la première fois en bateau au-dessus de la zone où nous pensions qu’il y avait un volcan, j’en ai eu des frissons », se remémore, sourire aux lèvres, Saïd Saïd Hachim. Alors que l’essaim de séismes commençait à peine à se manifester, le géographe mahorais, co-auteur de l’Atlas des risques naturels et des vulnérabilités territoriales de Mayotte, avait été le premier à avancer l’hypothèse de la naissance d’un volcan dans la zone où il sera effectivement découvert un an plus tard.

En 2012, Saïd Saîd Hachim participe à l’élaboration du Litto3D, une cartographie unique et inédite de Mayotte de la terre jusqu’à la mer, visant à mesurer la profondeur de secteurs difficilement accessibles. Un travail qui permettra notamment de sonder celle qui deviendra la zone volcan, mais que le chercheur appelle alors « zone blanche », aucune donnée n’y ayant jamais été recueillies. « Dans les résultats qui en ressortaient, on observait déjà cette ride volcanique, cette continuité de petits volcans résiduels entre Petite-Terre et ce qui sera identifié plus tard comme le nouveau volcan », explique Saïd Saïd Hachim.

Capture d’écran du Litto3D de Mayotte, co-réalisé en 2012 par Saïd Saïd Hachim.

En mai 2018, lorsque les premiers séismes frappent le 101ème département, le géographe croise les informations recueillies localement par l’Institut d’études géologiques des États-Unis avec la cartographie réalisée plus tôt et compile le tout dans une base de données appelée Mayrisque. Dans le même temps, une mission d’expertise demandée par la préfecture assure, lors d’une conférence de presse, que l’origine des secousses est tectonique. Un scénario auquel ne croit pas Saïd Saïd Hachim : « Si ça avait été le cas, la localisation de l’essaim de séismes aurait formé une ligne, comme sur une zone de faille. Or là, on voyait très clairement qu’ils étaient tous regroupés dans le même secteur. » D’autant plus que jamais auparavant la zone au large de Petite-Terre n’avait connu de manifestations sismiques. Pourtant, « si ça avait été dû au mouvement d’une plaque, on aurait observé d’autres signes par le passé », assure le géographe mahorais, qui, dans un premier temps, hésite à dévoiler sa théorie, craignant de ne pas être pris au sérieux.

« Et puis, il y a quelque chose que nous avions un peu oublié, les petites bulles observées à la surface de l’eau en Petite-Terre. » Un phénomène qui, dès la fin des années 90, avait été imputé à une activité volcanique. Puis, lorsque des pêcheurs attestent, en début d’année dernière, avoir vu des centaines de poissons de fonds morts flotter au large à l’Est de Mayotte, et y observent une odeur de brûlé, Saïd Saïd Hachim, un peu plus convaincu que ces manifestations corroborent l’hypothèse de la naissance d’un volcan, concerte son ancien directeur de thèse à Montpellier et un collègue universitaire à Paris, spécialiste des volcans en Indonésie. Les deux professionnels qui avaient participé à l’élaboration de l’Atlas des risques naturels de Mayotte, tombent d’accord. Un volcan pourrait effectivement être en train de se former à proximité de l’île, et les séismes seraient provoqués par une activité magmatique en cours. Finalement, ce volcan sera découvert quelques mois plus tard, en mai 2019, grâce aux relevés bathymétriques de la première mission scientifique Mayobs.

Apprendre à vivre avec le volcan

Deux mois plus tard, alors que la troisième campagne s’organise, Saïd Saïd Hachim peut, pour la première fois, embarquer à bord du Marion Dufresne, chargé d’observer la zone volcanique. Si depuis, il n’y a pu y participer à nouveau, la priorité étant donné aux équipes des organismes et instituts nationaux que sont l’Ifremer ou l’institut de physique du globe de Paris, le géographe a formulé, auprès des chercheurs, son souhait de faire partie des prochaines missions. Une plus-value incontestable, le Mahorais disposant d’une base de données inédites à propos de l’histoire géologique de l’île et de ses risques naturels. Deux terrains encore largement méconnus, puisque très peu étudiés avant les premières manifestations de l’essaim de séismes et la découverte du volcan.

Mais l’enjeu de la participation de Saïd Saïd Hachim à ces missions est aussi social. En participant aux recherches scientifiques menées par Mayobs, le géographe pourrait en devenir le relais auprès de la population, qui n’a pas toujours accès aux dernières observations publiées, et qui de fait, mesure parfois mal les risques auxquels elle peut être exposée. « Dans la science des risques, le plus important, c’est la connaissance : une fois que vous connaissez l’aléa, que vous êtes capables d’évaluer le danger, vous êtes capables de vous y préparer », déroule Saïd Saïd Hachim, qui estime que le département a encore quelques progrès à faire en matière de prévention et de pédagogie. « Par exemple, s’il y a une éruption un peu plus forte que les autres et qu’elle entraîne un glissement de terrain sous-marin, qui engendre lui-même un tsunami, une bonne partie du territoire ne sera pas touché, notamment à l’Ouest ou même sur les hauteurs de Mamoudzou que les vagues ne pourront pas atteindre. D’où l’intérêt de faire une modélisation des risques, pour savoir qui est exposé et où il serait possible de trouver des zones refuges, ce qui éviterait les mouvements de panique », envisage le scientifique mahorais. « Pour que ce volcan perce un jour la surface de l’eau, il faudra plusieurs milliers d’années, si ce n’est des millions. Nous n’avons pas d’autres choix que d’apprendre à vivre avec. »

 Le groupe Facebook S.T.TM Signalement Tremblement de Terre Mayotte ! Compte 12 000 membres à ce jour.

Alors, en attendant qu’un comité dédié à l’étude des risques ne se forme à Mayotte, Saïd Saïd Hachim intervient régulièrement en milieu scolaire pour permettre une meilleure compréhension de la crise sismo-volcanique. Un travail pédagogique que mène également, dans un tout autre genre, le groupe Facebook « (S.T.T.M) Signalement tremblement de terre Mayotte ! », créé il y a deux ans, après le premier séisme, et qui compte déjà près de 12.000 membres. Le but ? Vulgariser, traduire ou simplifier, sans dénaturer, les bulletins mensuels émis, au début de la crise, par le bureau d’étude géologique et minière, puis désormais par le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte, le Revosima, pour les rendre accessibles à un plus large public. Derrière cette initiative spontanée et fédératrice, Bruno Perrin, scientifique de formation et passionné depuis toujours par ces phénomènes, comme il se décrit lui-même. « On se soutient, on échange, on se réconforte même parfois, mais ce sont toujours des discussions d’une grande qualité, notamment lorsqu’il y a un nouveau séisme », applaudit l’administrateur du groupe, qui recoupe régulièrement l’ensemble des observations émises par l’Ifremer, l’IPGP et le Revosima pour produire des comptes-rendus complets et plus facilement compréhensibles que ceux fournis par les autorités locales elles-mêmes. « Ça permet à certains et certaines de ne pas ou de ne plus paniquer. Ça bosse et ça rit ! » De quoi suivre de près l’évolution d’un volcan qui renferme encore de nombreux secrets à percer.

 

 

 

 

 

Rachat de Vindemia à Mayotte : GBH dément toute position dominante

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Une étude d’impact met en garde contre les risques que font peser pour la concurrence le rachat de la deuxième entreprise de distribution à Mayotte – qui comprend les enseignes Jumbo, Score, SNIE et Douka Bé – au Groupe Bernard Hayot, partenaire de Carrefour. Hausse des prix et disparitions des épiceries de proximité sont dans le viseur du rapport. Michel Lapeyre, directeur général de GBH pour la zone Afrique, Maghreb et Océan Indien, et Amaury de Lavigne, le directeur général chez Carrefour à La Réunion, réagissent aux conclusions de l’étude. Et récusent tout risque pour l’équilibre du marché de la grande distribution à Mayotte.

Flash Infos : Le 22 juillet 2019, le groupe Casino annonçait la vente de sa filiale Vindémia au Groupe Bernard Hayot. À ce moment-là, vous espériez pouvoir démarrer vos activités dans le 101e département en 2020. Mais le Covid est passé par là… Où en êtes-vous de votre arrivée à Mayotte ?

Amaury de Lavigne : C’est vrai que le Covid-19 ne nous a pas simplifié la tâche ! Surtout pour une opération de cette ampleur. S’il est évident que cela a rendu nos déplacements plus compliqués, cette crise sanitaire ne remet toutefois pas en cause l’opération. Elle est bien sur les rails, l’Autorité de la concurrence l’ayant validée en mai dernier. Il y a eu quelques recours mais ils ont été rejetés. La signature définitive aura lieu le 30 juin et nous récupérerons les clés de Vindemia dans l’océan Indien le 1er juillet. Dans un premier temps, nous rachetons les titres de la société et c’est pour l’instant le seul changement au 1er juillet. Ensuite, au fur et à mesure de l’installation, nous procéderons aux changements des enseignes de Jumbo et Score, qui deviendront Carrefour et Carrefour Market.

FI : L’Autorité de la concurrence a depuis donné son aval à l’opération, à condition que GHB revende 4 hypermarchés (dont Jumbo) et deux supermarchés à La Réunion. Mais l’Autorité n’aurait même pas mis les pieds à Mayotte. Or, une récente étude pour Les Observatoires des Prix des Marges et des Revenus (OPMR) de La Réunion et de Mayotte, réalisée par le cabinet Bolonyocte Consulting, met en garde contre la concentration du marché, avec pour risque la disparition des épiceries de quartier. Que répondez-vous ?

Michel Lapeyre et Amaury de Lavigne : Nous démentons chacune des conclusions de cette étude. Pour nous, il s’agit là d’un rapport à charge. Nous avons d’ailleurs été surpris que ni le cabinet ni l’OPMR ne nous demande notre avis au moment de la publication de ce document. Nous avons certes été en contact avec Christophe Girardier, l’auteur et président du cabinet Bolonyocte Consulting, mais sur le dossier de La Réunion et en aucun cas celui de Mayotte. Résultat, nous n’avons pas pu apporter nos observations. Quant aux faits, rappelons déjà que GBH n’est présent dans aucun domaine d’activité à Mayotte. Ce qui explique d’ailleurs que l’Autorité de la concurrence ne se soit pas déplacée sur l’île : nous ne sommes pas sur une opération de concentration qui remettrait en cause l’équilibre du marché. Nous rachetons une entreprise qui existe déjà, il n’y a donc de fait que l’actionnaire qui change. Et contrairement à ce qu’avance l’étude, nous restons sur les mêmes parts de marché que l’entreprise existante. Je ne vois pas comment Sodifram, acteur historique à Mayotte, pourrait passer subitement à la deuxième place, tandis que GBH passerait premier d’un claquement de doigts ! Même si nous espérons naturellement être à la hauteur de ce défi…

FI : La situation de duopole qui émergerait à l’issue de cette opération risque, d’après l’étude, d’entraîner à terme une élévation durable des prix, sans parler de la “diminution de la diversité de l’offre comme de son caractère innovant”. Quelles garanties apportez-vous sur la hausse des prix et la diversité des produits ?

A. L. : Encore une fois, c’est toute l’incohérence de rapport ! Si nous augmentons les prix, nous ne pourrons pas passer numéro 1. Au contraire, nous allons chercher à dynamiser le marché, à essayer de le développer. Dans notre métier, ce n’est pas en augmentant les prix qu’on réussit à devenir plus dynamique et plus concurrentiel.

FI : Justement, comment comptez-vous devenir plus dynamique et concurrentiel ?

A. L. : Étant donné que GBH n’était pas présent à Mayotte, nous ne connaissons pas bien le marché. Dans un premier temps, nous allons donc nous appuyer sur l’organisation de Vindemia. Nous allons apporter notre enseigne Carrefour et bien sûr notre dynamisme commercial. Nous avons prévu des investissements pour rendre nos magasins plus attractifs et accueillants pour la clientèle, et aussi d’améliorer les conditions de travail afin d’augmenter au maximum les potentiels. Mais nous partons déjà sur de bonnes bases, simplement en reprenant le travail accompli par Vindemia, qui a fait de l’entreprise le numéro 2 de la grande distribution à Mayotte.

FI : D’après l’étude de Bolonyocte Consulting, un fleuron local, La Laiterie de Mayotte, pourrait être mis en difficulté par rapport à Sorelait, société qui fabrique les produits laitiers de la marque Danone, et qui appartient à GBH. Comment comptez-vous, tel que vous l’évoquiez il y a un an au moment du rachat, vous “impliquer dans la filière locale” ?

M. L. : Le local constitue l’ADN de notre groupe. C’est ce qui nous caractérise déjà aux Antilles comme à La Réunion, nous avons donc bien l’intention d’en faire de même à Mayotte. Nous sommes convaincus que c’est en développant les filières locales et l’emploi que nous pouvons accompagner l’essor de l’économie. Encore une fois, cette étude réalise un procès d’intention. Elle avance que nous allons venir avec nos fournisseurs et tuer les entreprises locales*. C’est un tissu de mensonges*. Les sociétés mentionnées n’interviennent pas ou très peu sur Mayotte. SDCOM – grossiste représentant de marque – est certes une filiale de Vindemia, mais n’est pas implanté à Mayotte et Bamyrex, notre équivalent chez GBH, non plus. Sorelait réalise à peine 50.000 euros de chiffre d’affaires à Mayotte sur un an, et ses clients principaux sont Sodifram et Somaco. Le yaourt rentre dans la catégorie des produits ultra-frais, et nous en expédions donc très peu. À l’inverse, nous développons la filière agroalimentaire locale à La Réunion depuis trente ans, et je dirais même que c’est dans nos magasins que ces produits sont le plus mis en avant. Nous espérons que nous trouverons des interlocuteurs à Mayotte pour insuffler cette même dynamique !

* Pour plus de clarté, nous retranscrivons ici un extrait de l’étude du cabinet Bolonyocte sur l’intégration verticale du Groupe Bernard Hayot :

“La nouvelle position acquise du groupe GBH sur le marché aval de référence, du fait de l’opération de concentration, aura aussi des impacts majeurs sur la montée en puissance de son activité sur le marché amont. En effet, par son intégration verticale couvrant toute la chaîne de valeur des marchés de référence, GBH est déjà présent sur le marché de l’approvisionnement par ses filiales actuelles, Sorelait (production de yaourts et produits laitiers sous la marque Danone) et Bamyrex (grossiste représentant de marque), mais se renforcera davantage par l’absorption de son équivalent SDCOM, l’une des filiales de Vindemia. Actives essentiellement sur le marché de La Réunion avant l’opération, les filiales Bamyrex et SDCOM vont naturellement pouvoir étendre leurs activités lorsque la transaction interviendra, sur le marché amont de Mayotte par l’application des contrats de marques portant également sur ce territoire quand bien même ils n’y étaient pas encore exploités. Ce renforcement très significatif de son intégration verticale, combiné avec l’augmentation sensible de sa part de marché aval, aura pour effet d’ouvrir de nouvelles opportunités de développement à GBH de nature elles aussi à déséquilibrer le marché amont et fragiliser ses acteurs.

L’auteur de l’étude Christophe Girardier a, depuis la publication de cette interview, souhaité réagir : « Je trouve cette formulation inadmissible et périlleuse dans la mesure où le groupe Hayot a refusé de se prêter à un exercice auquel tous les acteurs économiques de Mayotte se sont prêtés, et alors que cette étude avait été mandatée par l’OPMR, qui compte parmi ses membres ces mêmes acteurs », a-t-il souligné.”

Quand la justice vient au secours de la police mahoraise

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La vidéo avait largement circulé sur les réseaux sociaux depuis juillet 2019. Filmant une in-tervention policière, son auteur décrivait une bavure en des termes peu amènes envers les fonctionnaires en action, qu’il accusait dans le document d’avoir tiré sur une personne. Il n’en était rien. Et l’accusateur revêtait ce mercredi l’habit d’accusé devant le tribunal cor-rectionnel de Mamoudzou qui l’a jugé coupable de diffamation.

« Défendre la police qui se voit aujourd’hui partout malmenée sans raison », voilà donc la mission qu’assignait ce mercredi Maître Hessler, l’avocat des policiers parties civiles, aux magistrats du tri-bunal correctionnel de Mamoudzou. Et que ces derniers ont accepté sans sourciller, à l’image d’un procureur de la République affichant ouvertement son amitié et son soutien envers les fonction-naires de police. La présidente n’aura quant à elle pas pris la peine de motiver sa décision. Il faut dire que les faits sont accablants pour ce trentenaire à la barre qui s’est pris pour un « journaliste citoyen » et qui a, ironie de l’histoire, « toujours rêvé d’être policier ».

8 juillet 2018, M’Tsamboro. Quatre agents de police interviennent sur un chantier particulier dans le cadre d’une opération de lutte contre le travail clandestin. Alors qu’ils pénètrent dans les lieux, un ouvrier en situation irrégulière tente de se sauver et se blesse à la jambe en tombant sur une tôle. Les secours débarquent sur place pour le prendre en charge. Et c’est à ce moment-là qu’ap-paraît, téléphone filmant la scène, l’autoproclamé journaliste citoyen qui va livrer une toute autre version des faits. Selon lui, et les commentaires qu’il enregistre dans sa vidéo, l’horreur se joue devant ses yeux : les policiers ont lâchement tiré avec leur arme de service sur un travailleur clan-destin.

« J’ai toujours rêvé d’être policier »

« C’est comme ça à Mayotte, la police mahoraise tire sur les clandestins », commente-t-il, épiçant le propos en cinglant « des policiers qui ne sont pas allés à l’école » tout en montrant leurs visages ou qui « bafouent les lois de la République ». « Je suis arrivé au mauvais endroit au mauvais mo-ment et j’ai cru ce que je voyais, ce qu’on me disait et me suis laissé emporter », expliquera dans une bien maigre défense durant son procès l’auteur des deux vidéos postées sur Youtube. « Ja-mais je n’avais dit de mal de la police, au contraire je l’ai toujours admirée comme les gendarmes et j’ai toujours voulu faire ce métier », assure celui qui s’est vu recalé d’un concours pour intégrer la gendarmerie nationale. Mais la colère se serait emparée de lui lorsqu’un des policiers aurait tenté de lui arracher son téléphone.

Une défense peu audible face aux propos qu’il emploie dans la vidéo, résonnant par les haut-par-leurs d’un ordinateur apporté aux juges par un policier. Mais plaider sa cause n’est pas l’objet de sa venue explique le mis en cause, plutôt à l’audience « pour présenter ses excuses aux policiers [qu’il] respecte beaucoup ». Une contrition qu’il affiche jusqu’à se retourner pour faire face aux quatre agents et leur demander pardon.

Mais de l’avocat des parties civiles au ministère public en passant par la présidente du tribunal, on a bien du mal à comprendre. Comprendre comment une personne rêvant de revêtir l’uniforme s’autorise à salir sans preuve ceux qui le portent. Pourquoi, alors qu’apprenant sa méprise quant aux faits, l’auteur des vidéos ne les a supprimées que plusieurs mois plus tard, laissant le temps à ce qu’elles soient largement relayées ? C’est bien cela, outre le caractère diffamatoire, qui « agace » le plus le procureur et la présidente. « Vous vous rendez-compte que maintenant, la vi-déo est encore disponible en ligne et que des gens qui vont taper « police Mayotte » sur Internet vont voir cela avec le visage de ces quatre policiers ? », questionne ainsi la magistrate.

Diffamation en ligne, « un dommage permanent »

« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », déplore de son côté le procureur en reprenant les mots de Francis Bacon. « Et c’est encore aujourd’hui plus vrai que jamais avec Internet car cette vidéo est toujours en ligne. » « Un dommage permanent », selon l’avocat des po-liciers, qui impose une large réparation à hauteur de 4.000 euros par policier. Qui sont trois à s’être constitués partie civile. Contre quatre à être intervenus. Le quatrième fonctionnaire a bien tenté de se greffer à l’action, allant jusqu’à épeler son nom en alphabet international sous les yeux ébahis des robes noires. Trop tard, ces yeux se sont fermés sur la demande.

Le fonctionnaire « papa, roméo… tango » aura cependant reçu le soutien moral du procureur au titre « d’un travail difficile fait avec beaucoup d’humanité ». Gare cependant à ne pas voir ici « un écho au débat actuel sur la police, il n’en est rien », assure-t-il, coupant l’herbe sous le pied à Maître Hessler qui n’avait pas hésité à pénétrer sur ce terrain-là. Mais qui avait eu le flair d’égale-ment circonscrire le champ de son propos. « Les policiers à Mayotte font un travail remarquable dans des conditions de plus en plus difficiles, dans un département qui est un baril de poudre et où un rien peut allumer la mèche. Il suffit d’un individu qui poste une vidéo et cela peut avoir des con-séquences dramatiques. Ces gens-là, il faut les calmer », a ainsi martelé l’avocat, appelant à faire de la condamnation qu’il réclame un exemple « pour contribuer à mettre fin à ces agissements lâches et sournois de diffamation sur les réseaux sociaux ».

« J’ai merdé », pousse faiblement dans un nouveau flot d’excuses celui qui ne veut « jamais bais-ser les bras pour accomplir [son] rêve d’intégrer les forces de l’ordre », pourtant conscient d’avoir « perdu beaucoup de crédibilité ». Et d’argent dorénavant. Car s’il a bien proposé de faire son mea culpa dans une nouvelle vidéo en guise de réparation, la présidente du tribunal ne l’a visiblement pas entendu de cette oreille. Et c’est le masque délacé, tombant sur son polo, que défait, l’accusé se voit condamné à 1.000 euros par infraction pour les deux délits de diffamation. Et 2.000 euros de dommages et intérêts par policier.

 

Corps retrouvé aux Badamiers : un lien possible avec l’affaire du rapt de Petite-Terre

« Nous avons en effet trouvé un corps et l’on s’interroge sur son identité », explique le procureur de la République, Camille Miansoni, qui invite à une « prudence absolue » quant à lier cette dé-couverte à l’affaire du rapt de Petite-Terre. « Il y a bien sûr des éléments dont la proximité de la découverte avec les faits qui nous amènent à nous interroger fortement mais ma responsabilité m’impose d’annoncer l’identité du corps qu’une fois qu’elle sera formellement établie », concède toutefois le procureur. Du côté de la gendarmerie, « on a la réponse mais on ne peut pas la don-ner », confie-t-on à l’aune de « multiples éléments ». Prudence donc, « surtout sur un dossier comme celui-ci » qui a menacé d’embraser l’île et qui a valu au représentant du ministère public la cible d’une campagne haineuse. De son côté, on insiste donc : « il n’y a que des éléments, ça ne suffit pas ! Le corps ne peut être identifié par des proches éventuels et il nous faut donc la preuve quasi formelle de son identifié à travers l’analyse ADN. » Laquelle ne pourra être réalisé qu’à l’oc-casion d’une autopsie dont « on ne sait toujours pas quand elle aura lieu car nous n’avons per-sonne sur place pour la réaliser et en ces temps de restriction des vols, il est compliqué de faire venir quelqu’un de l’extérieur ». « On va prendre notre mal en patience », conclut ainsi le procu-reur, expliquant que pour l’heure, deux dossiers distincts sont ouverts. L’un confié à un juge d’ins-truction dans le cadre de l’affaire du rapt de Petite-Terre. Et l’autre entre les mains du procureur de la République, lié à la découverte du corps « dans le cadre d’une procédure de recherche des causes de la mort ». « Pour l’instant les deux ne sont pas liés », insiste encore le procureur malgré les « fortes interrogations ». Si tel devenait le cas, « cela changera beaucoup de choses, mais cela sera communiqué à ce moment-là », prévient-il.

Le viol, une perversion cachée dans la société mahoraise

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Le viol est un mal invisible, et à Mayotte on profite de cette invisibilité pour ne pas en parler. Dans une société où le sexe est tabou, les victimes d’agressions sexuelles sont trop souvent réduites au silence. Cependant, les langues commencent à se délier, et les victimes veulent désormais se faire entendre malgré les nombreuses barrières qu’elles doivent franchir.

“J’ai été victime de viol par mon géniteur.” Il aura fallu un sacré courage à Saïrati, pour prononcer ces mots sans avoir honte, sans se sentir coupable. Les faits se sont déroulés alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Elle dit ne pas se souvenir de l’âge qu’elle avait quand cela a commencé, mais les agressions sexuelles ont cessé lorsque ses parents se sont séparés quand elle avait 6 ans. Aujourd’hui, la jeune femme âgée de 26 ans, a décidé de sortir du silence et de raconter son histoire. Le chemin n’a pas été facile pour elle, car elle a dû faire face au déni de son entourage, à l’image de beaucoup de victimes. “J’ai en ai parlé à des personnes proches de moi, mais elles n’ont pas su porter ma voix. Je n’ai pas été soutenue comme je l’espérais. Ma parole a été entendue, mais il n’y a pas eu d’actions derrière. Je suis convaincue que c’est parce qu’ils avaient peur des conséquences familiales et sociétales”, selon Saïrati. La petite fille qu’elle était a évoqué le sujet pour la première fois à l’âge de 8 ans, puis vers ses 17 ans, mais elle n’a pas été soutenue. Ce n’est qu’en allant en métropole, à l’âge de 19 ans qu’elle en parle à une tante et trouve le soutien qu’elle a toujours recherché. Saïrati trouve réconfort auprès de cette tante, elle aussi victime de viol par le même homme. S’en suivent alors de longues années de thérapie avec différents professionnels. Elle est passée par tous les états : colère, peine, incompréhension. “J’en ai voulu à mon géniteur parce que je me sentais incapable d’en parler, et je lui en ai voulu parce qu’il ne disait rien alors que j’ai beaucoup pleuré.” Le long travail thérapeutique et la maladie de son agresseur ne lui ont pas permis de porter plainte mais Saïrati ne le regrette pas. “Je ne pense pas que la justice m’aurait aidée à guérir. Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux car j’ai choisi de ne plus lui en vouloir. Je ne dis pas que je lui pardonne ou que ça fait moins mal, mais je ne veux plus vivre avec cette colère qui n’étouffait que moi.”

Si Saïrati a eu le courage d’en parler à sa famille, ce n’est pas le cas de Myriam* qui garde encore son secret enfoui dans ses souvenirs. “Lorsque j’étais petite, je devais avoir 5 ans, mon beau-frère a abusé de ma sœur et de moi”, révèle Myriam. Cela a duré plusieurs années et les sœurs ont gardé le secret jusqu’au jour où la dernière révèle tout à sa mère. “Au début, ma mère et mon beau-père ne l’ont pas crue parce que ses propos étaient confus, elle était plus jeune que moi. Lorsque j’ai vu que sa parole était mise en doute, je n’ai pas osé en parler parce que je ne voulais pas que l’on me traite de menteuse”, explique Myriam. Aujourd’hui, ce sujet est complètement tabou au sein de sa famille, particulièrement parce que le beau-frère en question est décédé. “Il est mort quand j’avais 10 ou 11 ans. C’est horrible de dire cela, mais j’étais soulagée quand ça s’est passé”, confie-t-elle. Myriam n’a jamais souhaité suivre de thérapie, ou en parler à sa famille car elle estime que c’est trop tard. Elle est cependant consciente de vivre avec une certaine rancune. “J’en veux à ma mère de ne pas avoir su nous protéger de ce prédateur alors que tout se passait sous ses yeux. Je ne comprends pas comment elle a fait pour ne rien voir. Peut-être qu’elle ne voulait pas le voir finalement…”

Libérer la parole des victimes

Saïrati a fait le choix de ne plus se taire et de sensibiliser sur les agressions sexuelles commis sur les enfants. Elle a commencé par écrire une lettre à son agresseur qu’elle a publié sur les réseaux sociaux. Elle a ensuite créé une page Facebook (Souboutou Ouhédzé jilaho – Ose libérer ta parole) avec sa tante et depuis elle ne cesse de recevoir des témoignages de personnes qui ont été agressées sexuellement. “Je leur dis toujours ce que j’aurais voulu entendre. Je leur dis que je les crois et qu’ils n’ont pas à s’en vouloir. Puis je les oriente vers différentes associations à Mayotte ou en métropole, et vers des professionnels qui peuvent les aider”, indique-t-elle. Malheureusement, beaucoup ne souhaitent pas porter plainte pour diverses raisons. Une réaction typique des victimes de violences sexuelles, particulièrement à Mayotte où le viol est un problème de société qui est caché, étouffé, réduit au silence. “Le mot viol n’existe même pas dans le langage mahorais. C’est une notion juridique du droit français. On dit plutôt que l’enfant a été “attrapé”. Et avant, on ne sanctionnait pas juridiquement la personne qui violait. Si cela venait à se savoir, elle était parfois battue par les membres de la société mais on ne portait jamais plainte”, raconte le sociologue Combo Abdallah Combo. Très souvent, on obligeait la fille à épouser son agresseur pour préserver l’honneur de la famille. Le déshonneur familial est tellement fort qu’on passe outre l’aspect individuel de la victime. “Dans notre société mahoraise, nous vivons en groupe. L’image du groupe prime sur le bien-être de chaque individu. Lorsqu’une telle chose arrive, on essaye alors d’arranger cela en famille. Mais tous ces mécanismes font qu’à chaque fois on excuse l’inexcusable”, selon le sociologue.

Les victimes d’agressions sexuelles sont encore plus réduites au silence si l’agresseur est un membre de la famille. Le viol incestueux est tellement grave que les membres de la famille préfèrent ne pas en parler. “C’est la raison pour laquelle une mère a du mal à croire quand sa fille dit qu’elle a été violée par son père, son oncle ou son frère. Au lieu de protéger la victime, on va protéger le statut de l’agresseur parce qu’il y a encore cette barrière psychologique”, explique Combo Abdallah Combo.

Éduquer enfants et parents

Dans la société mahoraise, on ne parle pas de sexe. On le sous-entend quelque fois, mais l’éducation sexuelle est inexistante. Cela favorise le silence des personnes victimes de viol. “On diabolise un peu trop la sexualité avant le mariage. C’est un tabou qui entraîne tous les autres tabous parce que si on ne parle pas de sexualité, un enfant n’osera jamais raconter à ses parents qu’il a vu ou subi quelque chose de bizarre”, souligne Saïrati. Et Myriam d’ajouter, “Si on m’avait appris quand j’étais petite que personne n’a le droit de toucher mon corps, les choses se seraient peut-être déroulées autrement.” Ce tabou ne devrait plus exister selon Combo Abdallah Combo qui tire la sonnette d’alarme sur la nécessité d’éduquer les filles et les garçons. “On doit leur apprendre clairement le bien et le mal. Il faut leur apprendre que personne n’a de droit sur leurs corps et lorsque quelqu’un les touche c’est mal et il faut en parler.” À Mayotte, un travail est également nécessaire chez les parents selon le sociologue. Ils doivent apprendre à écouter leurs enfants, et repérer le comportement d’un enfant victime. Mais encore faudrait-il s’éloigner de tous les aprioris et moins s’inquiéter de ce que les autres peuvent penser.

* le prénom a été changé

Missions scientifiques en plein confinement à Mayotte : le pari fou de l’Ifremer

La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, retour sur les deux campagnes scientifiques Mayobs 13 qui ont été pilotées à distance en mai dernier. Une première pour les chercheurs qui tentent de percer les secrets du volcan.

Les missions Mayobs se suivent depuis un an, mais ne se ressemblent pas. Confinement oblige, les deux dernières campagnes scientifiques autour du volcan et de l’essaim de séismes ont été, courant mai, les premières à être pilotées à distance depuis Brest, Paris et Orléans. À distance, oui, mais non sans vigilance. À plusieurs milliers de kilomètres des deux navires chargés pour le premier de récupérer les sismomètres de fond de mer et leurs précieuses données, et pour le second, de cartographier le fond de mer et d’identifier de nouvelles coulées de lave et d’émissions de fluides, une poignée de chercheurs en géosciences marines de l’Ifremer ont suivi, en continu et en direct, depuis chez eux, les données recueillies par chacun des deux appareils.

Des appareils, d’ailleurs, qui n’étaient pas initialement prévus pour assurer ces missions scientifiques, la plupart du temps opérées par le désormais bien connu Marion Dufresne. Mais en pleine crise sanitaire, celui-ci n’a pas pu être réquisitionné. Mais alors que rares sont les bateaux suffisamment équipés pour mener ce genre de campagnes, un navire de la marine nationale, le Champlain, est mobilisé par le ministère des Armées pour la levée des OBS. Pour les mesures acoustiques de bathymétrie, le Gauss, un bateau privé de la compagnie Fugro, alors en transit entre l’Égypte et l’Afrique du Sud, est dérouté vers Mayotte. Les deux campagnes, capitales pour la compréhension des événements sismologiques et volcaniques survenus depuis le mois d’août, date de la dernière mission Mayobs, auront bel et bien lieu. Ouf de soulagement.

Début mai, quatre chercheurs de l’Ifremer et de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) fraîchement dépistés décollent de la capitale hexagonale en direction de La Réunion. Sur l’île intense, ils sont tenus d’observer 14 jours de confinement avant de gagner Mayotte. Puis, direction le port de Longoni où le Champlain les attend afin de relever les six sismomètres déployés en mer quelques mois plus tôt. À son tour, le Gauss prend la mer, pour suivre un plan de travail bien défini et qui couvre trois secteurs distincts : le volcan, sa ride, et la zone où est localisée l’essaim de séismes.

Six chefs de mission à six endroits différents

Pendant ce temps-là, en Bretagne, Delphine Pierre, chercheuse au sein du service cartographie, traitement de données et instrumentations de l’Ifremer, garde, depuis chez elle, les yeux soigneusement rivés sur son écran huit heures par jour, tout au long de la semaine que durera la mission. Elle et cinq autres de ses collègues sont chargés de planifier, à tour de rôle, l’itinéraire de navigation puis de récupérer en temps réel les données prélevées par le sondeur multifaisceaux du navire qui balaye le fonds de l’océan en envoyant un son dont l’écho permet de mesurer le relief des sols marins. L’équipe de scientifiques analysera ainsi des centaines de milliers de signaux en seulement sept jours. Un travail de fourmis, inédit dans de telles conditions, mais dont l’importance sera prouvée dès les premiers jours de la mission.

Rapidement, les chercheurs observent, via la sonde, de nouvelles émanations de gaz volcanique, ou panaches, ainsi qu’une nouvelle coulée de lave. Depuis la métropole, ceux qui se relaient quotidiennement pour suivre, 24h/24, les données recueillies par le sondeur sur les fonds marins, décident de modifier l’itinéraire, pour mieux inspecter chaque point où des changements ont été observés. Un imprévu face auquel l’équipe a dû réagir. « Nous sommes passés une dizaine de fois sur chacun de ces points, et nous avons récolté suffisamment de données qu’on sait de qualité, puisque nous les avons traitées en temps réel », sourit, soulagé, Emmanuel Rinnert, l’un des trois chefs de mission, restés en métropole pendant les campagnes. « Habituellement, ces données sont traitées en groupe, et nous travaillons tous ensemble dans la même salle. Là, nous avons chacun dû travailler depuis chez nous, et il fallait aussi pouvoir réagir immédiatement en cas de panne sur un système, mais heureusement, ça n’a pas été le cas lors de ces deux missions ! » Ainsi, un premier rapport devrait être dévoilé dès le mois de juillet. « Mais il est possible que ces résultats n’apportent aucun élément nouveau », tempèrent les chefs de mission de l’Ifremer, heureux d’avoir relevé le défi de piloter une campagne scientifique… depuis leur salon.

Après avoir été sortis de l’eau pour que leurs données soient récupérées, les six sismomètres de fond de mer ont été de nouveau immergés pour plusieurs mois d’enregistrement. (Crédit Ifremer)

Delphine Pierre, chercheuse au sein du service cartographie, traitement de données et instrumentations de l’Ifremer, suit en direct les mesures bathymétriques. (Crédit Ifremer)

Le plan de navigation du Gauss autour du volcan.

Illustration de mesures bathymétriques. (Source Ifremer)

Le navire Gauss lde a société Fugros, réquisitionné pour les relevés bathymétriques

Les premières observations faites lors de la mission Mayobs 13-2 en mai dernier. (Source Ifremer)

Le commandant Pierre-Gauthier Tilquin, et les quatre scientifiques, Pierre Guyavarch et Mickael Roudaut de l’Ifremer, et Simon Besançon et Tom Dumouch de l’IPGP-CNRS, devant le Champlain, alors à quai à La Réunion. (Crédit Ifremer)

Mayotte : l’impact économique du confinement en 10 chiffres clés

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Alors que l’état d’urgence sanitaire risque d’être prolongé jusqu’au 30 octobre à Mayotte, les chiffres sur l’impact des mesures de confinement sont déjà sans appel pour le monde économique. Et l’île aux parfums pourrait bien garder longtemps les stigmates de cette crise inédite.

Pêcheurs, agriculteurs, taxis, restaurateurs, auto-écoles, et tant d’autres… On peut dire que la crise du Covid-19 n’a épargné personne. Et à peine les mois de confinement commencent-ils à s’estomper derrière nous, qu’il faut déjà compter les morts. Si Mayotte n’a pas connu, comme en métropole, la vague épidémique tant redoutée, c’est bien un petit tsunami qui guette en tout cas le monde économique. Dans ce contexte, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 octobre, adoptée à l’Assemblée nationale le 17 juin dernier, avait peu de chances de faire des heureux. Surtout parmi les entreprises mahoraises, dont certaines, comme les hôtels ou les restaurants, sont encore fermées au public alors que les jet skis et autres coques de bateau s’amusent déjà sur les eaux claires du lagon. “Dans le secteur de l’hôtellerie, le maintien de l’état d’urgence jusqu’en octobre pourrait provoquer une vague de licenciements sans précédent, pouvant selon nos estimations décapiter plus de 50% des emplois que nous portons. Cela implique que nombre d’entreprises n’auront eu d’autres choix que de « mettre la clef sous la porte””, a ainsi mis en garde l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte (UMIH976). Alors que Mayotte arbore toujours cette couleur orange, signe d’une circulation active mais modérée du virus, l’économie elle “entre en zone rouge”, écrivent encore les professionnels de l’hôtellerie. Vraie prédiction ou discours alarmiste ? Toujours est-il que les statistiques rapportées depuis la mise à l’arrêt de l’économie le 16 mars dernier, ont de quoi faire tourner la tête. Tour d’horizon en 10 chiffres clés, d’une économie à bout de souffle.

68%

Soit presque les trois quarts des entreprises qui ont fermé leurs portes dès le 16 ou le 17 mars ! Le constat a été dressé par la BGE, qui a mené depuis quasiment les débuts du confinement une enquête auprès de ses adhérents (l’étude a recueilli 132 réponses). L’organisation accompagne des entrepreneurs dans la création et le développement de leur projet. Or, ces jeunes structures risquent de pâtir particulièrement de la crise. “Au moment de l’enquête, 54% d’entreprises ont déclaré être actuellement en difficultés financières à cause du confinement, à ce jour il s’agit de 87% des entreprises qui sont en réelles difficultés”, détaille l’enquête. Des situations critiques qui s’expliquent aussi par des charges courantes mettant en péril leurs reprises d’activité ou encore des dettes auprès de fournisseurs ou d’établissements bancaires. À noter que ces chiffres rejoignent peu ou prou ceux de l’enquête menée par la CCI entre le 30 mars et le 30 avril. Sur les 621 entreprises répondantes, 62% avaient dû fermer leur entreprise à cause du confinement et plus de la moitié des sociétés avaient subi une perte de chiffre d’affaires supérieure à 70%.

-60,6%

C’est la perte de chiffre d’affaires des entreprises du tourisme, de l’hébergement marchand et de la restauration de Mayotte, entre les mois de mars 2019 et mars 2020. Le chiffre, issu d’une étude menée par l’Agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM), avec le comité départemental du tourisme, le MEDEF, la CCI et l’UMIH, est revenu sur la table avec l’annonce de la prolongation de l’état d’urgence à Mayotte. Et ce sont les élus qui se sont emparés du sujet pour demander au gouvernement des mesures plus souples. Dans un courrier adressé samedi à Édouard Philippe, le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani a ainsi souligné le “coup dur porté à Mayotte” par cette décision, “à un moment où il est primordial de relancer l’économie locale”.

6,3 millions

Au 1er juin, l’aide du fonds de solidarité a alimenté les comptes de 4.407 très petites entreprises (TPE), jusqu’à 1.500 euros chacune. Soit un coup de pouce de 6,3 millions d’euros, versé par l’État. Cette aide, plutôt salutaire à Mayotte, devait s’accompagner d’un fonds de soutien complémentaire du Département, doté d’un million d’euros. Mais la rigidité des critères d’attribution de l’aide de la collectivité, longtemps conditionnée à la présentation d’attestations fiscales et à un refus d’un prêt garanti par l’État (PGE), n’a pour l’instant recueilli qu’une quinzaine de dossiers. Les entreprises mahoraises se sont davantage tournées vers les autres dispositifs mis en place par le Département, comme le fonds de soutien départemental ou le prêt d’honneur.

3.068

C’est le dernier bilan du conseil départemental : 3.068 dossiers ont été réceptionnés pour le fonds de soutien spécialement dédié à Mayotte. Parmi eux, 1.071 ont été instruits et validés. Les heureux élus devront recevoir leur paiement dans les deux prochaines semaines. Quant au prêt d’honneur du Département de 30.000 euros, doté initialement de 3 millions d’euros, la totalité de l’enveloppe a déjà été engagée, et les dossiers sont en cours d’instruction.

1.428

Il s’agit du nombre d’entreprises retenues pour bénéficier du dispositif d’activité partielle, d’après le dernier bilan disponible de la préfecture. Cela représente un total de 13.549 salariés, indemnisés grâce à cette aide de l’État qui vise à éviter les licenciements. En tout, plus de 10 millions d’euros ont ainsi été versés rien qu’à Mayotte. Une jolie enveloppe, qui devrait, au moins pour un temps, anesthésier l’économie et éviter de gonfler les chiffres du chômage.

9.500

Voilà un chiffre assez révélateur pour un autre pan de l’économie qui a aussi souffert de la crise : le secteur informel. À Mayotte, ces entreprises inconnues de l’administration fiscale, estimées par l’Insee en 2015 aux ⅔ des entreprises marchandes représentent certes peu de richesses, mais elles concernent une part importante de la population. Résultat, tandis que les vendeuses de bord de route disparaissaient des coins d’ombre et des ronds-points, le nombre de familles qui se pressaient aux portes des CCAS et des associations ne cessait, lui, d’augmenter pendant la crise. D’après un point étape effectué par la préfecture le 30 avril dernier, 9.500 familles avaient obtenu des aides alimentaires pendant le confinement. Un chiffre en nette augmentation par rapport au nombre habituel de ménages bénéficiaires (environ 5.500), en dehors de la période Covid, recensés par les centres communaux d’action sociale.

-18%

C’est peut-être l’indicateur le plus rassurant pour l’économie mahoraise. La baisse de l’activité, mesurée en mai par l’INSEE, est à Mayotte, presque deux fois moins forte que celle constatée au niveau national (33%). Prudence toutefois : ce chiffre s’explique surtout par la structure de l’économie locale, où les services non marchands (l’administration, l’emploi public) pèsent deux fois plus lourd dans le PIB (52%) qu’en France (22%). Au niveau du secteur marchand, les chiffres de Mayotte rejoignent ceux des autres collectivités et du global, avec 35% de chute d’activité. Et sans surprise, la construction et l’hébergement-restauration sont les deux secteurs les plus touchés, avec une perte de 90% de leur activité par rapport à la normale, au moment de la note de l’Insee en tout cas. Si aujourd’hui, la plupart des chantiers ont pu redémarrer, il n’en va pas de même pour les hôtels…

5 à 10%

Le redémarrage de l’économie ne se fera pas en trombe. Et au niveau de la construction, les professionnels estiment à 5 à 10% pour chaque chantier la hausse des coûts générés par la crise sanitaire. Gestes barrières obligent, les entreprises ont dû s’adapter, pour équiper leurs employés en masques, gels ou solutions hydroalcooliques. Sans parler du respect des distances de sécurité, qui implique de prévoir davantage de voitures, et moins de personnes en même temps sur site. Résultat, la productivité n’est pas au rendez-vous, alors même que 100% des entreprises de BTP mahoraises (d’après les chiffres remontés par la Fédération mahoraise du bâtiment et travaux publics (FMBTP) auprès de ses adhérents), ont repris du service. “Sur les chantiers où les marges sont assez faibles, la situation pourrait se corser”, résumait le 9 juin dernier Julien Champiat, le président de la fédération, à Flash Infos.

3949

En voilà un qui pourrait se révéler bien utile dans les semaines et les mois à venir. Le numéro de Pôle emploi vient tout juste d’être déployé lundi à Mayotte. Désormais, ces quatre chiffres permettent à toute personne sur l’île d’être mise en contact directement avec un conseiller, pour obtenir des renseignements ou des attestations, ou encore procéder à son actualisation. Avant cette nouveauté, le numéro renvoyait à un automate pour traiter la demande. Une évolution qui ne sera pas de trop, dans un territoire où à peine 35% des foyers sont équipés d’Internet… Avec d’ailleurs pour conséquence indirecte la baisse des nouvelles inscriptions, alors même que les entreprises subissent de plein fouet la crise. En effet, les agences de Pôle emploi ayant été fermées jusqu’à ce lundi, le nombre de nouveaux inscrits équivaut à peine à un tiers des volumes effectués l’année dernière à la même période. “Mais c’est une information qui ne recouvre aucune réalité économique car

nous étions fermés”, insiste Jean-Christophe Baklouti, le directeur régional de Pôle Emploi. Ce nombre risque donc bien de repartir à la hausse dans les prochaines semaines, entre les inscriptions tardives et celles liées aux licenciements et aux fins de contrat.

2.650

C’est le joli chèque signé par le groupe Sodifram en mai. En tout, l’entreprise de distribution a offert aux soignants 132.500 euros, sous la forme de 2.650 bons d’achats de 50 euros. Un geste “sans précédent”, saluait Balahachi Ousseni, le secrétaire départemental de l’UI CFDT Mayotte et représentant du personnel hospitalier. Il faut dire que la grande distribution est peut-être l’un des rares secteurs à avoir pu garder la tête hors de l’eau pendant la crise…

Le covid-19 n’arrange pas les affaires de l’offre médico-sociale à Mayotte

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Si le confinement a pu être une partie de plaisir pour certains habitants, ce n’a pas été le cas pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. Un public dépendant et fragile pris en charge par le secteur médico-social. Une réorganisation de l’offre a été indispensable pour limiter la casse sur un territoire, où le nombre de structures ne répond toujours pas à la demande croissante.

Demande exponentielle, structures insuffisantes, etc. : lorsqu’il s’agit de dresser le portrait du secteur médico-social, Mayotte a plus qu’un train de retard avec la métropole. « L’offre se développe doucement depuis 2012, avec des créations d’établissement. Aujourd’hui, nous comptons environs 700 places pour accueillir les personnes en situation de handicap – enfants, adolescents et adultes de moins de 60 ans – et les personnes âgées », résume Mayssoune Idaroussi, la responsable de l’unité médico-sociale à l’Agence régionale de santé (ARS). Sur l’île aux parfums, il n’existe à l’heure actuelle qu’une douzaine de structures sur le territoire pouvant accueillir un tel public. Alors comment continuer à s’occuper de lui lorsque la période de confinement impose un retour à la maison ? « Nous avons mis en place un système de visite à domicile, c’est-à-dire que nous avons demandé aux établissements agréés de suivre les usagers par voie téléphonique pour connaître leurs besoins et d’envoyer un professionnel de santé au domicile en cas de nécessité. »

À titre d’exemple, le service de soins infirmiers à domicile de la Croix Rouge intervient auprès de 40 personnes âgées et de 17 en situation de handicap, tandis que sept autres services d’aides à domicile prennent en charge les actes essentiels de la vie. Et face aux risques de contagiosité, pas question de lésiner sur les moyens ! « Notre accompagnement au sein de l’ARS se situe surtout au niveau de dotations hebdomadaires en masques et en surblouses, car les contacts peuvent être rapprochés », souligne Mayssoune Idaroussi. Autre décision d’urgence prise en cette période de Covid-19 : la réquisition de l’institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP) Mar’Ylang de l’association Mlezi Maore, situé à Kahani, en établissement ressource pour isoler les jeunes lorsque l’un de leurs parents contracte le virus. Une mesure drastique, mais indispensable dans le but de les préserver et de casser les chaînes de transmission.

Un confinement difficilement compréhensible

De son côté, Razafina Oili, la directrice de l’association pour les déficients sensoriels de Mayotte (ADSM), élabore dès le début de la crise, en lien avec l’ARS, un plan bleu qui permet à la structure d’accueil de maintenir un service minimum. Avec entre autres 40 déficients auditifs et 36 déficients visuels, dont 15 enfants de la Lune, âgés de 0 à 20 ans, la tâche s’annonce complexe. « Ils ont besoin de beaucoup d’attention, car ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent rester à la maison, pourquoi ils doivent respecter les distanciations, pourquoi ils ne peuvent plus venir aux activités les mercredis et samedis », relate-t-elle. Alors pour garder le contact, l’association suit un protocole très précis : des rencontres peuvent s’organiser sur rendez-vous et au domicile, en s’assurant qu’une prise de température soit réalisée avant chaque déplacement. Sur le terrain, une trentaine d’encadrants, composée d’éducateurs spécialisés, de psychologues et d’animateurs, se charge de récupérer les cours pour les familles qui ne peuvent se déplacer, de distribuer les bons alimentaires, ou encore de ramener les médicaments pour que chacun puisse bénéficier de son traitement. « Nous avons sensibilisé les parents au début du confinement pour leur expliquer les règles à suivre. Mais certains n’acceptent pas de ne pas avoir de soutien à la parentalité. » C’est la raison pour laquelle l’association planche déjà sur un plan de reprise. En ligne de mire, le début du mois de juillet, pour relancer l’apprentissage de la langue des signes française dans le but de permettre une meilleure communication au sein même du foyer.

Quoi qu’il en soit, cette période met d’ores et déjà en exergue l’impact de la crise sur l’offre médico-sociale à Mayotte. « Nous nous rendons bien compte que la demande existe, donc il faut continuer à sortir de terre des établissements spécialisés pour augmenter le nombre de prises en charge », résume Mayssoune Idaroussi, la responsable de l’unité médico-sociale à l’ARS, qui souhaite sauter sur l’occasion pour mettre en place des solutions viables et pérennes qui étaient jusqu’alors, simplement, en réflexion pour l’avenir. Seul motif de satisfaction de ces trois derniers mois ? « Nous n’avons eu aucun usager infecté par le Covid », assure-t-elle, en attendant que les personnes en situation de handicap et les personnes âgées retrouvent un semblant de normalité…

Mlezi Maore, toujours sur le pied de guerre

Si les dispositions de lutte contre la propagation du Covid-19 impactent de manière très directe ses associations et établissements, Mlezi Maore a élaboré des plans de continuité de l’activité tout au long de la crise sanitaire. Ainsi, l’institut médico-éducatif et le service d’éducation spécialisée et de soins à domicile du pôle Handicap ainsi que le service d’action éducative en milieu ouvert du pôle Jeunesse ou encore le service de tutelles du pôle Solidarité sont en ouverture aménagée. « L’évaluation de la situation de chaque usager a été réalisée, des contacts réguliers sont assurés et des visites à domicile sécurisées sont programmées en cas de nécessité », précise l’association. Des distributions de bons alimentaires ont été assurées aux enfants du pôle Handicap qui ne pouvaient plus être accueillis dans les unités et qui, de facto, ne bénéficiaient plus des déjeuners quotidiens sur place, ainsi qu’à tous les publics qui en avaient besoin sur l’ensemble des communes du Sud. À ce jour, Mlezi Maore attend le feu vert de l’ARS et de la préfecture pour l’accueil des enfants. En attendant, les professionnels de santé poursuivent les visites à domicile et les prises de nouvelles par téléphone.

À Mayotte, « beaucoup d’employeurs ont triché pendant la crise »

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Alors que l’économie comme les habitants de l’île se déconfinent, les langues se délient aussi peu à peu, notamment pour évoquer des dérives qu’a engendré la crise sanitaire du coté des entreprises. La CGT-Ma s’attache donc désormais à compiler les différentes doléances des travailleurs.

Les signaux sont au vert pour une reprise de l’économie. Mais la CGT-Ma voit rouge. « Chantage », « menaces », pertes injustifiées de salaire, absence de dialogue social, et « triches en tout genre », constituent ainsi le haut du panier des doléances que récolte le syndicat alors que la crise sanitaire semble toucher à sa fin. « Nous allons recenser toutes situations, alerter en espérant des réactions et ensuite nous déciderons avec les travailleurs de la suite à donner », explique Salim Nahouda, qui n’exclue pas la menace d’un mouvement social. Car pour le secrétaire départemental de la CGT-Ma, « pendant ces trois mois, il y a eu énormément de comportements inacceptables de la part des employeurs, beaucoup ont triché », assure-t-il à l’aune des premières plaintes enregistrées.

Plusieurs employés à qui des primes ont été promises se sont ainsi tournés vers le syndicat dans l’espoir de l’obtenir. Elles concernent notamment les travailleurs exposés à l’instar des salariés des des Douka Bé (voir Flash Infos du 23 juin). « C’est un sujet compliqué ici car même si le gouvernement a fait pression pour que les employeurs la paient, localement les entreprises font tout pour ne pas la payer », pointe à ce sujet Salim Nahouda, relevant que deux bras de fer ont plus ou moins payé. Les salariés de Sodifram se sont ainsi levés pour obtenir cette prime « et obtenir des miettes ». Du côté d’EDM, la situation est plus alambiquée. « On nous avait annoncé un alignement sur la prime qui serait mise en place à La Réunion où les agents ont finalement obtenu 800 euros. Mais après cela, la direction a voulu baisser le montant ici alors que les travailleurs étaient beaucoup plus exposés et ont effectué un nombre d’heures bien supérieur », résume le syndicaliste.

« Les travailleurs ont trop perdu »

Après négociations, ladite prime a été obtenue mais « en multipliant les conditions ». « De manière générale, les employeurs ne veulent pas payer cette prime et quand ils acceptent en rechignant, ils font tout pour le faire au rabais », conclut Salim Nahouda. Mais au-delà des primes non versées, c’est bien des salaires revus à la baisse dont se plaignent nombre de travailleurs. « Beaucoup d’employeurs se sont déclarés en activité partielle pendant tout le mois de mars alors que le confinement a commencé le 17, les salaires de ce mois n’ont donc souvent pas été calculés sur la bonne base », constate le syndicat. Une entourloupe parmi d’autres mais qui ont conduit « à ce que beaucoup d’employés se retrouvent à 7 euros de l’heure alors qu’un décret était venu fixer le minimum à 8 euros. Tout ça à cause de calculs frauduleux qui se sont multipliés pendant trois mois », peste le représentant de la CGT.

« Il y en a même qui ont fait travailler leurs employés de manière normale en se déclarant en activité partielle, c’est inadmissible et le pire c’est que ce ne sont souvent pas les plus malheureux qui ont fait ça », accuse encore Salim Nahouda, exemples à l’appui. « Ils font tout pour tricher », peste le syndicaliste, relevant également « des formes de pression pour faire travailler elles employés, des congés maladie déduits des congés annuels, des menaces de perte d’emploi sur des travailleurs bloqués à l’extérieur du territoire ». Alors, face à ces nombreuses dérives imputées, la crise sanitaire laissera-t-elle la place à une crise sociale ? Salim Nahouda veut modérer le tempo. « Déjà, les employés dénoncent de plus en plus ces comportements, on espère que cela va faire bouger les choses et que les employeurs reviendront à la raison, mais si ça ne marche pas, il faudra bien aller plus loin. Ce sera aux travailleurs d’en décider, mais ils ont trop perdu », prévient-il. Avant les drapeaux rouges, vigilance orange donc.

Trafic aérien à Mayotte : Air Austral relance (progressivement) ses vols

Avec l’annonce, lundi, de la réouverture de l’aéroport de Mayotte, la compagnie aérienne Air Austral reprend progressivement son programme de vol. Progressivement seulement, car si les liaisons reprennent, elles restent soumises aux fameux « motifs impérieux. »

L’annonce était attendue, mais a quelque peu déçu. Si l’aéroport de Mayotte rouvre « dès cette semaine », comme l’a annoncé avant-hier la préfecture, avec « la reprise des vols commerciaux depuis et vers Mayotte », les déplacements restent soumis aux désormais bien connus « motifs impérieux ». Quoi qu’il en soit, la compagnie Air Austral reprend donc ses vols de manière progressive.

S’agissant de la liaison Mayotte-Paris, deux fréquences commerciales sont prévues cette semaine, puis quatre la semaine prochaine, et cinq à partir de la semaine du 6 juillet, « sous réserve de l’autorisation des autorités », rappelle la compagnie. Pour ce qui est de la ligne Mayotte-Réunion en revanche, peu d’évolutions pour le moment avec, dans le sens Réunion-Mayotte, les vols effectués dans le cadre du pont aérien, et dans l’autre sens, une fréquence commercialisée par semaine. La suite « dépendra de l’évolution de la situation et se fera en accord avec les préfectures ». Patience donc, pour ceux qui souhaiteraient s’envoler vers l’île Bourbon.

Des attestations à télécharger

Double patience même, car si les vols commerciaux reprennent, ils demeurent soumis à des « motifs impérieux » : voyage pour raisons professionnelles, de santé, familiales, etc. Des mesures très restrictives qui nécessitent de remplir des attestations disponibles en ligne, notamment sur le site d’Air Austral, mais aussi de fournir des justificatifs. Et si c’est la compagnie qui vérifie lesdits documents à l’enregistrement, la police aux frontières s’en charge également, décidant si le passager peut, ou non, embarquer. Tentative de fraude à oublier, donc.

Pour rappel, les voyageurs atterrissant en métropole en provenance de Mayotte n’auront aucun test à subir. En revanche, La Réunion impose qu’un test soit réalisé 72h avant le départ et qu’un isolement de sept jours soit observé à l’arrivée. Si le test n’a pu être fait, une quatorzaine stricte devra être respectée à l’arrivée.

Emmanuel Rinnert, chef de mission Mayobs : « L’activité magmatique continue »

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La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, Emmanuel Rinnert, géochimiste à l’Ifremer et l’un des chefs de mission Mayobs, fait le point sur les deux dernières campagnes scientifiques qui se sont déroulées dans les eaux mahoraises entre avril et mai, en plein confinement. 

Flash Infos : Quel était l’objectif des deux missions scientifiques organisées à Mayotte ces dernières semaines ? 

Emmanuel Rinnert : Elles avaient toutes les deux un objectif différent. Mayobs 13-1 visait à récupérer, faire de la maintenance et remettre à l’eau les OBS, des sismomètres de fond de mer, afin de pouvoir continuer à recueillir de nouvelles données relatives aux séismes. Pour Mayobs 13-2, l’enjeu était l’acquisition de données bathymétriques (des mesures du fond de mer permettant de cartographier les sols et d’étudier d’éventuelles déformations, ndlr). La bathymétrie est d’ailleurs la technique qui avait permis de découvrir le volcan en mai 2019 ! L’objectif était aussi de recueillir des données relatives à la colonne d’eau du volcan, et de savoir s’il y a des sorties de fluides et de particules. 

FI : Ces missions avaient été programmées avant que la crise sanitaire n’éclate. Pourquoi les avoir maintenues malgré le confinement et la quatorzaine à l’arrivée dans les Outre-mer, qui a contraint les scientifiques à rester à Mayotte bien plus longtemps que prévu ? 

E. R. : En effet, les quatre personnes qui ont embarqué sont parties presque un mois et demi pour une opération qui n’a duré que six à sept jours en mer… Mais une partie des données des OBS aurait été totalement perdue si nous n’avions pas relevé les instruments mi-mai, parce que leur autonomie est limitée. Nous n’avions aucune idée de la durée de la crise sanitaire, aucune visibilité pour pouvoir décaler les missions, donc tous les organismes scientifiques et même les ministères concernés ont préféré qu’elles soient maintenues. Pour la partie bathymétrie, les activités sur le fond de mer et dans la colonne d’eau, il faut savoir que les derniers relevés de ce type remontent à août 2019. Ce type d’opérations demande des sondeurs très spécifiques et très puissants, capables d’aller à plus de 3.000 mètres de fond, là où est posé le volcan. Tout ça fait qu’il n’y a pas énormément de navires qui sont capables de faire ce genre de mission, et aucun n’était disponible depuis août 2019. Nous avons eu une possibilité pour mai 2020, et malgré la crise sanitaire, il était capital de continuer de suivre le volcan pour acquérir de nouvelles données, parce que même si les séismes et l’enfoncement de l’île ont ralenti, la crise n’est pas finie, donc ça sous-entend qu’il y a une activité magmatique qui continue. 

FI : Quels signes de cette activité avez-vous pu observer lors des dernières missions ? 

E. R. : Dans la zone nord-ouest du volcan, on sait qu’il y a eu de nouvelles coulées de lave qui couvrent 5 km² environ, en plus de celles que nous avions déjà observées entre mai et août. Ce qu’on entend par coulée, c’est un étalement de lave de l’ordre de quelques dizaines de mètres de hauteur, et comme le fond de mer à cet endroit-là est relativement plat, la coulée avance. Mais il y a aussi de nouvelles structures, trois édifices qui mesurent une centaine de mètres de hauteur, voire un peu plus, et qui se sont beaucoup moins étalés. Ces structures peuvent être de la lave solidifiée : à cette profondeur, l’eau n’est qu’à quelques degré, et selon la texture de la lave, si elle est visqueuse ou fluide, elle aura tendance à monter en se solidifiant. Mais ces structures peuvent aussi être le point de sortie du volcan, que nous ne connaissons pas actuellement mais qui se situe normalement au centre du cratère. Or quand le volcan commence à monter, comme l’a très vite fait celui-ci, il faut plus de pression à la lave pour qu’elle puisse en sortir en atteignant le sommet, ou alors, il arrive qu’elle sorte par sa base, où il y a besoin de beaucoup moins de pression, et c’est pour ça qu’on observe parfois quelques structures à ce niveau-là. À Mayotte, elles se situent à deux bons kilomètres du volcan, donc ça n’est pas son point de sortie… Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il y a un nouveau volcan ! Concernant celui découvert en mai 2019, nous devrions être capables d’identifier son point de sortie quand on retournera sur la zone et qu’on aura pu voir les évolutions, c’est une plomberie très complexe. En attendant, il est important de connaître la hauteur réelle de ces structures et le volume de lave correspondant, pour connaître le flux émis depuis le mois d’août, date de nos dernières observations. Nous devrions confronter nos différents calculs au mois de juin, mais rien qu’en regardant les cartes, on voit que le flux est plus faible que ce qu’il y a eu par le passé. 

FI : Lors de la précédente mission, en août 2019, un important panache avait été observé, témoin d’une éruption volcanique en cours. Qu’en est-il aujourd’hui ? 

E. R. : L’année dernière, nous avions effectivement observé une éruption avec un panache énorme, la plupart d’entre nous n’avait jamais vu ça. Là, nous ne l’avons pas revu, mais nous avons utilisé un sondeur un peu moins sensible… Nous n’avons certes pas observé d’éruption, mais ça ne veut pas dire que l’activité s’est arrêtée. Nous avons détecté deux nouveaux panaches au niveau de la zone de l’essaim sismique principal, sur le site que nous appelons le fer à cheval et qui se situent un peu plus à l’Est que les trois panaches observés en 2019 et qui sont d’ailleurs toujours actifs. Par rapport à notre expérience sur la forme de ces panaches, c’est tout à fait compatible avec des émissions de gaz, on n’est pas sur des signaux d’éruption. Ce gaz, dont nous avons analysé la composition l’année dernière en mai et en juillet, c’est du CO2, de l’hydrogène et du méthane, donc ce sont typiquement des gaz volcaniques. Maintenant, ils sont connus depuis plus de vingt ans à terre à Mayotte, à travers les éruptions de bulles de gaz à Moya ou près de l’aéroport. C’est une zone où il y a du magma très en profondeur, donc ces fuites de gaz peuvent être fréquentes mais ça ne veut pas dire que ce sont les prémices d’une éruption. Les premiers panaches que nous avions observés l’année dernière étaient peut-être là depuis dix ou vingt ans, mais il n’y avait jamais eu de mesures de ce genre auparavant. En revanche, les deux nouveaux phénomènes que nous venons de découvrir n’étaient pas là l’année dernière. C’est pour ça qu’il est très important de continuer à recueillir des données. 

FI : Si les données fraîchement recueillies sont encore en cours de traitement, les chercheurs savent déjà que la structure du volcan n’a pas connu d’évolution majeure depuis le mois d’août, mais l’ensemble de la zone, dite « zone volcan », semble, elle, avoir bougé… 

E. R. : Effectivement, nous avons observé des modifications de signaux lors des relevés bathymétriques, dans la zone volcan et comme partout ailleurs, y compris à des endroits de référence que sont les plaines abyssales. En réalité, notre matériel a induit pas mal de bruit sur les signaux, particulièrement lorsqu’il se trouvait sur des structures pentues comme le flanc du volcan, donc ce bruit induit de fausses détections sur les mesures acoustiques. Nos collègues sont en train de travailler là-dessus : chaque point enregistré est retraité manuellement, et si l’on remarque une modification structurelle mise en jeu sur un seul passage de l’appareil, nous l’éliminons d’office. Mais lors des premières phases de traitement des données, nous n’avons pas vu de modifications significatives. 

FI : Quelles sont les prochaines missions scientifiques prévues à Mayotte ? 

E. R. : Il va y avoir de nouvelles opérations de relève et de mouillage des OBS, pour continuer de maintenir le réseau d’enregistrement en condition opérationnel. D’ailleurs, les données que nous venons de ramener concernant la sismicité sont de bonnes qualités, et tous les enregistreurs ont pu fonctionner convenablement, ce qui n’est pas toujours le cas. Le jeu de données est en cours de 

traitement pour repositionner les séismes correctement, en latéral et en profondeur. Une mission échantillonnage est aussi prévue pour récupérer des laves, faire des mesures dans la colonne d’eau afin de détecter d’éventuelles traces de gaz dissous. Nous projetions aussi pour le mois de mai une opération à bord du Marion Dufresne pour déployer un sismomètre spécifique à proximité des câbles de fibre optique (afin de mesurer les perturbations dans la diffusion de la lumière lors d’un séisme et donc de les étudier plus précisément, ndlr). Or, avec le contexte sanitaire, ça n’était plus réalisable. Mais ce sont des opérations que nous souhaitons refaire car d’un point de vue technique, c’est une expérimentation très intéressante. Cette mission devrait être reprogrammée en octobre si la situation le permet.

Reprise des vols et prolongement de l’état d’urgence : le grand flou à Mayotte

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Coup dur pour le département : avec l’annonce du prolongement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 octobre inclus, Mayotte tombe de haut. Alors que chacun espérait entamer un retour à la normale, le gouvernement a choisi de lui appliquer les mêmes mesures qu’en Guyane. Incompréhension, agacement et nombreuses réactions, agrémentées d’un soupçon puisque l’aéroport de Mayotte rouvre dès cette semaine avec la reprise des vols commerciaux. 

Une fois n’est pas coutume ces temps-ci, une bonne nouvelle annoncée hier. Dans un communiqué, la préfecture annonce que « le président de la République a validé en Conseil restreint de défense et de sécurité nationale, tenu le vendredi 19 juin, la reprise des vols commerciaux depuis et vers Mayotte ». Mieux : « Dès cette semaine, une première liaison aérienne commerciale hebdomadaire aller-retour, avec l’île de La Réunion va être mise en place. Les fréquences entre Paris et Mayotte vont être progressivement augmentées. Elles seront au nombre de deux la semaine du 22 juin, quatre la semaine du 29 juin et cinq la semaine du 6 juillet. » 

De quoi soulager les questionnements quant à la capacité de se déplacer hors Mayotte ? Oui et non car « pour voyager depuis ou vers Mayotte, un motif impérieux d’ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l’urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé est nécessaire. ». En somme, la mesure demeure très restrictive, d’autant qu’en plus de l’attestation dérogatoire nécessaire pour embarquer, un justificatif doit être fourni pour prouver ladite « impérieuse nécessité ». Autant dire qu’il ne s’agit pour le moment que d’une semi-réouverture même si la préfecture la qualifie, en substance, de « période de 15 jours de normalisation du trafic aérien ». Doit-on s’attendre à un assouplissement par la suite ? Difficile à dire. 

Un prolongement de l’état d’urgence qui fait du bruit 

L’annonce intervient quelques jours après la décision de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 octobre inclus à Mayotte et en Guyane. Bien que les décrets d’application doivent encore être publiés, l’annonce a suscité moults réactions d’agacement dans le 101ème département, où l’épidémie de Covid-19 semble confirmer son retrait, au contraire de notre homologue outre-Atlantique. 

Parmi les premiers à réagir, le député Mansour Kamardine qui, dans notre édition du vendredi 19 juin, expliquait être « profondément déçu. (…) », estimant que « la perception que l’on donne à l’extérieur n’est pas à minimiser, elle peut réellement impliquer un véritable découragement. (…) Le discours du gouvernement n’est pas audible, il souffre d’incohérences majeures lorsque, dans le même temps, il demande la réouverture des écoles, que les gens retournent au travail, que les élections se tiennent et il prolonge l’état d’urgence sanitaire. Par ailleurs, je vois dans cette prolongation une atteinte extrêmement grave à notre liberté de mouvement alors que rien ne le justifie plus ». 

Le parlementaire n’a pas été le seul à s’insurger. Samedi, c’est le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui écrivait au premier ministre pour réclamer, à la suite de cette prolongation, un assouplissement des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire. « Cette décision, si elle devait être confirmée, est un coup très dur porté à Mayotte, à un moment où il est pourtant primordial (…) de relancer l’économie locale et le tourisme très durement affectés par la crise 

sanitaire, économique et sociale liée au Covid-19″, réagissait le président en rappelant – citant une étude de l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM) menée avec le comité départemental du tourisme, le MEDEF, la CCI et l’UMIH auprès de 75 entreprises du tourisme de l’hébergement marchand et de la restauration de Mayotte – qu’entre « mars 2019 et mars 2020, les entreprises interrogées ont par exemple perdu 60,6% de leur chiffre d’affaires ». L’élu estime enfin que « Mayotte ne peut se permettre de subir cette double peine imposée : celle de la pandémie du Covid-19, à laquelle viennent désormais se greffer des mesures très pénalisantes en termes de transport aérien, d’activité économique, conduisant à l’isolement de l’île ». 

Ô rage, Ô désespoir 

Plus récemment, hier, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte (UMIH 976) montrait également son mécontentement. Et elle commençait en soulevant les paradoxes d’un déconfinement qui ne dit pas son nom : « L’économie mahoraise plonge inexorablement dans une léthargie aux perspectives dramatiques. Le gouvernement a fait le choix de maintenir Mayotte et la Guyane en état d’urgence sanitaire jusqu’en octobre. Le monde économique s’interroge sur les éléments tangibles qui justifient un tel choix au regard de certaines exceptions : le maintien des élections municipales à Mayotte et une interdiction maintenue en Guyane [qui] démontre que la situation des deux territoires n’est en aucun cas comparable ; le maintien de l’interdiction aux restaurateurs d’exploiter leurs salles alors que des commerces accueillent du public dans des conditions totalement aléatoires en l’absence d’encadrement de proximité pour l’application des règles de distanciation et des gestes barrières ; [et] la forte restriction des vols commerciaux alors que des échanges entre régions beaucoup plus touchées par le Covid reprennent en métropole. » 

Et de préconiser, dans l’hypothèse où l’état sanitaire serait bel et bien prolongé, plusieurs solutions, parmi lesquelles « une reprise immédiate des vols commerciaux pour assurer le retour du tourisme d’affaire qui jusqu’alors était le dernier segment dont pouvaient profiter les acteurs du tourisme mahorais et la mise en place d’un avion-cargo pour assurer l’approvisionnement du monde économique ». « Sans la mise en œuvre de ces solutions », précise l’organisme, « nous entrevoyons des perspectives désastreuses pour l’économie en général et pour l’emploi en particulier ». 

Des préoccupations partagées par le Medef, ce dernier n’hésitant pas à implorer :  » Cet amendement ne doit en aucun cas être appliqué à Mayotte. (…) L’état d’urgence doit s’arrêter le 10 juillet 2020 à Mayotte. Entendez nos voix, nos entreprises se meurent et ne rouvriront plus jamais si cela se confirme, laissez-nous travailler et le peu d’espoir qui nous restait à l’approche du 22 juin et du 10 juillet 2020. » Dans le détail, « grâce aux mesures d’urgence, beaucoup survivent et tiennent encore le coup. Cependant, l’annonce du 17 juin sur le prolongement d’état d’urgence à Mayotte jusqu’au 30 octobre est lourde de conséquence », explique le syndicat. Il poursuit : « Alors que nous nous battons tant bien que mal pour relancer l’activité économique et éviter le marasme social et sociétal, cette décision vient amplifier nos inquiétudes et renforcer notre désespoir. Plusieurs entreprises ont dû se séparer de leurs collaborateurs malgré la mise en place de l’activité partielle. Plusieurs également, si ce n’est toutes, ont de graves problèmes de trésorerie et peinent à renouer avec leurs clients. (…) Nos entreprises ne se remettront pas de cette décision qui n’est pas justifiée comme en Guyane. Cet amendement ne doit en aucun cas concerner Mayotte. Avec 84% de la population sous le seuil de la pauvreté et 40% de chômage, que deviendront ces chiffres en 2021 ? Ainsi, nous demandons à tous nos élus et tous nos parlementaires de saisir le président de la République, le premier Ministre, la ministre de l’Outre-mer et le préfet de Mayotte. Nous demandons la réouverture au 22 juin 2020 de tous les vols commerciaux vers la France. » 

Quoi qu’il en soit quant à l’issue de cette prolongation, le flou général autour de la reprise des vols aura au moins eu le mérite d’unir nombre d’acteurs locaux autour d’un mot d’ordre : ne pas se contenter de déconfiner Mayotte, et assumer désormais de la désenclaver.  

Voyager ? Oui mais sous conditions ! 

Être autorisé à voyager pour motifs impérieux n’exclut pas de se plier aux mesures sanitaires imposées. Ainsi, si pour les voyageurs atterrissant en métropole en provenance de Mayotte, aucun test n’est exigé, ce n’est pas le cas pour ceux qui s’envolent vers La Réunion. Le département voisin impose en effet qu’un test soit réalisé 72h avant le départ et qu’un isolement de sept jours soit observé à l’arrivée. Si le test n’a pu être fait, une quatorzaine stricte devra être respectée à l’arrivée. 

Par ailleurs, le département de La Réunion mène actuellement un expérimentation « dont les résultats sont susceptibles d’inspirer les futures procédures de déplacements dans les DOM », précise l’ARS. Deux variantes : 

– Pour les personnes ayant réalisé un test avant l’embarquement : si le test est négatif, elles bénéficient d’une procédure accélérée d’accueil (file réservée). Il leur est demandé de rester isolées pendant 7 jours à l’endroit de leur choix (domicile, hôtel réservé par les intéressés ou leur employeur, location saisonnière, hébergement dans la famille ou chez des amis). Et, à l’issue des 7 jours, de subir un nouveau test réalisé sur prescription médicale ou sur présentation du billet d’avion. Si ce second test est à nouveau négatif, la quatorzaine est suspendue. 

– Pour les personnes n’ayant pas réalisé de test avant l’embarquement : Un test est proposé à l’aéroport, lors d’un accueil sanitaire standard (temps de parcours estimé à 3-4h en moyenne). Les personnes choisissant d’effectuer leur quatorzaine à domicile doivent suivre une quatorzaine stricte et sont suivies par l’ARS. Elles peuvent bénéficier d’un test sur prescription de leur médecin traitant.

Mayotte : les salariés des Douka Bé attendent toujours leur prime

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En première ligne durant toute la durée de l’épidémie de coronavirus, des employés des Douka Bé se sentent aujourd’hui au dernier plan des préoccupations de leur employeur, le groupe Bourbon distribution. En cause, des moyens de protection sanitaire très limités et une prime exceptionnelle qui ne tombe toujours pas malgré les promesses. 

« Regardez, on n’a rien pour se protéger, pas de masque, pas de gel, pas de gant, on a juste cette petite vitre devant la caisse, c’est n’importe quoi. » Le ton adopté par Mohamed* n’est pas, comme on pourrait l’imaginer, celui de la colère. L’employé d’un Douka Bé du grand Mamoudzou est dépité, « profondément déçu » par des « patrons face auxquels on ne peut rien ». « Je ne peux rien dire, j’ai dû accepter de venir pendant toute la durée de l’épidémie malgré les risques parce que je ne pouvais pas me permettre de perdre mon emploi », raconte ce père de trois enfants, et mari d’une femme qui « elle, a bien perdu son boulot » de serveuse dans un petit restaurant du chef-lieu. Malgré la crainte du coronavirus, Mohamed a donc continué à se rendre tous les jours dans la supérette de quartier pour y travailler « comme avant, parfois plus ». Et a bien cru que ce qu’il décrit comme un sacrifice paierait. « Au début, on nous a promis une prime pour les risques que nous prenons en travaillant mais ça fait plusieurs mois que l’on attend et rien ne tombe, je ne sais plus trop si je dois encore y croire », se désole l’employé qui vogue entre la mise en rayon et la caisse. « Je n’attends pas des millions d’euros mais au moins quelque chose qui pourrait un peu aider ma famille et me montrer un peu de reconnaissance », plaide Mohamed, qui n’a pas toujours été si pauvre en espoir. « Plusieurs fois, nous en avons parlé à notre directeur [de magasin], il nous a dit que ça arriverait mais on sait bien que ça ne dépend pas de lui, c’est des choses qui viennent de plus haut. » 

« On aurait pu mourir, ils n’en auraient rien eu à faire » 

Plus haut, c’est le groupe Bourbon distribution** qui opère sur le territoire à travers les Douka Bé, mais aussi les Score, Jumbo ou encore les Snie. Mais Bourbon distribution, c’est la propriété du groupe Vindémia, lequel appartient au groupe Casino, en passe de le céder au groupe Bernard Hayot, partenaire de Carrefour dans la distribution… Un colosse aux multiples bras, une hydre dont Mohamed ne croit plus qu’une des têtes daignera se pencher sur son cas. « Nous on n’est rien face à eux. Heureusement je crois que personne d’entre nous n’a été malade mais on aurait pu mourir, ils n’en auraient rien eu à faire », se désole-t-il. 

« Oui c’est dur, on a été très inquiets de venir travailler dans ces conditions, mais à partir du moment où on nous a promis quelque chose, on ne va pas le laisser filer », rétorque de son côté Fatima* entre deux congélateurs d’un autre Douka Bé. « C’est l’un des rares secteurs qui n’a pas beaucoup souffert de la crise mais il va falloir qu’ils se rappellent que c’est grâce à nous qui avons pris des risques », lance fermement l’employée qui malgré la fougue qui l’anime préfère « attendre, pour l’instant ». « On va bien voir ce qu’il se passe, nous sommes en bons termes avec notre directeur et je pense qu’il fait remonter les demandes… Mais c’est vrai que ça commence à faire long, on a vraiment l’impression d’être ignorés et qu’ils espèrent qu’on oublie les promesses », enchaîne Fatima dans un discours mi-figue, mi-raisin, malgré l’absence de quelconque fruit dans les étals de l’épicerie. Loyauté et solidarité figurent pourtant bien au rang « des cinq valeurs clefs » affichées fièrement par le groupe Vindémia sur son site internet. Fatima, Mohamed et les centaines de leurs collègues espèrent encore qu’elles n’ont pas, elles aussi, déserté les rayons. 

*Les prénoms ont été changés 

** Sollicitée à plusieurs reprises, la direction de Bourbon distribution n’a pas donné suite à nos demandes. Sa position sera publiée lorsqu’elle sera communiquée.

Santé à Mayotte : les associations d’usagers entendues par Dominique Voynet

Un courrier des associations mahoraises de France Assos Santé interrogeait l’agence régionale de santé sur sa gestion de la crise le 11 juin dernier. Sa directrice leur a répondu en détail et les représentants des usagers espèrent désormais pouvoir planifier une réunion prochaine avec l’ARS. 

Ils avaient adressé une lettre au vitriol à la directrice de l’agence régionale de santé le 11 juin dernier, en prenant soin de mettre la presse en copie. Dans ce courrier, les représentants mahorais des usagers mentionnaient plusieurs sources d’inquiétudes sur le coronavirus à Mayotte, parfois relayées sur les réseaux sociaux et qui interrogeaient “quant à la capacité des autorités sanitaires locales à gérer efficacement cette crise sanitaire”. Cinq jours plus tard, on peut dire qu’ils ont été servis, et même au-delà de leurs espérances. Dominique Voynet s’est fendue le 16 juin dernier d’un courrier au moins aussi direct. Et parfois presque un brin caustique tant l’ancienne ministre n’y va pas par quatre chemins pour dire son sentiment à la lecture des critiques qui lui ont été adressées, dans le courrier d’abord et au travers des relais effectués dans les médias. 

Absence de dialogue 

“Je me réjouis de cette missive, qui me rassure au fond : les associations membres de France Assos Santé, totalement absentes pendant la crise sanitaire, à l’exception notable de l’UDAF qui est intervenue utilement à plusieurs reprises dans le débat mahorais – sont toujours là”, envoie d’emblée la directrice en introduction de sa missive. Et de dérouler sur l’absence supposée des associations mahoraises de France Assos Santé pendant “les trois longs mois de cette crise sans précédent” alors qu’elle était prête, selon ses propres dires, “à accueillir – avec joie – tout renfort, toute aide, toute suggestion pour faire mieux encore”. Discrètes sur la place publique, les associations concernées, agréées pour représenter les usagers de la santé, assurent de leur côté avoir travaillé régulièrement avec le CHM par visioconférence pendant la crise. Et c’est un premier courrier, adressé à l’ARS et resté plusieurs jours sans réponse, qui les auraient poussées à emprunter voie de presse. Problème de coordination ou dialogue de sourd ? Toujours est-il que la directrice de l’ARS souhaite “surmonter l’irritation du moment pour avancer ensemble désormais”. C’est pourquoi elle invite les auteurs du courrier à se manifester directement à l’ARS pour mettre leurs propositions sur la table. 

Le mise au point exhaustive de l’ARS 

Mais avant cela, Dominique Voynet s’attache à répondre point par point aux questions soulevées par les associations dans leur courrier initial. En près de six pages, la responsable déroule et défend les actions menées par sa paroisse : actions de communication sur le terrain, traductions effectuées par “un éminent cadre mahorais de l’ARS” et relues par dix personnes, approvisionnements des professionnels de santé en équipements professionnels de protection individuelle (EPI), mais aussi des officines, des personnes dépistées et des cas contacts à titre gratuit – 332.000 masques ont été distribués par l’ARS depuis le début de la crise -, affrètement d’un avion sanitaire capable d’évacuer chaque jour des patients covid ou non covid, et d’un hélicoptère, lutte acharnée pour obtenir les médicaments rares et les réactifs de tests et ainsi poursuivre la stratégie de contact-tracing et casser les chaînes de transmission, mise en place de protocoles pour adapter au contexte local la gestion de la crise en matière de rites funéraires et de mariage… Tout y passe, et Dominique Voynet ne lésine pas sur les détails. Deux annexes exhaustives viennent même lister les actions de communication sur la dengue et le Covid, particulièrement dans le viseur des associations d’usagers. 

Faire vivre la démocratie sanitaire 

Et ces organisations réunies au sein de France Assos Santé n’en attendaient d’ailleurs pas moins. Si elles ne souhaitent pas répondre publiquement pour l’instant, elles confirment avoir bien reçu le courrier. Réunies ce jour, avec le coordinateur national de France Asso Santé, les associations mahoraises espèrent désormais pouvoir organiser une réunion formelle avec la directrice de l’ARS. “Notre but a toujours été d’entrer dans un dialogue constructif”, rappelle Joëlle Rastami, la représentante de l’association Le Lien, et signataire de la lettre. “Nous sommes dans notre rôle de représentants et en soulevant ces questions, nous faisons vivre la démocratie sanitaire”, souligne une autre de ces associations. À charge de revanche…

Une semaine de l’olympisme 100% digitale à Mayotte

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Ce lundi marque le début de la deuxième édition de la semaine olympisme en France. Le concept consiste à mettre en valeur les sports présentés aux Jeux Olympiques. Cette année tout se fera sur Internet en raison de la crise sanitaire. La population est donc sollicitée plus que jamais. 

Depuis plus de 60 ans, chaque 23 juin est consacré à la journée olympique. Le monde du sport, professionnels et amateurs, célèbre la création des Jeux Olympiques en 1894. Depuis l’année dernière, en France, la journée se décline sur toute la semaine. L’action est dirigée par le comité national olympique et sportif français (CNOSF). La journée olympique est célébrée à Mayotte uniquement depuis l’année dernière, et le public a été au rendez-vous. En raison des Jeux des îles 2019, la flamme olympique avait fait le tour des écoles du territoire. Des activités sportives et culturelles étaient également organisées un peu partout durant une semaine. Cette année, la crise sanitaire oblige les organisateurs à revoir l’intégralité de leur programme. Tout se fera sur les réseaux sociaux. “On a lancé un challenge où l’on demande aux ligues, aux comités, et à tous ceux qui souhaitent participer de nous envoyer des photos autour de l’aspect sportif. Ils peuvent faire une figure sportive ou mettre en valeur un objet sportif”, explique Irma Ali Soilihi, chargée de mission au CROS Mayotte. Il faudra ensuite publier la photo sur les réseaux sociaux et identifier le CROS de Mayotte et le CNOSF. Les photos seront par la suite publiées sur leurs comptes respectifs. Le thème de la journée olympique de cette année est Paris 2024. En raison des Jeux Olympiques qui se dérouleront en France, un défi est lancé. L’idée consiste à parcourir 2.024 mètres, en courant, en marchant, en faisant du vélo, en nageant. Les participants peuvent également se prendre en photo et la publier sur leurs réseaux sociaux. Durant cette semaine, le CNOSF souhaite plus que jamais véhiculer les valeurs “d’amitié, de respect et d’excellence” qui représentent l’esprit des Olympiques. 

Réitérer l’initiative tous les quatre ans 

La semaine de l’olympisme en 2019 avait un aspect particulier à Mayotte puisqu’elle coïncidait avec les Jeux des îles. Le CROS souhaite donc réitérer l’opération tous les quatre ans en perpétuant le relais de la flamme dans les écoles. Mais la perspective des JO 2024 n’est jamais bien loin. “Il y a des écoles qui sont labélisées Génération 2024. Ce sont des établissements qui s’engagent à faire vivre l’Olympique à leurs jeunes en vue des Jeux à Paris en 2024”, indique Émeline Froger, en charge de la semaine olympique au CROS Mayotte. Cette année, ces écoles sont invitées à faire des activités avec les élèves, si elles sont ouvertes et si les conditions le permettent. Le tout devra se faire toujours autour des valeurs d’amitié, de respect et d’excellence.

Il y a un an, Mayotte découvrait son volcan

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La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, et alors que les dernières campagnes scientifiques en date ont quitté le lagon le mois dernier, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Mais avant cela, retour sur l’histoire d’une découverte exceptionnel. 

C’était il y un an, déjà. En mai 2019, la communauté scientifique annonçait à Mayotte et au monde la découverte d’un jeune volcan sous-marin, à seulement 50 kilomètres à l’est de Petite-Terre et à quelque 3.500 mètres de profondeur. Un « petit » nouveau-né de cinq km de diamètre – soit la moitié de la surface de Paris – pour 800 mètres de haut, qui se serait formé en cinq ans tout au plus, la dernière cartographie de cette zone remontant jusqu’alors à 2014. Pour la première fois de son Histoire, l’humanité assiste en direct à la naissance d’un volcan. Pour les Mahorais, c’est aussi, enfin, un début d’explication au phénomène d’essaim de séismes qui secoue le département depuis alors une année. Le 14 mai 2018, presque un an jour pour jour avant la découverte du volcan, un premier tremblement, de terre, de magnitude 5, avait frappé Mayotte, puis un second, le lendemain, avec cette fois une magnitude de 5,8, la plus puissante jamais enregistrée localement. Depuis, plus d’un millier de secousses, majoritairement imperceptibles pour la population, sont enregistrées chaque mois. 

Pourtant, dès le mois de janvier, les appareils déployés dans la région avaient détecté à une vingtaine de kilomètres de Mayotte des centaines d’ondes à basse fréquence qui, pendant 20 minutes, se sont propagées jusqu’en Afrique, puis en Amérique du Sud et même jusqu’à Hawaï. Le phénomène parti des profondeurs mahoraises a ainsi parcouru 18.000 km, sans que personne ne ressente la moindre secousse. Très vite, la communauté scientifique s’interroge quant à l’origine de ces ondes et à la cause de leur propagation à travers le monde. Pendant que, pour tromper la peur, la population ironise sur de possibles forages de pétrole aux Comores, l’hypothèse d’une éruption volcanique sous-marine grandit. Sans que nous le sachions encore, le volcan aussi. Dans le même temps, des émanations de gaz sont observées sur le littoral de Petite-Terre, et les pêcheurs constatent, au large, d’importantes quantités de poissons morts flottant à la surface ainsi qu’une odeur qu’ils comparent à celle du souffre. Déjà de possibles témoignages de l’activité volcanique en cours, à plusieurs milliers de mètre de profondeur. 

Dans ce contexte, la première mission scientifique Mayobs s’organise en février 2019 sur le Marion Dufresne, et embarque avec elle des chercheurs du monde entier. L’objectif : récupérer les six sismomètres de fond de mer déployée à l’est de l’île une poignée de mois plus tôt pour mieux comprendre l’origine de l’essaim de séismes. Finalement, des panaches de fluides volcaniques sont détectés, parfois même sur deux kilomètres de haut, mais sans jamais percer la surface de l’eau. Alors, les nouveaux relevés de fond sont comparés avec ceux acquis en 2014 dans le secteur, et le résultat est sans appel : un nouveau volcan est bel et bien en formation au large de Mayotte. 

Phénomène naturel de subsidence 

En formation, oui, mais surtout en activité. À tel point que le phénomène constitue la plus importante éruption sous-marine observée depuis plus de 200 ans. Si les analyses de la mission Mayobs 13 qui s’était déroulée en mai dernier sont toujours en cours pour mesurer le volume des récentes coulées, le volcan a, dans ses onze premiers mois de vie, produit « au moins 5 km3 de lave, soit un flux de 150 à 200 m3 par seconde », estime l’Ifremer, l’un des pilotes des missions Mayobs. 

À titre de comparaison, ce débit suffirait à remplir une piscine olympique en seulement 20 secondes. Avec un volume de 3,4 km3, nichés à 30 km de fond dans le manteau terrestre, la poche magmatique du volcan de Mayotte serait la plus profonde et la plus vaste jamais détectée dans cette couche, selon une étude allemande publiée dans Nature Geoscience. Problème, sous l’effet de la vidange de cette énorme poche, le phénomène naturel de subsidence l’île s’est considérablement accéléré. En un an, l’île s’est enfoncée, selon les sites, de 9 à 17 cm, contre 1 mm en moyenne avant que le volcan ne se forme. Dans le même laps de temps, Mayotte s’est déplacée vers l’Est à raison de 21 à 23 cm. Fait rassurant toutefois, la morphologie du volcan n’aurait pas connu d’évolution majeure depuis sa découverte, selon les premières conclusions de la dernière mission Mayobs. 

S’ils sont difficilement mesurables, les risques pour Mayotte et sa population sont toutefois réels. Bien que les séismes aient diminués à la fois en nombre et en puissance, ils demeurent susceptibles de provoquer des glissements de terrain sous-marins et peuvent ainsi former un tsunami. « Les configurations des fonds marins au large de Mayotte ne favorisent pas l’amplification d’éventuelles ondes de tsunamis (grâce à l’augmentation brutale de la profondeur de l’eau après la barrière de corail) », tempère tout de même le bureau d’étude géologique et minière. « Mais l’évaluation du risque tsunami est à l’étude en tenant compte des différentes sources envisageables. » Une mission confiée au réseau de surveillance volcanologique et sismologie de Mayotte, ou Revosima, créé en début d’année pour mieux suivre et comprendre le phénomène naturel exceptionnel apparu aux larges de nos côtes.

Organisation de l’offre de soins : la stratégie payante de l’ARS de Mayotte pour fluidifier la filière d’aval

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Organisation de l’offre de soins : la stratégie payante de l’ARS de Mayotte pour fluidifier la filière d’aval 

Si l’agence régionale de santé est énormément dans l’action sur le terrain, elle est aussi beaucoup dans la réflexion pour élaborer toute la stratégie à suivre dans le but d’éviter une catastrophe sanitaire. Mohammed Hamid Elarouti, directeur de l’offre de soins et de l’autonomie, et Mathilde Hangard, en charge de la préparation aux crises sanitaires, révèlent les coulisses de toute la partie invisible de l’iceberg. 

Flash Infos : Voyant le virus se propager à vitesse grand V en métropole, comment vous êtes-vous mis en ordre de marche à Mayotte pour lutter contre sa propagation ? 

Mohammed Hamid Elarouti : L’offre de soins a mis en place des dispositifs innovants et expérimentaux. Tout d’abord, dans le cadre de la phase pré-épidémique, nous nous sommes organisés selon les instructions nationales, avec l’identification de filières Covid. Il est de la responsabilité des établissements de santé, qui sont habilités pour encadrer des patients suspects ou classés cas probables pour la plateforme du centre 15 et les admettre dans des zones sécurisées pour éviter toute contamination. À ce titre, nous les avons constatées au CHM mais aussi dans les centres médicaux de référence. 

Compte tenu de la contagiosité, le risque était le tableau de détresses respiratoires aigües, dont des formes graves pulmonaires. Comment les accueillir tout en gardant ses capacités de prise en charge en réanimation ? Le CHM, en lien avec l’ARS, a upgradé des lits en réanimation, sachant que l’hôpital en comptabilise seize en temps normal. Puis il y a eu six lits supplémentaires de salle de surveillance post-interventionnelle avec du personnel dédié et des équipements spécifiques. Tout cela pour éviter une tension en lits réanimatoires. Et récemment se sont rajoutés, lors de la mission du service de santé des armées, dix modules militaires de réanimation au troisième étage, dans l’aile dédiée à la chirurgie ambulatoire. 

Force est de constater qu’au début de la crise, nous avons reçu une file active de patients, qui présentaient des pathologies nécessitant une hospitalisation en médecine. Ainsi, nous avons redéployé nos ressources pour avoir une capacité de cent lits dans ce service. 

Mathilde Hangard : Après, nous avions pressenti ces besoins par le biais d’une étude réalisée par un statisticien de l’ARS, qui s’appuyait sur l’âge de la population mahoraise. Pourquoi ? Parce que les gens se mettaient à décompenser au Sud de Mayotte. Le confinement faisait qu’ils ne pouvaient plus se déplacer à l’hôpital ou alors qu’ils tardaient à venir se faire soigner. Avec le déconfinement progressif, nous avions la certitude de prendre une vague de ces malades chroniques. 

FI : Justement, pour éviter une saturation des lits en médecine, vous avez décidé de fluidifier la filière d’aval en créant un centre d’hébergement spécialisé à l’internat de Tsararano… 

Mathilde Hangard : Pour bien comprendre les raisons de ce dispositif qui a ouvert le 14 avril, il faut savoir que des chambres de médecine servaient d’isolement pour ceux qui étaient en attente de résultat. Rapidement, nous sommes arrivés à saturation car les patients occupaient des lits alors qu’ils ne nécessitaient pas de soins à proprement parlé… Comment alors héberger des Covid+ sans signes de gravité ? De là est né le projet à l’internat du lycée de Tsararano. Il a une capacité de 110 places. Quotidiennement, nous avons une dizaine de personnes présentes et leur durée de séjour est de cinq ou six jours. Ça rentre autant que cela sort ! 

Mohammed Hamid Elarouti : Nous ne voulions pas que ce lieu soit un centre sanitaire. Car il aurait fallu recevoir une autorisation d’activité de soins qui est délivré sur décision administrative par un arrêté de la direction générale. Mais ce centre d’hébergement spécialisé a fait l’objet d’un cahier des charges, avec un conventionnement tripartite avec la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), l’ARS et la Croix Rouge. Et nous avons fait une paramédicalisation. C’est-à-dire que des infirmières libérales sont mises à disposition sur la base du volontariat, de 8h à 18h. Après cette heure, il y a quand même des veilleurs de nuit qui tournent en cas de complications ou d’aggravations pendant la nuit. 

Mathilde Hangard : Nous savions que ce partenariat fonctionnerait à Mayotte car la difficulté de l’isolement est une réalité sur le territoire ! En se rendant à l’internat, ils sont logés, nourris, blanchis et surveillés d’un point de vue paramédical. 

FI : Au vue des capacités de la structure, vous attendiez-vous à recevoir plus de monde ? 

Mathilde Hangard : Oui ! Mais en même temps, la mission d’un tel centre repose sur le consentement de la personne. C’est vrai que cohabiter avec des Covid+ peut effrayer. Tout le monde préfère rester en famille et s’isoler chez soi. 

Mohammed Hamid Elarouti : Nous avons rencontré les représentants des collectivités territoriales pour les sensibiliser sur le fait que ce n’était pas un nid de concentration de Covid, parce que certains habitants étaient prêts à ériger des barrages de peur que nous déplacions des patients Covid+ vers cet internat. 

Mathilde Hangard : Après, les calendriers des projets se sont bien chevauchés. Grâce au montage de l’équipe terrain, nous avons procédé à des interventions dans des domiciles où l’isolement n’était pas possible pour de multiples raisons. Nous avons alors réalisé un suivi un peu plus poussé chez ce public qui ne souhaitait pas se rendre à Tsararano. En tout cas, nous avons essayé de ne pas le lâcher ! 

Paradoxalement, un autre phénomène s’est présenté après cette ouverture : des personnes qui n’étaient pas infectées voulaient simplement rejoindre le centre d’hébergement pour avoir la possibilité de manger à leur faim. Et d’autres faisaient le forcing pour rester plus longtemps alors qu’ils ne présentaient plus du tout de symptômes. 

Mohammed Hamid Elarouti: D’ailleurs, au 6ème jour, nous faisons une réévaluation médicale. En sachant que les critères pour quitter le centre sont l’absence de symptômes, notamment la fièvre (apyrexie) 48 heures avant la sortie. 

FI : Vous avez également mis en place un autre dispositif, qui est l’hospitalisation à domicile (HAD). En quoi consiste-t-il ? 

Mohammed Hamid Elarouti: L’hospitalisation à domicile concerne les patients qui requièrent des soins complexes, avec une prise en charge pluriquotidienne par une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmier, kiné, aide-soignant). Au lieu de les faire dans un secteur hospitalier, il y a la possibilité, si les conditions d’accueil le permettent, de pouvoir les réaliser directement chez le patient. Sur la base du volontariat, nous avons rencontré des représentants des syndicats des infirmiers libéraux pour trouver un accord de conventionnement avec le CHM dans le but de l’assurer. L’idée était de pouvoir intervenir dans des secteurs expérimentaux comme le centre de Mamoudzou et de se focaliser sur les endroits où il y a eu des clusters. Quinze infirmiers ont été mobilisés, avec une possibilité d’étendre le personnel à 50, voire 70. Il s’agit principalement de patients lourds ou qui peuvent bénéficier de soins palliatifs identifiés, d’enfants qui sont porteurs de maladies congénitales… L’intérêt est aussi de pouvoir couvrir l’ensemble de la population puisque nous prenons en charge des patients non affiliés sociaux. 

Nous comptons pérenniser cette activité puisqu’elle dépend d’une autorisation exceptionnelle de six mois qui rentre dans le cadre de la gestion de la crise. Elle sera vraisemblablement prorogée avec un arrêté en bonne et due forme. 

Ce dispositif permet aussi de fluidifier la filière d’aval. Lorsque des patients ont fait de la réanimation, ils ont besoin de rentrer dans un centre de soins de suite et de réadaptation. Or, nous n’en avons pas ici à Mayotte ! Par contre, des kinés habilités peuvent très bien poursuivre cette rééducation à domicile dans le cadre de cette prise en charge complexe. Même si les patients ne sont plus oxygéno-dépendants, ils ont besoin de récupérer et de retrouver une motricité et une tonicité musculaire. 

Nous sommes en cours de réflexion avec les réanimateurs en cas de deuxième vague de Covid. Plutôt que d’avoir un service de réanimation surdimensionné, l’idée serait d’avoir une unité de réanimation pure et dure et d’adapter l’emplacement où se trouvent actuellement les militaires en centre de post-réanimation. Avec cette organisation, nous pourrions raccourcir la durée de séjour en réanimation des patients. Il y a également des techniques, comme la trachéotomie qui permet d’avoir un sevrage plus rapide des respirateurs. 

FI : N’était-il pas possible de mettre en place ce centre de rééducation au tout début de la crise pour pouvoir gagner de la place en réanimation plus rapidement ? 

Mohammed Hamid Elarouti : Nous avançons en marchant ! Au départ, les patients embolisaient les lits de médecine. Puis après la période de Ramadan, il y a eu des formes d’embolie pulmonaire plus graves. Nous nous sommes adaptés en fonction de l’évolution épidémiologique… 

Mathilde Hangard : La crise essouffle tout le monde car il s’agit d’une course contre la montre ! Cela demande de l’endurance, mais en même temps toutes les dérogations exceptionnelles ont permis à des projets comme la HAD, qui était d’actualité depuis deux ans, de voir le jour en à peine deux mois. Après quand nous prenons la situation avec du recul, nous avons parcouru un sacré bout de chemin. 

Maintenant, les prochains enjeux vont être de rattraper tout ce qui a été mis sous le tapis pendant la crise, à l’instar des vaccinations. 

FI : Quels enseignements allez-vous tirer de la crise par rapport à l’offre de soins à Mayotte ? 

Mohammed Hamid Elarouti : Il faudrait équilibrer la gouvernance hospitalière, médicale et administrative, territorialiser et faire confiance aux collectivités. Créer du lien pour que les ARS soient aussi plus autonomes dans la gestion au quotidien des affaires sanitaires et ambulatoires. Effectivement, nous agissons dans l’urgence, mais il ne faudrait pas que les lourdeurs administratives viennent enrayer les initiatives ou les expériences de terrain. 

Ce qui est aussi très important est le décloisonnement, c’est-à-dire que l’offre de soins soit indifférenciée, que ce soit du sanitaire, du médico-social ou du libéral. Il va falloir créer des améliorations dans l’aménagement du territoire pour rendre Mayotte plus attractive. Sans oublier l’universitarisation du département pour que les Mahorais puissent suivre des études supérieures sur leur territoire et ainsi éviter une fuite des cerveaux de nos forces vives. 

La pierre angulaire du processus accélérateur est le projet médical, élaboré par la communauté hospitalière, en lien avec les professionnels libéraux. Dans le cadre d’un exercice mixte, ces derniers peuvent venir en appui à l’hôpital avec des modalités de rémunération qui soient inventives. 

Mathilde Hangard : La population a également acquis des notions sur les risques épidémiques. Je pense qu’il y a eu une prise de conscience sur ce qu’est la santé publique. Tout cela fait partie de la résilience et permet au territoire de se renforcer et d’adopter des gestes réflexes en prévision des autres crises qui sont susceptibles de nous tomber dessus à l’avenir.

Un partenariat avec les ambulanciers privés pendant la crise 

Une permanence de soin qui n’existait pas jusqu’alors à Mayotte a été créée avec l’association de transport sanitaire d’urgence médicale de Mayotte. L’ARS a signé une convention qui permet une rémunération via le fonds d’intervention régionale d’un montant de 135.000 euros pour la coordination de la garde ambulancière sur trois secteurs de l’île. Malheureusement, certains conducteurs certifiés ont contracté le Covid et ont dû s’isoler, obligeant l’agence régionale de santé à y mettre un terme le 6 juin.

Pompiers de l’aéroport de Mayotte : un pneu remet le feu aux poudres

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Un incident avec un véhicule du service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA) pendant un exercice a remis sur la table les revendications du syndicat des pompiers, qui critique la logique gestionnaire de l’entreprise Edeis. 

Heureusement que les avions se font encore rares sur la piste de Pamandzi. Jeudi dernier, un accident sur l’un des véhicules des pompiers de l’aéroport a eu lieu en plein tarmac. “Nous avons fait un test de véhicule, dans ces cas-là on peut les faire rouler jusqu’à 100 km/h pour voir la performance”, relate Abdallah Bamana, responsable syndical des sapeurs-pompiers de l’aéroport. Tout à coup, le pneu explose. La roue est déchiquetée – et pas qu’un peu, d’après les photos publiées dans la foulée sur la page Facebook de la section syndicale. Il faut alors tracter le camion sur le bitume, et s’assurer qu’aucun débris n’a été oublié. “C’est un engin qui fait plus de 19 tonnes, nous sommes chanceux qu’il n’ait pas fait de tonneau, et qu’il n’y ait pas eu de blessés”, continue le sapeur-pompier. 

Plus de peur que de mal, donc, pour les deux agents qui faisaient rouler le véhicule. N’empêche, pour la section syndicale, cette affaire de pneu, c’est un peu la goutte d’eau. Ou plutôt l’étincelle. Car ce pneu avait été signalé il y a trois mois au chef de service du service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA), en raison de sa surface trop lisse. Sans que rien ne soit fait, jusqu’à ce jour. Pour la section syndicale, c’est une preuve de plus à charge contre Edeis, le gestionnaire de l’aéroport, qu’elle accuse “de jouer sur la sécurité des agents juste pour se faire du profit”. 

Réduction d’effectifs 

Dans son post Facebook, le syndicat saisit la perche pour revenir sur la fin du détachement de quatre sapeurs-pompiers professionnels, renvoyés prochainement au SDIS, et qui devront être remplacés par trois sapeurs-pompiers volontaires. Une façon de réduire les effectifs et donc les coûts, car, écrivent-ils en citant la DGAC/DSAC : “Les SPP coûtent trop cher.” À la base, la convention qui lie le SDIS de Mayotte au gestionnaire de l’aéroport Edeis permet de détacher des sapeurs-pompiers professionnels pour assurer la sécurité de l’aéronef. En mettant fin à cette ancienne convention, le syndicat s’inquiète de voir débarquer des légions de nouveaux pompiers venus de métropole, à moindre coût. Il faut dire que la question de leur salaire, de 2.500 euros contre 1.500 euros dans le privé, avait déjà fait couler un peu d’encre il y a quelques mois. À ce moment-là, en décembre 2019, la présidente du SDIS avait obtenu un sursis pour prolonger l’ancienne convention jusqu’à fin juin. Mais le détachement des sapeurs-pompiers professionnels à Edeis est toujours sur la sellette. « Les discussions sont en cours pour établir une nouvelle convention, avec la volonté d’aboutir au 1er juillet. Elles devront acter un schéma de décroissance qui soit humainement acceptable », confie le colonel Fabrice Terrien au SDIS. 

Mais ce n’est pas là le seul grief des pompiers. Dans leur viseur, aussi, le respect des normes en fonction du niveau de sécurité de l’aéroport. « Déjà, d’après l’arrêté du 18 janvier 2007, nous devrions avoir des moyens nautiques en tant qu’aéroport côtier. Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui, l’État ferme les yeux », dénonce Abdallah Bamana. Mais outre leurs effectifs réduits, ce sont aussi les véhicules qui commencent à manquer pour respecter le niveau de sécurité, minimum de 6, de l’aéroport. « Normalement, nous devons avoir quatre camions minimums, et deux sont HS », vitupère le responsable syndical. Qui n’hésitera pas à intenter une action en justice contre l’aéroport et le SDIS si un autre accident, plus grave, venait à survenir. 

Chaque pneu compte 

Contactée, l’entreprise Edeis a tenu à remettre les points sur les i. Sur le pneu, d’abord. « Il s’agit d’un incident regrettable, qui est dû en partie au fait que la période du Covid nous a fait prendre du retard sur le remplacement de ce pneu. Mais nous avons tout fait pour que le camion soit réparé, et nous avons un niveau de sécurité opérationnel aujourd’hui », détaille Cyril Godeaux, le directeur de la communication chez Edeis. Quant aux accusations sur la recherche effrénée de profit, elles sont inexactes, pour la simple et bonne raison que « les services des pompiers sont un service régalien. Même si ce sont des salariés de l’aéroport, ce sont des salariés pris en charge par l’État », explique-t-il. Les dépenses dans le cadre de ce service sont examinées à la loupe chaque année, pour déterminer le niveau de sécurité, en fonction des vols effectués sur l’année, et des prévisions pour l’année suivante. « Un camion représente un investissement minimum de 500.000 euros. Et la tendance globale au niveau de l’État ces derniers temps est plutôt à rester proche de ses sous », résume-t-il.

Une antenne de la lutte contre le travail illégal en Grande-Terre

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Vendredi 19, une antenne de la police aux frontières dédiée à la lutte contre le travail illégal était inaugurée en Grande-Terre. Implantée au cœur de Kawéni, celle-ci a vocation à rendre plus efficaces les investigations des policiers en charge de ce dossier déterminant contre l’immigration clandestine. 

« Les reconduites aux frontières, la surveillance en mer ou sur terre sont la partie visible de la lutte contre l’immigration clandestine, mais il y a aussi un travail de l’ombre qui agit dans la durée. La lutte contre le travail illégal, c’est cela. Et je sais pouvoir compter aujourd’hui sur ce nouveau dispositif pour lequel les policiers sont chaque jour sur le terrain », affirmait Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine (LIC), vendredi, lors de l’inauguration des locaux de la nouvelle antenne de la police aux frontières en Grande-Terre, dédiée à la lutte contre le travail illégal. Car si ce dernier ne concerne pas que les personnes étrangères dans la clandestinité, il est l’une des motivations qui les poussent à s’installer sur le territoire. 

Cette antenne, constituée de quatre policiers, est donc désormais présente à Kawéni. Un choix d’implantation qui ne doit rien au hasard. Le sous-préfet l’expliquait : « Nous sommes dans le poumon économique de Mayotte, le coffre-fort de l’île. En ayant notre antenne ici, nous sommes aussi au cœur du secteur informel. » Attention toutefois, leur secteur d’intervention reste départemental, comme celui de la brigade de Petite-Terre et sa huitaine d’effectifs. 

Pour illustrer ce choix d’implantation, un exemple mis en exergue par Julien Kerdoncuf, qui avait accompagné sur le terrain, la veille, les hommes de l’Unité de lutte contre le travail illégale de la brigade mobile de recherche. « Sur les 11 entreprises contrôlées à Kawéni [ce jour-là], huit employaient des étrangers en situation irrégulière, » soulignait-il, en constatant lors de discussions avec eux, que « tous ont invoqué, sans aucune exception, des raisons économiques [à leur venue à Mayotte], car la situation est compliquée aux Comores. Ils sont venus à Mayotte pour travailler. Or, s’ils peuvent travailler ici, c’est parce que des gens les emploient. À leur manière donc, même sans le vouloir, ces employeurs favorisent l’immigration clandestine en tirant bénéfice de ces personnes en situation irrégulière. » 

Et de l’affirmer : « La lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre de séjour est une priorité de l’année 2020. » En 2019, 1,6 million d’euros d’amendes administratives ont été dressées contre des employeurs, soit 15.000 euros d’amende par étranger en situation irrégulière employé. « Un chiffre record pour Mayotte et j’ai la certitude absolue qu’il sera très largement dépassé en fin d’année », a annoncé le sous-préfet. 

Ce volet administratif n’est toutefois pas exclusif et complète le volet pénal, constitué « d’alternatives aux poursuites et de poursuites devant un tribunal », rappelait Tarik Belamiri, substitut du procureur en charge de la lutte contre le travail illégal. Un volet pénal sur lequel « nous essayons d’être le plus efficace possible, malgré le nombre de procédures qui retardent parfois les réponses. Mais il y en a toujours qui sont apportées à la fin. » 

Soutenir le secteur formel 

« L’économie informelle à Mayotte n’est pas une fatalité », affirmait également Julien Kerdoncuf, rappelant que la lutte contre le travail illégal était aussi « du soutien à l’économie formelle, car elle permet de lutter contre la concurrence déloyale ». Car si dans une enquête de 2018, l’Insee estimait le poids de l’économie informelle à 9% de la valeur ajoutée générée par les entreprises de l’île et à quelque 9.000 travailleurs concernés, « on voit aujourd’hui le travail illégal s’étendre à d’autres secteurs, notamment le commerce ». Un enjeu d’importance pour le soutien et la stabilisation économique du département, donc, qui devient urgent.

Réouverture du marché paysan de Coconi : des changements dans le panier

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L’attente a été longue pour les habitués mais il est de retour. Le marché paysan de Coconi a repris du service depuis le 13 juin, et ce pour trois samedis consécutifs jusqu’à la fin du mois. Tout au long de cette période, 10 exposants alternent leurs places chaque samedi. L’objectif est de réduire la densité sur le site et ainsi faciliter le respect des gestes barrières. 

Ce mois-ci, le marché paysan de Coconi a dérogé à l’un de ses principes fondamentaux. Habituellement, le marché est ouvert uniquement les premiers samedis de chaque mois. Covid-19 oblige, pour le mois de juin, le marché est ouvert sur trois samedis consécutifs. L’objectif est d’éviter une forte affluence et par conséquent les attroupements qui sont contraire aux gestes barrières. Pour cela, l’organisation du marché a totalement été modifiée. “Nous avons divisé le nombre d’exposants par trois. Chaque samedi est consacré à un groupe différent. L’idée est de permettre à chaque exposant de vendre au moins une fois par mois”, explique Laetitia Vannesson, responsable de l’exploitation du lycée agricole de Coconi. Cette nouvelle stratégie est payante puisqu’en effet, il n’y a presque pas eu de regroupements lors du marché de samedi dernier. À l’exception d’un stand de plats préparés très prisé, qui a eu plus de mal que les autres à faire respecter la distanciation physique. En temps normal, le marché paysan accueille jusqu’à 1.500 visiteurs en une seule matinée. Ils étaient à peine 500 les deux derniers samedis, selon les organisateurs. Si cela permet de respecter les mesures de sécurité, la situation n’est pas complètement avantageuse pour les exposants. “Les clients se font timides. Il y en a quelques-uns mais on pourrait mieux faire”, regrette Ismail Andaza, exposant et producteur. 

De nouvelles règles à respecter 

L’entrée du site est surveillée par un agent chargé d’appliquer du gel hydroalcoolique à tout le monde. Il doit également vérifier si chacun porte un masque et si la distance d’un mètre entre chaque personne est respectée. Le plus grand changement s’opère sur les stands. Les visiteurs n’ont pas le droit de toucher les produits, même s’ils ont l’intention de les acheter. Une règle pas toujours évidente à assimiler. “On leur explique qu’ils doivent juste nous montrer du doigt ce qu’ils veulent. La plupart des gens comprennent, mais il arrive tout de même que certains touchent par habitude”, indique Ismail Andaza, exposant et producteur. Malgré toutes ces nombreuses règles, les clients sont ravis de retrouver leur marché. “Je suis rassurée de voir que les gens respectent les gestes barrières. On peut même se laver les mains avec de l’eau et du savon à l’entrée, c’est parfait”, sourit une cliente. “Cela fait tellement longtemps que je ne suis pas sortie qu’aujourd’hui j’ai l’impression de renaître avec ce marché”, s’en émerveille une autre. Certains visiteurs ont traversé toute l’île pour venir au marché paysan de Coconi. “J’habite en Petite-Terre, et j’avais envie de venir car le marché a été fermé pendant trop longtemps”, selon un client. 

Un système qui ne va pas durer 

La prochaine ouverture du marché paysan de Coconi aura lieu samedi prochain, mais l’ancienne politique sera de rigueur à partir du mois prochain. Le marché ouvrira seulement le premier samedi du mois. Cependant, une petite nouveauté pourrait bien s’installer sur le long terme. “Le site est ouvert tous les mardis et jeudis pour le Banga des délices. Nous pouvons aussi inviter des producteurs pour qu’ils viennent vendre leurs produits comme cela a déjà été fait pendant le confinement”, annonce Laetitia Vannesson, responsable de l’exploitation du lycée agricole de Coconi. Cela permettra surtout aux producteurs locaux de vendre leurs invendus et ainsi éviter le gaspillage.

Un rare phénomène en cours dans le canal du Mozambique

Alors que la fin de la saison cyclonique dans l’océan Indien est prévue, comme chaque année, pour la fin du mois de juin, la météo des dix prochains jours ne sera pas pour autant au beau fixe à Mayotte. En cause, un rare phénomène climatique actuellement en cours dans le canal du Mozambique. Un fait exceptionnel oui, mais pas inquiétant. Directeur territorial de Météo-France, Laurent Floch fait le point. 

Flash Infos : Quel bilan dressez-vous de cette saison cyclonique, marquée en décembre par le passage de Belna ? 

Laurent Floch : En terme de nombre de système tropicaux, elle a été dans la norme. En revanche, les 11 systèmes que nous avons eu cette année ont eu une durée de vie assez courte. D’habitude, quand il y en a une dizaine, la moitié d’entre eux se transforment en cyclones. Si on se base sur cette échelle, c’est même une saison inférieure à la normale. On s’aperçoit que depuis quelques années on a des cyclones qui naissent et grandissent rapidement jusqu’à une forte intensité, voire une très forte intensité, puis qui redescende aussi vite. Ce qui fait que la puissance du phénomène est répartie sur un temps plus court. C’est typiquement ce qu’on a vu avec Hellen en 2014, qui est devenu le plus gros cyclone tropical jamais observé dans le nord du canal du Mozambique, et qui est mort en deux jours. On l’a vu aussi plus récemment avec Belna, le 8 décembre, à une centaine de kilomètres de Mayotte. C’était la première alerte rouge depuis 1986, et c’est quelque chose d’important. Le cœur d’un cyclone ne fait qu’entre 60 et 100 km de diamètre, si on compare ça avec le faible nombre de cyclones dans la région et leur courte durée de vie, on se retrouve avec de très faibles probabilités d’être touchés. Mais une probabilité reste une probabilité, et potentiellement un jour ça frappera Mayotte, comme c’est arrivé en 1985 et en 1986. 

FI : Quelles sont les prévisions pour la fin de la saison cyclonique, qui survient habituellement autour du 30 juin ? 

L. F. : Il y a encore deux semaines, on était quasiment sûrs qu’il n’y aurait rien. Mais là, il y a une petite anomalie, ce qu’on appelle un thalweg proche équatorial (une importante circulation dépressionnaire proche de l’équateur, ndlr), qui s’est mis en place sur une conjonction d’ondes dont je tairais les noms, parce que c’est un peu compliqué. Pour faire simple, il y a en permanence des courants, des ondes de fréquence différentes qui circulent autour de la planète, particulièrement autour de l’équateur, et elle ne sont quasiment jamais en phase, c’est-à-dire qu’elles ne tombent jamais au même endroit au même moment. Et c’est pourtant ce qui se passe actuellement sur le nord du canal du Mozambique ! Certaines ondes se dirigent vers l’Est, d’autres vers l’Ouest. Normalement, on a des courants anticycloniques qui repoussent ces ondes, mais là la rotation des vents se fait dans l’autre sens. Mais ce n’est rien d’inquiétant ! 

FI : Comment cela devrait-il se traduire dans les prochains jours ? 

L. F. : On aura peut-être quelques orages et quelques averses ce week-end, particulièrement dimanche. En ce moment, on a aussi un anticyclone très puissant au sud de Madagascar, et avec l’anomalie présente au Nord, ça devrait accélérer les alizés, avec des rafales jusqu’à 70 km/h. On est loin des valeurs de vigilance, mais ça n’empêche pas de conseiller la prudence aux personnes en mer, sur la plage ou dans le lagon, ça peut faire des vagues avec une mer forte, de l’ordre de trois mètres en dehors du lagon. 

FI : L’anomalie en cours devrait-elle influencer les températures, qui sont, chaque saison, plus élevées que l’an passé ? 

L. F. : Non, là on est sur un phénomène plus « classique ». Depuis 2017, on est dans une phase un peu particulière au niveau des températures de l’eau de mer, c’est le même phénomène qu’El Niño dans le Pacifique, mais rapporté à l’océan Indien, c’est ce qu’on appelle le dipôle de l’océan Indien. C’est juste une différence de température de l’eau entre l’est et l’ouest du bassin, parfois de l’ordre d’1,5 degré d’anomalie positive, et qui peut aussi influencer la température de l’air. C’est ce qu’on observe depuis plusieurs années, en été comme en hiver, et ça donne des records de température pour l’année, comme ce que nous avions eu en 2019. Et nous l’avons de nouveau observé cette année entre janvier et juin, avec là encore, 1 à 1,5 degré de différence positive. Mais ce n’est pas pour autant qu’on retrouvera ce phénomène l’année prochaine car ce dipôle de l’océan Indien a une fréquence de l’ordre de trois-quatre ans, donc on pourrait se retrouver, l’été prochain par exemple, avec une inversion de cette tendance. Mais en l’état, les chercheurs du monde entier sont incapables de prévoir la fin d’un phénomène de dipôle de l’océan Indien ! 

 

 

 

 

 

 

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes