Déjà téléchargée par plus de 600.000 personnes d’après le gouvernement, l’app, qui doit permettre de rompre les chaînes de transmission, n’est pas encore active à Mayotte. Explications.
“Ça ne vous dérange pas d’être à la même table que d’autres clients ?” Pas du tout, au contraire. Justement, au fond de mon sac à dos, l’application StopCovid et mon smartphone branché en mode Bluetooth n’attendent qu’une chose : pouvoir repérer d’autres utilisateurs aux alentours. Un peu comme une application de rencontre, mais pour le Covid-19. Pour fonctionner, l’app du gouvernement doit être à proximité d’une personne positive au Coronavirus et qui a elle-même téléchargé l’application, pendant au moins quinze minutes. Après une heure passée en terrasse, à côté d’au moins cinq personnes, force est de constater que mon nouveau gadget ne m’enverra pas de notification. Même bilan des courses rue du Commerce et au supermarché Baobab, où les files d’attente ne permettent pas vraiment de rester aussi longtemps à côté des clients.
Une application décriée
Pour rappel, cette application, développée en grande pompe par le gouvernement au temps fort du confinement, et défendue à plusieurs reprises par le secrétaire d’État au numérique Cédric O, doit permettre de “contribuer au travail des médecins et de l’Assurance maladie, pour alerter au plus vite les personnes ayant été en contact avec les personnes malades du Covid-19, et ainsi casser la chaîne de transmission”, est-il précisé sur le site du ministère de l’Économie. Fortement décrié par les défenseurs de libertés individuelles et de la protection des données personnelles, ce dispositif a toutefois fait l’objet d’un avis favorable de la CNIL. En effet, l’app, gratuite et uniquement basée sur le volontariat, fonctionne avec le Bluetooth, et non la géolocalisation du téléphone. Elle ne brasse par ailleurs pas beaucoup de données personnelles : nom, numéro de téléphone, adresse e-mail… Aucune de ces informations permettant d’identifier l’utilisateur ne sont demandées à l’activation. De plus, l’identification des cas contacts positifs au Covid, pseudonymisée, ne doit en théorie être stockée sur le serveur que pendant 14 jours. Un patient testé positif au Covid reçoit désormais, en même temps que le résultat de son test, un code généré de façon aléatoire, qu’il peut renseigner dans l’application.
Voilà pour le principe. Disponible pour iOS et Androïd depuis mardi, pour accompagner l’étape 2 du déconfinement, StopCovid aurait été téléchargée déjà plus de 600.000 fois. Aujourd’hui encore, elle arrive en première position dans le Top 1 des téléchargements gratuits sur l’App Store en France. Mais sans surprise, le dispositif risque fort de passer à la trappe à Mayotte, alors que le 101ème département entame lui aussi depuis mardi son déconfinement progressif. Première raison évidente : l’application n’est disponible qu’en français. Ensuite, difficile d’imaginer des légions de volontaires pour activer StopCovid à Mayotte, alors que de nombreux patients ont plutôt manifesté leur peur d’être marginalisés en cas de résultat positif…
Une autre plateforme de contact tracing à Mayotte
En réalité, même les administrations du département ne semblent pas miser sur l’application pour leur stratégie de déconfinement. Un patient, testé récemment positif au Covid-19, assure d’ailleurs qu’il n’a reçu aucun code destiné à StopCovid. “Le dispositif n’est pas encore actif de notre côté. À confirmer auprès de l’ARS aussi”, nous signale-t-on du côté du CHM. Contactée, l’ARS assure n’avoir pas reçu d’information de la part du gouvernement sur le déploiement de cet outil à Mayotte. “On doit être quatre à l’avoir téléchargé, et déjà on n’arrive pas tous à l’activer sur notre téléphone. Mais même si l’on pouvait, cette application se base sur un QR code, disponible à partir de la base de données alimentée par le réseau Sidep, qui ne fonctionne pas à Mayotte”, nous explique-t-on. Ce “service intégré de dépistage et de prévention système” constitue en effet une base nominative qui doit permettre de recenser l’intégralité des tests PCR réalisés depuis le 11 mai. Mais faute d’y avoir accès sur l’île aux parfums, les équipes de l’ARS doivent se résoudre à un recensement bien plus manuel, aidées seulement d’un tableur Excel.
Censée venir en appui au travail des médecins et de l’Assurance maladie, l’application n’est pas non plus l’affaire de la CSSM, qui planche plutôt sur son propre dispositif. “L’assurance maladie (donc la CSSM) ne gère pas cette application. À différencier de la plateforme contact tracing déployée par le réseau Assurance maladie et l’ARS. La CSSM communiquera prochainement sur ce dispositif”, nous indique-t-on à la caisse de sécurité sociale. D’après l’agence régionale de santé, cette plateforme d’appel devra permettre de soulager le personnel de l’ARS en dédiant une équipe de la CSSM à ce suivi chronophage des cas contacts. En clair, cette nouvelle arme du gouvernement, déjà contestée sur son efficacité et ses coûts de fonctionnement (elle a été développée bénévolement et n’a donc au moins pas coûté cher à produire) en métropole, ne servira pas beaucoup à Mayotte…
Au quotidien, médecins de l’équipe médicale de suivi et enquêteurs de la brigade de contact tracing de l’agence régionale de santé s’activent pour retrouver les cas contacts des habitants positifs au Covid-19. Une démarche qui demande de la patience et de la persuasion, tant la maladie n’est pas systématiquement prise au sérieux par une partie de la population.
“Bonjour […]. La recherche du covid est revenue positive : vous êtes porteur du Coronavirus.” Chaque jour, pendant une vingtaine de minutes, c’est le même refrain pour Maxime Jean, infectiologue au CHM, et Salimata Diall, médecin de santé publique au réseau périnatal, tous deux détachés de leurs postes respectifs pendant la crise sanitaire pour renforcer l’équipe médicale de l’agence régionale de santé. Au moment de dévoiler le verdict du dépistage, l’un comme l’autre parcourt tout un questionnaire pour mettre à l’aise l’interlocuteur au bout du fil et surtout mieux connaître son environnement pour savoir si un isolement au domicile est possible. “Quand nous annonçons le résultat, nous le faisons en douceur, car il espère, bien évidemment, qu’il sera négatif.” L’empathie est alors le mot d’ordre ! Après avoir instauré une relation de confiance, s’ensuit une avalanche de préconisations comme les risques pour l’entourage, notamment les personnes âgées, celles qui présentent des comorbidités, c’est-à-dire des pathologies chroniques, ou les femmes enceintes. “Nous lui demandons de rester au maximum en dehors du cercle familial et de porter un masque dès qu’il sort de sa chambre.”
Au troisième, tout comme au septième jour, un nouveau contact s’établit pour évaluer une détérioration ou une amélioration de l’état de santé. “Les habitants se sentent abandonnés par le CHM et l’ARS alors que nous suivons les réglementations nationales du ministère de la Santé. Mais il faut insister sur l’auto-surveillance car il s’agit d’une maladie qui se guérit facilement en temps normal”, développe Maxime, qui regrette les attaques incessantes à l’égard des deux institutions sanitaires de l’île. Même si le Covid-19 est semblable, pour une grande majorité, à une grippe saisonnière, il est possible de développer des formes graves, qui nécessitent une hospitalisation. Et en cas de complication, à l’instar d’un essoufflement ou des difficultés respiratoires, les deux collègues recommandent d’appeler le 15 sans plus tarder et non pas l’ARS comme beaucoup le pensent. “Il ne faut pas attendre”, martèle Salimata, qui qualifie son “job” de télémédecine.
Mettre le grappin sur les cas contacts
Mais cet échange régulier a aussi et surtout pour objectif de traquer les cas contacts, qui oscillent entre 5 et 20 pour un cas positif… “Ils nous intéressent pour deux raisons : la première est qu’ils sont susceptibles d’avoir reçu le virus et qu’ils sont en phase d’incubation avec un risque de contracter une forme sévère ; la seconde est que lorsqu’ils développent des symptômes le 25 du mois par exemple, ils vont être transmetteurs ou contaminants à partir du 23”, détaille Maxime. Ainsi, le but du jeu est de leur mettre la main dessus pour bloquer la chaîne de transmission. “Nous passons un temps fou à leur faire comprendre qu’ils participent à la diffusion du virus. Nous nous en fichons de savoir s’ils ont rompu le confinement !”
Justement, pour mettre le grappin sur ces individus, l’équipe médicale de suivi peut compter sur le soutien de la brigade de contact tracing qui regroupe une dizaine d’enquêteurs métropolitains et mahorais. Un mix indispensable pour régler les éventuels problèmes linguistiques, comme cela a pu se présenter au milieu de l’épidémie lorsqu’une majorité des cas ne parlaient pas ou peu le français… Indépendamment de la barrière de la langue, plusieurs autres obstacles se mettent en travers de leur route. En effet, quelques-uns ne répondent pas au téléphone. La raison ? “Il y a beaucoup d’erreurs de numéros alors qu’une confirmation est demandée lors du prélèvement. La proportion de personnes injoignables s’élève à environ 10 %. Si nous essayons de passer par le bureau des entrées du CHM pour les retracer, un certain nombre de dossiers sont classés sans suite”, révèle le docteur Genneviève Dennetière, responsable du service de veille et de sécurité sanitaire. D’autres refusent de divulguer des informations. “Pour eux, le Covid est une maladie honteuse. Ils préfèrent nier son existence”, explique-t-elle. “Les gens ont du mal à dire avec qui ils vivent et où ils travaillent. Ils ont peur du regard de leur voisinage ou de leur famille. Nous avons même rencontré certains d’entre eux à l’extérieur du village pour ne pas montrer la voiture de l’ARS.”
Depuis le 13 mars, les enquêteurs issus des différents services sont sur le qui-vive et s’emploient sept jours sur sept à “éduquer” la population aux risques de contamination. Et leur abnégation commence à payer au regard de l’évolution de la courbe de ces derniers jours selon Genneviève Dennetière. “Nous espérons arriver à la fin d’une circulation massive et ainsi uniquement gérer les clusters et la survenue de cas groupés.” En tout cas, l’ARS va pouvoir envisager un retour à la “normale” dès les prochains jours grâce au recrutement d’une quinzaine de personnes par l’assurance maladie pour continuer le contact tracing. Un bol d’air synonyme de reprise progressive ? L’avenir nous le dira…
Nawale Yssoufa est directrice générale de Messo, une des associations partenaires du dispositif de médiation citoyenne qui doit déployer ses premiers bénévoles à partir du 15 juin. Alors que beaucoup de voix se lèvent pour dénoncer un supposé laxisme des autorités, la directrice défend ici un projet, une main tendue envers la jeunesse, qui se veut nouveau, alternatif et dans lequel elle place de grands espoirs. Même si “ce ne sera pas la solution miracle”.
Flash Infos : Comment allez-vous, en tant qu’association partenaire, participer aux groupes de médiation qui doivent mailler le territoire à partir de la mi-juin ?
Nawale Yssoufa : En ce qui concerne Messo, nous allons tout simplement travailler avec les acteurs de terrain, des associations et faire appel à des bénévoles qui se sentent concernés par les problématiques de violences. Et ils sont nombreux ! Il faut savoir que beaucoup de personnes travaillent déjà dans la médiation dans leur propre commune, ils se sentent concernés par ce qu’il se passe, participe activement à travailler avec les jeunes, leur parler. L’objectif de ce dispositif est donc aussi d’offrir un cadre à toutes ces personnes qui s’investissent déjà au quotidien pour qu’ils puissent travailler plus en profondeur avec les jeunes tout en étant suivis par une structure. Je pense que c’est la stratégie que nous allons adopter et que nos partenaires dans ce dispositif adopteront également.
Au niveau des bénévoles, c’est vrai qu’il y avait des réticences, car on peut avoir peur dès lors que l’on utilise ce terme d’avoir du mal à mobiliser, mais force est de constater que l’on a déjà des personnes qui veulent aider ces brigades de médiation sans même que nous soyons encore allés vers elles. Cela montre bien qu’il y a un véritable engouement qui existe autour de ce projet.
FI : Malgré toutes les bonnes volontés, faire appel à des bénévoles n’est-il pas un frein à une démarche pérenne et efficace ? On pourrait estimer qu’au vu de l’ampleur du travail, faire appel à des professionnels serait plus efficient. Qu’en pensez-vous ?
N. Y. : Oui, c’est vrai, c’est un métier. Mais il faut savoir que, par exemple, les emplois aidés que nous accueillons chez Messo se spécialisent dans la médiation. Ils ont des formations obligatoires dont nous avons convenu avec le Département et la préfecture. Il y a des personnes que nous allons accompagner et il y a aussi des cadres, des coordinateurs qui vont assurer l’encadrement et qui sont diplômés. De notre côté, nous faisons ainsi appel à des éducateurs spécialisés pour encadrer les bénévoles de terrain. Le tout dans un cadre qui n’est pas nouveau ; nous sommes une association qui œuvre déjà dans l’accompagnement des mineurs suivis à l’ASE [aide sociale à l’enfance, ndlr] donc il y a tout de même un réel savoir-faire, nous n’avons pas été choisis au hasard, nous sommes en plein dans la problématique. Nous avons des psychologues en interne, etc. Le social fait vraiment partie de notre ADN, ce n’est pas un monde que nous découvrons. Nous connaissons ses problématiques et avons développé des outils donc non, je ne pense pas que la partie bénévolat soit un frein. Je pense aussi que ceux qui critiquent le font, car ils ne connaissent pas les rouages de ce dispositif et tout le travail qui a été mené en concertation pour le mettre sur pied. Ce n’est pas un projet hors-sol, il a été pensé pleinement avec les acteurs du terrain à travers de longs échanges constructifs avant d’être mûr.
FI : Concernant les critiques justement, beaucoup considèrent ce dispositif comme une réponse trop douce face aux défis posés et inscrivent cette démarche dans un supposé laxisme au détriment de la répression. Que répondez-vous à cela ?
N. Y. : C’est vrai, il y a un véritable ras-le-bol face à la violence et à l’insécurité en général. Ce ras-le-bol est partagé et nous en avons tous marre d’avoir peur de nous faire taper dessus ou de nous faire cambrioler. Mais à un moment donné, nous sommes dans un État de droit où la seule réponse n’est pas la prison. Ce n’est le cas que pour ceux dont les infractions ont été avérées et pour lesquelles on considère que c’est la réponse adaptée. Mais pour le reste, il faut trouver des solutions alternatives. De notre côté, nous sommes dans la prévention, cela veut donc dire que nous dirigeons notre action vers tous les jeunes pour qui il y a encore de l’espoir. Le préfet l’a d’ailleurs rappelé ; pour ceux qui ne voudraient pas de la main tendue et qui n’aurait pour objectif que de perturber la vie sociale, la réponse sera la répression. Nous ne sommes pas là pour prendre la place des forces de l’ordre, mais bien pour tendre la main à ceux qui n’ont pas de réponses et qui se retrouvent aujourd’hui échoués sans avenir avant qu’ils ne tombent dans le cercle vicieux de la violence. Il y a bel et bien deux choses, ceux qui nous accuseraient d’entretenir la délinquance ont tout faux, nous sommes simplement là pour dire : tous ceux qui veulent aller de l’avant, nous vous tendons la main. Les autres feront l’objet d’une autre réponse.
FI : Quels sont les objectifs que vous vous fixez à travers ce dispositif ?
N. Y. : Je pense que tout le comité de pilotage et les différents partenaires se fixent comme objectif principal de réduire les faits de violence sur le territoire. C’est la gangrène actuelle et force est de constater qu’il fallait, pour tenter de l’arrêter trouver autre chose. Et c’est donc peut-être en allant sur le terrain, en étant à l’écoute de ses attentes que nous serons les mieux armés pour être force de proposition pour affiner la réponse. Beaucoup de structures manquent sur le territoire et nous pouvons réclamer leur intervention à partir du moment où nous prouvons leur pertinence. Si on est sur le terrain et que l’on porte à partir de lui un discours cohérent, je porte l’espoir que des outils supplémentaires verront le jour. En nous réunissant toutes les semaines avec la préfecture, le Département, les forces de l’ordre et les autres associations, nous nous donnons les moyens de partager nos expériences, nos visions et porter des propositions pour développer de nouvelles solutions.
Bien sûr que l’actuel dispositif ne réglera pas tout et qu’il faudra faire beaucoup plus, mais en attendant c’est la solution que nous avons et celle qui nous permet de travailler tous ensemble pour améliorer la réponse. On est dans une logique d’action, on se dit qu’il faut tenter, faire quelque chose et corriger au fur et à mesure. Cela va nous enrichir. C’est en tout cas le point de vue que nous portons chez Messo.
N. Y. : Oui, c’est ambitieux, mais il faut l’être sur ce territoire. Mais je ne pense pas que cela soit trop ambitieux et en tout état de cause, c’est un besoin. Comme je l’ai déjà dit, beaucoup de personnes œuvrent déjà au quotidien et ont besoin d’un cadre. À partir de là, ça ne me semble pas impossible – sinon nous ne participerions pas (rires) -, mais il va falloir beaucoup de communication. Notamment pour apporter une parole claire et cohérente envers les bénévoles, savoir comment les approcher avec beaucoup de transparence pour que chacun s’engage en toute connaissance de cause et que personne ne soit frustré, c’est très important.
FI : Dans le même temps, de plus en plus de personnes investissent le terrain ou souhaitent l’investir à travers des groupes qui n’ont pas le dialogue avec les jeunes comme maître mot. Cela ne risque-t-il pas de télescoper votre action ?
N. Y. : Il y aura toujours de la confrontation au niveau des idées. Nous avons tous des visions différentes sur les réponses à apporter aux problèmes de notre territoire, même au niveau des institutions. Après, rien n’est incompatible. Mais une chose est sûre, seul le droit doit l’emporte, il y a des lois qui régissent les dispositifs donc on ne peut pas faire n’importe quoi de son côté. Il y a les forces de l’ordre avec leurs responsabilités. Dans ce cadre, il y a des discours prônant le fait de prendre les armes que l’on ne peut pas entendre. Quand on se dit être Français, on se doit de rester dans le cadre de la loi, il faut être raisonnable et répondre par la violence, au-delà du problème légal, ne fait qu’attiser la haine. Ce n’est donc pas une réponse que nous pouvons cautionner. En ce qui nous concerne, nous sommes là pour apporter une solution alternative même si rien n’est absolument figé dans le temps. Nous pourrons très bien changer notre fusil d’épaule dans quelques mois et je sais que les institutions motrices de ce dispositif sont à l’écoute pour cela.
FI : Comprenez-vous qu’une partie de la population ne veuille plus entendre parler de méthode douce, de dialogue ?
N. Y. : Il ne faut pas se leurrer, il y a de vrais problèmes qui trouvent sans doute leur origine dans une croissance démographique extrêmement forte. Cela pose des enjeux énormes. De mon côté, je suis partisane de dire que la jeunesse doit être une force et non une faiblesse. Cela ne m’empêche pas de comprendre le ras-le-bol général par rapport à tout ce qu’il se passe et les violences quotidiennes, on ne peut que déplorer cela. Cette peur permanente dans laquelle vit la population est très pesante. Mais rappelons que nous avons des atouts énormes et cette jeunesse doit en être. Nous avons d’énormes besoins pour nous développer et la réponse est là : formons notre jeunesse. Je pense que la formation et l’emploi sont les deux clés du salut de notre territoire. Quelqu’un qui a une occupation journalière, qui a une rentrée d’argent voit sa vie changer. Nous avons beaucoup de jeunes que nous avons accueillis dans notre structure qui auparavant ne faisaient rien d’autre qu’errer et maintenant quand ils sont de 8h à 16h au travail, je peux vous assurer que lorsqu’ils rentrent, ils ont d’autres choses à faire que d’aller commettre des violences dans la rue. Je suis persuadée que la formation et l’insertion par l’emploi sont les seules chances pour notre territoire de trouver un nouvel équilibre. Les besoins de recrutement sont là, la jeunesse est là, maintenant il faut faire en sorte que les deux correspondent. C’est cela qui permettra de sortir du cercle vicieux de la violence.
Au niveau de la population, je pense que beaucoup de peur s’est installée au fil des années et que les gens en ont marre de vivre comme cela. Ne pas pouvoir vivre sans craindre pour sa sécurité est insupportable et il est vrai que beaucoup de structures, notamment d’encadrement pour occuper la jeunesse, manquent. Quand ont été mis en place des centres d’accueil et de loisirs à Koungou pendant les vacances, force est de constater que cela marche.
FI : Pensez-vous rapidement voir les effets concrets de ce dispositif ?
N. Y. : Nous allons tout faire pour. Nous allons travailler main dans la main avec les associations. Si nous pouvons apporter un peu d’espoir à la population, à la jeunesse, c’est tout ce que l’on souhaite. Mais nous avons besoin de tout le monde, chacun doit se sentir libre de venir nous solliciter. Nous avons ici quelque chose de formidable qui est cet instinct de protection, nous sommes très protecteurs les uns des autres. Gardons cela. Je compte beaucoup là-dessus, sur la solidarité et l’envie de porter ce territoire vers une paix sociale. Rendez-vous dans un mois pour voir les premiers résultats, mais je suis convaincue que nous aurons de très bonnes surprises.
Déjà en temps normal, l’île aux parfums n’attire pas les touristes. Mais à l’heure où le gouvernement affiche une volonté de relancer rapidement le secteur dans les Outre-mer, quelles perspectives se dessinent pour Mayotte ? Pour le groupement des entreprises mahoraises spécialisées en la matière, les Mahorais devront être les premiers consommateurs du tourisme, à condition qu’il soit local.
Et si la crise sanitaire profitait au tourisme dans les Outre-mer ? L’idée a de quoi surprendre, mais c’est pourtant celle formulée par le gouvernement depuis maintenant une poignée de semaines. Mi-mai, le premier ministre annonçait que les Français pourraient voyager partout dans l’Hexagone, ainsi que dans les DOM-TOM durant les vacances d’été. Une aubaine à l’heure où les séjours à l’étranger pourront être soumis à des restrictions particulières.
Mais alors que le tourisme représente 10 % du PIB des territoires ultramarins, Mayotte fait, comme souvent, exception à la règle. Entre les tarifs pratiqués par Air Austral, la mauvaise image du département véhiculée par les médias et de lourds freins structurels, le tourisme peine à décoller. À ces blocages, s’ajoute désormais l’obligation d’une quatorzaine stricte à l’arrivée dans les Outre-mer, jugée particulièrement dissuasive par les professionnels du secteur. “Qui voudrait payer un billet d’avion 1.000 euros pour aller s’enfermer deux semaines dans un hôtel ?”, s’interroge Ali Abdou, directeur du Gemtour, le groupement des entreprises mahoraises spécialisées dans le tourisme.
Alors, la semaine dernière, Édouard Philippe, suivi plus tard par Annick Girardin, ministre des Outre-mer, dévoilait vouloir expérimenter une nouvelle forme d’isolement pour les voyageurs en direction des territoires ultramarins. Concrètement, un dépistage au Covid-19 devrait être réalisé 48 heures avant l’embarquement, puis renouvelé une semaine après l’arrivée dans les DOM-TOM. Si celui-ci s’avère être négatif, les personnes concernées pourront y circuler librement. Un scénario que le conseil scientifique n’a pas encore approuvé, pas plus que les acteurs du tourisme eux-mêmes. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de résidents ultramarins s’inquiètent d’ailleurs qu’une telle décision encourage la propagation du virus. “Est-ce que notre droit à la santé va être bafoué au profit de l’économie ?”, s’interroge sur Twitter un internaute qui pointe du doigt la vulnérabilité des systèmes de santé ultramarins.
“Tant qu’il y aura une quatorzaine imposée, il n’y aura pas de touristes”
“Quand on voyage jusque dans les Outre-mer (via un vol long-courrier, ndlr), les jours comptent !”, souligne le représentant du Gemtour. “Une semaine, c’est la durée “normale” d’un séjour. Tant qu’il y aura une quatorzaine imposée, même ramenée à sept jours, il n’y aura pas de touristes, ou ils préféreront aller vers les DOM où le billet d’avion coûte moins cher.” D’autant plus que depuis le début de la crise sanitaire, Mayotte concentre à elle seule plus de la moitié des cas de Covid-19 dans les Outre-mer. Une mauvaise presse, renforcée par les faits d’insécurité qui semblent se multiplier depuis les deux derniers mois. “Les autres DOM-TOM pourront tirer leur épingle du jeu pour les vacances de juillet-août, mais pour Mayotte, ça va être compliqué : on a des facteurs exogènes, l’environnement local ne s’apaise pas”, insiste le Gemtour, qui envisage toutefois une autre piste de développement : celle du tourisme local. Par les Mahorais, pour les Mahorais.
Une stratégie qui pourrait se développer sur deux axes sur lesquels travaille activement le groupement des entreprises mahoraises du tourisme : la généralisation des tickets restaurants pour tous les fonctionnaires et le déploiement plus larges des chèques vacances. Concernant les premiers, le Gemtour s’étonne de voir que certains organismes majeurs, comme le syndicat des eaux ou la Cadema, n’y ont pas encore recours. S’agissant du second, s’ils ont été déployés localement sept ans
plus tôt, ils sont encore à Mayotte quasi inexistants. Pourtant, développées à grande échelle, ces deux formules permettraient d’inciter la population à consommer et visiter local, qu’il s’agisse de bivouacs ou d’activités nautiques, de visites culturelles, de sorties au restaurant ou de séjours dans les hôtels. Ces derniers, d’ailleurs, principalement occupés par des professionnels en voyage d’affaires, seront particulièrement disponibles au cours des vacances d’été. Fait rare, l’île n’offrant qu’un petit millier de lits.
“Consommer local ne fait pas partie des habitudes des Mahorais”, juge Ali Abdou. “Mais on peut l’impulser, on ne peut pas toujours tout attendre de l’extérieur. Pour ça, il faut anticiper, communiquer.” Problème, aucun groupe de travail n’a été constitué en ce sens par les autorités. “Il faut que les acteurs se bougent”, estime le directeur du Gemtour. Il juge par ailleurs qu’après deux mois de confinement et d’“épargne”, les Mahorais auront un pouvoir d’achat plus conséquent. Une affirmation toutefois relative, à l’heure où plus de 13.000 salariés sont, dans le département, concernés par le chômage partiel.
Le week-end dernier, la ministre des Outre-mer annonçait une reprise progressive des vols au cours de la deuxième quinzaine de juin. Comment cela pourrait-il se passer ? C’est encore flou. Et pour cause : les compagnies aériennes sont dans l’attente, elles aussi, de plus de détails. Ils devraient vraisemblablement tomber dans les jours à venir, une fois les décrets parus.
Samedi 30, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, durant son audition auprès de la délégation des Outremer de l’Assemblée nationale, annonçait une vraisemblable reprise des vols commerciaux vers Mayotte “sans doute” à partir de la seconde partie du mois de juin, les voyages pour “raisons impérieuses” demeurant la règle jusqu’au 22. Plus récemment, mardi 2 juin, la même ministre s’exprimait sur la chaîne Antenne Réunion. Au sujet du 101ème département, elle réitèrera ses dires, affirmant que “Mayotte s’ouvrira aussi directement vers la métropole d’ici quelques jours, mais j’aurais l’occasion de l’annoncer à Mayotte”. Bien, mais comment pourrait-elle s’organiser, cette reprise de vols ? Pour le moment, point de précisions et la compagnie aérienne desservant le territoire, Air Austral, confie être elle aussi dans l’attente de la publication des décrets qui rendront officielle la reprise des liaisons. “Nous n’avons pour le moment aucune information ministérielle sur le sujet, nous considérons donc que ce n’est encore qu’une possibilité”, explique la compagnie, qui concède toutefois avoir entendu la déclaration de la ministre : “On peut en effet espérer l’assouplissement des conditions de voyages, mais nous devons attendre que cela soit officiel pour dérouler notre programme.”
En attendant, Air Austral travaille donc sur la base d’hypothèses, différents scénarios susceptibles d’évoluer. Elle poursuit donc son travail “sur des bases commerciales extrêmement souples qui permettent à notre clientèle de reporter de façon très simple les voyages s’ils ne sont pas possibles” et participe à une expérimentation, celle annoncée par la ministre et qui pourrait devenir une mesure obligatoire avant tout départ dans un territoire ultramarin : imposer un test dans les deux jours précédant le départ, mais aussi une septaine à l’arrivée accompagnée d’un nouveau test et, si ce dernier est négatif, une deuxième septaine allégée. “Nous avons récemment mené cette expérimentation sur un vol Paris-La Réunion”, détaille Air Austral, précisant que cela pourrait également servir lors de la reprise des vols vers Mayotte.
Une reprise progressive ?
Et à Mayotte, justement, la situation sanitaire étant ce qu’elle est – bien qu’en voie d’amélioration –, il semble que la problématique des conditions de déplacements ne soit pas encore tout à fait réglée. Ce que faisait remarquer Annick Girardin lors de son intervention chez nos confrères d’Antenne Réunion, en réponse à un auditeur inquiet de devoir voyager avec des passagers habitant à Mayotte où l’épidémie sévit encore. “Nous travaillons à pouvoir là aussi donner une garantie qui n’existe pas aujourd’hui”, a concédé la ministre. Comprendre : il va falloir sécuriser les vols pour que le virus ne se remette pas à circuler depuis Mayotte.
Quoi qu’il en soit, la reprise devra être “progressive”, mais là encore, pour Mayotte, le doute plane. Air Austral détaille donc son ambition pour La Réunion, dans l’attente de plus d’informations concernant le 101ème département : “atteindre au mois de juillet une liaison quotidienne avec la métropole sur la base d’une reprise dès la mi-juin.” Dans tous les cas, “on est en capacité de réagir rapidement. Notre activité est en sommeil, mais peut repartir vite. On est prêt. On a juste besoin d’y être autorisé.”
Après une suspension de ses activités pendant le confinement, le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) a repris ses activités il y a une semaine. Une première mission de contrôle a été effectuée dans le grand Mamoudzou et sans surprise, les fraudes constatées ont été nombreuses.
Le comité opérationnel départemental anti-fraude a voulu marquer le coup après plus de deux mois d’inaction. Le 28 mai, une opération de contrôle a été coordonnée entre la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE), la police aux frontières (PAF) et la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Cette mission est tout simplement liée à la reprise de l’activité économique. “On avait remarqué qu’à Mamoudzou, beaucoup de chantiers avaient repris, on y est donc allés un peu au hasard”, relate David Touzel, responsable de la lutte contre le travail illégal à la DIECCTE et secrétaire du CODAF. Contrôler de manière aléatoire est la procédure habituelle, mais les contrôles peuvent aussi être effectués lorsqu’il y a un signalement. Pour la première mission post confinement, 14 chantiers dans le secteur du bâtiment et 2 menuiseries ont été visités à Doujani, Cavani et Mamoudzou centre. “Dans tous les chantiers, sans exception, nous avons constaté des salariés pas déclarés. Sur la plupart des chantiers, il y avait aussi des salariés en situation irrégulière”, indique David Touzel. Deux menuiseries n’étaient pas non plus en règle, la situation de l‘une d’entre elles est particulièrement préoccupante. “La menuiserie en question était totalement clandestine c’est-à-dire que l’employeur n’avait pas déclaré son activité ni immatriculé sa société. Et les 7 ouvriers n’étaient évidemment pas déclarés et tous étaient en situation irrégulière”, précise David Touzel. Par ailleurs, deux des salariés de cette menuiserie étaient hébergés dans des conditions jugées indignes à côté de l’atelier. En somme, le CODAF a recensé 21 ouvriers non déclarés au préalable à l’embauche et parmi eux 11 sont en situation irrégulière à Mayotte.
La crise sanitaire a mis à mal un pan de l’économie informelle, mais cette dernière a tout de même su faire de la résistance pendant le confinement. Selon le secrétaire du CODAF, “les activités qui étaient déjà dans l’économie informelle ont continué. Par exemple, un contrôle a été effectué il y a une dizaine de jours par l’administration de la mer, et elle a constaté la présence de pêcheurs en situation irrégulière.”
Des sanctions dissuasives
Les employeurs, tous en situation régulière ou ressortissants français, encourent des peines qui peuvent en dissuader plus d’un. Cela dépend du niveau de gravité de la situation. Lorsqu’une personne ne déclare pas son activité ou son salarié, elle risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Pour l’emploi de personnes en situation irrégulière, cela s’élève à 5 ans d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende par salarié étranger. À cela s’ajoutent les amendes de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui montent à plusieurs dizaines de milliers d’euros par salariés et qui sont “de plus en plus mises en œuvre”, selon David Touzel. Enfin, pour tous types de fraudes, la sécurité sociale demandera un remboursement des coûts de cotisations pour la période pendant laquelle l’employeur n’a pas déclaré. Le paiement des cotisations sociales est de ce fait la première cause du travail dissimulé. “Ils ne veulent pas payer les cotisations sociales ni le salaire minimum. Généralement, le salarié pas déclaré perçoit un salaire souvent très inférieur à ce qu’il percevrait s’il était déclaré. Des fois, c’est moins de 700 euros par mois”, indique le responsable de la lutte contre le travail illégal. Pour rappel, le salaire minimum à Mayotte s’élève à plus de 1.160 euros brut mensuel. Les salariés en situation irrégulière sont quant à eux pris en charge par la police aux frontières et reconduits. Malgré tout cela, les peines maximales ne sont généralement appliquées que lorsqu’il s’agit d’une récidive ou si l’activité illégale est trop importante à l’image de la menuiserie entièrement clandestine qui a été révélée. “S’il s’agit d’une première fois et que la situation n’est pas très grave, on propose à l’employeur un stage alternatif dans un organisme de formation pour qu’il s’informe”, fait savoir David Touzel.
C’est un plaidoyer des plus fermes qu’est venu livrer Denis Chusserie-Laprée, procureur près la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, dont dépend la juridiction de Mayotte. Plaidoyer de soutien envers le procureur Camille Miansoni – dont on apprend d’ailleurs le départ prochain -, mais aussi pour la justice. Celle de l’État de droit et contre celle, privée, dont l’apologie se fait de plus en plus courante.
C’est une chose peu commune pour un procureur général que de se faire avocat. “Mais les attaques dont j’ai pris connaissance à l’égard de Monsieur Miansoni sont tellement inacceptables que je ne pouvais imaginer être là pour lui apporter mon soutien”, explique Denis Chausserie-Laprée, le procureur général de La Réunion. Un soutien également apporté par “tous les procureurs de France, les 164”, assure par ailleurs le magistrat. Qui se fait donc l’avocat du procureur de la République à Mayotte, victime d’une campagne où se mêle “calomnie et propos racistes extrêmement graves” selon les mots de Denis Chausserie-Laprée qui n’a eu de cesse de vanter le travail effectué par Camille Miansoni à Mayotte. “Je suis donc venu dire très clairement l’entier soutien que j’apporte à Monsieur Miansoni qui a fait un excellent travail, au point que cet excellent travail est couronné par une promotion qui l’amènera à exercer pour la troisième fois la fonction de procureur”, a insisté le procureur général avant de préciser que le représentant du parquet à Mayotte prendra probablement la direction de Brest après un passage devant le Conseil supérieur de la magistrature qui doit statuer en dernier lieu sur cette promotion. Une promotion donc. Et gare à ceux qui verraient dans ce changement d’affectation une “victoire” après avoir réclamé le départ du procureur. “C’est aussi faux que si je disais que la terre était plate”, assure le représentant du ministère public indiquant que “cela faisait plusieurs mois que nous recherchions un poste à la hauteur de ses compétences”.
“Incitations à la justice privée insupportables”
Mais au-delà de la défense de Camille Miansoni, c’est bien celle de la justice qu’est venu assurer à travers son déplacement à Mayotte le procureur général. Car “en 32 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça”, se désole-t-il. “Ça, ce sont les incitations à la justice privée qui sont tellement insupportables compte tenu des dangers que nous savons lui être systématiquement associés.” C’est aussi “la violence des commentaires qui ont été faits sur l’action du ministère public que je représente”. C’est, de manière générale, appeler à travers différents textes ou propos “à se tourner vers des méthodes que je ne pensais plus jamais rencontrer”, déroule le magistrat.
Un texte, en particulier, a fait bondir le procureur général. “La loi du talion contre l’impunité des criminels.” Un écrit diffusé sur les réseaux sociaux et qui va “à ma demande, donner lieu à la recherche de celui qui en est l’auteur qui de mon point de vue est non seulement constitutif d’un certain nombre d’infractions à la loi sur la presse sous la forme de diffamation ou d’injures à caractère racial, mais qui est également constitutif de mon point de vue de ce que la loi incrimine en tant qu’apologie de la violence. C’est tout simplement passible de cinq ans d’emprisonnement”, martèle le magistrat. “Je suis toujours surpris que ceux-là mêmes qui prétendent vouloir lutter contre l’insécurité, la première chose qu’ils font est de commettre différentes infractions”, insiste-t-il. Le ton est cinglant. À la hauteur du choc qu’a pu provoquer la lecture de différents textes chez ce serviteur de la justice, dénonçant avec force “l’ignorance terrible des mécanismes de notre justice”, dont on fait preuve selon lui leurs auteurs. L’occasion de rappeler que le procureur est en charge de “poursuites et des accusations, mais il n’est pas toute la justice. Et parce que les choses sont ainsi équilibrées, il y a aussi les décisions prises par les magistrats du siège. Et que ce soit à Lille ou à Toulouse, il n’est pas rare que ceux-ci prennent des décisions de relaxe. Ce n’est en aucun cas la démonstration d’un procureur qui aurait mal fait son travail, mais c’est tout simplement la règle procédurale. Et quoi qu’il en soit, ce n’est pas un homme qui décide, c’est une institution, Monsieur Miansoni sera remplacé par une personne qui, je l’espère fera le même travail et ce n’est pas les cris des uns et des autres qui y changeront quoi que ce soit. Car nous, nous agissons dans le cadre de la loi”.
Laxisme : “une accusation tout simplement fausse”
L’occasion aussi, pour le procureur général de remettre les choses à leur place quant à un supposé laxisme de la justice. “On parle de l’impunité ici, mais est-ce que vous savez aujourd’hui que sur tout le ressort de la cour d’appel de Saint-Denis, c’est le centre pénitentiaire de Majicavo qui est le seul à connaître un taux d’occupation au-delà des 100 % ? Les accusations qui sont portées contre l’institution judiciaire et le ministère public sont tout simplement fausses”, martèle le procureur général tout en précisant “qu’il y a un évident problème d’insécurité” sur le territoire. “Je ne dis pas qu’il n’y a pas de violence, je ne dis pas qu’il n’y a pas de cambriolages qui sont commis et évidemment qu’ils sont trop nombreux, évidemment que c’est compliqué pour nous d’identifier tous les acteurs. Mais croyez-moi, à chaque fois que le parquet de Mayotte considère que des éléments de preuve sont suffisamment établis, des poursuites sont engagées, quelle que soit la nature de l’infraction.”
Attaques ad hominem, régulièrement racistes, remise en cause de la justice, incitation à la violence, “tout cela est trop grave” pour Denis Chausserie-Laprée venu rappeler ici que “c’est inacceptable dans un État de droit”. Et son jugement est sans appel : “Mayotte est un jeune département, qui n’a cessé de rappeler son attachement à la France, mais Mayotte ne pourra se construire que dans le respect de la loi.
Ouf de soulagement. 106 résidents de l’île aux parfums bloqués à La Réunion depuis le début du confinement ont finalement atterri à Mayotte mercredi après-midi, dans un avion affrété par la préfecture. Quelques heures plus tôt, tous ignoraient alors la date de leur départ.
Pour certains d’entre eux, l’attente aura duré plus de deux mois. Mercredi, 106 résidents mahorais ont pu regagner le territoire via un avion Air Austral spécialement affrété par la préfecture. Tous étaient jusqu’alors coincés à l’île de La Réunion, sans aucune visibilité sur la date de leur retour. Quelques renforts de la réserve sanitaire étaient eux aussi du voyage.
Comme deux semaines plus tôt, alors qu’un premier vol du même genre avait permis de ramener une cinquantaine de personnes, tous les passagers ont été soumis à un contrôle sanitaire à peine le pied posé sur le tarmac. Après une distribution de masques chirurgicaux et de gel hydroalcoolique, les voyageurs ont dû, un à un, passer sous la tente installée là par la Croix-Rouge française où leur température a été prise. Dernière étape, mais pas des moindres : une quatorzaine stricte à domicile et régulièrement suivie par téléphone par la préfecture. Au préalable, l’ensemble des passagers ont dû attester sur l’honneur ne pas avoir été en contact avec des personnes atteintes du Covid-19.
Pour en arriver là, la préfecture, justement, a dû “prioriser les demandes” de rapatriement, explique le sous-préfet Julien Kerdoncuf, qui cite “des motifs impérieux, médicaux, familiaux ou professionnels”. Aux commandes de ce délicat recensement, la préfecture, la délégation du conseil départemental de Mayotte à l’île de La Réunion, mais aussi un collectif de citoyens qui s’était spontanément organisé sur place.
Une communication compliquée
Parmi les passagers, Ibrahim*, coincé à La Réunion depuis le début du confinement est “tombé par hasard”, une dizaine de jours plus tôt, sur une publication Facebook de ce même collectif, qui partageait alors le formulaire en ligne de recensement. “Et là, ça s’est compliqué”, plaisante-t-il à peine après avoir passé le contrôle sanitaire. Le Mahorais qui devait rentrer pour des raisons familiales appelle alors la maison de Mayotte à La Réunion, qui le réoriente vers la préfecture. “Il m’a fallu une semaine pour les avoir, ils m’ont fait tourner en rond”, souffle-t-il sous le masque chirurgical que les personnels de l’ARS viennent de lui remettre. “La préfecture de Mayotte ne répondait pas, celle de La Réunion ne savait pas grand-chose.” Finalement, il apprend qu’il pourra partir seulement la veille du décollage, en fin d’après-midi. Devant la grande toile de tente blanche floquée d’une croix rouge, Alice* hoche la tête en signe d’acquiescement. Après avoir réservé un billet quelques mois plus tôt, bien loin de se douter de la crise sanitaire à venir, elle voit rapidement le vol qu’elle devait impérativement prendre pour des raisons professionnelles cette fois, être annulé. Mardi soir, après des semaines d’attente et “aucune info de la part de la préfecture”, elle découvre elle aussi qu’elle embarquera dès le lendemain, pour une arrivée prévue à 14 heures.
C’est pourtant deux heures plus tard que le Boeing atterrira sur le tarmac de Mayotte. La raison de ce retard ? “Je n’ai pas de précision là-dessus”, répond le sous-préfet qui était venu accueillir les voyageurs. Pourtant, d’autres employés de la préfecture feront état d’un “bruit suspect” lors de la préparation au décollage, qui a contraint le personnel navigant à évacuer de l’appareil la centaine de personnes déjà installées, pour que des vérifications puissent être faites. Dimanche, moins d’une centaine d’étudiants devraient eux aussi regagner le département depuis La Réunion, où ils sont actuellement hébergés par le Crous.
La crise sanitaire a conduit à une crise économique qui met à mal les collectivités. Mayotte est fortement touchée, et les communes suffoquent sous les dettes qui s’accumulent alors que les recettes financières ne cessent de baisser. Pour panser l’hémorragie, l’État a décidé de mettre la main à la poche. Parmi les mesures phares, la compensation de l’octroi de mer si important pour les communes mahoraises.
Les communes de Mayotte vont mal. Très mal si l’on en croit les dernières annonces du préfet. “Aujourd’hui, une grosse moitié des communes rencontrent des difficultés financières. Certaines parce qu’elles ont des problèmes structurels et puis d’autres parce que les recettes liées à l’octroi de mer et à la taxe sur le carburant ont chuté”, indique Jean François Colombet, préfet de Mayotte. Sur 17 communes, environ 8 à 9 seraient dans un état critique et ne seraient plus en mesure de payer leurs salariés dans deux à trois mois. Une réunion d’urgence a donc eu lieu vendredi dernier en présence du premier ministre, des différents préfets de l’Outre-mer et des présidents des associations des maires pour ne citer qu’eux. Le gouvernement a décidé d’octroyer 110 millions d’euros aux territoires d’Outre-mer afin de compenser la chute de l’octroi de mer et de la taxe sur le carburant. L’octroi de mer a un poids considérable à Mayotte et à cause de la crise sanitaire la perte a été conséquente. “Au mois d’avril 2020, le montant de l’octroi de mer s’est élevé à 5 millions d’euros. C’est une baisse de 21 % par rapport au mois d’avril de l’année dernière”, explique le préfet. Cette baisse très sensible affecte l’équilibre financier des communes qui dépendent de cette taxe. En moyenne à Mayotte, l’octroi de mer rapporté représente 38,8 %. À titre de comparaison, le pourcentage s’élève à 25 % à La Réunion.
Le remboursement de cette taxe sera basé sur les recettes fiscales perçues ces trois dernières années (2017-2018-2019) par chaque commune. Le montant sera divisé par trois afin d’établir une moyenne. Les communes qui auront une recette fiscale supérieure ou égale à cette moyenne n’auront rien, et celles qui en auront une inférieure seront automatiquement remboursées. Le remboursement devrait se faire dans les plus brefs délais puisque “c’est dans le projet de loi de finance rectificatif qui sera examiné par le parlement au cours des mois de juin et juillet”, précise Jean-François Colombet.
Sortir les communes de l’état critique par tous les moyens
La compensation de la taxe sur le carburant et l’octroi de mer aidera certainement les communes, mais ne les sauvera pas complètement. D’autres coups de pouce sont nécessaires pour sortir la tête de l’eau. Le remboursement d’une autre taxe est convoité par les maires. Le système des Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) devrait être revu. Normalement, les communes qui ont investi de manière conséquente sont remboursées une partie, mais seulement à N+2. “Nous avons demandé que le FCTVA de 2019 soit versé en 2020 parce qu’en 2019 les communes ont versé beaucoup d’argent. L’État a dit qu’il était favorable. Nous négocions donc avec l’agence française de développement pour qu’il nous fasse une avance et elle touchera en 2021 ce que nous devions recevoir”, annonce Said Omar Oili, président des associations des maires de Mayotte. Cette avance permettrait entre autres de financer les chantiers déjà engagés.
Said Omar Oili indique que ses confrères et lui ont également demandé des avances de 50 % sur les différentes aides nationales et européennes habituellement octroyées aux territoires.
À cela, s’ajoute une autre mesure économique qui se veut également sociale. “L’État va augmenter le quota des emplois aidés, particulièrement à Mayotte, pour que l’on puisse donner du travail à ceux qui se sont retrouvés sans emploi pendant la crise”, selon le président des associations des maires de Mayotte.
Pourquoi les communes mahoraises vont-elles si mal ?
La crise sanitaire n’a fait que mettre en évidence les différentes failles du système économique à Mayotte. En réalité, la santé financière des communes mahoraises est dans un état critique depuis bien longtemps. “Cela est principalement dû à la recette fiscale qui est très inférieure à ce que les communes devraient réellement recevoir. Mais il y a un réel travail de fond à faire notamment sur l’adressage. Beaucoup de personnes et de bâtiments échappent à l’impôt. Nous devons identifier ceux qui habitent chez nous pour que tout le monde paye les impôts. Si on arrivait à faire payer tout le monde, nos recettes fiscales seraient supérieures à l’octroi de mer” , selon Said Omar Oili. Dans les autres territoires, les recettes fiscales représentent en moyenne 65 à 70 % du budget, selon ce dernier. Ce qui est loin d’être le cas à Mayotte. “La fiscalité directe locale progresse d’année en année de 10 % environ, mais elle reste quand même très faible”, constate également Jean François Colombet. Toutes ces aides régleront donc une partie du problème à court terme, mais il semble que les soins prodigués devront se multiplier pour sortir les communes mahoraises de la réanimation.
Depuis le début de la crise, les masques sont au centre des débats. L’agence régionale de santé doit gérer un stock important pour approvisionner les professionnels de santé libéraux ainsi que les habitants contaminés au Covid-19 et leurs cas contacts. Un travail rigoureux qui exige une organisation minutieuse pour ne pas faire voler en éclat la gestion de ce précieux sésame.
Arrivé à l’agence régionale de santé le 17 février dernier en tant que responsable financier, Victor Mathe a vu son poste quelque peu évoluer avec la crise sanitaire que subit Mayotte depuis bientôt trois mois. Dans son bureau situé au rez-de-chaussée, le jeune homme doit se frayer un chemin à travers les monticules de cartons qui jonchent la pièce pour rejoindre son siège. Covid oblige, il apporte alors sa pierre à l’édifice au service logistique des masques. Une plateforme indispensable qui permet de fournir des protections aussi bien aux professionnels de santé de libéraux qu’aux personnes contaminées et à leurs cas contacts.
Mais avant cela, l’ARS doit tout d’abord batailler avec Paris pour recevoir des quantités suffisantes. Et à ce petit jeu-là, elle n’a pas tout à fait la main, même si l’envolée de la propagation du virus de ces dernières semaines lui assure de se trouver sur la pile des dossiers prioritaires du gouvernement. “Notre stock se gère à l’échelle nationale par Santé Publique France. Et nous avons une équipe ici qui s’occupe de la priorisation du fret médical”, précise Victor Mathe. Une fois acheminés sur l’île aux parfums, les transitaires récupèrent le colis et se chargent de les envoyer dans trois points identifiés et sécurisés pour éviter des vols, comme cela a pu être le cas il y a quelques semaines au centre hospitalier de Mayotte. “Nous avons un suivi rigoureux avec un bon vieux fichier Excell pour gérer notre distribution”, sourit-il.
Distribution dans les officines et à domicile
Tout ce travail en amont s’articule dans un but précis : la délivrance de masques chirurgicaux et FFP2 dans la vingtaine d’officines du territoire, que viennent ensuite récupérer les différents libéraux, à raison d’une fois toutes les deux semaines. Selon leur patientèle, les 11 chirurgiens-dentistes, les 149 infirmiers, les 55 kinésithérapeutes, les 34 médecins, les 23 pharmaciens et les 26 sages-femmes reçoivent chacun une quantité bien déterminée en accord avec les réglementations (voir tableau). Ces chiffres sont en constante augmentation en fonction de la réouverture de certains cabinets jusqu’alors fermés. Autres habitants concernés par cette distribution ? Les personnes testées positives et leurs cas contacts. “Chacun d’eux reçoit quinze masques pour la période d’incubation, soit une huitaine de jours.” À la différence des professionnels de santé, le mode de réception est sensiblement différent. Ce sont des bénévoles du comité régional olympique et sportif (Cros) qui gère les livraisons au domicile des habitants concernés.
Si la gestion des stocks a pu parfois paraître sensible aux yeux de l’opinion publique en raison de l’explosion de la demande internationale, l’agence régionale de santé certifie que la période la plus délicate est bel et bien derrière elle. “La semaine dernière, nous avons reçu une grosse quantité de SPF. Il y a eu des moments un peu critiques, en termes de gestion, il n’y a pas eu de pénurie. En tout cas, nous ne sommes plus en flux tendu, comme cela peut être le cas actuellement pour les blouses”, concède Victor Mathe. Pour se soulager, l’ARS a également commandé 4.000 masques en tissu à une entreprise locale pour protéger ses agents sur le terrain ainsi que les associations avec qui elle collabore. Toujours est-il que le responsable financier met quiconque au défi de réussir cette mission épineuse sans traverser aucune zone de turbulence : “Cela ne se fait pas aussi facilement que ce que les internautes pensent sur Facebook…”
Mayotte toucherait-elle du doigt le déclin de l’épidémie de Covid-19 ? Si la vigilance continue de s’imposer, les chiffres publiés par l’ARS tendent à rassurer. À défaut de la certitude d’une sortie de crise immédiate, on assiste en tout cas, au moins, à une période de répit.
Sept cas de Covid-19 supplémentaires par rapport à la veille et une marche symbolique de 2.000 cas toujours pas atteinte : sans s’emballer pour autant, l’agence régionale de santé observait l’avenir de manière un peu plus sereine qu’à l’accoutumée, hier, lors de la désormais traditionnelle présentation des chiffres de l’épidémie. Au total, 1.993 cas étaient confirmés à Mayotte, dont “les trois quarts guéris”, précisait la directrice de l’organisme, Dominique Voynet.
Des chiffres qui ne tiennent toutefois pas compte de la dernière salve d’analyses d’une centaine de tests menés à la prison de Majicavo, et dont les résultats étaient encore attendus. Toutefois, le nombre de personnes à risques au sein de l’établissement pénitentiaire est “très réduit”, et l’isolement inhérent à leur privation de liberté rend inopérant le risque de transmission. Ce sont donc surtout les gardiens qui représentent un risque du fait de leurs allers et venues entre l’extérieur et l’intérieur de la prison. D’où l’importance majeure du contact-tracing de ces derniers.
Hormis ce principal cluster, on observe donc une diminution des cas positifs par rapport à la semaine dernière et un taux de positivité lui aussi en baisse depuis, pour sa part, trois semaines. Logiquement, le taux d’hospitalisation baisse lui aussi. En service de réanimation, par exemple, “nous avons largement ce qu’il faut” en termes de lits. Et si cette diminution du nombre de cas est souvent imputée à une baisse des tests pratiqués – baisse réelle compte tenu des difficultés à obtenir les matériels nécessaires, mais aussi de la baisse des prescriptions, des demandes de tests par de potentiels porteurs du virus, etc. –, elle ne contrecarre pas la baisse constatée du taux de positivité, ni celle du R0. Un R0 toujours en dessous de 1, et pour lequel “nous n’observons pas, à ce stade, de hausse à la suite des préparatifs de l’Aïd”, qui avait notamment vu l’organisation d’un marché non déclaré et très fréquenté à Majicavo-Dubaï. Rassurant, mais la vigilance doit toutefois demeurer.
Dengue : le plus dur est passé
Autre épidémie, particulièrement forte cette année : la dengue. Celle-ci touche vraisemblablement à sa fin avec, malgré des indicateurs qui demeurent encore élevés, un “effondrement du nombre de consultations, des hospitalisations, et du nombre de tests”, a constaté Dominique Voynet. Verrait-on le bout du tunnel d’une année épidémique décidément bien agitée ? C’est à espérer.
Même avec la reprise progressive des activités dans le 101eme département, les entreprises risquent de se heurter à plusieurs obstacles. La perte des aides et les coûts supplémentaires, liés aux dépenses pour le respect des règles sanitaires, pourraient freiner la relance. La présidente du Medef à Mayotte soulève plusieurs points de vigilance. Entretien.
Flash Infos : À Mayotte, passée en orange, la vie économique peut progressivement reprendre depuis ce mardi. À cette occasion, vous avez participé à une réunion avec le préfet. Quels sont les principaux points que vous avez abordés ?
Carla Baltus : C’était en effet notre quatrième rencontre depuis le début du confinement et nous en avons profité pour balayer tous les sujets. D’abord, nous avons fait remontrer notre inquiétude au sujet de la fermeture de l’aéroport. C’est un véritable handicap, alors que les commerces ont rouvert progressivement depuis l’Aïd environ, et que nous avons des besoins de fret aérien. Nous devons aussi nous déplacer pour nos activités économiques. À ce sujet, le préfet va plutôt dans notre sens, même si nous sommes tous suspendus aux observations du comité de la santé, et à la décision au niveau national. Des dates ont commencé à être évoquées pour la reprise des vols commerciaux, mais rien n’est encore officiel malheureusement. Ensuite, notre deuxième préoccupation va à la réouverture des administrations. Beaucoup sont encore fermées, alors que nous en avons besoin pour des formalités, et pour préparer le rebond, notamment avec le plan de convergence. Il va vite falloir relancer les permis de construire, les bureaux d’étude, reprendre les grands projets et les chantiers, et pour cela, nous avons besoin des administrations, des mairies, de la Deal, des collectivités dans leur ensemble. Enfin, nous avons beaucoup parlé de l’accompagnement vers la reprise, que ce soit au sujet des dispositifs d’aide déjà initiés ou encore des surcoûts liés aux nouvelles règles sanitaires.
FI : Justement, depuis le 1er juin, le dispositif d’activité partielle a été revu : l’État et l’Unédic ne prendront plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié. La mesure s’appliquera-t-elle à Mayotte comme en métropole ?
C. B. : Nous n’avions plus beaucoup de doute sur la décision, qui nous a en effet été confirmée mardi lors de cette réunion avec le préfet : tous les textes sont nationaux, et il en va de même pour l’activité partielle. Dès ce lundi, 15 % de l’indemnité revient donc à la charge des entreprises, à Mayotte exactement comme en métropole. C’est une façon de pousser les entreprises à remettre les salariés au travail.
FI : Ouvrir peut donc être synonyme de perte des aides, de recettes moindres et de coûts supplémentaires pour assurer le respect des règles sanitaires…
C. B. : Effectivement, de nombreux dispositifs de soutien s’arrêtent. C’est le cas notamment du report de charges. Mis à part pour les secteurs de l’hôtellerie-restauration/tourisme qui vont pouvoir continuer à en bénéficier jusqu’à la fin de l’année, tous les autres devront recommencer à payer leurs cotisations à partir du 15 juin. Et il faudra alors retourner négocier les échéanciers, car il apparaît que toutes les entreprises ne pourront pas bénéficier d’exonération. Les textes officiels ne sont d’ailleurs pas encore très clairs sur ce sujet. Heureusement, le conseil départemental commence à mettre en paiement les aides, et nous espérons que les entreprises vont pouvoir les toucher, même en retard. Cela ne sera pas de trop, car la reprise va aussi demander des investissements pour respecter les règles d’hygiène sanitaire. Nous risquons d’ailleurs d’avoir des problèmes d’approvisionnement en plexiglas par exemple, vu que l’aéroport est encore fermé.
FI : Comment les entreprises vont-elles être accompagnées pour faire face à ces défis et réussir la relance ?
C. B. : Il ne faut pas se le cacher, la reprise risque d’être compliquée. La préfecture est en train de voir comment coordonner tous ces sujets, et de notre côté au Medef, nous allons accompagner nos adhérents au mieux pour qu’ils puissent bénéficier de subventions, et réussir la reprise de leurs activités. Nous restons vigilants quant aux différents dispositifs. Nous avons d’ailleurs profité de cette réunion pour aborder aussi le sujet des aides de la Sécurité sociale pour les équipements de protection : l’Assurance maladie pourra prendre en charge 50 % des dépenses hors taxes, et ce jusqu’à 5.000 euros, ce n’est donc pas négligeable. Mais le problème, c’est que cette aide est conditionnée au document unique, le livret qui recense les risques liés aux activités d’une entreprise et les précautions qu’elle prend pour y faire face. Or beaucoup d’entreprises mahoraises n’ont pas ce document en leur possession, car il peut être assez lourd à mettre en place, jusqu’à 3.000 euros par entreprise, d’après certaines estimations. C’est un peu comme pour l’attestation fiscale, les aides pour les travailleurs indépendants, dont nous n’avons pas pu bénéficier à Mayotte car le statut n’existait pas encore, ou encore l’indemnisation des employés de maison en activité partielle. La volonté politique se heurte aux spécificités locales, et il est parfois difficile aux entreprises de se conformer à tous les prérequis pour obtenir les aides.
Dernier point de vigilance, qui nous a été remonté par plusieurs entreprises et que nous relayons : beaucoup ont obtenu le prêt garanti par l’État (PGE). Le problème, c’est que les banques leur refusent désormais des emprunts, sous prétexte qu’elles sont surendettées. Résultat, certaines risquent de se retrouver coincées par ce crédit, destiné à payer les fournisseurs, à rembourser les dettes, alors qu’elles souhaiteraient se lancer sur de nouvelles opportunités de marché. Pour les petites et moyennes entreprises qui espéraient bénéficier du contrat de convergence, cela risque d’être un frein. La relance pourrait en pâtir…
Contre l’insécurité, et surtout l’impossibilité de circuler librement, impossible de rester assis considèrent les trois initiateurs du Challenge Mayotte tour. Pour ces trois sportifs, il faut même aller plus vite qu’en marchant. Leur idée donc : porter la volonté de pouvoir traverser l’île de part en part sans craindre pour sa sécurité en la traversant concrètement lors de courses à pied.
“Je connais des jeunes d’Hamjago qui n’osent pas se rendre à M’tsamboro de peur d’être victimes d’agressions.” Le constat de Chad est amer. Pourtant, son île n’a pas toujours rimé avec insécurité. “Avant de quitter Mayotte, vers l’âge de 15 ans, je me souviens que je pouvais aller n’importe où sans me poser de question, je faisais tout à pied. J’allais à pied jouer au foot à Mliha alors que j’habitais Hamjago. Maintenant, ce n’est plus du tout imaginable, depuis que je suis rentrée en 2011 c’est de pire en pire, on ne peut plus rien faire sans penser à sa sécurité”, se désole l’ancien militaire. Une vie passée à laquelle il n’hésite d’ailleurs pas à faire référence pour appuyer son propos. “J’ai servi la France pendant de longues années et j’ai été envoyé en Afghanistan. Là-bas, on sortait toujours armé et casqué avec la peur pour notre sécurité. J’exagère un peu mais quelque part je retrouve aujourd’hui ce même sentiment à Mayotte. Les gens ont peur de se déplacer”, fait valoir Chad. Alors, pour dénoncer cette peur issue de l’insécurité, le sportif et deux de ses compères, Ybnou et Adifane ont pris leurs bâtons de pèlerin. Ou plutôt leurs chaussures de course. Et ont créé le Challenge Mayotte Tour.
“Montrer que l’on doit pouvoir traverser n’importe quel village sans crainte”
“L’idée c’est que l’on traverse tous les villages de l’île en courant avec chaque mois une étape d’environ 19-20 kilomètres, on souhaiterait mobiliser à travers cela et montrer que l’on doit pouvoir circuler librement à Mayotte”, explique le coureur. Si une première étape “test” a déjà été parcourue le mois dernier entre Mamoudzou et Sada “pour voir comment ça se passe et ajuster au besoin”, la deuxième course, prévue le 21 juin sera des plus symboliques. “Nous avons choisi de partir de la station Total de Longoni, lieu de nombreuses violences le week-end dernier”, annonce Chad. L’arrivée, elle, est prévue à Hamjago. Et pour ceux que les dizaines de kilomètres à parcourir auraient tendance à refroidir, le message est clair. Comme contre l’insécurité, “chacun peut participer à sa manière”, explique le membre du trio. “On peut par exemple se mobiliser sur le parcours avec des banderoles, des T-shirts mais on peut aussi tout à fait courir un kilomètre, rejoindre le peloton quand il traverse son village, courir ou marcher, l’important, c’est que le message passe, de montrer que l’on doit pouvoir traverser n’importe quel village de notre île”, appuie le sportif que rien ne semble plus pouvoir arrêter.
“Il faut agir, que chacun prenne ses responsabilités et arrête d’accuser untel ou un autre pour la situation qui existe sur notre territoire. Nous avons tous un rôle à jouer et si nous ne faisons rien, la situation continuera d’empirer. De nôtre côté, c’est notre manière de nous mobiliser et je pense que le faire à travers le sport va dans le bon sens car il a des vertus thérapeutiques. Certains ont choisi de marcher, pour nous c’est la course à pied”, plaide encore l’ancien militaire, bien décidé à faire grossir ses rangs. Et au pas de course !
C’était une rentrée pas comme les autres vécue par les 4.000 à 5.000 élèves du second degré qui ont repris le chemin de l’école hier. Au collège K1 à Kaweni, la reprise a été minutieusement planifiée. L’équipe pédagogique s’en félicite et les élèves sont heureux de retrouver les bancs de l’école.
275 élèves de cinquième étaient attendus au collège K1 ce mardi 2 juin. Environ deux tiers d’entre eux ont répondu présents. Un chiffre qui satisfait le principal du collège. Tous se sont pliés aux nouvelles règles imposées sans aucune difficulté. Les changements s’opèrent dès le portail d’entrée. Les agents postés à l’accueil ne peuvent laisser passer que les élèves qui figurent sur les listes en leur possession. Le collège a choisi de faire revenir en premier les 10 classes de 5ème. Toutes sont divisées par deux, le premier groupe est accueilli le matin à partir de 8h pour une durée de trois heures, et le deuxième groupe l’après-midi à partir de 13h. “Nous sommes chargés d’accueillir les élèves en leur donnant un masque et nous fournissons du gel hydroalcoolique au personnel”, explique Ansfati à l’accueil. Cette dernière redoutait la réaction des jeunes, mais elle a été surprise par leur coopération. “Honnêtement, je pensais que ça allait être compliqué avec les élèves, mais finalement ils nous ont écoutés.” Port du masque, lavage des mains, s’aligner tout en respectant la distance d’un mètre, les élèves ont en effet suivi les indications avec le sourire. Ils ont pu bénéficier d’une démonstration du port du masque avant d’entrer dans l’établissement. Une fois à l’intérieur, ils sont orientés vers l’un des quatre points d’eau du collège pour laver leurs mains avec de l’eau et du savon. Ensuite, chaque élève rejoint la file qui correspond à sa classe en suivant les marquages au sol. Un deuxième lavage des mains avec du gel hydroalcoolique est obligatoire avant d’entrer dans la salle de cours. Malgré toutes ces nouvelles règles, les collégiens ne manquent pas d’enthousiasme à l’idée de retrouver leurs camarades, à l’image de Farza. “Je suis contente de retourner à l’école, ça m’avait manquée. J’adore l’école, car c’est le meilleur chemin de la vie. Les cours à la maison c’était difficile pour moi. Je préfère apprendre avec mes professeurs et mes camarades. Je trouve que j’apprends mieux.” Elle admet cependant que la distanciation physique lui pose problème, mais “je ferai avec, je n’ai pas le choix”, déclare-t-elle. D’autres sont heureux de retrouver leurs enseignants afin d’être rassurés sur l’avenir qui leur parait encore incertain. “Je voulais revenir au collège pour mieux connaitre la crise qu’on traverse et ce qui nous attend plus tard. Et même si j’ai peur de croiser des gens contaminés sans le savoir, je devais revenir”, témoigne Saila. Très consciente du danger du Covid-19, cette élève avait déjà pris ses dispositions. “Je ne serre plus la main aux gens, j’évite les embrassades et je garde toujours un mètre de distance, donc les nouvelles règles du collège ne me dérangent pas.”
“La motivation des élèves ne me fait pas regretter mon choix”
Un des professeurs d’EPS du collège le confirme, “les élèves connaissent la plupart des gestes barrières”. Cela étant, tous les enseignants doivent en premier lieu apprendre ces gestes aux élèves. Tout le personnel de l’établissement, sans aucune exception, a suivi une formation aux gestes barrières d’une heure, dispensée par l’infirmière du collège qui elle-même a été formée par le médecin de l’Éducation nationale. Les enseignants qui ont accepté de fréquenter à nouveau l’établissement sont plutôt rassurés de constater que le protocole sanitaire est scrupuleusement respecté. “Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ou du moins limiter les contaminations donc je suis serein”, indique le professeur d’EPS. Sa collègue, professeur d’anglais, tient plus ou moins le même discours. “Comme tout le monde, j’ai un peu peur, mais il faut reprendre à un moment donné alors je suis là parce que les élèves ont besoin de nous.” Cette dernière affirme que certains de ses élèves ont rencontré beaucoup de difficultés à suivre les cours à la maison, particulièrement ceux qui n’ont pas internet. “Ils sont tous motivés et contents d’être là. Cela ne me fait pas regretter mon choix.” Cette première semaine sera en grande partie dédiée aux procédures administratives pour la prochaine rentrée, et à l’explication des nouvelles règles. Chaque jour sera consacré à un niveau de classe différent.
Afin d’éviter le brassage des élèves, le collège est divisé en trois secteurs et les élèves de différents niveaux n’ont pas le droit de se mélanger. Le principal a entièrement repensé le flux de circulation au sein de l’établissement. “Nous avons interdit l’accès à l’étage. Nous utilisons uniquement les salles du rez-de-chaussée. De plus, toutes les classes n’iront pas en récréation en même temps. Enfin, les élèves resteront toujours dans la même salle et ce sont les professeurs qui se déplaceront”, informe Christophe Jacquet, le principal. Malgré tous ces efforts pour respecter le protocole sanitaire, une étape manque à l’appel. La température des élèves n’est pas prise à l’entrée de l’établissement puisqu’il n’est pas équipé de thermomètre réglementaire permettant de le faire, selon l’infirmière du collège.
Quelques jours après le début du confinement, l’agence régionale de santé a décidé de faciliter l’accès aux bornes-fontaines aux populations les plus précaires, mais aussi d’installer des rampes de distribution d’eau. Des dispositifs indispensables qui permettent de lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Mardi, 8h30. Devant la borne-fontaine de Bandrajou, salouvas multicolores des habitants du quartier scintillent à proximité de tee-shirts noirs de l’association ABK. Au sol, des dizaines de bidons s’entassent tandis qu’une jeune fille, foulard rouge enroulé sur la tête, regarde du coin de l’œil son récipient se remplir. Jusque-là rien d’inhabituel pour ce public précaire, qui utilise une carte monétique délivrée par la Smae pour récupérer 10 mètres cubes. Mesure de confinement oblige, synonyme pendant au moins un temps de l’arrêt de l’économie informelle, l’agence régionale de santé prend la décision dès le 23 mars de permettre à cette population de bénéficier d’un accès gratuit mais limité aux 64 bornes-fontaines réparties sur l’île. Depuis cette date donc, la Croix Rouge et onze structures œuvrent sur le terrain pour promouvoir les gestes barrières, comme le lavage des mains, et assurer directement les distributions d’eau. “Nous les avons formés pendant une heure et nous leur avons donné un guide de bonnes pratiques et des affiches. Nous leur avons aussi expliqué qu’en cas d’attroupements ou de présences d’enfants, il fallait stopper l’opération”, confie Léa Lemay du service santé environnement à l’ARS, après sa discussion avec Hamid Soumeth, le responsable du projet durant la crise pour l’association de quartier de Bandrajou-Kawéni (ABK), qui se plie en quatre du lundi au samedi, de 7h à 10h et de 16h à 18h.
50 rampes supplémentaires au mois de juin
Mais ce n’est pas tout. Le déploiement insuffisant de ces bornes-fontaines sur l’ensemble du territoire pousse l’agence sanitaire à aller encore plus loin. Si l’ouverture d’établissements recevant du public ne porte pas officiellement ses fruits, à cause d’une absence de communication des communes, la réalisation de quinze rampes d’eau dans les quartiers défavorisés s’avère plus reluisante. “Il s’agit d’un simple grillage rigide avec un tuyau et trois robinets accessibles à tous de 7h à 16h”, détaille à son tour Christophe Riegel du même service. Une deuxième phase doit suivre au mois de juin avec l’installation de cinquante nouvelles rampes, avant qu’une nouvelle étape n’offre ce type d’infrastructures dans l’ensemble des villages sur le long terme. Seule contrainte technique ? Le raccordement sur des canalisations d’adduction, qui permettent de maintenir les réservoirs en eau potable en cas d’arrêt du réseau de distribution.
À l’heure actuelle, un tiers des habitants de Mayotte n’a toujours pas accès à l’eau courante dans son logement. Un constat accablant qui est à l’origine de nombreux cas récurrents de typhoïdes, d’hépatites A ou encore de gastro-entérites, comme le précise Christophe Riegel. “L’objectif est d’éviter ces autres épidémies pour ne pas saturer le système de santé.” Alors oui, depuis le début de la crise, les chantiers et les initiatives se multiplient pour que cette ressource devienne pérenne sur le territoire. Mais pour Hamid Soumeth, “l’individu est le premier acteur de sa santé”. À chacun donc de mettre de l’eau dans son vin…
Des distributions gratuites qui représentent une goutte d’eau
Depuis la mise en place de la gratuité sur les bornes-fontaines, 1.860 mètres cubes d’eau ont été distribués à la population dans le besoin, soit l’équivalent de 1.240.000 bouteilles de 1.5 litre. Les associations ont utilisé 54 cartes de rechargements de 30 mètres cubes, ce qui représente un montant global de 6.000 euros. En parallèle, les dix rampes mises en service n’ont distribué que 233 mètres cubes en deux semaines, soit environ 0.05 % de la distribution d’eau par rapport à l’ensemble des abonnés qui consomment 34.000 mètres cubes par jour. “L’effet d’échelle est abyssal”, tempère Christophe Riegel. Un constat partagé par sa collègue, Léa Lemay qui souligne que “les bénéficiaires des rampes et des bornes récupèrent entre 20 et 40 litres par jour, un chiffre dérisoire si l’on compare à notre consommation”. Ainsi, les deux responsables de l’ARS invitent les plus réfractaires à “ramener les chiffres au centre du débat”. Sur la base de 1.8 € le mètre cube, le calcul est vite fait… En conclusion : “Ils ne pompent pas toute l’eau de Mayotte !”
Dans une déclaration à la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, samedi 30, la ministre Annick Girardin a annoncé une reprise des vols commerciaux vers Mayotte dans la seconde partie du mois de juin. Un retour à la normale progressif, accompagné d’un nouveau protocole sanitaire.
Samedi 30 mai, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, répondait aux questions de la délégation des Outre-mer de l’Assemblée nationale sur les mesures de déconfinement annoncées par le premier ministre Édouard Philippe. L’occasion pour elle d’annoncer une vraisemblable reprise des vols commerciaux vers Mayotte “sans doute” à partir de la seconde partie du mois de juin.
Une reprise qui sera progressive, à l’instar de tous les autres territoires ultramarins, mais aussi accompagnée de mesures sanitaires applicables dans les autres DOM. Ce protocole nouveau consiste à réaliser des tests Covid-19 dans les 48 heures précédant l’embarquement, à effectuer une période d’isolement de sept jours – et non plus quatorze – à l’arrivée, en l’accompagnant d’un nouveau test qui permettra, selon les résultats de ce dernier, d’assouplir les conditions de cette “septaine”. Et si le dispositif n’est pour le moment “pas encore validé par le conseil scientifique, nous allons le faire très rapidement”, a assuré Annick Girardin, qui attendait par ailleurs le décret qui permettra d’imposer ces tests aux voyageurs concernés.
D’autres vols auront lieu avant cette reprise, mais seront destinés à ramener les Mahorais désireux de revenir sur le territoire : “Nous avons 1.314 étudiants qui souhaitent rentrer, et un recensement mené par la délégation de Mayotte à Paris qui nous indique que 87 Mahorais (non-étudiants, NDLR) souhaitent revenir aussi. Un avion sera mis en place en direction de Mayotte avant la mi-juin, j’espère autour du 8 ou 9 juin”, a confirmé Annick Girardin, faisant référence au décret suscité, permettant d’effectuer des tests avant l’embarquement
Des compagnies inquiètes
Une reprise bienvenue et attendue par les usagers, mais aussi par les compagnies aériennes desservant l’Outre-mer, qui attendaient une réponse et de la visibilité. La veille en effet, les dirigeants d’une dizaine de ces compagnies étaient entendus par une commission du Sénat afin qu’elles expriment leurs difficultés. Impactées par deux mois de restriction, leurs craintes quant à la pérennité de leur activité sont réelles. Parmi elles, Air Austral, représentée par son secrétaire général, Dominique Dufour. Avec “95 % d’activité en moins”, la société a souffert malgré les dispositifs de soutien mis en place par l’État et le soutien de son actionnaire principal, la société mixte d’économie Sematra qui lui a permis d’obtenir un prêt garanti par l’État “et donc d’avoir un peu de visibilité pour tenir les mois qui viennent”. Pour les mois qui viennent, oui, mais après ? “Tenir et survivre sont une chose, mais vivre est quand même ce qui nous préoccupe le plus”, a avoué le responsable. “Ce qui nous pose problème aujourd’hui, à nous compagnies aériennes, c’est que l’on n’a aucune visibilité sur la sortie de cette crise et sur comment nous allons pouvoir programmer un retour à la normale. Et ce retour à la normale, il est vital parce que les prix garantis par l’État, cela reste des prêts qu’il va falloir rembourser dans un contexte où on nous annonce que le retour du passager à bord va être très progressif. C’est [ce retour à la normale] qui fera que, malgré la situation d’urgence, la pérennité de nos entreprises pourra être assurée.” Et d’ajouter que “si Air Austral n’existait plus, cela serait une vraie catastrophe pour l’ensemble des territoires français de l’océan Indien. (…) On permet aux voyageurs de La Réunion de se projeter sur tout l’océan Indien, de même que pour Mayotte on permet de créer le lien entre La Réunion et Mayotte. Cela serait également une catastrophe économique”.
Le député Kamardine se réjouit de l’annonce
Dans un communiqué envoyé à la presse, le député Mansour Kamardine s’est satisfait des annonces faites par la ministre des Outre-mer à la délégation du même nom à l’Assemblée nationale. “Le cauchemar que vivent les centaines de personnes bloquées entre la Métropole et Mayotte depuis plus de deux mois va enfin prendre fin”, écrit l’élu en référence au retour des Mahorais de métropole qui souhaitent rentrer à Mayotte. Quant au protocole mis en place, le député le juge “à la fois plus sure et plus souple : un test avant le départ et un confinement à domicile à l’arrivée ramené à 7 jours. Je me félicite que les demandes formulées par les élus aient été entendues et me réjouis de l’annonce de la reprise prochaine et au fur et à mesure des vols commerciaux selon des procédures qui permettront à nos familles et aux étudiants de voyager plus facilement de et vers Mayotte et la Métropole et de participer à la relance de l’économie et de l’emploi.”
Alors que les terrasses peuvent à nouveau accueillir la clientèle depuis ce mardi, les entreprises mahoraises s’inquiètent de l’adaptation et de la prolongation des mesures de soutien. Certains n’en ont d’ailleurs toujours pas vu la couleur…
Activité partielle, fonds de solidarité de l’État, aides du conseil départemental… Pour beaucoup d’entreprises de Mayotte, les différents dispositifs de soutien proposés pendant le confinement ont permis, a minima, de sauver les meubles et des emplois. Aujourd’hui, alors que les bars et les restaurants sont enfin autorisés à rouvrir leurs portes en terrasse, la question de la continuité des aides, indispensables pour assurer la relance de l’économie, se pose. Et les attentes sont nombreuses, alors que beaucoup d’entreprises n’ont pas vu toutes leurs demandes aboutir ces deux derniers mois. “C’est simple, j’ai annoncé l’ouverture pour demain (mercredi), et à partir de là, d’après les calculs que nous avons faits avec mon comptable, tout s’arrête”, signe Patrick Muller, le gérant de la société Latitude Jet, pour qui les 1.500 euros du fonds de solidarité de l’Etat ont permis de garder la tête hors de l’eau.
L’aide de l’État disponible jusqu’à la fin de l’année ?
C’est un plus compliqué que ça, répond en substance la CCI. “Cela dépendra en réalité du secteur d’activité : pour les secteurs de la restauration ou du tourisme, qui ont été particulièrement touchés par la crise, l’aide de 1.500 euros de l’État pourra continuer jusqu’à la fin de l’année”, rappelle Kaissani Madi, responsable numérique et entreprises en difficulté à la CCI. En effet, comme annoncé lors de la présentation de la stratégie du déconfinement à la mi-mai par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, le dispositif du fonds de solidarité doit être maintenu au-delà du 31 mai pour les entreprises de l’hôtellerie-restauration, et maintenant aussi du tourisme. Mais il faudra encore répondre à certains critères : outre le nombre de salariés, le bénéfice, ou le chiffre d’affaires de l’entreprise, il faut avoir fait l’objet d’une fermeture administrative ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % par rapport au chiffre d’affaires de référence. “Si en avril 2019, vous aviez un chiffre d’affaires de 500 euros par exemple, et qu’en avril 2020, vous avez fait un chiffre d’affaires de zéro euro, alors vous aurez 500 euros d’aides de l’État”, résume Kaissani Madi. Ce qui pourrait donc expliquer le calcul fait par le patron de Latitude Jet pour les mois de reprise.
Remboursement des protections sous conditions
Mais ce n’est pas là la seule aide dont l’entrepreneur pourra bénéficier. En effet, pour de nombreuses sociétés, la réouverture est synonyme de surcoûts destinés à respecter les normes sanitaires : achats de matériel, gants, gels hydroalcooliques, désinfectant ou vitrines de plexiglas… “J’ai investi dans des bouteilles de désinfectant, du spray, des bouteilles poussoir, de quoi faire des traits au sol aussi, le tout pour environ 400 ou 500 euros”, table Patrick Muller, qui conserve soigneusement ses factures “au cas où”. Et il fait bien, car depuis le 18 mai, l’Assurance maladie met à disposition des entreprises une subvention “prévention Covid” pour rembourser jusqu’à 50 % des dépenses de matériel de protection. Mais là encore, certaines conditions sont requises : la mesure concerne les entreprises de moins de 50 salariés et les travailleurs indépendants sans salariés ; l’investissement global en matériel doit être d’au moins 1.000 euros hors taxe et ne doit pas dépasser 5.000 euros ; les gants et lingettes ne sont pas remboursés ; les masques, gels hydroalcooliques et visière ne sont financés que si la société a aussi investi dans des mesures barrières et de distanciation de plus grande envergure, comme des poses de vitre, de plexiglas ou de cloisons de séparation (la liste est disponible dans les conditions générales d’attribution). Cette subvention concerne les achats effectués entre le 14 mars et le 31 juillet 2020, et les demandes peuvent être envoyées jusqu’au 31 décembre. Mais vu les conditions, pas sûr que les entreprises mahoraises se précipitent aux portes de la CSSM…
Du côté des entreprises de travaux publics, la question de la prise en charge des surcoûts liés aux obligations sanitaires est d’autant plus importante, étant donné la proximité sur les chantiers. “Entre l’achat de masque, de gel, le respect d’un certain nombre de personnes par transport qui nous oblige à utiliser des véhicules supplémentaires, nous avons évalué à 5 à 10 % la plus-value par chantier à Mayotte”, souligne Julian Champiat, le président de la Fédération mahoraise du bâtiment et des travaux publics. Des discussions sont en cours au niveau national, et des mesures devraient être annoncées le 10 juin. Fin mai, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait suggéré qu’une partie des surcoûts soit prise en charge par les maîtres d’ouvrage publics. En attendant, du côté des adhérents de la FMBTP, l’on attend surtout le règlement des factures publiques, plus efficace pour consolider la trésorerie que le prêt garanti par l’État… “La réflexion est en cours et le conseil départemental appuie l’idée de céder les créances des entreprises auprès des collectivités locales aux organismes fiscaux et sociaux”, assure Ben Issa Ousséni 7e vice-président, chargé des finances, du développement économique et touristique au conseil départemental.
Le conseil départemental est toujours à l’écoute
Autre possibilité : les aides du Département. Le fonds de soutien adapté à la situation particulière de Mayotte, a recueilli 2.067 demandes, pour l’aide de 1.000 euros. Quant au fonds de solidarité complémentaire, qui vient en plus des 1.500 euros de l’État, il n’a pour l’instant enregistré que 11 demandes. “Sur les 13 millions d’euros initialement prévus pour faire face à la crise, il reste donc des fonds”, confirme Ben Issa Ousséni. “Nous sommes en train d’étudier les pistes pour prolonger le dispositif : une option serait de renouveler les plafonds, pour passer par exemple de 1.000 à 3.000 euros ; une autre serait de clôturer les demandes aujourd’hui, pour relancer le dispositif un peu plus tard, et permettre à tous de postuler à nouveau.” Mais pour l’instant, rien n’est fixé, dans l’attente d’une séance au conseil départemental. Quant au fonds de solidarité complémentaire, la simplification de la procédure au niveau national, basée désormais sur une simple attestation sur l’honneur, et une connexion simplifiée avec France Connect, devrait permettre de générer davantage de demandes.
De quoi peut-être rassurer certains entrepreneurs, dont beaucoup n’ont pas encore réussi à obtenir les aides. D’après une enquête de la BGE réalisée auprès de quelque 120 personnes, 50 % ont fait des demandes, et seules 10 % ont abouti. “Et plus de 86 % seraient en difficulté financière, une situation qui pénalise beaucoup les créateurs d’entreprise”, tient à rappeler Samira Chaouch, conseillère à la BGE, qui invite les entrepreneurs à se tourner vers d’autres dispositifs d’accompagnement, indépendants de la crise sanitaire actuelle. “Nous avons clôturé un appel à projets du conseil départemental vendredi dernier, et malheureusement, vu la situation, certains ont eu dû mal à remplir les dossiers pendant le confinement”, développe la conseillère. “Une extension de l’appel à projets, ou encore le lancement d’une nouvelle campagne permettrait de redonner du souffle à beaucoup d’entreprises”, propose-t-elle.
Activité partielle et zone orange
Dernière inconnue de ce déconfinement et pas des moindres : l’activité partielle. 13.549 salariés et 1.428 entreprises sont concernés à ce jour par le dispositif à Mayotte. Or, officiellement, depuis le 1er juin, l’Unédic et l’État ne prennent plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié, le reste étant à charge pour l’employeur. La situation est inchangée pour le salarié, qui continue de bénéficier de 84 % de son salaire net. La préfecture n’a pas encore communiqué sur l’adaptation de
cette mesure à Mayotte, étant donné que le 101ème département connaît toujours des mesures restrictives. “L’hôtellerie-restauration continuera à bénéficier de l’activité partielle en totalité, car nous sommes en orange”, explique Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hôtel. Son restaurant restera d’ailleurs fermé aujourd’hui, car il ne dispose pas de terrasse. “Il ne manquerait plus qu’on nous empêche d’ouvrir complètement et qu’en plus on nous retire cette aide !”, souffle-t-il.
Alors que le député Mansour Kamardine et le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani ont donné de la voix pour protester contre les attaques à l’endroit du procureur de la République, Camille Miansoni, au tour de Yanis Souhaïli de monter au créneau et de se faire l’avocat de l’appareil judiciaire. Alors que la robe noire n’est autre que le conseil des trois personnes mises en examen dans l’affaire du rapt de Petite-Terre.
“Je fais seulement mon travail”, considère Yanis Souhaïli. Pourtant, force est de constater que le dossier qu’il a la charge de défendre n’a rien de commun. L’affaire du rapt de Petite-Terre soulève en effet l’émoi au sein d’une partie de la population s’affichant en soutien aux clients de l’avocat, mis en examen pour séquestration et violences. Devant le tribunal ou dans les rues de Petite-Terre comme sur les réseaux sociaux, ils sont ainsi nombreux à soutenir une justice expéditive à défaut, selon eux, de celle de la nation. Une réelle colère, légitimant la violence comme réponse, se soulève donc contre l’insécurité pour charrier avec elle une critique des plus virulentes à l’encontre du système judiciaire. Quitte à se focaliser sur la personne du procureur de la République, Camille Miansoni. Cette première colère, Maître Souhaïli dit la comprendre. “Oui, j’entends tout cela, car le contexte est en effet très particulier à Mayotte. On demande aux gens de respecter la loi en déposant plainte, mais quand ils le font, ils constatent que rien ne se fait. C’est une réalité alors quand ces personnes retrouvent dans la rue leurs agresseurs, ils ne peuvent qu’enrager et avoir envie de prendre les choses en main”, explique-t-il tout en tempérant : “je le comprends, mais il y a une loi en France et même si l’on peut considérer qu’elle devrait s’adapter à Mayotte, elle est bel et bien là et chacun se doit de la respecter.”
Une justice mal comprise
La colère et son expression sont donc deux choses bien distinctes pour l’avocat qui affiche une satisfaction en demie-teinte quant au soutien populaire accordé à ses clients. “C’est bien, car il faut se battre contre cette insécurité, mais de la bonne manière. Il est important que la population comprenne comment marche la justice française. Quand on voit ce qui se dit, on voit très bien que beaucoup de personnes se trompent sur beaucoup de choses et malheureusement, quand on tente de leur expliquer qu’ils ont tort, ils se braquent”, considère-t-il ainsi. Pour l’avocat “on peut bien sûr critiquer la justice, mais il faut d’abord avoir fait l’effort d’essayer de la comprendre. Pour cela, j’invite chacun à se rendre à une audience et ils seront nombreux à se rendre compte qu’ils se trompent”. Qu’ils se trompent, notamment, sur la personne que tant d’internautes ou de manifestants ciblent vindicativement. “Le procureur est dans son rôle, les insultes envers lui ne sont pas acceptables, d’autant plus qu’elles ne sont pas fondées puisque la justice fait son travail. Malheureusement, la vindicte tombe sur lui, mais ç’aurait très bien pu être sur les avocats ou sur le juge des libertés et de la détention ou tout autre acteur de la justice. Ces personnes ne font que leur travail dans un contexte très compliqué”, plaide le conseil qui n’oublie pas son dossier : “un soutien de cette manière est contreproductif, il aurait même pu faire courir un risque à mes clients et conduire à leur placement en détention provisoire”.
“Si cet homme était retrouvé, ça faciliterait les choses”
Pour Maître Souhaïli, la position est des plus claires : “le meurtre est totalement contesté par mes clients et par ailleurs, aucun élément de l’enquête et de l’instruction ne va en ce sens. Si cet homme était retrouvé, ça faciliterait beaucoup les choses”, assure-t-il encore. L’avocat tient par ailleurs à rappeler que ses clients sont des primo-délinquants, comme il l’a fait devant le juge des libertés et de la détention qui a choisi de ne pas les placer en détention provisoire. “Il a estimé que pour mener à bien cette enquête, il n’y avait pas besoin d’enfermer ces personnes”, commente-t-il sobrement avant de lâcher : “rappelons tout de même que la victime en question n’est pas un enfant de chœur, c’est un multirécidiviste à propos duquel les gendarmes m’ont par ailleurs confié qu’ils tentaient de lui mettre la main dessus depuis deux mois”.
En lien avec la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), le rectorat et l’agence régionale de santé, l’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSS) forme des volontaires en service civique et des bénévoles du monde associatif pour sensibiliser la population aux bons gestes à adopter. Explications avec Anli Abdou, le président de la structure.
Flash Infos : Vendredi dernier, vous avez animé la deuxième journée d’information auprès d’acteurs de la vie associative, de professionnelles de la protection de l’enfance, du sport, de la culture, de l’aide à la personne, de l’environnement. Comment avez-vous été sollicité pour participer à ces formations ?
Anli Abdou : L’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSS) est une structure de sécurité civile. Donc on ne pouvait pas se jeter seule dans la gueule du loup. Il fallait qu’il y ait une réquisition de la part des services de l’État ou que l’on travaille par le biais d’une convention pour que ce dispositif soit encadré, comme c’est le cas aujourd’hui. On attendait d’être sollicité puisque depuis de la crise, on se mobilise pour distribuer des masques et des bons alimentaires. Ce vendredi [29 mai] correspond à la deuxième journée, après celle de la semaine dernière. On organise plusieurs sessions d’une heure trente qui regroupe une dizaine de stagiaires, notamment des volontaires en service civique qui travaillent dans les établissements scolaires mais aussi des bénévoles du monde associatif.
FI : Justement, comment se déroulent ces sessions ? Et quel message souhaitez-vous adressé à vos différents participants ?
A. A. : La formation se divise en deux temps. Il y a tout d’abord une partie théorique d’une vingtaine de minutes durant laquelle on revient sur le Coronavirus, la manière dont on peut le contracter, les consignes à suivre en cas d’infection, etc. Puis vient ensuite la partie pratique avec trois exercices techniques, comme le lavage des mains qui est primordial, l’utilisation du gel hydroalcoolique ainsi que la pose et le retrait du masque car certains le baissent ou le relèvent sur le visage pour parler… Donc on essaie de sensibiliser sur les bonnes conduites à tenir pour freiner la propagation du virus.
Par exemple, sur le lavage des mains, il y a six étapes à mémoriser pour qu’il soit efficace : la pomme, le dos, le croisement des doigts, le dos des doigts, le pouce et les ongles… Pour les aider, on a rédigé un petit recueil que l’on donne à chacun à l’issue de la session puisque ces gestes techniques, que l’on appelle hygiène et asepsie, rentrent dans notre champ de compétences. Tout le monde doit savoir les reproduire. Et si quelqu’un n’y arrive pas, on reprend !
FI : À Mayotte, le déconfinement est progressif avec la réouverture des commerces, des écoles et des bars ce mardi. Cette prévention apparaît comme indispensable pour éviter un pic épidémique qui nous pend au nez depuis plusieurs semaines.
A. A. : Et le rôle de prévention doit continuer et se pérenniser ! Comme vous le dites, le déconfinement se fait petit à petit, mais une partie de la population pense que cette maladie n’existe pas ou alors elle se mélange les pinceaux avec les symptômes de la dengue. Il faut donc insister auprès de ceux qui sont présents aujourd’hui. On compte sur eux pour relayer le message et expliquer les gestes barrières. Cette diffusion de l’information ne doit pas cesser, car il ne faut pas se voiler la face, certaines mesures ne sont pas respectées… Face à constat, il est de notre devoir de rappeler aux gens comment se comporter à la mosquée, à la maison, ou au restaurant en cette période de crise sanitaire que de rester les bras croisés. Comme on dit, il vaut mieux prévenir que guérir. Et plutôt que de réprimander les habitants, il m’apparaît préférable de la jouer pédagogue.
Alors que 191 nouveaux cas ont été recensés dimanche et lundi, Mayotte, passée en orange sur la carte du gouvernement, va entamer une nouvelle phase de déconfinement mardi, avec l’ouverture des bars et des restaurants. Mais l’ARS reste sur ses gardes.
Et tout devint vert… ou presque. Alors que la plupart des départements a entamé une nouvelle phase de déconfinement, Mayotte, classée rouge jusqu’à jeudi dernier, est quant à elle passée en orange. Avec l’Ile-de-France et la Guyane, l’île aux parfums fait partie des trois départements encore concernés par des mesures restrictives, et un niveau élevé de vigilance. “Il faut retenir que nous faisons partie des territoires où il y a encore une circulation virale forte, voire au-delà du seuil d’alerte, en ce qui concerne l’Oise et Mayotte”, a tenu à souligner Dominique Voynet, la directrice de l’ARS lors de son point presse vendredi dernier. “Même en orange, cela ne doit pas nous inciter à alléger notre vigilance”, a-t-elle insisté.
Et elle ne fait d’ailleurs pas si bien dire. Ce week-end, après une campagne de prélèvements massive au centre pénitentiaire de Majicavo-Lamir, le verdict est tombé. En tout, 191 nouveaux cas sont venus s’ajouter dimanche et lundi, portant à 1.934 le nombre de personnes contaminées par le Covid-19 à Mayotte, contre 1.699 vendredi. Parmi eux 152 nouveaux cas se sont révélés positifs à la prison. Cette forte hausse du nombre de personnes contaminées s’explique par la décision prise par l’ARS et le CHM de dépister l’ensemble des détenus, des personnels et des professionnels de santé du centre, après avoir constaté plusieurs cas positifs chez des surveillants. Cette situation poussait la directrice de l’ARS à rappeler à tous de ne pas baisser la garde, alors que de nouveaux cas étaient aussi recensés dans certains milieux professionnels bien informés sur les gestes barrières. “Nous continuons à voir une circulation active du virus dans les quartiers les plus défavorisés, mais pas que : on a des cas qui apparaissent dans des milieux où les gens sont formés et ont tout le matériel de protection nécessaire”, s’est-elle inquiétée vendredi.
Les nouveaux critères de la carte du déconfinement
Mais alors pourquoi Mayotte est-elle passée en orange ? Plusieurs facteurs permettent de l’expliquer. Déjà, le gouvernement a revu les critères permettant d’établir la carte du déconfinement. Auparavant, étaient retenus le taux de circulation du virus – à savoir la proportion de passage aux urgences pour suspicion de Covid -, la tension hospitalière sur les capacités de réanimation – soit le taux d’occupation des lits de réanimation par des patients covid par rapport à la capacité initiale avant l’épidémie -, et les capacités de tests. “Ces critères étaient d’ailleurs peu adaptés à la situation de Mayotte, car nous partons déjà sur une faible capacité en réanimation, qui est une vérité 365 jours par an”, a rappelé Dominique Voynet.
Ce sont désormais l’incidence – le taux de cas positifs dans la population -, le taux de positivité des tests, le taux de reproduction R0 – le nombre de personnes infectées par une personne contaminée -, et le taux d’occupation des services de réanimation, qui permettent d’établir la carte. D’après la directrice de l’ARS, les nouveaux critères retenus sont plus efficaces pour étayer la circulation du virus. Toutefois, “nous avions plaidé que le calcul de l’incidence ne se fasse pas sur les derniers jours, car les gens ont peu fréquenté les centres de santé, entre l’Ascension et l’Aïd. Sur ce critère-là au moins, nous serions plutôt en alerte qu’en vigilance”, a-t-elle expliqué. D’autres critères sont plus positifs, comme le taux de positivité des tests “qui a nettement baissé alors que nous n’avons pas changé notre stratégie de tests”, et le taux de reproduction, lui aussi en baisse, “même s’il est difficile à interpréter, car il faudrait dépister beaucoup plus pour en avoir le coeur net”, a développé Dominique Voynet. Quant à l’occupation des services de réanimation, si la tension n’est pas comparable à ce qu’ont pu connaître certains départements de la métropole au plus fort de l’épidémie, les evasan vers La Réunion y participent largement.
Deux décès supplémentaires
En clair, Mayotte, toute orange qu’elle soit, n’est pas encore tirée d’affaire. Et les deux décès survenus ce week-end, portant le bilan à 24, sont aussi venus le rappeler. Les deux personnes âgées étaient hospitalisées en réanimation depuis plusieurs jours, et l’une d’elle est morte après son évacuation vers La Réunion. Au sein même du CHM, “on voit réapparaître des cas groupés dans certains services”, a noté l’ancienne ministre. Depuis le pic au début de l’épidémie, le nombre de nouveaux cas parmi les soignants s’était maintenu à un niveau plutôt faible, jusqu’à aujourd’hui. La situation à Mayotte conserve donc ses zones d’ombre, constat d’ailleurs partagé par les deux épidémiologistes qui étaient venus en renfort avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin et sont repartis vendredi matin. Malgré les signes d’une circulation active du virus sur le territoire, la vague pressentie ne s’est pas encore abattue sur Mayotte. Pour autant, cela ne veut pas dire que le pic épidémique est derrière nous, supposent les experts : le 101eme département traverserait plutôt une phase de répit. Avant la tempête ?