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Saison terminée pour les sportifs mahorais

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Les fédérations nationales tranchent les unes après les autres : les compétitions amateurs 2019/2020, jusque-là suspendues pour cause de Coronavirus sont définitivement interrompues. La saison est donc terminée pour le basket-ball, le handball, le rugby et le volley-ball mahorais. La Fédération française de football temporise encore…

« Ayant toujours eu pour objectif de préserver la santé de ses licenciés, la Fédération a pris la décision d’arrêter l’ensemble de ses championnats (départementaux, régionaux et nationaux) et Coupes (Coupe de France notamment) pour la saison en cours. » C’est le dernier communiqué d’envergure. Il provient de la Fédération française de basket-ball et a été publié ce dimanche sur son site internet et la page Facebook. En moins de quatre heures, la publication comptabilisait plus de 6 000 partages ! Ce communiqué est le dernier d’une série d’annonces de la part des fédérations sportives nationales, pour annoncer l’interruption définitive de la saison 2019/2020 et la non-attribution de titres de champion.

Le virus Covid-19 a donc eu raison du sport amateur. Dans une lettre adressée hier après-midi au rugby amateur, Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby considère que « la suspension de toutes les activités sportives depuis le 13 mars dernier ; la durée présumée de cette crise ; les risques de prolongement d’interdiction de pratiques collectives et de rassemblement au-delà de la période de confinement ; la nécessaire phase de remobilisation athlétique de 3 à 4 semaines… sont autant de facteurs objectifs qui ne pouvaient nous faire espérer une reprise avant la fin mai ou le début du mois de juin. » À Mayotte, les interruptions définitives concernent pour le moment les ligues de basket-ball, de handball, de volley-ball et le comité de rugby, dont les saisons sportives sont programmées selon le calendrier scolaire.

« Le sport est bien secondaire par les temps qui courent »

Une décision somme toute logique pour le président du Basket Club M’tsapéré, Daoulab Ali Charif, dont les équipes premières dominent pourtant leur championnat respectif – leader de la saison régulière en Nationales Masculine 3, co-leader en NF3. « Je m’y attendais ! Je ne vois pas comment on peut reprendre sachant que la saison administrative s’arrête fin mai », explique le président du BCM. Bien parties pour reconquérir un titre de champion cédé aux Kavaniennes de Fuz’ellipse en 2019, les M’tsapéroises doivent ainsi faire avec cette décision fédérale. « Sportivement, c’est un peu dur. Je pense surtout aux filles. Elles étaient sur une très bonne lancée. Elles venaient de battre Fuz’ellipse et Golden Force de Chiconi. Mais la santé prime : le sport est bien secondaire par les temps qui courent », estime le dirigeant.

Le choix des fédérations sportives d’arrêter les championnats ne fait pas totalement l’unanimité. Les handballeurs de Tsimkoura courrent derrière un titre de champion de Mayotte depuis quatre ans et étaient à un match d’y arriver après une saison quasi-parfaite (19 matchs : 17 victoires et une seule défaite). Il suffisait aux coéquipiers de Moussa Daniel de remporter l’un des trois derniers matchs du championnat. « Le contexte au niveau national n’est pas le même que dans les Outre-mer. Dans l’hexagone, il reste pas moins d’une dizaine de matchs si on compte les barrages pour les meilleures équipes, tandis qu’ici, il n’en reste que trois. En sachant que la saison sportive 2018/2019 s’était achevée fin juin, je pense sincèrement que les décisions pouvaient être adaptées selon les régions. Pour Mayotte, la fédération aurait pu attendre encore un peu », regrette le capitaine de l’AJH Tsimkoura avant de conclure : « On est dégoûté. »

Pas d’arrêt des championnats amateur en football

En lien par visioconférence avec la Fédération française de handball, la Ligue régionale de handball de Mayotte tente d’en savoir davantage sur les modalités de fin de saison : les relégations, les promotions en division supérieure, voire les fameux titres de champion. En effet, des textes spécifiques pourraient être rédigés en fonction des ligues, selon l’avancée de leurs championnats. D’une manière générale, les fédérations prévoient de n’attribuer aucun titre de champion au vu de l’interruption des championnats en cours, et de ne rétrograder aucune équipe. Elles envisagent en revanche d’attribuer les accessions en division supérieure aux différents leaders. Quid de la saison de football ?

Pour l’heure, la FFF n’a pas communiqué sur un éventuel arrêt des championnats amateur, et s’en tient à la suspension de la saison en attendant le rétablissement de la situation. La Ligue mahoraise de football prévoit ainsi de relancer la compétition aussitôt que la situation sanitaire le permettra. En attendant, la LMF reste active d’un point de vue administratif, relançant les clubs sur la régularisation des licences et le chevauchement des rencontres pour les clubs évoluant sur le même terrain

 

 

Malgré le confinement, la prise en charge des personnes âgées mahoraises s’organise

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Alors que l’épidémie de Covid-19 progresse peu à peu à Mayotte, la question des séniors, population particulièrement sensible au virus, se pose. Du coté des acteurs du secteur, on se prépare en tout cas du mieux possible.

Jeudi 26, à l’occasion de sa conférence de presse bi-hebdomadaire, la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Dominique Voynet, soulevait un « atout énorme » de Mayotte au moment où il semble « hautement improbable » que l’île échappe à un pic épidémiologique : « seul 4% de la population a plus de 60 ans. Cela n’est pas comme en Alsace, où cette tranche d’âge représente la moitié de la population. Le nombre de leurs cas graves est donc très élevé. Mais nous on peut espérer, si on protège les anciens (…), avoir une vague moins haute. »

Car la population des séniors est en effet particulièrement sensible aux conséquences du Covid-19. Or, occidentalisation de la société oblige, les personnes âgées connaissent, depuis quelques années, un isolement de plus en plus grand. Travail quotidien des enfants qui ne peuvent de fait plus occuper ou mobilité vers la métropole ou La Réunion : nos anciens se retrouvent seuls. Et l’absence de structure d’accueil sur le département rend la problématique plus forte encore. Alors, comment vivent-ils la situation ?

« C’est mitigé », constate Abdallah Mirhane, directeur de Dagoni Services, organisme qui oeuvre dans le service à la personne auprès de quelque 250 personnes âgées. L’homme détaille : « Certains sont inquiets, d’autres sont fatalistes et invoquent la volonté divine. » Pour autant, hors de questions bien évidemment de les laisser à leur sort. « On sensibilise les membres de leur famille, notamment les enfants et les petits enfants, en leur demandant d’éviter de leur rendre visite pour ne pas leur transmettre le virus », reprend le responsable. Car, du côté des acteurs associatifs, on tâche de s’adapter à la situation. « Les familles ont peur, c’est normal », remarque à son tour Inoussa El Fat, directeur de 976 Allo Saad, autre association de service à la personne.

Des masques très attendus

Principal questionnement jusqu’ici ? Celui des protections. « Nous poursuivons nos interventions à domicile, mais ce n’est pas évident car certaines familles demandent à ce que nos auxiliaires de vie portent un masque, ce qui est normal », explique-t-il. Leurs visites sont pourtant indispensables à la dignité des personnes, mais aussi parce que « nous travaillons aussi avec les infirmiers libéraux. C’est complémentaire. Faire la toilette aux anciens, cela leur permet ensuite de travailler dans de bonnes conditions. » Même inquiétude pour Dagoni Services, qui a effectué la semaine dernière une demande de masques pour protéger ses quelque 120 auxiliaires de vie, mais aussi les personnes âgées, parfois inquiètes lorsqu’elles voient arriver des personnes sans masque. « Certaines nous ont même demandé de suspendre les interventions jusqu’à nouvel ordre », a constaté Abdallah Mirhane. Or, « pour certaines personnes qui peuvent se passer de certaines aides, comme du ménage par exemple, on suspend. Mais pour les personnes qui sont dans le besoin, que l’on doit nécessairement aider pour leur toilette, il nous faut bien du matériel de protection. »

Des demandes d’équipement qui ont trouvé écho. Vendredi, à l’heure où nous les contactions, ces deux acteurs du secteur avaient été approchés par l’ARS « pour savoir combien nous avions d’auxiliaires de vie et de bénéficiaires, raconte Inoussa El Fat. Une solution devrait être trouvée ces jours-ci. Nous avons aussi demandé à avoir des produits hydroalcooliques. L’ARS a été très réceptive à nos demandes. » Et de préciser que le conseil départemental aussi les avait contactés afin de « connaître le nombre de personnes âgées vraiment isolées, car il faut leur envoyer quelqu’un ».

Même constat pour Abdallah Mirhane, de Dagoni Services. « Dominique Voynet m’a confirmé qu’ils avaient reçu des masques et que nous allions en recevoir aujourd’hui même [vendredi 27, NDLR]. Au moins pour que l’on puisse agir chez des personnes âgées complètement isolées et qui ont besoin qu’une aide à domicile passe les voir au quotidien », confirme-t-il.

La prise en charge des personnes âgées s’organise donc peu à peu à Mayotte en vue du pic de l’épidémie de Covid-19 avec, tout de même, un point positif pour nos anciens : « Maintenant que tout le monde est confiné, certains de leurs enfants s’en occupent plus souvent. Certains ont même, au début de l’épidémie, fait déménager leurs parents chez eux, afin qu’ils soient confinés ensemble. » Un bon geste à condition, rappelons-le encore une fois, que chacun respecte les consignes.

 

Suspension des vols : le centre hospitalier de Mayotte devra attendre ses renforts

La décision de suspendre les vols de et vers Mayotte met le CHM en difficulté et illustre le décalage existant parfois entre les besoins des équipes sur le terrain et des décisions prises sans consultation.

C’est une décision qualifiée de brutale au centre hospitalier de Mayotte. La fermeture de l’espace aérien, décidée par le gouvernent en lien avec la préfecture dans la journée de samedi a mis les équipes du CHM au pied du mur. « Cela nous met en grande difficulté sur certains points, nous avons réussis à nous débrouiller avec nos moyens internes pour permettre aux évacuations sanitaires de se poursuivre mais c’est compliqué », explique ainsi un médecin. Surtout, l’interdiction de vols met les équipes médicales en difficulté sur un autre point : l’arrivée de renforts en médecins et en infirmières prévue pour les prochains jours ou encore l’acheminement de matériel.

« Nous espérons que ça va se décanter rapidement mais il va falloir trouver une solution », indique encore le médecin. C’est en tout cas ce que laisse entendre le communiqué délivré par le ministère des Outre-mer à ce sujet. Celui-ci indique en effet que « le gouvernement va mettre en place une continuité minimale des liaisons aériennes entre Mayotte et La Réunion de manière à avitailler Mayotte en produits sanitaires et alimentaire, à permettre les rapatriements et les évacuations sanitaires urgentes, ainsi que des renforts de personnel soignant ».

Toujours est-il que du côté de CHM, on déplore un certain décalage entre les décisions et le terrain, et que ce dernier ne soit pas toujours consulté quand il s’agit de prendre ces premières. Pour l’illustrer, on s’interroge par exemple sur la non-représentation du Samu au sein du centre opérationnel départemental, l’organe territorial en charge de la gestion de la crise. Et ce alors même que les autres services de sécurité et de secours, potentiellement moins impactés par la question, à l’image du Sdis, y sont représentés.

On se sent donc un peu seul au centre hospitalier, pourtant en première ligne face à cette crise. Mais jamais prêt à baisser les bras. « Nous n’avons pas attendu pour nous organiser », confie-t-on en ce sens, déplorant au passage un manque de communication. Tout en relativisant : « cette crise est inédite, tout le monde est pris de court et les décideurs les premiers. Ils font ce qu’ils peuvent », excuse ainsi le médecin. Sans toutefois oublier de passer un message : « il ne faut pas céder à la panique. C’est vrai du côté de la population, mais aussi des responsables. Il faut garder la tête froide et prendre les décisions en bonne intelligence collective sinon tout se désorganisera et ça deviendra ingérable ». À bon entendeur…

 

À Chirongui, on “bricole” comme on peut pour faire face au coronavirus

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La mairie de Chirongui continue tant bien que mal d’assurer ses missions de service public. Ses agents mobilisés sillonnent les routes pour aider et sensibiliser la population. Et pour leur garantir un minimum de protection, en pleine pénurie de masques, la DGS a même fait appel aux services d’une couturière du coin.

C’est calme, ce vendredi après-midi, à Chirongui. Il n’y a (presque) pas un chat dans les rues. Ici, trois ou quatre jeunes sont assis sur un trottoir à l’ombre, en train de réparer un vélo. Là, des poules caquettent en trémoussant leurs plumes devant les maisonnées endormies. Mais c’est sans compter la chansonnette entêtante et reconnaissable qui précède l’arrivée du Duster de la police municipale. Munie d’un mégaphone, la brigade de l’après-midi sillonne les ruelles en répétant le même message : “Alerte coronavirus. Pour se protéger et protéger les autres, respectez les gestes barrières”. Quelques secondes plus tard, la voiture apparaît dans le tournant, fait fuir les poules et s’arrête juste devant la petite bande de jeunes. S’ensuit alors une discussion tranquille : les agents cherchent ici à sensibiliser la population sur la lutte contre la propagation du Corovanirus, davantage qu’à verbaliser. Après une rapide vérification de l’autorisation de déplacements dérogatoire, les badauds qu’ils croisent sont tous invités à rentrer chez eux.

“Nous sommes habilités à verbaliser si les gens ne présentent pas leur attestation, mais nous laissons plutôt la gendarmerie s’en occuper. Nous pouvons ainsi nous concentrer davantage sur notre rôle d’agents de proximité, à savoir avertir, alerter, informer”, explique Laoumi, le responsable adjoint du pôle sécurité de Chirongui. Pour y parvenir, la mairie a donc mis en place ces brigades tournantes, et tous les jours, une équipe parcourt les différents villages avec ce mégaphone, qui énonce le même message en trois langues différentes. “Ici, c’est un quartier à majorité malgache, donc on met le message dans leur langue ; ensuite nous allons aller dans un quartier avec beaucoup de mzoungous, donc le message sera en français”, développe Laoumi. Mais là où ce dispositif est sans doute le plus utile, c’est vers le village de Mramadoudou un peu plus au nord. Là-bas vit une forte densité de population étrangère, pauvre et éloignée des circuits de diffusion de l’information. “Souvent ils n’ont pas d’adresse, et vivent au jour le jour pour aller s’acheter à manger, donc verbaliser n’est pas forcément la solution”, décrit le responsable de la brigade. “On essaie alors surtout de leur faire passer le message, de limiter les sorties à deux jours par semaine”. Une action qui se double aussi d’un contact régulier avec les mosquées, invitées à rappeler les consignes après la prière.

“Au niveau de la protection, nous sommes en manque de tout”

Dans les quartiers à majorité malgache ou métropolitaine, en tout cas, leur action semble porter ses fruits. Les passants se font rares, et la plupart retournent vite d’où ils viennent une fois s’être entretenu avec les policiers. Tant qu’ils le peuvent, les trois fonctionnaires restent quant à eux dans la voiture, pour respecter au maximum les règles de distanciation sociale. Et quand ils sortent, ils veillent à respecter le mètre de distance. Car ils ne sont pas spécialement équipés contre les risques de transmission du virus. Le peu de matériel qu’ils ont s’est réduit à peau de chagrin depuis le début du confinement. “Il doit nous rester deux

boites de gants et trois gels hyrdoalcooliques, et nous n’avons pas de masque depuis le début. Clairement au niveau de la protection, nous sommes en manque de tout”, atteste le chef de la brigade.

Pourtant ce n’est pas faute d’avoir demandé. La mairie n’a eu de cesse d’interpeler les services de l’Etat, rappelle la Directrice générale des services, Cécile Hammerer. Dans un courrier du jeudi 26 mars adressé au préfet, elle a d’ailleurs réitéré cette demande : “nos agents étant tous les jours en contact direct avec la population, nous manquons de moyens de protection et notamment de masques, gants et gels hydroalcooliques. L’ARS réservant ses stocks aux soignants, je vous serai reconnaissante de bien vouloir solliciter auprès de l’Etat central, des moyens de protection pour les équipes qui accomplissent des missions essentielles au fonctionnement de la Nation”. Car il est hors de question de ne pas assurer la continuité du service public. En tout, 80 agents sont encore mobilisés sur le terrain, pour la collecte des déchets, la sécurité, l’aide à domicile, l’aide sociale d’urgence…

La couturière a travaillé sans relâche

Pour l’instant, malheureusement, son appel est resté lettre morte. Alors, on fait comme on peut. Plus de gel hydroalcoolique ? La mairie fournit à ses agents de l’eau, du savon, ou de l’alcool à 70 degrés. Les écoles sont fermées ? Ils impriment 900 copies à distribuer aux enfants. Et pour les masques, là encore, Cécile Hammerer a dû “bricoler”. Une chance, elle connaît justement une couturière, la même qui avait déjà travaillé avec la mairie de Chirongui pour fabriquer les rideaux du Pôle culturel. “Je l’ai mise en contact avec ma soeur, elle-même couturière à la Réunion, et toutes les trois, nous avons planché sur des patrons fournis par le CHU de Grenoble”, raconte la DGS. La commande de cent masques, passée il y a moins d’une semaine, doit permettre de protéger ses agents, en première ligne face au coronavirus. Les masques sont équipés d’une poche intérieure, dans laquelle ils pourront glisser des lingettes anti-poussières à renouveler toutes les trois heures. Cinquante sont déjà arrivés. “Dès lundi, on devrait avoir les nôtres”, sourit Laoumi, visiblement soulagé.

Car à quelques kilomètres de là, Antuia ne chôme pas. Cette éducatrice dans une association double ses journées de travail depuis une semaine. Après sa première journée en télétravail, qui s’étale de 7h à 15h, la jeune femme rejoint son atelier, une pièce attenante à la maison dans laquelle elle vit avec son époux. C’est ici, au milieu des tissus en wax africains et à quelques mètres du ressac paisible de la baie de Bouéni, que la jeune femme a travaillé sans relâche de jour comme de nuit pour finir les cent masques commandés. “J’en ai encore mal à la main !”, souffle la belle couturière, apprêtée dans ses créations. Chaque masque représente environ trente minutes de travail, ce à quoi il faut rajouter le temps de réflexion pour le choix du patron, et les retouches. “À la base, on avait choisi des attaches en élastique, mais ça ne tenait pas bien au visage, donc j’ai dû les refaire en coton”, raconte-t-elle. Elle vient juste de finir les cinquante masques restants, qu’elle a roulés et empaquetés dans un sac en attendant le coursier de la mairie. Roses, vertes, orange, ses confections aux couleurs chatoyantes orneront donc bientôt les visages de Laoumi et de ses hommes.

 

Les femmes mahoraises battues en plus grande insécurité pendant le confinement

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Le confinement met à mal un bon nombre d’entreprises, et les associations ne sont pas en reste. À l’exemple de l’ACFAV qui vient en aide aux personnes victimes de violences, notamment de violences conjugales. Les professionnels redoutent les dégâts physiques et psychologiques que peuvent causer ces semaines de confinement.

Malika Bouti, conseillère conjugale et familiale à l’ACFAV s’inquiète du sort des femmes victimes de violences domestiques durant cette période. Elle pense que la situation de celles qui vivent avec leurs bourreaux va s’aggraver. “Le confinement exacerbe tout et cela va augmenter la violence dans les foyers”, se désole-t-elle, démunie. Depuis bientôt deux semaines, l’ACFAV a été contraint de réorganiser la prise en charge des femmes battues, et de tout faire à distance. Une méthode de travail incompatible avec les situations délicates dans lesquelles se trouvent ces femmes. Le téléphone est le seul lien qu’elles ont avec les professionnels de l’association. “On sent qu’elles ne disent pas tout parce qu’elles ont peur qu’on les entende. Et l’accompagnement est très compliqué. Si elles pleurent on ne peut même pas leur proposer un mouchoir ou un verre d’eau. Et des fois, nous n’arrivons pas à joindre certaines parce que c’est le mari qui a le téléphone”, explique Djamael Djalalaine, directeur de l’ACFAV. Et Malika Bouti d’ajouter, “Le confinement leur fait peur. Elles ont peur du lendemain, peur de leur agresseur, peur de la mort.” Ces femmes qui vivent constamment dans la crainte voyaient leurs rendez-vous avec les professionnels de l’ACFAV comme une échappatoire. Elles y allaient toutes les semaines, et cela leur permettait de se reposer, de se ressourcer, en participant à des ateliers ou seulement en discutant avec les autres. Désormais, le président de l’ACFAV demande à ses collaborateurs de les appeler quotidiennement. “Il est primordial de maintenir un lien avec elles. On les appelle le matin pour qu’elles nous racontent comment s’est passée la soirée, et en fin de journée pour qu’elles nous disent comment a été la journée”, indique Djamael Djalalaine.

Un manque de moyens criant

L’ACFAV dispose 225 places d’hébergement, et seulement 14 sont accordés aux femmes victimes de violences conjugales. Un chiffre qui est nettement inférieur aux réels besoins du territoire. Et le confinement détériore d’avantage cette situation critique. “Pendant cette période, nous ne sommes pas autorisés à sortir les femmes qui occupent les logements. Mais on continue à recevoir des nouvelles. Nous sommes arrivés à saturation et avons dépassé les 225 places. Alors on essaye de transformer les places de stabilisation en placement d’urgence”, informe le directeur de l’ACFAV. Mais des éléments extérieurs viennent compliquer la mission. Selon l’association, l’État a réquisitionné des appartements afin de loger des personnes pendant le confinement.

Les victimes prises en charge par l’ACFAV ont droit à des bons alimentaires. Cependant, durant cette crise, ces derniers ne semblent plus être la meilleure option. “Il est préférable que ça soit l’agent qui apporte le colis alimentaire parce que ces femmes ne peuvent plus emmener leurs enfants faire les courses mais elles n’ont souvent personne pour les garder”, affirme Malika Bouti, la conseillère conjugale.

Depuis la fermeture de l’accueil du jour de l’ACFAV, son directeur regrette la coupure radicale du lien physique entre les professionnels et ces femmes battues. Il aurait souhaité une solution alternative. “L’idéal serait que l’on puisse se rendre à domicile. Mais c’est compliqué parce qu’il faut être équipé de masques et de gants. On a fait la demande auprès de l’ARS et de la préfecture mais ils nous ont répondu qu’on ne fait pas partie des prioritaires donc nous n’aurons pas de masques.” L’association a cependant reçu des gants, mais ce n’est pas suffisant. Alors dans l’attente d’autres solutions, les professionnels devront se contenter des appels téléphoniques.

Si vous êtes victimes de violences conjugales ou autres, ou si vous connaissez une personne dans cette situation, veuillez contacter le 55 55. Ce numéro est gratuit.

 

Masques en 3D et survol des quartiers inaccessibles en drone : les drôles de mission de Jérôme Mathey

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Professeur de physique en temps normal, Jérôme Mathey est un bricoleur à ses heures perdues. Il confectionne des masques en 3D qu’il compte distribuer aux personnes dans le besoin à Tsingoni, en attendant de pouvoir en produire à plus grande échelle. Autre mission solidaire : la réalisation d’un mégaphone accroché sur un drone pour diffuser des messages de confinement dans les quartiers inaccessibles de Mamoudzou.

Après Angus MacGyver, voici Jérôme Mathey. À Mayotte depuis dix ans, il jongle entre son métier de professeur de physique et son activité de robotique et de drone, mêlant l’électronique et l’impression 3D. Et alors que la propagation du Covid-19 inquiète les plus hautes autorités et la population mahoraise, il décide de mettre son expertise à profit de la communauté et ainsi apporter sa pierre à l’édifice. Tout simplement en confectionnant des masques de manière originale… Avec une imprimante et des filaments ! « J’ai un stock de dix kilos de plastique, il m’en faut cinquante grammes pour en réaliser un », souligne-t-il. Si le délai de fabrication s’élevait à quatre heures il y a encore quelques jours, une récente mise à jour lui a permis de réduire de moitié la durée de conception. Et à quoi ressemblent ces précieux sésames ? « C’est un bandeau que l’on pose sur le front avec un écran transparent, à l’image d’un masque de débroussailleuse. »

Seule ombre au tableau : sa faible capacité de production. Il n’a actuellement que cinq masques en sa possession. « J’ai proposé mes services sur Internet pendant une semaine mais je n’ai eu aucun retour. Les réseaux sociaux sont submergés et les informations circulent extrêmement vite », pointe-t-il du doigt, alors que son ami polynésien Raitiny Rey a reçu une commande de 10.000 masques. Néanmoins, Jérôme Mathey ne désespère pas que le vent tourne et a surtout conscience que la demande est forte, notamment chez « les forces de l’ordre », dit-il. « À minima, je les distribuerai à ceux qui en ont besoin à Tsingoni, comme les policiers municipaux et les commerçants. » Et en attendant de réunir sous forme de collectif des individus dans la même situation que lui pour augmenter le volume, il continue de prendre la température auprès des entreprises spécialisées dans l’impression 3D, l’instar de 3Découpe qu’il devait rencontrer samedi après-midi. Autre bonne nouvelle : « Le groupement des entreprises mahoraises des technologies de l’information et de la communication vient de me confirmer que la chambre d’industrie et de commerce avait une imprimante. Je vais également contacter le délégué au numérique du rectorat car les professeurs de technologie ont du matériel similaire dans leurs établissements. »

Des opérations aériennes pour la ville de Mamoudzou

Mais ce n’est pas la seule corde à son arc. Jérôme Mathey a eu l’agréable surprise d’être contacté par la ville de Mamoudzou pour un projet tout aussi intéressant. « Des personnes de la municipalité savent que je suis un opérateur en règle au niveau du drone », dévoile-t-il. Sa mission ? Créer un haut-parleur à fixer sur l’objet volant dans l’optique de diffuser des messages de confinement sur la commune, notamment dans les quartiers moins accessibles (Cavani et Kawéni) où les regroupements de personnes sont légions. À ce jour, quelques détails restent encore à régler pour recevoir l’autorisation de voler. « J’ai échangé à ce sujet, vendredi, avec l’aviation civile et la préfecture pour cadrer l’opération. » En cas de réponse positive, le go serait donné dès cette semaine. « On est parti sur un volume d’une trentaine d’heures, qui sera révisé en fonction de la réalité du terrain », confie l’enseignant. En cette période confinement, toutes les initiatives individuelles et collectives sont bonnes à prendre pour réduire au maximum l’impact de Coronavirus sur Mayotte, sachant que le pic épidémiologique doit faire son apparition d’ici quelques jours…

 

Mlezi Maore s’organise tant bien que mal face à la crise

Principal acteur associatif dans le domaine du social avec ses trois pôles – jeunesse, solidarités et handicap –, l’association Mlezi Maore doit, elle aussi, adapter ses services. Objectif : sécuriser les équipes et les publics, tout en assurant au maximum ses missions, parfois indispensables.

À Mayotte, les problématiques de la jeunesse, des solidarités et du handicap sont étroitement liées avec l’association Mlezi Maore, principal acteur associatif de l’île, dont elle est par ailleurs le troisième employeur. Ses missions ? Fournir à ces trois publics spécifiques des services essentiels. Face à la crise, l’organisme a donc dû adapter sa mission, tout en assurant une nécessaire continuité. “Les dispositions de lutte contre la propagation du Covid-19 impactent de manière très directe nos associations et établissements. Cependant, notre engagement auprès des usagers de Mlezi Maore ne peut s’interrompre brutalement. Nous avons ainsi, en lien avec la direction de chaque pôle, les responsables du siège et des autorités de tutelles, élaboré des plans de continuité de l’activité (PCA)”, explique ainsi l’association. Deux impératifs au menu de ces plans : “La continuité de service proposée aux personnes accompagnées lorsque celle-ci relève de l’impérieuse nécessité” et “le respect des règles de distanciation afin de protéger les équipes, les usagers et la société en limitant la circulation du virus.”

Si certains services comme le centre social et culturel, la base nautique et de loisirs de Mtsangabeach ou encore le point accueil écoute jeunes sont fermés, d’autres fonctionnent avec certains aménagements. “C’est le cas de l’institut médico-éducatif, du service d’éducation spécialisée et de soins à domicile, du pôle handicap, ainsi que du service d’action éducative en milieu ouvert du pôle jeunesse ; ou encore le service des tutelles du pôle solidarités, par exemple, qui sont en ouverture aménagée. L’évaluation de la situation de chaque usager a été réalisée, des contacts réguliers sont assurés et des visites à domicile sécurisées sont programmées en cas de nécessité.”

En revanche, les lieux d’hébergement restent bien entendu ouverts, à l’instar du centre d’hébergement et de réinsertion sociale, de l’établissement de placement éducatif, du centre éducatif renforcé et la maison d’enfants à caractère social.

Un appel à volontariat

Des services assurés, donc, mais qui souffrent eux aussi du confinement. En cause : “certains établissements de l’association qui se doivent de rester ouverts manquent de personnel du fait de la situation de crise que nous traversons actuellement. Un appel à volontariat a été lancé en interne. Étant donné que certains de nos services sont fermés ou ont une ouverture aménagée, le renfort de ces équipes d’hébergement a dans un premier temps été réalisé grâce à ces professionnels. Nous avons également fait appel à la solidarité du secteur afin de savoir si certains de nos partenaires seraient en capacité de mobiliser du personnel volontaire pour venir renforcer les équipes de nos structures en continuité d’activité, notamment les CEMEA, la Croix-Rouge ou encore l’UDAF. Certaines associations réalisant de l’hébergement ont été écartées considérant qu’elles rencontraient les mêmes difficultés. Les besoins se portent sur des personnels travailleurs sociaux, veilleur de nuit ou encore maîtresse de maison.”

Enfin, comme recommandé, les fonctions supports comme le service comptabilité, relations humaines, développement, communication se sont organisées autour du télétravail, “favorisé autant que possible”. “Les conférences téléphoniques ou autres supports équivalents sont utilisés pour les réunions. Les salariés ne se rendent sur leur lieu de travail que si cela est nécessaire. Nous avons mis

en place une cellule de crise en interne qui se réunit par conférence téléphonique chaque jour. Cette instance permet d’évoquer les situations problématiques, les bonnes pratiques et de prendre les décisions nécessaires pour l’amélioration du fonctionnement des établissements et services en cette période particulière. Enfin, afin d’informer au mieux les familles, des salariés du pôle handicap ont créé un support en français et shimaoré afin de sensibiliser petits et grands sur le COVID-19.”

 

La solidarité citoyenne plus nécessaire que jamais

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Depuis la fin de la semaine dernière, le gouvernement a créé un site qui fait appel à la solidarité de chacun durant cette période de confinement. L’objectif est de donner un peu de son temps et de son énergie en accomplissant des missions solidaires. Comment cela s’articule à Mayotte ? Réponse.

Lors de ses nombreuses allocutions durant le début de la crise Covid-19, le président de la République, Emmanuel Macron, a appelé à la solidarité citoyenne. Le gouvernement a concrétisé cela en créant le site covid19.reserve-civique.gouv.fr. L’objectif est de faire face à la situation dans laquelle nous nous trouvons, et celle des prochaines semaines, en faisant appel à la générosité de chacun. À Mayotte, c’est la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) qui est en charge de son bon fonctionnement. “Les associations et les services de l’État nous déposent des missions à faire sur l’ensemble de l’île. Et de l’autre côté, les personnes qui veulent aider s’inscrivent sur le site. Elles doivent donner leur adresse, cela permet de savoir qui est disponible à tel ou tel endroit. Dès qu’il y aura une urgence ou une mission, on fera appel aux personnes qui sont les plus proches”, explique Patrick Bonfils, le directeur de la DRJSCS. En théorie, tout le monde peut se porter volontaire, il suffit d’être majeur et d’avoir moins de 70 ans pour des raisons évidentes. Cependant, les organisateurs demandent aux associations d’inciter leurs collaborateurs à s’inscrire. Selon Patrick Bonfils, “ce sont des gens fiables, sérieux et qui connaissent déjà ce milieu. Nous avons besoin de personnes qui respectent les gestes barrières, qui savent rassurer la population, organiser les files d’attente, etc. Les gens du monde associatif et de l’éducation sont habitués à cela.” À l’heure actuelle, plus de 250 bénévoles se sont inscrits sur le site, en moins d’une semaine, et ce chiffre augmente chaque jour. Et une trentaine d’associations ont déjà proposé des missions sur l’ensemble du territoire.

Quatre grandes missions solidaires

Le site de la réserve civique propose quatre grandes missions. Les bénévoles pourront garder les enfants du personnel soignant, des forces de l’ordre et de toutes les personnes qui travaillent pour faire vivre la société. Ils seront également sollicités pour aller faire les courses de ceux qui ne peuvent pas se déplacer. On leur demandera aussi de prendre régulièrement des nouvelles de leurs voisins fragiles ou seuls. Enfin, ils participeront à la distribution des aides alimentaires. Des denrées et des bons alimentaires sont préparés afin d’aider ceux qui ont un faible pouvoir d’achat. “Pour l’instant, on arrive à faire face avec La Croix Rouge et les diverses associations. Mais on sait pertinemment qu’à partir de la semaine prochaine ça va commencer à être très difficile”, annonce le directeur de la DRJSCS. La Croix Rouge n’a d’ailleurs pas arrêté les distributions alimentaires habituelles. La réserve civique est mise en place pour renforcer son dispositif.

Afin d’éviter que les personnes se battent pour de la nourriture comme c’est déjà le cas pour les bouteilles de gaz, l’armée et la police seront également mises à contribution pour sécuriser les lieux et éviter un éventuel débordement.

La grande distribution est aussi sollicitée, mais rien n’est moins sûr pour le moment. “On a demandé aux grands magasins de faire des dons. On leur a surtout demandé des produits d’hygiène. Ce n’est pas encore acté, nous sommes en train de travailler avec certains grands magasins”, indique Patrick Bonfils.

Les personnes qui ont besoin d’aide, et qui veulent bénéficier de ce nouveau service doivent se manifester auprès de leur mairie, des CCAS, des associations. Ces derniers se chargeront de faire remonter les diverses missions à la DRJSCS.

 

Flou artistique autour des arts de la scène

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Les artistes et intermittents du spectacle ne peuvent, à Mayotte, prétendre au statut juridique spécifique pourtant de vigueur en métropole, du fait de l’application tardive du droit du travail dans le 101ème département. Une situation qui complique encore un peu plus l’avenir de ces professionnels, souvent écartés des décisions politiques.

Une fois encore, ils ont été oubliés. La semaine dernière, le gouvernement annonçait déployer un arsenal de mesures économiques pour les entreprises et associations métropolitaines et ultramarines qui pâtiraient du confinement. Un ouf de soulagement pour certains, un regain d’inquiétude pour une poignée d’autres, et plus particulièrement pour les intermittents du spectacles et artistes du 101ème département, le seul de France où aucun statut juridique dédié n’existe encore à ce jour. En d’autres termes, à Mayotte, les professionnels de la scène ne pourront pas prétendre aux dispositifs exceptionnels de l’État, alors même que toute leur activité économique est laissée en suspens, puisque tous les événements prévus doivent être reportés à une date encore inconnue.

En réaction, le collectif des Arts Confondus – créé il y a un an et demi pour défendre à l’échelon local et national les droits des professionnels des arts vivants – a décidé de recenser un maximum d’acteurs du milieu et leur impact économique, dans l’espoir d’obtenir plus de soutien. Pour l’heure, dix-sept structures pour une soixantaine d’emplois permanents se sont déjà manifestées. “On commence à avoir quelques retours de l’État, qui nous a promis que les subventions seraient maintenues coûte que coûte”, témoigne Sophie Huvet, directrice de Hip-Hop Évolution et instigatrice de l’initiative. “Mais rien concernant le Département, et encore moins le secteur privé, dont dépendent plusieurs structures culturelles”. Et pour l’heure, la collectivité n’a pas donné réponse concernant les nouvelles demandes de financement.

Un manque à gagner dans tous les domaines

“Clairement, les associations culturelles ont été négligées”, s’inquiète Sophie Huvet, toutefois reconnaissante envers la Cress qui s’est proposé de participer au versement du chômage partiel des professionnels du milieu. “Et qu’on parle de dix ou de cent emplois, les personnes qui vivent [du spectacle] ne toucheront pas leur rémunération.” Sans compter les contrats à durée déterminée, recrutés pour l’accueil et la billetterie notamment, lors d’événements ponctuels tous reportés du fait du confinement. Un manque à gagner également pour les entreprises de la restauration, du transport ou de la location de matériels. “Il y a aussi les ingénieurs du son, les techniciens, les costumiers, etc.”, égraine encore la directrice de l’association Hip-Hop Évolotuion. “Et puis il y a les petites associations qui fonctionnent essentiellement sur le bénévolat…” Un bénévolat mis entre parenthèses à l’heure où chacun doit rester chez soi.

Aux origines de cet imbroglio, l’application du droit commun à Mayotte et surtout, ses limites. En métropole, tout artiste ou technicien des arts de la scène peut prétendre au statut d’intermittent du spectacle et par conséquent, accéder à des droits et des régimes sociaux conçus selon les spécificités du métier. Un dispositif qui encadre également l’accès à la formation ou à des congés spécifiques selon une convention nationale, décidée avant que l’île ne bascule sous le régime de la départementalisation. Depuis plusieurs années, les professionnels des arts vivants à Mayotte militent pour qu’enfin, le territoire soit intégré dans ces textes. Problème : “Pour ça, il faut rouvrir des négociations avec les syndicats nationaux,”, résume Sophie Huvet. Une démarche qui pourrait potentiellement permettre au gouvernement de se rétracter concernant certains acquis. “Nous, ce

qu’on propose, c’est de simplement rajouter Mayotte sans nouvelle négociation, mais même si on le faisait, notre accès à la Sécurité sociale ou à Pôle Emploi ne serait pas le même”, ces structures étant localement à leurs balbutiements.

 

Avec le Mistral, un vent rassurant souffle sur le sud océan Indien

Le président de la République l’a annoncé ce mercredi soir, le porte-hélicoptère amphibie Mistral viendra en aide aux territoires de La Réunion et de Mayotte dans le cadre de l’opération “Résilience”, visant à lutter contre l’épidémie de Coronavirus face à laquelle les deux départements manquent d’armes pour lutter.

L’arrivée du Mistral dans le sud de l’océan Indien suffira-t-elle à calmer le vent de panique qui sévit sur les territoires de La Réunion et de Mayotte en même temps que le Coronavirus gagne du terrain ? C’est en tout cas ce qu’espère le président Emmanuel Macron qui a annoncé la mobilisation de ce gigantesque porte-hélicoptère – le deuxième plus gros bâtiment de la Marine nationale après le Charles de Gaulle – dans la zone sud de l’océan Indien afin de prêter assistance aux deux territoires. Le tout dans le cadre d’une opération “Résilience”, qui vise intégrer l’armée à l’effort national de lutte contre l’épidémie. Si les détails de cette opération doivent être précisés dans “quelques jours”, selon les mots du président, quelques éléments sont d’ores et déjà connus.

D’abord, selon différentes sources concordantes, le navire qui croise actuellement près des côtes seychelloises devrait arriver dans la zone au début de la semaine prochaine. À La Réunion, plus précisément, assure le journal Mer et Marine, “à l’issue d’une escale logistique de deux jours à Mahé, aux Seychelles”. Depuis le DOM voisin, il pourrait ainsi déployer ses moyens logistiques et sanitaires afin de venir en aide à la population mahoraise dans le cadre de décisions mutuelles entre les préfets de Mayotte et de La Réunion. Pour l’heure, rien n’indique que le porte-hélicoptère s’établira près de nos côtes.

Le Mistral pas encore paré pour lutter contre le Covid-19

Les prochains jours devront par ailleurs déterminer quels moyens et missions exacts le Mistral embarquera avec lui. Mais pour l’heure, le bâtiment ne semble pas encore équipé pour opérer une mission d’urgence sanitaire. Ainsi, bien que la Marine nationale indique que le navire compte en son sein un hôpital muni de 69 lits extensibles, le Mistral n’est pas parti de Toulon fin février avec le matériel adéquat pour faire face à l’épidémie. “Les installations hospitalières du Mistral sont pour le moment grées pour un déploiement classique et ne peuvent servir en l’état à l’accueil de patients atteints par le Covid-19. Selon la situation à La Réunion et Mayotte, elles pourront être adaptées en fonction des besoins et du matériel disponible sur place ou envoyé depuis la métropole par voie aérienne”, indiquent ainsi nos confrères de Mer et Marine, spécialistes du sujet.

Satisfaite de l’annonce présidentielle, fruit selon elle d’un travail de près d’un mois, la directrice de l’ARS Dominique Voynet considère qu’“affirmer que le porte-hélicoptère part vers Mayotte [lui] paraît audacieux”. “Ce que je sais en revanche c’est qu’en l’absence d’une épidémie active à Mayotte comme à La Réunion, même si nous avons beaucoup de cas, le président a aussi la préoccupation de rapatrier les Français coincés dans les pays de la zone depuis des semaines. J’imagine donc que la doctrine d’utilisation du Mistral va nous être précisée dans les jours qui viennent”, a encore fait valoir la directrice de l’ARS ce jeudi.

 

À moins d’un mois du ramadan, les agriculteurs ont peur de tout perdre

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Le confinement rend difficile le ramassage des récoltes et commence déjà à peser dans les finances. Les agriculteurs ont peur que les stocks de fruits et légumes viennent à manquer pour le ramadan, période qui se caractérise chaque année par une forte consommation.

Sur les bords des routes, on ne les voit plus discuter au-dessus de leurs paniers remplis de bananes, de mangues, d’ananas ou de fruits à pains. Leurs salouvas ont déserté le paysage, et quelques rares palettes traînent encore, de-ci de-là, sans leur cargaison de produits locaux. À Mamoudzou aussi, devant le marché couvert, les étals informels qui tapissent le bitume jusqu’au dépose-minute des taxis ont disparu depuis l’annonce de la fermeture de ce point de vente, où agriculteurs et revendeurs viennent d’habitude écouler leurs marchandises. Seul le marché de Combani continue à alimenter le centre de l’île, tant bien que mal, à en croire les agriculteurs. “Ils sont dehors derrière leurs étals, mais les clients se font rares. Il n’y a guère que la clientèle des environs proches qui vient encore y acheter des produits”, constate Saïd Anthoumani, le président de la Chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (CAPAM).

Cette baisse de la consommation, conséquence directe du confinement décidé depuis le 16 mars pour lutter contre la propagation du Covid-19, ils sont nombreux à la ressentir de plein fouet. “Il faut vraiment que vous fassiez passer le message que nos deux boutiques de la Coopac, celle de Kawéni et celle de Combani sont encore ouvertes”, plaide Dominique Lamotte, qui gère la SCEA Vahibio. Presque tous les jours, son époux et elle se lèvent de bonne heure à Tsoundzou pour se rendre sur leur petit champ de Vahibé et cueillir les quelques avocats qu’ils doivent apporter avant 10h à la Coopac de Combani. Objectif : limiter les risques de contact dans la boutique. À partir de 10h et jusqu’à 15h, une seule vendeuse se charge alors de vendre leur production, en veillant à respecter les règles de distanciation sociale. Une tâche facilitée par le faible afflux de clients ces derniers jours. “Nous aurons sans doute les chiffres exacts dans un mois, mais nous pouvons d’ores et déjà estimer une perte de chiffre d’affaires de 50 % pour la Coopérative”, craint Dominique Lamotte. Avec, bien sûr, une conséquence directe pour le couple de Tsoundzou : “Nous risquons sans doute d’être payés un peu en retard…”. Et ce, sans aucune certitude d’être indemnisés, car eux ne sont pas concernés par le chômage partiel.

Chadhuili Soulaimana, le directeur de Ouangani productions, qui préside aussi l’association Saveurs & Senteurs de Mayotte partage cette inquiétude : “j’ai des doutes sur les aides que le gouvernement va pouvoir nous donner. Je me rappelle avoir essayé, en 2018, mais avoir buté sur de nombreux obstacles. J’espère qu’ils rendront la procédure plus simple cette fois-ci”, souffle-t-il. Or, contrairement aux cueilleurs de Vahibé, beaucoup d’agriculteurs ont tout bonnement arrêté de se déplacer jusqu’à leurs champs, par crainte d’attraper le virus dont tout le monde parle. Et ne peuvent donc même pas prétendre voir le fruit de leur labeur à la fin du mois. “Nous avons peur d’être en contact en allant sur les marchés, et peur de sortir pour aller travailler”, témoigne Chadhuili Soulaimana. Conséquence : tous les agriculteurs et leurs salariés sont “bloqués”. “Nous devions bientôt récolter notre vanille, mais on ne sait pas si nous allons pouvoir le faire”, poursuit le producteur.

Pourries ou pillées, des récoltes perdues

Car le souci, c’est aussi que vanille, bananes, manioc et autres fruits et légumes ne poussent pas tous seuls. En l’absence des bras et du savoir-faire des agriculteurs, les cultures risquent fort d’être gâchées, voire même d’être pillées avant d’être vendues. “Je ne vais plus sur mon exploitation depuis plusieurs jours, or j’ai des fruits, les sakouas qui sont très utilisés pour les jus, je sais que c’est le moment d’aller les cueillir”, atteste Hakim Nouridine, gérant du label Green Fish. Normalement, l’agriculteur en produit environ une tonne par an, qu’il écoule dans son magasin de M’tsapéré et chez des revendeurs. Aujourd’hui, ces débouchés-là sont fermés. “C’est sûr, ça va tomber, ça va pourrir ou bien être volé”, déplore-t-il.

Mais le gros de sa production, c’est à Madagascar qu’il risque de le perdre. Le gérant possède en effet un terrain sur la Grande Île. Mais depuis le 16 mars, et la fermeture des frontières malgaches, Hakim Nouridine ne peut plus se rendre sur son exploitation. “Je risque de perdre une année de récolte”, s’inquiète-t-il, malgré la présence de quelques ouvriers sur place. Outre le piment et l’oignon, il y cultive aussi les bananes, qui font d’habitude l’objet d’une forte demande pendant le ramadan. Cette année, vu la situation sur les exploitations mahoraises et la rupture des liaisons avec Madagascar, l’agriculteur craint un impact sur le portefeuille des ménages. “La production locale ne va pas suffire pour satisfaire la demande, et les régimes vont se vendre à prix d’or”, prédit-il. Du côté de l’INSEE, toutefois, rien ne permet pour l’instant d’anticiper une telle inflation. “Chaque année, il y a un questionnement sur le prix des bananes, mais si cela marque les esprits, cela ne se traduit pas dans nos analyses”, explique Jamel Mekkaoui, le chef de service de l’institut de statistiques à Mayotte. Et le président de la CAPAM se montre d’ailleurs, lui aussi, plus optimiste : “certes, les gens vont sans doute essayer de rattraper le manque à gagner pendant le ramadan, mais heureusement nous avons eu une saison humide assez riche, et nous avons encore des aliments en abondance”, fait valoir Saïd Anthoumani. Sauvés par la pluie, grâce au ciel !

 

C’est dans les vieilles pratiques qu’on fait les meilleurs régimes

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Les anciens ne comprennent pas les jeunes. et vice versa. cet adage est vrai même dans l’alimentation. l’ancienne génération se vante d’avoir mangé sain et bio pratiquement toute sa vie alors que la nouvelle ne voit pas l’utilité d’une alimentation équilibré. témoignages.

L’arrivée des produits industriels et de la malbouffe donne l’impression que l’on a toujours mangé ainsi. Mais ce n’est pas le cas pour les anciens, particulièrement à Mayotte. Le Mahorais est traditionnellement agriculteur. Les anciennes générations cultivaient ainsi elles-mêmes leurs terres agricoles pour subvenir aux besoins de la famille. « On faisait tout nous-mêmes. Et on travaillait nos champs sans tous ces produits chimiques qu’il y a aujourd’hui », se souvient Mogné Ali qui a aujourd’hui 85 ans. Sa femme, Amina, se souvient de son enfance rythmée par les virées quotidiennes au champ. « Quand on était petits, après l’école coranique on allait aux champs avec le foundi pour cueillir les bananes, maniocs, et beaucoup de fruits. » Amina le dit : elle adorait aller au champ parce qu’elle se nourrissait pratiquement que de fruits. Des souvenirs que partagent beaucoup de seniors aujourd’hui. Hamida, 81 ans, raconte-elle aussi ses aventures dans les champs de sa famille. « On avait de tout. Du blé, des bananes, du manioc, des tomates, de la salade, des brèdes, des fruits. À la maison on n’achetait presque rien. Même pas le riz. Tout venait de nos récoltes. Et on avait également un poulailler », se rappelle-t-elle. Les seuls aliments qu’ils se procuraient à l’extérieur étaient le poisson et la viande. Elle raconte d’ailleurs qu’ils mangeaient quotidiennement du poisson et très peu de viande. Et quand on leur demande de quelles façons ils consommaient tous ces aliments, la cuisson à l’eau et la grillade reviennent le plus souvent, même si Hamida avoue qu’ils leur arrivaient de faire frire les patates douces, parce qu’autrement elle ne les mangeait pas.

Cette ancienne génération prétend avoir eu la belle vie car tout ce qu’ils consommaient était frais. « Qu’est-ce qu’on mangeait bien avant Et surtout on ne mangeait pas de surgelés. Tous nos produits étaient frais. On n’achetait pas en abondance pour conserver après », soupire Mogné Ali, déplorant la surconsommation actuelle et se demandant pourquoi les gens ont besoin de tout acheter. Hamida quant à elle ne comprend pas l’apparition des maladies comme le diabète, l’hypertension ou l’obésité. « J’ai 81 ans, plus jeune je mangeais tout ce que je voulais et je n’ai jamais eu ce genre de maladies, Dieu merci. Ce n’est que récemment que j’entends parler de diabète ou d’hypertension. Et je suis persuadée que c’est à cause des modes de consommation et de conservation des aliments », affirme-t-elle. Amina pense que c’est également dû à la sédentarité des personnes. « Nous allions tous les jours aux champs. On bougeait beaucoup et ça c’est déjà du sport. Aujourd’hui les jeunes ne veulent rien faire », s’indigne-t-elle.

« JE N’AURAIS PAS ÉTÉ CAPABLE D’ALLER AU CHAMPS »

Les nouvelles générations sont justement à l’opposé de ce que faisaient ou mangeaient leurs grands-parents. « À la maison on mange souvent des pâtes et du riz. Mais on essaye de varier et manger mieux. Ce n’est pas évident parce qu’on n’est pas habitués mais ça vient petit à petit », raconte Noémie, 28 ans. Cette dernière avoue avoir pris conscience de l’importance de changer ses habitudes alimentaires à l’arrivée de son bébé il y a deux ans. « Pour lui je fais des efforts. Il mange des fruits et des légumes tous les jours. Je veux qu’il s’y habitue dès son plus jeune âge et qu’il ne soit pas comme nous. » Matie, une étudiante de 22 ans, affirme ne pas se soucier de cela. « Manger sain me coûte trop cher. Encore plus quand c’est bio. Alors je me contente de ce que je peux acheter comme les pâtes, les pommes de terre, les steaks et les cordons bleus. Tout ce qu’il ne faut pas », sourit-elle, consciente de ne pas avoir une alimentation équilibrée. Mais ces habitudes ne seraient pas seulement liées aux moyens économiques. Aurélie, 28 ans, travaille, et pourtant elle ne juge pas encore utile de se préoccuper de son alimentation. « Pourquoi manger sainement ? Des fois je fais des efforts mais cela dépend vraiment de mon humeur. Quand j’ai le temps, je prends des fruits au petit-déjeuner. »

Cependant, il serait injuste d’affirmer que tous les jeunes sont adeptes de la malbouffe. Certains essayent de varier leur alimentation et même de manger bio. « Je fais de plus en plus attention à ce que je mange. C’est très facile de manger les cinq fruits et légumes par jour recommandés. Au lieu de grignoter des chips je prends des fruits. Et à chaque repas je mange des légumes », explique Mia, 24 ans, qui se convertit par ailleurs au bio car elle est consciente des méfaits des pesticides sur la santé. Parmi tous ces jeunes, si certains font des efforts au niveau de l’alimentation, on constate que les plats traditionnels mahorais sont très peu présents dans la leurs habitudes. Les bananes, maniocs, brèdes, très peu pour eux. Et aucun ne souhaite vivre l’époque de leurs grands-parents où il fallait aller au champ pour manger. « Je ne pense pas que j’en aurais été capable. J’ai déjà du mal à aller à la salle de sport », confirme Matie

À Koungou, la vie au rythme des violences

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Les jours se suivent et se ressemblent à Koungou où l’on vit au rythme des affrontements entre bandes de jeunes rivales. Entre exaspération, peur mais aussi une certaine curiosité, les habitants ne peuvent qu’être spectateurs d’une violence que ni eux, ni les pouvoirs publics, ne semblent pouvoir endiguer.

“On n’en peut plus de ces violences, il va falloir que quelqu’un prenne ses responsabilités sinon c’est nous qui allons finir par nous occuper de ces jeunes !”, s’emporte Djanaibi. Autour de lui, les six hommes qui composent le groupe assis sur la place de la poste de Koungou acquiescent. “Le problème, c’est que si on le fait à notre manière, on va finir en prison alors que les jeunes eux, ils sont protégés par la justice”, poursuit l’aide-soignant, toujours suivi par son groupe d’amis. Sentant que son collègue a peut-être légèrement dépassé les bornes, Kassim prend à son tour la parole. “Je pense qu’il faudrait plutôt faire de la médiation, aller à la rencontre de ces jeunes, leur expliquer qu’ils s’écartent de leur avenir en faisant ça”, explique l’enseignant plus âgé, mais dont la certaine sagesse ne convainc pas vraiment autour de lui.

Pour de nombreux habitants, la responsabilité de ces violences revient aux parents. “Ils ne font pas ce qu’il faut, ils ne les éduquent pas correctement”, peut-on entendre à plusieurs reprises. À force de discussions, ces mêmes juges confient aussi régulièrement que c’est “souvent compliqué, il s’agit pour beaucoup d’entre eux de jeunes dont les parents ont été expulsés et qui sont plus ou moins confiés à des gens qui se moquent d’eux”. Certains, aussi, finissent par admettre que leurs enfants sont eux-mêmes pris dans cette vie de bande. “C’est compliqué de lutter contre l’effet de groupe, même quand on pense avoir tout bien fait. La réalité c’est que c’est devenu la seule activité un peu excitante pour ces jeunes, il n’y rien d’autre”, souffle Kassim.

Sur la place, la vie semble avoir repris son cours depuis les derniers affrontements, en date de la veille au soir. Chacun vaque à ses occupations entre le bureau de poste, la boulangerie ou les doukas. Des bouénis vendent quelques fruits et légumes à l’ombre d’un manguier. La ville est calme. Et pourtant, les affrontements entre bandes de jeunes sont dans toutes les têtes, dans toutes les conversations. “Les gens du village qui sont là-haut ne dorment plus chez eux, ils ont trop peur parce que c’est par là que passent les jeunes, qu’ils viennent de Majicavo ou de Koungou”, assure Fahima, pointant du doigt les bangas qui se dressent péniblement sur les flancs de collines. “De toute façon, on sait que ça va recommencer, la seule chose que l’on puisse faire c’est se mettre en sécurité avec les enfants”, conclut la jeune mère de famille.

“On a peur des jeunes”

Ici, la violence est une fatalité face à laquelle chacun s’adapte, se protégeant au mieux. Et les adultes présents ce jour auront beau jouer les durs, ou les médiateurs, personne n’ira à la rencontre de ceux que tous désignent comme les responsables de leurs maux. “On a peur”, confie Fahima. Il faut dire que la bande d’une petite dizaine de jeunes qui discute plus haut ne réserve pas un accueil des plus chaleureux quand on part à sa rencontre. Mais la glace une fois brisée, les langues se délient. “C’est un cercle vicieux, ça ne peut pas s’arrêter comme ça”, commente Bacar, assurant ne pas prendre part aux rixes. Enfin, “plus maintenant”. Maintenant, Bacar est en service civique. Un repenti donc, qui n’aura pas pour autant oublié d’où il vient. “J’étais comme eux, je sais comment ça se passe et je vis encore avec eux. J’essaye de leur expliquer que ce qu’ils font ne mènera à rien de bon mais d’un autre côté je comprends aussi”, poursuit Bacar avant de livrer sa vérité sur les affrontements des dernières semaines.

Selon lui, tout aurait commencé avec un vol de chiens commis par des jeunes de Koungou. Le “propriétaire”, lui, serait de Majicavo. “Du coup [les jeunes de Majicavo], ils ont traversé la campagne pour venir tout détruire ici, ils ont même brulé des bangas et tout”, explique le jeune homme, les pognes enfoncées dans son survêtement. “Après, ça ce n’est qu’une histoire parmi tant d’autres, on a plein d’exemples où ce sont les jeunes de Majicavo qui sont venus voler des chèvres ou autre”, affirme encore Bacar.

Une guerre de territoire donc, mais qui, selon les jeunes de Koungou, répond à des règles. “À un moment, il y a toujours un groupe qui dit stop parce que ça va trop loin et à ce moment-là on arrête”, soutient un jeune d’une quinzaine d’années, casquette vissée sur la tête. “Ici on ne s’en prend pas aux automobilistes, on ne met pas le feu, on fait juste la bagarre en haut”, poursuit-il.

“Regardez, ils viennent encore nous provoquer”

Loin des images que renvoient les réseaux sociaux, ce ne serait donc pas sur la nationale que se jouerait le gros de la bataille. “Le problème, c’est la police. Ils viennent nous provoquer et ils nous empêchent de régler nos comptes entre nous”, lance Bacar qui, à l’énoncé du mot magique a fait se relever toutes les têtes du petit groupe. La police [les forces de l’ordre en général plutôt], voilà un ennemi commun à tous. “C’est eux qui nous poussent à l’intérieur du village et comme ils nous empêchent de nous battre, c’est contre eux que l’on s’énerve”, analyse l’un d’eux. “Regardez, ils viennent encore nous provoquer !”, s’exclame un autre.

Deux camions de la gendarmerie prennent place sur le parvis de la poste, soulevant des nuages de poussière sur leur passage. Tandis que les militaires débarquent, deux 4×4 blancs se garent sur le côté de la nationale. C’est le Groupe d’appui opérationnel et la PAF. “Eux ils sont violents, il faut faire attention”, commente Bacar en scrutant les gestes des gros bras qui sortent de leurs véhicules, fusils en bandoulière.

Alors que les différentes forces de l’ordre s’équipent, les rues de Koungou se vident. Quelques invectives fusent à l’égard des gendarmes et chacun rentre se barricader. “Ça va chauffer”, peut-on entendre. Entre les rares riverains encore présents, la rumeur se propage comme une trainée de poudre. “Apparemment, le jeune de Majicavo qui a été blessé hier est mort ce matin à l’hôpital”, explique Kassim, l’enseignant. Même son de cloche chez les jeunes. “Oui c’est vrai, ils sont tous debout à Majicavo, ils vont l’enterrer et ils vont venir se venger”, assure à son tour Bacar, révélant au passage que les bandes s’épient et sont chacune au courant des faits et gestes de l’autre.

Contacté dans l’après-midi, le lieutenant-colonel Bisquert contredit l’information. Selon lui, le jeune très grièvement blessé et dont le pronostic vital était engagé dans la nuit de dimanche va mieux. Quoi qu’il en soit, “ça va mal finir encore une fois”, s’exaspère Djanaibi, l’aide-soignant. “On sait comment ça se passe, ils vont traverser la campagne, s’affronter là-haut et puis les gendarmes vont intervenir, du coup ils vont tous se replier ici et c’est nous qui allons payer”, soutient-il. Le scénario est écrit, et personne ne semble pouvoir l’arrêter. Chaque heure de calme qui passe à Koungou rapproche de la violence. “Et les vacances ne vont rien arranger, maintenant ils n’ont plus que ça à faire !”

Miss Mayotte : “Je voudrais que les gens retiennent un côté positif de Mayotte”

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Dernière ligne droite pour Eva Labourdere. Du haut de ses 20  ans, la Mahoraise représentera son île demain soir, lors de l’élection de Miss France  2020, retransmise en direct depuis le Dôme de Marseille. Une belle occasion de mettre le territoire sous le feu des projecteurs et peutêtre, de faire mieux qu’Esthel Née, 3ème dauphine de Miss France 2009, la meilleure place jamais gagnée par une femme de l’île à ce concours.

Mayotte Hebdo : Comment vous sentez-vous à la veille de l’élection ?

Eva Labourdere : La pression monte et en même temps j’ai vraiment hâte de monter sur scène. On a répété pendant plusieurs semaines alors on a envie de montrer ce qu’on peut donner ! Participer à Miss France, c’est un rêve de petite fille. Ça fait peut-être un peu banal, mais c’est le cas. J’ai poursuivi ce fameux rêve avec cette même magie d’enfant et je profite vraiment de l’instant présent avec toutes les candidates et finalement je n’ai eu aucun coup de mou !

M.H : Que voudriez-vous que le public métropolitain découvre de Mayotte à travers ce concours ?

E.L : C’est une question que l’on m’a posée lors des présélections ! Je voudrais vraiment que les gens retiennent un côté positif de Mayotte, je m’explique : quand on parle de Mayotte dans les médias, on parle de délinquance, de pollution, et c’est une vision négative que j’aimerais enlever. Mayotte a plein de bons côtés, comme son environnement. On a l’un des plus beaux lagons au monde et j’aimerais le faire découvrir à la métropole et au monde entier. On a une culture et une tradition propres à nous-mêmes, qui sont merveilleuses et qu’on peut également faire partager. C’est ces côtés-là que j’aimerais plutôt montrer.

M.H : Justement, l’environnement est un sujet sur lequel vous êtes particulièrement engagée. Pourquoi et comment ?

E.L : Je suis marraine de l’association Yes We Can Nette. C’est moi qui les ai démarchés parce que je trouvais qu’ils avaient vraiment des projets et de vraies actions bien mis en place à Mayotte, que ce soit au niveau de la lutte contre les lavages en rivière ou de leur épicerie écosolidaire. C’est quelque chose qui me correspond et que je voulais mettre en avant. Mon intérêt pour l’environnement est venu avec le temps, parce que je reviens ici régulièrement et j’ai vu notre toute petite île se dégrader. Alors forcément, ça me touche et j’ai envie de faire quelque chose.

M.H : Vous êtes également très sensible à la question de l’éducation…

E.L  : C’est un aspect humain, personnel. Dans la société d’aujourd’hui, on est très individualistes et une Miss France se doit d’être ouverte d’esprit, de partager, d’être communicative. C’est une valeur morale que je tiens vraiment à mettre en avant en participant à ce concours. Si j’avais un message à faire passer aux enfants et aux jeunes de Mayotte, c’est de croire en eux, de continuer leurs études même si on a tendance à les délaisser. Il faut être respectueux, mais ça, je ne trouve pas que ce soit un souci à Mayotte où on respecte souvent ses aînés. Il faut ne rien avoir à se reprocher et croire en ses rêves ! Je crois en ces jeunes, mais il faut les aiguiller, c’est indéniable. Pour cela, je pense que c’est important pour un enfant de s’épanouir en pratiquant une activité sportive par exemple. Ici, il n’y a pas beaucoup d’activités extrascolaires, alors ça serait un premier point s’il fallait faire quelque chose. Avoir une activité sportive ou autre peut leur permettre de se découvrir et de se dépasser. C’est très important pour un enfant, je pratique moi-même le tennis depuis toute petite et ça m’a énormément apporté. La bibliothèque est aussi une piste, il n’y a pas assez de sorties dans la bibliothèque de Cavani, on n’apprend pas aux jeunes à aimer la lecture. Après Miss France, j’ai moi-même prévu d’organiser des cours de lecture pour pousser l’imagination un peu plus loin.

M.H : Justement, dans votre imaginaire à vous, que représente la femme mahoraise ?

E.L : C’est une femme moderne, une femme d’aujourd’hui. Elle revisite son salouva, elle met des talons. Elle part travailler, ou non, mais c’est surtout une femme libre. On est un territoire musulman, mais ça ne nous empêche pas d’être des femmes indépendantes. Dans l’ensemble, on est libre de faire ce qu’on veut. La preuve : je suis une femme mahoraise, je fais partie du lot, et je participe à un concours de beauté…

M.H : Samedi, allons-nous vous voir défiler en salouva ?

E.L : Le costume régional fait un peu polémique. Pour éclaircir ce point, il a pour but de mettre en avant la tradition, la gastronomie ou un objet propre à Mayotte. Pour mon costume, nous avons choisi de mettre en avant le chapeau de Sada et le raphia, qui est très utilisé à Mayotte, pour beaucoup de choses. Je trouve pour ma part que ce n’est pas toujours nécessaire de mettre en avant le salouva, parce qu’on peut représenter Mayotte sous toutes ses formes, alors mon costume sera fait de raphia et de couleurs chaudes. Pour des questions de règles, je ne pourrai pas porter de chapeau parce qu’il cache le visage, donc on a mis une sorte de bibi sur le côté, et c’est ma maman qui a fait le costume régional avec des couturiers locaux, donc c’est une immense fierté de le porter !

M.H : Il y a quelques jours, l’élection de la Sud-africaine Zozibini Tunzi en tant que Miss Univers marquait les esprits. Selon vous, comment les femmes noires et métissées sont-elles aujourd’hui représentées dans les concours de beauté ?

E.L : Elles sont mises en avant ! C’est fini le temps du racisme et de la discrimination. Plus que la couleur de peau, c’est la personnalité qui parle et cette Miss Univers a une personnalité, une prestance, un charisme… Pour moi c’était presque une évidence, même si Maëva Coucke a tout déchiré et qu’elle le méritait aussi. Quand on regarde les 30 candidates à Miss France, on est toutes comme on a envie d’être, avec les cheveux bouclés ou lisses, crépus ou non. Une Miss Univers noire, avec les cheveux courts vient d’être élue, alors peut-être que la prochaine Miss France sera métisse !

Bloqueurs de route à Majicavo: Un nouveau dispositif bientôt en place

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Les jours se suivent, et les barrages érigés par des jeunes autour de Koungou aussi. Lundi soir, ils ont ainsi été une vingtaine à bloquer la route pendant plusieurs heures, alors que la veille un évènement similaire avait lieu à Trévani. En réaction à ce phénomène presque quotidien, la gendarmerie a annoncé déployer un nouveau dispositif « plus offensif ».

C’est un barrage érigé par une vingtaine de jeunes qui a bloqué la circulation lundi soir pendant plus de deux heures à Majicavo Koropa. Alertés par plusieurs appels de riverains inquiets, les gendarmes de la brigade de Koungou, une fois arrivée sur place, ont été « pris à partie par des jets de pierres », témoigne le lieutenant-colonel François Bisquert. L’équipe a ainsi été contrainte de se replier en attendant un renfort de la gendarmerie mobile. « Après quoi le barrage a pu être défait grâce à des tirs de gaz lacrymogène ». Durant les échauffourées, une gendarme a reçu un projectile au niveau du pied, mais sans gravité. Aucun bloqueur de route n’a pu être interpellé, a confirmé la gendarmerie. « C’est toujours pareil sur ce genre d’interventions », déplore encore François Bisquert. « C’est le jeu du chat et de la souris : dès qu’on sort les lacrymogènes ils disparaissent dans les banga ».

Déjà dimanche soir, le même scénario se jouait à Trévani, où 13 grenades lacrymogènes ont été nécessaires pour disperser les jeunes qui barraient la route – alors même que le département était placé en alerte rouge à l’approche du cyclone Belna – et qui ont au passage grièvement blessé par jet de pierre un gendarme mobile au visage. En réaction, la gendarmerie et la préfecture ont annoncé s’engager « dans les jours à venir » dans une nouvelle dynamique de gestion de l’ordre public, « plus offensive » selon les mots du général Philippe Leclercq. « De façon quasi quotidienne, on observe une succession de troubles à l’ordre public générés par des bandes d’adolescents pour agresser des militaires à coups de pierre sur la commune de Koungou et ses villages associés », regrette la gendarmerie.

Enfin, concernant l’axe Majicavo-Koungou, où les bus scolaires faisaient eux aussi très régulièrement l’objet de jets de pierre au mois d’octobre dernier, « la situation est complètement sous-contrôle », assure Philippe Leclercq, « même si à Mayotte il ne faut jamais crier victoire trop tôt ». Les gendarmes déployés en renfort sur ce tronçon y seront encore présents au retour des vacances de noël.

Vers une fourrière pour les animaux errants à Mamoudzou

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La ville de Mamoudzou a récemment publié un appel d’offre concernant la gestion d’une fourrière animale. Entre les chiens errants, maltraités, utilisés pour les combats, ou comme arme par destination, cette avancée s’attaque à un problème de taille longtemps délaissé par les pouvoirs publics, et pas seulement dans le chef-lieu du département.

« Le concessionnaire s’engage à assurer 7 jours sur 7 la capture et l’accueil des animaux perdus, abandonnés, trouvés blessés ou errants ». Au travers d’un appel d’offre publié cette semaine, la ville de Mamoudzou s’attaque à une problématique incontournable pour les administrés, comme pour les canidés. « Ces derniers temps, nous avons eu plusieurs remontées concernant des divagations de chiens, parfois accompagnés par des groupes d’individus qui les utilisent comme des armes par destination », justifie Eric zubert directeur de la prévention de la sécurité urbaine de la ville de Mamoudzou. Tout en évoquant également « une présence problématiques d’autres animaux sur la voie publique, comme des ovins ou des bovins », l’homme rappelle qu’il s’agit « d’un dossier initié par [son] prédécesseur sur lequel il fallait agir rapidement ». Une concrétisation aujourd’hui rendue possible grâce à la pression exercée par le monde associatif, à commencer par l’association Gueules d’amour. « Cela fait trois ans que je réclame à la ville de Mamoudzou de se saisir de cette problématique », martèle Tyler biasini Rossi président de l’association. L’ouverture de la fourrière en janvier 2020 est donc perçue comme une petite victoire.

Du point de vue législatif, c’est en effet au maire de la commune que revient la responsabilité de cette problématique. Malheureusement, « plus de la moitié des communes de l’île ne sont pas encore conventionnées avec notre association », déplore le président de Gueules d’amour, qui demeure l’une des rares structures à posséder les capacités nécessaires pour gérer ce dossier épineux.

Un phénomène lié à la délinquence

Selon les estimations, le nombre de chiens errants sur le département se comprendrait entre 15 000 et 30 000. Problème « Il s’agit d’estimations qui ont vieillies. Je ne pourrais pas estimer avec précision le nombre aujourd’hui, mais je vois tous les jours des chiens et des chats abandonnés et mutilés. Étant présent sur le territoire depuis 2013, je dirais que leur nombre a potentiellement doublé », analyse Tyler biasini Rossi. Autre point préoccupant, la question des chats errants dont le nombre était estimé à quelque 100 000 en 2015. Un phénomène dangereux, notamment pour les espèces d’oiseaux endémiques dont les chats n’hésitent pas à grimper jusque dans les nids.

Depuis presque 10 ans, Gueules d’amour a récupéré et sauvé plus d’un millier de chiens et chats. Sur leur terrain de quelque 7500 m² situé à Ongojou, les bénévoles et salariés de l’association exercent un travail incontournable en l’absence d’une véritable gestion du problème par les pouvoirs publics. « Nous sommes sur une moyenne de 30 nouveaux chiens adoptés chaque mois. Nous envoyons également entre 70 et 100 animaux par an dans des associations en métropole lorsque nous n’arrivons pas à les faire adopter ici », dénombre-t-il.

Et les autres communes ?

Pour le professionnel, la question des chiens errants est « directement liée au problème de la délinquance ». « Nous sommes face à des jeunes désœuvrés qui n’ont aucun but dans la vie. Ils prennent les chiens pour passer le temps ou leurs nerfs, faire des combats ou racketter des gens. Il y a moins d’un mois, nous avons mis la main sur un chenil illégal caché en pleine campagne à Bandrélé. Les chiens étaient mutilés et préparés au combat. Aujourd’hui, nous avons pu les prendre en charge », explique-t-il.
Si la ville de Mamoudzou se saisit du problème, celui-ci se doit désormais d’être pris aux sérieux par l’ensemble des communes. En l’absence de partenariat conclu avec Gueules d’amour, les solutions de rechange ne permettent guère d’endiguer le phénomène sur le long terme. « Jusqu’à aujourd’hui, le problème était réglé était géré au cas par cas, de façon aléatoire, sans que les choses soient formalisées ou contractualisées. Il n’avait pas de vision sur le long terme, ni d’action préventive », rappelle le directeur de la prévention de la sécurité urbaine de la ville de Mamoudzou. À défaut d’autres alternatives, l’euthanasie demeure ainsi une solution de dernier recours. Un procédé aussi radical que regrettable, dès lors qu’il s’agit d’animaux déjà victimes de traitement inhumains.

 

 

La police mahoraise sur le podium

Le policier Pierrick Richard du commissariat de Mamoudzou a récemment décroché la médaille d’argent du championnat national de karaté police nationale. Un titre conséquent pour cet enquêteur particulièrement investi dans la vie associative mahoraise. Portrait.

La police Mahoraise brille en métropole. Le 7 novembre, l’enquêteur officier de police judiciaire Pierrick Richard s’est hissé à la deuxième position du championnat national de karaté police nationale. « C’est la concrétisation de beaucoup de travail avec des entraînements dès 5h du matin, pendant la pause de midi alors que les collègues vont manger, les weekend alors que les autres vont à la plage, etc… C’est un sacrifice volontaire réalisé avec le soutien de mes collègues et de ma famille », se réjouit-il avec fierté. Une récompense qui honore également le département « sur le podium le directeur technique national a bien précisé que je venais de Mayotte. C’est un honneur », se souvient-il.

Sport et police

Originaire de Guyane, Pierrick Richard découvre le karaté à 6 ans au club Seyroku Samouraï. Il y décroche sa ceinture noire et son diplôme d’instructeur fédéral. Déjà à l’époque, sa pratique du sport reste liée à attachement à la police. « Mon père et mon grand-père étaient gendarmes. Mes entraîneurs étaient officiers de police. Ils m’ont transmis un sens de la discipline, du respect, et de l’humilité », rembobine-t-il. En 2002, il rentre à l’école de police pour retourner par la suite dans son département d’origine. Passé par la BAC et les stups, le gaillard est muté à Mayotte en juillet 2016 pour rejoindre la BAC avant de devenir enquêteur. « Le karaté est un plus dans mon travail. Pas forcément en termes de combat mais de gestion du stress et situations de tension. Sur une interpellation, les gestes techniques se font avec de la facilité dès lors qu’il s’agit de maîtriser un individu. Ça aide énormément », explique-t-il.

Débarqué dans le plus jeune département de France Pierrick Richard n’oublie pas sa passion pour le karaté et garde à cœur de la transmettre à la jeunesse. « En 2017, j’ai rencontré Alain Descatoire qui partage la même passion pour le karaté. Nous avons créé le M’Gombani Fudoshinkai où je suis aujourd’hui entraîneur et vice-président », un investissement sportif qui porte en lui un espoir de cohésion sociale : « Un jeune qui fait du sport, c’est un jeune qui ne fait pas de conneries. Sachant qu’à Mayotte la délinquance est essentiellement juvénile, si on arrive à occuper un jeune c’est déjà une victoire », explique-t-il. Aujourd’hui, le club compte quelque 50 licenciés. Une belle réussite alors que le vice-champion s’apprête à quitter Mayotte d’ici juin 2020 pour des raisons professionnelles. « Je suis bien à Mayotte », insiste-t-il en ne cachant pas sa fierté d’avoir « apporté ma pierre au développement du territoire sur les plans professionnels et associatifs ».

Si le vice-champion reconnaît que « les compétitions sportives internes à la police sont méconnus », son titre revêt d’une fierté autant sur le plan sportif que personnel. « Le niveau est très élevé. Ce n’était pas ma première compétition car j’ai déjà remporté quelques titres en Guyane et à Mayotte. Mais j’avais quand même la pression, comme tout compétiteur ». Pour atteindre son objectif, l’homme a dû s’entraîner seul, tout en cherchant lui-même des sponsors afin de payer le déplacement et les équipements sportifs. « Une personne a beaucoup compté : Abdallah Djaha Salime, directeur de la société Transports Salim en Petite-Terre. Sans lui, rien n’aurait été possible car l’administration n’a pu me prendre en charge financièrement. Je le remercie infiniment ». Un soutien de taille, qui permet aujourd’hui au sportif d’honorer le département et son corps de métier dans lequel il s’investit avec dévouement.

« J’ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée »

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À 25 ans, Naima* est maman d’un garçon de dix ans. Ayant arrêté l’école au collège après sa grossesse, l’habitante de Trévani, originaire de Koungou, n’a jamais travaillé. Les écueils de la vie l’ont mené petit à petit à se prostituer durant quelques années pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Depuis un peu plus d’un an, Naima a pris un nouveau tournant : elle ne fréquente plus ses clients et suit une formation professionnalisante dans l’espoir de trouver rapidement un emploi. 

 Mayotte Hebdo : Dans quel environnement social avez-vous évolué ? 

Naima : Je suis née dans une famille modeste de cinq enfants. Nous avons toujours vécu avec très peu de moyens, mais mon père qui travaillait dans les champs a toujours pu nous nourrir. J’ai toujours aidé mes parents. J’allais à la campagne avec mon père et au marché avec ma mère pour revendre les fruits et les légumes. Je n’ai pas vraiment eu d’éducation religieuse. Ma grand-mère faisait la prière, ma mère aussi, mais pas mon père. Moi je crois en Dieu, mais ne suis pas pratiquante. 

MH : Comment en êtes-vous arrivée à la prostitution ? 

N : J’ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée. Pour moi, ce que je faisais n’était pas de la prostitution. J’étais plus une maîtresse. Je ne pensais pas en arriver là. J’étais dans une période triste de ma vie. J’avais arrêté l’école, je venais d’avoir un enfant. Avec ma famille on vivait difficilement. Mon père, qui est vieux, n’allait plus à la campagne. Avec un bébé c’était encore plus compliqué. Un enfant rend heureux, mais il faut s’en occuper. Des fois je n’avais pas de couches. Je donnais à manger à mon enfant et préférais me sacrifier. Mon grand-frère travaille, mais ne peut pas nourrir toute la famille. Je voulais trouver une solution et ne pas embêter mes parents. La plus facile c’était celle-là. C’est des amies à moi qui me disaient que de temps en temps des hommes leur donnaient des sous en échange de « quelques caresses ». Je pensais que ce n’était rien. 

MH : Quelle est la définition d’une « prostituée » selon vous ? 

N : Pour moi, une prostituée c’est une fille qui « fait la pute ». Elle vend son corps. C’est ce qu’on dit aussi dans nos villages. Dans notre tradition c’est ça. Les filles qui font ça sont très mal vues et c’est humiliant pour les familles. Ici, tu ne peux pas faire la pute ouvertement. Ça ne passe pas. 

MH: Qui étaient vos clients ? 

N : C’était tout le monde. Tous ceux qui pouvaient me donner de l’argent. Une fois, j’ai même eu un jeune homme qui voulait être dépucelé. « Faire de lui un homme », il m’avait dit en shimaoré. C’est une amie qui l’avait dirigé vers moi. Il m’avait donné 100 euros. C’est sa famille qui l’avait envoyé pour le préparer à une vie « d’homme », ne le voyant jamais avec une fille. Des fois c’était des relations rapides avec un homme de passage, je pouvais avoir 50 euros, des fois 20. Je prenais vraiment ce que je pouvais avoir. Je n’avais pas de clients tous les jours, alors je ne pouvais pas me permettre de ne rien prendre du tout. 

MH : Pourquoi ne jamais avoir fixé de tarifs ? 

N : Je n’ai jamais donné de tarifs aux hommes qui venaient me voir parce que je sais qu’on ne m’aurait jamais donné le montant exact. Je prenais ce qu’on me donnait parce que j’avais besoin d’argent, c’est tout. Une fois que tu commences, tu es embarquée dans ce monde. Tu ne peux plus t’arrêter, c’est de l’argent facile et il faut nourrir ton enfant et aussi aider ta famille. Même si ce n’était pas beaucoup, 50 euros en une journée me permettait d’acheter à manger pour la semaine. Je n’étais pas régulière. J’avais des clients de temps en temps. C’est peut-être pour ça aussi que je ne me considérais pas comme une prostituée. 

MH : Où et comment se déroulait la prise de rendez-vous ? 

N : Ça pouvait être n’importe où, surtout dans les coins de Koungou et Trévani. Dans un buisson au milieu de la nuit, à l’intérieur ou derrière une voiture en soirée. Je n’ai jamais été chez le client. C’était toujours la nuit, car la journée je me faisais discrète et j’étais avec mon fils. Il y a toujours quelqu’un qui te prévient quand il y a un client. Généralement, c’était des amis ou la famille des clients. On nous mettait en contact. Les hommes mariés m’appelaient sur mon téléphone, les autres, eux, n’avaient pas de formalités particulières. Je recevais un appel et sortais de chez moi pour retrouver le client. 

MH : Avez-vous songé à trouver une aide financière de manière différente ? 

N : Aujourd’hui, j’ai honte de dire ça, mais je n’ai pas cherché loin. Je n’ai pas voulu continuer à aller dans les champs, à galérer. Les gens t’aident des fois en te donnant quelques trucs, mais ils ne peuvent pas t’aider toute ta vie. Je voulais de l’argent sur le moment. Se former, tout ça, ça prend beaucoup de temps. Après, il faut espérer trouver un boulot. Je n’avais pas le temps pour tout ça moi. 

MH : Avez-vous déjà été en danger ? 

N : Non. Mes clients ne m’ont jamais frappée. Je faisais ce qu’on me disait de faire sans réfléchir. Ils étaient juste là pour s’amuser avec moi et repartir. J’ai souvent eu les mêmes clients. Je les connaissais. Ma seule peur était d’attraper des maladies. Durant mes cinq années de prostitution, il m’est arrivé d’avoir des rapports non protégés. Sur les conseils d’une amie, j’allais voir une gynécologue à l’hôpital de temps en temps pour être sûre que tout allait bien. 

MH : Votre famille est-elle au courant de votre ancienne activité ? 

N : Non et je ne veux pas qu’elle sache ce que j’ai fait. J’ai des grandes sœurs, mariées et avec des enfants. Mon grand-frère serait déçu aussi. Peut-être qu’on ne voudrait plus de moi à la maison. Je serai la honte de la famille si ça se savait. 

MH : Comment vivre avec ce lourd secret au quotidien ? 

N : Le plus dur c’était de faire comme si je ne connaissais pas les hommes quand je les croisais dans la rue. Je mentais aussi à ma famille, en leur disant que j’avais eu des sous en allant vendre des fruits aux marchands, ou bien que j’avais aidé une amie dans des travaux. Je n’étais pas la même à la maison que le soir avec les clients. Une fois à la maison avec ma famille, j’oubliais tout de ce que je faisais la nuit. J’étais une autre personne. 

MH : Quel a été le déclic pour mettre fin à votre activité ? 

N : La seule fois où je me suis absentée avec un client dans la journée, c’était pour un rapport de 10 minutes, j’ai retrouvé mon fils blessé en revenant. Il était encore petit et venait de se réveiller de sa sieste. Il s’est blessé en tombant et avait la bouche en sang. J’ai eu très peur quand j’ai vu tout ça. Je me suis dit que je ne laisserai plus jamais seul. J’ai pris les sous que j’avais et l’ai emmené à l’hôpital. On lui a recousu la lèvre. 

MH : Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ? 

N : J’ai honte. Parce que j’étais perdue. Je ne me rendais pas compte et j’ai mis du temps à réaliser ce que je faisais. Je regrette parce que je n’ai pas écouté ce que nous disent nos aînés, de vivre avec sa famille et de s’accrocher à nos traditions. Ça fait bientôt un an, que je n’ai plus personne qui vient me voir pour des faveurs sexuelles. J’ai encore des fois quelques difficultés, mais je ne veux plus d’argent sale. 

MH: Comment vous reconstruisez-vous ? 

N : Pour aller mieux, il faudrait que je déménage. Que je quitte Mayotte. La maison, le village, tout me rappelle de mauvais souvenirs. Je veux partir d’ici et construire une nouvelle vie avec mon fils. 

Aller dans un village où personne ne me connaît et où je pourrai travailler loyalement. En attendant ce jour, si Dieu le veut, je reste avec ma famille. Je les aide comme je peux et passe beaucoup de temps avec mon fils. J’ai commencé une formation, j’espère que la suite se passera bien. 

MH : Avez-vous consulté une association, un psychologue ou même parlé à quelqu’un pour un suivi, pour vous aider ? 

N : Non, je n’ai jamais pensé à aller voir un psychologue. Quand ça ne va pas, chez nous on passe d’abord par des cérémonies au village. Les plus croyants demandent de l’aide à Dieu. Les autres, les membres de ta famille, te diront qu’on « t’a fait quelque chose », c’est à dire jeter un mauvais sort pour que je devienne une prostituée. Je préfère m’en sortir seule. Parler avec vous, dans le journal, c’est déjà beaucoup pour moi. 

MH : Quel conseil donneriez-vous pour lutter contre la prostitution ? 

N : Je dirais aux jeunes, aux jeunes femmes surtout, de ne jamais faire ce que moi j’ai fait. J’ai beaucoup souffert psychologiquement et souffre encore aujourd’hui. J’ai très honte. Peut-être que j’en souffrirai toute ma vie. Je regrette et ne souhaite à personne de vivre ça. Il faut qu’elles aillent à l’école et qu’elles finissent leurs études pour trouver un travail et s’en sortir. Ne jamais jouer avec son corps. Après, on ne se reconnaît plus, on est détruites. 

 

Déni de racolage

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À Mayotte, la prostitution reste un sujet tabou. Prises au piège d’une conjoncture socioéconomique difficile, certaines femmes vendent leur corps et proposent des faveurs sexuelles en échange d’argent ou de matériel. Mais, rattrapées par les morales traditionnelles et religieuses, elles ne se reconnaissent pas pour autant comme des prostituées.

« Il n’y a pas de prostituées ici, on est juste là pour les sous », rectifie d’emblée Salinata*, rencontrée un soir de semaine à l’amphidrome de Mamoudzou. Une poignée d’hommes qui se tient à quelques mètres vient pourtant de la désigner ainsi, sans équivoque. « Oui, elles, ce sont des prostituées, elles sont là tous les soirs », confirme l’un d’entre eux dans un léger sourire, pointant le groupe de femmes qui l’entoure, sans détailler davantage. En effet, à voir la population qui stationne sur ce terrain en travaux, à peine éclairé par la lumière faiblarde de quelques réverbères et les phares des engins de chantier des ouvriers d’une entreprise du BTP qui s’activent à proximité, la question peut se poser. Le site est pourtant réputé pour être un point de rendez-vous quotidien de la prostitution à Mayotte. Mais le racolage y est nettement plus discret qu’ailleurs : l’amphidrome de Mamoudzou n’est pas le bois de Boulogne.

Postée entre deux voitures garées le long de l’embarcadère, Salinata attend les clients. Sa tenue ne laisse rien deviner de son activité : un legging et un tee-shirt ample recouverts d’un long kishali rose qu’elle maintient d’une main crispée juste au-dessous des paupières inférieures, n’offrant rien de plus à voir de son corps qu’une silhouette trouble et des sourcils froncés. Immédiatement chapitrée en langue locale par d’autres jeunes femmes – le visage, là aussi, soigneusement dissimulé – qui lui demandent de ne pas s’adresser à des journalistes, elle prend la fuite dès que nous l’approchons, et s’éloigne presque en courant de l’autre côté du parking. À faible allure, une camionnette de police fait irruption sur le terrain, passe devant les filles sans s’arrêter avant de se diriger vers le stop en direction de Kawéni.

Clients, passants, proxénètes ?

À intervalle régulier, une voiture s’arrête pour déposer ou embarquer une ou deux de ces femmes au visage entièrement voilé. L’une d’entre elles, en sortant, échange quelques mots en shimaoré avec un petit homme à casquette d’une cinquantaine d’années. « Vous les connaissez, ces dames ? », lui demande-t-on. « Non, non je ne les connais pas », répond-il, quand bien même tout dans son comportement et dans l’échange qu’il vient d’avoir, indique le contraire. Client, passant ou proxénète ? Autant de questions qui resteront sans réponse ce jeudi soir. « Vous pensez qu’elles seraient d’accord pour raconter leur histoire ? C’est anonyme. Nous ne voulons pas leur créer de problèmes ». Puis, après un moment de latence : « Je ne suis pas sûr qu’elles voudront parler », puis : « Je ne pense pas que je veux qu’elles parlent ». Et enfin : « Vous voulez quoi, que ça s’arrête, ce qu’il se passe là ? » Le mystérieux quinquagénaire ira finalement poser la question directement aux filles, sans plus de succès. Elles étaient une demi-douzaine, ce jeudi soir. Certaines errant nonchalamment entre les voitures tout en bavardant, tandis que d’autres partaient dans les véhicules d’inconnus pour revenir quelques minutes plus tard. Aucune d’entre elles n’a souhaité raconter son histoire. Après

plusieurs tentatives d’approche infructueuses, l’une des plus farouches finira par nous demander de quitter les lieux, lançant des invectives et exigeant « le respect » car « ici, il n’y a pas de prostituées ». Dont acte.

« En parler oui, mais pas seule »

Pour autant, certaines en conviennent et ne s’embarrassent pas de formules alambiquées pour éviter de prononcer le mot interdit. Dans une rue quelques encablures de l’amphidrome, nous reconnaissons un autre groupe de trois femmes, dont Claudia* avec qui nous avons pu échanger en amont. La quarantaine bien avancée, elle est arrivée de Madagascar il y a 22 ans. Elle assume, sans honte ni fierté, elle est « prostituée ». Un moyen auquel cette mère célibataire a recours avant tout pour subvenir aux besoins de son fils. « La vie est dure maintenant à Mayotte. Avant, quand je venais d’arriver, ce n’était pas comme ça », se souvient-elle. Claudia se positionne généralement au niveau de la BFC de Mamoudzou à des heures tardives. En souhaitant s’entretenir plus longuement avec elle au sujet de son activité, elle rechigne pourtant : « C’est vrai, je suis une prostituée, mais je ne suis pas la seule », explique-t-elle, en faisant référence à celles de l’amphidrome. « Je veux bien en parler, oui, mais pas seule ». Claudia ne comprend pas le silence de ses « collègues ».

D’autant plus que d’autres, souvent plus jeunes et originaires de Madagascar, sont bien visibles. Des femmes qui se positionnent sur les trottoirs, ou aux abords de certains ronds-points de la périphérie de Mamoudzou, les soirs de fin de semaine. En y regardant de plus près, l’automobiliste attentif peut observer à Mayotte des scènes qui rappellent les images d’Épinal de la prostitution métropolitaine. Juchées sur leurs hauts talons, elles arborent mini-jupes et maquillage outrancier, racolant ouvertement le passant, sans laisser place au doute. Bien loin des femmes voilées de l’amphidrome, dont la pudeur apparente semble plus en phase avec les codes d’une société traditionnelle où le poids de la religion contraint parfois à l’hypocrisie.

« Échanges économico-sexuels »

En matière de prostitution, plusieurs réalités se superposent. De même, celles (et ceux) qui la pratiquent n’ont pas un profil unique. Aussi, certaines ont-elles un toit, voire un emploi, même précaire, et peuvent être entourées malgré l’isolement dans lequel les place leur situation. Telles ces mères célibataires qui se livrent à des faveurs sexuelles afin d’arrondir leurs fins de mois et de subvenir aux besoins de la famille. Les mêmes qui refusent de se voir comme des prostituées et estiment plutôt se livrer à des « échanges économico-sexuels » de manière très anodine. Pour ces femmes, la sexualité se résume à un simple service, et non pas à une activité professionnelle à part entière.

C’est en tout cas ce qui ressort d’une étude menée conjointement avec l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (Ireps) à Mayotte en 2013, sur laquelle se fonde la déléguée régionale aux droits des femmes, Noera Moinaécha Mohamed. « Nous sommes arrivés à la conclusion qu’à l’époque, on était surtout sur des échanges économico-sexuels. Donc des personnes qui, parce qu’elles avaient besoin d’acheter un sac de riz pour se nourrir, acceptaient de se donner pour des faveurs sexuelles », explique-t-elle. Un phénomène de paiement en nature qui se poursuit encore

aujourd’hui, et n’est toujours pas assimilé, par ces femmes en grande précarité, à de la prostitution en tant que telle

Mais où sont passés les Maillots jaunes ?

Successeurs annoncés du dispositif “Gilets jaunes” et placés sous la responsabilité directe de la police nationale, les “Maillot jaunes” en poste depuis le début de l’année sillonnent les différents quartiers de la commune de Mamoudzou pour surveiller, assurer une présence et sensibiliser les jeunes.

Si nous les avons bien distingués sur les trottoirs durant la visite d’Emmanuel Macron, le programme semble moins fourni en effectif qu’à son lancement. Stéphane Cosseron, commandant de la direction départementale de la sécurité publique de Mayotte, et Thierry Lizola, brigadier en charge du bureau partenariat et prévention, tentent d’apporter des éléments de réponse sur ce qui ressemble à un essoufflement. 

Flash Infos : Durant la venue d’Emmanuel Macron, nous avons pu croiser une ribambelle de Maillots jaunes, notamment à la sortie de Kawéni. Cependant, en dehors de ce jour spécial, il est de plus en plus rare de les identifier dans les rues de Mamoudzou. Quelles en sont les raisons ?  

Stéphane Cosseron : Oui, objectivement, nous avons une baisse du nombre de citoyens volontaires. Je rappelle qu’il s’agit d’un travail bénévole, non rémunéré, donc nous ne pouvons pas les fidéliser. Les habitants font ce qu’ils veulent ! Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse. Déjà, il y a des obligations réglementaire assez strictes à respecter, liées au statut d’étranger en situation régulière, qui font que certaines personnes, du fait des particularismes de la délivrance des cartes de séjour à Mayotte, ne pouvaient plus participer à cette action. Certains ont trouvé un travail, d’autres se sont lassés, comme cela peut se retrouver chez les sapeurs-pompiers volontaires.  

Thierry Lizola : En termes d’effectif, une centaine de personnes sont sorties du dispositif sur les 240 citoyens volontaires. Pour 40 % d’entre eux, la raison de leur arrêt coïncide avec un départ en métropole ou à La Réunion ou encore à une reprise des études pour les plus jeunes. Pour les autres, des événements récents ont perturbé le fonctionnement. Les habitants ne savaient pas à qui ils avaient affaire et ont remis en cause leur légitimité. Et à force, ils ont fini par être fatigués de se faire interpeller. Heureusement, nous avons un noyau dur composé de 80 Maillots jaunes. Mais vous les voyez moins, car ils sont répartis sur l’ensemble des sept quartiers de Mamoudzou. 

FI : Y a-t-il une relation de cause à effet entre l’absence criante de Maillot jaunes sur le secteur de Doujani et les affrontements entre des groupes de jeunes et les forces de l’ordre de ces dernières semaines ? 

S. C. : Le fait qu’il n’y ait pas de citoyens volontaires dans le sud de la circonscription, notamment à Doujani, a engendré une recrudescence de la délinquance. Si des Maillots jaunes étaient sur place, cela aurait été plus difficile de mettre le feu à des poubelles. Les patrouilles de la police nationale ne peuvent pas mailler la zone de la même manière, c’est impossible ! À ce titre, il y a un rendu qui est énorme et un lien de cause à effet par rapport à la petite délinquance.

T. L. : Ce n’est pas parce qu’il y a des zones de sécurité prioritaire, comme Kawéni, que nous excluons les autres quartiers. Souvenez-vous, Kawéni était devenu un no man’s land de 2013 à 2016. Aujourd’hui, il y a une vraie accalmie qui permet d’aller bosser sans se faire agresser. Cette priorité-là a payé et nous arrivons à avoir une relative paix sociale. Pour Doujani, c’est peut-être une histoire de conjoncture. Mais une chose est sûre, avec ou sans Maillots jaunes, nous n’empêcherons jamais la création de mouvements sociaux. Sur ce secteur, nous travaillons de nouveau avec certaines associations, comme Espoir et réussite, les parents d’élèves du collège de Doujani, l’équipe de basket-ball, mais aussi les cadis locaux avec qui nous avons créé un véritable réseau. Un référent a été mis en place pour symboliser le dispositif. Beaucoup sont intéressés, à condition qu’il y ait des porteurs de projets, des têtes d’affiche !

Quand ces derniers nous quittent, comme cela a été le cas en juin dernier quand le programme a été attaqué, cela devient compliqué. Deux personnes grièvement blessées avaient dû être évasanées. Et quand la confiance s’évapore, le château de cartes s’écroule… 

FI : Cette baisse des effectifs peut-elle être synonyme de la fin du dispositif Maillots jaunes ? 

S. C. : C’est un dispositif que nous voudrions voir décoller à l’échelle nationale selon le ministère.

Mais ici à Mayotte, nous sommes plutôt bien lotis ! Il y a eu un travail de longue haleine et une coopération avec le bureau de partenariat et de prévention qui existe depuis 2016. Le but est d’avoir un maximum d’habitants, mais avec le cadre rigoureux, le nombre sera plafonné à 200. Sans cela, nous aurions beaucoup de monde, comme lors des Gilets jaunes. Si les gens ont des papiers en règle, ils sont insérés plus facilement, et fatalement ils peuvent difficilement être disponibles comme volontaire. En clair, si cela doit s’arrêter un jour, ce sera faute de combattants. 

T. L. : Des entreprises privées et les collectivités territoriales sollicitent la présence au quotidien de Maillots jaunes. Samedi dernier, pour la course des mamans, la mairie et les associations organisatrices nous ont demandé expressément des Maillots jaunes, des Services civiques et des réservistes civiques. Selon moi, il n’y a pas besoin d’avoir un nombre minimum de Maillots jaunes pour que le dispositif survive. Ceux qui restent sont en confiance, ils n’ont plus l’appréhension d’être en sous-nombre. Un seul Maillot jaune est déjà payant : il alerte, il protège, il secourt. C’est le rôle de base d’un citoyen ! Leur présence empêche l’action de petits larcins, mais ils ne sont jamais cités et valorisés. Pour y remédier, pourquoi ne pas créer un bulletin Maillot jaunes ? La limite de l’exercice est l’adhésion de la population. Si on veut monter en puissance, il va nous falloir de l’aide.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes