Le budget est désormais voté et le Département voudrait aller vite dans la mise en service des brigades de vigilance citoyenne composées de centaines de médiateurs de terrain. Mais la crise sanitaire embarque avec elle des priorités qui, pour les partenaires de la collectivité, supplantent celle-ci.
Il marche seul. En attendant que ses compagnons de route le retrouvent sur le chemin de la lutte contre la délinquance, le conseil départemental voté, ce 30 avril, le budget dédié aux brigades de vigilance citoyenne. 400.000 euros seront ainsi consacrés pour permettre le recrutement d’une centaine de professionnels auprès du Département, chargés de superviser l’action de terrain de quelque 600 bénévoles répartis au sein de plusieurs associations.
Le projet annoncé le 11 mars n’est donc pas oublié. Il est même “urgent” à entendre le vice-président du département en charge de l’action sociale, Issa Issa Abdou. “Les événements récents de violence le prouvent de la plus évidente des manières, ils nous donnent raison sur notre volonté d’agir vite pour mettre ce dispositif en place. On ne peut plus faire l’impasse sur le pari du dialogue et se contenter d’un côté de mourengué qui dégénèrent et de l’autre d’un décompte des grenades lancées”, soutient ainsi l’élu départemental.
Pour autant, les freins sont nombreux à la mise en en place concrète de ce dispositif qui se veut “audacieux et très encadré sans reproduire les erreurs du passé que l’on a pu observer à travers les maillots jaunes”, selon Issa Issa Abdou. À commencer par la crise sanitaire. “De notre côté, nous sommes prêts, mais il est vrai que le confinement complique largement la tâche. D’un côté, nous souhaitons le faire, mais mettre des centaines de personnes dans la rue en ce moment n’est pas évident. On voudrait agir vite, tout de suite, mais nous n’avons pas encore trouvé la parade pour ce faire”, confie le vice-président.
“Plus d’actualité” pour la préfecture
Et la tâche se complique d’autant que les partenaires initiaux du projet, au premier rang desquels l’État en copilote, sont plus que réservés sur la notion d’urgence quant à la mise sur pied des brigades de vigilance citoyenne. “Que le conseil départemental délibère pour préparer le terrain est très bien, mais il est vrai que de notre côté nous avons certaines priorités liées à la crise sanitaire à gérer. Dans ce cadre, le projet n’est plus trop d’actualité en ce moment”, explique ainsi Jérôme Millet, le secrétaire général adjoint de la préfecture en charge de ce dossier, tout en assurant que “nous le reprendrons dès que possible”. Du côté de la gendarmerie qui a fort à faire en ce moment, on est même “passé à autre chose”, lance le général Philippe Leclerq. “Le contexte a beaucoup évolué depuis, notre configuration est nettement plus orientée sur la crise sanitaire et le maintien de l’ordre public dans une situation dégradée”, poursuit le commandant des forces de gendarmerie sur le territoire. “On avance main dans la main sur ce sujet”, promettaient pourtant l’ensemble des parties prenantes lors de la présentation du projet le 11 mars. Il faut croire que, pour une fois, les gestes barrières ont bien été intégrés.
Hier soir, le préfet de Mayotte tenait un point général par audioconférence. En ligne de mire : le pic de Covid-19 que connaît le territoire et le déconfinement annoncé pour le 18 mai. Parmi les points forts : une possible reprise des vols commerciaux dès le début du mois de juin.
Alors que le premier ministre, Édouard Philippe, présentait son plan de déconfinement devant le Sénat, hier, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, tenait un point presse dans la foulée. Au centre des préoccupations, la crise sanitaire, mais aussi le déconfinement annoncé, pour Mayotte, le 18 mai.
Sur ce dernier point, le préfet a proposé au gouvernement la reprise des vols commerciaux dès le début du mois de juin – “le 2, voire le 9” –, sous réserve toutefois que Mayotte soit sortie de la zone rouge. “Il y aurait naturellement des garanties sanitaires”, a précisé Jean-François Colombet, citant le groupe Aéroport de Paris qui travaille actuellement sur un projet de “parcours sanitaires” des passagers fréquentant Roissy-Charles de Gaulle. Notamment grâce à des tests réalisés 24h avant le départ. “C’est sur cette base que l’on pourrait avancer, afin que des voyageurs puissent monter dans l’avion à destination de Mayotte sans avoir le moindre risque de contaminer qui que ce soit ici.” Mais à l’inverse ? Pour les vols de Mayotte vers la métropole ? Les passagers en provenance de Mayotte seront-ils soumis aux mesures d’isolement abordées par le gouvernement il y a quelques jours ? Sur ce point, le préfet renvoie au projet de loi en débat sur le sujet, voté dans la semaine.
Une ouverture des vols commerciaux qui est indispensable à la reprise de l’économie, estime le haut fonctionnaire, qui qualifie la situation du secteur économique de “très tendue, notamment sur le secteur du tourisme et de la restauration”. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le préfet plaide pour une réouverture des bars et restaurants – “souvent en plein air et aérés” – de manière raisonnée et encadrée le 25 mai. D’ici là, les Mahorais pourront peut-être se réjouir d’un accès aux plages, au lagon, ou aux terrains de sport dès le 14 mai, toujours si la situation le permet et de façon responsable.
Épidémie en cours
Car, évidemment, toutes ces possibilités sont soumises à l’évolution de l’épidémie sur le territoire. Et celle-ci est actuellement en pleine expansion à Mayotte. Si cette hausse est liée à l’augmentation des tests pratiqués, le taux de positivité augmente aussi puisqu’il a été “multiplié par trois pratiquement en une dizaine de jours, comme prévu par les modèles mis en place”, a rappelé le préfet. Et même si “la gravité est très en deçà de ce que nous avons connu sur le territoire métropolitain”, le constat nécessite naturellement des moyens pour réaliser des tests supplémentaires : “une question très importante [sur laquelle] il faut que l’on monte en puissance. (…) Chaque individu testé est un atout supplémentaire pour lutter contre le virus.”
Par ailleurs, si l’hôpital militaire installé à Mulhouse ne viendra pas à Mayotte comme il a pu être dit, “la réunion interministérielle de la semaine dernière a validé le transfert des personnels et des matériels qui nous sont nécessaires et qu’avait demandé l’autorité sanitaire. Nous sommes en train de discuter des modalités de transfert.”
Transfert également pour les masques indispensables au déconfinement. Le préfet a annoncé avoir “commandé avec le conseil départemental 300.000 masques à Madagascar”. Des modèles Afnor “de très haut niveau” qui devraient arriver sur l’île “la semaine prochaine.” Une commande qui s’ajoute aux masques à usage unique annoncés par le gouvernement et “que nous sommes en train d’acheminer”.
Enfin, toujours sur la question sanitaire, l’évacuation vers le CHU de La Réunion des patients du service médecine non porteurs du Covid -19 a été actée. Ce dernier service du CHM est, en effet, à l’heure actuelle plus impacté par l’épidémie que le service de réanimation.
Alors que l’épidémie a atteint le stade 3 et que tout le département est touché, l’ARS, qui suit de près l’évolution des clusters, fait face à une augmentation préoccupante des cas dans les quartiers les plus précaires, notamment dans le grand Mamoudzou.
Fêter le 1er mai en télétravail n’aura pas suffi à freiner la propagation galopante du Covid-19, en ce qui concerne Mayotte. Ce lundi, c’est un total de 686 personnes qui ont été testées positives, soit 90 cas supplémentaires depuis samedi. Voire 91. La mort de Hadj Abdourahame Ben Omar, grand Imam de la mosquée de Mamoudzou, est venue grossir les rangs des patients décédés du fameux virus, même s’il faut attendre le résultat du test PCR pour l’intégrer aux six décès officiels déjà annoncés. “Le tableau clinique et le scanner sont typiques”, note toutefois Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé, en cette fin d’après-midi. Deux décès supplémentaires concernant le département, annoncé vendredi au niveau national par le directeur général de la santé Jérôme Salomon, doivent encore faire l’objet de vérifications, car leurs tests étaient revenus négatifs. “Pour l’un, il y a un faisceau de symptômes qui pointent vers le Covid-19, pour l’autre, l’examen clinique n’est pas convaincant”, précise Dominique Voynet.
Voilà pour le tableau général. Mayotte confirme donc la trajectoire qui fait d’elle le seul département d’Outre-mer encore en rouge sur la carte. “Pas un seul village, ni une tranche de population, ni une tranche d’âge n’y échappe désormais”, confirme la responsable de l’autorité sanitaire, qui relève aussi une “augmentation rapide et brutale des nouveaux cas depuis le début du ramadan”. Entre le calendrier religieux, l’annonce du déconfinement et “des opérations spectaculaires de jeunes occupant l’espace public” – référence faite aux affrontements du week-end entre jeunes et forces de police -, le virus confirme son installation sur le territoire.
Des clusters dans des zones précaires
Mais une autre caractéristique préoccupe les experts sanitaires ces derniers jours : la circulation du virus dans certains clusters. “Il y a une concentration dans des zones précaires du grand Mamoudzou”, souligne la directrice. En cause, une moins bonne circulation des informations relatives à l’importance des gestes barrières et des règles de distanciation sociale, suppose-t-elle. Et c’est sans compter les attroupements qui ont pu être observés au moment des distributions alimentaires… Quoi qu’il en soit, cette situation rappelle l’importance du travail conjoint des équipes mobiles de l’ARS, qui sillonnent le territoire pour diffuser les bonnes pratiques et identifier les cas contacts, et des acteurs de proximité, communes, CCAS et associations.
Mayotte face à la vague
Pour faire face à cette situation, plusieurs dispositifs sont étudiés. En soutien aux équipes de l’ARS, une plateforme devrait être mise en place, gérée par l’Assurance maladie et des médecins libéraux volontaires. Objectif : effectuer un premier “screening” des cas contacts, et permettre à l’ARS de se concentrer davantage sur les clusters. Autre (bonne) nouvelle, l’arrivée de nouveaux respirateurs, confirmée ce lundi par Dominique Voynet. Sept respirateurs ont été livrés ce week-end, et 15 ou 16 autres sont à disposition à Paris, prêts à être envoyés si besoin, nous précise-t-on. Quant à la possibilité d’installer un EMR (équipement militaire de réanimation) en soutien au CHM, comme cela avait été le cas à Mulhouse au point fort de l’épidémie, elle sera sûrement adaptée à la réalité du territoire. Plutôt qu’un hôpital de campagne, c’est donc une aile du CHM qui doit être réaménagée pour y installer des lits supplémentaires. “Les dix premiers lits seront installés mi-mai, ce qui nous donnera des moyens supplémentaires en réanimation”, explique l’ancienne ministre.
Enfin, parmi les autres outils susceptibles d’être mobilisés, l’on retiendra notamment le recours aux évacuations sanitaires dans la région, la possibilité de faire évoluer l’internat de Tsararano en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), et le virage vers des soins ambulatoires. Bref, l’ARS se prépare et veut croire dans sa capacité à faire face à la vague qui se profile, alors que Mayotte accuse toujours deux semaines de décalage par rapport à la métropole. Mais un déconfinement total semble difficilement envisageable vu la situation actuelle. La date officielle, déjà décalée au 18 mai pour Mayotte, pourrait être renvoyée à plus tard, et un “point” sera fait le 14 mai, comme annoncé par Édouard Philippe devant le Sénat ce lundi… “Ne vous attendez pas à avoir des vacances d’été”, a plaisanté, en substance, la directrice de l’ARS.
Aucun lieu de culte n’est autorisé à ouvrir pendant le confinement. En théorie. En pratique, à Mayotte, certaines mosquées n’arrivent pas à se résigner à cette mesure et accueillent clandestinement les fidèles malgré les restrictions. Une situation qui dépasse les autorités compétentes.
Il est 12h, l’imam de la mosquée de vendredi d’Acoua crie le adhan pour rappeler aux fidèles l’heure de la prière. Un rite qui est encore toléré dans les mosquées de l’île pendant le confinement, à condition qu’elles n’accueillent pas de public. Mais certaines semblent passer outre cette mesure et ouvrent leurs portes à ceux qui souhaitent faire leur prière comme à l’accoutumée. Nombreux sont ceux qui se rendent encore à la mosquée de vendredi d’Acoua. Leur foi prend le dessus sur tout le reste. “Oui je viens prier à la mosquée parce que c’est plus bénéfique, à la maison ce n’est pas pareil. Mais je prends mes distances par rapport aux autres”, témoigne Youssouf*, un fidèle. Il n’est pas le seul à tenir le même discours dans cette mosquée. Si Youssouf affirme être conscient des risques qu’il encoure, d’autres semblent les ignorer. “La mosquée est un lieu sacré. Rien de mauvais ne peut y entrer. Je suis confiant”, indique un autre croyant. Les fidèles qui se rendent à la mosquée de vendredi d’Acoua disent ne pas enfreindre la loi puisqu’ils auraient reçu d’autres instructions de la gendarmerie nationale. “Il y a quelques jours, deux gendarmes sont venus nous voir. Ils nous ont dit qu’on pouvait faire la prière à la mosquée si on se limitait à un groupe de 20 personnes, et si on mettait de la distance entre nous,” informe Youssouf. Des propos confirmés par le maire d’Acoua, Ahmed Darouechi, qui indique avoir reçu le même discours de la part de la gendarmerie.
“Il faut verbaliser les plus réfractaires afin de dissuader la population”
Les autorités compétentes savent que certaines mosquées ne respectent pas l’interdiction, mais elles semblent dépassées par la situation. “On a essayé de travailler avec la gendarmerie, mais elle me dit qu’ils ont les mains liées parce qu’il s’agit d’un sujet sensible”, allègue le maire d’Acoua. Ce dernier affirme avoir tout fait pour sensibiliser ses administrés, aujourd’hui il souhaiterait que des mesures exemplaires soient prises. “Il faut verbaliser les plus réfractaires afin de dissuader la population. Nous avons assez sensibilisé.” Un point de vue partagé par les collaborateurs du grand cadi. “Nous sommes face à une population qui n’est pas disciplinée, il faut le dire. Alors nous devons nous concerter afin de prendre des mesures plus sévères pour éviter la propagation du virus”, déclare Younoussa Abaine, membre du conseil cadial.
Dans un territoire où la quasi-totalité de la population est musulmane, les autorités constantes désemparées, qu’il est plus difficile de faire respecter l’interdiction d’ouverture des mosquées. Certains croyants avancent même la théorie du complot. “Des habitants m’ont dit que cette mesure a été prise uniquement pour les empêcher de pratiquer leur religion”, raconte Ahmed Darouechi. Mais la prière en groupe n’est pas obligatoire, et les prières surérogatoires peuvent être faites à domicile en comité restreint. “Initialement, l’objectif des prières en groupe est de faciliter la cohésion sociale, mais elles ne sont nullement obligatoires, encore moins lorsque des vies sont en danger”, rappelle Younoussa Abaine.
Désormais, une question se pose, comment les musulmans de Mayotte vivront la grande prière de l’aïd el-Fitr qui marque la fin du Ramadan ? Le maire d’Acoua semble avoir la réponse, malgré lui. “Je sais pertinemment que les gens iront faire la prière de l’aïd à la mosquée”, dit-il résigné.
Avec le Covid -19, le numéro vert et le 15 ont explosé. Mais ce n’est pas pour autant que le standard se tourne les pouces. Au contraire, le service est sur tous les fronts pour orienter les familles des patients et les professionnels de santé. En tant que premier interlocuteur du CHM, les agents administrateurs sont réglés comme du papier à musique.
“Bonjour, service hospitalier, je vous écoute !” En décrochant, c’est toujours le même refrain pour Fatima, agent administrateur au standard du CHM depuis 17 ans. À peine le combiné raccroché que la sonnerie retentit de nouveau. Quelques secondes précieuses, le temps de reprendre une bouffée d’oxygène avant de se remettre en selle. “Des fois c’est calme, des fois c’est chaud…”, marmonne-t-elle derrière son masque. Et avec la propagation exponentielle du virus sur le territoire, le rythme s’avère soutenu. De l’autre côté de la petite pièce se dresse son collègue Attiki, lui aussi réglé comme du papier à musique. “Le trafic a augmenté depuis le début de la crise du Covid-19, je dirais qu’il a triplé, voire quadruplé”, expose-t-il d’une voix réconfortante. “Nous ne comptabilisons pas nos appels, mais par rapport à une période plus calme, nous n’avons pas une minute de répit. Nous sommes obligés de mettre notre appareil hors service pour souffler, sinon ce n’est pas possible.” Lunettes reposées sur le nez, ses yeux vrillent entre ses deux écrans installés sur son bureau. Face à lui, un tableau Excel recense les numéros des différents services et contacts, “des milliers” à la louche selon lui. Pas possible de tous les apprendre par cœur. Mais des astuces, il en a à revendre. “Nous pouvons retrouver le nom des personnels soignants dans notre base de données”, confie-t-il malicieusement. En quelques clics, il déniche le raccourci pour transférer la personne au bout du fil. “Le travail a beaucoup évolué, ce n’était pas comme ça à mes débuts. Nous utilisions un simple appareil avec des batteries, qui surchauffait et saturait. Puis nous avons changé le système pour nous plonger dans l’informatique.”
“Un amoureux du standard”
En prenant son poste en 1997, Attiki ne sait pourtant pas trop à quoi s’attendre. Son regard sur “ce métier de femme” change d’ailleurs rapidement du tout au tout. “Après ma première formation, j’ai compris que je n’avais pas pris ce boulot de la bonne manière”, se désole-t-il, pour finalement se définir comme “un amoureux du standard”. Son empathie lui permet toujours de recueillir les bonnes informations pour rediriger au mieux ses interlocuteurs en fonction de leurs besoins. Un leitmotiv qu’il partage aussi bien avec les familles des patients que les médecins des hôpitaux périphériques, de métropole ou de La Réunion qui passent systématiquement par lui. “Notre service est indispensable au bon fonctionnement de l’hôpital, c’est une sacrée logistique et une véritable plateforme en matière de communication”, explique-t-il, avec toute l’humilité qui le caractérise.
Et lorsqu’un litige se présente, en raison d’une mauvaise orientation téléphonique par exemple, pas question de perdre son sang-froid. “Quand quelqu’un souhaite contacter un service, il ne tombe pas directement sur celui-ci, il est systématiquement renvoyé vers nous… C’est notre difficulté, mais il faut faire preuve de pédagogie. Nous devons nous forcer à être souples et à garder le sourire coûte que coûte.” Une mission qu’il prend avec cœur, au point de nouer des relations fortes avec certains allocutaires. “Ce service m’a ouvert les yeux sur le monde extérieur.” Sachant que les appels sur des numéros de standard sont bien souvent surchargés et peuvent parfois irriter, Attiki s’emploie à faire redescendre la température… Avec toujours un mot gentil ou une petite attention en guise de salut !
Dans la nuit de dimanche a lundi, du matériel informatique a été dérobé au sein du lycée Mamoudzou Nord. Le fait n’est pas isolé puisque l’Éducation nationale déplore également des vols au sein de l’établissement de Ouangani, mais également à l’intérieur du rectorat lui-même. Pour le recteur Gilles Halbout, la lecture de ces faits divers comme de l’insécurité grandissante est limpide : il faut que les jeunes retrouvent au plus vite un cadre, celui de l’école.
“Dès que nous aurons un semblant de feu vert, le préfet et moi ouvrirons les établissements.” Pour le recteur de Mayotte, la nécessité de faire retrouver le chemin de l’école aux jeunes de l’île est plus que jamais impérieuse. “Ça presse, il y avait une certaine frilosité au début au vu du contexte sanitaire, mais aujourd’hui on voit bien que ces jeunes désœuvrés ont besoin de retrouver un cadre en l’absence duquel on le voit, l’insécurité est grandissante”, estime ainsi Gilles Halbout en référence aux vols qu’a subi l’Éducation nationale sur le territoire. Ouangani, Mamoudzou Nord ou encore le rectorat ont ainsi vu plusieurs individus pénétrer en leur sein pour y dérober du matériel informatique.
Mais c’est bien le cas du lycée du chef-lieu qui a fait le plus de bruit. Notamment avec des messages sur les réseaux sociaux expliquant que le vol plongeait l’établissement dans une grande insécurité, financière cette fois. “C’est du n’importe quoi, des ragots de Facebook, on ne nous a pas piqué d’argent, mais du matériel informatique”, réagit le recteur. “À cette heure, il n’y a aucun établissement qui crie famine, ils auront de quoi renouveler cela”, assure le recteur, rappelant que “nous venons de faire 500.000 euros d’achats informatiques et une nouvelle commande du même montant a été passée. Nous avons un budget de plusieurs millions à ce titre, quelque part, on pourrait dire que l’argent n’est pas un problème dans ce cadre”.
Gestes barrières : “l’école a un rôle fondamental à jouer”
Pas un problème, non plus, pour permettre un retour à l’école dans les meilleures conditions soutient le responsable de l’académie. “Qu’il s’agisse de soutien demandé par les mairies ou de moyens demandés par les syndicats, c’est open-bar, nous avons obtenu tous les crédits nécessaires pour ce faire”, lance même Gilles Halbout. “Mais la ligne est claire, et l’on ne transigera pas là dessus : tout cela doit se faire pour s’assurer que l’on ne prenne aucun risque dans le retour à l’école”, martèle le recteur. Une reprise qui ne signifie pas pour autant un retour à la normale prévient-il toutefois. “Nous n’en aurons pas fini avec cette épidémie demain, il va falloir vivre avec les gestes barrières, la distanciation sociale, etc., mais ce sont autant de choses à apprendre et l’école a un rôle fondamental là dedans.”
A priori, les écoles élémentaires devraient commencer à ouvrir à nouveau leurs portails à partir du 18 mai et le secondaire devrait suivre au plus tôt une semaine après. “Les choses se feront au cas par cas, mais il n’y aura pas plus de 15 élèves par classe. Je préfère que les élèves viennent un jour sur trois dans de bonnes conditions que plus souvent dans de mauvaises conditions”, explique-t-il. Un calcul qui rentre aussi dans le raisonnement “binaire” de l’ancien professeur de mathématiques. “Soit on est confiné, soit on ne l’est pas. Mais à partir du moment où on ne l’est pas, il faut rouvrir les écoles, cela répond à une logique sociale encore plus évidente à Mayotte qu’ailleurs”, fait valoir Gilles Halbout.
Désœuvrement, errance, manque de cadre sont autant d’arguments présentés en ce sens auquel le recteur en ajoute un : “il est important que les élèves reprennent le contact avec leurs professeurs,
car il faut le dire, à Mayotte, dans la très grande majorité des cas, six mois sans école, cela veut dire six mois sans parler un mot de français.” Pas vraiment la barrière en vogue.
Jeudi dernier, quatre membres du gouvernement ont répondu aux questions de nos confrères de France O et Outre-mer la 1ère. L’objectif était d’éclaircir certains aspects du déconfinement dans les territoires ultramarins. Mayotte a de très nombreuses fois été évoquée tant la situation est préoccupante. La ministre des Outre-mer, qui était en tête de front, affirme qu’il existe trois zones avec des évolutions distinctes et notre île fait partie de celle qui inquiète le plus le gouvernement.
La date du déconfinement encore incertaine
Lorsque l’on demande à Annick Giradin si Mayotte devra rester confinée plus longtemps que les autres territoires français, la ministre ne répond pas vraiment à la question et nous laisse dans le doute. “Si pour le confinement on avait des spécificités, c’est exactement la même chose pour le déconfinement. Les préfets, avec les élus des territoires et les acteurs sociaux-professionnels feront les choix qui seront les mieux pour chaque territoire”, indique-t-elle. Mais depuis, la directrice de l’ARS Mayotte, Dominique Voynet, a annoncé que l’île restera en confinement au moins jusqu’au 18 mai. Un prolongement est même possible jusqu’au 25 mai.
Le système sanitaire en bonne santé
“Le système de santé n’est pas saturé, mais nous savons que la situation est très évolutive d’autant plus que nous avons un décalage de 15 jours entre la métropole et Mayotte”, selon Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé. En effet, pour le moment les moyens sanitaires mis à disposition semblent être suffisants, mais il serait inconscient de prendre cela pour acquis. De fait, l’ARS a sollicité des renforts au niveau national pour apporter plus de lits en réanimation. “Nous travaillons également pour la mise en place d’un hôpital de campagne militaire pour venir renforcer le nombre de lits en réanimation”, précise la secrétaire d’État.
Les tests de dépistage en hausse
Actuellement, la capacité de dépistage à Mayotte est de 300 tests par jour. Le gouvernement doublera ce chiffre. “Nous nous adaptons en fonction de l’évolution de l’épidémie”, affirme Christelle Dubos.
La multiplication des aides
Un plan d’urgence d’aides alimentaires de 25 millions d’euros a été mis en place pour les associations. Pour l’Outre-mer, le gouvernement a attribué les PARS (prestations d’aides à la restauration scolaire, initialement versée aux établissements scolaires) aux familles dans le besoin. Enfin, “nous avons apporté une réponse spécifique de 4 millions d’euros dans le cadre du plan d’urgence au soutien alimentaire pour les territoires de Mayotte, Guyane et Saint-Martin”, complète Christelle Dubos. À Mayotte, cela se caractérise par des chèques d’urgence alimentaire. Ceux qui bénéficient du RSA, du RSO ou de l’allocation de solidarité spécifique “recevront 150 euros plus 100 euros par enfant à charge. Et les familles les plus modestes qui touchent l’aide au logement percevront 100 euros par enfant”. Cette aide sera versée en une seule fois le 15 mai et de façon automatique.
Le non-respect des mesures de confinement
Interpellée par le non-respect du confinement chez nous, la ministre des Outre-mer a essayé de relativiser la situation. “Il ne faut pas dire que le confinement ne fonctionne pas. Il y a des conditions locales qui peuvent expliquer que ce ne soit pas si facile que ça. Quand on vit dans un banga et qu’il fait 30 degrés, rester en permanence dans son logement c’est quelque chose de difficile.” Selon elle, le problème n’est pas d’ordre public puisque les forces de l’ordre sont “présentes sur les territoires et elles agissent de manière pédagogique sur ces questions de respect du confinement.”
Un retour à l’école nécessaire
Annick Girardin est catégorique en ce qui concerne la réouverture des établissements scolaires. “Je souhaite que les écoles soient rouvertes le plus vite possible tout en tenant compte des réalités de chaque territoire.” Les maires et les recteurs sont donc mis à contribution plus que jamais. Cependant, la continuité pédagogique tant souhaitée par le gouvernement n’est pas la principale motivation de la réouverture des écoles. Ce retour est nécessaire afin de lutter contre les inégalités. “La cantine scolaire est le seul repas de certains enfants dans certains territoires ultramarins”, évoque la ministre. Et Mayotte fait partie de ces territoires sans l’ombre d’un doute.
Mis en place d’un suivi psychologique pour les enfants
Si le confinement est difficile à assimiler pour les adultes, il l’est encore plus pour les enfants. C’est la raison pour laquelle le gouvernement réfléchit à l’organisation d’un soutien psychologique dans les écoles. Cela permettra surtout de détecter les enfants qui ont subi des violences pendant le confinement. Une réelle crainte pour Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance. “Au 119 nous avons comptabilisé 90 appels pour tout l’Outre-mer. Je n’arrive pas à me satisfaire à la stabilité de ce chiffre, ce n’est pas normal. On s’attend à ce qu’il y ait une hausse des violences à la sortie du confinement.” Le ministère de la Protection de l’enfance a alors lancé une campagne de communication pour que chacun ait le réflexe d’appeler le 119 dans le moindre doute.
C’est un déferlement de violence auquel ont fait face les forces de l’ordre durant la nuit de samedi à dimanche. Des centaines de jeunes rassemblés autour de quatre mourengué ont convergé, principalement à Tsoundzou pour mener une véritable “guerre” selon les mots de policiers.
“Ils veulent tuer un flic, c’est ça l’objectif et ils n’arrêteront pas de sitôt.” Bacar est abasourdi. Devant un Somaco dévasté, le policier municipal observe le ballet de tractopelles et autres souffleuses appelés pour redonner un semblant de propre à la route nationale qui traverse Tsoundzou 1. Rien à faire cependant ; le goudron encore fumant portera longtemps les stigmates de la veille. “C’était la guerre, vraiment, c’était un déferlement de violence inouïe”, se souvient un policier présent durant les quelques sept heures qu’ont duré les émeutes. Mais ce samedi soir, les forces de l’ordre savaient à quoi s’attendre. Enfin plus ou moins.
“On a eu une information dans la journée selon laquelle il y aurait quatre mourengué différents et simultanés dans la soirée sur Mamoudzou avec la possibilité que les différents groupes se retrouvent”, explique ce même policier. “Nous avons alors décidé de monter une opération dans la plus grande discrétion”, expose-t-il encore, considérant que le préfet, le général de gendarmerie et le directeur territorial de la police nationale “avaient la volonté de frapper fort, de garder le terrain et d’empêcher de rentrer dans une démarche instaurée de bocage de l’île”. Envoyer un message aussi, aux organisateurs de mourengué qui virent désormais quasi systématiquement à l’émeute.
Tenir le terrain, à tout prix
Samedi soir n’a donc, comme prévu, pas dérogé à la règle. Rond-point Baobab, Doujani, mais surtout Tsoundzou, marqué par le pillage acharné du Somaco, ont ainsi été le théâtre d’affrontements menés par des centaines de jeunes. Une présence massive d’émeutiers qui n’aura cependant pas fait reculer les quelques trois escadrons de gendarmes mobilisés pour l’opération, assistés par des policiers privés pour certains de leur jour de repos. “Nous avons fait face”, martèle l’un d’eux, non moins choqué par les évènements qui lui rappellent ceux auxquels il a pu assister sur l’île en 2011. “Nous avons répondu, mais ça n’a pas plus”, ajoute-t-il. Il faut dire que les forces de l’ordre, avec quelque 400 grenades tirées, ont eu la main lourde dans la riposte. Tenir le terrain, à tout prix, l’ordre était clair et le directeur de la police nationale sur le territoire en a fait les frais. Une pierre est venue le blesser à la jambe ce qui lui a valu un aller pour les urgences afin de se faire recoudre. Neuf gendarmes ont également été légèrement blessés. Dans le camp d’en face, le bilan médical n’est évidemment pas connu, mais une interpellation est à noter. “D’autres doivent suivre, les investigations sont en cours”, assure la police. Devant le magasin saccagé de Tsoundzou, ce dimanche, ils étaient peu à croire que le cycle de violence aurait pris fin avec le pic de la veille. “C’est comme un virus”, marmonnait ainsi Bacar derrière son masque.
La semaine dernière, deux hommes, pris sur le fait, avouaient avoir massacré une tortue en Petite-Terre pour revendre sa chair. Pourtant, ils ont tous les deux étés relâchés pour vice de procédure. Pendant ce temps-là, le nombre de tortues tuées ne cesse de grimper depuis le début du confinement.
Regrettable retournement de situation. Mercredi matin, deux hommes comparaissaient devant le tribunal de Mamoudzou pour braconnage d’espèce protégée. La veille, ils avaient été interpellés à leur descente de la barge, après que plusieurs agents du STM aient remarqué l’odeur de putréfaction qui se dégageait de leurs lourds sacs. En cause : la soixantaine de kilos de chair de tortue qu’ils transportaient avec eux, découverts plus tard par les policiers de l’office de la biodiversité. À raison de cinquante à soixante euros le kilo vendu dans les circuits clandestins, cette viande aurait pu leur rapporter plus de trois mille euros.
Immédiatement placés en garde à vue, les deux suspects reconnaissent avoir massacré, la veille, une tortue verte venue pondre sur la plage de Papani, en Petite-Terre. Dépecée sur place, la dépouille de l’animal a ensuite passé la nuit dans un sac dissimulé dans un champs, afin d’être récupéré le lendemain. Alors que les enquêteurs soupçonnent l’existence de deux complices, les braconniers assurent avoir agi seuls et sont appelés à comparaître quelques heures plus tard. Une bonne nouvelle pour les associations environnementales qui se sont constituées partie civile, alors que depuis le début du confinement, les audiences ont été limitées.
Les témoignages sont là, les preuves aussi, pourtant, les deux braconniers présumés seront relaxés pour vice de procédure. En cause, l’absence d’un avocat pendant leur garde à vue. Un “quiproquo” selon Camille Miansoni, procureur de la République, qui pointe du doigt la suspension des activités du barreau pendant la crise sanitaire. En effet, il y a encore une dizaine de jours, “les avocats avaient suspendu toute participation à l’activité judiciaire”, rappelle le magistrat. “Or, vendredi 24 avril, la bâtonnière nous a indiqué qu’à compter de cette semaine, le barreau envisageait de reprendre.” Problème : le tableau des permanences avait été diffusé la veille, avec la mention de la suspension des activités des avocats. En conséquence, l’enquêteur en charge n’a pas reçu l’information à temps, l’officier de police judiciaire n’a pas fait la démarche de contacter l’avocat une fois les deux individus placés en garde à vue.
“On ne s’est en aperçu qu’à la fin de la garde à vue, mais entre-temps, les deux intéressés avaient reconnu les faits”, retrace encore le procureur. “La question de la garde à vue a été soulevée lors de l’audience, elle a donc été annulée”, et avec elle, toutes les auditions faites précédemment. Les aveux ne valent plus rien, le tribunal ne peut plus les utiliser. Sur conseil de leurs avocats, les jugés gardent le silence tout au long de l’audience. Dès lors, plus rien ne peut leur être reproché. Le parquet décide de faire appel, pendant que l’avocat de la partie civile suggère de nouvelles poursuites pour recel. “Ce n’est pas sans complication juridique”, répond Camille Mianosni. “Il faudrait déduire le délai de la garde à vue déjà effectuée, et vu qu’elles sont limitées à deux fois 24 heures, ça serait un peu hasardeux. Mais nous sommes aussi désolés que les associations face à l’issue de cette affaire.”
“Un permis de braconner en toute impunité”
Au sortir du tribunal, les Naturalistes de Mayotte, l’organisation Oulanga Na Nyamba et Mayotte Nature Environnement dénoncent “un permis de braconner en toute impunité”, alors que chaque condamnation pour des faits similaires dissuade, au moins pendant quelques mois, les autres braconniers d’agir. D’autant plus que depuis le début du confinement et donc la désertion des plages, la recrudescence des massacres de tortues s’observe à l’échelle de tout le département. Uniquement sur Petite-Terre, 40 de ces animaux ont été braconnés en seulement cinq semaines, dont 28 à Moya. Une plage qui, habituellement, ne compte “que” trois ou quatre braconnages à l’année, a confirmé le Remat, réseau d’échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines, chargé de recenser les cadavres. Et si les dépouilles qui se dévoilent à ciel ouvert sont particulièrement nombreuses sur cette plage de Petite-Terre, c’est en partie dû au retrait des agents départementaux chargés des patrouilles depuis la crise sanitaire. Mais face aux récents chiffres, la collectivité territoriale les a redéployées sur certains sites de pontes depuis le 24 avril. Ils étaient d’ailleurs présents la nuit du braconnage, mais sur une autre plage. “Il y a une vraie difficulté à couvrir l’ensemble des sites”, reconnaît le monde associatif. Pour l’heure, seules Moya et Saziley font l’objet d’une surveillance institutionnelle, pendant que les associations environnementales sont tenues de suspendre leur activité
Le quotidien des infirmiers libéraux a, lui aussi, été chamboulé par le confinement. Entre rappel des gestes barrières, suivi des patients à domicile, et crainte d’être elle-même contaminée, Zarianti, infirmière sur la commune de Mamoudzou, témoigne de sa vie en temps de pandémie.
Le rituel est maintenant bien ancré. Chaque fois qu’elle rentre de l’une de ses longues journées de travail, Zarianti commence par prendre une douche, mais à l’extérieur de sa maison. Principe de précaution oblige, elle lave ensuite ses vêtements à part, en veillant bien à séparer son linge de celui de son mari et de ses deux enfants. “Ce n’est pas tant que je m’inquiète pour moi, mais plutôt pour ma famille. J’ai un enfant en bas âge”, déroule l’infirmière libérale. La source de ses tracas ? Le Covid-19 bien sûr. Alors que le stade 3 de l’épidémie a été dépassé dans le 101ème département, et que le confinement s’étalera au moins, on le sait désormais, jusqu’au 18 mai, tout a changé pour cette mère de famille depuis le 17 mars.
Pourtant en apparence, l’on pourrait croire que c’est tout le contraire. Tous les matins, Zarianti étrenne comme à l’accoutumée sac à main et clés de voiture, et file aux aurores voir certains de ses quelque vingt patients. De 5h du matin à midi, puis de 14h à 19h, cette soignante qui consulte surtout à domicile continue en effet à se rendre chez les malades. Avec désormais cette crainte inédite de ramener le virus chez elle. “Je préfère me déplacer. Je leur avais dit de se préparer et d’aller demander leurs traitements avant le confinement, et donc maintenant je me charge de prendre leurs ordonnances. Je vais à la pharmacie et je les livre”, décrit-elle. Résultat, ses journées sont sensiblement les mêmes qu’avant le confinement. Voire un peu plus chargées. Car Zarianti passe d’autant plus de temps avec les malades, pour leur rappeler les gestes barrières et aussi pour les rassurer. “Certains diraient que je suis lente, mais cela fait neuf ans que je fais ce métier, et je sais bien qu’il ne suffit pas de donner un Dafalgan et puis s’en va”, poursuit la mère de famille, qui a aussi travaillé quinze ans comme commerciale. “Les gens, c’est mon dada”.
“Je peux faire le gendarme”
Alors Zarianti n’hésite pas à faire des heures sup”, surtout s’il est question de la santé de ses patients. Beaucoup souffrent d’hypertension ou de diabète, des pathologies pour lesquelles il faut éviter toute rupture de soins… Or, “tout le monde a peur d’aller à l’hôpital”, confirme l’infirmière. Quelques fois, elle a dû appeler le 15, face à une mauvaise fièvre. Mais pour l’instant, aucun cas de Covid-19 parmi ses patients, heureusement. Zarianti aime à se dire qu’ils appliquent ses consignes. Mais parfois, c’est leur entourage qui peut être facteur de transmission. Alors l’infirmière sait être stricte pour rappeler les règles de distanciation sociale, même en dehors de ses heures de travail. “Je peux faire le gendarme, si je repasse vers chez eux et que j’en vois dehors”, souligne l’infirmière, que l’on imagine bien, sourcils froncés et doigt réprobateur, derrière son volant alors qu’elle sillonne les routes entre Kawéni et Tsoundzou 2.
Moisissures et manque de protections
Mais Zarianti vit non loin du plus grand bidonville de France, et malgré toutes ces précautions, elle sait bien que ses recommandations ne peuvent pas être suivies par tout le monde. “Il y a le confinement, certes, mais beaucoup vivent dans des taudis”, soupire-t-elle. “Cela fait mal au cœur, quand je vois ces attroupements vers 20h, 21h, les gens ici sont complètement dans le déni de la maladie”. Alors pour protéger au mieux ses patients, l’infirmière donne parfois quelques masques à leurs proches, quand elle sait pertinemment qu’ils iront dehors, pour fuir la chaleur d’un “taudis” ou se réapprovisionner. Pourtant, Zarianti ne roule pas sur les protections, denrées rares en ces mois de confinement. “J’ai l’impression que nous, les infirmiers libéraux, on est un peu les grands oubliés”, déplore-t-elle. “Au début, on avait été convié à une réunion d’information de l’ARS, je me souviens avoir beaucoup entendu parler de l’hôpital, un peu moins de nous”. Même si elle reconnaît certains efforts dans la livraison de masques, Zarianti regrette les difficultés pour s’approvisionner en blouses, surblouses, ou couvre-chaussures. Et rapporte, comme d’autres avant elle, la présence de moisissures sur certains FFP2 livrés au début du confinement. “Dans cette crise, moi je suis perdue. C’est comme les masques, au début on nous disait que cela ne protégeait pas, maintenant il faut tous en avoir. Et je me rappelle bien de mes cours d’infirmière, sur l’utilisation des masques et sur le respect des dates de péremption…” À bon entendeur.
Passage officiel au stade 3 de l’épidémie, déconfinement possible le 18 mai et prévisions épidémiologiques : jeudi 30, l’ARS tenait une conférence de presse pour présenter les évolutions du Covid-19 à Mayotte.
C’était un peu la précision que tout le monde attendait, sans toutefois avoir trop de doutes sur la réponse : non, il n’y aura pas de déconfinement le 11 mai pour Mayotte. Toutefois, celui-ci est envisagé à partir de la semaine suivante : le lundi 18 « au minimum et progressivement. » Une semaine de plus « pour se préparer au mieux. » Toutefois, la situation sera réévaluée dans les jours précédents pour valider la date envisagée, et vérifier « si c’est raisonnable ou s’il faut attendre une semaine de plus », a expliqué la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Dominique Voynet, lors d’une conférence de presse, jeudi 30.
En cause : le département ne rentre pour le moment dans aucun des critères annoncés par les autorités, a-t-elle constaté. Sans surprise : le nombre de cas journaliers a été doublé en 15 jours. Jeudi, en 48h, 79 nouveaux cas avaient ainsi été confirmés. « On fait plus de tests, donc on détecte plus de personnes asymptomatiques », précise-t-elle toutefois, ajoutant que « cela fait partie de la stratégie nouvelle : détecter le plus de monde possible pour informer, isoler et casser la transmission. » Une stratégie qui s’adapte au passage récent en phase 3. Pour autant, « nous allons continuer à faire le travail que l’on faisait en phase 2, en identifiant les cas contacts des personnes dépistées positives. » Peu de changements sur le fond, donc, si ce n’est un risque désormais plus présent encore dans l’esprit de la population et surtout un objectif de 400 tests par jour. Un objectif qui suppose « que l’on dispose de biologistes, d’une organisation permettant de monter en puissance, d’appareillage et de consommables. » Une bataille au quotidien compte tenu de la situation sanitaire nationale, mais pour laquelle « nous avons été partiellement entendus. » Notamment sur la possibilité de faire analyser des prélèvements par le laboratoire privé à raison d’une centaine de tests par jour, en complément des 300 que peut mener le CHM. Pour autant, « on ne prescrit pas en vrac pour faire du chiffre mais sur la base d’indications claires. »
Plus de patients Covid-19 en médecine qu’en réanimation
Comme prévu par les modèles épidémiologiques, l’augmentation des patients positifs au Covid-19 démarre en décalage par rapport à la métropole. Avec toutefois une « curiosité » : s’il y a plus de personnes hospitalisées à cause du virus, ce n’est pas forcément en réanimation qu’on les trouve : seulement quatre lits y sont occupés, dont deux par des patients qui ont été présents dans le service durant un mois, les deux autres étant occupés de manière provisoire. La directrice de l’ARS le constate : « Nous avons très peu de cas graves, mais en revanche beaucoup de patients en médecine, des gens dont l’état est précaire ou qui ont juste besoin d’une assistance durant quelques jours. Nous allons donc aussi réexaminer la situation du service médecine en plus de celui de réanimation que nous avons déjà adapté. » Ce dernier peut ainsi disposer de 38 lits équipés, et peut monter « facilement » jusqu’à 15 de plus. Il faut désormais libérer de la place dans celui de médecine. Une hypothèse envisagée pour y parvenir : évasaner vers le CHU de La Réunion des patients non-Covid.
Sur les modèles présentés, le pic de l’épidémie – sur la base d’un confinement maintenu et respecté de manière « intermédiaire » – devrait avoir lieu à la fin du mois de mai, suivi d’une chute brutale du nombre de porteurs, jusqu’à une diminution d’environ 2/3du nombre de porteurs actifs à peu près un mois après le pic. Des modèles qui sont toutefois à prendre avec des pincettes et qui sont régulièrement réajustés en fonction des évolutions.
À la différence de la métropole, où le nombre de cas de Covid-19 semble diminuer, Mayotte connaît une évolution inverse, avec une augmentation significative au cours de ces derniers jours. Le chef du pôle URSEC (urgences, réanimation, SAMU-SMUR, Evasan, caisson hyperbare), Christophe Caralp revient pour Flash Infos sur un éventuel déconfinement le 11 mai et annonce que le département ne sera pas en capacité de procéder à un dépistage massif. Seule solution à ses yeux : le lavage régulier des mains, le port du masque et le respect des mesures barrières.
Flash Infos : Lundi, Mayotte est devenue le territoire d’Outre-mer le plus contaminé. Alors que la propagation du virus semble ralentir en métropole comme ailleurs, le 101ème département connaît au contraire une envolée du nombre de cas. Comment analysez-vous cette situation ?
Christophe Caralp : À Mayotte, comme en Guyane et en Guadeloupe, le tissu sanitaire est faible, avec une immigration clandestine galopante et une grande insécurité alimentaire et médicale. Depuis quinze jours, tout le monde a constaté qu’une bonne partie de la population ne se confinait plus chez elle pour différentes raisons. Alors que nous relations une dizaine de nouveaux cas quotidiens au cours de deux-trois premières du confinement, les chiffres repartent à la hausse. Si nous avons la chance de ne pas recenser de formes graves du Covid-19, la filière intermédiaire, qui est l’hospitalisation en médecine, commence à montrer des signes de saturation. Réunie lundi, la cellule de crise du CHM envisage l’ouverture de six nouveaux lits dédiés médecine et travaille avec l’agence régionale de santé sur la prise en charge de personnes guéries du Coronavirus, qui nécessitent encore des soins de kinésithérapie et d’oxygénothérapie à domicile. Parmi eux, certains se retrouvent avec des droits sociaux qui ne sont pas arrêtés et qui les empêchent de rentrer chez eux pour libérer des lits pour d’autres qui ont besoin de soins plus lourds.
Ce mercredi en réanimation, sur les quatre patients atteints du Coronavirus, trois sont officiellement guéris. Mais ils présentent encore des séquelles liées à la sédation de trois semaines ayant entraîné une fonte musculaire. Il faut donc rééduquer les muscles et leur réapprendre les gestes de la vie quotidienne. À noter que l’un de nos premiers patients Covid+ est sorti vivant de réanimation hier [mardi 28 avril] après 37 jours dans ce service. Il vient d’être transféré en médecine.
FI : Jeudi dernier, la directrice de l’ARS, Dominique Voynet, expliquait que le pic de l’épidémie risquait d’arriver vers le 20 mai en cas de déconfinement le 11 mai. En tant que professionnel de santé, qu’est-ce qui vous paraît le plus raisonnable ?
C. P. : Tout d’abord, l’ARS ne nous a pas présenté son algorithme prédictif. Donc je n’ai pas les éléments en mains pour comprendre l’augmentation significative entre le 15 et le 25 mai en cas de déconfinement quelques jours plus tôt. Tout l’enjeu est que celle-ci soit la plus étalée possible dans le temps. Ensuite, nous sommes actuellement confrontés à une population qui a faim. Employons le mot ! Il est nécessaire que toutes les autorités – le rectorat, l’ARS, le CHM et la préfecture – jouent leur partition. Et face à ce constat, il faut que nous leur donnions les moyens de respecter les mesures barrières et de se laver les mains avec du savon, notamment dans les bidonvilles de Kawéni et d’ailleurs, pour permettre d’aplanir ce pic éventuel. Même si nous sommes dans une situation sérieuse, la réalité sur le terrain n’est pas encore si catastrophique. La majorité des habitants prélevés se portent bien et rentrent chez eux à la suite du dépistage. Après il ne faut pas se mentir, une partie de ceux qui viennent aux urgences sont des gens très pauvres qui n’ont aucun moyen de respecter les mesures barrières chez eux. Donc on crée forcément des foyers de dissémination intrafamiliaux lorsqu’ils sont positifs. D’un point de vue personnel, je pense que le confinement
devient improductif à un certain moment. Pour preuve, la filière pédiatrique des urgences constate une recrudescence d’enfants malnutris et de violences intrafamiliales, telles que des relations incestueuses et des viols, qui est probablement liée à la situation actuelle…
FI : Mardi après-midi, le premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé un objectif de 700.000 tests par semaine. Qu’en est-il de Mayotte où le laboratoire du CHM n’effectue qu’environ 200 tests par jour ?
C. P. : Une réflexion était menée pour recevoir une troisième machine, mais la réalité a repris le dessus : il n’y en a plus de disponible sur le marché mondial. Deux solutions sont toujours d’actualité : fournir le laboratoire de Mayotte en réactifs et augmenter la rotation de tests PCR au CHM. Mais il faut aussi prendre en compte la dengue et trouver un juste équilibre. En termes de volume, c’est cette épidémie qui nous pose des soucis… Et il ne faut pas oublier que les employés ne peuvent pas travailler 24 heures sur 24. C’est la raison pour laquelle le CHM a demandé à l’ARS de cibler des renforts de biologistes.
FI : Justement, en parlant de renforts, la réserve sanitaire est venue prêter main forte au CHM il y a quelques semaines. Une bonne nouvelle sachant que le nombre de personnels soignants contaminés est considérable…
C. P. : Il faut dire que le gouvernement a été relativement réactif à ce sujet-là. Nous avons notamment reçu des renforts de médecins et d’infirmiers aux urgences, qui sont de grande qualité. Nous sommes très contents de leur aide, qui nous a permis de soulager les équipes. Nous sentons que Paris a une oreille attentive aux spécificités de Mayotte. Il faut le dire, il y a également une certaine lassitude qui s’est installée chez les personnels soignants qui sont sur le pont depuis la fin du mois de février. Nous espérons pouvoir continuer en ce sens. D’ailleurs, une nouvelle rotation est déjà prévue.
FI : En prenant un peu de hauteur, nous avons l’impression que le 101ème département se situe dans un trou sans fond… Quelle serait la meilleure solution pour sortir de cette crise et voir enfin le bout du tunnel : un dépistage massif ou une immunité collective ?
C. P. : Déjà, l’immunité collective est une réponse théorique… Après, est-ce qu’à Mayotte nous pouvons augmenter les tests de manière massive ? Personnellement, je ne le pense pas, nous ne sommes ni l’Allemagne ni la Corée du Sud ! Comme je vous le disais, nous n’avons pas le matériel et les infrastructures nécessaires sur l’île. Nous allons vraisemblablement passer par un port généralisé du masque. Je le dis et le répète, seules les mesures barrières feront chuter efficacement le nombre de cas. Et lorsque nous passerons en phase 3, nous redirigerons en partie nos tests pour éviter la création de nouveaux clusters dans les familles, les villages et certaines catégories de métier comme l’Éducation nationale, les forces de l’ordre et la santé. Cette semaine, nous allons recevoir un test rapide, dénommé Qi-stat, qui permet d’avoir les résultats en une heure. Par contre, il est extrêmement cher et il est très limité en nombre. Mais il pourra nous permettre d’améliorer nos rotations dans les lits, notamment aux urgences et en médecine, pour savoir qui est positif et négatif et ainsi ne pas avoir d’inertie. Seule contrainte, ce n’est pas quelque chose que nous aurons de manière courante…
La CCI veut venir en aide aux petits commerçants de l’île, grâce à une équipe dédiée qui se chargera de leurs démarches pour obtenir les aides de l’État ou du département. En attendant, beaucoup se retrouvent avec des stocks prévus pour le ramadan, et qu’ils ne peuvent plus écouler à cause du confinement.
“Des soucis ? Ça oui, on en a !”, s’exclame Jean Barege au bout du fil. Quand il décroche, le commerçant vient d’arriver au marché couvert de Mamoudzou. Mais pas vraiment pour installer son stand. Même s’il ne peut pas ouvrir la boutique, celui qui est aussi un élu à la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte a toutefois une longue journée devant lui. Il va s’atteler à appeler les quelque 320 commerçants qui, comme lui, vendent d’ordinaire leurs produits entre ces murs. Objectif : les informer qu’une cellule d’urgence leur est spécialement dédiée à la Chambre, pour les aider à constituer leurs dossiers et ainsi obtenir des aides cruciales en ces temps de crise. À partir de cette semaine, une petite équipe de la CCI se chargera de les accueillir par groupe de 15 ou 20 personnes dans la halle, pour recueillir les pièces nécessaires et gérer elle-même leur dossier en ligne. “Nous avons voulu aller plus loin que juste les aider, car nous savons que beaucoup ne sont pas habitués aux démarches en ligne, certains n’ont même pas d’adresse e-mail”, explique Zoubair Alonzo, le directeur général.
Depuis le 17 mars, le marché couvert de Mamoudzou n’a accueilli ni clientèle ni vendeurs, confinement oblige. Et les conséquences pour les commerçants se font d’autant plus sentir avec le ramadan, qui se caractérise d’habitude par une forte demande. “Ils sont tous à la maison, personne ne vend, et nous ne savons pas si et comment le marché couvert va pouvoir rouvrir”, témoigne Jean Barege. En effet, si, depuis quelques jours, des marchés de producteurs ont pu se tenir ça et là, à différents points de l’île, celui de Mamoudzou, lui, n’est pas encore concerné par cette autorisation. Et les annonces d’Édouard Philippe hier sur la stratégie de déconfinement, conditionné à l’évolution de l’épidémie sur les territoires, laissent planer plusieurs zones d’ombre quant à la relance des activités à Mayotte. Si déconfinement il y a, les règles de distanciation sociale, entre autres contraintes, ne permettront de toute façon pas de rattraper l’énorme manque à gagner des dernières semaines.
Des stocks sur les bras
Pour Jean Barege, ce manque, ce sont au moins cinq sacs de près de 50 kilos de vêtements et deux sacs de 30 à 40 kilos remplis de rouges à lèvres et autres objets fantaisies, qui attendent prestement le jour où ils pourront sortir de chez lui pour s’écouler sur son stand. Ces marchandises, commandées à Bangkok et en Inde avec “au moins trois mois d’avance” auraient dû se vendre comme des petits pains, surtout à cette période de l’année. “D’habitude, j’ai beaucoup de demandes même avant le ramadan, car les gens consomment, il y a des mariages, donc j’avais naturellement prévu du stock déjà pour le mois de mars”, décrit-il. “Puis le reste était prévu pour la fin du ramadan, où là encore, les gens ont besoin de vêtements et de plein de petites choses.” Résultat, le vendeur se retrouve désormais dans la pire des situations, avec “des stocks sur les bras”.
Un mois de mai dans le flou
Et il n’est malheureusement pas le seul. Nombreux sont les commerçants qui, comme lui, anticipent chaque année cette période d’ordinaire si faste. Les plus prévoyants s’étaient ainsi rendus en Chine, dès la fin 2019, ou encore à Dubaï ou Dar es Salam dès janvier, à en croire Adan, le gérant de Adam
Transit. Ce transporteur local rapatrie les commandes de cette clientèle mahoraise de petits commerçants. Chargées dans des conteneurs, elles mettent entre trois semaines et un mois à accoster au port de Longoni. “Tous les conteneurs sont arrivés pour ceux qui ont fait leurs commandes en avance”, affirme-t-il. Même constat chez Transit Ylang 4D : “a priori, il n’y a pas de grande difficulté sur les transports, car la plupart des commerçants étaient partis bien avant le confinement”, souligne Daniel Hadhurami, le patron de cette société de transit. Ces entreprises peuvent toutefois elles aussi être des victimes collatérales de la crise. Car les commandes plus tardives, qui doivent d’habitude permettre de remplir les étals pour les derniers jours du ramadan, risquent de ne pas voir le jour. “On réalise quasiment 50 % de notre chiffre d’affaires sur la période autour du ramadan. Et nous allons perdre une partie de ces recettes au mois de mai”, s’alarme Adan.
Comme un goût de déjà-vu. Dans la nuit de mardi à mercredi, à M’tsapéré, les forces de l’ordre qui tentaient de disperser les participants d’un mourengué ont finalement été attaquées sur le remblai. Quelques heures plus tôt, la même scène se jouait à Combani.
Il est minuit et demi, dans la nuit de mardi à mercredi, lorsque les appels fusent au commissariat de Mamoudzou. Au bout du fil, des habitants du quartier de Bonovo, inquiets d’entendre, malgré le confinement et l’heure tardive, des détonations ou d’autres signes d’agitation à quelques dizaines de mètres de chez eux. Rapidement, un premier escadron arrive sur place et découvre effectivement une centaine de jeunes en plein mourengué. Une scène qui se répète chaque soir depuis samedi, premier jour du ramadan.
Comme à l’accoutumée, les premiers policiers tentent de disperser le groupe. Mais alors que certains quittent les lieux, d’autres rejoignent la route nationale pour y ériger des barrages de poubelles en feu. Visées par des jets de pierre, la douzaine d’hommes ripostent au moyen de gaz lacrymogènes et grenades de désencerclement. Mais les munitions ne tardent pas à manquer, et une équipe doit dès lors, aller se réapprovisionner au commissariat. Pendant ce temps, les affrontements continuent, allant jusqu’à faire quelques blessés légers dans les rangs des policiers.
Une bonne heure plus tard, le calme revient sur le tronçon de la route, marquée, encore le lendemain, par des traces d’incendie. Mais heureusement, le pire a été évité, ce soir-là. “Heureusement, il n’y a rien eu de bien méchant”, soufflait le commandant Cosseron. Si quelques riverains ont été pris à partie lors des échanges de tirs et que quelques véhicules ont été dégradés, aucune plainte n’avait encore été déposée mercredi.
Côté suspect, aucune interpellation n’a encore eu lieu, les jeunes ayant fini par prendre la fuite, comme bien souvent, dans des quartiers non éclairés et difficiles d’accès pour les véhicules de police, dont le commandant avoue tout de même avoir déjà “quelques pistes”, sans dévoiler lesquelles afin de ne pas compromettre l’enquête en cours. “C’est un secteur dans lequel nous avons nos habitués”, admet-il toutefois. En effet, au début du mois de mars, plusieurs automobilistes avaient été agressés à hauteur du rond-point de Doujani. L’un d’entre eux, blessé par des bris de verres, avait été conduit au CHM par les sapeurs-pompiers. “Maintenant, on s’attend à une riposte”, concède encore une source policière.
À Combani aussi
Deux heures plus tôt, Combani connaissait le même scénario. Sur les coups de 22 heures, une brigade de gendarmes en intervention tombe nez à nez avec une centaine d’individus, là encore regroupés autour d’un mourengué. La patrouille est alors immédiatement ciblée par des jets de pierre. “C’est devenu très très chaud”, reconnaît le lieutenant-colonel Fhima. Quatre équipes supplémentaires sont appelées en renfort. Mais le temps qu’elles arrivent, les jeunes érigent des barrages en feu sur la route.
Si les obstacles sont rapidement dégagés, les affrontements dureront, au total, une quarantaine de minutes. “On a tiré beaucoup de grenades, beaucoup de LBD…”, se remémore encore le gendarme. Finalement, les hommes décident de se retirer, alors qu’encore, en face d’eux, des dizaines et des dizaines de jeunes font face. “C’était est une façon de ne pas rajouter du trouble au trouble, et le calme est rapidement revenu ensuite”, témoigne le lieutenant-colonel Fhima. “Si nous étions restés sur place, cela aurait encore duré deux heures.” Cette fois, aucun blessé n’est à déplorer, et tous les assaillants ont réussi à prendre la fuite sans être interpellés.
Depuis le début de la crise sanitaire, l’association Horizon a su se réinventer pour faire de son jeune pôle de santé communautaire la figure de proue de son action auprès des habitants de Tsingoni et des environs. Un processus parfois difficile, mais qui prouve chaque jour sa pertinence.
“On ne dort plus”, s’amuse Samy Boutouaba, le coordinateur du projet de santé communautaire au sein de l’association Horizon. “Cela faisait six mois que l’on travaillait sur ce projet, mais le contexte a fait que les choses se sont fortement accélérées”, reprend Marie-Angéline Reynaud, la directrice et fondatrice de l’association qui compte désormais deux années de service. Car si les pôles enfance jeunesse et formation d’Horizon formaient, notamment à travers “l’école démocratique de Mayotte” ou des stages en immersion, les piliers de l’association, les temps qui changent ont poussé le volet sanitaire à sortir de ses cartons. À travers un “fort soutien” de l’agence régionale de santé ou le centre communal d’action sociale de Tsingoni et plus récemment d’acteurs tels que la Croix-Rouge, “tout est allé très vite”, témoigne ainsi Samy Boutouaba aux manettes opérationnelles.
L’action phare de ce pôle santé communautaire a été de créer une “mise en réseau tant au niveau de la population qu’au niveau des institutions”, explique le responsable. ”Très vite, nous avons réussi à constituer ce réseau, notamment autour de petites associations locales et c’est ça qui nous a permis de procéder à un diagnostic et d’affiner notre action en fonction des besoins directs de la communauté”, poursuit-il, soulignant toujours l’importance d’être à l’écoute tant de l’individu que des acteurs institutionnels.
Depuis, ce réseau qui évolue constamment autour de l’association a pu mettre de nombreuses actions en place. Avec toujours, un objectif de sensibilisation. Horizon a ainsi mis en service deux bornes-fontaines – bientôt trois – et profité de ces emplacements pour rappeler les bons gestes barrières au premier rang desquels le lavage de main, “mais sans infantiliser la population”, souligne Samy Boutouaba. L’association a également procédé à des distributions alimentaires, fruits de caddies solidaires. “Ça a super bien marché, il y a eu une vraie solidarité”, se félicite Marie-Angéline Reynaud, qui voudrait toujours faire plus.
Bons gestes et mots justes
Autre action phare d’Horizon : la mise en place de dispositifs de lavage de main. S’il a fallu se creuser la tête pour trouver la bonne formule, force est désormais de constater que le système élaboré fonctionne puisque “plusieurs pharmacies nous ont contactés pour que l’on en installe devant leurs officines”, témoigne la directrice. Des dispositifs également présents devant différents magasins comme le Douka Bé de Tsingoni où, en présence des bénévoles, un taux de 97 % de mains lavées a pu être enregistré. “La bonne surprise c’est que même en l’absence de bénévoles pour rappeler l’importance du geste, nous avons pu comptabiliser 70 % des clients qui se lavaient les mains”, souligne le coordinateur du pôle santé communautaire. Des bons gestes, donc, auxquels s’ajoute le dialogue permanent auprès des habitants, notamment pour “assurer un lien psychologique, comprendre comment les gens vivent cette période, ce qui nous permet ensuite de mettre en relation toutes les informations que nous pouvons collecter pour adapter nos actions”, ajoute Marie-Angéline Reynaud.
Car les temps changent, encore. Et si les bons gestes comme la distanciation sociale étaient il y encore une dizaine de jours bien intégrée, “il faut bien se rendre à l’évidence, il y a un vrai relâchement”, pointe Samy Boutouaba. “On ne perd pas espoir, on va continuer à rappeler l’importance des précautions même si c’est compliqué”, plaide-t-il, concédant que chez Horizon, “on pense déjà à l’après, à la sortie du confinement et comment se réinventer, s’adapter pour rappeler que tout cela n’est pas du passé”. S’adapter, toujours donc. Sans oublier le trépied de valeurs sur lequel repose l’association : respect, égalité et confiance.
Suite au plan de déconfinement présenté par le premier ministre ce mardi, la CGT Éduc’action a décidé de taper du poing sur la table pour que la rentrée mahoraise ne se calque pas sur les modèles métropolitains. Celle-ci est en effet jugée, au regard des moyens comme de l’avancée épidémique tout simplement inenvisageable avant fin août.
Pas de rentrée magnéné pour la CGT. Le message est clair du côté du syndicat, il n’est pour l’heure pas envisageable de faire revenir les élèves dans leurs établissements. “Soyons sérieux, arrêtons de tergiverser et mettons-nous plutôt au boulot pour essayer de préparer une rentrée en août dans les meilleures conditions, ce qui sera déjà compliqué parce que nous attendons quelque 2.000 lycéens de plus sans que les nouvelles salles de classe ne soient là”, plaide ainsi Quentin Sèdes, le secrétaire général de la CGT Éduc’action Mayotte.
Pour le représentant syndical, le compte n’y est en effet absolument pas pour envisager de procéder à un retour à l’école sur le même rythme qu’en métropole. “Est-ce que l’on aura des masques ? Je ne pense pas. Est-ce que l’on aura du gel ? Je ne pense pas. Est-ce qu’il y aura des blocs sanitaires en nombre suffisant ? On sait bien que non ! Tout comme on sait qu’il n’y aura sûrement pas assez de salles de classe pour espérer respecter la distanciation. On sait aussi qu’il sera impossible de désinfecter les établissements et les écoles comme c’est recommandé. Transport scolaire, collation, etc. tout cela est actuellement impossible à mettre en œuvre dans le respect des gestes barrières. Le problème de la climatisation aussi, qui est à prendre en compte dans la propagation du virus ne doit pas être éludé alors qu’elle est indispensable dans les algécos que l’on a empilés dans les lycées pour faire face à l’afflux d’élève”, souligne encore le syndicaliste, avec une conclusion sans appel : “les conditions n’y sont pas, surtout que nous nous trouvons actuellement dans une période d’enflammement de l’épidémie et non pas d’accalmie comme ailleurs”.
Médiation par l’ARS
Pour faire valoir ses positions, le syndicat continue de discuter avec le rectorat, même si le désaccord est profond. Raison pour laquelle il demande à ce que la prochaine réunion se fasse en présence d’un tiers de poids : Dominique Voynet. “La question de la reprise de l’école va bien au-delà du simple cadre scolaire, il nous faut un point de vue plus global de santé publique en lien avec l’évolution de l’épidémie. On ne peut pas prendre ce genre de décisions dans le dos des experts”, fait ainsi valoir Quentin Sèdes.
Quoi qu’il en soit, si une reprise avant août est actée, il est fort à parier que peu d’enseignants sensibles à la parole du syndicat se rendent en classe. “Nous soutiendrons tous ceux qui feront valoir leur droit de retrait qui est une initiative individuelle, mais nous envisageons surtout de déposer un préavis de grève”, déclare le syndicaliste pour qui il ne faut pas transiger “sur la protection des élèves, des professeurs, et donc à plus forte échelle de l’ensemble de la population. Et prévient d’office que le bras de fer ne fait que commencer : “s’ils veulent s’entêter à faire la rentrée avant août, ça va être très compliqué”.
Au lendemain des annonces du premier ministre sur les mesures du déconfinement à venir, nous avons interrogé le sénateur LREM Thani Mohamed Soilihi. L’élu nous a répondu masque sur le nez depuis les rues de Paris, où il était en route vers le Sénat.
Flash Infos : Le premier ministre a annoncé mardi soir son plan de déconfinement. Ce dernier ne sera pas général, mais progressif, et surtout différencié. Les départements qui pourront être déconfinés le 11 mai devront répondre à trois critères. Qu’en retenez-vous ?
Thani Mohamed Soilihi : Déjà, je suis soulagé que ces annonces aient eu lieu, car, avant même que cela soit le cas, elles étaient commentées. Comme à l’accoutumée, il y a eu de nombreux commentaires venus de là ou là, dans tous les sens. Là, la précision de ces premières annonces permet de fixer les choses clairement.
S’agissant de Mayotte, on ne peut, de la même manière, qu’être soulagé que les choses puissent désormais s’organiser presque à la carte. Maintenant, place à la concertation entre les autorités de l’État – préfecture, ARS, CHM, et rectorat – et les exécutifs locaux que sont le conseil départemental, les municipalités et les intercommunalités. À nous, sur place, de nous réunir pour voir ce qui peut être fait ou non à partir du 11 mai.
FI : Mayotte connaît un fort accroissement du nombre de cas de Covid-19 depuis plusieurs jours. Une situation qui s’ajoute à un confinement de moins en moins respecté par la population. Disons-le clairement, dans ces conditions, il est bien peu probable que Mayotte soit déconfinée le 11 mai…
T. M. S. : Le premier ministre l’a bien dit : il n’est pas question d’envisager quoi que ce soit dans les régions où le virus continue à circuler fortement. Si nous nous trouvons alors dans cette situation à Mayotte, nous avons la réponse. Bien évidemment, et comme tous les responsables, je crois, je pense beaucoup à nos enfants qui sont privés d’école. Cela serait bien qu’ils puissent reprendre le chemin de l’instruction, mais jamais au détriment de leur santé ou de la santé publique.
FI : Le premier ministre a annoncé que même dans les départements déconfinés, les déplacements ne pourront excéder les 100 km. Or, en Outre-mer, les problématiques sont quelque peu différentes, avec notamment des étudiants qui vivent en métropole et rentrent à l’issue de l’année scolaire, ou encore des familles qui reviennent traditionnellement sur l’île pour leurs congés. Une dérogation est-elle envisageable ?
T. M. S. : S’agissant des étudiants, s’il est encore trop tôt pour donner plus de précisions, l’année scolaire est terminée pour l’immense majorité d’entre eux et un dispositif de récolte de renseignements les concernant pour les faire rapatrier à Mayotte est en cours. Ceux qui choisiront de rester dans l’Hexagone pourront être soutenus avec des aides. La situation des étudiants est différente, car leur isolement est lié à leur statut.
En revanche, s’agissant des autres catégories de la population, les familles notamment, il faudra peut-être prendre son mal en patience selon la situation de Mayotte à échéance, notamment cet été, selon si l’on peut se déplacer ou pas. Si ce n’est pas le cas, alors je suis désolé pour les familles qui voulaient se retrouver, mais compte tenu de la situation et du risque, on ne peut pas commencer à multiplier les dérogations. La métropole n’est tout de même pas l’endroit où l’on souffre le plus dans
le monde, et collectivement, on peut prendre sur soi pour ne pas risquer de créer une vague de contamination supplémentaire à Mayotte.
Pour son premier jour, difficile de dire que le petit marché de Kawéni qui a vu le jour dans cette période de ramadan a fait le plein. Si la pluie a certes joué les troubles-fêtes, force est de constater que la population ne s’est pas déplacée place du Sénat. Alors que partout autour, le quartier grouille de vie.
Comme une île. Alors que Kawéni a retrouvé l’activité qui la caractérise, en témoignent les embouteillages et des rues pleines de passants, le marché qui s’est dressé place du Sénat, au bout de la rue de la Poste, a de quoi dénoter. Car là où on espérait que les consommateurs se pressent – dans le respect des gestes barrières – il semble bien que la placette soit désertée en ce mardi matin. Banderoles, barrières métalliques, police municipale et société de sécurité et bien sûr masques sont pourtant là pour accueillir en ce mois de ramadan les familles afin qu’elles puissent se fournir en fruits et légumes locaux en minimisant les risques sanitaires. Mais force est de constater que l’on préfère s’entasser dans les Doukas ou se fournir en bord de route. “Il y a quand même eu quelques clients, et puis la pluie n’a pas aidé”, tempère toutefois une commerçante derrière son masque bleu avant de concéder : “C’est vrai que c’est quand même compliqué, j’espère qu’il y aura plus de monde les autres jours [les mardis, jeudis et samedis matin jusqu’à la fin du ramadan], parce que là ce n’est pas vraiment viable”.
En partenariat avec la Capam, la Cadema et l’association des maraîchers de Kawéni, le petit marché a vu le jour autour de cinq producteurs locaux. Si les étales ne sont pas franchement pleines à craquer, on trouve un peu de tout, du citron vert à la salade en passant par les papayes, les courges et les caramboles. Si l’offre paraît faible, elle reste cependant bien supérieure à la demande… Comment expliquer, alors, que les visiteurs soient si peu nombreux ? “Je pense que tout ça, les barrières, les masques, etc. fait un peu peur aux gens. D’une certaine manière, ils préfèrent se voiler la face et garder leurs habitudes comme si la maladie n’existait pas”, analyse Mohamed, un habitué de la place du Sénat, délocalisé le temps du marché du kiosque à un banc ancré quelques mètres plus loin. “Les gens ont peur de cette maladie et ils ne veulent pas voir qu’elle est là alors quand ils voient tout cet attirail, plutôt que de se dire que c’est une protection, c’est pour eux suspect”, poursuit le sage quarantenaire, confirmant n’avoir “pas vu grand monde ce matin”. S’est-il mué, le temps d’un achat, de spectateur à consommateur ? “Non… J’ai mon propre circuit”, lance-t-il malicieusement.
Sans information, “on entretient l’irrationnel”
Alors les tables blanches font face au vide. Il y a bien, sous le kiosque, des hommes qui discutent tandis que les femmes attendent le chaland. Il y a bien, aussi, des représentants de la Cadéma ou encore la police municipale qui papotent dans une certaine proximité, mais la bonne parole ne passe pas auprès des habitants. Ou pas encore. “Il faudrait que tout le monde s’y mette pour expliquer ce qu’il se passe et rassurer les gens avec les bons messages. Autour de moi ça se fait un peu, mais je sais aussi qu’on a plus les moyens de s’informer correctement que d’autres. Il faut vraiment arriver à toucher tout le monde pour expliquer ce qu’il se passe, sinon on entretient l’irrationnel”, soutient Mohamed. L’irrationnel fait pourtant, à Kawéni comme à Kwalé force de généralité. Les marchés informels font le plein quand ceux protégés font le vide. Les rues, aussi, font le plein quand l’épidémie fait des bonds.
Bandrélé n’est pas en reste. Depuis deux semaines, les distributions alimentaires vont bon train dans la commune. Dans le quartier de Nyambadao, ce sont même 600 masques en tissu qui ont été distribués à chaque habitant. D’ici les prochains jours, une borne à eau devrait également y être installée.
Son nom avait été cité parmi les premiers foyers connus du Covid-19 à Mayotte. En réponse, l’agence régionale de santé organise, depuis deux semaines, l’assistance alimentaire et sanitaire de la commune de Bandrélé. En première ligne, l’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSF) sillonne quotidiennement la ville pour y distribuer quelque 80 bons alimentaires par jour, de Hamouro à Dapani, aux publics identifiés par le centre communal d’action sociale. Mais l’action des 16 bénévoles mobilisés est loin de s’arrêter là.
En début de semaine, les habitants de Nyambadao se sont vus personnellement remettre deux masques en tissu cousus artisanalement à Mayotte. Au total, 600 protections réutilisables ont ainsi été distribuées afin d’équiper l’ensemble des villageois recensés dans ce quartier prioritaire de la ville. Parmi les autres priorités, justement, l’approvisionnement en eau. Pour faciliter l’accès gratuit à la ressource du plus grand nombre d’habitants, une borne devrait y être installée dans le courant de la semaine. “On restera autour de la borne pour faire de la pédagogie sur les gestes barrières”, explique Ali Abdou, président de l’ADSF. “Ici, beaucoup de gens n’ont pas d’eau chez eux, donc on sait déjà qu’il y aura pas mal de monde.” Et puisque qui dit eau, dit moustique, une sensibilisation devrait également être faite concernant la dengue et l’élimination des potentiels gîtes larvaires.
Attendre les directives de la préfecture
Pour l’heure, l’association de sécurité civile spécialisée dans les premiers secours, déjà mobilisée lors du passage du cyclone Kenneth, ne s’est pas encore vue attribuer d’autres missions par l’agence régionale de santé ou la préfecture. Toutefois, “on peut aussi faire les courses des personnes âgées ou à mobilité réduite, et livrer des vivres”, détaille encore Ali Abdou. Mais contrairement aux initiatives citoyennes qui germent ça-et-là depuis une quarantaine de jours, l’ADSF, missionnée par l’État, est obligée d’attendre les directives de la préfecture, avant de pouvoir agir.
Mais alors, comment chacun peut-il contribuer à cet effort ? “Pour des questions d’assurance notamment, l’association ne peut pas recruter de bénévoles qui ne sont pas licenciés de la fédération du sauvetage et du secourisme”, répond d’emblée le président de l’association. Autrement dit, impossible de participer aux distributions qui dureront au moins aussi longtemps que le confinement. Néanmoins, chacun demeure libre de s’inscrire à la réserve citoyenne afin d’être appelé près de chez lui quand nécessaire. D’autres associations acceptent aujourd’hui encore les dons de denrées non périssables, comme Yes We Can Nette, Mila Istawi ou le mouvement pour une alternative non violente dans l’océan Indien, pour ne citer qu’elles. Chaque habitant, désireux de donner de son temps aux structures mobilisées près de chez lui, a par ailleurs la possibilité d’appeler le centre communal d’action sociale (CCAS) de sa ville pour être aiguillé.
Hier après-midi, le gouvernement présentait son plan de déconfinement à travers la voix du premier ministre, Édouard Philippe. Un déconfinement qui se veut progressif et différencié, mais également soumis aux chiffres de la contamination d’ici là. Autant dire qu’à Mayotte, rien n’est encore joué. Résumé.
“Un régime de liberté dans lequel nous devons fixer des exceptions” : voilà comment le premier ministre, Édouard Philippe, a résumé le plan de déconfinement qu’il présentait devant l’Assemblée nationale. Un confinement qualifié de “nécessité”, mais qui “pourrait avoir des effets délétères s’il durait trop longtemps.” Si “délétères” que le 1er ministre n’a pas hésité à parler de “risques d’écroulement.” Le déconfinement “aussi attendu que risqué” annoncé pour le 11 mai prochain aura donc bien lieu, mais de manière progressive et différenciée puisqu’il faudra “apprendre à vivre avec le virus et apprendre à nous en protéger”, sous peine de “voir repartir l’épidémie.”
Concrètement donc, le déconfinement tiendra d’abord compte de la situation épidémiologique de chaque département, y compris en Outre-mer. Pour cela, trois ensembles de critères ont été déterminés pour identifier les départements où le déconfinement devra prendre une forme “plus stricte” : le taux de cas nouveaux sur une période de sept jours, le niveau de tension des capacités hospitalières régionales en service de réanimation, et les capacités du système local de tests et de détection des chaînes de contamination. Trois indicateurs qui seront figés le 7 mai afin de dire si, oui ou non, tel ou tel département peut être déconfiné.
Rien d’acquis donc, ledit déconfinement restant soumis à de bons résultats. Qu’en sera-t-il pour Mayotte, qui connait une augmentation du nombre de cas de Covid-19 et où le confinement s’est particulièrement relâché ses derniers jours ? Point de précision pour le moment, si ce n’est la règle en vigueur ailleurs : “Si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, alors nous ne déconfinerons pas.” Une chose est sûre, en revanche : “Les autorités locales, maires ou préfets, auront la possibilité d’adapter la stratégie nationale en fonction de la situation des territoires.”
Des masques et des tests
Mais, même pour les départements qui pourront, dès le 11 mai prochain, être déconfinés, la vie ne reprendra pas son cours tout à fait normal. Les mesures de distanciation sociale et les gestes barrières devront continuer à être appliqués, accompagnées du port du masque. Mais y en aura-t-il pour tout le monde ? “Nous recevons près de 100 millions de masques chirurgicaux par semaine”, a assuré le premier ministre, ajoutant que “nous recevrons près de 20 millions de masques grand public lavables à compter du mois de mai.” Des chiffres qui s’ajoutent aux masques déjà acquis par certaines entreprises et collectivités locales. Ces dernières seront d’ailleurs soutenues par l’État, “qui prendra en charge 50 % du coût des masques dans la limite d’un prix de référence.” Collectivités, commerces, entreprises, mais aussi distribution via les CCAS pour les publics les plus fragiles : “Il y aura assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai”, a confirmé Édouard Philippe.
Et ce n’est pas tout puisque, au-delà du port du masque obligatoire dès lors que les mesures de distanciation sociale ne peuvent être respectées, il s’agira également de tester. Objectif : “700.000 tests par semaine”, comprenant l’identification des cas contacts, et qui seront pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.
Par ailleurs, les déplacements d’un département à l’autre demeureront soumis à des raisons familiales ou professionnelles, les pratiques de sports collectifs, de contact ou en salle fermée seront interdits, les plages demeureront inaccessibles, tout comme les salles de concert, polyvalentes, les cinémas, etc. Les lieux de cultes devraient pouvoir rouvrir dès le 11 mai, sans toutefois pouvoir organiser de cérémonies avant le 2 juin, les rassemblements demeurant proscrits.
Bar et restaurants : pas avant le 2 juin
Quant aux commerces, s’ils pourront rouvrir dans les départements autorisés dès le 11 mai – en respectant toutefois une limitation de nombre de clients présents simultanément –, cela ne sera pas le cas des bars, cafés et restaurants. Le cas de ces derniers sera ainsi fixé à la fin du mois de mai pour une possible réouverture à partir du 2 juin.
Pour les autres entreprises, “le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible au moins pour les 3 prochaines semaines afin de limiter les contacts”, a expliqué Édouard Philippe, assurant que “les dispositifs d’activité partielle seront maintenus jusqu’au 1er juin et qu’ils pourront ensuite être adaptés.