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Covid-19 aux Comores, déconfinement, clusters de contamination… D. Voynet fait le point

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Lors de sa traditionnelle audioconférence de presse au sujet de l’épidémie de coronavirus, la directrice de l’Agence régionale de santé est revenue sur les différentes mesures prises par son institution au cours des derniers jours comme le renforcement d’équipes mobiles et un dépistage en passe de devenir plus massif. Et a livré quelques informations au premier rang desquelles le décès du grand mufti des Comores suite à la contraction du Covid-19, venant confirmer la présence du coronavirus dans l’archipel.

 

 

Ce jeudi, 233 cas de coronavirus étaient identifiés à Mayotte. Soit 12 de plus que la veille. Enfin pas tout à fait, comme tient à le rappeler la directrice de l’ARS, déterminée à être le plus claire possible sur les chiffres livrés par son institution. “Nous avons en fait un seul cas qui est rapporté à la journée du 15 avril, les autres ayant été un renouvellement de tests un peu douteux qui ont été refaits et imputés aux journées du 12, 13 et 14”, détaille ainsi Dominique Voynet qui voit dans ce double test “la première manifestation de l’arrivée de deux biologistes supplémentaires de la réserve sanitaire à Mayotte qui ont pu rattraper le retard sur les tests suspects”. Quatre personnes sont toujours en réanimation, dont l’une dans un état critique quant 94 autres personnes contaminées sont officiellement guéries. “Ce n’est pas encore la moitié mais quand même, nous sommes à 41%”, se satisfait à ce titre l’ancienne ministre.

 

Laquelle satisfaction ne dure pas longtemps dans le discours de la directrice de l’ARS qui, même si rien n’indique pour l’heure qu’une montée en flèche des contaminations est nécessairement à prévoir, a plusieurs sujets d’inquiétude. D’abord, le nombre de femmes enceintes touchées par le virus, au nombre de 10. Situation face à laquelle “nous avons mis en place une filière dédiée à l’hôpital tant qu’elles ont de la fièvre et qui poursuivront à être suivies de très près par nos équipes une fois rentrées à leur domicile”, explique Dominique Voynet qui trouve dans ce suivi l’occasion d’expliquer qu’une équipe “solide et nombreuse” a été monté ces derniers jours pour opérer une plus grande attention auprès des cas confirmés et cas contact. Au sein de cette équipe mobile, cinq médecins et des infirmiers dont des personnes parlant shimaoré.

 

Le CHM au centre des inquiétudes

 

Autre sujet d’inquiétude, le CHM. Non pas pour sa réponse médicale, mais pour la présence en son sein de nombreux cas de de contamination. “On a un gros problème au CHM. J’ai rencontré cette semaine Catherine Barbezieux pour attirer son attention et alerter ses équipes sur la question de l’hygiène hospitalière et là encore, nous allons mettre en place deux équipes mobiles qui vont faire le tour des services et faire de la formation aux agents pour leur réexpliquer comment bien utiliser les équipements de protection et surtout comment bien les enlever, car c’est souvent à ce moment-là que l’on se contamine”, explique à ce titre la directrice de l’ARS. Côté CHM, on s’organise pour une reprise du suivi des patients chroniques, car “on s’est rendu compte que beaucoup d’entre eux n’osaient pas se déplacer dans les centres par crainte du Covid”, assure Dominique Voynet, pas peu fière d’expliquer que face à ce constat, “nous mettons en place une ébauche d’hospitalisation à domicile. Dans cette période de crise, on arrive à faire en quelques jours ce qui n’a pas réussi à être fait pendant des années”.

 

Encore un motif de satisfaction rattrapé par “notre inquiétude quant aux nombres des décès à domicile et quant aux conditions de ces décès”, dévoile docteur Voynet. “Nous sommes en train de procéder à une analyse complète des décès qui sont survenus à domicile depuis le début de la crise Covid pour essayer d’expliquer chacun des décès inattendus. Il s’agit de savoir exactement quelle est la cause du décès car on se rend compte que beaucoup de situations méritent d’être investiguées sérieusement, notamment pour écarter le doute du Covid”, explique encore la directrice, assurant que les résultats seront rendus publics.

Transparence aussi, sur la situation au RSMA : “nous avons considéré que les personnes qui ont voyagé autour de la personne dépistée positive, même si elle a voyagé avec un masque, devaient être considérées comme des cas contacts à risque moyen. Nous savons qui ils sont et ils ont été placés ensemble au RSMA, ils sont isolés et suivis par les infirmières. Cela dit, nous savons maintenant qu’il y a du Covid aux Comores (voir encadré) et nous allons donc, à partir de lundi, dépister toutes les personnes qui sont au RSMA, dont les infirmières“, indique Dominique Voynet. La personne dépistée a quant à elle fait son entrée à l’internat de Tsararano, mué en centre de confinement, au même titre que deux autres patients.

 

Vers un déconfinement ?

 

De manière générale, deux clusters de contamination, Bandrélé et le CHM – “où on a un vrai problème”-, sont encore vif et sous surveillance, tandis que la propagation du virus au sein des agents de la police aux frontières et du commissariat de Mamoudzou semble s’endiguer. Si un “gros travail de formation” sera opéré au centre hospitalier pour atteindre ce résultat, les équipes de l’ARS s’attellent encore à déterminer l’ensemble des cas contacts des patients de Bandrélé.

 

Possible, alors, d’imaginer que Mayotte puisse peu à peu sortir du confinement en même temps que la métropole avec une réouverture des écoles le 11 mai ? “Est-ce que l’on pourra à ce moment confirmer une décrue, est-ce que l’on sera toujours à un niveau élevé de contamination voire à un niveau épidémique, à ce stade je ne le sais pas et ne peut donc pas confirmer que le confinement sera levé progressivement sur le territoire à partir de cette date”, répond la directrice de l’ARS, renvoyant au recteur le soin de se positionner au sujet des écoles “car il y a des problèmes énormes à régler, ne serait-ce que le transport scolaire la cantine, l’équipement des élèves…”. Difficile donc, de se calquer sur le modèle métropolitain, même si l’Agence de santé souhaite se préparer au déconfinement grâce à des tests à grande échelle (voir encadré). Comme de se fier aux experts “qui font de la littérature derrière leur téléphone” au sujet de Mayotte. C’est peu dire que Dominique Voynet n’a pas mâché ses mots à l’encontre des rédacteurs de l’avis du comité scientifique qui s’est penché sur les Outre-mer. “Personne ne m’a appelé, on a juste eu un mail d’un type qui nous a demandé de lui expliquer ce que l’on dit déjà dans nos rapports quotidiens. C’est un avis très général qui ne se repose pas sur grand-chose, et pour preuve, il annonce un pic épidémique dans plusieurs territoires qui sont aujourd’hui à un plateau”, tance l’ancienne ministre. Mais que les mahorais soient rassurés, Dominique Voynet assure que c’est bien elle qui murmure directement à l’oreille de la ministre des Outre-mer, laquelle y serait très attentive.

Anchya Bamana : « L’aide sociale à Mayotte ne doit oublier personne, c’est notre priorité »

Maire de Sada mais aussi présidente de l’union départementale des centres communaux d’action sociale (CCAS), Anchya Bamana témoigne des difficultés d’assurer la continuité des droits des administrés tout au long de la crise sanitaire. Et après les premiers couacs de la distribution alimentaire, l’élue de la collectivité appelle tous ses homologues à l’unité et à plus de coordination.

Flash Infos : Comment expliquer que les distributions alimentaires, notamment gérées par les CCAS, ont parfois donné lieu à des attroupements, allant à l’encontre de la distanciation sociale ?

Anchya Bamana : Les acteurs ont du mal à se coordonner, je n’ai pas peur de le dire. On est en train de gérer une crise, certes, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous organiser pour répondre aux besoins de la population. Nous avons toujours plaidé le dialogue, pour que tous les élus s’associent à ce projet dans le respect du confinement et des gestes barrières sans empêcher les services de fonctionner, et on y arrive petit à petit. Depuis le début de la semaine, les choses commencent à se délier dans la distribution et l’organisation sur le terrain. On ne peut en aucun cas se permettre de créer des rassemblements, d’autant plus à l’approche du mois de ramadan. Ce n’est pas simple du tout, et c’est pourquoi nous devons tous nous unir.

F.I : Concrètement, comment agir, alors que certains élus en lice pour les municipales sont accusés d’instrumentaliser la crise sanitaire à des fins électorales ?

A.B : L’aide sociale ne doit oublier personne, c’est notre priorité. Personne ne doit tirer la couverture de son côté. Les maires, la collectivité et l’État doivent assurer la continuité pour qu’il n’y ait pas de rupture des droits, pour personne. Par exemple, le gouvernement a envoyé cette semaine plus de moyens, comme des chèques-services, et il a aussi appelé les associations à participer aux distributions. Dès lors, j’ai dit au sous-préfet que nous, élus, nous devions absolument être au courant de l’arrivée de ces nouveaux moyens dans nos communes pour, encore une fois, mieux se coordonner et surtout éviter les doublons entre les différentes aides de l’État, celles des communes et celles du département. Car s’il y a des doublons, nous risquons d’oublier d’autres publics dans le besoin.

F.I : Justement, les CCAS ne sont, en temps normal, pas autant mobilisés par la distribution alimentaire. Qu’en est-il des autres publics vulnérables que vous suivez habituellement ?

A.B : En effet, nous avons différents types de bénéficiaires, et tous ne vivent pas nécessairement dans les bidonvilles mais peuvent quand même vivre dans une grande précarité. Chaque CCAS a une liste de personnes vulnérables parmi lesquelles il y a des familles monoparentales, des personnes âgées ou handicapées, des bénéficiaires du RSA, etc. L’enjeu est de pouvoir aider tout le monde. Tous les CCAS ont une autonomie de gestion et d’action donc tous ne fonctionnent pas de la même façon. Mais à Sada, nous avons ouvert deux numéros de permanence pour que nos services continuent à fonctionner. Une assistance sociale appelle régulièrement les familles et les personnes que nous suivons habituellement. Elle s’assure notamment que les personnes âgées ou handicapées ont tous les médicaments nécessaires à leur traitement.

F.I : Les CCAS de Mayotte disposent-ils de suffisamment de moyens pour aider tous les publics fragiles et fragilisés par la crise sanitaire ?

A.B : Non, les moyens ne suffiront pas. C’est pourquoi j’ai lancé un appel pour que les élus de

Mayotte se réunissent pour faire remonter ensemble les difficultés financières que l’on peut rencontrer et il y en a forcément. Le budget que nous déployons pour la gestion de cette crise, nous ne l’avions pas prévu au départ, donc il est tout à fait naturel que les collectivités, au même titre que les entreprises, touchent des aides. Or, nous devons remonter cette demande au niveau de la préfecture et de nos partenaires car les collectivités doivent être accompagnées dans cette démarche. Mais les élus doivent se mobiliser ensemble, sinon le manque de dialogue risque de nous compliquer la tâche. C’est pourquoi nous faisons un point avec le préfet chaque semaine. Nous avons demandé à l’État de l’aide pour équiper nos agents de terrain et là-dessus, je tiens à remercier l’agence régionale de santé qui en a fourni des masques pour chacun d’entre eux.

La radiologie, le service mahorais indispensable à la veille du passage au stade 3

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Alors qu’une grande majorité des habitants positifs au virus rentre se confiner chez eux, le centre hospitalier de Mayotte recense tout de même une vingtaine de patients hospitalisés, qui transitent par le service de radiologie pour dresser un bilan de leurs lésions pulmonaires. Par ailleurs, le chef de pôle médico-technique, Thierry Pelourdeau, attend avec impatience une deuxième console de post-traitement pour interpréter en masse tandis qu’il vient de diagnostiquer le premier cas d’encéphalopathie due au Covid-19.

Si la radiologie n’accueille plus de consultations externes la matinée et de vacation privée l’après-midi pour diminuer les flux, elle ne chôme pas pour autant. Réorganisé comme bon nombre de services du centre hospitalier de Mayotte, il se retrouve lui aussi en première ligne face au Coronavirus. Alors pour éviter une propagation interne du virus, le chef de pôle médico-technique, Thierry Pelourdeau révèle le partie pris pour dissocier les malades classiques de ceux contaminés. « Nous avons mis en place un circuit non Covid par l’entrée de la porte principale et un autre par celle des urgences. Il y a une séparation physique entre les deux », confie-t-il en pointant du doigt par terre, de la rubalise comme de distinction. Toutefois, « comme les technologies en notre possession sont en un seul exemplaire, à l’instar du scanner, les patients vont forcément au même endroit, donc nous jouons sur le timing. » Conséquence de ces va-et-vient ? Des mesures d’hygiène qui vont bien au-delà des protocoles standards, avec un nettoyage complet au sol, complété par un nettoyage à la vapeur, à chaque passage d’un Covid +. Mais ce n’est pas tout. Face à une personne à risque, le personnel enfile une protection adaptée qui se compose d’une surblouse, d’une charlotte, d’un masque FFP2, d’un tablier en plastique et de lunettes de protection. Un équipement ô combien nécessaire qui s’explique pour une raison toute simple : « lorsqu’un médecin radiologue est droitier et qu’il doit réaliser une échographie du rein gauche, cela signifie qu’il doit toucher le malade pour le positionner… » En revanche, le protocole pour un Covid s’avère moins lourd puisque l’imagerie des poumons peut s’effectuer sans injection.

Un nouvel outil essentiel pour le stade 3

Dans le même temps, le service profite d’être toujours au stade 2 de l’épidémie sur le territoire pour peaufiner ses techniques et ses tactiques. Ainsi, Thierry Pelourdeau doit recevoir une deuxième console post-traitement par le biais du Mistral, qui a amarré hier après-midi à Mayotte. « Elle sera opérationnelle à la fin de semaine dans le but d’interpréter en masse et d’aller plus vite. Elle sera particulièrement utile durant la phase 3 pour diagnostiquer les nouveaux cas et assurer aux réanimateurs, aux infectiologues et aux urgentistes de revoir et de comparer les examens », détaille-t-il. Un nouvel outil qui se conjugue avec un certain remaniement de ses effectifs. « Je me prépare à mettre deux praticiens sur le scanner et un seul sur l’échographie et l’IRM. » Pourtant, si ce choix se justifie à l’heure actuelle, il pourrait très rapidement fluctuer en fonction de l’évolution de ses dernières conclusions. Pas plus tard que mercredi, le chef de pôle médico-technique a en effet décelé le premier cas d’encéphalopathie due au Covid-19, sachant que le patient ne présentait aucunes lésions pulmonaires. « Un tableau inédit et plus grave que ceux décrit par la société française de radiologie », souligne-t-il. Une trouvaille possible grâce à l’IRM cérébral, et qui rend donc la tâche des professionnels de santé en charge du dépistage encore plus ardue. « Le test PCR est la référence pour le diagnostic », insiste Thierry Pelourdeau, qui ajoute que « le scanner thoracique sert davantage

pour le suivi et doit permettre le tri durant la phase 3, parce que l’importance des lésions pulmonaires est corrélée à la gravité clinique qui va en résulter ». Quoi qu’il en soit, les manipulateurs radio ne peuvent échapper, eux aussi, à un risque de contamination. D’autant plus quand certains malades omettent d’évoquer certains symptômes en lien avec le Coronavirus… « J’ai donné comme consigne qu’il fallait partir du principe que tous les patients étaient Covid + », rappelle Thierry Pelourdeau.

Interdiction de sortie en mer : les pêcheurs professionnels mahorais satisfaits par la mesure

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Les pêcheurs ont eu peur lorsque le préfet a annoncé l’interdiction de toute activité en mer pendant le confinement. Mais après négociation, leurs représentants sont satisfaits de la mesure car celle-ci réglemente davantage la circulation maritime et elle protège l’activité des pêcheurs professionnels.

La nouvelle est tombée comme une bombe. Le préfet de Mayotte avait annoncé dans une audioconférence du mercredi 15 avril, l’interdiction de sortie en mer, y compris pour les pêcheurs, afin d’éviter toute confusion avec la lutte contre l’immigration clandestine. En effet, 5 kwassa ont été localisés cette semaine en mer. Jean-François Colombet a donc voulu prendre des mesures drastiques pour que le virus n’entre pas à Mayotte par des voies maritimes illégales. Cependant, la mesure n’a pas été bien accueillie par les pêcheurs qui ne veulent pas se retrouver dans des situations similaires à celles des petites entreprises mahoraises en ce moment. “Je préfère ne pas avoir accès aux fonds d’aides et travailler. Qu’est-ce que je vais faire avec 3.500 euros ? J’ai 14 salariés et je dois poursuivre mon activité pour les payer”, déclare Régis Masséaux, gérant de la société Cap’tain Alandor et président des syndicats maritimes des pêcheurs professionnels mahorais. Une renégociation s’est donc imposée entre les professionnels et le préfet et un compromis a été trouvé. “On pourra aller en mer et travailler. Nous vous discuté avec le préfet et finalement cette mesure ne concerne pas les pêcheurs professionnels mais seulement les plaisanciers. Nous devrons cependant être en règle”, explique Abdallah Issouffi, vice-président de la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam). Lors d’un contrôle maritime, les professionnels devront présenter une autorisation de sortie dérogatoire fournie par la Capam, leur numéro de Siret, le permis de navigation et chaque employé présent dans le bateau devra délivrer une attention de rôle dans l’équipage. De plus, “chaque pêcheur doit signaler son départ en mer en appelant le 196. S’il décide de se déplacer pour aller à un autre endroit, il doit également l’alerter et enfin à son retour, il doit appeler pour prévenir qu’il est rentré”, précise le 3e vice-président de la Capam responsable de la pêche.

 

“Cette démarche est bénéfique pour les pêcheurs professionnels”

 

On pourrait croire que les pêcheurs seraient réticents à la décision de Jean-François Colombet, mais ils en sont plutôt ravis. « Ce qui est dommage c’est le contexte de pandémie dans lequel sont prises ces mesures. Mais cette démarche est bénéfique pour les pêcheurs professionnels. Ça tirera la profession vers le haut”, se réjouit Régis Masséaux. L’arrêté préfectoral ne permettra pas aux pêcheurs plaisanciers de circuler, ni aux pêcheurs informels qui sont les redoutables concurrents des professionnels déclarés. “Les plaisanciers ne peuvent pêcher que le week-end et pourtant ils le font même en semaine. Quant aux pêcheurs non déclarés, ils ne sont même pas officiellement dans la profession mais ils pêchent”, regrette Abdallah Issouffi. Désormais, il leur sera plus difficile d’exercer leur activité informelle puisque qu’un pêcheur qui n’est pas inscrit à la Capam ou qui n’est pas équipé de balise sera arrêté s’il est pris en flagrant délit. Le 3e vice-président de la Capam, responsable de la pêche souhaiterait que ces mesures soient appliquées au-delà du confinement. “Maintenant on peut travailler dans de bonnes conditions. Et je souhaite que cela continue même après la crise. Je ne m’inquiète pas pour les pêcheurs, ils vont prendre l’habitude.”

Secteur par secteur, le point du préfet de Mayotte sur la situation

Hier, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, faisait un point général par audioconférence. Situation sanitaire, confinement, immigration clandestine, ravitaillement, confinés du RSMA, tensions alimentaires et accès à l’eau pour les plus démunis, économie ou encore ramadan : tous les sujets ont été abordés. Nous retranscrivons ici, en substance, les propos du haut fonctionnaire et ses annonces.

Confinement et sécurité

Un relâchement à corriger

On observe un certain relâchement depuis quelques jours. Nous sommes donc en train d’ajuster nos modalités de contrôle, car si ce relâchement n’est pas corrigé, cela compliquera la fin du confinement.

Nous sommes dans une phase réceptive avec 5.296 procès-verbaux dressés, ce qui est un volume considérable, et nous avons multiplié les points de contrôles fixes. Nous entrons désormais dans une phase plus dynamique, notamment dans les villages, en soirée, où nous tentons de combiner notre action pour faire respecter le confinement avec la surveillance générale.

Pour cela, il y a un élément nouveau qui est la présence du DLEM : les militaires arrivés en renfort avec le Mistral peuvent être affectés à des missions diverses, dont celles de protection de sites présentant un intérêt particulier, économique notamment, comme des entrepôts, certains commerces, etc. Le DLEM patrouille ainsi tous les soirs en Grande-Terre et en Petite-Terre de 22h à 6h du matin sur des points définis avec la police et la gendarmerie. Ces patrouilles ne sont jamais au contact des malfaiteurs, mais chaque fois que cela s’avère nécessaire, une coordination se met en place entre les patrouilles du DLEM et les forces de sécurité intérieures pour intervenir.

RSMA

Testé positif au Covid-19 au retour des Comores

Nous avons mis en place une quatorzaine au RSMA qui a été extrêmement critiquée par certains. Dispositif que nous avons renouvelé pour les gens rapatriés des Comores, lundi. Et l’une d’entre elles – un citoyen français – a été testée positive au Covid-19. Il y avait donc une utilité à ce dispositif puisque cette personne n’a pas été contaminée à Mayotte.

Immigration

Une pression qui recommence

Je souhaite que le Mistral qui arrive [aujourd’hui] reste dans la zone, car je veux densifier la présence militaire entre Anjouan et Mayotte. Nous sommes exposés à une pression qui recommence. Nous avons de nouveau des tentatives de passage. Dans la nuit de mardi à mercredi, nous avons eu cinq détections radars pour lesquelles nous avons été au contact. Quatre kwassas ont été refoulés et nous pensons que le cinquième est arrivé. On doit donc redoubler d’efforts et faire en sorte que notre présence en mer soit plus forte. Je sollicite donc le maintien du Nivôse et de son hélicoptère, mais aussi du Mistral pendant qu’il est là, bien qu’il devra ensuite retourner vers sa mission de fret.

Pour les personnes qui seraient interceptées sur la plage, nous allons probablement transformer le CRA en lieu de mise en quarantaine, car si l’on prend le support juridique du Code des étrangers pour

garder les gens en rétention, ils peuvent en ressortir au bout de cinq jours si le juge des libertés estime qu’il n’y a plus de perspectives d’éloignement. Or, l’Union des Comores a fermé ses frontières. Cela veut dire que les reconduites sont impossibles. Moi, mon premier objectif, c’est la protection sanitaire et c’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, les gens qui sont rentrés des Comores lundi ont été conduits au RSMA, comme ceux venant de Madagascar auparavant. Je ne souhaite pas avoir 200 Comoriens dont certains seraient porteurs Covid-19 à Mayotte. La priorité, c’est la protection des Mahorais, et il ne faut pas encombrer et fragiliser un système sanitaire par des apports extérieurs.

Par ailleurs, le cas de Covid-19 positif découvert lundi au retour des Comores, en confinement au RSMA, m’amène à mettre en place un dispositif musclé en mer. Je vais donc réarmer une opération avec les militaires, solliciter la présence du Nivôse dans la zone, mobiliser sept bateaux dont quatre en mer 24h/24, demander au gouvernement de nous renforcer en moyens humains, et demander à ce qu’une vive protestation soit faite par l’ambassadrice de France contre l’Union des Comores, car ils ne font pas ce à quoi ils s’étaient engagés, c’est-à-dire surveiller les côtes comoriennes pour éviter les départs en direction de Mayotte.

Nous allons également interdire toute activité nautique sur le lagon à l’exception des barges, car les embarcations créent des échos sur nos radars qui nous amènent parfois sur des pêcheurs en pensant qu’il s’agit de kwassas. C’est une perte d’efficacité. Un dispositif personnalisé sera mis en place pour les pêcheurs pour qu’ils puissent être indemnisés : 3.500 euros renouvelables tous les mois s’ils payent des impôts et, s’ils ne sont pas déclarés, nous allons essayer de faire jouer le fonds du conseil départemental à hauteur 1.000 euros par mois.

Liaisons aériennes

Entre 22 et 26 tonnes de fret par semaine

Nous avons mis en place une organisation logistique absolument inédite, notamment due à la suspension des vols commerciaux. Nous sommes d’ailleurs le seul département français à l’avoir obtenue pour protéger les Mahorais. En compensation, nous avons deux vols par semaine opérés par Air Austral, sans rupture de charge : lorsqu’ils partent de Paris, ils sont essentiellement chargés de fret pour Mayotte. On parvient ainsi désormais à acheminer entre 22 et 26 tonnes de fret par semaine. Cinq sont pour le CHM, beaucoup pour des organismes pharmaceutiques et le reste en fret frais à disposition des transitaires.

Nous avons aussi des vols militaires, et d’autres vols affrétés par Paris, notamment l’A330 Etec qui a amené des billets de banque extrêmement utiles pour délivrer les prestations sociales ; mais aussi par Santé publique France ; et nous avons récemment eu un vol Air Seychelles affrété par le ministère de l’Intérieur pour amener des masques à destination des policiers et des gendarmes.

Liaisons maritimes

Ni pénurie ni difficultés à anticiper

Il n’y a aucune pénurie à constater ni de difficultés à anticiper à l’heure actuelle. Il y a certes une désorganisation totale du fret maritime, mais elle est à imputer à une situation mondiale, et non à celle de Mayotte en particulier : conflits sociaux qui ont affecté les ports métropolitains lors du mouvement de protestation contre la réforme des retraites ; grandes compagnies qui mettent beaucoup moins de moyens sur l’eau pour transporter les marchandises, etc. Le commerce maritime mondiale est complètement perturbé. Cela dit, des bateaux accostent toujours à Mayotte, le commerce maritime s’exerce toujours.

Nous avons aussi le soutien du Mistral, qui travaille exclusivement pour Mayotte au moment où je vous parle. Il arrivera [aujourd’hui] avec 230 tonnes de fret, dont 19.000 litres de gel hydroalcoolique. Et, évidemment, le fret qui arrive par le Mistral n’est pas facturé.

Distributions alimentaires

Des bons alimentaires plutôt que des colis

Nous avons une situation très spécifique à Mayotte puisque nous avons mis en place une distribution pour des gens en grandes difficultés. J’ai annulé une distribution de colis alimentaires, car, malgré le soutien du DLEM, nous aurions eu des rassemblements trop importants. Nous tâtonnons, c’est vrai, et avec les élus, nous avons tenté des expériences qui ne se sont pas révélées satisfaisantes. Mais nous avons donc progressé. Désormais, nous optons définitivement pour la distribution de bons alimentaires. Un ou deux maires proposaient cette solution, et c’est la plus efficace. Sur les mois d’avril et de mai, nous allons ainsi distribuer près de deux millions d’euros, à la charge de l’État, en bons alimentaires. Nous allons le faire par le biais de trois vecteurs :

— les CCAS, qui ont la liste des familles nécessiteuses et qui pourront leur remettre des bons

— sept associations qui connaissent les familles qui ne sont pas sur les listes des CCAS. C’est notre cœur de cible, car, s’il y a des Mahorais en difficultés, il y a aussi des étrangers, en particulier en situation irrégulière, et qui doivent eux aussi, naturellement, avoir accès au soutien alimentaire. C’est une question humanitaire, éthique, mais aussi sanitaire puisque nous nous protégeons contre la circulation du virus en faisant ça.

— Les enseignants. Dans certains établissements secondaires, il y a des enseignants qui sont très proches des élèves, qui connaissent ceux qui sont en très grande difficulté. Dans une relation de confiance, je veux confier à ces enseignants volontaires des bons alimentaires pour qu’ils les remettent à ces quelques enfants.

Accès à l’eau

Des rampes à eau dans 14 secteurs

Avec la directrice de l’ARS, Dominique Voynet, nous sommes tombés d’accord pour définir 14 secteurs jugés prioritaires dans des zones paupérisées, afin de les équiper de rampes à eau avec bouton poussoir pour éviter le gaspillage, car il faut garder à l’esprit que vers le mois de novembre, nous aurons probablement des sujets à traiter de ce côté-là. Elles seront installées assez rapidement.

Également, j’ai demandé aux maires d’ouvrir un établissement recevant du public par village, au sein duquel les familles pourront avoir un accès libre à l’eau. Cela peut être tirer un tuyau depuis une canalisation dans la cour d’une école par exemple. Cela se fera avec les maires volontaires qui sont prêts à nous apporter leur concours, notamment avec la police municipale pour réguler tout ça et éviter les grands rassemblements de personnes.

Nous avons aussi obtenu de l’opérateur 50 cartes d’accès aux bornes-fontaine. Elles ont été remises à la Croix-Rouge pour qu’elle puisse les distribuer. Et nous avons également obtenu le financement de 700 cartes pour les bornes à eau monétique, qui sont distribuées. Pour ne pas créer d’affluence propice à la circulation du virus, elles le sont dans des commerces alimentaires dispersés sur le territoire, là où le besoin s’en fait sentir.

Pétrole lampant

Trois points de distribution à Kawéni au lieu d’un

Il y a eu une période de pénurie qui a créé une forte attente. Les plus fragiles ont reçu l’idée qu’il n’y en avait plus. C’est une erreur, il y en a et il n’y a aucun problème là-dessus. Simplement, il fallait rétablir la possibilité de payer ce pétrole lampant en espèce comme la loi l’exige, sinon on donne le sentiment que quelque chose de bizarre se passe. De plus, au lieu de contingenter ce pétrole lampant, il fallait le distribuer en abondance et multiplier les points de distribution dans le but d’éviter les regroupements.

Hier après-midi, nous avons donc réuni Total et Sodifram, et nous avons convenu que Total mettrait en place quatre cuves de 1.000 litres de pétrole lampant sur trois points de distribution à partir [d’hier] à 14h : la station Total et deux autres au Sodifram de Kawéni. Il n’y aura pas de surcoûts, car les frais d’installation et de distribution seront absorbés par ces deux groupes. Le DLEM sera présent sur place et la ville a fait l’effort de mettre des barrières sur zone. Nous ne manquerons pas de pétrole lampant dans les prochaines semaines. Cette expérimentation sera maintenue [aujourd’hui] et vendredi. Nous ferons ce même jour son inventaire et soit nous le modifierons, soit nous le répliquerons partout où c’est nécessaire, en particulier en Petite-Terre.

Économie

792 entreprises mahoraises ont sollicité du chômage partiel

En quelques chiffres, 792 entreprises mahoraises ont déjà sollicité du chômage partiel pour 7.800 salariés. Cela représente 3,4 millions d’heures de travail qui seront financées par l’État.

Concernant les prêts garantis par l’État, 10 millions d’euros ont déjà été garantis et ont été octroyés à 75 entreprises mahoraises.

S’agissant du fonds de solidarité – 1.500 euros délivrés par l’État auxquels s’ajoutent 2.000 euros du conseil départemental si les conditions sont remplies – , il a déjà été mobilisé pour 173 bénéficiaires à Mayotte. Et 2,5 millions d’euros de report de charges sociales ou fiscales ont été accordés.

Nous avons aussi accordé 1,8 million de report décades à ceux qui l’avait sollicité.

J’ai par ailleurs demandé aux maires de mettre en place dans leur commune une petite cellule pour expliquer aux chefs de petites entreprises, qui ont parfois des difficultés linguistiques ou d’accès au digital, quels sont leurs recours.

Enfin, 25 entreprises sont en cessation de paiement. Une task-force en lien avec la CCI a été mise en place pour que chacun des dossiers de ces sociétés soit étudié au cas par cas et regarder ce que nous pouvons faire pour les soutenir durant cette période.

Ramadan

Une dérogation pour les marchés alimentaires

Le groupe de réflexion que j’ai mis en place m’a remis ses recommandations (voir Flash Infos d’hier) et nous sommes en train de les travailler pour lancer une vaste campagne de communication. Les messages seront portés auprès de la population. Par ailleurs, nous allons rouvrir des marchés exclusivement alimentaires. Une partie la population, modeste, s’y ravitaille, donc il faut pouvoir les rendre accessible à nouveau. Par ailleurs, nos agriculteurs rencontrent de grandes difficultés pour écouler leur production : nous avons donc là l’occasion de soulager ce secteur important. Aussi, certains des produits traditionnellement consommés durant le ramadan ne se trouvent pas dans les grandes surfaces. Il faut donc que ces marchés puissent les fournir. Les maires qui le souhaitent

pourront donc déroger à l’interdiction en vigueur sur demande, à condition que les gestes barrières et les précautions à prendre soient respectées.

Pratique funéraire

La mise en place d’un opérateur qualifié

Nous avons environ 800 décès par an à Mayotte. Deux tiers interviennent à domicile. Cela veut dire que pour ceux-là, on a moins de deux décès par jour à Mayotte. Soit, statistiquement parlant en tout cas, un décès tous les sept ou huit jours par commune. Tant que durera la crise sanitaire, il y aura 24h/24h la possibilité d’obtenir le concours d’un médecin pour constater le décès. Afin que ce médecin l’accepte, l’ARS travaille à la mise en place d’un tarif incitatif pour favoriser les déplacements de nuits des médecins de ville.

Par ailleurs, compte tenu de la rareté des décès, nous avons demandé qu’un opérateur qualifié puisse procéder à la mise en bière dans une double housse mortuaire. Les gestes doivent être professionnels. Les cadis l’ont bien compris. Enfin, cet opérateur sera pris en charge par les communes pour soulager les familles. Cela ne va pas ruiner ces dernières, d’autant qu’on peut les aider.

Éducation

Protéger les enseignants avec des masques

Je m’engage à protéger les enseignants. Une commande massive de masques alternatifs a été lancée avec le conseil départemental auprès des petites entreprises mahoraises pour qu’elles nous livrent 25.000 masques financés par le FEDER. Ils sont faits sérieusement sur un modèle AFNOR, et permettent de se protéger efficacement contre une charge virale légère. C’est notamment le cas pour les enseignants qui seront face aux élèves. Nous avons quatre semaines pour cela. Notre ambition est, si l’épidémie doit durer, de monter à 50.000 masques alternatifs, voire plus.

Sur le 11 mai

“Rien n’est gagné”

Le 11 mai se gagne. Rien n’est gagné d’avance, rien ne sera automatique. Soit nous sommes performants tous ensemble, soit nous ne sommes pas parvenus à assumer ensemble cet effort de confinement et le 11 mai n’aura, pour Mayotte, aucune valeur. Tous les jours, nous devons consentir à des efforts pour retrouver une vie normale.

Ce qui est important, ce n’est pas tant le nombre de cas que le nombre de patients admis en réanimation. Toute notre stratégie nationale repose là-dessus : protéger les centres hospitaliers. Quand le nombre de cas admis en réanimation commencera à monter, alors nous aurons la révélation de quelques choses d’extrêmement sérieux. Ce n’est pas encore le cas, avec seulement trois séjours en réanimation. Les chiffres donnés par l’ARS peuvent donc sembler encourageants, mais si nous relâchons nos efforts sur le confinement, nous perdrons.

 

“On nous demande de faire respecter le confinement, mais derrière, on ne nous accompagne pas”, déplore Saïd Omar Oili

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Total, rôle du maire dans la gestion de crise, rapport avec les autorités et réouverture des écoles, Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudi-Labattoir, président de la communauté de communes de Petite-Terre et de l’association des maires de Mayotte, fait le point. Et réaffirme l’importance du premier magistrat communal dans la crise qui secoue le territoire.

Flash Infos : À la une de vos dernières actualités, votre bras de fer avec Total. Comment avez-vous obtenu gain de cause ?

Saïd Omar Oili : Sans nous consulter, Total a décidé de manière unilatérale de refuser le paiement en espèces arguant de question de sécurité pour leurs agents. Peut-être que cette société ne lit pas les statistiques locales, mais quand 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et que deuxièmement, le taux de bancarisation est très faible, ce qui empêche la délivrance de cartes bancaires, empêcher le paiement en espèce revient nécessairement à exclure une très large part de la population des services de Total. Or il s’agit bien sûr de l’essence, mais surtout de la matière première pour la cuisson, qu’il s’agisse de gaz ou de pétrole lampant. Je me suis dit que si je ne faisais rien, nous nous dirigerions d’une crise sanitaire vers une crise sociale, car à l’approche du mois de ramadan, les gens n’accepteraient pas cette situation. J’ai donc pris mon bâton de pèlerin, j’ai alerté Paris par l’intermédiaire de l’Association des maires de France dont le président, François Baroin, a saisi le ministre compétent. Et par ce canal, le patron de Total. Voilà donc comment nous avons réussi à les faire revenir à la raison et permettre dès cette semaine que le paiement en espèce soit de nouveau accepté. Rappelons par ailleurs que payer en espèce est un droit.

FI : Suite à cela, on a pu observer des attroupements dans les stations-services, ce qui vous a poussé à fermer la station de Petite-Terre. Quelle est la solution ?

S. O. O. : Lorsque vous affamez quelqu’un pendant trois ou quatre semaines et que du jour au lendemain vous ouvrez les grilles en demandant de se mettre en rang, vous croyez que les gens vont vous écouter ? C’est bien ce qu’il s’est passé. Comme il n’y a pas eu de concertation et de réflexion au départ, les choses ne pouvaient que mal se dérouler. Au moment de la réouverture, les gens n’avaient plus rien chez eux, ils savaient aussi que le ramadan arrive et que dans les conditions actuelles, Total pourrait fermer les vannes quand il le voudrait. Forcément, c’est la ruée.

Je me suis rendu sur place pour voir ce qu’il se passait avant de prendre la décision de faire fermer les lieux. Les gens m’ont expliqué la situation dans laquelle ils se trouvaient et m’ont indiqué que dans ces conditions ils n’auraient plus d’autres choix que de couper du bois pour cuisiner de manière traditionnelle. Ce n’est pas acceptable et j’ai donc demandé à Total de fermer ce jour pour rouvrir dans de bonnes conditions. Nous travaillons actuellement avec des associations pour permettre d’encadrer les choses, que les gens puissent respecter les gestes barrière et je travaille également avec la directrice de Total à qui j’ai demandé que l’on puisse vendre le pétrole à tout le monde. C’est-à-dire que pour cette semaine, nous rationnons à 10 litres par personne. C’est peut-être à partir de là que nous pourrons diminuer l’afflux vers les stations-services et revenir petit à petit à une situation normale.

FI : Quelle est la leçon à retenir de cette situation ?

S. O. O. : J’ai écouté le discours du président de la République et j’ai relevé qu’il a cité les maires près d’une dizaine de fois en expliquant que nous étions les maillons forts de la mise en place de toutes les mesures et que l’on ne pouvait pas travailler sans eux. Dans ce cadre, à chaque fois que les pouvoirs publics ou les entreprises essaieront de prendre des mesures unilatérales sans concertation, nous arriverons à ce genre de situation.

FI : Justement, compte tenu du rôle du maire que vous évoquez, quelles sont les différentes actions que vous avez prises pour répondre aux différents besoins de la population dans cette période de crise sanitaire ? Et à l’échelle de la communauté de communes de Petite-Terre ?

S. O. O. : À l’échelle de la commune, l’élément le plus central est le centre communal d’action sociale avec qui nous avons mis en place une distribution de colis alimentaires pour venir en aide aux populations les plus démunies. Nous avons toute une organisation en ce sens qui repose sur un travail déjà mené tout au long de l’année qui vise à identifier les familles en difficulté. Cela nous permet de livrer des colis alimentaires sans qu’il n’y ait d’attroupements. C’est nous qui allons vers les gens, car nous les connaissons. Dans le même temps, ceux que nous n’aurions pas encore identifiés sont invités par la police municipale qui sillonne les rues avec son mégaphone à venir se faire connaître au CCAS ou à la mairie pour qu’ils puissent bénéficier de l’aide. Cela marche très bien et depuis le début du confinement nous avons assisté plus de 4.000 familles.

Concernant la communauté de communes, nous avons mis l’accent sur le ramassage des déchets. Nous en avons la compétence même s’il revient au Sidevam de le faire. Comme celui-ci est complètement défaillant – alors même que nous cotisons à hauteur de trois millions d’euros par an -, il nous a fallu prendre les choses en main afin de lutter contre la prolifération des moustiques et donc la propagation de la dengue. Nous faisons donc en sorte que nos communes soient propres même si ce n’est pas évident.

FI : En tant que président de l’association des maires de Mayotte, considérez-vous que vos collègues maires s’investissent autant qu’ils le devraient en cette période ?

S. O. O. : Chaque territoire a sa personnalité et spécificité, à partir de là, chaque maire est le mieux à même de juger de ce qui est dans l’intérêt de sa commune. Cependant, nous nous trouvons dans une situation compliquée. Pour de nombreux maires, nous sommes encore en période électorale. Ce n’est plus mon cas puisque j’ai été élu au premier tour, mais je comprends leurs difficultés. Je me sens libre, je n’ai pas de calcul à faire, ce qui n’est à l’évidence pas leur cas. Il est donc très difficile pour beaucoup de mes collègues d’agir autant qu’ils le voudraient dans ces conditions.

Ce problème d’élection freine les maires dans leur action, c’est certain.

FI : Considérez-vous que les élus locaux sont à la fois accompagnés et écoutés dans la gestion de cette crise ?

S. O. O. : C’est un autre feuilleton… Je me tiens en ce moment à une ligne de conduite qui se résume ainsi : on ne répare pas le toit d’une maison pendant l’orage. Laissons donc passer l’orage et réparons le toit ensuite. Cela veut dire que même si le président de la République a reconnu qu’il y a eu des maladresses, des manquements et des erreurs en évoquant la France métropolitaine où l’administration est très rodée, on se doute bien qu’il y a encore eu plus de loupés ici. Mais est-ce pour autant le moment de le dire, d’indexer ? Je ne le crois pas, la solidarité doit prévaloir, mais il faudra retenir les leçons. Cette crise devra nous servir à quelque chose, non pas à se chamailler, mais faire avancer Mayotte dans la modernité. Pour l’instant, l’urgence est de préserver les vies.

Il faut bien reconnaître que les élus locaux n’ont pas la main sur beaucoup de choses en ce moment, c’est le préfet qui a les pleins pouvoirs. Peut-être aurions-nous pu être plus utiles. Nous reparlerons de cela. Mais mon inquiétude actuelle, en tant que maire, est la réouverture des écoles. Comment allons-nous les ouvrir ? Sachant que les écoles sont surchargées, pas aux normes… Si on ouvre les classes sans qu’absolument toutes les bonnes mesures de précaution soient prises, que va-t-il se passer ? C’est une grande interrogation et il faudra au moins sur ce point que nous travaillions en concertation, en bonne intelligence. Certaines communes auront de grandes difficultés, ne serait-ce que pour décontaminer les écoles, obtenir un nombre suffisant de masques, etc. Nous devons travailler ensemble sur ces questions pour préserver les vies de nos familles. Pour l’heure, on est dans le flou total.

FI : Vous sentez vous freiné dans votre action ?

S. O. O. : Le problème est que nous avons la même information que tout le monde, celle livrée par l’ARS à l’ensemble de la population. Or, peut-être que nous, les maires, aurions mérité d’être mieux informés, car c’est à nous que les habitants ont accordé leur confiance. Cela aurait par exemple pu permettre que nous soyons mieux informés, en toute discrétion, des foyers de contamination sur nos territoires. Cela aurait pu nous permettre de mieux aider, mais le lien n’est pas là. C’est dommage qu’on ne nous fasse pas confiance.

Si chaque commune avait une bonne connaissance de l’évolution de la situation sur son territoire, nous serions à même de nous adapter, mais là, nous sommes en panne d’information. Nous nous retrouvons seuls face aux questionnements de nos concitoyens. Nous avons seulement le droit à une information générale et c’est très frustrant, car c’est nous, les maires, que les gens viennent voir. Comment leur répondre que nous n’en savons pas plus qu’eux ? Nous sommes très seuls dans ce genre de situation.

FI : Sentiment d’isolement donc, mais aussi d’inquiétude ?

S. O. O. : Bien sûr que je suis inquiet, notre territoire est touché. Si j’avais plus de données, peut-être que je serais plus rassuré, mais pour l’heure on ne peut être que dans le doute. Ce à quoi s’ajoute l’irrespect des mesures de confinement par une grande partie de la population qui n’a pas les moyens de les appliquer.

On se rend compte aujourd’hui que l’économie informelle est ce qui fait vivre Mayotte, qui l’a fait manger. Avec ces mesures, on se rend aussi compte que les gens n’ont plus rien du tout. Peut-être que, là aussi, il faudrait que nous travaillions plus ensemble pour adapter les règles à la réalité locale. Sans cela, je refuse que les maires soient indexés pour leur inaction, c’est trop facile. On ne peut pas supporter d’être pointés du doigt alors que l’on ne participe pas aux décisions. C’est difficile à vivre alors que nous essayons avec le peu de moyens que nous avons d’aider nos populations et quelque part de réparer les pots cassés.

Comment peut-on dire à quelqu’un de ne pas sortir alors qu’il n’a pas d’eau et qu’il ne sait même pas si la borne-fontaine va fonctionner ? Si elle ne marche pas, on va dire que c’est la faute du maire alors que justement, il aurait fallu veiller à ce que l’accès à l’eau soit effectif au moment du confinement.

Alors on essaye de rattraper, mais il y a tellement de verrous administratifs que c’est trop dur. J’ai réussi à mettre trois bornes-fontaines à La vigie, mais quel parcours du combattant ! On nous demande de faire respecter le confinement, mais derrière on ne nous accompagne pas.

 

“Le vaccin est préventif, la molécule est curative”

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Docteur en chimie spécialisée dans les molécules bioactives et l’ingénierie des biomolécules, Fahoullia Mohamadi revient pour Flash Infos sur l’importance de la recherche et du développement pour faire face à la crise du Coronavirus. Elle apporte également son expertise scientifique sur la vaccination et l’approche moléculaire, et évoque l’apport de sa profession pour un territoire comme Mayotte.

Chercheuse originaire d’Acoua, Fahoullia Mohamadi suit la propagation du virus sur le territoire d’un regard avisé. Si elle n’est pas spécialisée dans la microbiologie, son parcours pluridisciplinaire lui permet d’apporter quelques éclaircissements sur le Covid -19. “Mon métier consiste à chercher des molécules bioactives dans les tous les organismes, qu’ils soient terrestres ou marins, et d’étudier leur activité”, confie la chimiste. Ainsi, elle explique que pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent à l’échelle mondiale, deux approches se confrontent. La première est la vaccination. Elle consiste à injecter le pathogène, c’est-à-dire le virus, mais de manière fortement atténuée. “Il faut qu’il ait les mêmes caractéristiques pour induire une réponse immunitaire, ce sont les fameux anticorps en question.” Pour développer cette démarche entre en jeu la recherche. Le fonds de commerce de Fahoullia Mohamadi. “Elle permet de développer les munitions et les boucliers pour lutter contre cet ennemi invisible”, détaille-t-elle. Si le président de la République, Emmanuel Macron, prévoit des moyens supplémentaires pour accroitre la somme de nos connaissances, cette activité demande du temps ainsi que du matériel coûteux et sophistiqué… “Nous estimons à un an la mise sur le marché d’un vaccin, car il faut s’assurer que le corps ne réagisse pas trop violemment. Ce délai, très optimiste, est incompressible !”

Comment appréhender le sujet, alors que les Français entament leur quatrième semaine de confinement et que le monde économique tourne au ralenti ? Face à cette interrogation, la chercheuse explique que la seule solution fiable à ce jour est l’approche moléculaire, à l’instar de la chloroquine, qui est tombée dans le domaine public et qui déchaîne les passions par le biais du controversé Docteur Raoult. Seul bémol, elle traite ponctuellement le symptôme, mais n’assure pas une immunité. “Elle fonctionne seulement à l’instant T, si nous ne produisons pas assez d’anticorps, nous sommes potentiellement à risque. Donc il est possible de contracter une deuxième fois la maladie.” Pour résumer, “le vaccin est préventif” tandis que “la molécule est curative”.

Faire de Mayotte, une terre de recherche

Toujours est-il que Fahoullia Mohamadi souhaite que le 101ème département apporte sa contribution à l’effort et se saisisse de cette opportunité pour faire parler de lui. Un combat qu’elle défend bec et ongles ! Prenant ainsi exemple sur les difficultés rencontrées pour créer sa société PhytoKeyz sur sa terre natale, dont le travail consiste à valoriser la biomasse de l’île, en d’autres termes les plantes médicinales aromatiques. “Nous avons un beau potentiel, mais il n’est pas exploité localement”, regrette-t-elle. “En revenant à Mayotte, il fallait expliquer l’intérêt de la recherche aux institutions, aux chambres consulaires et au conseil départemental. Mon projet a finalement a été favorablement reçu en 2018 et peut apporter énormément au territoire.” En attendant d’avoir un laboratoire digne de ce nom sur le sol de Mayotte, elle collabore avec celui de chimie des biomolécules et de l’environnement à Perpignan, inscrit au sein du centre national de la recherche scientifique. Son souhait désormais est d’intégrer des étudiants mahorais qui découvrent petit à petit son milieu professionnel. “La prochaine étape est de faire venir des doctorants pour générer de la valeur scientifique sur le territoire.” L’officialisation du rectorat en début d’année et le projet de construction d’une technopole à Dembéni la rendent optimiste. Ne reste plus qu’à bénéficier d’une université de plein exercice pour se voir définitivement allouer des moyens supplémentaires importants. “Même si Mayotte est un microcosme, nous pouvons concevoir de très beaux travaux à notre niveau”, espère Fahoullia Mohamadi. Et pourquoi pas faire du territoire une référence en matière de recherche et de développement…

 

Non, un porteur du Covid n’est pas confiné au RSMA

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L’un des 69 rapatriés des Comores a été dépisté positif au Covid-19, a révélé le préfet mardi. Mais ce patient n’a jamais, contrairement aux autres voyageurs, intégré la caserne militaire de Combani afin d’y être placé en quatorzaine. En revanche, cette personne ayant contracté le virus depuis l’Union des Comores, les autres confinés du RSMA deviennent à leur tour de potentiels porteurs.

L’information dévoilée hier matin par le préfet n’est pas passée inaperçue : « Une personne rentrée des Comores lundi soir a été testée positive au Covid-19 », a annoncé Jean-François Colombet au cours d’une audioconférence. Face au manque de précisions apportées sur le sujet par le délégué au gouvernement, certains ont d’abord cru que cette personne avait ou était encore placée en quatorzaine au sein du RSMA, avec les 65 autres rapatriés. Mais il n’en est rien.

Comme nous l’expliquions dans l’édition de Flash Infos du mercredi 15 avril, tous ces voyageurs ont été médicalement contrôlées dès leur arrivée sur le tarmac. Cet examen sanitaire avait ainsi conduit trois personnes au CHM, l’une d’entre elles présentant effectivement des symptômes inquiétants, qui se sont effectivement avérés être ceux du Coronavirus. En bon état de santé général, le patient n’a ensuite non pas rejoint la caserne de Combani, mais bel et bien son domicile où il est évidemment soumis au confinement strict. « Nous nous sommes assurés que ses conditions de vie permettaient de rester confiné chez soi », a assuré Dominique Voynet, directrice de l’agence régionale de santé. « Comme tous les autres porteurs, nous suivons régulièrement cette personne », à propos de laquelle aucune information plus précise n’a été communiquée, si ce n’est qu’elle avait séjourné un mois aux Comores avant de regagner Mayotte. Autrement dit, c’est bien sur le sol des îles voisines que le Coronavirus a été contracté, alors que le gouvernement comorien assurait jusqu’alors que la maladie ne circulait pas dans le pays.

Mais, quid des autres voyageurs qui deviennent alors de potentiels cas contacts ? « Nous n’avons pas d’inquiétude particulière les concernant », a tempéré Dominique Voynet. « Ils portaient tous un masque au moment de monter dans l’avion. Mais cela n’exclue pas que d’autres personnes aient pu contracter la maladie aux Comores. » Ainsi, en plus du passage quotidien d’une infirmière entre les murs de la caserne militaire, d’autres médecins assureront le suivi des confinés. « Avec l’infectiologue et l’épidémiologiste de notre équipe, nous envisageons de tous les dépister d’ici la semaine, ce qui nous laisserait le temps d’avoir, potentiellement, de premiers cas positifs. », a commenté encore l’ARS. Auquel cas, aucun autre dépistage systématique n’aura lieu dans 14 jours, quand les rapatriés pourront regagner leurs domiciles.

Deux évacuations du RSMA en moins de 24 heures

Comme nous le dévoilions hier, un enfant âgé non pas de trois mais de quatre ans a effectivement été évacué par ambulance du RSMA mardi soir, alors qu’il était fiévreux et sembler présenter quelques difficultés respiratoires. Sa mère, également confinée dans la caserne de Combani n’avait alors pas pu l’accompagner jusqu’au CHM, où le garçonnet a pu retrouver son père, infirmier, avant d’être dépisté négativement et de regagner le domicile familial.

Un octogénaire atteint de maladie chronique grave a également quitté le RSMA mercredi matin après avoir été ausculté par un médecin. Cette personne, munie lors du débarquement de plusieurs attestions médicales faisant état du risque que pouvait représentait pour sa santé un confinement collectif, avait été contrôlée à l’aéroport et les médecins avaient estimé que son état n’allait pas à l’encontre de son transfert à Combani. Mais toutefois fragile, il a lui aussi, été prise en charge au CHM, sans y être toutefois dépisté puisque non fiévreux. L’homme a également été placé en confinement à domicile.

 

À Mayotte, les aidants familiaux ne veulent pas être oubliés

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Le confinement est un nouveau coup dur pour les aidants bénévoles qui aident un proche malade ou en perte d’autonomie à domicile. Et par les temps qui courent, la directrice de l’association départementale des aidants familiaux de Mayotte ne supporte plus le manque de reconnaissance à leur égard. Témoignage.

Depuis maintenant cinq ans, Hassanti Oumouri prend soin de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Comme elle, ils sont plusieurs centaines de personnes à Mayotte, d’après ses propres estimations basées sur un grand carnet dans lequel elle note tous ses contacts. On les appelle les aidants familiaux : contrairement aux aidants professionnels, ou auxiliaires de vie, ces bénévoles sont généralement un proche désigné comme responsable d’un membre de leur famille malade, handicapé, ou en perte d’autonomie. Régulièrement, ils déplorent un manque d’accompagnement, de structure pour les décharger de temps en temps, et de reconnaissance. C’est d’ailleurs pour cette raison que la femme d’une cinquantaine d’années a décidé de créer l’association départementale des aidants familiaux de Mayotte (ADAFM), il y a maintenant trois ans, pour se soutenir les uns les autres et faire remonter leurs besoins. Mais aujourd’hui, Hassanti Oumouri l’assure : “la situation est encore pire qu’avant.”

En cause, bien sûr, le confinement, qui a déjà mis un point d’arrêt à leurs rencontres régulières. “Normalement, je vais souvent voir les autres aidants de Passamaïnty, de Vahibé, de Cavani, mais maintenant surtout pas ! On reste tous enfermés chez nous pour protéger notre proche malade”, décrit-elle. Ce qui n’empêche pas cette habitante de Passamaïnty de prendre régulièrement des nouvelles : “on se contacte chaque jour, parfois on s’appelle aussi par groupe de 5, je ne sais pas trop comment ça marche, mais l’un d’entre nous a réussi à faire ça”, raconte aussi la présidente de l’association, qui ne maîtrise pas beaucoup ces outils numériques. “Oui, c’est une vidéo, oui”, confirme-t-elle quand on lui décrit le dispositif de visioconférence. À défaut de pouvoir sortir prendre l’air, les aidants peuvent en tout cas, grâce à ce système, garder un peu le moral en ces temps d’isolement. Hassanti Oumouri compose aussi régulièrement les numéros dans son carnet d’adresses, pour “demander comment ça va, comment va la maman”.

Frappés par la crise de l’économie informelle

C’est donc tout naturellement vers elle que ces aidants bénévoles, sans formation et souvent démunis face aux besoins de soin de la personne malade, se tournent pour obtenir à leur tour de l’aide. Et les témoignages de détresse affluent de toutes parts, ces jours-ci. En effet, l’activité d’aidant n’est souvent pas compatible avec un emploi à plein temps, et la plupart profite de rares heures de liberté en temps normal pour “vendre des tomates, se faire un peu d’argent au bazar de Mamoudzou”, cite-t-elle par exemple. “Pour ma part, je suis une petite commerçante, d’habitude je vends quelques habits ici chez moi, je gagne parfois vingt euros par jour, parfois quarante.” Or confinement oblige, toutes ces activités ont été interrompues, et les aidants ne sont donc pas épargnés par la crise que connaît l’économie informelle de Mayotte. “Ils ne savent pas quoi donner à manger à leur proche ; moi de mon côté, je rationne un peu depuis le début pour ne pas manquer”, souligne Hassanti Oumouri.

S’il n’existe pas de statut officiel pour eux, normalement, ces proches aidants ont droit à une rémunération, ou plutôt une compensation calculée sur la base des heures passées. La personne aidée, si elle en a les moyens, ou si elle perçoit l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), ou la prestation de compensation du handicap (PCH), peut rémunérer le proche désigné. “C’est assez

variable, mais cela leur permet de toucher en moyenne 200 euros par mois”, estime Enrafati Djihadi, la directrice de l’union départementale des associations familiales (UDAF). Pourtant, d’après Hassanti Oumouri, les aidants mahorais sont nombreux à ne plus percevoir ce coup de pouce financier, et ce depuis un ou deux ans. En cause, un changement dans le dispositif du PCH. “Avant c’était le conseil départemental qui s’occupait des dossiers, et désormais, c’est aux aidants eux-mêmes de réunir les pièces pour obtenir cette compensation financière”, explique Enrafati Djihadi. Mais “la plupart des aidants ne savent ni lire ni écrire, alors quand on leur dit de courir partout pour faire des dossiers, ils finissent souvent par rester chez eux et se débrouillent par eux-mêmes”, soupire Hassanti Oumouri.

Des familles sans réponse

Face à cette situation, aujourd’hui aggravée par le confinement et l’impossibilité de récolter quelques euros à la sauvette, l’aidante familiale déplore donc le manque d’aides qui leur sont destinées. “Certains m’appellent pour me dire qu’ils n’arrivent à rien obtenir de la part des CCAS”, rapporte-t-elle. En cause, suppose Enrafati Djihadi, un certain embouteillage des aides alimentaires. Face à l’affluence, toutes les familles ne peuvent être traitées en même temps : “certaines personnes n’ont pas encore de réponse, car elles ne sont pas forcément connues, donc elles ne sont pas sur les listes du CCAS, ou leur situation n’est pas prioritaire, mais nous devons clarifier avec l’ensemble des acteurs quelles réponses apporter à ceux qui sont dans ce cas”, développe-t-elle. Au CCAS de Mamoudzou, on assure d’ailleurs qu’aucune demande n’a été rejetée, à proprement parler. “Il y a des travailleurs sociaux qui procèdent aux évaluations sociales au téléphone pour déterminer les aides à fournir, mais il n’y a pas de question d’éligibilité”, défend Anziza Daoud, la directrice. “Il y a déjà eu une distribution alimentaire, qui n’a certes pas pu suffire pour tout le monde, mais j’invite les personnes qui n’ont pas encore pu en bénéficier à se faire connaître pour les futures distributions”. Mais la directrice de l’association des aidants ne comprend pas, de son côté, pourquoi personne n’a pensé à la concerter en amont. “J’aimerais bien qu’on nous appelle ! Personne ne se préoccupe de notre cas, alors que beaucoup d’entre nous souffrent”, conclut-elle.

 

Confinement difficile pour les étudiants mahorais qui demandent à rentrer chez eux

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Le Collectif des citoyens de Mayotte a demandé aux autorités locales ainsi qu’à la ministre des Outre-Mer le rapatriement des étudiants mahorais se trouvant seuls en métropole et à La Réunion, pendant le confinement. Les principaux concernés redoutent l’approche du mois de ramadan qu’ils devront passer loin de leurs proches.

“On a envie de rentrer chez nous, d’aller voir nos familles et de passer le ramadan avec elles.” Fayza Houmadi n’est pas un cas isolé. Cette étudiante, également présidente de l’association des étudiants mahorais de Montpellier, redoute l‘approche du ramadan. Le confinement est une période difficile, particulièrement pour les étudiants mahorais qui se retrouvent seuls dans des résidences universitaires souvent vidées de leurs occupants. Jusqu’alors ils se sont pliés aux consignes comme tout le monde, mais le ramadan débutera dans quelques jours et cette période de partage risque d’être mal vécue par les étudiants mahorais isolés. “C’est un moment qu’on aime passer en famille. Ici on s’arrange pour rester entre amis, mais même cela ne sera plus possible. J’appréhende un peu”, confesse Fayza.

C’est la raison pour laquelle le Collectif des citoyens de Mayotte a demandé, dans une lettre ouverte, au préfet, au président du conseil départemental et à la ministre des Outre-mer, le rapatriement des étudiants mahorais isolés en métropole et à La Réunion. Ces étudiants seraient “actuellement confinés dans la plus grande détresse. Beaucoup subissent une solitude, un stress alarmant dont nous craignons les conséquences psychologiques qu’un ramadan isolé pourrait aggraver”, indique le collectif. Il demande que l’aide annoncée par le président de la République aux étudiants ultramarins soit utilisée pour ramener les étudiants chez eux. Ces derniers observeraient une quatorzaine “sur leur île natale avant de rejoindre leur foyer”, précise le Collectif des citoyens de Mayotte.

Cependant, cette hypothèse n’est pas soutenue par tous. Nour, étudiant mahorais à Valenciennes pense que le rapatriement est une fausse bonne idée. “C’est une bombe sanitaire qu’on enverra à Mayotte si le projet se concrétise. Il suffit qu’une personne soit contaminée dans l’avion pour que le virus se propage. Et même si on les met en quatorzaine, je ne pense pas que Mayotte ait les capacités de confiner des milliers ou même des centaines d’étudiants en même temps.”

Un confinement qui augmente les dépenses des étudiants

L’isolement n’est pas l’unique souci que rencontrent ces étudiants mahorais. Le confinement a généré des dépenses supplémentaires souvent inattendues. “Pour assurer la continuité pédagogique, j’ai dû acheter un ordinateur parce que je n’en n’avais pas et j’utilisais ceux de l’université. C’est une dépense qui m’a mise dans le rouge mais je n’avais pas le choix”, témoigne Haithia, étudiante à Toulouse. Cette Mahoraise est arrivée en métropole en septembre 2019. Elle a dû s’adapter au changement auquel font face tous les étudiants mahorais, mais le confinement ne lui facilite pas la tâche. “Je ne pensais pas passer ma première année ici comme ça. Le confinement a un peu tout chamboulé mais heureusement je reste proche de ma famille à Mayotte.” Et elle ne peut compter que sur un soutien psychologique puisque sa famille est dans l’incapacité de l’aider financièrement. La jeune fille doit donc se débrouiller avec une bourse de 300€ par mois. “Cela ne suffit plus parce que je fais beaucoup plus de courses. Avant, il me suffisait de 50€ par mois, maintenant le prix de mon panier a doublé”, explique-t-elle. Même constat chez Nour, qui a dû également investir afin de ne pas perturber son année scolaire. “J’ai acheté une imprimante pour les documents nécessaires. Avant je le faisais à la fac. Mes charges ont également augmenté puisque je suis tout le temps à la maison.”

Les bourses ont été versées plus tôt que prévu ce mois-ci, et tous en sont reconnaissants. Mais ils savent que cela n’est pas la solution à tous leurs problèmes. Quant aux étudiants non boursiers, leur situation est plus précaire car beaucoup exerçaient un job étudiant pour subvenir à leurs besoins. Ils se retrouvent aujourd’hui sans ressources, mais doivent continuer à payer leurs charges. “Le Crous a décidé que les étudiants qui ont quitté leur logement universitaire pour rejoindre leurs proches n’ont pas à payer le loyer. Mais qu’en est-il des ultramarins comme nous qui n’avons pas de famille et qui sommes obligés de rester dans nos chambres universitaires ?”, s’interroge la présidente de l’association des étudiants mahorais de Montpellier. Une question légitime quand on sait que le confinement met à mal de nombreux parents qui se retrouvent au chômage et qui sont dans l’incapacité d’aider leurs enfants.

 

À Mayotte, un ramadan confiné

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La question était dans l’esprit de tous : comment se déroulerait le ramadan en cette période de confinement ? Les préconisations du conseil cadial sont tombées hier. Et priorité absolue est donnée aux règles actuellement en vigueur. En conséquence, c’est un ramadan confiné qui débutera le 23 avril prochain.

“Nous espérons désormais pouvoir être réunis pour l’Aïd”, confie Younoussa Abaine, à la tête de la direction départementale de la cohésion sociale. Car pour célébrer la fin du ramadan, “les cadis dans les communes sont priés d’observer la lune. Les prières en groupe ne seront pas accomplies si jamais le confinement est maintenu”. En cause : le confinement national prolongé jusqu’au 11 mai, comme annoncé lundi soir par le président de la République, Emmanuel Macron, et qui a des répercussions sur le ramadan, qui débute cette année le 23 avril.

Dans les faits, donc, il n’y aura pas d’aménagement du confinement durant ce mois sacré pour les musulmans. C’est ce qu’a préconisé, hier, le conseil cadial. “Le respect du confinement est le seul moyen d’en sortir vite”, explique-t-il, précisant que la fermeture des mosquées et l’interdiction des prières en groupe demeuraient valables jusqu’à la levée de la réglementation en vigueur par les autorités. “Néanmoins, il est primordial de rappeler aux fidèles les vertus des prières à la maison en famille. La prière dite Tarawih, spécifique au mois du ramadan, très assistée par les fidèles, n’est en aucun cas obligatoire. Elle peut être accomplie individuellement à la maison”, précise-t-il.

Quant aux traditionnels foutaris, il faudra également s’en passer, ou en tout cas les pratiquer de manière extrêmement raisonnée. “Les attroupements dus aux invitations pour la rupture du jeûne, que ce soit sur le plan familial ou villageois, sont proscrits. La rupture du jeûne doit se limiter aux noyaux nucléaires de la famille”, préconisent les autorités religieuses.

Les questions que se posaient les fidèles trouvent donc une réponse, une dizaine de jours après la constitution par le préfet d’un groupe de réflexion sur le sujet. Jean-François Colombet l’expliquait dans un entretien qu’il nous avait alors accordé : “Cette période est extrêmement importante pour ceux qui pratiquent le culte que nous retrouvons majoritairement à Mayotte. Or, nous avons une équation à résoudre : une pratique du ramadan égale à une non-prolifération du Covid-19. (…) Je compte faire appel à des responsables comme les parlementaires, quelques maires, le grand cadi, etc. En somme, des personnes qui pourront réfléchir au sujet et formuler (…) des propositions pour répondre à cette question : comment conjuguer la fête du ramadan et la protection individuelle de chacun contre le virus ?”

La question de l’approvisionnement

Autre point d’importance : celui des attroupements de population lorsqu’il faut se ravitailler. On le sait, période de partage oblige, les foutaris proposent des tables aux mets nombreux et en grosse quantité. En ce sens, le conseil cadial invite les autorités municipales à “organiser des marchés dans les communes durant les week-ends, pour permettre aux habitants de s’approvisionner en produits locaux, bien prisés pendant le ramadan”.

Enfin, en ce qui concerne l’entraide aux plus défavorisés, “les associations caritatives musulmanes et les associations partenaires sont autorisées à collecter et distribuer des colis alimentaires pour le mois de ramadan, afin de faciliter le jeûne aux personnes démunies et sans ressources.” Des associations qui peuvent également “anticiper la distribution de la zakat, troisième pilier de l’islam, et l’étaler sur le long du mois du ramadan.”

 

Les chauffeurs de taxi en panne de solutions

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Les chauffeurs de taxi sont également embourbés dans la complexité des différents dispositifs proposés au niveau national et départemental. Depuis le début du confinement, ils revendiquent des mesures claires et précises qui définiraient les conditions qui s’appliquent à leur métier durant la crise. Mais pour le moment, la coopérative des chauffeurs de taxi et la préfecture semblent s’être mises d’accord uniquement sur la question sanitaire. “Il ne doit y avoir que deux passagers sur une banquette. Chacun doit être à l’extrémité côté fenêtre afin de respecter la distance d’un mètre”, explique Denis Schoumacher, directeur de la coopérative Taxi Vanille 976. Ce qui signifie que les chauffeurs roulent à perte puisque les autres places ne doivent pas être occupées. S’il a été envisagé dans un premier temps d’augmenter les tarifs, cette idée a rapidement été évincée. “Nous nous sommes rendu compte que cela allait plus desservir les chauffeurs déclarés au profit des taxis clandestins”, précise le directeur de la coopérative. C’est donc tout naturellement que dans un premier temps, les taximen se sont tournés vers le fonds de solidarité nationale, mais la procédure est très complexe et les chauffeurs de taxis mahorais ne peuvent pas y prétendre. “Nous avons alors essayé de solliciter l’aide proposée par le conseil départemental, mais il s’avère qu’ils demandent exactement les mêmes documents, nous sommes une nouvelle fois bloqués et ne pouvons y prétendre”, affirme Denis Schoumacher. Chaque entreprise doit justifier une perte de son chiffre d’affaires d’au moins 50 %, et elle doit être à jour dans ses cotisations fiscales et sociales. Mais selon le directeur de la coopérative des taxis, “depuis 2018 les chauffeurs de taxi ne sont pas à jour dans leurs cotisations et il leur est quasi impossible de justifier la perte de revenu”. Une complexité déplorée par Salama Ramia, la directrice du développement économique à la chambre des métiers et de l’artisanat. “Nous pensions que les dispositifs mis en place par le conseil départemental allaient être plus souples, mais ce n’est pas le cas. Pour le moment aucun dossier que j’ai étudié n’est éligible à ces aides.” En effet, elle explique que pour pouvoir bénéficier des 2.000 euros annoncés par le département, il faut dans un premier temps obtenir les 1500 euros octroyés au niveau national. Le département a alors proposé une aide de 1.000 euros pour toutes les entreprises qui ne peuvent bénéficier de ces deux premières aides, mais là encore le parcours est semé d’embuches. “Ils demandent des documents qui sont difficiles à obtenir pour les commerçants ou artisans. Notamment l’attestation fiscale qui prouve qu’ils sont à jour au niveau du fisc alors qu’on sait très bien qu’elles ne le sont pas, car ce sont des personnes en difficulté,” dénonce Salama Ramia. Les artisans pourraient à la place donner une attestation sociale fournie par la Caisse de sécurité sociale, mais pour le moment rien n’est sûr. “Honnêtement si la situation reste comme ça, presque aucune entreprise ne pourra bénéficier des aides départementales”, prévient la directrice du développement économique à la chambre des métiers et de l’artisanat. Quant au directeur de la coopérative des taxis : “le conseil départemental ne sait pas comment fonctionnent les petites entreprises mahoraises. C’est quand même un petit peu embêtant…”, regrette-t-il.

Rentrée des classes le 11 mai : Oui mais à plusieurs conditions pour Mayotte

Lundi soir, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la possible réouverture des établissements scolaires, si la tendance sur la propagation du Coronavirus venait à se confirmer. À Mayotte, le recteur Gilles Halbout explique qu’une vaste concertation va avoir lieu dans les prochains jours avec les organisations syndicales et les parents d’élèves pour décider de la marche à suivre. En ayant toujours en tête la sécurité sanitaire et le volet social.

Flash Infos : Dans son allocution, le président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué le 11 mai pour envisager un retour des élèves sur les bancs de l’école. Comment allez-vous vous préparer à cette date butoir ?

Gilles Halbout : Le président l’a bien dit, nous entrons dans une période de deux semaines de concertation, avec des réunions entre le ministère de l’Éducation nationale et les organisations syndicales nationales et celles des parents d’élèves. À Mayotte comme ailleurs, nous allons faire de même à notre niveau. Chaque recteur fera ensuite remonter la tendance à l’issue de ces discussions qui doivent durer jusque mardi prochain. Le gouvernement ne se décidera pas avant la fin de la semaine prochaine. Il va analyser et prendre le pouls chez les pays voisins. Nous ne partons pas d’une page blanche, mais nous écouterons tout le monde. Nous échangerons également avec les collectivités territoriales, comme le Département qui a en charge les transports scolaires, mais aussi les mairies qui s’occupent des écoles du premier degré, des cantines et du périscolaire. L’autre particularité du territoire est la prise en compte de l’aspect sécuritaire aux abords des établissements. Nous avons déjà commencé à en discuter avec le préfet et les forces de l’ordre.

FI : Mayotte se retrouve, comme bien souvent, dans une situation singulière, avec une propagation du virus beaucoup plus tardive par rapport à la métropole. Si les mesures de confinement sont intervenues trois jours après l’apparition du premier cas de Coronavirus, elles n’enlèvent pas les craintes des uns et des autres?

G. H. : Tout à fait, nous devons intégrer cette appréhension sur la sécurité sanitaire dans notre réflexion. Que ce soit les organisations syndicales, les parents d’élèves ou moi-même, aucun de nous n’est spécialisé dans la propagation du virus, les risques statistiques ou les problèmes de contagion. La dimension sanitaire sera globalement appréhendée par les experts, qui dévoileront en temps et en heure si tous les enfants et/ou tous les enseignants doivent par exemple porter des masques. En tout cas, nous suivrons ces conclusions.

FI : Justement, des parents et enseignants refusent d’ores et déjà de reprendre le chemin de l’école dans des conditions aussi hasardeuses. Comment appréhendez-vous leurs réactions ?

G. H. : Un certain nombre de réserves seront mises sur la table lors des concertations. Nous tâcherons d’y apporter des réponses ! Un droit de retrait est justifié quand les mesures sur lesquelles nous avons convergé ne sont pas mises en œuvre. Si demain, le choix est de faire porter des masques à tout le monde, il faudra assurer. Après, si nous ne sommes pas prêts à l’instant T, nous décalerons de quelques jours. C’est aussi de la responsabilité du recteur de ne pas envoyer les enfants et les adultes dans une situation de danger. Mais ce ne sera pas une décision unilatérale, je le répète !

FI : Si certains n’envisagent pas de revenir le 11 mai, pour d’autres le temps presse…

G. H. : L’aspect social est évidemment primordial. L’Éducation nationale ne doit pas laisser sur le carreau des jeunes en difficulté. Nous savons que les enfants confinés n’avancent pas à la même

vitesse : il y a ceux qui vivent dans un environnement familial avec Internet et des parents derrière leur dos et il y a ceux qui vivent dans des bidonvilles sans électricité avec des parents qui ne parlent pas le français. Plus tôt nous rouvrirons, mieux ce sera pour ces publics défavorisés. L’une des priorités reste de ne pas agrandir les écarts sociaux. Même si nous faisons tout depuis le début du confinement pour prendre de leurs nouvelles et réaliser des distributions de devoirs dans le cadre de la continuité pédagogique, et que nous lançons des opérations avec des associations pour leur fournir des forfaits Internet, nous n’arriverons jamais à tout résoudre…

FI : Autre point à prendre en considération est la faim qui gagne une partie de vos élèves en cette période de confinement. Cette réalité pèse-t-elle dans la balance ?

G. H. : Bien sûr ! Pour certains, la collation de l’école correspond au seul repas de la journée. C’est un argument qui n’est pas négligeable… Hier, j’ai pris connaissance de la cagnotte mise en ligne par certains enseignants du collège de Passamaïnty (voir Flash Infos du mardi 14 avril). Je dispose d’une enveloppe de 10.000 euros pour apporter des carnets de bons alimentaires de l’ordre de 35 euros. Le conseil que je leur donnerais est de prendre contact avec la direction de leur établissement pour que nous puissions les épauler dans leurs missions. Qu’ils n’hésitent pas, nous sommes là pour ça, nous procédons déjà de cette manière avec quelques associations ! Nous essayons simplement de ne pas faire de distributions massives pour ne pas créer d’engorgements et de scènes de liesse comme nous avons pu en voir dans d’autres endroits.

FI : Dans quel état d’esprit pensez-vous retrouver le corps enseignant ainsi que les élèves ?

G. H. : Nous n’allons pas recommencer l’école comme nous l’avons quittée en février avant les vacances. Elle sera différente et adaptée à la situation sanitaire, mais aussi au public. Nous aurons une réflexion pédagogique et éducative. D’habitude, durant les mois de mai et juin, nous levons un peu le pied à l’approche des examens. Cette année, au contraire, nous voudrons profiter des dernières semaines pour rattraper l’éventuel retard accumulé. Mais n’oublions pas que nous allons revenir dans une situation particulière, avec peut-être un port de masque. Il va falloir que nous parlions de cette épidémie, sachant qu’elle ne sera certainement pas terminée le 11 mai. Il faudra en profiter pour continuer à sensibiliser sur toutes les conduites à tenir.

J’avais également un peu anticipé la reprise des cours. C’est la raison pour laquelle, j’ai accordé quelques jours de repos aux enseignants qui travaillent derrière leur écran depuis près d’un mois pour couper la poire en deux et souffler avant la probable réouverture des établissements scolaires. Si la semaine du 11 mai risque certainement d’être un peu particulière, nous aurons encore sept semaines de travail pour offrir un avenir meilleur à nos élèves.

 

Les confinés du RSMA, acte 2

Après les rapatriés de Madascagar, la caserne militaire de Combani accueille, depuis lundi, une soixantaine de Mahorais jusqu’alors bloqués aux Comores. Parmi eux, des personnes âgées ont présenté des certificats médicaux faisant état du risque que cet isolement collectif pouvait représenter pour leur santé. Jusqu’à ce que l’État n’en décide autrement.

“Je suis hôtelier depuis 15 jours !”, s’amuse le lieutenant-colonel Frédéric Jardin, commandant du régiment de service militaire adapté (RSMA) de Mayotte. Alors que deux semaines plus tôt, la caserne de Combani ouvrait ses portes aux 104 rapatriés de Madagascar placés là en quatorzaine et sortis ce week-end, ce sont 66 Mahorais, ramenés cette fois d’Anjouan et Moroni lundi qui ont intégré l’enceinte militaire pour y passer, à leur tour, deux semaines d’isolement strict. Et si certains dysfonctionnements de la première expérience ont pu être réglés par les autorités, d’autres incompréhensions émergent.

Contrairement au scénario qui se jouait 15 jours plus tôt, la soixantaine de rapatriés s’est vu fournir des masques de protection dès leur embarquement depuis l’Union des Comores. Arrivés à Mayotte, ils ont tous été pris en charge, directement sur le tarmac, par deux médecins et sept infirmiers qui ont pris la température de chacun des voyageurs. Trois d’entre eux ont ainsi immédiatement été évacués vers le CHM du fait de leur état de santé fragile. Deux de ces personnes ont pu regagner leur domicile, où elles sont évidemment soumises au confinement. La troisième est encore hospitalisée.

Mais parmi les 66 rapatriés restants à l’aéroport, un sexagénaire et une octogénaire ont présenté au personnel soignant des attestations médicales notifiant le risque que pouvait représenter un isolement au milieu de dizaines d’autres personnes, alors qu’elles suivent elles-mêmes un lourd traitement. L’homme, atteint d’une maladie chronique grave, a ainsi ramené dans ses valises deux certificats médicaux, signés par un médecin mahorais pour le premier, et par un Réunionnais pour le second. Les documents faisant communément état d’un “risque de forme grave d’infection COVID compte tenu des traitements pris” et préconisant un confinement “seul”. Pourtant, à l’issue du contrôle sanitaire, les personnels hospitaliers ont estimé que ces deux individus étaient en état de rejoindre le RSMA. L’octogénaire, elle, a dû en être évacuée quelques heures plus tard après intervention de son médecin traitant, celui-là même qui avait signé son certificat. Concernant le deuxième cas, il devrait être ausculté ce mercredi par un médecin de l’hôpital qui statuera, ou non, sur son maintien au sein de la caserne.

Pendant ce temps, les autres confinés, parmi lesquels deux femmes enceintes de sept et huit mois, des enfants asthmatiques et plusieurs diabétiques, sont suivis chaque jour par une infirmière scolaire bénévole, qui est chargée, notamment, d’assurer la continuité des traitements. Mardi, à l’issue des premières consultations au RSMA, elle a ainsi recensé toutes les ordonnances – dont certaines avaient été, la veille, renouvelées in extremis sur le tarmac par les médecins du CHM – afin de fournir les médicaments manquants depuis le rapatriement. Deux semaines plus tôt, les Mahorais rentrés de Madagascar avaient dû attendre plusieurs jours avant de pouvoir recevoir leur traitement.

Les conditions de vie, elles, n’ont en revanche guère changé. Installés dans des chambres de deux à quatre personnes, les “résidents” de la caserne sont toujours tenus de nettoyer eux-mêmes les espaces communs où les gestes barrières sont, souvent, difficilement applicables, la soixantaine de personnes partageant les mêmes douches et sanitaires. “On nous traite comme si nous étions déjà malades”, avoue une source sur place. Mais alors que dans l’ombre de l’épidémie de Covid-19, celle de la dengue avance encore, aucun spray répulsif ou moustiquaire n’a encore été distribué.

Interrogée quant à la situation de ces 66 confinés dont le sort a été décidé par le ministère de l’Intérieur, l’agence régionale de santé semble se désolidariser de cette décision : “L’ARS ne cautionne pas forcément cette mesure qui ne fait pas l’unanimité, mais ça vient de l’État et nous devons l’appliquer.”

 

Les aides aux entreprises, une machine encore mal rôdée à Mayotte

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Le conseil départemental vient de mettre sur pied sa propre plateforme en ligne, qui a reçu 40 demandes ou dossiers remplis le premier jour, pour proposer de nouvelles aides financières aux entreprises, frappées de plein fouet par la crise liée au Covid-19. Mais malgré tous les dispositifs lancés par l’État et les collectivités, les entreprises n’y trouvent pas toujours leurs comptes.

Délais interminables, lourdeurs administratives, pièces manquantes : Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hotel de Mamoudzou, est passé par toutes ces phases laborieuses dans ses tentatives pour accéder aux fameuses aides aux entreprises. À tel point qu’aujourd’hui, on lui diagnostiquerait presque une bonne vieille phobie administrative. Et tout ça, pour 1.000, 1.500, 2.000 euros ? “Clairement, j’ai perdu plus de temps à remplir des dossiers que je n’ai gagné d’argent”, s’agace le chef d’entreprise. Même si, il faut le dire, le patron a quand même réussi à tirer un peu son épingle du jeu ces derniers jours, en obtenant enfin le prêt garanti par l’État à la BFC, et une réponse positive à sa demande d’activité partielle. Mais il lui aura fallu batailler pendant au moins trois semaines pour se voir accorder ces aides, qui “vont tout juste couvrir les salaires”, maugrée-t-il. Alors, la nouvelle plateforme du conseil départemental, très peu pour lui. “Proposer 1.000 euros aux entreprises, c’est se moquer du monde”, abonde-t-il encore. “De quoi payer l’électricité et un quart de l’eau”.

Si le montant risque en effet d’en émouvoir plus d’un, ces nouvelles aides du conseil départemental ajoutent toutefois une nouvelle pierre à l’édifice. Elles doivent ainsi permettre aux entreprises de survivre à la crise économique qui se profile à cause du confinement. Décidés lors de l’assemblée plénière du 3 avril, ces dispositifs locaux viennent compléter et adapter à Mayotte, les mesures nationales que sont le PGE, le prêt garanti par l’État, et le fonds de solidarité qui permet en théorie d’octroyer une aide de 1.500 euros aux entrepreneurs. Dans les faits, peu d’entreprises mahoraises pouvaient bénéficier de ce fonds de solidarité, destiné aux entreprises qui emploient entre 1 et 10 salariés, car à Mayotte, beaucoup d’entre elles sont unipersonnelles. D’où la nécessité de créer “un fonds qui sera en mesure de répondre aux spécificités locales, notamment, les TPE et les micro-entreprises qui représentent 80 % du tissu local”, peut-on lire dans le règlement d’intervention publié par le conseil départemental.

Trois dispositifs en plus mais peu de budget

En tout ce sont donc trois dispositifs supplémentaires qui ont été mis en place par l’instance locale. Le fonds de solidarité complémentaire vient compléter l’aide de 1.500 euros prévue par l’État par une autre aide de 2.000 euros, cumulable, à destination elle aussi des très petites entreprises, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales ayant un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros et un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros. Près de 500 entreprises devraient être concernées par cette enveloppe de 1 million d’euros. Le fonds de soutien départemental s’adresse lui davantage aux entreprises qui ont moins d’un salarié, qui pourront bénéficier de cette aide locale de 1.000 euros, non cumulable avec la précédente, mais cumulable sous conditions au fonds de solidarité de l’État. L’enveloppe de 10 millions d’euros pourrait toucher quelque 10.000 entreprises. Enfin, un prêt d’honneur à taux zéro de 3 millions d’euros, pour un montant maximum de 30.000 euros par entreprise, devrait aider à reconstituer les trésoreries après le confinement.

Mais ces enveloppes pourraient malgré tout ne pas suffire à préserver le tissu économique local. “Vu la situation, je pense qu’au moins 40 à 45 % des entreprises vont fermer d’ici l’année prochaine”, présage Bruno Garcia, qui insiste sur les impacts à long terme pour les employeurs. Des aides

difficiles à obtenir, avec des budgets trop faibles, c’est aussi le constat que fait Bourahima Ali Ousseni, le président de la CPME qui représente les petites et moyennes entreprises de Mayotte. “Le prêt d’honneur c’est une bonne mesure, mais avec un budget alloué de 3 millions d’euros, il n’y a guère que cent entreprises qui vont pouvoir en bénéficier”, s’inquiète le représentant des entrepreneurs. “Sur le fonds de solidarité de l’État, les dernières demandes remontent à deux semaines et je ne crois pas que quiconque ait perçu un euro pour l’instant”, signale-t-il aussi. Du côté de la CCI et du conseil départemental, on plaide toutefois pour plus de patience. Avec les six dispositifs d’aides possibles, chaque entreprise doit pouvoir trouver une réponse adaptée à sa situation, “il faut juste que la machine se rôde”, justifie Zoubair Alonzo, directeur général de la CCI, la chambre de commerce et d’industrie qui gère la cellule d’urgence pour aiguiller les entrepreneurs dans leurs démarches.

Rentrer dans les clous de l’administration

Mais encore faut-il, pour cela, rentrer dans les clous de l’administration. Cette difficulté supplémentaire concerne beaucoup d’entreprises qui ne sont pas bancarisées, peu connues des services fiscaux ou ne savent pas où trouver les pièces justificatives à fournir. Sont notamment dans ce cas de figure les petits commerçants, ceux qui vendent sur les marchés de Mayotte, ou encore les chauffeurs de taxi (voir encadré). Pour ces situations assez spécifiques à Mayotte, il faut aller plus loin dans les dispositifs d’aide, juge Bourahima Ali Ousseni. “Toutes ces aides économiques s’adressent aux entreprises formelles”, met toutefois en garde le directeur de la CCI, en guise de réponse. “Le fonds de solidarité, nous l’avons simplifié au maximum, nous demandons juste une attestation sociale de 2018. Pas de 2019, ni de 2020, je ne peux pas croire qu’une entreprise formelle puisse avoir trois ans de retard dans sa régularisation”. Mais au cas où, Bourahima Ali Ousseni propose justement de profiter de cette crise pour accompagner ces personnes dans leur régularisation, “par exemple en proposant des chèques-conseils de 300, 500 euros pour les aider à mettre leur paperasserie à jour”, résume-t-il. Une façon de mieux s’armer, lorsqu’une autre crise viendra porter un nouveau coup dur à cette économie locale.

 

Les Faszoi promettent une mobilisation “sereine et organisée” sur le territoire de Mayotte

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Alors que le porte-hélicoptères Mistral doit faire son entrée d’ici jeudi dans les eaux du 101ème département avec à son bord, pas moins de 300 tonnes de fret, le général Yves Métayer, commandant des forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) et le capitaine de vaisseau Vincent Sébastien font le point sur le soutien – essentiellement logistique – que les militaires comptent apporter à Mayotte durant la crise.

“Nous avons à cœur d’agir avec le plus de sérénité et d’organisation possible”, explique en préambule le général Métayer. Avant de lister les différents secteurs d’appui sur lesquels les Forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) comptent intervenir. Que ce soit par les airs, la mer ou sur terre. “Pour la composante terrestre, c’est le détachement de la Légion étrangère de Mayotte qui contribue à une opération humanitaire de distribution de denrées, c’est le 2ème RPIMA qui s’engage pour aller chercher des stocks de masques et les sécuriser ainsi que de participer également à des opérations de distribution. Pour la composante aérienne, c’est un CASA de l’escadron de transport qui a réalisé une première rotation au profit de Mayotte la semaine dernière, c’est également des travaux qui visent à trouver des solutions techniques pour qu’un tel avion en version évacuation médical soit capable de prendre en charge un ou deux patients en réanimation atteints du Covid”, détaille-t-il, ajoutant que sur ce dernier point, il s’agit “d’un vrai défi technique, mais que nous sommes en passe de relever”.

Mais c’est bien en mer, avec les immenses capacités du porte-hélicoptères, deuxième plus gros bâtiment après le Charles-de-Gaulle, que se joue un point des plus cruciaux dans l’assistance à notre territoire. “Au niveau maritime, on note la mobilisation du Champlain qui a pu livrer ces derniers jours un stock d’oxygène pour le territoire. La frégate Nivôse y est également déployée et bien évidemment, il y a cet élément essentiel pour nous dans le cadre de notre action qui est la mission Jeanne-D’Arc présente dans la zone avec le PHA Le Mistral et qui nous apporte toute une palette de capacités très polyvalentes”, assure encore le général Métayer.

Si nombre d’observateurs ont pu déplorer que le navire ne puisse opérer de soutien médical en l’absence de configuration de type navire-hôpital, le Mistral opérera toutefois une mission majeure pour le département. “Nous avons en plus de différentes capacités, d’immenses possibilités de chargement, jusqu’à mille tonnes, avec ce bâtiment, et c’est la raison pour laquelle nous avons accosté le 10 avril à La Réunion pour charger entre 200 et 300 tonnes de fret au profit de Mayotte dans le cadre de l’opération Résilience”, explique ainsi le capitaine de vaisseau et commandant de la mission Jeanne-D’Arc, Vincent Sébastien.

Objectif n° 1 : assurer l’approvisionnement de Mayotte

“Les liaisons aériennes ont été interrompues entre Mayotte et la métropole, le trafic maritime mondial est fortement perturbé et donc pour un territoire comme Mayotte, les perturbations sont assez rapides”, rappelle de son côté le commandant des Fazsoi au retour de quelques jours passés sur le département où il a pu notamment s’entretenir avec le préfet. “C’est la raison pour laquelle nous avons mis un pont aérien entre La Réunion et Mayotte, mais celui-ci ne sera peut-être pas capable de répondre à tous les besoins. En utilisant la capacité logistique considérable du porte-hélicoptères, l’idée était d’offrir un maximum d’autonomie au territoire, car alors que nous chargeons 300 tonnes sur le Mistral, le pont aérien, lui, n’a qu’une capacité de 30 tonnes par semaine. Mais c’est une logistique complémentaire, car il y a des produits pour Mayotte qui doivent être réapprovisionnés tous les trois jours dans le domaine santé”, détaille encore le général Métayer.

Eau, denrées, gel hydroalcoolique, masques de protection ou encore matelas ont ainsi fait leur entrée en masse dans les cales du Mistral. Sans que le volet sanitaire ne soit envisagé. “L’emploi aujourd’hui prioritaire du Mistral est avant tout logistique, l’emploi sanitaire, lui, n’a pas été mis en avant, car pour l’heure le navire n’est pas configuré pour prendre en charge des patients Covid, en particulier des patients en réanimation”, appuie le capitaine de vaisseau, rejoint par le général Métayer pour qui le Mistral “ne présente pas d’intérêt pour faire la bascule entre les deux territoires pour des patients en réanimation au vu de la durée de transit (trois jours), voire présenterait des risques”, tout en rappelant que le navire pourrait éventuellement se projeter en mer et opérer la bascule avec ses hélicoptères. “Ce qui a été réalisé avec le PHA Tonnerre entre la Corse et la métropole n’est pas reproductible. Par ailleurs, il serait encore plus paradoxal de prendre des capacités des structures hospitalières de Mayotte ou de La Réunion pour équiper le Mistral. C’est plutôt par la voie aérienne que cette opération est la plus pertinente”, soutient encore le général Métayer.

Le 101ème département au cœur des attentions des Fazsoi

Quoi qu’il en soit, c’est vers le 101ème département que les regards des forces armées dans la zone se tournent aujourd’hui en priorité. “Vous avez compris que l’emploi du PHA pour le moment, c’est depuis La Réunion au profit de Mayotte. On utilise ce premier territoire, ses structures portuaires, économiques et industrielles pour réaliser une projection de capacités logistiques au profit de Mayotte. Aujourd’hui, le PHA est donc utilisé au profit de Mayotte, car pour l’heure, le territoire de La Réunion n’a pas de difficultés dans ce domaine-là. S’agissant de l’appui santé, nos capacités sont nettement plus limitées. Notre aide s’articule avant tout sur le volet logistique, mais aussi par des travaux avec les autorités sanitaires qui doivent permettre d’anticiper quels pourraient être les besoins lourds en matière de santé dans les semaines à venir et comment les armées pourraient se mobiliser dans ce cadre”, explique le commandant des Fazsoi.

Autre défi pour les troupes du général Métayer : poursuivre les missions de protection, car le “contexte sécuritaire, lui, évolue peu”. “On ne peut pas relâcher la vigilance durant le temps de la crise, il faut donc mener conjointement les deux, c’est-à-dire prendre tout un panel de dispositions pour protéger nos capacités et poursuivre nos missions sans être contraints dans les semaines à venir par une éventuelle épidémie en interne”, souligne ainsi Yves Métayer. Autant d’éléments à prendre en compte donc, dans une organisation que le militaire assure sereine.

 

Une cagnotte pour des enfants mahorais passés de “la faim à la famine”

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Lassés par l’inertie des pouvoirs publics face au manque alimentaire de leurs élèves, une poignée d’enseignants de Passamaïnty ont décidé d’agir. Leur cagnotte a déjà récolté 3.200 euros et doit venir en soutien aux autres dispositifs d’aides alimentaires.

“On est là, avec notre petit tableau Excel du matin au soir pour essayer de joindre les gamins.” Dans le combiné, la voix de Louise* tremble un peu, se casse parfois, signe que l’enseignante est à bout de nerfs. La quatrième semaine de confinement arrive à son terme, et pourtant, depuis le 16 mars, les choses n’avancent pas assez vite, au grand dam de ces professeurs qui ont peur de perdre le contact avec leurs élèves les plus démunis. Et qu’ils savent dans une profonde détresse depuis plusieurs jours. Car le confinement a débuté juste après deux semaines de vacances, une période déjà difficile pour ces enfants privés de fait de leur collation quotidienne. Et désormais, ce sont aussi leurs parents, dont très peu ici ont une épargne, qui doivent trouver de quoi nourrir la famille sans leur gagne-pain habituel. “Dès la deuxième semaine, ces foyers n’avaient déjà plus rien, ce sont des gens habitués à vivre au jour le jour et avec le confinement, ils ne peuvent plus”, souffle encore l’enseignante. “On a fait remonter ce problème aux autorités, mais les réponses qui nous sont parvenues restent à ce jour très vagues.”

Or il y “urgence”, d’après l’enseignante, qui estime entre 5 et 10 élèves en manque alimentaire par classe – avec des différences selon les établissements de l’île, bien sûr. Face à l’inertie des pouvoirs publics, plusieurs professeurs du collège Ouvoimoja de Passamaïnty, particulièrement concernés, ont donc lancé une cagnotte en ligne, sur le site lepotcommun.fr., qui a déjà recueilli plus de 3.200 euros (cf https://www.lepotcommun.fr/pot/xd6um2qm) – voire plus de 5.000 euros, en prenant en compte certains dons en liquide. Objectif : venir en aide aux familles de Passamaïnty et de Vahibé. En guise d’explication, la description de la cagnotte rappelle simplement que “le confinement rend d’autant plus compliquée la vie de ceux qui n’ont pour vivre que des petits emplois de subsistance (vente de légumes, ménages, etc.)”, et qu’ils ont décidé de “soutenir ces personnes, à leur échelle, en organisant des distributions de colis alimentaires aux familles dans le besoin” tout en s’engageant à respecter “toutes les consignes de sécurité et les gestes barrières recommandés par l’ARS”.

Une cagnotte pour gagner du temps

Avant d’en venir à cette cagnotte, chacun y est allé de sa propre initiative. “Il n’y a pas une journée sans que nous allions leur apporter du riz”, témoigne ainsi Louise. Mais rapidement, ces petites actions individuelles ne suffisent plus : la liste des enfants dans le besoin commence à s’allonger dangereusement. Car les familles qui parviennent d’ordinaire à gagner péniblement de quoi payer la PARS, viennent aujourd’hui s’ajouter à celles qui en bénéficient grâce au fond social de l’établissement. Ceux-là sont passés de “la faim à la famine”, résume l’enseignante. L’idée de la cagnotte est donc née, “un peu vite à mon goût, car il ne faut pas que cela permette aux gens de se détourner du problème en donnant dix euros”. Pour elle, il s’agit surtout de proposer une solution, car “nous manquons de directives qui viennent d’en haut”. Alors, la “base” s’organise comme elle peut, pour pallier le retard des pouvoirs publics. À terme, il s’agira de négocier avec les enseignes de distribution pour transformer ces précieux euros en bons et éviter ainsi les attroupements. “Cette cagnotte pourra venir en complément des bons de la Croix Rouge, qui restent assez frugaux, et surtout en attendant de recevoir les aides du conseil départemental et de l’État”, explique-t-elle. Une cagnotte tampon donc, pour gagner du temps.

Des vacances qui tombent mal

Car le temps, justement, vient à manquer. Et là-dessus, Louise n’en démord pas : l’État, le rectorat, les mairies ne semblent pas toujours avoir conscience d’après elle de l’urgence de la situation. Quand le rectorat a annoncé une semaine de vacances improvisée à partir du 11 avril, la professeure de Passamaïnty est d’ailleurs tombée des nues : “Ils nous parlent de vacances alors qu’il reste un travail monstre à effectuer pour identifier tous les enfants en difficulté. Certains n’ont pas de téléphone, vivent dans des coins reculés, des dizaines d’entre eux risquent d’être oubliés”, s’inquiète-t-elle.

Pour le recteur Gilles Halbout, il s’agit surtout de donner “une semaine de coupure”, après quatre semaines intensives qui ont nécessité “beaucoup d’investissement de la part de tous pour s’adapter, adapter les supports pédagogiques, revoir les cours”. Et cela permettra de se “calquer sur le rythme de la métropole (qui vient d’entamer les vacances de Pâques) en prévision du déconfinement”, ajoute-t-il. Quant aux distributions alimentaires, le représentant de l’Éducation nationale mise encore sur le dialogue avec les mairies, la préfecture et le CSSM, sans qui “rien ne peut être fait”. Une nouvelle distribution de PARS devrait toutefois avoir lieu cette semaine, sans qu’il sache pour l’heure quand et comment elle aura lieu. “Mais ce seront désormais des paniers qui correspondent à une semaine de nourriture”, décrit-il. La dernière distribution des PARS avait connu quelques couacs de dernière minute, car la crainte d’attroupements avait poussé la préfecture à annuler ces distributions, pour les laisser aux soins des mairies et des associations. Mais pour passer aux bons, là encore, il faudra attendre. “Les bons ne sont pas juste une photocopie, et il nous faut étudier la question avec la préfecture. Avec des bons, vous créez une monnaie, qui peut être stockée, ce n’est pas anodin”, soulève Gilles Halbout. Certes, mais l’heure n’est pas vraiment à l’épargne, surtout pour les familles les plus précaires…

* le prénom a été modifié

 

“Nous parlons d’une des priorités actuelles de l’État sur le territoire de Mayotte”, assure Jérôme Millet

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Distributions de bons alimentaires, installations de rampes d’eau, état des stocks… Jérôme Millet, secrétaire général adjoint de la préfecture de Mayotte et à la manœuvre sur ces questions fait le point sur la réponse de l’État face à la montée en puissance alarmante des besoins d’assistance alimentaire sur le territoire.

Flash Infos : Vous annoncez aujourd’hui modifier les modalités de distribution alimentaire, quels seront les contours des nouvelles opérations ?

Jérôme Millet : L’expérience nous a montré qu’il était difficile de procéder à des distributions de denrées alimentaires tout en permettant un respect satisfaisant des gestes barrières tels que la distanciation sociale. Nous nous orientons donc dorénavant vers des distributions de bons alimentaires opérées en partenariat avec les associations et les centres communaux d’action sociale. Les choses avancent, et pour preuve, j’ai déjà pu distribuer ce samedi 100.000 euros de bons à une dizaine d’associations.

FI : Cela sera-t-il assez au regard des demandes ? Les moyens humains, notamment en bénévolat, sont-ils suffisants dans les associations ?

J. M. : Au niveau de la demande, les choses sont relativement difficiles à évaluer. D’où l’intérêt de ce partenariat avec les acteurs de terrain. Ce sont les associations qui donnent le rythme, mais à leur côté, l’État est pleinement mobilisé : pour le moment nous avons bloqué 300.000 euros pour cette opération et bénéficions de 100.000 euros supplémentaires par l’intermédiaire du Haut commissariat à la lutte contre la pauvreté. Nous distribuons cela avec nos partenaires de terrain, mais nous reposons également sur des critères objectifs de pauvreté comme les quartiers dits “politique de la ville”, tout en gardant une certaine flexibilité et c’est pour cette raison que nous organisons la distribution en plusieurs fois, afin d’être en mesure de réajuster le tir si besoin. Plutôt que d’avaler le nombre de bénéficiaires potentiels, nous préférons raisonner en termes de familles, ce que font également les CCAS. Un certain nombre d’entre elles sont déjà identifiées, mais quand on sait que 84 % de la population vit ici en dessous du seuil de pauvreté, on voit bien bien qu’il faut aller plus loin et c’est notamment l’une des missions confiées aux associations : identifier sur le terrain les familles dans le besoin, entrer dans une logique de complémentarité entre tous les acteurs afin que l’on puisse couvrir au mieux les besoins.

Concernant les moyens humains disponibles, nous n’avons pas pour le moment eu de retour s’alarmant d’un manque de bénévoles ou de personnels. Les forces humaines ne semblent pas être la première des difficultés rencontrées par les associations. Par ailleurs, la plateforme jeveuxaider a déjà récolté plus de 1.000 inscriptions sur le territoire, nous pouvons faire appel à ces volontaires si besoin.

FI : Au-delà du problème alimentaire, se pose celui de l’accès à l’eau, quelle sera la réponse de l’État ?

J. M. : Le problème, comme celui de l’alimentation, n’est pas nouveau, mais la crise tend à l’aggraver fortement. Et l’urgence appelle effectivement à une réponse, c’est pour cette raison qu’avec l’appui de l’ARS, nous allons installer une quinzaine de rampes d’eau sur les points les plus critiques. Nous allons mettre rapidement cela en place, avec un à trois jours d’installation selon les conditions de terrain. Par ailleurs, le préfet va proposer aux élus locaux d’ouvrir certains établissements de leurs villes afin de permettre un accès à l’eau dans le respect des gestes barrières. Car, rappelons-le, cette compétence relève des communes et non de l’État, même en période de crise. Enfin, nous allons mettre en œuvre avec nos partenaires une distribution beaucoup plus large des cartes monétiques qui permettent l’accès aux bornes afférentes. 700 cartes seront ainsi distribuées dans les Douka Bé pour permettre un accès beaucoup plus largeur celui permis par le système précédent.

FI : De manière générale, ne vous êtes-vous pas sentis pris de court par la rapidité avec lesquels ces besoins se sont fait ressentir ? Vous sentez-vous aujourd’hui en capacité d’y répondre ?

J. M. : La pauvreté existait déjà à Mayotte. Mais la crise est venue bousculer l’économie informelle dont une partie de la population dépendait, elle a encore plus précarisé une partie des habitants de l’île. Par ailleurs, la fermeture des établissements scolaires a empêché bon nombre d’enfants d’accéder à un repas quotidien. Mais face à cela, la myriade d’acteurs qui œuvre dans l’aide alimentaire s’est mobilisée et l’État, comme je vous l’ai dit, a réussi à trouver des fonds. Déjà, fin mars, c’est bien l’État qui a proposé d’agir avec la distribution de 30.000 collations. C’est le préfet qui a appelé les grandes et moyennes surfaces à faire don de leurs invendus. Et c’est aussi lui qui a fait sauter le verrou empêchant jusqu’à présent à de nombreuses associations de procéder à de la distribution alimentaire, ce qui a eu pour effet de démultiplier le nombre d’acteurs en mesure de venir en aide à la population.

Et nous ne nous arrêtons pas là, car, par exemple, nous envisageons la réouverture de certains marchés dans le respect des mesures sanitaires. D’ici la fin de semaine, nous poursuivrons notre accompagnement des communes en livrant un guide méthodologique de distribution alimentaire afin d’éviter les rassemblements que nous avons pu observer.

Nous parlons là d’une des priorités actuelles de l’action de l’État à Mayotte. Nous nous mettons en état de répondre à la crise alimentaire afin qu’elle ne se mue pas en une crise d’ordre public. Les efforts, notamment financiers, en ce sens, sont considérables.

F. I : L’état des stocks suscite-t-il de l’inquiétude ? Notamment à l’approche du ramadan ?

J. M. : Concernant le ramadan, nous nous préparons. Le préfet a mis en place un groupe de travail composé de Mahorais musulmans afin qu’il livre ses recommandations pour concilier les pratiques religieuses et celles qu’impose la crise sanitaire. Sur son impact au niveau des stocks, nous ne sommes pas spécialement inquiets, car les achats massifs semblent déjà avoir eu lieu, ils vont perdurer encore quelques jours puis devraient baisser. Concernant le stock général, nous suivons de très près l’état des denrées de manière quotidienne. Et nous bénéficions aujourd’hui de deux ponts : l’un aérien et rapide, l’autre maritime qui met certes un peu plus de temps à s’organiser, mais qui assure un réapprovisionnement massif.

Propos recueillis par G. M

 

“La boule au ventre”, les agents de restauration du centre hospitalier de Mayotte apportent leur contribution

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Dans l’ombre des personnels soignants, les agents de restauration du centre hospitalier de Mayotte sont autant sur le pied de guerre que leurs collègues en première ligne. Pour chaque repas, ils doivent préparer plus de 300 plateaux pour les patients, en gardant toujours à l’esprit que le risque de contamination existe bel et bien.

Charlottes vissées sur la tête et tabliers enroulés autour de la taille, Saouia, Hadiya, Mariam, Houbaili et Daroueche s’activent dans la chambre froide ce vendredi. À quelques minutes d’envoyer les 326 menus du midi aux patients du centre hospitalier de Mayotte, les agents de restauration répètent les mêmes gestes à une cadence infernale. Charriots à proximité, tous remplissent leurs plateaux respectifs avant de les enfourner. Sur le pied de guerre depuis 6h du matin, ces petites mains de l’ombre ont un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’établissement. Mais à la différence des cuisines des autres hôpitaux, celle de Mamoudzou n’en a que le nom. “On n’a pas de production sur place, tout est fait en liaison froide, via un prestataire qui nous livre”, détaille Manrouffou Yves, le responsable de l’équipe. “On reçoit la livraison à température dirigée, entre 0 et 3 degrés, on stock et on réalise l’allotissement, ce qui consiste à mettre en assiette.” La raison de ce procédé ? Probablement structurelle en raison des locaux inadaptés pour une telle mission, mais aussi vraisemblablement économique… “Au moins, toute la partie gestion des approvisionnements n’est plus à notre charge.” Seule difficulté avec ce mode de fonctionnement : la prise en charge des régimes des uns et des autres en fonction des consignes données par les services de soins. “On a des diabétiques, mais aussi d’autres pathologies qui nous obligent à servir des repas à texture modifiée, c’est-à-dire mixés.” Sans oublier qu’entre la commande et la réception, il peut y avoir des entrées et des sorties durant ce délai de trois jours, donc “l’ajustement est délicat”.

Une paire de gants pour chaque agent

Si une autre équipe s’occupe de brancher les charriots dans les services de soins respectifs pour servir le déjeuner ou le dîner à la bonne température, la mission des agents de restauration ne s’arrête pas pour autant. Il faut gérer la plonge au retour des plateaux. Et c’est cette tâche qui les inquiète davantage. “En travaillant dans les cuisines de l’hôpital, on est en contact avec les restes alimentaires des malades”, rappelle Manrouffou Yves. Et avec le Covid-19 qui rôde dans l’enceinte, la panique peut vite prendre le dessus. Mais heureusement que Saouia, Hadiya, Mariame, Houbaili et Daroueche se serrent les coudes. Une chance en cette période confinement, sachant que sur les 26 employés du service, certains sont en arrêt maladie de longues dates à cause des conditions de travail et d’autres sont victimes de la dengue… Alors pour ne pas prendre de risques inutiles et pour dissiper les doutes, des mesures de protection s’imposent. La principale d’entre elles ? Équiper chaque agent de sa propre paire de gants pour faire la vaisselle ! “On a accentué la vigilance et on fait encore plus attention aux réglementations d’hygiène.”

Un positif doit manger sur un support jetable

Alors que le chômage partiel touche une grande partie des restaurants mahorais, le centre hospitalier de Mayotte ne peut se permettre l’arrêt sa restauration. Et Manrouffou Yves a conscience du rôle crucial de ses agents. “On est là pour apporter notre contribution et offrir la possibilité aux malades de retrouver leur forme. On a un rôle essentiel par rapport aux soins. On contribue au bien-être des patients et des soignants.” Cet optimisme n’enlève toutefois pas les craintes face à l’atmosphère générale qui règne sur le territoire à cause de la propagation du virus. “Mes équipes viennent avec la boule au ventre parce qu’elles savent que l’on envoie des repas dans des services où le Covid-19 est bel et bien présent.” Ainsi, les agents avouent travailler avec la peur de se retrouver positifs. “Notre demande est de faire en sorte que si quelqu’un est contaminé, il doit manger sur un support jetable.” Mais comme ailleurs, quelques couacs existent ! “C’est très dangereux pour nous, on l’a toujours en tête !”

 

Gueules d’amour reste sur le qui-vive

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Pas de trêve pour Gueules d’amour durant le confinement. Si le refuge de l’organisme reste ouvert sous conditions pour les adoptions et les dépôts d’animaux en danger, l’association redoute par avance la situation qu’ils vont trouver lors du déconfinement. Tyler Biasini, son président, l’explique.

Flash Infos : La semaine dernière, le gouvernement a accordé une dérogation de déplacement aux personnes qui souhaiteraient se rendre dans un refuge pour adopter un animal de compagnie. La mesure a vocation d’éviter l’engorgement de ces lieux d’accueil pour animaux. S’applique-t-elle aussi à Mayotte ?

Tyler Biasini : Oui, bien sûr. Il faut toutefois que les gens choisissent préalablement leur animal en ligne, via notre page Facebook ou le site internet de l’association*, et nous appellent pour nous le faire savoir et afin de fixer un rendez-vous pour l’adoption. Cela permet d’étaler les venues aux refuges et d’éviter que trop de monde s’y retrouve simultanément. Grâce à ce système, les personnes viennent une par une. Par ailleurs, une fois que l’animal a été choisi, l’association rédige une attestation qui est envoyée à l’adoptant pour que la dérogation s’applique.

FI : Et qu’en est-il pour la situation inverse, lorsque des gens souhaitent déposer des animaux recueillis au refuge ?

T. B. : Une vie, même animale, demeure une vie. C’est donc également autorisé et en toute logique les gens peuvent se déplacer jusqu’au refuge s’ils voient un animal en danger. Jusqu’ici en tout cas, il n’y a pas eu de problèmes avec ça.

En revanche, cela n’est valable que pour les refuges, pas pour les associations autres et qui n’ont pas de structures d’accueil.

FI : Que constatez-vous durant ce confinement ? On imagine que ce dernier a des conséquences sur l’activité de l’association, notamment en termes d’accueil, de campagnes de stérilisation, etc.

T. B. : Cela complique tout pour nous puisque nous n’avons plus du tout de signalements. Les particuliers sont confinés, ne se déplacent plus, et ne peuvent donc plus nous signaler les chiots ou chatons en danger, par exemple. En brousse, nous n’avons plus du tout de signalements d’animaux errants non plus. Cela nous cause d’énormes soucis, car une fois le confinement terminé, on risque de se retrouver avec des hordes de chiens et de chats là où personne n’aura été durant tout ce temps.

FI : De plus en plus de jeunes recueillent des chiens pour les dresser. Y a-t-il une crainte particulière à ce niveau-là ?

T. B. : Il faut effectivement faire attention à ce qui va advenir après le confinement. Ces jeunes-là prennent de moins en moins de précautions, car tout le monde est confiné, et ils font parfois des élevages à proximité des habitations. Ils n’ont plus besoin d’aller se cacher dans la brousse, car ils savent que les gens ne peuvent plus sortir. Moi je continue mon travail, mais n’ayant plus de signalements c’est compliqué de marcher des heures durant dans le vide pour trouver ces pauvres chiens. Nous redoutons donc ce que nous allons trouver après le confinement, même en termes de cadavres d’animaux maltraités.

FI : Peu soutenue par les collectivités, Gueules d’amour fait régulièrement appel aux dons. Ceux-ci sont-ils en réduction également en ce moment ?

T. B. : Il y a une répercussion, oui. La plupart des entreprises sont fermées et les particuliers sont chez eux avec un salaire amputé, donc nous avons moins de dons. L’association est soutenue à hauteur de 5.000 euros par la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) pour tout ce qui relève de la stérilisation et de l’identification des animaux. Mais pour tous les frais de fonctionnement – nourriture des animaux, entretien, factures, salaires de nos trois employés, etc. -, on doit se débrouiller. Nous avons construit des box grâce à des cagnottes et des dons comme ceux de l’entreprise Ballou, qui nous soutient depuis plusieurs années.

Toute aide est donc bienvenue, même si c’est juste un sac de croquettes. Je peux me déplacer pour les récupérer durant le confinement s’il le faut. Par ailleurs, nous avons en ce moment une cagnotte pour nous aider à acheter des croquettes. Les gens peuvent y participer sur notre page Facebook : Association Gueules d’amour.

Propos recueillis par G.V

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes