La déchetterie mobile du Grand nord sera déployée samedi 27 avril, de 8h à midi, sur le point de vue Chifouni dans la commune de M’tsamboro, informe la communauté d’agglomération du Grand nord de Mayotte (Cagnm) ce jeudi. Quatre bennes seront positionnées afin de récupérer les déchets verts, encombrants, ferraille, déchets électroménagers et ampoules. L’apport des déchets est gratuit.
Journées portes ouvertes au RSMA les 4 et 5 mai
Le régiment du service militaire adapté de Mayotte (RSMA) ouvre ses portes les samedi 4 et dimanche 5 mai, de 8h à 17h au quartier de Hell, à Combani. Le public pourra alors découvrir gratuitement le régiment, ses missions, ses 22 filières de formation, visiter les plateaux pédagogiques et rencontrer les cadres ainsi que les volontaires du RSMA.
L’occasion aussi d’assister à des démonstrations dynamiques qui illustrent des savoir-faire de l’armée de Terre, de participer à des activités sportives et des jeux, comme une tombola pour gagner des lots. Les deux jours seront aussi rythmés de six concerts donnés par des artistes emblématiques de Mayotte : Dievil Genuis, 976 Kaira et Jah D One, Naid, Komo, M’toro Chamou et Socla Familia. Une centaine de stands permettra également de découvrir des associations et de l’artisanat local.
Un tournoi de basket-ball 3×3 au gymnase de M’gombani le 11 mai
Un premier tournoi de basket-ball 3 x 3 à Mayotte (appelé « le Big tournoi 3 x 3 ») aura lieu samedi 11 mai, à partir de 9h, au gymnase de M’gombani, à Mamoudzou. Il s’agit d’une variante qui se joue avec trois joueurs de chaque côté sur des matchs d’environ dix minutes. L’événement, organisé par le TCO Basket en collaboration avec la ligue régionale de basket-ball de Mayotte, est ouvert au public.
Les gagnants du tournoi, tant chez les filles que chez les garçons, auront l’opportunité de représenter Mayotte lors du prestigieux Run Ball qui se tiendra à La Réunion le 27 juin prochain.
Près de 16,5 % demandeurs d’emplois de moins sur un an
Le nombre de demandeurs d’emplois tenus de rechercher un emploi et sans activité (catégorie A) à Mayotte passe de 17.410 personnes au premier trimestre 2023 à 14.535 personnes à celui de 2024. La direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) constate ainsi une baisse de 6, 6 % (1.025 personnes en moins), dans sa publication de ce jeudi 25 avril.
Sur un an, à Mayotte, la baisse de demandeurs d’emplois tenus de rechercher un emploi et sans activité inscrits à France Travail (ex-Pôle Emploi) est de 16,5 %.
« Si j’avais vu le couteau, je serais parti, tu vois »
« La France et l’Europe ne doivent pas laisser les Mahorais seuls en première ligne »

Après des déplacements en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, et à La Réunion, Marine Tondelier, la secrétaire nationale du parti Europe Écologie Les Verts (EELV), était à Mayotte du 17 au 19 avril. Avec nous, elle revient sur sa visite, les enjeux d’immigration, les enjeux environnementaux, et les élections européennes qui se tiennent du 6 au 9 juin prochain.

Flash Infos : Il s’agit de votre première visite à Mayotte. Pourquoi était-il important pour vous de venir ?
Marine Tondelier : Il faut savoir que j’ai décidé, il y a quelques années, de ne plus prendre l’avion – car je n’en ai pas besoin dans ma vie quotidienne pour aller voir ma famille, contrairement aux habitants des îles, qui ont le droit de sortir de leur île. Je m’étais toujours dit qu’en tant que secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), si je devais reprendre l’avion, ce serait pour aller dans les territoires d’Outre-mer, pour aller écouter ses habitants. Je suis venue à Mayotte avec beaucoup d’humilité, c’est-à-dire que je n’allais pas descendre de l’avion en disant : « comme je viens d’arriver depuis dix minutes, je vais vous expliquer ce qu’il faut faire parce qu’évidemment, j’ai tout compris en lisant des notes dans l’avion » (Elle rit). Je venais pour me rendre compte par moi-même, pour échanger avec un maximum de personnes sur place et pour nouer des relations de travail, qu’on pourrait prolonger dans le temps. Parce qu’on n’est pas venus juste pour deux ou trois jours. Nous sommes venus sur le territoire pour commencer le travail au service de Mayotte, au service de celles et ceux qui voudraient travailler avec nous sur place, avec les gens qui voudraient par exemple rejoindre les Écologistes pour qu’on puisse avancer ensemble et avoir une vraie présence sur Mayotte, afin de défendre les habitants et leur cadre de vie.
F. I. : Comment votre visite s’est-elle déroulée ? Quels acteurs avez-vous rencontrés ?
M.T. : On a rencontré beaucoup de monde. Plusieurs associations environnementales comme Hawa Mayotte, Mayotte Nature Environnement et les Naturalistes. On a rencontré aussi des étudiants, les Jeunes Agriculteurs. Nous sommes allés au bidonville de Kawéni et à la maternité. On a rencontré des militants, on a vu Solidarité Mayotte et Mlezi Maore. En se baladant, on a aussi voulu discuter avec les gens qu’on croisait pour pas être enfermés dans un programme institutionnel.
F. I. : En mars, vous avez interpellé dans une lettre le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, sur la suppression du droit du sol. Que pensez-vous des différents projets de loi pour Mayotte qui vont être présentés début juillet au conseil des ministres ?
M. T. : Nous on considère que : soit Mayotte, ce n’est pas la France, soit Mayotte, c’est la France. Et c’est le cas aujourd’hui. Il n’y a pas à y avoir de droit dérogatoire. Les citoyens de Mayotte ne sont pas des citoyens de seconde zone. Il faut les aider et les accompagner dans leurs difficultés, qui sont réelles et notamment au sujet de l’immigration. On n’a pas des œillères, on ne dit pas que ça n’existe pas et que tout va bien. Mais on pense que la France et l’Europe doivent prendre leurs responsabilités, intervenir et ne pas laisser les Mahorais seuls en première ligne pour gérer ce problème. L’Europe doit prendre sa part. Il y a des choses que j’ai vu sur certains territoires d’Outre-mer, en particulier à Mayotte, que personne n’accepterait dans l’Hexagone. Donc il faut qu’on aide ce territoire. Je pense qu’il ne faut pas se tromper de problème. Quand les gens viennent à Mayotte, ce n’est pas une question de nationalité, mais de fuir la pauvreté aussi. Tant qu’il y aura cette différence de niveau de revenu entre Mayotte et les territoires voisins, les gens continueront de venir. Dire que changer tel article dans tel code va arrêter cette situation, c’est se moquer des gens. Ça ne règle pas le problème de fond. Deuxièmement, il y a d’autres exceptions que j’ai pu constater sur place qui sont intolérables. Le fait que le Smic soit 20 % moins élevé qu’en Hexagone, que tous les minima sociaux soient moins élevés, alors que quand on va au supermarché, tout est 30 % plus cher pour l’alimentation c’est incompréhensible. Évidemment qu’il faut un projet de loi sur Mayotte et des politiques urgentes. Mais j’ai l’impression, parfois, que tout le cinéma que fait Gérald Darmanin avec les mesures est contre-productif.
F. I. : Justement, l’année dernière, EELV avait condamné l’opération Wuambushu. C’est aussi le cas cette année ?
M.T. : Wuambushu, ou plutôt « place nette », c’est contre-productif, ça crée de la violence, ça crée de l’insécurité. Il n’y a pas plus de reconduites aux Comores qu’avant. Parce qu’évidemment, quand ils décasent, ils préviennent avant, donc les gens ne sont pas là. Ils détruisent juste des logements qui, certes, ne sont pas des logements de qualité, mais qui permettaient au moins à certaines personnes, et parfois même à des Mahorais, pas seulement des étrangers en situation irrégulière ou régulière, d’avoir un toit sur la tête. Un toit que l’État ne leur procure pas, alors que quand on est citoyen français, on a un droit au logement opposable. Et qu’est ce que fait l’État ? Il paye des bulldozers pour aller détruire leurs habitats de fortune. Alors qu’il y a une épidémie de choléra naissante, on disperse des gens sans eau potable, c’est irresponsable, cela met les gens en danger. C’est du cinéma. Normalement, au cinéma, quand il y a un film qui marche très bien, on fait le numéro deux. Là, Gérald Darmanin fait ça, mais avec Wuambushu 1 qui était loin d’être un succès.
F. I. : Face à une problématique environnementale qu’est la gestion de la ressource en eau, une usine de dessalement va être construite à Ironi Bé. Plusieurs associations environnementales ont dénoncé ce projet pour son impact sur le lagon, et dont le caractère urgent lui permet d’être dispensé de certaines procédures. En tant qu’écologiste, que pensez-vous de cette situation, réglant une problématique environnementale en en créant une autre ?
M. T. : Je vais commencer par dire que quand on est un être humain sur cette planète, on a droit à l’eau potable. Et aujourd’hui, à Mayotte, les 38.000 mètres cubes disponibles d’eau potable par jour, ça ne suffit pas. Donc moi, je peux vous dire comment on devrait faire pour un projet écologique idéal, ce que je peux aussi vous dire, c’est qu’évidemment, tout ça doit être mis au regard de l’impératif que chaque Mahorais ait un accès dans les plus brefs délais à une eau potable de qualité. La deuxième chose est que cela pose plusieurs questions, notamment sur l’impact du rejet de saumure. Je comprends le caractère d’urgence, mais je ne veux pas qu’on dise que comme c’est urgent, on va faire n’importe quoi, quitte à le regretter après. Si tous les poissons du lagon meurent, comment font les pêcheurs ? Si on continue avec les réseaux d’assainissement qui ne vont pas, les déchets qui ne sont pas gérés comme il le faudrait, à la fin, c’est l’île de Mayotte qui va être rendue inhabitable. Et l’habitabilité de l’île de Mayotte ne tient pas à cœur qu’aux écologistes. Donc il faut en prendre soin. Aussi, si vous ouvrez une usine de dessalement, qui fonctionne à l’électricité, que le réseau n’est pas près adéquat et que ça se traduit par des coupures pour la population, c’est aussi compliqué. Mais j’imagine évidemment que les autorités ont ces problématiques là en tête, je pense par contre que les décisions doivent être prises de manière transparente et éclairée avec les études nécessaires. Mayotte est le bien commun de tous ceux qui habitent cette île.
F. I. : La gestion de la crise de l’eau a montré un manque d’anticipation des pouvoirs publics, la collecte des déchets ne montre pas ses résultats à certains endroits… Comment demander à la population de s’investir quand les gestionnaires sur le territoire ne montrent pas toujours l’exemple ?
M. T. : C’est une question très juste. J’ai toujours été absolument en désaccord avec les politiques qui disent que les citoyens doivent faire ceci, doivent faire ça. « Il faut couper l’eau du robinet, il faut éteindre le wifi, il faut, il faut, il faut. » C’est vrai qu’il y a une responsabilité de chaque habitant de cette planète, mais la première responsabilité, est celle de la société dans son ensemble. Et est-ce que les pouvoirs publics organisent une société où il est possible, même, d’être écologiste, où ces comportements sont encouragés et valorisés, ou est-ce-que, comme c’est le cas aujourd’hui, les autorités elles-mêmes ne prennent pas leurs responsabilités ? Aujourd’hui, quand vous habitez à Mayotte, de fait, c’est compliqué. Et les autorités ont une lourde responsabilité dans la situation environnementale de Mayotte. Je ne parle pas que de la santé des petits oiseaux, mais de l’impact sur chaque habitant qui est incommodé par l’échec de l’assainissement, de la gestion des déchets et de leur impact sur l’environnement et sur la santé. Il y a la question des moyens qui sont mis par l’Etat sur ce département… Car si c’est un département comme les autres, alors on s’en occupe. Il faut une égalité, non pas juste une égalité de moyens donnés, mais une égalité réelle, c’est-à-dire qu’il y a des départements français où il faut mettre les bouchées doubles car on part de plus loin. Mais il faut aussi que ça suive localement. On le sait, tout est plus difficile sur une île et c’est pour cela qu’on ne peut pas laisser Mayotte et ses habitants livrés à eux-mêmes et être juste obsédé par les opérations comme « place nette » de Gérald Darmanin, qui se prend pour Walker Texas Ranger, en menant une grande opération de communication qui n’améliore pas le sort des habitants sur place. Je trouve ça très méprisant, en fait, comme attitude.
F. I. : Les élections européennes approchent. Qu’est-ce que des députés EELV au Parlement européen pourraient faire concrètement pour Mayotte ?
M. T. : D’abord, je veux dire que je n’aime pas le mot « outre-mer ». Parce que pour les habitants de Mayotte, l’outre-mer, c’est l’Hexagone, donc tout est très relatif. Et en Europe, c’est pire. En Europe, les territoires comme Mayotte sont appelés les régions ultrapériphériques. Nous, au parti Écologistes, on veut mettre les Outre-mer au cœur de l’Europe. Il faut en faire plus pour ces territoires que pour les autres, car on a une dette envers eux, je n’ai pas peur d’utiliser ce mot. Il faut être lucide et honnête là-dessus. Sur la question migratoire par exemple, je pense que l’Europe doit être beaucoup plus investie pour aider Mayotte. Ce n’est pas à Mayotte de supporter seule le fait d’être près des Comores et que vu le niveau de vie là-bas, les gens aient envie de venir.
Concernant l’agriculture, je trouve que le système n’est pas juste pour les Outre-mer. Car ce sont les plus gros agriculteurs qui ont beaucoup d’argent de ce système, les petits agriculteurs ont plus de mal à avoir des subventions. Pour nous les petits agriculteurs doivent être davantage aidés. Ce sont eux qui produisent ce que les Mahorais mangent tous les jours, et on en a besoin que les Mahorais mangent des produits cultivés à Mayotte parce que cela fait vivre les agriculteurs, ce sont des circuits courts et parce que c’est moins cher en évitant de payer l’octroi de mer et les marges de la grande distribution. Donc il faut vraiment aider les petits agriculteurs mahorais. C’est important et c’est ce pourquoi nous nous battrons au Parlement européen.
F. I. : Comment comptez-vous convaincre les Mahorais de voter pour les Écologistes aux européennes ? Sachant que le parti a fait de très faibles scores aux dernières élections (4,36% aux Européennes de 2019) et qu’il n’y a pas d’antenne EELV sur le territoire ?
M. T. : 71 % des habitants de Mayotte n’ont pas voté aux dernières élections européennes. Quand je vois comment l’Europe aujourd’hui, telle qu’elle est conçue, abandonne Mayotte, je ne peux que le comprendre. Ce qu’on dit, c’est que chaque bulletin vert mis dans l’urne le 9 juin, sera pour une certaine vision de l’Europe, plus juste, différente et renforcée. Nous, quand vous mettez un bulletin vert dans l’urne, c’est très cohérent. Vous savez pour quoi vous votez : pour des écologistes, que ce soit en France, en Allemagne, ou ailleurs en Europe. La semaine dernière, juste avant l’arrivée de Marine Le Pen à Mayotte, son allié d’extrême-droite allemand, l’AFD, a dit qu’il fallait restituer Mayotte aux Comores. Alors que Marine Le Pen dit « Mayotte c’est la France, c’est super ». Donc concernant les habitants de Mayotte qui vont mettre un bulletin pour Marine Le Pen dans l’urne, je me demande vraiment pour quoi ils vont voter, parce que cela enverra au Parlement européen des gens qui vont siéger dans un groupe où une partie dit « Mayotte c’est la France » et l’autre partie « Mayotte doit être restituées aux Comores ». Ça devrait les interroger.
Commémoration : « L’esclavage n’existe plus, mais il y a encore des stigmates qui trainent aujourd’hui »
L’esclavage à Mayotte est une période sombre qui a longtemps été niée, mais qui a bel et bien existé. L’historien Inssa de Nguizijou a contribué à faire connaître ce pan de l’histoire. Il a notamment écrit le livre « L’esclavage à Mayotte et dans sa région : du déni mémoriel à la réalité historique ». Dans le Mayotte Hebdo numéro 1086 et avant la journée de commémoration du 27 avril, il revient sur les faits et les détails de l’esclavage sur l’île.
Mayotte Hebdo : Comment l’esclavage est arrivé à Mayotte ?
Inssa de Nguizijou : On entend souvent dire qu’on peut dater l’esclavage du IX au Xème siècle à Mayotte, mais ce n’est pas vrai parce que la société qui s’est installée à Mayotte tout au long du Moyen-âge, n’a pas laissé de trace d’une quelconque organisation basée sur l’esclavage. En revanche, on retrouve des traces d’esclavagisme, d’inspiration orientale, lié à la mise en place des sociétés arabo-shiraziens en provenance du Moyen-Orient. Cela commence vers le début du XVIème siècle. On n’a pas de dates précises.
Tout au long de la côte Est africaine, les vagues de migrations venant de la Perse et du golfe arabo-persique vont s’installer avec leur système de valeur. Et parmi les valeurs il y a le travail. Une certaine caste considère que travailler la terre, travailler avec ses mains est un déshonneur. Ils vont donc importer des noirs du continent pour prendre en charge tout le travail manuel.
M.H. : Qui étaient les maîtres ?
I.de N. : Les maîtres étaient des Arabo-perses, ainsi que l’élite locale puisque lorsque les Arabo-perses arrivent à Mayotte, il y a déjà des sociétés installées. Le mode opératoire pour les intégrer est de se marier avec les classes dirigeantes de ces sociétés et de fonder une dynastie métisse. Il y a donc les arabes purs, leurs descendants et la caste des dirigeants qui étaient déjà sur place. Ils vont tous former la caste des « kabayla ».
M.H. : Comment était organisée la société ?
I.de N. : C’est une organisation pyramidale et féodale. Il y avait trois castes. En haut de la pyramide on avait les « kabayla », au milieu les « wa gwana », ce sont des personnes totalement libres qui représentent l’ancienne population trouvée sur place. Ils n’ont pas forcément intégré la caste supérieure mais ils sont restés libres dans leur manière de travailler et mener leur vie. Et à la base de cette pyramide il y a les esclaves qui sont majoritaires au sein du corps social. Ils travaillent pour les castes supérieures. On les appelle les « wa rumoi ».
M.H. : Aujourd’hui, la question de la caste est moins présente, mais on note tout de même une différence entre les personnes foncées et ceux qui sont clairs de peau. Comment expliquer cela ?
I.de N. : Oui, c’est une réalité. Les bourreaux ont inculqué aux victimes une manière de percevoir le monde et les couleurs de peau. L’épiderme a toujours un sens social. Plus on est foncé, plus on va nous renvoyer vers des origines serviles. Plus le teint est clair et plus on va nous renvoyer à des origines nobles, à un héritage de sang arabe. C’est un raccourci qui a été créé dans la tête. C’est le drame de la dépigmentation de la peau. Se débarrasser de la peau noire, c’est aller vers ces castes dites supérieures. L’esclavage n’existe plus, mais il y a encore des stigmates, des traumatismes que l’on traine aujourd’hui.
M.H. : On a tendance à dire que l’esclavage à Mayotte était « doux ». Est-ce vrai ?
I.de N. : Qu’est-ce qu’on considère comme douceur dans la servilité ? Il faut balayer cette affirmation et revenir aux faits. Pendant la période arabo-shirazienne et durant la période française de l’engagisme, il n’y a rien de doux dans la manière de conduire la vie des assujettis. On tend à dire que l’esclavage était « doux » car des personnes ont bénéficié de largesse dans l’affranchissement parce qu’elles étaient proches du maître. Et c’était plutôt les esclaves qui évoluaient dans le milieu urbain. Ceux qui vivaient à proximité du maître pouvaient bénéficier d’une certaine clémence relative. Mais dès qu’on s’éloigne du milieu urbain, on se rend compte que la dureté du travail n’est en rien douce. Les esclaves agricoles et marins avaient une vie très dure. Les esclaves femmes étaient assujetties sexuellement. Cette réalité n’a rien de doux. J’ai étudié la folie et le système esclavagiste était tellement oppresseur que certains sont devenus fous et folles. Ils le sont devenus à la suite du traitement qu’ils ont subi, parce qu’ils n’auraient pas été emmenés pour travailler s’ils étaient fous depuis chez eux.
M.H. : Quelle est la différence avec la période de l’engagisme et du colonialisme ?
I.de N. : Lorsque l’on s’intéresse à la période de la colonisation française, on s’aperçoit que durant l’engagisme c’est juridiquement une forme différente du travail, mais dans la réalité les personnes engagées deviennent des esclaves puisque dans leurs contrats il était précisé qu’on leur devait une rémunération en contrepartie de leur travail, mais dans la réalité elles n’étaient pas payées ou étaient payées très tardivement, c’est à dire dix à douze mois de retard de salaire. Dans ces cas-là, il y a une rupture du contrat de travail.
Il y a un autre aspect à prendre en compte, ce sont les humiliations et les mauvais traitements dans les plantations. On n’est pas loin de la réalité réunionnaise, guadeloupéenne de la condition des engagés. La question qui se pose est de savoir si on est dans l’engagisme ou toujours dans une forme d’esclavagisme qui ne dit pas son nom.
M.H. : Comment étaient organisés les quartiers dans les villes ?
I.de N. : Les villes murets, c’est-à-dire les médinas, représentent la ségrégation spatiale. Une médina appelle forcément à une interprétation sociale qui exclut un certain nombre de personnes. Les nobles, les commerçants, ceux qui possèdent le pouvoir politique, habitent dans la médina. La population servile vit en dehors. Ce schéma n’a pas changé aux Comores. L’exemple d’Anjouan est le plus parlant car les médinas existent encore ainsi que le système de caste. D’ailleurs, parmi les explications du problème d’immigration actuelle c’est qu’il y a des personnes qui n’arrivent pas à trouver leur place dans la société anjouanaise. Au-delà des aspects qu’on a l’habitude d’entendre, ils fuient leur île pour trouver une dignité d’être-humain. C’est une bouffée d’oxygène moral pour eux car ici ils sont considérés comme des humains avec des droits.
M.H. : Comment en est-on sorti ?
I.de N. : Lorsque le colonisateur est arrivé sur place, il s’est aperçu que pour mettre en place son système colonial il lui fallait de la main d’œuvre. Et ceux qui en avaient, étaient les Kabayla. Donc, le seul moyen de s’en accaparer pour construire les routes, les usines, mettre en place les ateliers coloniaux, c’est de libérer cette main d’oeuvre en abolissant l’esclavage. Les colonisateurs n’ont pas aboli l’esclavage pour les beaux yeux des Mahorais, mais plutôt pour utiliser ces personnes dans leurs intérêts.
Le pouvoir décide d’abolir l’esclavage le 9 décembre 1846, par ordonnance royale, mais cette abolition s’accompagne d’une obligation des affranchis de s’engager auprès de l’administration, des concessions ou encore de tout autre entité qui peut les engager pour éviter qu’ils soient dans l’oisiveté. On va racheter leur liberté en indemnisant leurs propriétaires, en tout cas ceux qui avaient émis le souhait d’affranchir leurs esclaves. Mais à partir de ce moment, ceux qui ont été affranchis se rendent comptent que leurs conditions de travail ne diffèrent pas trop de l’esclavagisme auquel ils étaient habitués quelque temps avant. Donc ils se révoltent en 1847 pour dénoncer cela.
De plus, même si on était affranchi, on avait toujours des stigmates de cette servilité parce qu’au moment de l’affranchissement il y avait un rituel où on faisait des scarifications sur le front. À l’époque c’était un code pour notifier à la société que cette personne a été esclave mais ne l’est plus. Socialement ça restait un poids.
M.H : Pourquoi a-t-on du mal à reconnaître ce passé ?
I.de N. : Il y a un déni certain, une mémoire qui se veut oublieuse. Pour autant les preuves de l’existence de l’esclavage existent. On a une société qui a une approche de la mémoire assez volatile. On se concentre sur le présent car c’est le plus important. On a d’autres problèmes plus urgents qui nous font oublier ceux du passé. C’est ce qui explique en partie le déni, volontaire ou pas volontaire. Il y a aussi un autre aspect, c’est la méconnaissance. Il y a des personnes qui ne savent pas que l’esclavage a existé à Mayotte. Le fait qu’on ne sache pas cela ne participe pas non plus à la libération de la parole. Ils nous demandent des preuves. Même des élus tiennent ce discours et ça complique notre travail.
Il y a un déni de la réalité mais le travail d’histoire permettra d’effacer le négationnisme de l’esclavage à Mayotte.
M.H. : Quel travail faites-vous pour cela ?
I.de N. : Aux archives départementales de Mayotte nous intervenons dans les établissements scolaires. On a trois, quatre expositions qui circulent dans les écoles. Les enseignants doivent aussi faire le travail, mais on ne peut pas dire qu’on n’a pas de support. Ce discours était compréhensible il y a quelques temps, mais aujourd’hui, on a des éléments qui permettent d’apporter de la connaissance avec beaucoup de pédagogie aux élèves.
Un événement organisé au marché d’Hajangoua
Au marché couvert d’Hajangoua, à partir de 9 heures, dimanche 27 avril, une commémoration de l’abolition de l’esclavage est organisée par la communauté d’agglomération de Dembéni et Mamoudzou (Cadema). La journée sera ponctuée d’ateliers de danse, de jeux et de cuisine hérités des populations serviles déportées dans l’archipel.
Une nouvelle maison France Services inaugurée à Bouéni
La quatorzième maison France Services de Mayotte a été inaugurée, ce jeudi matin, à Bouéni. Cet établissement, qui permet d’accompagner gratuitement les habitants qui ont besoin d’aide pour leurs tâches administratives, promet « une expérience plus fluide et plus pratique » que les anciennes permanences, assure Mouslim Abdourahamane, le maire de la commune. Monter un dossier pour toucher des allocations familiales, déclarer ses revenus, ou encore prendre connaissance des offres d’emploi (via France Travail) : cela peut désormais être réalisé en un seul et même point, au rez-de-chaussée de la mairie.
Deux conseillères, employées par la municipalité, accueillent désormais les personnes qui ont besoin d’aide pour finaliser des démarches administratives. « Ça fait quelques temps qu’on la demande. On n’était pas planifié dans la programmation de l’État, et récemment, on a été obligé d’insister auprès de la préfecture. Ils ont travaillé et au mois de juillet 2023, on a pu avoir le label France Services », raconte le maire. Treize maisons France Services avaient déjà été créées à Mayotte, soit une par canton. Pour l’édile, l’objectif de l’établissement est de « rapprocher au plus près de la population pas mal de services publics ».
Comores : La compagnie Rkomor annonce la suspension de ses opérations
En signe de protestation à la nouvelle décision prise par le gendarme comorien de l’aviation civile, qui vient d’exiger un autre contrôle du fokker-50, Rkomor a décidé de clouer momentanément au sol, son petit aéronef, ce qui causera le blocage de 204 passagers dans les îles.
Encore une interdiction qui frappe le plus grand appareil de 53 places de la compagnie comorienne, Rkomor mais cette fois-ci, ce n’est pas une crevaison de pneu qui est à l’origine. Selon le directeur général par intérim de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacm), Ibrahim Mchami, le fokker-50 récemment autorisé à voler, doit subir des travaux, sur recommandation du constructeur de l’appareil. « Cet avis que nous attendions est venu tardivement. Il nous est parvenu le lundi. Le constructeur a constaté que la compagnie a bel et bien procédé à des travaux mais qu’ils devaient en effectuer d’autres. C’est comme un être humain, le fait qu’il puisse marcher ne signifie pas qu’il soit en bonne santé. Pareil avec l’avion. Le voir décoller n’est pas synonyme d’un bon état », a introduit le patron de l’Anacm, au cours d’une conférence de presse, qu’il a animée ce jeudi 25 mars, à Moroni.
La veille, l’autorité comorienne de l’aviation civile aurait reçu une seconde recommandation d’un autre constructeur. Ce dernier exhorte le Fokker-50 à se focaliser sur le moteur durant la maintenance. « On ne pouvait ignorer ces avis pendant que nous avons encore le temps. Car si jamais un accident se produisait, même l’assureur refuserait de s’impliquer s’il apprenait que nous avions été avertis de la nécessité d’envoyer l’avion dans un centre de contrôle sans pour autant respecter la consigne », a ajouté, Ibrahim Mchami qui avance des raisons de sécurité écartant toute intention de suspendre gratuitement les activités de -Rkomor.
Un certificat de remise en service déjà délivré
En effet, le 7 avril, l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie a autorisé Rkomor à faire voler son Fokker-50 après presque un mois d’inactivité. Se servant de ce feu vert, la compagnie comorienne a commencé à desservir depuis le jeudi 18 avril des destinations régionales comme Mombassa. Après des incidents de crevaison de pneus, dont le dernier remonte au 19 février, le gendarme de l’aviation civile comorienne avait exigé un contrôle du plus grand aéronef de Rkomor.
Du 27 mars au 7 avril, l’aéronef se trouvait dans un centre de maintenance, agrée par les Comores. Implanté à Nairobi, celui-ci a procédé à la maintenance de l’appareil et a délivré un certificat de remise en service. La hiérarchie de l’Anacm a confirmé que les travaux recommandés avaient été effectués avec succès. Raison pour laquelle le Fokker-50 s’est permis de desservir les îles, en plus des destinations régionales. Voilà pourquoi, cette nouvelle interdiction surprend les responsables de Rkomor à commencer par son directeur technique, Ezi-Eldine Youssouf.
« Abus de pouvoir »
Dans une conférence de presse tenue ce jeudi, celui-ci accuse l’Anacm de faire usage d’un « abus de pouvoir ». En signe de contestation, le conférencier a annoncé que la direction de son employeur a décidé à son tour de suspendre ses opérations. Autrement dit, même leur LET410 qui assurait les vols domestiques quand le fokker-50 était parti en maintenance va rester au sol. Cette décision a été communiquée au ministère comorien des transports maritimes et aériennes. Jusqu’à jeudi, on comptait près de 274 passagers impactés, dont 70 à l’international.
Si le directeur par Intérim de l’Anacm se dit peiné par la sensibilité de sa décision, le directeur technique de Rkomor lui parle de haine à leur encontre. D’après Ezi-Eldine Youssouf, le gendarme de l’aviation civile a fait une interprétation erronée du courrier que lui a envoyé le constructeur. « Après la dernière crevaison, nous avons écrit au fabriquant pour l’informer. Il nous a indiqué deux travaux à réaliser. À Nairobi, nous avons suivi à la lettre les indications du constructeur. Le problème, l’Anacm n’a peut-être pas lu toute la documentation du fabriquant, qui nie à travers un mail en date du 23 avril, avoir exigé un quelconque arrêt de toute activité de notre avion », a étalé le directeur technique de Rkomor qui souligne que même pour réparer l’hélice du Fokker, ils sont d’abord entrés en contact avec la société qui l’a conçue. C’est dire à quel point, la compagnie suit les recommandations, s’est vanté, Ezi-Eldine Youssouf qui a déploré un non-respect de la procédure de la part du régulateur de l’aviation comorienne. « Ils nous ont notifié leur décision le lundi à 16 h comme s’il y avait urgence et sans nous donner le temps de gérer nos clients », a-t-il regretté.
On a appris que le ministère des transports a abrité une réunion sur la question, mais qu’aucun terrain d’entente n’a été trouvé. Avec l’arrêt des activités de Rkomor, le pays se retrouve avec Precion Air, qui effectue seulement deux rotations par semaines entre les îles.
Européennes : Saïdali Boina Hamissi rayé de la liste du Rassemblement national
Annoncé par Marine Le Pen, Saïdali Boina Hamissi devait être le candidat mahorais de la liste portée par Jordan Bardella aux prochaines élections européennes du 9 juin. Le responsable du parti Rassemblement national à Mayotte semblait le plus légitime, sachant que Daniel Zaïdani, grand soutien de Marine Le Pen, est sous la menace d’une peine d’inéligibilité dans l’affaire des concerts de Sexion d’Assaut. Toutefois, les publications sur la page Facebook du candidat sur les Comoriens comparés à des « cafards » ou « vermines », ainsi que sur « la soumission des femmes » ont hypothéqué ses chances. Le député (RN) Sébastien Chenu a indiqué sur Franceinfos « qu’il n’était pas favorable à ce mode d’expression ». « On a poussé nos compatriotes mahorais à bout, au bout du rouleau. Ils se font attaquer à coup de machette, ils sont débordés par l’immigration comorienne », a-t-il tenté de justifier, en parlant de « paroles un peu vertes ».
La place du Mahorais sur la liste parmi les 80 candidats RN était en suspens, a indiqué alors le député. « La liste n’est pas encore déposée, donc ça peut changer », a-t-il prévenu, précisant « qu’il y aurait un candidat mahorais ». Franceinfos a eu confirmation dans la foulée que le responsable local du RN n’était plus désiré aux côtés de Jordan Bardella.
Les barges perturbées les 2, 9, 15 et 22 mai
Des perturbations dans la rotation des barges sont prévues ce mercredi 24 avril. Elles sont dues au nettoyage des navires par la direction des transports maritimes (DTM, ex-STM). « Ces arrêts techniques interviendront de 9h à 17h. Nous vous remercions pour votre compréhension », fait savoir le Département de Mayotte, ce mercredi après-midi. L’opération va se renouveler les 2, 9, 15 et 22 mai, prévient la collectivité.
Sidevam : Reprise de la collecte de déchets ce mercredi
« La collecte des déchets a repris ce mercredi 24 avril », informe le Sidevam (syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte) sur Facebook, remerciant les administrés de leur « compréhension par rapport à la gêne occasionnée ces derniers jours ». Ce chargé de la collecte et du traitement des déchets ménagers exerce ses compétences sur toutes les communes de l’archipel, sauf Dembéni et Mamoudzou.
Quatre Mahorais à Paris pour l’étape finale de la Grande dictée
Les quatre finalistes mahorais de la première étape du tournoi intergénérationnel la Grande dictée du sport, organisée dans le cadre de la Grande cause nationale, seront à Paris samedi 27 avril pour passer l’épreuve finale. Elus parmi les 130 participants à l’Université de Mayotte le 1er avril, ils concourront avec tous les autres candidats de France et Outremer issus des 25 autres étapes du concours. Sur un texte énoncé par l’écrivain et membre de l’Académie française Erik Orsenna, Sarah Kolisso (catégorie primaire), Sarah Mohamed (catégorie collège), Shayma Ambdillah (catégorie lycée) et Laure Dommergues (catégorie adulte), pourront donc s’armer à nouveau de leur stylo sous la coupole emblématique de l’Institut de France.
Course de pneus : les championnats locaux commencent ce dimanche
La Ville de Mamoudzou organise une course de pneus communale ce dimanche 28 avril, de 8 heures à midi, dans les rues de M’tsapéré : filles et garçons âgés de 8 à 12 ans, parents, séniors, et personnes en situation de handicap pourront s’élancer dans les rues M’tsapéré. Les circuits seront différents selon la catégorie. Départ avenue Abdallah Houmadi.
En parallèle, le top départ de la dixième édition du championnat de course de pneus organisée par l’agence Angalia et l’Union française des œuvres laïques et d’éducation physique (Ufolep) se fera à Bandrélé, mardi 30 avril, à 8 heures, comme à chaque course. Née à Mayotte en 1984, cette tradition se déclinera en cinq courses réparties sur tout le territoire pour la rendre accessible au plus grand nombre : à Dembéni, jeudi 2 mai ; à M’tsangamouji, lundi 6 mai ; Koungou, mardi 7 mai et Pamandzi, vendredi 10 mai. Les équipes d’adultes partiront après les enfants.
Les vingt premières filles et vingt premiers garçons de chacune de ces courses, parmi les 800 enfants participants au total, pourront concourir à une finale à Mamoudzou, le 30 juin, aux côtés des jeunes finalistes de Mamoudzou.
Un recensement a commencé aux abords du stade de Cavani
Caribus : Mahamoud Aziary s’est lancé dans une guerre contre la Cadema

Il n’en démord pas depuis plusieurs jours. Mahamoud Aziary est vent debout contre l’attribution du marché du Caribus à la société sœur de Matis, Optimom, par la Cadema. Devant un parterre de transporteurs, d’activistes, de syndicalistes et représentants de la société civile, le conseiller du GIE Ouvoimoja, un groupe de transporteurs mahorais concourant au même marché, dénonce lors d’une conférence de presse, ce mercredi, « une totale omerta » de la part des élus de la collectivité. Il porte d’ailleurs l’affaire devant le tribunal administratif (audience prévue le 9 mai) et au pénal. Du côté de l’agglomération Dembéni-Mamoudzou, le président Rachadi Saindou se dit serein et rappelle que c’est un cabinet hexagonal qui s’est occupé de la notation et a désigné les meilleurs candidats (voir encadré).
Flash Infos : Que reprochez-vous à la Cadema ?
Mahamoud Aziary : À la Cadema, il semble se passer des choses pas très catholiques parce que le marché Caribus a fini par être attribué à une société dénommée Optimom (N.D.L.R. Opérateur de transports interurbains et de la mobilité à Mayotte), laquelle est une sœur de la société Matis avec les mêmes actionnaires. Il s’agit d’une société nouvellement créée pour encore une fois venir exploiter le marché du transport à Mayotte, sans expérience aucune, si ce n’est les navettes d’il y a quelques mois. Tout de suite après, voilà que le marché du Caribus leur est attribué. Lorsque nous avons reçu la notification de rejet, nous avons regardé les notes et pour la première fois de ma vie, je vois des choses de cette ampleur, à savoir une société qui a répondu 25 % plus cher, six millions de plus que tous les autres, soit 1/5e de la valeur globale d’un marché évalué à plus de trente millions d’euros. Et pour le faire, il a fallu pratiquement lui donner des notes techniques parfaites. Nous soupçonnons des changements d’éléments notables sur le rapport d’analyses primaires qui a été fait par la maîtrise d’œuvre. Peut-être que des choses ont pu être changées, mais beaucoup de questions restent ici sans réponses, nul ne sait à quel moment la commission d’appels d’offres s’est réunie. Nous apprenons en outre que plusieurs membres de cette commission d’attribution de marché n’ont pas été convoqués. Nous nous apercevons que des changements sont intervenus au sein de la commission des appels d’offres de la Cadema, exactement au moment où ce marché du Caribus a été lancé. Nous savons maintenant que de par la loi une CAO ne peut pas être changé en cours de mandat sauf décès ou démission d’un de ses membres. Donc, vous voyez, il y a plein de choses qui font que non seulement nous allons attaquer ce marché au tribunal administratif, en pré-contractuel et puis éventuellement en post-contractuel. Surtout, nous allons porter cette affaire au pénal où nous allons pointer du doigt des élus qui sont complices actifs ou passifs, mais surtout l’État qui a laissé passer la délibération qui a changé cette commission.
F.I. : Selon vous, comment le contrôle de légalité a pu laisser passer une manipulation ?
M.A. : Par deux fois, je l’ai dit directement au procureur de la République et une fois publiquement au cours d’une réunion au conseil départemental, que c’est bien ce que vous faites. Nous avons plein d’élus qui passent devant vous pour des délits, mais il se trouve que les vrais délits qui se chiffrent à plusieurs millions d’euros et qui passent habituellement par la préfecture de Mayotte ne sont jamais poursuivis. Ils sont protégés et Dieu sait que nous vous avons fait beaucoup de remontées. Personnellement, j’ai saisi le procureur en novembre 2019 sur ces histoires de marché de transport scolaire. J’ai adressé le même signalement au Parquet national financier lequel m’a répondu par une demande de documents supplémentaires. Je suppose que le PNF regarde aussi de très près cette affaire depuis Paris. Nous, nous ne perdons pas espoir et sommes décidés à ne rien lâcher pour faire en sorte que nos enfants puissent obtenir des marchés dans l’avenir. Autrement, n’importe quel prédateur viendra de l’extérieur pour s’accaparer des choses parce que nos élus ne sont pas nets.
F.I. : Sur quoi fondez-vous vos soupçons de manipulations de la notation technique par la Cadema ?
M.A. : Lorsque vous observez le marché des transports scolaires notifié à la fin de 2020, vous vous apercevrez que le groupement pour lequel je travaille a obtenu les meilleures notes techniques sur tous les lots. Nos concurrents parmi lesquels la société Matis et son groupement ne sont passés devant nous que par le prix pour avoir répondu beaucoup plus bas que nous, preuve au moins qu’ils savaient à l’avance que nous étions meilleurs techniquement. Nous sommes persuadés que pour exploiter ce type de marché sur le territoire, nous sommes aujourd’hui les meilleurs, meilleurs que tous les gens qui venir de l’extérieur. Mais cette fois-ci, ce qui est bizarre, c’est que celui qui a obtenu le marché a répondu beaucoup plus haut que nous, comme s’ils savaient qu’ils avaient répondu plus bas que nous sur le marché précédant des transports scolaires. Et, justement parce qu’on avait déjà une avance de points par les prix, nous avons l’impression que tout a été fait pour que nous ayons une note technique bien plus basse pour rattraper le coup. À titre personnel et non le groupement pour lequel je travaille, moi Mahmoud Aziary, je présume que ces notes techniques proches de la perfection, du 58/60, c’est du jamais vu sur les notes techniques. La Cadema a dû penser que ça ne suffisait pas et qu’il fallait retoucher nos propres notes techniques. Au final, nous demanderons à la justice au pénal de trouver un autre expert, indépendant, pour reprendre l’ensemble des dossiers et les noter à partir du début, parce que nous soupçonnons que les notations ont été changées en cours de route.
F.I. : À ce jour, quelle démarche avez-vous entrepris au niveau de la Cadema ?
M.A. : Nous avons envoyé un huissier de justice, mardi dernier, pour remettre une lettre en main propre en vue de demander le rapport d’analyse, sachant que le délai de suspension de la signature du contrat expirait le lundi 22 avril. Nous n’avons rien obtenu alors que ce rapport d’analyse nous aurait permis de comprendre comment les choses ont été jugées. Nous aimerions bien avoir d’autres informations mais elles seront demandées par notre avocat, notamment les procès-verbaux de la CAO, les convocations à la commission. Il semble que certains membres titulaires n’ont même pas été convoqués, d’où les nombreux éclaircissements que nous demandons. Après, effectivement, il va y avoir la démarche auprès du tribunal administratif en pré-contractuel et post-contractuel, ainsi qu’au pénal. L’omerta qui règne parmi les élus de la Cadema qui reste, je le souligne, une collectivité publique, est franchement très inquiétant. Elle est totale comme dans la Camorra (N.D.L.R. la mafia napolitaine).
F.I. : Que recherchez-vous exactement à travers cette conférence de presse de ce matin ?
M.A. : En tant qu’acteur économique sur ce territoire depuis 2005, j’ai toujours été offusqué par la façon de faire de certains pour installer une sorte de plafond de verre aux entreprises mahoraises qui sont restées petites, au mieux moyennes, et de voir s’installer chaque fois une prédation économique au détriment de celles-ci. C’est pour ça que vous pouvez voir partout en Outre-mer de très grosses entreprises appartenant à des ressortissants locaux, pourtant vous ne le verrez jamais ici à Mayotte. C’est un système installé sur ce territoire depuis très longtemps et je considère que l’État y est pour quelque chose. Souvent, les gros marchés transitent par lui d’une façon ou d’une autre, pour moi ce fut le cas pour celui des transports scolaires et celui-ci le Caribus que je viens de démontrer ici. Et, par ailleurs, vous avez aussi des élus qui sont complètement à la merci de l’État vis-à-vis duquel ils sont obligés d’entretenir pratiquement une relation de mendicité et d’obéissance en raison du fait que la plupart de leurs investissements sont financés par cette autorité. On leur conditionne ces financements à l’attribution des marchés à tels ou tels. Et après, vous avez quelques cadres mahorais qui eux travaillent sur tout ça par avidité et font parfois le jeu de ça. L’idée ici est d’abord que nous sommes arrivés à un point où j’ai de très bonnes illustrations avec la justice et l’État. La première que j’ai faite ici c’est sur le marché des transports scolaires de 2020/2021 pour juste une année mais dont la façon de faire nous a conduit à ce jour en cassation. En effet, nos adversaires ont été reconnus fautifs de faux en écriture, usage de faux et escroquerie, mais les entreprises pour lesquelles je travaille ne peuvent pas être indemnisées selon la justice parce qu’elles ont refusé de partager le fruit de marché obtenu justement à partir du délit de faux, usage de faux et escroquerie. Nous sommes dans un climat très grave qui nous amène à Caribus où le même processus qui était fait avant et celui qui a été utilisé par la Cadema, avec par-dessus, une omerta qui fait qu’aucun document n’est fourni lorsque vous en demandez.
La Cadema sûre de son fait

Interrogé en marge de l’inauguration du campus connecté d’Hajangoua, Rachadi Saindou dément les allégations du conseiller stratégique du groupe de transporteurs recalé. Il rappelle qu’un cabinet hexagonal a été désigné par l’ancienne mandature pour s’occuper de l’appel d’offres pour lequel cinq sociétés ont répondu. Il précise que c’est elle qui fixait les notations et a déterminé le meilleur candidat. Et qu’effectivement, le critère de technicité a été plus important que le prix. « Quand il y a un marché européen comme celui-là, tous les ressortissants européens peuvent concurrencer. Le fait d’être Mahorais n’est pas une condition, c’est la règle avec les marchés publics. Sinon, ce serait de la discrimination », s’offusque-t-il.
Concernant les changements dans la commission d’appels d’offres, le président de la Cadema est également sûr de son fait. « On a dû changer la composition parce qu’il y a des membres qui ne venaient pas, justement pour que nous n’ayons pas le quorum suffisant pour voter. On a suivi le règlement intérieur », fait-il valoir, bien décidé à défendre la collectivité au tribunal administratif.
Campus connecté : « C’est bien plus qu’un simple lieu d’apprentissage à distance »

La deuxième phase de travaux terminée, la Cadema (Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou) a pu inaugurer son campus connecté d’Hajangoua, ce mercredi matin. Le lieu accueillera davantage d’étudiants qui suivent des études à distance ou sur des plages de formation à partir de la rentrée prochaine.
Quel est le but de ce campus connecté ?
« Un campus connecté à Hajangoua, qui l’eut cru ? Avec des difficultés d’accès à internet que l’on a, parfois d’électricité ou d’eau, c’est rassurant de voir ça », s’exclame Jacques Mikulovic, lors de l’inauguration, ce mercredi matin. Le recteur de Mayotte, comme les autres invités, a eu le droit à une visite des locaux sentant encore la peinture. « C’est bien plus qu’un simple lieu d’apprentissage à distance. C’est un message de soutien et d’encouragement où chaque étudiant est accompagné dans un développement personnel et professionnel », explique Rachadi Saindou, le président de la Cadema (Communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou). Du BTS aux masters, les étudiants accueillis peuvent y poursuivre leurs études grâce à des salles informatiques ou de formation. Un plus sur un territoire où l’offre limitée oblige souvent des étudiants à partir chaque année, rendant le cursus plus coûteux et moralement plus compliqué à suivre.
Qui est partenaire de la Cadema sur ce projet ?
Ils sont multiples. Il y a d’abord la municipalité de Dembéni qui a accepté de laisser l’ancienne Maison pour tous à la Cadema. « En la transformant, vous avez donné une nouvelle vie à cet espace chargé d’histoires et de souvenirs », salue d’ailleurs Moudjibou Saïdi, le maire. Le rectorat et l’Université de Mayotte suivent évidemment le projet, eux qui sont à deux pas. Même s’il n’était pas représenté ce jour-là, le Département de Mayotte fait partie des financeurs.
Enfin, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), qui compte ouvrir bientôt sa Technopole à Dembéni compte parmi les partenaires du projet. Abdoul-Karime Bamana, nouveau directeur de la structure, émet d’ailleurs le vœu de voir naître des campus connectés sur d’autres territoires de Mayotte.
A partir de quand il accueillera des étudiants ?
A vrai dire, c’est déjà le cas depuis 2021. La première phase, qui a coûté 150.000 euros, a permis l’aménagement de trois salles, une première de formation et deux autres qui servent de bureaux informatiques. Onze étudiants y suivent leurs cursus. Quelques-uns ont d’ailleurs assisté à l’inauguration et ont confirmé que s’ils continuent leurs études, c’est grâce au campus. BTS Information-communication, master de droit international, les profils sont variés, alors qu’ils seront le double à la rentrée prochaine grâce à l’achèvement de la deuxième phase de travaux (300.000 euros). Parmi ceux qui fréquenteront le campus, il y aura ainsi des étudiants mahorais en deuxième ou troisième en orthoptie qui seront accueillis la moitié de l’année, l’autre en métropole. En tout, le bâtiment fait 250 m2 et comporte dorénavant un accueil, une salle de conférence, un local pour le gardien et une cafétaria.
C’est quoi la suite ?
Alors qu’elle prendra aussi en charge la formation d’une partie des étudiants, la Cadema regarde juste à côté pour ce qui sera la troisième phase. « Je souhaite consolider cette dynamique en développant un véritable campus connecté comprenant des logements et des services à destination des étudiants », annonce Rachadi Saindou, notant que Mayotte rejoint ici La Réunion, la Guyane et la Polynésie française parmi les 80 campus connectés de France.
A Ouangani, l’offre médicale passe dans une autre dimension

Samedi dernier, la Maison de santé Moinecha Ali Combo a été inaugurée à Ouangani après quatre années de travaux. L’aboutissement d’un long cheminement pour le docteur Elhad Mohamadi, à l’origine du projet, et la promesse d’une meilleure offre de soins pour les habitants du centre et de l’ouest du département, des zones délaissées par les médecins libéraux.

Prévenir la désertification médicale dans le centre et l’ouest de Mayotte, ou plus encore la contrer. Tel est l’objectif des porteurs du projet de la maison médicale XXL qui a été inaugurée en grande pompe, le samedi 20 avril, à l’entrée de Ouangani. Depuis lundi, des patients sont accueillis dans ce bâtiment de 1.100 mètres carrés répartis sur trois niveaux habilement dessinés par le cabinet d’architecte Tand’M. Elhad Mohamadi, le docteur en médecine générale à l’origine du projet avait vu grand. Et l’afflux de patients enregistré en début de semaine confirme que son centre médical répond à un besoin concret. « Sur l’ancien site, on pouvait prendre maximum 60 patients par jour. [Lundi], nous avons reçu 120 patients, et la capacité maximale d’accueil va bien au-delà », image-t-il.
L’offre de soins est presque complète. Au rez-de-chaussée, on peut trouver la plus grande pharmacie de Mayotte en termes de superficie. Dans les autres locaux, un chirurgien orthopédique, un cardiologue et une sage-femme sont en cours d’installation. Pour le suivi des grossesses, un maïeuticien échographiste opère dans une salle qui compte aussi un service de radiologie conventionnel. L’installation d’un dispositif d’imagerie par résonance magnétique a été écartée, car trop coûteuse. « Pour faire de l’imagerie de base, il n’y aura plus besoin d’aller vers le chef-lieu. Tout cela participe aussi à désengorger le CHM [centre hospitalier de Mayotte] », félicite tout de même le docteur Mohamadi. Ce dernier est quant à lui accompagné d’un interne, le centre médical étant labellisé « terrain de stage » pour les étudiants en médecine. Un médecin venu de l’Hexagone partage aussi son étage.
« La prise en charge ambulatoire souffrait énormément »
Repoussée, l’ouverture de la maison médicale de Ouagani est venue concrétiser quatre années de travaux et presque autant de temps consacré à l’ingénierie. Ce projet, Elhad Mohamadi affirme en effet l’avoir couché noir sur blanc en 2017, après avoir passé trois années au cabinet médical de Chiconi. « Quand j’ai fini mes études, je suis parti dans l’idée de faire une carrière hospitalière, car on est conditionné pour faire ça. J’ai finalement remplacé un médecin qui était en âge de départ à la retraite à Chiconi. Pendant cette période, je me suis rendu compte que la prise en charge ambulatoire souffrait énormément », se remémore le quadragénaire
Son idée était simple : pour faciliter la prise en charge des patients et améliorer la communication entre les services de soins, il apparaissait nécessaire de rassembler les professionnels de santé sur un même site. Après avoir identifié la parcelle – qu’il a acheté sur fonds propre – le docteur a fait appel à ses amis d’enfance pour structurer le projet. Son choix s’est porté sur la création d’une société civile immobilière (SCI) au sein de laquelle il a réalisé un apport financier. S’il a fini par taper à la porte de plusieurs institutions dès 2020, c’est parce que le projet, dont le coût total a été évalué à près de trois millions d’euros, nécessitait un appui public. La mairie de Ouangani, la communauté de communes du centre-ouest (3CO) et le conseil départemental ont répondu présent. Le département, qui a financé la maison médicale à hauteur de 500.000 euros, a aussi autorisé les exploitants à créer une servitude à l’arrière du bâtiment. Cette dernière fait désormais office de parking et peut accueillir une vingtaine de véhicules.
Douze médecins libéraux pour 100.000 habitants
Un « ouf » de soulagement pour certains patients qui devaient parfois s’acquitter de trois heures de route pour une simple radio, par exemple. « Je pense que beaucoup de personnes y avaient pensé, mais il fallait le faire », image Youssouf, la trentaine, en sortant de la maison médicale. « Seulement, peu de personnes sont capables de porter un projet du début à la fin. » Nommé « citoyen d’honneur » par le conseil départemental de Mayotte, Elhad, modeste, préfère rappeler la réalité du désert médical mahorais. Selon des données de l’agence régionale de santé (ARS), Mayotte compte moins de douze médecins libéraux pour 100.000 habitants, contre 169 pour 100.000 habitants dans l’Hexagone, en moyenne.
Le ratio mahorais est très largement en-deçà de celui enregistré dans les autres départements d’outre-mer (129 pour 100.000 habitants) et s’explique en partie par le manque de locaux et la concentration de l’offre de soins dans le public, un secteur forcément plus attirant pour les médecins en exercice.
Un nouveau médecin s’installe à Combani

Le village de Combani, à Tsingoni, bénéficie d’un nouveau cabinet médical. Un médecin généraliste, le docteur N’gassidi Djaldi Tabdi, a commencé ses consultations lundi. Ses locaux sont situés à l’angle des rues de Haouledi et Décasé. Une bonne nouvelle pour les habitants du village, qui disposaient déjà d’un médecin généraliste en activité. Cependant, les délais d’attente avant consultation étaient parfois très longs. Pour améliorer l’offre de soins, la commune de de Tsingoni a cofinancé à hauteur de 15.000 euros les travaux d’aménagement du nouveau cabinet. Le docteur propose d’ores et déjà des consultations de médecine générale sans rendez-vous, du lundi au vendredi de 6h à 15h et le samedi de 6h à 12h.
Tribune libre : Anchya Bamana : « Mayotte continue de brûler »

Intitulée « Cri d’alarme », la tribune envoyée ce mercredi par Anchya Bamana s’adresse directement à Gérald Darmanin. L’ancienne maire de Sada et présidente de Maore Solidaire estime que le deuxième volet de Wuambushu, appelé « Mayotte place nette », est une énième « opération de communication », pendant que « les embarcations de fortune continuent à accoster sur les rivages de Mayotte ».

« Monsieur le Ministre,
Depuis une semaine, les évènements que nous vivons à Mayotte nous amènent à sortir du silence et à vous interpeller. Des bus scolaires caillassés à Sada la nuit du samedi 19 avril, des bus caillassés à Koungou ces deux derniers jours entraînant un doit de retrait des conducteurs, des affrontements entre migrants laissés pour compte et délinquants dans le quartier Massimoni à Cavani…tous ces évènements font que le quotidien des Mahorais se suit et se ressemble. Mayotte continue de brûler à l’image des incendies qui ont eu lieu devant le bâtiment de l’association Solidarité Mayotte à Cavani, ces derniers jours.
Nous sommes au regret de constater que les plans successifs de lutte contre l’immigration illégale et l’insécurité mis en place depuis 2016, avec leur opérations corollaires concrètes (Shikandra, Wuambushu), n’ont pas apporté les résultats attendus par les Mahorais pour leur permettre de vivre en paix chez eux. Ces opérations de communication, qui consistent « à produire du chiffre » que le gouvernement sert continuellement à nos compatriotes de l’Hexagone, ont complétement atteint leurs limites. Aujourd’hui, avec l’opération « Mayotte place nette », nous constatons la même démarche de la part de Madame Marie Guévenoux, ministre déléguée aux Outre-mer. Avec ses 250 bidonvilles détruits, 4.000 contrôles, 100 interpellations dont six « chefs de bandes », cinquante armes saisies, 1.700 policiers et gendarmes etc…, la ministre continue à servir le même ballet de chiffres. Pendant ce temps, les embarcations de fortune continuent à accoster sur les rivages de Mayotte dans un contexte plus que préoccupant d’une épidémie de choléra à Anjouan.
L’aide des Affaires étrangères demandée
Monsieur le ministre, à quand la mise en place d’une stratégie globale efficace de lutte contre l’immigration illégale et l’insécurité sur notre territoire ? A quand le déploiement d’un bâtiment de la Marine nationale de manière pérenne au large de nos frontières maritimes, en complément des drones connectés annoncés dans « Mayotte place nette » ? A quand l’implication pleine et entière du ministre des Affaires étrangères pour contraindre le président des Comores à arrêter le départ des kwassas d’Anjouan vers Mayotte ? Nous plaidons pour l’implication concrète et sérieuse des ministres des Affaires étrangères et des Armées à la hauteur des enjeux du fléau migratoire illégal qui asphyxie Mayotte et ses habitants.
Malgré le mouvement social de février dernier qui avait complètement paralysé l’île sur la question du visa territorialisé, nous constatons que la préfecture continue, en toute tranquillité, à servir ces visas aux personnes entrées illégalement sur le territoire. Monsieur le ministre, compte tenue de la grogne qui monte actuellement au sein de la population, nous vous demandons d’interpeller votre collègue des Affaires étrangères pour arrêter l’octroi de ce visa. Nous plaidons pour l’ouverture d’une négociation avec les Etats concernés par cette immigration (Comores, Madagascar, Afriques des Grands lacs) pour que ce visa soit délivré dans les Ambassades de France de ces territoires.
Cavani, « un chaos humanitaire »
Concernant la question des migrants de Cavani, la ministre déléguée aux Outre-mer en visite à Mayotte les 3 et 4 avril derniers, laisse derrière elle un véritable chaos humanitaire ! Nous vous en parlons parce qu’elle n’a pas eu l’opportunité de voir cette misère humaine, les migrants ayant été priés de quitter les lieux lors de son passage à Cavani. La situation plus que préoccupante de ces hommes, femmes et enfants constitue véritablement une honte pour notre République tant sur le volet humain que sanitaire ! Il y a urgence à agir pour redonner les couleurs d’une vie normale aux habitants de Cavani, mais aussi de Mayotte entière…à moins de laisser penser une volonté manifeste du gouvernement de laisser pourrir la situation au point de déclencher une nième crise sociale sur le territoire…
Monsieur le ministre, au-delà des élus, la situation de Mayotte inquiète les responsables politiques que nous sommes. Or, en concertation avec l’association des anciens élus, quand nous interpellons le préfet pour nous intégrer dans les réflexions concernant l’avenir de notre territoire, nous sommes au regret de recevoir cette réponse de sa part, je cite : « les concertations sur le projet de loi Mayotte sont menées dans un cadre défini, et je n’ai pas reçu délégation pour élargir ce cadre à ce stade ». En conséquence, par cette correspondance, nous vous adressons notre demande dans un esprit de démocratie participative que tout citoyen est légitime de réclamer, car soucieux du développement de son territoire.
Enfin, comme bon nombre de Mahorais, nous sommes surpris du report de la date du 22 mai affichée par vos soins le 11 février dernier, pour l’examen des projets de lois Mayotte. Encore une promesse non tenue de la part du gouvernement !
Monsieur le ministre, « Rahachiri Sibabu ya Maore » (nous restons vigilants pour Mayotte) ! »
Comores : Le gouvernement menace de fermer les mosquées à cause du choléra
Cette mesure de prévention dévoilée par le délégué à la Défense en présence d’élus locaux et d’ulémas, entrera en vigueur seulement si d’ici le 10 mai prochain, la situation épidémiologique ne s’améliore pas. On envisage aussi d’interdire les mariages.
Vers un retour des mesures de l’ère du coronavirus aux Comores ? À l’heure où l’épidémie du choléra continue de se propager, les autorités de l’Union des Comores n’excluent pas de recourir à des mesures de prévention plus draconiennes. C’est du moins ce qui est ressorti des déclarations faites par le délégué à la Défense, Youssoufa Mohamed Ali. Dans une réunion élargie et multisectorielle qui se tenait à l’hôtel, Retaj, à Moroni, ce mercredi, le ministre de la Défense a informé la population que le gouvernement passerait à la vitesse supérieure jusqu’à fermer les mosquées. L’autorité a également a ajouté que l’interdiction des célébrations de mariages était sur la table. « Si d’ici le 10 mai, nous constatons que les consignes de prévention ne sont pas respectées, nous serons dans l’obligation d’interdire les prières collectives. Les mariages ne seront pas exclus si vous (la notabilité) ne nous aidez pas en sensibilisant la population à lutter contre la maladie », a prévenu, Youssoufa Mohamed Ali, connu sous le nom de sobriquet de Belou.
Ce fidèle du président Azali Assouamani, a ainsi invité les maires, les notables (personne qui a accompli son grand mariage coutumier) à adopter dès à présent des mesures flexibles mais préventives en ce qui concerne les mariages. Au cours de ceux-ci, les invités prennent part à des banquets, chez la famille de l’épouse. Les hommes assistent à un Madjalis (cérémonie religieuse où sont invités toutes les villes de l’île). « Il serait mieux de distribuer de l’argent au lieu de préparer ces grands festins. Cela diminuerait le risque de contaminations alimentaires », a proposé le Délégué à la défense, lors de la réunion de ce 24 avril, à laquelle les forces de l’ordre, le ministère de la Santé et celui de l’Intérieur avaient pris part.
58 décès
Il faut dire que si les autorités sont allées jusqu’à brandir de telles mesures, cela signifie que la situation est sur le point de leur échapper. La première fois que les Comoriens ont assisté à la fermeture des lieux de culte, notamment les mosquées, c’était en 2020, au moment où le pays venait de déclarer ses premiers cas. Pour éviter la propagation du virus, l’interdiction des prières collectives était préconisée. Actuellement, les médecins invitent les fidèles musulmans à faire les ablutions depuis leurs domiciles avant de se rendre à la mosquée où la probabilité d’attraper l’épidémie semble élevée croient-ils. Selon le délégué à la Défense, même les prières hebdomadaires du vendredi risquent d’être sur la liste. Il revient à présent selon lui, aux élus locaux d’aller sensibiliser la population et de faire un inventaire de leurs besoins.
Depuis la déclaration le 2 février des premiers cas importés de la Tanzanie, le pays se trouve avec 58 décès et plus de 2516 cas recensés après deux mois et demi d’épidémie.
« Ni pendant l’épisode de 1999 encore moins celui de 2007, nous n’avons eu autant de décès. Je souligne qu’au niveau de la Grande Comore, sur les 15 victimes recensées, 12 sont des communautaires. Les gens peut-être par honte ou déni, tardent à venir à l’hôpital », a indiqué, le secrétaire général du ministère de la Santé, Aboubacar Said Anli qui a rappelé que plus de 90 % des personnes atteintes du choléra qui se sont présentées dans les hôpitaux à Ngazidja ont pu être sauvées. Cet ancien directeur général de la santé, qui était encore en poste durant la pandémie du coronavirus a déploré le déni que manifesteraient les cadres de l’île de Moheli. « Ce sont eux qui répandent les fausses rumeurs au sein de la population hélas. Nous avons commencé à observer une explosion des cas surtout au lendemain de l’aïd el-fitr », a rapporté Aboubacar Saïd Anli lors de la rencontre multisectorielle de ce mercredi, qui sera organisée dans les autres îles.
Selon le bulletin sanitaire de ce mardi, Anjouan reste toujours sous pression avec un total de 38 décès alors que l’épidémie n’a été déclarée sur place que le 6 mars. Soit donc un mois après la Grande Comore. Pour les principales difficultés qui favorisent la flambée de la maladie qui touche toutes les catégories d’âge, elles tournent autour de ces trois causes : très faible accès à l’eau potable par les consommateurs, le déni et implication insuffisante des autorités locales, toujours pas équipées. Lors de la réunion, un des participants a fait savoir que sa région natale, n’a toujours pas reçu des kits pour protéger les écoles ou les mosquées. Un cas qui est loin d’être isolé.