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Lundi noir : entre violences, droits de retrait et décasages, une éducation prise en étau

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Entre les affrontements Combani/Miréréni, la grogne des transporteurs, et l’opération de destruction de Koungou, la semaine a repris sur les chapeaux de roue. Un climat tendu dans le 101ème département qui pénalise surtout ses quelque 100.000 élèves.

Il n’y a pas un chat, ce lundi après-midi, au lycée de Kahani. La porte reste résolument fermée, décision ayant été prise par le recteur Gilles Halbout de repousser le retour des élèves à mardi. La faute, une fois de plus, de caillassages d’autobus sur l’axe Kahani-Combani. Jeudi dernier, c’étaient les élèves du lycée de Dzoumogné qui récoltaient les pierres, le tout poussant les transporteurs à annoncer un nouveau droit de retrait reconductible dès ce lundi, à peine une semaine après la signature d’un protocole pour les mêmes raisons, mardi dernier.

lundi-noir-violences-droits-retrait-decasages-education-prise-etauNous ne comptons plus le nombre de protocoles de crise qui ont été signés sans que nous ayons un apaisement de la situation, au contraire, nous assistons à un montée en puissance de la violence qui a atteint des sommets inédits”, dénonce à juste titre l’intersyndicale FO et UI CFDT, dans son communiqué, qui appelle aussi à une mobilisation le 5 octobre prochain, pour la grève nationale. Parmi leurs revendications, dans le désordre : la renégociation de l’accord de sécurité au niveau départemental, l’application dissuasive de la loi vis-à-vis des préjudiciables, la mise en œuvre de moyens régaliens pour assurer la sécurité du personnel et des usagers mais aussi une rencontre sur la sécurité avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le Département, les transporteurs et les organisations syndicales…

Match Miréréni/Combani, balle au centre

Conséquence de ce ras-le-bol : aucun ramassage des élèves n’a pu avoir lieu ce lundi. Sur le pont depuis 4h30 du matin, les gendarmes ont, eux, veillé au grain, notamment aux abords des abribus pour éviter tout débordement, au cas où la nouvelle du droit de retrait n’aurait pas circulé partout. Et sans surprise, leurs efforts ont dû se concentrer sur la zone Miréréni/Combani, encore le théâtre de heurts tout au long de la journée. La veille, un jeune de Miréréni avait été sévèrement blessé à la jambe et évacué au CHM, et les violences urbaines ont donc persisté ce lundi, en guise de représailles. Au niveau de la démarcation, sur le pont entre les deux villages, des déchets ont ainsi entravé la circulation des automobilistes. Une déviation a été mise en place dès 8h, pour permettre aux habitants de rejoindre Combani. Aucun automobiliste n’a été blessé ni de véhicule dégradé, d’après la gendarmerie. Les incendies de deux bangas ont pu être circonscrits par les pompiers sous la protection des forces de l’ordre.

Une nouvelle qui a d’ailleurs rapidement fait le bouche-à-oreille. “Les gens de Combani m’avaient dit qu’ils venaient, mais finalement non, apparemment il y a des trucs qui brûlent…« , souligne ainsi une parent d’élève bien informée, à peine arrivée au lycée de Kahani, où avait lieu lundi après-midi une réunion avec le rectorat pour échanger sur ce climat d’insécurité. “En revanche, ceux de Miréréni, je ne sais pas”, ajoute-t-elle, aussitôt suivie par quelques rires jaunes. “S’ils doivent passer par Combani, il y a peu de chance”, note avec justesse Rafza Youssouf Ali, la présidente de l’union départementale de la confédération syndicale des familles.

Reprise progressive à Kahani

À l’issue de cette rencontre, “nous avons rappelé certains engagements pris dans le cadre du renforcement de l’éducation prioritaire sur Dzoumogné, Kahani et le lycée du Nord”, explique le recteur Gilles Halbout. À savoir, le renforcement de moyens humains avec des personnels d’encadrement de la vie scolaire, les fonds sociaux pour les élèves, et des engagements pour les travaux d’extension et de rénovation. Cette réunion a aussi été l’occasion de rappeler la “grande fermeté” envers les fauteurs de trouble, parfois scolarisés au sein même de l’établissement. Des sanctions pourront être prises à leur encontre. La reprise, mardi, sera ainsi progressive, pour “accompagner les élèves” et aussi pour “rappeler à l’ordre”, indique le recteur. “Personne ne peut avoir une assurance totale en matière de sécurité, mais nous sommes satisfaits des engagements”, souligne Rafza Youssouf Ali, ajoutant qu’un dispositif “parents pairs”, à l’intérieur du lycée sera aussi mis en place. “Nous n’allons pas nous mettre en droit de retrait, ce serait donner encore raison aux fauteurs de troubles, alors que l’éducation a déjà du retard à Mayotte.

Dzoumogné emboîte le pas ?

En plus de la fermeture de Kahani, et du mouvement des transporteurs, un courrier d’un enseignant du lycée de Dzoumogné a lui aussi évoqué un droit de retrait, depuis le 24 septembre. “Aujourd’hui, nous avons conscience que l’Éducation nationale a fait beaucoup pour sécuriser le site, mais peut-on sécuriser un lycée situé au milieu d’un volcan ?”, interroge la missive, en listant pêle-mêle les attaques subies : agression de trois collègues et du proviseur en juin, examen passés au milieu des violences, et “depuis début septembre, tous les deux ou trois jours, des cailloux sont lancés dans la cour, mardi 14 septembre un élève a pris un coup de couteau devant le lycée, vendredi 17 septembre, vol à l’arraché du portable d’un collègue devant le lycée, mardi 21 septembre, un élève a été coursé depuis la poste et a dû se réfugier dans le collège, jeudi 23 septembre, attaque au cocktail Molotov et intrusion dans le lycée…” Bref, le vase déborde ! Pour autant, à l’issue d’une réunion du comité hygiène et sécurité lundi, le rectorat ne considère pas qu’il y ait lieu d’un droit de retrait à proprement parler, mais davantage, d’une “solidarité avec les personnels”. “Nous aiderons les collègues choqués et qui ont besoin d’aide psychologique et de réconfort”, assure Gilles Halbout.

Petite échauffourée à Bandrélé

C’est dans ce climat tendu que la rumeur d’une attaque au collège de Bandrélé a aussi circulé sur les réseaux sociaux. Avant d’être démentie plus ou moins par le responsable de l’académie en fin de journée. “Depuis quelques jours, une bande de jeunes rackettaient les élèves à la sortie de l’établissement, la gendarmerie est donc intervenue et a interpellé une partie des voyous”, rapporte-t-il. L’autre partie de la bande se serait alors échauffée, menaçant le proviseur de mort et jetant quelques cailloux.

Enfin, la fermeture des écoles de Koungou en marge de l’opération de destructions du lieu-dit Carobolé, clôt ce tableau morose pour l’éducation des jeunes Mahorais. Point de plage sous les pavés, une fois n’est pas coutume…

Le rugby, la pratique sportive qui gratte de nouveaux adeptes à Mayotte

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Priés de s’asseoir sur le banc de touche durant près d’un an et demi en raison de la crise sanitaire, les rugbymen espèrent repartir sur de bonnes bases avec le lancement des championnats seniors et de l’école de rugby ce week-end. Entre nouveau départ et continuité, le comité territorial de rugby de Mayotte veut transformer l’essai. Entretien avec Corentin Marie, agent de développement au sein de l’organisation.

Flash Infos : À quelques jours du lancement officiel de la saison 2021-2022, dans quel état d’esprit se trouve le comité territorial de rugby de Mayotte après un an et demi de crise sanitaire ?

Corentin Marie : Pendant cette année de crise, nous avons effectivement été perturbés comme tous les autres comités et ligues. Nous avions une peur bleue de perdre des joueurs en route… Heureusement, nous avons eu des présidents et des entraîneurs très engagés et investis ! Nous avons même réussi à franchir la barre des 600 licenciés. C’est une réelle satisfaction. Et le fait d’avoir pu reprendre la saison à la fin du mois de mai a redonné de l’espoir à tout le monde.

Alors, en marge du retour des premières rencontres seniors hommes et femmes et de l’école de rugby, nous avons organisé vendredi dernier un tournoi à 5 touché dans le but de mettre un coup de projecteur sur notre sport. L’idée était de rassembler toutes les catégories de plus de 14 ans autour d’un événement unique en proposant des oppositions mixtes et intergénérationnelles pour relancer l’esprit de convivialité au sein des clubs. Nous espérons que cette journée a créé du lien en vue de l’ouverture du championnat le week-end prochain. Concernant le Covid-19, même si nous ne savons pas ce qui nous attend, nous avons un protocole fédéral très strict, qui nous permet de nous adapter à toutes les mesures restrictives.

FI : Nouveauté cette année : vous mettez en place des « stages développement » durant les vacances scolaires. En quoi consistent-ils ?

C. M. : Si le comité supervise l’élite mahoraise, il se tourne également vers le développement de la pratique du rugby plus largement. Dans ce cadre-là, nous nous rapprochons des MJC, des associations, voire même des ministères, pour faire découvrir nos valeurs auprès des jeunes qui ne sont pas licenciés dans nos clubs. Nous avons débuté ces stages au cours de l’été en nouant des partenariats avec la MJC de Bouéni, l’union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP) et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cela a permis de faire comprendre à une centaine de jeunes qu’ils pouvaient jouer et s’amuser ensemble, sans en venir aux mains et sans se lancer de pierres, tout en faisant un sport de contact.

FI : Fin août, vous avez signé des conventions avec l’union nationale du sport scolaire (UNSS), le rectorat et le centre universitaire pour formaliser la pratique du rugby dans le milieu scolaire. Est-ce une manière de dire que Mayotte est aujourd’hui devenue une terre de rugby à part entière ?

C. M. : Nous pensons effectivement que le territoire affiche une réelle appétence pour le rugby. Les jeunes s’y intéressent de plus en plus : pas moins de 3.000 élèves en écoles primaires ont pratiqué le rugby touché l’an dernier. Lorsque nous intervenons dans les classes, ils prennent très rapidement conscience de l’esprit de camaraderie qui règne. Avec la signature de ces conventions, nous voulons aller encore plus loin, faire davantage découvrir les règles et développer les compétences des enseignants, mais aussi les classes sportives. Il y a un réel engouement ! Preuve en est, deux nouveaux clubs se sont créés au cours des deux dernières années. D’un côté, la pratique se lance doucement et se diversifie progressivement. De l’autre, le comité territorial continue de se structurer en embauchant de nouveaux salariés qui essaient de perpétuer ce qui est réalisé depuis une vingtaine d’années.

FI : Si Mayotte manque d’infrastructures de haut niveau pour former les élites de demain, vous envoyez régulièrement des joueurs vers le pôle Outre-mer à La Réunion ou vers des clubs professionnels en métropole…

C. M. : La question des infrastructures se pose forcément. À Mayotte, il n’y a aucun terrain dédié au rugby… Donc cela nous oblige à collaborer avec les autres sports pour faire entendre notre voix. Après, le principe du haut niveau consiste à recruter les joueurs de plus en plus tôt, vers 13 ou 14 ans, pour les former dans les meilleures structures. En ce sens, le pôle Outre-mer de Mayotte à La Réunion répond à ce critère. Même si cela ajoute une contrainte supplémentaire car nos joueurs se retrouvent à deux heures de vol de leur famille et ne peuvent pas rentrer tous les week-end chez eux… Toutefois, ce sacrifice porte ses fruits car nos jeunes percent chaque année. Et au moins l’un d’eux intègre un club professionnel ou semi-professionnel. Cela prouve bien qu’il y a du talent ailleurs qu’en métropole !

FI : À l’inverse, comment pouvez-vous bénéficier des talents de la métropole et de La Réunion ?

C. M. : Quand nous faisons venir quelqu’un de l’extérieur, c’est vraiment sur des sujets très spécifiques. Comme lors des derniers Jeux des Îles de l’océan Indien quand l’un des entraîneurs de l’équipe de France de moins de 18 ans était venu préparer la sélection mahoraise et lui montrer les exigences du haut niveau. Sinon, nous avons un conseiller technique qui supervise Mayotte et La Réunion. Il vient deux ou trois fois par an pour apporter son expertise et former les conseillers techniques de l’île ainsi que les adultes en formation d’éducateur et d’entraîneur.

Dans le cadre du dispositif Jeunes Talents Mahorais, l’élite mahoraise peut partir en métropole et étudier tout en pratiquant son sport de prédilection au plus haut niveau. Le Département l’aide d’un point de vue scolaire, sportif et matériel. En contrepartie, quand les jeunes rentrent à Noël et pour les grandes vacances, ils ont l’obligation de revenir transmettre leur passion et d’aider les clubs dans lesquels ils évoluaient auparavant à se développer.

Aujourd’hui, le rugby est devenu un vrai sport local ! Nous avons plus de Mahorais que de Wazungus en termes d’encadrement et de joueurs. Le comité en est très satisfait et souhaite continuer sur cette voie-là. Plus nous serons nombreux, plus nous pourrons continuer à développer la pratique sur l’île.

“On va arracher notre liberté” : de Colocs ! à la vraie vie, le combat des jeunes femmes mahoraises

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La série événement diffusée depuis le 6 septembre a suscité de vifs débats alors qu’une partie de l’opinion y voit une menace pour les traditions et la culture mahoraises. À rebours de ces critiques, certaines femmes y voient au contraire un écho à leur propre vécu. Et la fin d’un tabou.

Il est 20h et treize minutes, lundi soir, chez Cousin, à Mamoudzou. Des applaudissements retentissent au fond de la terrasse, aménagée en coin débat pour l’occasion. Le troisième épisode de la série Colocs vient de se terminer, et le petit groupe de femmes et d’hommes tapis dans la pénombre prend une seconde pour digérer ce nouveau shot d’images coup de poing. D’abord intimidées, les langues se délient une à une.“Est-ce qu’on peut avoir les épaules quand on est jeune, enfin, ce n’est pas à elle d’assumer, même si c’est une sage-femme, on peut se demander si son salaire suffit à payer à la fois son loyer, ses loisirs, et ceux de sa famille”, soulève une spectatrice, en référence au personnage de Nadjla, qui doit subvenir aux besoins de son foyer. Un homme plus âgé arrive sur ces entrefaites. “Je ne m’attendais pas à ça, j’ai pris une claque ! Vraiment, c’est courageux ce que tu fais, la thématique que tu abordes… C’est une fissure et maintenant, ça y est, c’est là”, lance-t-il à l’attention de Jacqueline Djoumoi-Guez, la réalisatrice.

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En guise de fissure, la série diffusée depuis le 6 septembre sur Mayotte la 1ère et réalisée par la directrice de Clap Productions, a surtout permis de lever le voile sur le quotidien de nombreuses Mahoraises, forcées de jongler à leur retour de métropole entre la liberté acquise de l’autre côté du globe, et les attentes d’une société qui ne les comprend pas. Un brusque retour en arrière que la réalisatrice a elle-même expérimenté, à son retour à Mayotte en 2013. “Moi aussi, quand je suis rentrée, j’ai eu le problème d’avoir un appartement, l’idée même d’évoquer le sujet c’était un problème, le fait de sortir sans être accompagné du cousin, de la petite sœur ou je ne sais qui, c’était un problème chez moi aussi”, expose Jacqueline Djoumoi-Guez, qui ne veut toutefois pas réduire sa création au seul récit autobiographique. “C’est comme à peu près toutes les femmes ici, en somme”, ajoute-t-elle.

“Ce débat n’aurait jamais eu lieu si ça avait été un homme”

Reste que mettre des images sur cette facette de la société fait l’effet d’une petite bombe. Depuis le 6 septembre, chaque diffusion apporte son lot de débats parfois virulents, surtout sur les réseaux sociaux. Manque de respect aux valeurs, à la culture, à la mère, ou encore image dévergondée de la femme… Les critiques vont bon train, au grand dam d’une partie de l’opinion, notamment féminine. Sur Instagram, une vidéo en date du 8 septembre, qui déboute ces arguments, a ainsi fait près de 30.000 vues. “Personne n’a attendu la série, on pointe juste du doigt un problème qui existe déjà (…). Ce débat n’aurait jamais eu lieu si ça avait été un homme”, dézingue Oumy, enregistrée au smartphone par Anaisse Chabouhane, l’actrice qui joue Farzati dans la série. “On va arracher notre liberté”, finit-elle au terme de cette diatribe enflammée d’une vingtaine de minutes.

Un miroir tendu à la société

Mais pourquoi ces réactions viscérales ? “À travers cette série, on tend un miroir à la société mahoraise, et on interroge la place qu’elle donne aux femmes, les préjugés, les codes induits par une culture, une tradition, qui méritent réflexions”, analyse Taslima Soulaimana, la directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a soutenu le projet pour cette raison. “Cela choque, parce que c’est comme si on oubliait que les femmes étaient parties faire des études, qu’elles étaient toutes seules et totalement autonomes. Et quand elles reviennent, on leur redonne la même place qu’au départ, comme si on voulait occulter cette étape franchie.

Un combat d’hier et d’aujourd’hui

Et ce clash des générations ne date pas d’hier. “Il y a beaucoup de thèmes qui m’ont rappelé mon vécu, ne serait-ce que par rapport au retour au pays, au refus des parents qu’on soit plus autonome, qu’on puisse vivre toute seule sans être mariée, cette pression de la famille, de l’entourage… Ça a été un long combat que j’ai réussi à gagner grâce à un compromis : en habitant juste au-dessus de chez mon grand-frère”, raconte Nadine Hafidou, cheffe d’entreprise à Deltah, qui a notamment inspiré le personnage de Raïssa dans la série. Un combat qui s’explique aussi par la pression subie par la famille elle-même. “Je suis venue à l’avant-première avec ma mère et ça a fait tomber une barrière. On n’en avait jamais parlé avant et là elle m’a avoué qu’elle avait eu du mal avec cette période, car elle appréhendait beaucoup la pression des autres”, explique l’ingénieure.

Il y a une certaine hypocrisie, parce qu’on fait l’autruche sur des télénovelas brésiliennes ou des séries indiennes qui passent sur la 1ère et abordent souvent toutes ces petites notions… Mais on se dit que de toute façon, c’est pas nous”, analyse pour sa part une jeune diplômée de retour à Mayotte depuis quelques mois, qui a elle aussi dû batailler pour obtenir son propre appartement, malgré ses cinq années dans l’Hexagone “en totale autonomie”. “Après le visionnage du premier épisode, ma mère m’a dit ‘‘j’ai l’impression de t’entendre’’ et je lui ai répondu que je n’étais pas la seule à penser ce que je pense, à chercher un appart etc.” Un argumentaire qui a payé, puisque la jeune femme a enfin réussi à décrocher le Graal : son propre appartement. À quand la crémaillère ?

Pépinière, poulailler, ferme pédagogique, concept-store : Maoraland dévergonde le milieu

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En parallèle de son métier d’institutrice, Nasra Abdou s’est lancée dans l’agriculture en créant Maoraland à Kahani où se trouve une pépinière et un poulailler en attendant l’ouverture d’une ferme pédagogique et d’un concept-store. Preuve que ce secteur d’activité a le vent en poupe, la jeune femme de 25 ans croule sous la demande depuis son passage sur Kweli Media. Une manière pour elle de rappeler que la terre mahoraise regorge de richesses et d’opportunités.

Flash Infos : En 2019, vous avez créé Maoraland, un site agricole qui sensibilise au respect et à la protection de l’environnement. Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cette aventure ?

Nasra Abdou : L’histoire est partie de mon père et de mon mari, qui ont la même passion : les plantes. Nous avons alors créé une pépinière, qui a immédiatement séduit la clientèle, avant de construire un poulailler. C’était compliqué au départ en raison des démarches administratives, qui prennent un temps fou. D’ailleurs, nous attendons encore certaines autorisations pour importer des plantes et des animaux qui ne sont pas sur Mayotte. C’est un frein qui demande d’avoir les reins solides… Heureusement que les retours sont positifs : j’ai plein de collègues qui veulent organiser des visites du site avec leurs élèves. Tout cet engouement autour du projet me met du baume au cœur et me donne de l’espoir pour la suite. Nous espérons par exemple recevoir le soutien du Département et d’autres collectivités pour continuer à nous développer.

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FI : Justement, vous souhaitez mener à bien deux projets d’envergure : l’ouverture d’une ferme pédagogique, en sachant que vous avez déjà deux vaches métisses charolaises et sept chèvres, et d’un concept-store. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

N. A. : Pour la ferme pédagogique, c’est un dossier très lourd à porter. Nous y tenons, mais cela reste encore assez flou… Dès que nous aurons les autorisations, nous pourrons envisager une date d’ouverture. Toujours est-il, nous allons déjà commencer avec ce que nous avons sur place. Dans l’idéal, nous aimerions ramener des autruches, des perroquets, etc. Des animaux que nous n’avons pas l’habitude de côtoyer sur l’île. Faire venir des chevaux, des zèbres et des girafes serait un rêve ! Nous espérons vraiment le concrétiser. Mais pour cela, il faut que mon mari, Manzola, suive une formation pour les accueillir.

Par rapport au concept-store, nous pensons pouvoir l’ouvrir d’ici l’été prochain. Nous allons vraisemblablement recevoir les financements de la commune de Ouangani, de mon père via son entreprise et de l’ADIE (association pour le droit à l’initiative économique, ndlr.) avant la fin de l’année. Nous allons proposer la vente de pots et d’outils pour le jardin, mais aussi des produits animaliers ainsi que des ateliers pour construire des terrariums avec les clients.

FI : Vous avez également un poulailler riche de 3.000 poules que vous importez de métropole et que vous élevez à la mahoraise. Un concept qui vous tient à cœur et surtout une démarche qui plaît à vos clients…

N. A. : Pour l’instant, nous prônons un élevage traditionnel mahorais : soit nous déplumons les poulets nous-mêmes, soit nous les vendons vivants. Tout dépend de la demande, qui commence à augmenter petit à petit, notamment le week-end ! Nous espérons pouvoir tenir ce système et ne pas tomber dans l’élevage intensif. Raison pour laquelle, nous faisons appel à un ami restaurateur pour les nourrir avec les restes du service du midi. C’est mieux de procéder de la sorte plutôt que de tout envoyer à la poubelle, non ? Sinon, nous n’hésitons pas non plus à donner nos choux et nos salades en mauvais état aux poussins. Et ça leur plaît (rires).

FI : Lors de votre intervention dans Kweli Media, vous adressez un message à la jeunesse pour leur dire de ne pas délaisser l’agriculture et de développer des produits pays. Quelle image portez-vous sur l’agriculture à Mayotte ?

N. A. : C’est super important de s’adresser à la nouvelle génération ! N’oublions jamais que la terre mahoraise regorge de richesses. Même si je suis institutrice, j’ai envie de faire quelque chose de plus naturel pour mon territoire. Cela me fait mal de voir tous ces produits importés de La Réunion et de la métropole dans les étals des magasins. Je suis trop jalouse, c’est tellement dommage, alors que nous avons du potentiel. Malheureusement, nous préférons rester les bras ballants et regarder ce qu’il se passe sous nos yeux.

Alors oui, j’essaie de porter un message qui consiste à dire qu’il ne faut pas être réfractaire aux métiers manuels malgré toute la paperasse que cela demande. Mais ça va venir, j’en suis persuadée ! Nous résumons trop souvent l’agriculture à un métier de « vieux ». Or, c’est à nous de prendre le relais, de porter les sacs de terreau, de donner à manger aux bêtes, de moderniser ce secteur d’activités… Certes, à la fin de la journée vous êtes exténué parce qu’il s’agit d’un travail harassant, mais vous êtes habité par un sentiment de fierté.

Un nouvel espace de vie pour mieux aborder la sexualité avec les Mahorais

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Ouvert à la fin de l’année 2019, l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) de Kawéni a été inauguré le vendredi 24 septembre. Géré par l’association Mlézi Maoré, l’endroit a pour mission d’informer et d’accompagner la population sur les questions de sexualité, mais également en cas de violences conjugales et sexuelles.

Situé dans une ruelle près du collège K2 et du lycée des Lumières, l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle, piloté par l’association Mlézi Maoré, est bien caché du regard indiscret des curieux. Cette particularité est une volonté de la part des porteurs de ce projet. « S’implanter à Kaweni, dans une rue un peu isolée, permet de maintenir l’intimité. Mais en même temps, nous ne sommes pas loin des établissements scolaires et du tribunal. C’est vraiment un lieu où nous pouvons venir en toute discrétion », indique Dahalani M’houmadi, le directeur général de Mlézi Maoré. Et de la discrétion, il en faut quand on sait qu’il est encore difficile pour une grande partie des Mahorais de parler de sexualité en toute liberté…

Cet espace de vie a pour mission de changer la donne et se présente comme un endroit où chacun peut trouver une solution à son problème. Les professionnels présents accompagnent et informent sur la contraception, les grossesses précoces, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’identité de genre et l’orientation sexuelle, le consentement, etc. Mais une problématique semble largement se démarquer des autres. « Nous nous retrouvons monopolisés par deux demandes : 90% de mes patients sont victimes de violences sexuelles, la plus jeune a 9 ans. Les 10% restants, c’est essentiellement des violences conjugales », précise Bastien Barzack, le psychologue de l’EVARS de Mlézi Maoré. Depuis son ouverture, la structure se fait connaître petit à petit.

En 2020, à cause du confinement seules 29 personnes ont pu être accompagnées ! En 2021, le chiffre a triplé : l’équipe de cet espace de vie a suivi 87 individus de janvier à septembre. « Notre enjeu est de rendre cet endroit accessible puisque l’idée est d’avoir des lieux ressource pour la population », explique Nassim Guy, la responsable du service prévention de l’agence régionale de santé de Mayotte. Et le lieu est ouvert à tous, à partir de l’âge de six ans. L’anonymat est maintenu pour tout le monde, y compris pour les mineurs, sauf en cas de danger qui nécessite un signalement.

S’adapter au contexte mahorais

Lorsque les plus courageux osent franchir la porte de l’EVARS, ils sont pris en charge par différents professionnels qui les accompagnent tout au long du processus. Psychologue, conseillère conjugale, assistante sociale… Tous doivent s’adapter au contexte mahorais. « Nous arrivons avec notre culture métropolitaine, nous avons ce fantasme de la consultation individuelle, de rendre autonome la personne, mais en fait le groupe prime sur l’individu à Mayotte », constate le psychologue. La présence d’une professionnelle qui parle shimaoré est également primordial. « Je connais aussi la culture mahoraise donc je sais comment m’adresser aux personnes qui viennent nous voir. Je sais que certaines choses peuvent être choquantes, alors j’en parle de manière différente », explique Tanlimi Attibou, la conseillère conjugale de l’EVARS.

En France, la réglementation indique qu’il doit y avoir au moins un EVARS par département. Mayotte en compte deux, l’autre étant géré par l’ACFAV (association pour la condition féminine et aide aux victimes), mais la question de l’accessibilité reste un frein sur le territoire puisque les deux sont situés dans la commune de Mamoudzou. Pour remédier à ce problème, l’agence régionale de santé est prête à mettre la main à la poche comme elle l’a fait pour les deux premiers. « Nous sommes là pour accompagner les porteurs de projets, nous espérons que demain cela fera des bébés », lance la responsable du service prévention de l’ARS de Mayotte. En attendant, l’équipe de l’EVARS de Mlézi Maoré n’hésite pas à aller vers les habitants. « Nous menons des permanences dans l’espace public, dans des écoles, au RSMA pour pouvoir être au plus près du public », souligne le directeur général de Mlézi Maoré. Ces actions collectives ont déjà touché plus 1.100 personnes depuis le début de l’année 2021.

Comme un poisson dans l’eau avec le cercle des nageurs de Mayotte

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Vendredi dernier, le cercle des nageurs de Mayotte ouvrait à 15h un nouveau cours de natation sur la plage d’Iloni. Un rendez-vous hebdomadaire, comme il en existe déjà à Mliha, Tahiti Plage ou encore Musicale Plage. Entre l’apprentissage de la nage pour le plus grand nombre et la surveillance des baignades, les objectifs de l’association sont multiples.

Vendredi. 15h. Alors que les membres du cercle des nageurs de Mayotte installent leur matériel sur le sable noir de la plage d’Iloni, Zarianti arrive pour suivre son premier cours. “Mon souhait serait d’apprendre à nager. Nous avons un lagon magnifique et nous ne pouvons même pas en profiter !”, s’exclame-t-elle. Pour la jeune maman, savoir nager est primordial, et si elle confie ne pas avoir eu le “déclic” quand elle était enfant, elle se sent prête à 35 ans à découvrir l’aventure aquatique.

Encadrée par Alexandre, elle se jette à l’eau. “Aujourd’hui, nous allons travailler la respiration pour appréhender l’immersion, puis nous allons réaliser quelques exercices pour travailler l’équilibre dans l’eau et la flottaison, avant d’avancer et apprendre à se propulser”, explique-t-il en bon professeur. Une méthode douce, nommée méthode Catteau, qui se résume en trois étapes : le “corps flottant”, où le nageur s’équilibre en milieu aquatique et maîtrise, puis le “corps projectile”, où il apprend à glisser dans l’eau et enfin le “corps propulseur” où il faut réussir à coordonner ses mouvements et commencer à nager. Des phases primordiales avant de pouvoir prendre le large et découvrir les joies de cette discipline complète, qui développe à la fois la coordination, la force et l’endurance.

Des objectifs multiples

La natation, ce n’est plus une option ! Voilà qu’elle pourrait être la devise du cercle des nageurs de Mayotte. Le club de sport membre de la fédération française de natation compte actuellement 220 licenciés et espère accroître ce nombre pour la saison 2021-2022. La raison d’être de cette structure qui regroupe des centaines de nageurs tous les samedi à Tahiti Plage dans la commune de Sada est de développer la natation sur l’île aux parfums. “Notre objectif est multiple”, explique Hervé Ducongé, maître nageur et président de l’association. “Tout d’abord, nous voulons sécuriser la baignade et mettre de la surveillance sur les plages. Ensuite, nous voulons un apprentissage de la natation pour tous, de 4 à 100 ans, et également pour les personnes en situation de handicap. Nous souhaitons promouvoir le sport santé qui est une cause de santé publique. Développer les disciplines douces comme l’aquagym pour les personnes en surpoids mais aussi l’hydrothérapie et la rééducation. Enfin, nous voulons en faire un sport social, créer une filière économique et de l’insertion grâce à la natation.

“Bâtir une natation mahoraise”

Quatre fois par semaine, les instructeurs du cercle des nageurs retrouvent leurs élèves sur les plages pour leur apprendre à nager. Le mercredi à Mliha, le vendredi à Iloni, le samedi à Tahiti Plage et le dimanche à Musicale Plage, mais aussi via des stages pendant les vacances scolaires. Un club itinérant qui va à la rencontre des Mahorais de tous âges. “Notre but est de bâtir une natation mahoraise, avec les Mahorais, pour les Mahorais”, affirme Hervé Ducongé, sans oublier “d’aider la natation scolaire, de faire des sections sport, de former de bons sauveteurs”. En effet, le territoire ne recense qu’un trop faible nombre de maîtres nageurs… Impossible alors pour eux d’assurer dans de bonnes conditions la sécurité des plages, qui connaissent chaque année leur lot de drames. Bientôt de l’histoire ancienne ?

L’ouverture du village relais Étape Fulera de Tsoundzou II marque l’éradication des bivondilles à Mayotte

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Annoncé en grande pompe par Annick Girardin, l’ancienne ministre des Outre-mer, comme une solution de relogement temporaire aux familles décasées, le village relais de Tsoundzou II, dénommé Étape Fulera doit accueillir ses premiers locataires à partir de ce samedi. Gestionnaire du site, l’association Coallia a pour objectif d’accompagner les bénéficiaires mahorais vers la réinsertion professionnelle. Un défi de taille qui a pour vocation de se démultiplier sur le territoire, alors que les opérations de destruction de cases en tôle s’enchaînent aux quatre coins de l’île.

« George, il faut planter quelque chose ici… Des fleurs par exemple ! » À quelques minutes de la signature des conventions portant financement et occupation du village relais de Tsoundzou II, les derniers détails végétaux restent (encore) à peaufiner. Des finitions en partie cachées par l’enracinement d’un arbre du voyageur, symbolisant « la vie » et « la brièveté du parcours » des futures familles accueillies sur ce site. « Le contrat initial s’élève à six mois, renouvelable au cas par cas. Nous ne sommes pas dans la sédentarisation », prévient Éric Nicaise, le directeur régional adjoint de Coallia, l’association gestionnaire d’Étape Fulera, dont le nom fait écho au « tremplin » qui attend les bénéficiaires mahorais, triés sur le volet par le système intégré d’accueil et d’orientation et validés par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.

Avec déjà dix maisons livrées sur les trente-et-une prévues dans le carnet de commande, les premiers 240 futurs occupants débarquent dès ce samedi pour prendre possession de leur nouvelle habitation, « sous réserve de l’électricité ». « L’objectif est de développer ce type d’hébergement. Nous avons besoin de sas comme cette réalisation pour proposer, à ceux qui vivent dans les bidonvilles, un logement digne et un accompagnement pour leur permettre d’avoir accès à un logement social et à un certain nombre de droits », résume en quelques mots le préfet, Thierry Suquet. D’où la démultiplication de ce projet de villégiature sur Hamouro, Kawéni, Majicavo et Petite-Terre. Une possibilité offerte par le décret publié le 17 septembre dernier par les ministères des Outre-mer et du Logement « que nous espérions depuis un moment » puisque l’État finance la construction et le fonctionnement de ces villages.

Lever les freins pour insérer les habitants

Mais l’intérêt de cette politique de résorption de l’habitat insalubre repose avant tout sur la réinsertion des principaux concernés. Cela commence par lever les freins sociaux, psychologiques, sanitaires ou encore linguistiques pour les diriger par la suite vers des métiers abordables tels que la culture maraîchère ou le bâtiment. « Tout est lié ! Aucun domaine n’est plus important qu’un autre », insiste Éric Nicaise, pour qui la réussite de ce challenge passe par la présence d’une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels spécialisés et par l’étroite collaboration avec les institutions et le tissu associatif. « Si nous agissons de façon séquentielle, il nous faudrait des années… Or, nous ne les avons pas. »

Reste que les places sont chères au vu des opérations de destruction de cases en tôle qui pullulent aux quatre coins de l’île, à l’instar de celle organisée en début de semaine prochaine sur le quartier Caro Boina à Koungou. D’où l’engagement moral signé avec Coallia. « Les familles qui vont arriver n’ont pas de ressources pour la plupart. […] Si elles ne jouent pas le jeu, nous n’allons pas perdre notre temps ! D’autres attendent devant la porte… », déroule encore le directeur régional adjoint. Avant de dévoiler la méthode de travail de l’association : « Nous sommes là pour donner un cadre et partager des valeurs, même si nous allons faire en fonction des spécificités mahoraises. »

Ambitieux, ce projet vacille tout naturellement entre attentes et espérances. « Il faut réussir cette implantation », martèle le délégué du gouvernement, conscient de l’enjeu suscité. Convaincu, un éducateur donne même rendez-vous d’ici quelques mois pour découvrir les potagers individuels et les jardins fleuris partagés. Synonyme de nouveau départ pour les passagers d’Étape Fulera.

Avec l’agriculture syntropique, le savoir pousse et les mentalités changent à Coconi

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Dans le cadre de la formation Concevoir son projet et son système agricole avec la permaculture et l’agroforesterie successionnelle, les intervenants Steven Werner et Romain Criquet de l’association Cultures Permanentes présentaient ce jeudi 23 septembre au lycée de Coconi les principes de l’agriculture syntropique. Un modèle qui a fait ses preuves en Afrique de l’Ouest et qu’ils espèrent voir se développer sur l’île aux parfums.

L’agroforesterie successionnelle et l’agriculture syntropique… Deux gros mots bien compliqués à prononcer pour un rapport à la terre pourtant si simple. “Notre objectif est de recréer un écosystème que l’on retrouve dans la nature. Des cultures plantées sur différentes strates et qui reconstituent à échelle réduite le modèle d’une forêt”, dévoilent Steven Werner et Romain Criquet, les deux intervenants de l’association Cultures Permanentes. Longtemps à Mayotte, le modèle du jardin était roi mais, avec l’arrivée de la monoculture, plus rapide et plus productive, l’agriculture traditionnelle a pris un coup dans l’aile.

Ainsi, avec la formation Concevoir son projet et son système agricole avec la permaculture et l’agroforesterie successionnelle dispensée ce jeudi 23 septembre, les deux formateurs, souhaitent montrer que le lopin de terre imaginé hier n’avait rien d’idiot, au contraire, et qu’il est également possible de le perfectionner. “Nous avons mis en place sur une parcelle expérimentale du lycée de Coconi un projet d’intensification agroécologique du jardin mahorais. Nous avons planté sur un même terrain diverses espèces que nous retrouvons sur l’île tout en veillant à ce qu’elles se complètent et se succèdent afin de tirer au mieux profit les unes des autres.” Alors que l’agroforesterie se définit comme un mode d’exploitation agricole qui associe la plantation d’arbres ou d’arbustes à des cultures, l’agriculture syntropique se base quant à elle sur le processus naturel de la régénération des écosystèmes dans le but d’y introduire des espèces comestibles et commercialisables. Le principe étant de remettre les plantes dans les conditions de lumière et de fertilité qu’elles auraient dans leur milieu naturel !

L’agriculture, c’est pas sorcier

Autre grand principe agricole prôné par les deux intervenant ? La couverture des sols. “D’après des recherches sur comment le sol fonctionne, il en est ressorti que celui-ci a besoin d’être couvert. La matière organique comme les feuilles, les branches, les écorces, permet de protéger le sol du soleil, de la pluie, du vent… De plus, cela permet aussi de garder l’humidité et la vie dans le sol”, détaille Steven Werner. Tout l’objectif de cette après-midi ouverte à un large public mais aussi de la formation de deux semaines proposée aux agriculteurs par le centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) est de faire changer les mentalités.

Habituellement, les agriculteurs ne taillent leurs arbres que pour utiliser les feuilles comme fourrage ou brûlent tout simplement les branchages qui les encombrent. Dans un modèle d’agriculture syntropique, les plantes sont régulièrement taillées et les feuillages utilisés pour couvrir les pieds des diverses plantations permettant ainsi d’apporter un engrais naturel sans intrants chimiques. “Les deux tiers des plantes sont ici pour être taillées et créer de la biomasse”, affirme Romain Criquet en désignant la parcelle expérimentale. Un bon moyen d’économiser la ressource en eau et de bannir les engrais nocifs pour la nature et les consommateurs.

Pour Assane Ediamine, cette formation a été une révélation. “J’ai appris un nouveau modèle de culture. En 25 ans de vie, je n’ai jamais vu ça… C’est vraiment super ! Je vais passer le message à ma famille et à mes proches et adapter cela à mon exploitation.” Le jeune sadois ne tarit pas d’éloges sur ces deux semaines au sein du CFPPA. Il projette déjà de réaménager sa parcelle de vanille en fonction des principes appris aux côtés de Steven et Romain. “Les cours théoriques et pratiques que nous dispensons permettent à chacun d’expérimenter nos méthodes. Nous gardons également des temps de débat pour pouvoir adapter au mieux ce modèle au territoire de Mayotte”, précise Steven Werner. Une formation complète et appréciée qui laissera l’imagination des élèves bourgeonner avant d’appliquer ces principes sur leurs terres.

L’ARS se mobilise pour rendre plus accessible la contraception à Mayotte

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Préservatifs, stérilets, pilules, implants… Les moyens de contraception sont nombreux et variés en France, mais à Mayotte la plupart reste inaccessible à la population cible pour diverses raisons. Une tendance que l’agence régionale de santé souhaite inverser à travers sa nouvelle campagne « Ma contraception, mon choix » destinée aux femmes mais également aux hommes.

9.180. C’est le nombre de naissances enregistrées à Mayotte pour la seule année de 2020. Un chiffre qui reste bien trop élevé en comparaison avec les autres départements de France. Sur l’île, le taux de fécondité s’élève à 4.2 enfants par femme, contre 1.8 en métropole. Vous l’aurez compris, Mayotte préserve son statut de plus grande maternité de France. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce phénomène : environnement, religion, manque d’éducation sexuelle, ou encore l’absence de contraception.

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Ce dernier élément est la raison pour laquelle l’agence régionale de santé de Mayotte a renouvelé sa campagne sur la contraception. S’agissant d’un enjeu majeur pour mieux réguler la démographie du territoire, l’autorité sanitaire mobilise tous ses moyens pour démocratiser un peu plus le sujet. « L’idée pour nous est de mettre la contraception en avant, que l’on puisse en discuter dans la société. Le but n’est pas de dire aux femmes combien d’enfants elles doivent avoir, mais plutôt de faire en sorte pour que les grossesses se fassent dans de meilleures conditions », indique Solenne Augier, chargée de mission santé sexuelle et reproductive à l’ARS. Pour cela, l’institution doit collaborer avec différents partenaires, tels que l’Éducation nationale, les associations et les communes.

Le travail commence dès l’école où les jeunes scolarisés sont sensibilisés à l’éducation sexuelle. « Il y a des interventions d’associations en milieu scolaire tournées autour de la sexualité au sens large. On leur parle de contraception, mais également de violences sexuelles, de consentement, etc. », poursuit-elle. Mais l’éducation sexuelle doit aussi se faire auprès des adultes qui ont plus de mal à libérer la parole. Pour y remédier, les associations, l’ARS et le réseau périnatal de Mayotte se déplacent dans les villages pour faire passer le message auprès des femmes et les hommes.

Pérenniser les actions

La mobilisation de l’ARS ne se résume pas à la semaine de la contraception (du 20 au 30 septembre). Elle a pour ambition de s’inscrire sur le long terme et vise plusieurs objectifs. « On veut faire évoluer les représentations sur le fait de devenir parents, informer sur les différents moyens de contraception et faciliter leur accessibilité. Nous devons aussi mieux faire connaître les lieux où on peut s’en procurer », détaille Solenne Augier. Le travail est colossal, mais nécessaire. Il est possible d’aller demander sa contraception à la protection maternelle et infantile (PMI), auprès d’une sage-femme ou dans les centres de planning familial. Mais il n’est pas évident pour une jeune fille ou une femme de s’y rendre sans avoir peur d’être jugée… Alors l’ARS essaye de multiplier les lieux où chacune peut aller sans crainte.

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Ces actions sont primordiales puisque les chiffres sur les interventions volontaires de grossesse sont alarmants. Pas moins de 10% des femmes de l’île aux parfums y ont déjà eu recours. « On essaye de travailler là-dessus. Plutôt que de faire des IVG à répétition, il vaut mieux avoir recours à un moyen de contraception », rappelle la chargée de mission santé sexuelle et reproductive à l’ARS.

Briser les tabous

En 2021, dans le 101ème département français, la question de la contraception est encore taboue. Selon l’ARS, 40% des 18-44 ans ne prennent pas de contraceptifs à Mayotte et 33% des femmes qui ne veulent pas avoir d’enfant n’utilise pas non plus de contraception. Le contexte social et religieux peut justifier ces chiffres. « Les jeunes filles sont censées garder la virginité jusqu’au mariage, ce qui fait qu’elles n’osent pas avoir recours à la contraception », soutient Solenne Augier. Et même lorsqu’elles sont mariées, la pression continue. « Il y a encore des femmes qui nous disent qu’il faut qu’elles se cachent car leurs maris refusent qu’elles utilisent un moyen de contraception », continue la professionnelle.

Alors l’équipe de l’ARS et les professionnels de santé travaillent pour trouver des moyens de contraception qui ne sont pas visibles. « Il y a par exemple le dispositif intra-utérin, ou l’implant que l’on pourrait mettre ailleurs que sur le bras pour ne pas le sentir », précise encore Solenne Augier. Mais se cacher est-elle la meilleure solution ? Vraisemblablement pas ! La sensibilisation auprès des hommes est toute aussi importante puisqu’ils sont aussi concernés. 7% des pères déclarent avoir eu un enfant alors qu’ils étaient mineurs. La contraception n’est donc pas qu’une question de femme.

Pour “un plan d’urgence dans l’éducation” : à Mayotte, les syndicats au diapason de la grève nationale

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Les personnels de l’Éducation nationale du 101ème département ont répondu à l’appel à manifester ce jeudi 23 septembre. Une mobilisation nationale pour dénoncer l’absence d’anticipation du ministre Jean-Michel Blanquer pour cette rentrée 2021, qui a aussi permis de rappeler les revendications locales, comme l’indexation Outre-mer.

Bientôt 11h et un débat fait rage sur le trottoir, en contrebas du rectorat. “En mobilisation ? On est au moins 1.500 d’après les syndicats”, rigole un manifestant en pianotant sur le manche de son drapeau CGT. “Non, comment c’est la bière, déjà ? 1664 ! – D’après le policier là-bas, 20”, pouffent les autres. Le petit groupe d’enseignants se donne la réplique pour tuer le temps, en attendant que le “gros” des troupes revienne de la marche sur la préfecture. Ça y est ! Au loin, le son des percussions annonce l’arrivée d’une petite foule. Ils seront finalement une centaine de personnes, à lever le poing sous le soleil tapant de la mi-journée.

Plan d’urgence” pour l’éducation

Ce jeudi, les antennes locales de la CGT Educ’Action et du SNUipp-FSU ont répondu à l’appel à la grève de l’intersyndicale FSU – FO – SUD – CGT Educ’Action : une mobilisation nationale pour dénoncer l’absence d’anticipation et de prise de décision du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer pour cette rentrée scolaire 2021. En pleine crise sanitaire, les syndicats réclament “la mise en place d’un plan d’urgence et la création massive de postes pour l’éducation”.

Plus précisément dans le viseur des grévistes : les revalorisations salariales – l’annonce fin août d’une augmentation des revenus via une prime d’activité de 57 à 29 euros net par mois pour les professeurs en début et en milieu de carrière ayant été jugée insuffisante -, une meilleure considération de leurs activités, mais aussi des postes supplémentaires d’enseignants, de CPE, de psychologues, de surveillants et d’accompagnants d’élèves en situation de handicap. Enfin, les organisations déplorent les inégalités engendrées par le bac à 40% de contrôle continu et demandent le retour à la formule d’avant-crise.

Mayotte en tête de cortège

Sans surprise, de notre côté du globe, cette urgence aura trouvé un écho sensible chez les personnels de l’académie de Mayotte. “Il n’y a pas de vraie politique d’accueil pour les élèves en situation de handicap. Et il faudrait un recrutement massif de personnels. Moi, j’ai une gamine dans mon collège, ça fait quatre ans qu’elle attend une place en IME (institut médico-éducatif, ndlr). Rien qu’à Koungou, il faudrait un IME !”, soupire un directeur d’établissement sous son chapeau aux couleurs de la CGT.

Outre le mouvement national, cette grève aura été l’occasion de marteler les revendications chères aux syndicats de l’éducation du 101ème département, comme le passage de toute l’île en éducation prioritaire renforcée (REP+), la mise en place d’un dispositif dérogatoire pour prolonger les contrats des AED (assistants d’éducation) ayant accompli six ans de service, ou encore l’augmentation de l’indexation sur le niveau de La Réunion (de 40 à 53%). “Nous serons très fermes sur le respect de cet engagement-là, on ne veut pas savoir qui paie, comment on s’organise, on veut que ce soit fait, et vite !”, clame au micro Henri Nouri, secrétaire départemental de la FSU Mayotte, aussitôt suivi par une pluie d’applaudissements.

“Classes tiers monde”

La CGT Educ’Action déplore quant à elle la destruction des postes de RASED (réseau d’aide spécialisé aux élèves en difficulté) faute d’être pourvus, le manque de formation des contractuels, le manque d’enseignants pour les élèves allophones (nouvellement arrivés sur le territoire et qui parlent une autre langue que le français) et de remplaçants. Le syndicat dénonce aussi le manque de locaux et d’équipements dans les écoles. Et tire à boulets rouges sur les “classes itinérantes”, censées lutter contre la déscolarisation des enfants. “Nos collègues ont trouvé un autre nom pour ces classes et les appellent « classe tiers monde » : la plupart du temps, il n’y a pas de lieu dédié à ces « classes » qui se déroulent souvent dans un coin du préau ou bien dans une salle de MJC”, écrit le syndicat dans un communiqué. “Toutes ces conditions dégradées génèrent toujours plus d’échec scolaire et de violence dans la société.

La circulation alternée au menu

Reçue par le secrétaire général et le directeur de cabinet du rectorat, une délégation de la CGT n’a pas obtenu d’annonce nouvelle, à en croire Bruno Deziles. “On avait déjà un retour du national, on savait que les postes étaient bloqués. Les seules créations de postes au niveau national, c’est une cinquantaine au niveau administratif et ça ne concerne pas Mayotte. Et on est toujours à 0 AED pour Mayotte”, expose le représentant syndical qui attend par ailleurs un “choc d’investissement” pour la formation, l’attractivité, les constructions. Sans quoi “on ne pourra pas sortir de ce cycle où l’on cumule les problèmes”.

Dernier sujet qui s’est invité dans les discussions, cette fois du côté de la préfecture : l’arrêté du maire de Mamoudzou sur la circulation alternée, très décrié par une partie du corps enseignant. “C’est un sujet qui préoccupe bon nombre d’entre vous, à juste titre”, rappelle Henri Nouri. “On nous a dit que cet arrêté était encore en attente de validation du côté de la préfecture.

Guère satisfait, un enseignant de Dembéni repart du cortège les sourcils froncés, malgré la bonne humeur du jour. “Vous en pensez quoi, vous, de cet arrêté du maire ? Il peut pas faire ça du jour au lendemain, il y a des collègues qui sont en train de faire venir leur voiture en conteneur, ils sont déjà dans l’illégalité !”, grommelle-t-il, visiblement remonté. Et prêt à battre de nouveau le pavé le 5 octobre, place de la République, pour la journée interprofessionnelle.

1.500 assistantes maternelles recherchées par la protection maternelle infantile

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En collaboration avec Pôle emploi, la protection maternelle et infantile a organisé, ce mercredi 22 septembre, deux réunions d’informations au centre Kinga pour promouvoir et présenter le métier d’assistante maternelle, ses contraintes et ses modalités. Environ 50 demandeuses d’emplois ont fait le déplacement dans l’optique de se lancer dans l’aventure. Et ce ne sont pas les places qui manquent puisque le département envisage de distribuer pas moins de 1.500 agréments d’ici cinq ans.

« Je prends le relais des parents. » Dans une vidéo de présentation, une assistante maternelle dévoile une journée type, rythmée par l’accueil des enfants, la pause méridienne, le dodo ou encore les activités réalisées. Derrière le rétroprojecteur, une bonne vingtaine de femmes, de tout âge confondu, boivent les paroles de la « nounou », au point de s’imaginer à sa place d’ici quelques mois !

Réunies ce mercredi 22 septembre dans les locaux de Pôle emploi au centre Kinga, les demandeuses d’emploi peuvent se mettre à rêver, tant le territoire affiche des besoins abyssaux dans ce domaine. « Nous avons un manque criant d’accueils individuels et collectifs pour la petite enfance », alerte Moidjoumoi Mambadi, l’une des deux éducatrices de jeunes enfants au Département, lorsqu’il s’agit de faire le compte. Avec seulement 13 crèches sur le territoire et sept assistantes maternelles agréées en activité, Mayotte piétine et peine à se professionnaliser.

« La méconnaissance du métier »

Alors pour tenter d’inverser la tendance, le bureau petite enfance de la protection maternelle et infantile (PMI) se lance dans une opération séduction grandeur nature. Avec comme objectif d’agréer d’ici cinq ans pas moins de 1.500 nouvelles assistantes maternelles. « C’est ambitieux », admet la référente du projet. Mais selon elle, l’un des principaux freins repose sur « la méconnaissance du métier ». D’où la mise en place de réunions d’informations pour vulgariser ses contraintes et ses modalités.

Premier enseignement : même si le boulot n’exige pas de prérequis de diplôme, il repose sur deux critères indissociables, à savoir de disposer d’un logement adapté pour accueillir des enfants en bas âge – « les produits d’entretien doivent se trouver en hauteur et les prises électriques doivent être sécurisées », donne à titre d’exemple Moinecha Moussa Massiala – et de maîtriser la langue française. Auxquelles s’ajoutent un certain nombre de qualités telles que l’attention, la patience, la capacité éducative, l’écoute, le sens de l’observation, l’autorité, la pédagogie, la créativité et la discrétion professionnelle… « Vous devez être force de propositions pour développer les sens de l’enfant et sa motricité, sans pour autant le laisser faire n’importe quoi », insiste l’éducatrice.

120 heures de formation obligatoire

Mais avant de se lancer dans la gueule du loup, les candidates intéressées dont les dossiers seront retenus, effectueront une formation obligatoire de 120 heures auprès d’un organisme local dans le but d’acquérir les compétences et les savoirs associés de l’unité professionnelle 1 et 3 du CAP AEPE (accompagnant éducatif petite enfance) : 80 avant d’accueillir le premier enfant « pour apprendre à vous organiser et à concilier la vie familiale et professionnelle », suivies de 40 autres au cours des trois années suivantes. « Si vous les validez, la durée de l’agrément passera à dix ans lors du renouvellement (contre cinq ans au moment de la première délivrance) », précise Moidjoumoi Mambadi. Le précieux sésame pour pouvoir exercer en toute légalité et ainsi pouvoir jouir des droits sociaux.

Dans ces conditions, les futures assistantes maternelles peuvent alors toucher un salaire horaire oscillant entre 2.50 et 5 euros de l’heure. Seul hic qui empêche jusqu’alors la démocratisation de leur service, Mayotte ne bénéficie pas encore du CMG (complément de libre choix du mode de garde), qui fait partie de la prestation d’accueil du jeune enfant (paje) et qui permet de financer à hauteur de 85% les frais de garde. « Nous sommes en pleine négociation pour pouvoir en bénéficier d’ici 2022. » Suffisant pour convaincre l’assemblée ? Pas de doute vu l’engouement prononcé au moment de recevoir les dossiers de demande d’agrément entre les mains.

Fratricide en 2018 : 2 jours de procès aux Assises pour l’homme accusé d’avoir tué son frère à coups de machette

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C’est une affaire qui avait fait du bruit, en 2018. Un matin, un homme s’était présenté devant un policier municipal car il avait tué son frère, atteint de schizophrénie. Un dossier sur fond de troubles psychiatriques, qui interroge une fois de plus la question de la prise en charge des maladies mentales dans le 101ème département.

Il porte une chemise aux bordures bleues nuit, large, informe et froissée. Elle recouvre son imposante carrure qui étouffe un peu ses mots quand il s’adresse aux juges. Le col est défait. Comme s’il tombait du lit. “J’ai entendu, mais j’ai rien compris”, lâche l’accusé de sa voix bourrue, après la lecture par le président de l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Puis d’ajouter dans un grognement à peine audible : “J’ai pas fait exprès… j’en avais marre… je suis passé à l’acte.” Et pas n’importe quel acte : un fratricide sur fond de troubles psychiatriques, pour lequel s’est ouvert ce mercredi un procès de deux jours devant la cour d’Assises, au tribunal judiciaire de Mamoudzou.

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L’affaire qui amène cet homme d’une quarantaine d’années à la barre n’a rien d’anodin. Les faits remontent au 26 septembre 2018. Il est tôt, ce matin-là, quand un agent de la police municipale découvre sur son palier Monsieur B., une machette à la main, passablement excité. L’homme lui avoue avoir tué son frère. Ensemble, ils se dirigent vers un banga en bord de route, dans la commune de Bandrélé. Et là, gisant ensanglanté sous un drap vert brodé de fil rouge, face contre terre, le corps de la victime s’expose inerte aux yeux de ce premier témoin matinal. La gendarmerie est dépêchée sur place, aux côtés du SMUR, qui ne peut que constater le décès. Cinq plaies au crâne ont ôté toute chance de survie à la victime.

Connus pour leurs troubles mentaux

Placé en garde à vue, Monsieur B. reconnaît les faits et justifie son geste par le comportement violent de son frère, qui “l’insultait, le menaçait, et frappait partout dans le domicile”, explique-t-il alors aux gendarmes. Il faut dire que les deux sont connus dans le coin pour leurs troubles mentaux, des prises en charge psychiatriques et une consommation de chimique. D’après leur entourage, ils “se battent souvent avec les poings ou des couteaux”.

La victime, surtout, enchaîne les phases d’hospitalisation et de rechutes, depuis une première bouffée délirante en 2004, à l’âge de 18 ans. Entre-temps, d’autres expertises font état d’une schizophrénie avec hallucinations auditives, idée délirante de persécution, déséquilibre caractériel et conduites addictives. Sa dernière hospitalisation, en date de septembre 2018 se solde par la fugue de l’intéressé. À l’époque, le témoignage de l’un de ses soignants expliquait ainsi, qu’il “aurait dû bénéficier d’un service de soins pour pathologies psychiatriques chroniques, mais il n’y a pas de structures adaptées ici. Je pensais même que c’était lui qui allait provoquer un drame”.

“Je viens de buter mon petit frère”

Bref, quelques jours après le dernier passage de la victime en service de soins, l’ambiance n’est naturellement pas au beau fixe dans le banga vétuste où la fratrie vit dans des conditions précaires, sans eau ni électricité. La tension monte, jusqu’au geste fatal, à en croire une bande sonore glaçante dont le président fait la lecture à l’audience. “Je viens de buter mon petit-frère, j’appelle depuis hier soir, personne ne réagit”, aurait dit l’accusé au téléphone. Lequel aurait agi en légitime défense, les gendarmes ayant refusé d’après lui de se déplacer, malgré ses appels à l’aide.

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La responsabilité pénale en question

D’après l’expertise psychiatrique, Monsieur B. souffre lui aussi d’un déséquilibre caractériel et psychotique majeur doublé d’une déficience intellectuelle et d’une personnalité borderline. Malgré cette description fournie, et une possible altération de son discernement au moment des faits, l’instruction a conclu qu’il pouvait être tenu responsable de ses actes. “On se rapproche plus ici du cas, par exemple, d’une femme victime de violences conjugales qui finit par passer à l’acte que dans l’irresponsabilité pénale”, acquiesce Maître Gibello-Autran, l’avocate de l’accusé.

Nonobstant, les troubles psychiatriques de deux frères seront bien au cœur de ce procès de deux jours. La première journée ce mercredi était ainsi consacrée à l’audition des experts, dans le but de déterminer dans quel état psychique se trouvaient la victime et l’accusé au moment des faits. Une première analyse laisse penser qu’ils avaient probablement interrompu leurs traitements médicamenteux depuis déjà plusieurs jours…

Invest in Mayotte s’exporte à Bruxelles pour s’ouvrir encore davantage à l’international

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Ce jeudi se tient la quatrième édition de l’opération Invest in Mayotte au cours duquel de nombreux acteurs – direction des affaires européennes et de la coopération régionale et d’Europe, pôle d’excellence rural, chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, chambre de commerce et d’industrie – vont échanger sur la place prépondérante de l’île aux parfums et son rôle privilégié au cœur de l’océan Indien. Entretien avec Zamimou Ahamadi, présidente de l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM).

Flash Infos : Pour cette quatrième édition de l’opération Invest in Mayotte, vous avez décidé de migrer à Bruxelles. Quelles raisons vous ont poussé à quitter Paris pour la représentation permanente de France auprès de l’UE ?

Zamimou Ahamadi : Invest in Mayotte a connu trois éditions réussies à Paris et s’est rapidement installé comme l’un des rendez-vous économiques incontournables à l’agenda de Mayotte, en complément du forum économique annuel qui se tient lui sur notre île. Le choix de Bruxelles, c’était de donner une visibilité supplémentaire à Mayotte à l’échelon européen, au terme d’une année où nous avons présidé la conférence des présidents des régions ultrapériphériques (RUP). Il nous importait aussi d’envoyer un signal fort aux investisseurs et acteurs européens : Mayotte, c’est certainement le territoire européen qui affichera une croissance à deux chiffres pour la prochaine décennie, en particulier grâce à son dynamisme démographique et ses perspectives de développement économique. Nous n’avons pas quitté Paris qui reste une place forte, nous avons « gagné » Bruxelles !

FI : De nombreux sujets seront une nouvelle fois abordés tels que l’agriculture, le tourisme et l’économie bleue, le digital… Sur quel thème souhaitez-vous particulièrement attirer l’attention ?

Z. A. : Le digital, l’économie bleue, les investissements européens, les enjeux touristiques… Autant de sujets que nous entendons traiter pour susciter un investissement raisonné et intelligent, porteurs de retombées concrètes. Mayotte dispose de nombreux atouts qui peuvent lui servir de levier pour propulser son développement. Je pense notamment à son positionnement géographique et à son patrimoine naturel. Mayotte est la seule île française dans le canal du Mozambique à être reliée directement à l’Europe (RUP). Elle représente un espace de stabilité politique et de sécurité politique dans l’océan Indien, une situation unique dans la région. Au nord-ouest de Madagascar, Mayotte est à la porte d’entrée du cvanal de Mozambique. C’est un carrefour stratégique exceptionnel dans cette partie du monde, en particulier avec le projet d’exploitation des réserves sous-marines de gaz et pétrole qui se développe au nord de Mozambique. Au-delà des thèmes traités, c’est de cette dimension géostratégique que peuvent découler bien des retombées positives.

FI : L’un des intérêts de cet événement est de convaincre les investisseurs de venir à Mayotte. Quelles sont les possibilités de partenariats et de financements à développer selon vous ? En quoi être un territoire français peut permettre au 101ème département de se démarquer par rapport aux pays voisins du canal du Mozambique ?

Z. A. : Beaucoup reste à faire, pourquoi le cacher ! Mais nous pensons qu’il faut être offensif et vendre la destination Mayotte, dans ses forces qui compensent des points de faiblesse (sécurité, déplacements…) sur lesquels nous travaillons en lien avec l’ADIM et tous les acteurs économiques. Je l’ai rappelé : la singularité de la position géographique de Mayotte est un véritable atout qui se doit d’être valorisé, même si rien ne se construira contre nos voisins mais plutôt en totale complémentarité.

FI : De quelles retombées économiques avez-vous pu bénéficier des précédentes éditions ?

Z. A. : Invest in Mayotte a permis à des acteurs économiques importants de l’hôtellerie, des transports, de l’aérien, du bâtiment de venir dans le 101ème département pour investir, en lien avec des acteurs locaux. C’est le sens de notre démarche ! Ce ne sont pas des retombées quantifiables en chiffres, mais des moments comme Invest contribuent à rendre Mayotte crédible, à se faire connaître, à mettre en réseau des acteurs et cela n’a pas de prix !

Après 28 ans à Mayotte, Marcel Séjour s’en va pour de nouveaux horizons

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Peintre autodidacte, devenu mahorais au fil des années, Marcel Séjour quitte Mayotte après 28 ans passés dans cette île où il a tant appris. Mais avant de plier bagage, il se met au service des Mahorais une dernière fois à travers une exposition qui a lieu du 13 au 25 septembre sur le parking du cinéma Alpajoe. Un dernier travail demandé par le conseil départemental.

Entouré d’enfants à la curiosité débordante, Marcel Séjour n’est pas dans son élément. Lui le peintre solitaire préfère passer des heures, enfermé dans son atelier à dessiner et peindre. Mais il sait qu’il a une mission à accomplir auprès de ces jeunes venus le voir à son exposition. « Les interventions avec les enfants se passent plutôt bien. Je pensais avoir à faire à des ados mous ou surexcités, mais ce n’est pas le cas », assure-t-il tout sourire. Rassuré, Marcel Séjour leur révèle ses secrets, ses astuces qui font de lui un artiste peintre unique en son genre.

Les adolescents boivent ses paroles, les yeux rêveurs, certains imaginant être à leur tour des peintres de renoms. « J’aime dessiner et peindre et il m’a inspirée, j’ai envie de continuer pour être meilleure que lui », lance Mamouna, une collégienne de 14 ans visiblement très ambitieuse. Et Mayotte aura besoin de jeunes engagés dans l’art pictural comme elle, puisque désormais Marcel Séjour transporte son atelier dans sa région natale en Vendée. Il quitte cette île pour laquelle il a tant donné et qui le lui a bien rendu. L’artiste part le cœur serré, mais ce départ est nécessaire. « J’ai envie d’avoir envie. Cela fait 28 ans que je suis là, j’en ai un peu ras-le-bol. La première année où je suis arrivé, je voyais de la tôle, des feuilles de cocotiers, un rayon de soleil dessus et je m’émerveillais. Maintenant, quand je vois de la tôle, c’est de la tôle », résume-t-il. Marcel Séjour prend donc ses distances pour avoir à nouveau envie, mais Mayotte restera toujours dans son cœur et son esprit. Il prépare déjà la suite puisque l’exposition actuelle n’est certainement pas la dernière qu’il fera pour l’île aux parfums. Une autre est prévue en 2025 à la maison de Mayotte à Paris, et si le peintre préfère partir c’est également pour mieux la préparer.

En attendant, il se focalise sur l’actuelle exposition demandée par le conseil départemental. Ses tableaux mettent en scène des moments de vie quotidienne en rapport avec le vieux Mayotte puisque « le moderne ne m’intéresse pas », indique Marcel Séjour. La collectivité a commandé 26 portraits d’anciens présidents, et le musée de Mayotte, le Muma, un tableau historique du territoire. Le peintre a immédiatement pensé au serment de Sada. « Ce tableau est celui dans lequel je me suis le plus investi du point de vue affectif, il m’a révélé des choses. En faisant ce tableau, j’ai compris ce qui a uni ces gens-là à ce moment-là », déroule l’artiste. Une manière aussi de remonter le temps et d’avoir l’impression d’assister à cette partie de l’histoire.

Mayotte, comme une évidence

Autrefois professeur, Marcel Séjour avait le choix de se rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte. « Je ne savais pas où était Mayotte, j’ai donc dû chercher et quand j’ai su où c’était, je me suis dit que ça ne sera certainement pas à Saint-Pierre-et-Miquelon ! » De là nait une véritable histoire d’amour qui deviendra plus forte avec le temps. Lui qui était censé rester quatre ans sur l’île, y passe presque 30 ans. Et un principal élément a été le facteur déterminant de sa décision. « La toute première chose qui m’a fasciné et qui me fascine encore, c’est la combinaison des peaux noires, de la lumière et de la couleur. Ce mélange des trois me fascine. Avec les peaux blanches, je m’ennuie très vite. Des peaux blanches habillées en noir, c’est pire », avoue le peintre sans langue de bois. Mais la vie d’artiste peintre n’est pas tout rose à Mayotte, et Marcel Séjour a dû faire quelques sacrifices pour poursuivre sa passion. « Avant d’arriver ici, j’adorais peindre à l’extérieur. Mais les conditions de luminosité sont différentes sur cette île. Ici, la lumière est bien entre 6h et 7h30 le matin et entre 15h30 et 17h. Cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour travailler, alors je ne fais pratiquement que du travail de studio. Ce n’est pas plus mal puisque je me sens moins en sécurité en pleine nature ici. »

Il lui a aussi été difficile de vivre uniquement de ses tableaux pendant de longues années. Cela n’est possible pour lui que depuis sept ou huit ans. De retour dans sa Vendée d’ici quelques semaines, Marcel Séjour pourra à nouveau peindre à l’extérieur. Alors il photographie avec ses yeux et préserve dans sa mémoire les paysages ensoleillés et colorés de l’île aux parfums pour ensuite les peindre sur un tableau lorsque la chaleur de Mayotte lui manquera.

Gestion de crise : Le collège de Kwalé, un exemple à suivre pour la vaccination des élèves

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Depuis la rentrée scolaire, le rectorat, la préfecture et l’agence régionale de santé de l’île mettent en place une stratégie de vaccination au sein des établissements scolaires destinée aux 12-17 ans. Selon les derniers chiffres, la campagne semble avoir l’effet escompté, puisque 3.000 élèves ont déjà reçus leur première dose en un mois. Certains établissements sont plus mobilisés que d’autres, à l’image du collège de Kwalé qui bat des records de vaccination chez les enfants. Un constat qui a poussé le responsable de l’académie et le pdélégué du gouvernement à s’y rendre ce mardi 21 septembre afin de saisir les subtilités de ce succès.

Assise sur une chaise dans ce qui est habituellement sa salle de cours, Idaya appréhende les minutes qui vont suivre. Entourée de ses camarades, tous venus se faire vacciner, la jeune fille leur demande encore si c’est une bonne idée. Mais malgré son appréhension, l’adolescente de 14 ans souhaite recevoir sa première dose de vaccin Pfizer, à l’image de tous les élèves présents ce jour là au centre de vaccination improvisé au collège de Kwalé. « J’ai peur », admet-elle à l’infirmier censé la piquer. Installée sur le siège où elle doit recevoir son vaccin, Idaya hésite encore à passer le cap… « Regarde-moi, tout va bien se passer », la rassure une autre professionnelle de santé qui vient en aide à son collègue. La jeune fille s’accroche aux mains de celle qui essaye de faire diversion et en l’espace de quelques secondes, la mission est accomplie pour l’infirmer. « C’est déjà fini ? » s’étonne Idaya, qui a retrouvé le sourire.

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Cette scène est habituelle dans cet établissement scolaire qui fait également office de centre de vaccination pour ses élèves pendant deux jours. Et si certains manifestent encore quelques réticences, tous ceux qui ont répondu à l’appel sont déterminés à se faire vacciner. « Je le fais pour mon bien, mais aussi pour prendre soin de mon entourage », affirme Zayel, âgé de 14 ans. Le jeune homme répète ce que son professeur lui a dit, qui l’a convaincu par ses mots ! Il estime désormais qu’il a une mission à accomplir auprès de ses camarades. « Aucun de mes amis n’est vacciné, je suis le premier, mais je ne cesse de leur dire qu’ils doivent aussi le faire », soutient Zayel.

Et s’il est conscient de l’importance de son acte, la jeune Idaya a encore du mal à comprendre l’intérêt de la vaccination. « C’est ma mère qui m’a incitée à le faire… Mais je ne sais pas vraiment pourquoi c’est si important de se faire vacciner », avoue-t-elle. Des propos qui interrogent sur l’aspect pédagogique de la vaccination. Les élèves sont poussés à se faire vacciner, mais comprennent-ils réellement la signification de leur acte ? Le recteur l’assure, les jeunes sont sensibilisés sur l’importance et l’intérêt de la vaccination « à travers les différents cours et les messages adressés », notamment par les équipes de direction des collèges et des lycées.

3.000 élèves vaccinés depuis la rentrée scolaire

Le collège de Kwalé est l’exemple à suivre en ce qui concerne la vaccination des élèves. Mais quel est la clé de son succès ? « Nous travaillons en cohérence avec l’ensemble du personnel, le lien avec les parents d’élèves est très fort, et puis nous avons un rapport de confiance avec les élèves », explique Benjamin Lazard-Peillon, le principal de l’établissement scolaire. Ce dernier est particulièrement mobilisé, il n’hésite pas à faire des annonces sonores régulières pour indiquer le nombre d’élèves vaccinés. Une animation qui encourage les jeunes à pousser la porte de la salle de vaccination.

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L’implication de toute l’équipe du collège de Kwalé porte ses fruits puisqu’il est au dessus de la moyenne. La vaccination dans les écoles se fait au rythme de deux jours par établissement du second degré et le collège de Kwalé a injecté en moyenne 200 doses par jour. Un chiffre qui dépasse largement les attentes des autorités. « C’est un gros chiffre, et ce qui nous intéresse est de comprendre pourquoi ça marche très bien ici », indique le préfet de Mayotte, Thierry Suquet. Le recteur Gilles Halbout pense avoir trouvé un début de réponse. « Il y a peut-être une différence de motivation des équipes dans les différents établissements. Mais il y a aussi des établissements où la plupart des élèves étaient déjà vaccinés. »

La mobilisation des parents d’élèves est également un facteur à prendre en compte. L’association des parents d’élèves du collège de Kwalé a été un véritable relais pour convaincre les autres parents à faire vacciner leurs enfants. « Nous sommes partis dans les villages pour leur expliquer l’importance du vaccin. Nous avons répondu à leurs questions, et nous avons aidé ceux qui ne comprennent pas le français à remplir les papiers », raconte Ibrahim Mohamed, le secrétaire générale de l’association des parents d’élèves du collège de Kwalé. Les parents médiateurs sont un coup de pouce indispensable pour chaque établissement scolaire. La motivation générale est de rigueur pour pouvoir gonfler les chiffres de la vaccination des enfants. Selon le rectorat, près de 3.000 élèves ont déjà reçu leur première dose depuis la rentrée, et l’objectif des autorités est « de monter en puissance sur la nouvelle population cible qui comprend les plus de 12 ans », affirme Thierry Suquet. Aujourd’hui à Mayotte, 40% de la population cible (personnes autorisées à se faire vacciner) est vacciné, selon le préfet. Nous ne sommes pas les mauvais élèves du pays, mais nous pouvons mieux faire.

Filières d’excellence, réussite, prévention de la violence… Les grands axes de l’année scolaire 2021-2022

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Le rectorat a présenté ce mardi sa feuille de route pour une nouvelle année qui s’annonce chargée. Entre la lutte contre les violences, la réussite et la scolarisation de tous les élèves ou encore la stabilisation de la jeune institution, les défis sont nombreux. Tour d’horizon.

Un mois presque jour pour jour après le retour des élèves en classe, le rectorat a lui aussi fait sa “rentrée” officielle ce mardi 21 septembre. L’occasion de dresser le bilan d’un début d’année scolaire une fois de plus émaillé par les violences et toujours sur fond de crise sanitaire, mais aussi et surtout de présenter les perspectives de l’académie de Mayotte pour 2021-2022. “Maintenant que nous avons un rectorat de plein exercice, nous déclinons localement la politique nationale. À Mayotte, nous avons vocation à développer comme ailleurs des formations qui répondent aux exigences nationales, au service de la réussite de tous”, introduit le recteur Gilles Halbout. Cinq mots résument la philosophie du ministère : “L’école de la République”.

Savoirs fondamentaux et filières d’excellence

Bien sûr, la déclinaison locale de la stratégie nationale n’empêche pas des “adaptations aux réalités du territoire”, comme le plurilinguisme, ou l’arrivée parfois tardive des élèves dans le cursus scolaire. En ce qui concerne les différences de niveau, le rectorat entend ainsi poursuivre sur la voie de l’excellence “sans laisser personne sur le carreau”. “Nous avons réussi à diviser par deux le taux de sortie des élèves entre la 3ème et la Seconde, et à le ramener autour de 6%”, évoque Gilles Halbout. Un chiffre rendu possible par l’ouverture de 1.400 places en deux ans dans des formations professionnelles de type CAP ou Bac pro. Sans oublier les apprentissages et BTS. “En deux ans, nous avons augmenté les capacités des formations professionnelles de 30%”, précise Dominique Gratianette, le secrétaire général de l’académie. De quoi répondre aussi aux enjeux de développement économique du territoire, en lien avec les entreprises et la Chambre de commerce et d’industrie (CCI).

Et, pour que “ceux qui souhaitent aller plus vite, puissent briller plus vite”, le rectorat mise sur les pédagogies différenciées, les classes de compétence, ou encore les classes de niveau, avec des sections spécifiques. “Nous avons beaucoup insisté sur les sections sportive et musique, cette année nous voulons mettre l’accent sur les langues vivantes européennes”, explique le recteur. Objectif, avec ces filières d’excellence : combattre la méfiance des parents vis-à-vis du niveau scolaire. Et éviter la fuite de jeunes cerveaux vers la métropole… “Ce que nous voulons, c’est développer des filières d’excellence partout sur l’île pour ne pas reproduire les erreurs de l’Hexagone avec des lycées prestigieux versus des établissements ghettos.” Une troisième classe préparatoire doit aussi voir le jour.

Le périscolaire contre les pierres

Reste que jouer les Einstein entre deux jets de parpaing n’est pas à la portée de tous. “Sur la question des valeurs de la République et de la sécurité, l’académie de Mayotte ne connaît pas les mêmes problématiques que dans d’autres académies”, concède le recteur. Au sujet de ces violences, l’arlésienne du département, Gilles Halbout déplore que “le jeune qui caillasse à l’extérieur est le même que celui à l’intérieur de l’établissement qui ne pose pas de problème”. Et de citer “ceux qui ont sauvagement assassiné le jeune Miki Madi”, événement qui avait endeuillé toute l’île en avril dernier.

En réponse à ces caillassages et autres rivalités de bandes, le rectorat veut mettre le développement du périscolaire au cœur de cette nouvelle année scolaire. Une continuité éducative qui va de l’accompagnement des familles à l’école ouverte, en passant par les vacances apprenantes, le sport, ou encore la culture. “Là aussi, avec un siècle d’enregistrements d’associations, de clubs d’échecs, de grandes fédérations sportives, de pôles culturels, il y a globalement un maillage culturel en métropole que nous n’avons pas à Mayotte”, déroule Gille Halbout. L’arrivée du Pass culture, avec 200 euros pour chaque élève entre la 4ème et la Terminale, apportera sa pierre à l’édifice. Côté sport, “nous allons construire une dizaine de bases nautiques pour les sorties EPS, et rien n’empêche après de permettre aux associations d’utiliser le local, d’ailleurs nous sommes prêts à les subventionner”, évoque aussi le responsable de l’académie.

Deux ans de plein exercice

L’autre spécificité de l’île aux parfums ? La jeunesse de son rectorat de plein exercice, âgé d’à peine deux ans, et dont “nous devons stabiliser la mise en place”. Cette année scolaire 2021-2022 doit voir l’application de la feuille de route RH, déclinaison locale du Grenelle de l’Éducation, et que les syndicats attendent de pied ferme. Mobilité, sécurité des établissements, versement de l’indemnité de sujétion géographique (ISG) aux néo titulaires, accompagnement des contractuels, formations, font entre autres partie de la batterie de mesures listées dans ce document de 17 pages. Qui se résume par ce triple objectif du rectorat : attractivité, stabilisation et formation des personnels.

Des places pour tous ?

Dernier sujet et non des moindres, la scolarisation de tous sur un territoire en proie à une démographie galopante… Cette rentrée, 106.146 élèves ont pris le chemin de l’école, soit plus de 3.000 âmes supplémentaires par rapport à 2020. Particulièrement sous-tension : le premier degré, qui relève de la compétence des maires. Grâce à des financements du ministère des Outre-mer, 1.5 million d’euros vont être mis sur la table pendant deux ans et demi pour appuyer l’ingénierie dans les communes les plus peuplées. Que ce soit par le modulaire, l’utilisation d’autres locaux communaux comme les MJC, “les maires ont toute imagination pour répondre à cette pression démographique”, ajoute Dominique Gratianette. Et il faut agir vite, car à “3.000 ou 4.000 élèves de plus dans le premier degré, dans trois ans nous serons à 10.000, c’est énorme”, table-t-il. La course contre la montre est lancée…

« L’idée est de mettre en place un maillage territorial au plus proche des pratiquants à Mayotte »

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Du 15 au 22 septembre, le comité régional olympique et sportif (CROS) organise avec la fédération française handisport une formation auprès de vingt stagiaires afin de les initier à l’accueil et à l’encadrement adapté de personnes en situation de handicap physique et sensoriel. Pour Flash Infos, Ludovic Dabauvalle, le directeur du centre national de formation au sein de la FFH, dresse un état des lieux de la situation à Mayotte et donne les pistes à suivre pour que ce public puisse enfin s’épanouir sportivement.

Flash Infos : Cette formation d’une semaine, est-ce une volonté du comité régional olympique et sportif de Mayotte ou directement de la fédération française handisport ?

Ludovic Dabauvalle : Pour être tout à fait honnête, il s’agit d’une initiative du CROS de Mayotte, qui a dressé le constat qu’il n’y avait plus de pratiques sportives organisées à destination des personnes en situation de handicap physique, sensoriel, mental ou psychologique… Il y a de cela deux ans, la chargée de mission, Manon Darcel Droguet (la cheffe du service Sport, Santé, Bien-être, ndlr.) s’est rendue en métropole dans le but de nous convaincre, avec la fédération française du sport adapté, d’implanter à Mayotte une structure associative régionale.
C’est à partir de ce moment-là que nous nous sommes encore davantage intéressés au 101ème département. Pour commencer, nous avons alors décidé de mettre en place une action de formation pour permettre aux clubs intéressés de compter dans leur rang des éducateurs dûment formés afin d’accueillir plus facilement le public cible. Et ainsi déboucher sur des affiliations avec la FFH et développer un tissu associatif handisport !

FI : Au cours de votre séjour et de vos différentes rencontres avec les acteurs locaux, quels freins avez-vous pu noter concernant le développement du handisport à Mayotte ?

L. D. : La problématique principale est d’organiser le transport entre le domicile et le lieu de pratique si nous ne devions créer que des offres sportives concentrées à Mamoudzou. Cela serait effectivement compliqué au regard des difficultés de circulation… L’idée est donc de mettre en place un maillage territorial au plus proche des pratiquants en situation de handicap. À titre d’exemple, il existe clairement des associations spécialisées dans l’accueil social ou médical qui se disent très intéressées par les activités sportives organisées. Identifier le public n’est pas un problème en soi. Le hic se situe plutôt à l’autre bout de la chaîne. Un certain nombre de structures sportives se disent prêtes à créer des créneaux spécifiques ou à en ouvrir en présence des valides. Même si elles étaient jusqu’alors volontaires, elles n’osaient pas, par méconnaissance ou par absence de personnels formés en leur sein, forcément communiquer.

FI : Se pose ensuite la question des infrastructures pour accueillir les personnes en situation de handicap… Selon vous, le 101ème département a-t-il ce qu’il faut sous la main ou bien doit-il urgemment revoir sa copie, notamment en termes d’accessibilité ?

L. D. : Des installations sportives, il y en a ! Malgré tout, ma courte présence sur le territoire ne me permet pas de savoir si elles sont sur-utilisées ou pas, dans l’optique de mettre en place des créneaux spécifiques. Concernant l’accessibilité, il est sûr que certaines infrastructures ne sont pas forcément en capacité de faire « monter » des fauteuils roulants. Après, s’il n’y a pas de rampes, il existe toujours des systèmes de transfert à moindre coût. Mais attention, tout cela ne doit pas être une excuse pour que rien ne se passe ! Il ne faut pas oublier les personnes mal-marchantes ou malvoyantes qui elles peuvent se déplacer normalement.

FI : Avez-vous pu rencontrer des représentants du rectorat dans le but de sensibiliser les élèves sur le handicap, un sujet plus que tabou à Mayotte ?

L. D. : Nous n’avons pas pu organiser de réunion institutionnelle avec le rectorat, mais nous avons pu rencontrer le responsable académique en charge du sport adapté à l’union nationale du sport scolaire (UNSS) à l’occasion d’un groupe de pilotage qui s’est réuni samedi matin ainsi qu’une formatrice de l’académie chargée des problématiques du handicap. Nous allons insister pour que le CROS élargisse son réseau d’acteurs. Sans oublier le conseil départemental, dont l’une des principales prérogatives est l’action sociale.

FI : S’il ne fallait qu’un seul chiffre pour résumer le handisport à Mayotte, quel serait-il ?

L. D. : Le chiffre que je pourrais vous donner ne serait pas significatif. Le projet de développement du handisport est encore naissant. Nous ne recensons que deux structures affiliées à notre fédération. Enfin, pour l’une d’entre elles, c’est plutôt une intention. Tandis que l’autre n’accueille que deux personnes en situation de handicap, une fois toutes les deux semaines… Nous n’en sommes qu’aux balbutiements ! Cela cache tout un potentiel… Mais je ne doute pas que plusieurs dizaines d’associations rejoindront cette initiative et s’engageront en prenant une licence auprès de la fédération.

Inauguré, le campus connecté d’Hajangua n’attend plus que ses étudiants

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Mardi 21 septembre, le président de la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou, Rachadi Saïndou, a inauguré le tout nouveau campus connecté d’Hajangua. L’objectif ? Permettre aux étudiants mahorais de suivre un cursus universitaire à distance. Avec cette offre de formation, le territoire s’ouvre une nouvelle voie vers la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur.

Vous rêvez de suivre des études de médecine, mais vous ne voulez ou ne pouvez pas quitter l’île qui vous a vu naître ? Pas de stress ! Dès cette année, vous pourrez vous épanouir dans la formation à distance de votre choix depuis le campus connecté de Hajangua. Une innovation portée par la commaunté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou, en lien avec le centre universitaire de formation et de recherche, le rectorat, le conseil départemental et la chambre de commerce et d’industrie. « Quatre bacheliers sur cinq n’ont pas la possibilité de poursuivre leurs études supérieures sur le territoire. La mobilité reste un frein très important aux études supérieures pour les jeunes mahorais. Malgré un programme de mobilité mis en place par le conseil départemental, l’État et l’agence de l’Outre-mer pour la mobilité, beaucoup de jeunes ne peuvent pas poursuivre leurs études au sein d’une formation souhaitée », souligne en préambule Rachadi Saïndou, le président de l’intercommunalité.

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Alors pour permettre à davantage de jeunes de suivre une formation dans l’enseignement supérieur sur le territoire, la mise en place de ce nouveau lieu d’études sera une réelle opportunité et un facteur favorisant la réussite des étudiants. Un avis partagé par le recteur, Gilles Halbout, pour qui il s’agit d’un « projet abouti et structurant ». Avant de rappeler « l’importance de l’éducation et de la formation à Mayotte, un territoire qui ne peut pas se construire sans nos jeunes ». Le tutorat et l’accompagnement des étudiants du campus connecté se feront sur le site de la « maison mère » et à distance. Toutefois, les élèves auront accès, sous certaines conditions, aux infrastructures du CUFR : espace de restauration, activités sportives et culturelles, bibliothèque et centre de ressources documentaires. Une bonne nouvelle pour leur bien-être puisqu’ils pourront ainsi être en lien avec les homologues du centre universitaire.

Une augmentation des effectifs sur cinq ans

Le coup d’envoi de cette nouvelle aventure doit officiellement se réaliser d’ici quelques jours avec l’accueil des premiers inscrits. « Ils pourront suivre la formation à distance qu’ils souhaitent et bénéficier de l’accompagnement d’une tutrice qui aidera les jeunes dans leur réussite », déroule Sandrine Ingremeau, déléguée académique. Mais concrètement, à quoi va ressembler ce campus connecté ? L’espace ambitionne de devenir un lieu de vie où les étudiants pourront avoir accès à une connexion Internet et à des postes informatiques et à un soutien personnalisé.

Pour cette rentrée, le campus connecté prévoit d’accueillir une dizaine d’étudiants. Un chiffre qui semble dérisoire sur le papier, mais qui risque bien d’évoluer très rapidement, puisque la mise en place complète de ce projet se déroule sur les cinq prochaines années. L’objectif étant d’augmenter crescendo la capacité d’accueil et le nombre de tuteurs ! « Ce projet a pour ambition de compléter l’offre de formation supérieure existante en présentiel à Mayotte par des formations à distance pour des étudiants ne pouvant s’éloigner du territoire », insiste le président de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou. Message reçu cinq sur cinq !

Vaccination obligatoire des soignants : au moins 23 professionnels “en congés forcés” au CHM de Mayotte

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En vigueur depuis le 15 septembre, l’obligation vaccinale pour les personnels exerçant à l’hôpital ou en maison de retraite en a poussé quelques-uns vers la sortie. De quoi mettre sous tension des effectifs déjà insuffisants dans le 101ème département.

23. C’est le nombre de soignants, tous services et toutes professions confondues, qui ont été “mis en congés” au centre hospitalier de Mayotte depuis l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale le mercredi 15 septembre, selon un décompte effectué vendredi dernier par l’établissement. “Attention, ce n’est pas une suspension, qui est l’antichambre de la sanction. Là, ces gens utilisent leurs congés pour réfléchir, et d’ailleurs beaucoup reviennent à la raison et se font vacciner”, insiste Christophe Blanchard, le directeur par intérim du CHM. Si, à la veille de la date fatidique, certains professionnels de santé espéraient voir le 101ème département, déjà confronté en temps normal à un désert médical, bénéficier d’une certaine souplesse quant à l’application de la loi, ils auront vite déchanté. “Je suis en arrêt maladie depuis mercredi car on nous a dit qu’on ne pouvait pas aller travailler”, lâche, dépitée, une soignante qui souhaite garder l’anonymat.

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Malgré de nombreux appels du pied, Christophe Blanchard explique avoir eu les mains liées : “En aucun cas, je ne peux cautionner de dérogation, même s’il y a des sous-effectifs. Je suis pénalement exposé, je ne peux pas laisser contaminer des collègues ou encore laisser la possibilité d’un cluster à l’hôpital.” Il faut dire qu’en vertu de la loi du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise, l’employeur qui méconnaîtrait l’obligation de contrôler le respect de l’obligation vaccinale s’expose en effet à une amende de 1.000 euros (pour les personnes morales), et, en cas de récidives verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, à un an d’emprisonnement et 9.000 euros d’amende. De quoi dissuader même les plus laxistes des patrons !

Les soignants qui n’ont pas fait remonter leur certificat de vaccination à leur cadre ou à la médecine du travail au 15 septembre ont donc été mis en congé forcé “en attendant que leur situation sanitaire se régularise”. En l’absence de jours de congés et si la situation n’est pas régularisée, des sanctions sur le salaire sont à prévoir.

Un poids de plus pour les effectifs restants

Le risque ? Perturber des services déjà sous-tension en temps normal. Selon l’établissement, les impacts restent pour l’instant limités à la refonte des plannings. “À ma connaissance, huit médecins ne veulent pas se soumettre à l’obligation vaccinale, et déjà trois ne peuvent plus travailler. Alors qu’on est déjà en manque de médecins ! C’est assez grave ce qui se passe”, dénonce une autre soignante. D’après nos informations, les suspensions ont déjà conduit à l’arrêt de certaines formations et la fermeture d’une ligne de SMUR, pendant trois jours à la fin du mois de septembre. Pire, du côté du caisson hyperbare, qui permet entre autres de traiter les accidents de plongée ou de faciliter la cicatrisation de plaies liées au diabète, la réduction des effectifs va mettre une charge de plus sur les médecins restants. Et risque d’empêcher l’admission de nouveaux patients dans la filière, qui seront si besoin évasanés à La Réunion.

L’heure de la reconversion ?

Bien sûr, ces soignants non vaccinés restent aujourd’hui minoritaires : 23 sur quelque 2.000 personnels de l’hôpital. Mais pour certains, c’est la goutte de trop. “Je suis en train de regarder pour une reconversion, si on ne veut pas de nous au CHM. Je peux faire de l’agriculture”, avance une infirmière. “Même si on lève l’obligation vaccinale à Mayotte dans deux semaines, je ne reviens pas travailler. Déjà, si c’est pour mettre le passe sanitaire, c’est non”, persiste et signe un médecin, lui aussi anonyme, soulagé de ne plus avoir à “faire le grand écart”. “J’en suis à un point où je n’ai plus envie de travailler dans ce système de santé français, je ne me reconnais plus dans ses valeurs. J’ai une éthique de travail, et il y a des choses sur lesquelles je ne peux pas transiger”, ajoute-t-il. Même son de cloche pour une autre soignante, qui déplore la fin du “secret médical, de la liberté d’exercer, du consentement éclairé”.

Le secret médical, l’épine dans le pied des employeurs

Pour ces professionnels de santé désabusés, la rupture du secret médical a en effet tracé une ligne rouge. Il faut dire qu’un tableur, dont les données ont heureusement été effacées depuis, circulait en juillet pour noter les noms, prénoms et statut vaccinal des personnels… De quoi mettre tout ce beau monde sur les dents, encore aujourd’hui. “Maintenant, ils ont créé un code spécifique ‘‘congés pour absence de vaccination’’ sur les plannings, au mépris total du secret médical, ça me rend dingue !”, s’insurge l’un. “Dans la dernière note d’information, ils nous ont mis une adresse mail, soit disant de la médecine du travail, mais quand on tape l’adresse, on se rend compte qu’il y a cinq adresses dont une personne de la DRH !”, dénonce l’autre, aux aguets. “Cette adresse renvoie aux trois infirmières et au médecin, en aucun cas un administratif comme moi ne doit avoir accès aux données médicales”, répond le directeur du CHM, qui assure aller vérifier de ce pas la liste en question. Quant au code sur les plannings, “il s’agit du congé d’office que l’employeur renseigne dans le logiciel”, d’habitude utilisé pour des situations exceptionnelles de fatigue ou de danger pour soi ou son service.

Il faut noter ici que la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a prévu une dérogation au secret médical, en créant la cinquième obligation vaccinale des professionnels exerçant à l’hôpital et en maison de retraite, au même titre que l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, et la poliomyélite. S’il revient d’habitude à la médecine du travail de contrôler les certificats de vaccination, le nouveau texte législatif a élargi cette compétence directement à l’employeur, à condition de respecter “une forme ne permettant d’identifier que la nature de celui-ci et l’information selon laquelle le schéma vaccinal de la personne est complet« . Soit par exemple le QR code de l’application “TousAntiCovid Vérif”, pour ne citer qu’elle.

Des vélos et des scooters électriques en location longue durée, le pari de Mob’helios à Mayotte

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Depuis bientôt deux ans, l’entreprise familiale Mob’helios planche sur un projet à vocation expérimentale et démonstrative en matière de transition énergétique à Mayotte. À partir de 2022, elle compte lancer sa location longue durée de vélos et de scooters électriques avant de s’attaquer au parc automobile pour les trajets occasionnels d’ici deux ans. L’idée ? Faire adopter une mobilité douce sur un territoire pollué et embouteillé.

« Nous ne pouvons pratiquement plus circuler à cause des embouteillages. Non seulement les voitures font du bruit, mais en plus elles polluent. » C’est à l’origine de ce constat simple que les époux Perron décident de se lancer dans une idée révolutionnaire, via la société Mob’helios fondée fin 2019. Faire du deux roues électriques une solution alternative et pérenne au parc automobile pour les trajets quotidiens de moins de seulement quelques kilomètres. Une nouvelle qui tombe à pic trois jours après l’arrêté signé par le maire de Mamoudzou relatif à l’interdiction de circulation sur l’ensemble du réseau routier de la commune des véhicules personnels de plus de 15 ans à partir du 1er octobre.

S’il faudra encore attendre quelques mois avant de voir s’implanter les trois premiers modules ateliers, aménagés dans des conteneurs recyclés, le projet fait déjà saliver. « La commande est imminente ! Il faut compter entre trois et quatre mois pour la fabrication. L’incertitude repose davantage sur le délai de transit maritime », déroule Cécile, ingénieur diplômée de l’Industrie et des Mines. Les toits seront équipés de panneaux solaires tandis que l’intérieur permettra de réaliser tous les entretiens réguliers. L’objectif : ouvrir le premier espace sur le parking de la barge à Dzaoudzi début 2022 où se trouveront 40 vélos citadin et tout-terrain, prêts à déambuler aux quatre coins de l’île grâce à une autonomie oscillant entre 80 et 100 kilomètres en fonction de l’utilisation et du degré d’assistance demandé. Avant de proposer le même concept avec des scooters en milieu d’année prochaine.

Un projet collégial avec les collectivités

Dans l’espoir d’inverser les mentalités, l’entreprise familiale table sur des locations longue durée à des tarifs relativement bas, qui comprennent le changement à volonté des batteries, la maintenance ou encore les assurances vol et casse. Comment ? En devenant une société coopérative d’intérêt collectif, qui relève du champ de l’économie sociale et solidaire, avec le soutien des deux communes de Petite-Terre, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, et de Taxi Vanille 976. « L’idée d’associer les collectivités est de faire en sorte que leurs politiques de mobilité et d’aménagement publique soient cohérentes avec nos stratégies de déploiement et d’offre proposée aux clients », précise l’ancienne directrice du Parc naturel marin. Et surtout de permettre de faire baisser les prix de revient des prestations pour « qu’elles soient accessibles à toutes les tranches de la population ».

Un million d’euros pour deux stations de charge solaire

Mais ce n’est pas tout. À l’horizon 2023-2024, Mob’hélios souhaite développer deux stations de charge solaire d’une capacité de 600 mètres carrés à destination des voitures, avec l’appui technique du technocentre de Renault basé à Guyencourt et financier de l’Ademe (agence de la transition écologique). Le but consiste alors à troquer son deux roues pour un véhicule à l’occasion d’une virée en groupe ou des courses. Reste à travailler « sur la levée des fonds », puisque cette autre activité se chiffre à un million d’euros. Pour leur emplacement, les discussions vont bon train avec le conseil départemental dans le cadre du chantier de réaménagement de la gare maritime de Petite-Terre. « Nous avons fait une demande d’autorisation d’occupation temporaire auprès du préfet avec l’avis du maire de la commune pour y être intégrés », souligne Cécile. Quant à l’aéroport, il s’agit davantage d’une hypothèse de travail, en raison notamment « de la plus grande échelle de temps sur laquelle nous évoluons ».

Peu importe les aléas, la famille Perron se la joue optimiste et croit en son projet à vocation environnementale. D’autant plus après la fête du vélo organisée samedi dernier à Mamoudzou. « Nous avons pu identifier certains freins chez ceux qui ne pratiquent pas encore, répondre aux objections et proposer des solutions rassurantes. » Si le développement des pistes cyclables est à la hauteur de l’enjeu, les deux roues risquent bien de pulluler dans un avenir proche. De bon augure pour les portefeuilles et la santé des futurs consommateurs.

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Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes