F.I. : L’île a donc vécu une saison des pluies 2022-2023 très sèche. Serait-il possible d’expliquer ce phénomène ?
F.B.H. : Normalement, pendant la saison des pluies, on a ce qu’on appelle un flux de Kashkazi. C‘est un vent qui arrive du nord-ouest, qui passe par les côtes africaines, se charge en pluie, puis arrive jusqu’à nous. C’est l’équivalent du phénomène de mousson en Inde. Le flux qui normalement nous amène la saison des pluies est resté au nord de Mayotte. Il a fait quelques petites incursions, mais sans plus. Ça a été une première raison qu’il n’y ait pas de pluie. On a vu aussi à l’échelle globale du climat que les différents dipôles qu’on peut mesurer dans les océans étaient sur des configurations qui sont des années plutôt sèches et ça s’est vérifié. Un facteur aggravant également, ce sont les plusieurs cycles qui sont passés sur la zone, plutôt au sud du canal du Mozambique. On n’était pas dans la zone des bandes spiralées périphériques, c’est-à-dire dans les zones où il pleut. Ces cyclones ont eu plutôt tendance à aspirer à eux toute l’humidité du canal et donc à assécher notre région. Il aurait fallu qu’ils soient un petit peu plus au nord pour nous apporter des pluies. On a donc été pénalisé par ces gros cyclones.
F.I. : Pourquoi cette année, il a moins plu au Nord que précédemment ?
F.B.H. : Classiquement en saison des pluies, comme le flux de Kashkazi arrive par le nord-ouest, il arrose pas mal le nord, donc toute la région de Combani et Dzoumogné, les zones habituellement les plus pluvieuses de l’île. Comme cette année, les pluies qui nous ont été apportées ne sont pas venues de ce flux, mais plutôt de phénomènes orageux venus de Madagascar, on a eu l’inverse. Les pluies ont eu tendance à rester sur la zone Mamoudzou, Petite-Terre et de Dembéni. C‘est là-bas que l’on a constaté qu’il y avait plus de pluie cette année, ce qui n’est pas une configuration classique.
F.I. : Est-ce que cette situation, d’un point de vue météorologique, est inquiétante ?
F.B.H. : D‘un point de vue météorologique, non, c’est un aléa classique du climat. Cependant, sur ses impacts, effectivement, le fait qu’on ait un déficit en termes de pluie, ça a un impact direct sur la disponibilité des ressources en eau. On constate cette année que les aquifères souterrains se sont moins rechargés, que les rivières sont déjà très basses pour un mois de juin, alors que normalement elles atteignent leur étiage plutôt vers août, septembre et au plus bas en octobre. Comme hydrologiquement parlant, même s’il se remet à beaucoup pleuvoir pour la prochaine saison des pluies, il va y avoir un retard au rechargement de tous ces aquifères. L’impact d’une sécheresse, elle se joue quand même souvent sur une échelle pluriannuelle. En revanche, d’un point de vue des enjeux de ressources en eau, là oui, c’est quand même un sujet de préoccupation. Mais aussi d’un point de vue des risques, parce que la terre est très sèche, donc les premières pluies vont probablement partir au lagon et ne pas forcément s’infiltrer. En termes de climat, il est fort probable que les années qui viennent soient des années totalement normales. Cependant, on a déjà des effets du changement climatique à Mayotte et on les mesure. Ce qu’on est en train de vivre, c’est probablement une situation qu’on revivra dans le futur, c’est-à-dire d’avoir une pénurie en eau si on n’arrive pas à s’adapter.
F.I. : Est-il possible de faire un point sur la pluviométrie depuis le début de l’année 2023 ?
F.B.H. : Si on regarde de janvier à juin 2023, on voit que sur le département, au plus bas, il a plu 600 millimètres à Pamandzi et au plus haut 916 mm sur le centre. Si on compare exactement la même carte l’année dernière, de janvier à juin, il avait déjà plu au minimum 900 mm à Pamandzi et au maximum 1.300 mm sur la zone de Combani. Donc, on a quand même là 400 millimètres de différence à peu près par poste pluviométrique.