“La boule au ventre”, les agents de restauration du centre hospitalier de Mayotte apportent leur contribution

Dans l’ombre des personnels soignants, les agents de restauration du centre hospitalier de Mayotte sont autant sur le pied de guerre que leurs collègues en première ligne. Pour chaque repas, ils doivent préparer plus de 300 plateaux pour les patients, en gardant toujours à l’esprit que le risque de contamination existe bel et bien.

Charlottes vissées sur la tête et tabliers enroulés autour de la taille, Saouia, Hadiya, Mariam, Houbaili et Daroueche s’activent dans la chambre froide ce vendredi. À quelques minutes d’envoyer les 326 menus du midi aux patients du centre hospitalier de Mayotte, les agents de restauration répètent les mêmes gestes à une cadence infernale. Charriots à proximité, tous remplissent leurs plateaux respectifs avant de les enfourner. Sur le pied de guerre depuis 6h du matin, ces petites mains de l’ombre ont un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’établissement. Mais à la différence des cuisines des autres hôpitaux, celle de Mamoudzou n’en a que le nom. “On n’a pas de production sur place, tout est fait en liaison froide, via un prestataire qui nous livre”, détaille Manrouffou Yves, le responsable de l’équipe. “On reçoit la livraison à température dirigée, entre 0 et 3 degrés, on stock et on réalise l’allotissement, ce qui consiste à mettre en assiette.” La raison de ce procédé ? Probablement structurelle en raison des locaux inadaptés pour une telle mission, mais aussi vraisemblablement économique… “Au moins, toute la partie gestion des approvisionnements n’est plus à notre charge.” Seule difficulté avec ce mode de fonctionnement : la prise en charge des régimes des uns et des autres en fonction des consignes données par les services de soins. “On a des diabétiques, mais aussi d’autres pathologies qui nous obligent à servir des repas à texture modifiée, c’est-à-dire mixés.” Sans oublier qu’entre la commande et la réception, il peut y avoir des entrées et des sorties durant ce délai de trois jours, donc “l’ajustement est délicat”.

Une paire de gants pour chaque agent

Si une autre équipe s’occupe de brancher les charriots dans les services de soins respectifs pour servir le déjeuner ou le dîner à la bonne température, la mission des agents de restauration ne s’arrête pas pour autant. Il faut gérer la plonge au retour des plateaux. Et c’est cette tâche qui les inquiète davantage. “En travaillant dans les cuisines de l’hôpital, on est en contact avec les restes alimentaires des malades”, rappelle Manrouffou Yves. Et avec le Covid-19 qui rôde dans l’enceinte, la panique peut vite prendre le dessus. Mais heureusement que Saouia, Hadiya, Mariame, Houbaili et Daroueche se serrent les coudes. Une chance en cette période confinement, sachant que sur les 26 employés du service, certains sont en arrêt maladie de longues dates à cause des conditions de travail et d’autres sont victimes de la dengue… Alors pour ne pas prendre de risques inutiles et pour dissiper les doutes, des mesures de protection s’imposent. La principale d’entre elles ? Équiper chaque agent de sa propre paire de gants pour faire la vaisselle ! “On a accentué la vigilance et on fait encore plus attention aux réglementations d’hygiène.”

Un positif doit manger sur un support jetable

Alors que le chômage partiel touche une grande partie des restaurants mahorais, le centre hospitalier de Mayotte ne peut se permettre l’arrêt sa restauration. Et Manrouffou Yves a conscience du rôle crucial de ses agents. “On est là pour apporter notre contribution et offrir la possibilité aux malades de retrouver leur forme. On a un rôle essentiel par rapport aux soins. On contribue au bien-être des patients et des soignants.” Cet optimisme n’enlève toutefois pas les craintes face à l’atmosphère générale qui règne sur le territoire à cause de la propagation du virus. “Mes équipes viennent avec la boule au ventre parce qu’elles savent que l’on envoie des repas dans des services où le Covid-19 est bel et bien présent.” Ainsi, les agents avouent travailler avec la peur de se retrouver positifs. “Notre demande est de faire en sorte que si quelqu’un est contaminé, il doit manger sur un support jetable.” Mais comme ailleurs, quelques couacs existent ! “C’est très dangereux pour nous, on l’a toujours en tête !”

 

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