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Mayotte : un homme de 19 ans se noie à Sakouli

Parti se baigner avec des amis, un jeune homme qui ne savait pas nager a disparu en mer dimanche après-midi. Son corps sans vie a été repêché le lendemain par ses proches.

Deuxième noyade en une semaine. Lundi matin, le corps d’un homme âgé de 19 ans a été sorti des eaux au large de Sakouli, où il était s’était rendu la veille avec des amis. Il n’est pas encore 14h30, dimanche, lorsque deux jeunes interpellent les clients du restaurant O’lolo pour leur demander de l’aide : leur compère, avec qui ils étaient partis se baigner quelques minutes plus tôt, est en train de se noyer. Et l’homme ne sait pas nager.

Immédiatement, une petite dizaine de personnes quittent leurs tables, se précipitent vers la plage et avancent dans l’eau. Rien. Pendant que certains réquisitionnent les kayaks de l’établissement pour mener les recherches, d’autres appellent les secours. « Le Smur est arrivé très rapidement », témoigne Angélique, venue manger au O’lolo ce jour-là. « Puis, des gendarmes de Petite-Terre sont venus en bateau, et les pompiers en ambulance. » Tout le monde s’active – ou presque – mais le corps ne réapparaît pas à la surface. « Nous avons quitté la plage à 17h, et les recherches étaient encore en cours. Un bateau de plaisanciers est même resté pour aider », complète Angélique. Mais entre les vents forts et la tombée de la nuit, l’équipe est contrainte de tout arrêter.

Lundi matin, la famille du disparu décide de louer une barque à des pêcheurs de la commune pour reprendre les recherches. Sur les coups de 9h, ils retrouvent le corps du jeune homme, sans vie. Selon une source policière présente au moment des faits, les proches du défunt auraient ensuite eux-mêmes ramené le corps à Kawéni afin de procéder à l’enterrement, prévu ce lundi.

Au moins un noyé chaque année à Sakouli

En rejouant le film de la veille, Angélique s’interroge. Pourquoi les pompiers, pourtant rapidement arrivés sur place, sont restés sur la plage « à regarder les civils faire eux-mêmes les recherches » ? « Les sapeurs-pompiers de Mayotte n’ont pas d’équipes subaquatiques, c’est-à-dire que nous n’avons pas de plongeurs », répond d’emblée le colonel Fabrice Terrien, président du service départemental d’incendie et de secours. D’où la présence de la brigade nautique de gendarmerie dimanche à Sakouli. « Malheureusement, nous ne pouvons faire que du sauvetage de surface, c’est pour ça que les pompiers sont arrivés à Sakouli avec un engin de secours à la personne. » De quoi évacuer la victime vers le CHM si celle-ci avait été retrouvée à temps.

Chaque année, au moins une personne meurt par noyade à Sakouli. Interrogée, la municipalité explique avoir lancé plusieurs dispositifs, rapidement perturbés par le calendrier électoral et le changement de statut, du fait de la création de l’intercommunalité du Sud. « Des formations de surveillants de baignade vont être mises en place et nous avons vu à maintes reprises les professionnels de Sakouli (restaurateurs et gérants d’hôtels, ndlr) pour qu’ils nous accompagnent dans ce dispositif de surveillance », explique la ville de Bandrélé. À terme, cela devrait se traduire par l’installation de drapeaux de bord de mer, indiquant les risques auxquels s’exposent les baigneurs en fonction de la météo et de la marée. « Pas mal de choses ont été enclenchées, mais nous n’avons pas pu reprendre tous les dossiers laissés en suspens », reconnaît encore la municipalité. Bonne nouvelle cependant : « Nous avons reçu il y a quelques jours le CV d’un surveillant de baignade et maître-nageur qui arrive en septembre et qu’on va sûrement recruter. »

Actuellement, aucune aire de baignade n’est surveillée à Mayotte, alors que le département compte plusieurs dizaines de kilomètres de plage. Si les communes sont chargées d’assumer cette compétence, la loi précise que cette obligation ne s’applique qu’aux plages spécialement aménagées. Ce qui n’est à ce jour le cas d’aucune à l’échelle locale, et qui explique, par conséquent, le nombre de noyades élevé à travers l’île. Dimanche dernier, une fillette de cinq s’était ainsi noyée à Trévani après avoir échappé à la vigilance de sa tante.

La violence a fait rage ce Week-end entre Kawéni et Majicavo

Caillassages, incendies volontaires, agressions à la machette… Depuis jeudi soir, une bande d’une centaine d’individus sévit entre Kawéni et Majicavo après l’agression d’un jeune homme. Les dégâts humains et matériels sont considérables. Un corps a même été retrouvé à Kawéni.

Jeudi, fin de journée. Mathieu est seul, attablé chez lui, dans son appartement des Hauts Vallons. Tout à coup, des cris longs et répétés traversent la fenêtre de son salon laissée entrouverte. Il y passe la tête, et voit cette scène, largement diffusée sur les réseaux sociaux : 100 à 150 individus viennent d’assiéger le quartier. « J’ai vu les gendarmes les repousser depuis la route venant de Jumbo », se souvient le jeune homme. « Ils sont passés par le rond-point du M’biwi avant de remonter vers les locaux de Mayotte La 1ère. C’est là qu’ils ont commencé à jeter des pierres et à provoquer les forces de l’ordre qui leur ont répondu avec des lacrymos. » Au total, une centaine de gendarmes et policiers y interviendront tout au long du week-end.

Selon le commandement de gendarmerie, tout serait parti de l’agression, le jour même, d’un jeune de Majicavo par ceux d’une autre bande, vraisemblablement venue de Kawéni. En un rien de temps, la vengeance se prépare, si bien qu’aux alentours de 18h, des premiers caillassages sont signalés à l’entrée de Kawéni. À Majicavo, des dizaines d’individus rôdent déjà, machettes en main. « Je buvais un coup au Quartz (anciennement le M’biwi, ndlr), quand on est venus nous demander partir parce qu’ils allaient fermer le bar », se souvient Guillaume. Quelques minutes avant, les gendarmes s’étaient présentés devant le gérant de l’établissement, en lui expliquant ce qui était en train de se préparer. D’où la décision de fermer boutique. « Les jeunes auraient pu venir frapper les clients et les défoncer, mais ils ne l’ont pas fait. », lâche un voisin, soulagé.

Une bonne partie de la soirée, forces de l’ordre et assaillants se font face. Finalement, la bande de délinquants se disperse d’elle-même… Jusqu’au lendemain, pendant que les habitants comptent encore les véhicules détruits, les pare-brise explosés. Stigmates d’une nuit de violences, qui se répétera à Majicavo et à Kawéni tous les soirs du week-end. Mais un nouveau stade sera franchi samedi, alors que le matin-même, le Collectif organisait une marche contre l’insécurité à M’tsapéré. En fin d’après-midi, les pompiers du service départemental d’incendie et de secours sont appelés à intervenir dans le quartier Disma, à Kawéni. « Quand nous sommes arrivés sur la zone, la police nous a accueillis et nous a demandé de faire demi-tour parce que c’était trop dangereux », retrace le directeur du Sdis, le colonel Fabrice Terrien. « Le feu a dû s’éteindre tout seul… »

Un cadavre retrouvé à Kawéni

Alors que l’épais panache de fumée s’élève jusqu’à être visible depuis Petite-Terre, plusieurs agressions à la machette ou au couteau sont signalés, notamment du côté de Majicavo Massimoni. Un homme de 67 ans est violemment agressé dans son champ, blessé dans le dos et à la tête. À l’entrée de Majicavo Koropa, des poubelles sont enflammées. À Koungou, des caillassages éclatent, des barrages sont érigés et incendiés au milieu de la route. Dimanche, le parquet finissait même par confirmer une rumeur qui circulait depuis le début des événements : un cadavre a bien été retrouvé à Kawéni. « Nous ne savons encore rien des circonstances de la mort, nous ne devons pas tirer de conclusions trop hâtives », insistait alors le procureur Camille Miansoni.

Si les faits de caillassages sont désormais quasi-quotidiens sur l’île, le nouveau commandant de gendarmerie, Olivier Capelle, reconnaît toutefois que les événements qui ont marqué le week-end sont « particulièrement violents ». Ainsi, une enquête a été ouverte pour retrouver les auteurs de ces dégradations et de ces agressions. Dans un communiqué commun, les maires de Koungou et Mamoudzou, le président du conseil départemental et le préfet ont lancé « un appel collectif au calme et à l’apaisement » face aux « conséquences sans précédent » des récents événements. « Les forces de l’ordre et la police municipale seront présentes en nombre pour sécuriser le territoire et interpeller les auteurs de troubles. Les travailleurs sociaux continueront d’intervenir pour faire barrage aux fausses rumeurs qui sont à l’origine de ces violences », ont promis les collectivités. Il a par ailleurs été décidé que les assises de la sécurité, des réunion régulières du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, seraient organisées plus tôt que prévu. « L’objectif est de trouver des solutions pérennes et globales avec les parents, les jeunes, les associations, visant notamment la formation, l’éducation et l’insertion. »

Rapt de Petite-Terre : après l’appel devant la chambre de l’instruction, case prison et « tournure politique »

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Rendue ce jeudi en appel devant la chambre d’instruction de La Réunion, la décision de placer les quatre hommes mis en cause dans l’affaire du rapt de Petite-Terre n’est pas sans soulever de questions selon leur avocat. Me Nadjim Ahamada dénonce notamment une violation des droits de la défense et une motivation politique à l’endroit des divers collectifs contre l’insécurité qui affichent un soutien farouche à ses clients.

« Il y a clairement eu violation des droits de la défense », s’indigne Maître Ahamada au lendemain de la décision rendue en appel la veille et qui a conduit à l’émission de trois mandats de dépôt à l’encontre de ses clients jusqu’alors sous contrôle judiciaire – la décision de placer en détention provisoire celui désigné comme le leader en première instance ayant été confirmée. « Les quatre vont en prison », lâche-t-il, amer. La raison de sa colère ? « Je n’ai pas pu m’exprimer », explique l’avocat. « L’audience a eu lieu ce jeudi avec des juges de La Réunion, elle devait se dérouler en vidéoconférence, sauf qu’il y a eu un problème technique qui n’a pas permis de faire fonctionner le dispositif correctement. Normalement, l’audience aurait dû être reportée, mais les juges ont décidé de ne pas tenir compte du problème technique. Mes clients ont donc été jugés sans avocat », peste-t-il.

Le pourvoi en cassation envisagé

S’il dénonce le choix des magistrats de maintenir l’audience sans débat contradictoire, Maître Ahamada y voit cependant un argument de poids pour espérer voir la décision annulée. « Je vais en discuter avec mes clients ce lundi, mais j’estime que cette violation des droits de la défense a de quoi motiver un pourvoi en cassation », indique-t-il. Toujours est-il qu’étant non-suspensif, cet éventuel pourvoi en cassation ne changerait rien au fait que ses quatre clients dorment à Majikavo d’ici là.

Une situation que déplore la robe noire. Car au-delà de l’irrespect du principe élémentaire de contradictoire qu’il dénonce, c’est également le fond de la décision, « totalement injuste » et surtout sa motivation que le conseil rejette. « Les juges ont retenu comme argument phare le risque de troubles à l’ordre public au vu des diverses manifestations de collectifs contre l’insécurité », soutient l’avocat. « Sauf que ce ne sont pas mes clients qui sont à l’origine de ces manifestations », poursuit Maître Ahamada, concédant toutefois que les collectifs « affichent un soutien farouche » à ses clients. Et que des membres de leur famille sont également des figures influentes de ces mêmes collectifs.

Un message aux collectifs ?

Alors, le conseil en est convaincu, c’est à l’endroit de ces groupes prônant régulièrement une justice populaire et expéditive que la décision a été rendue. « Cela prend une tournure politique, c’est tout simplement un message adressé aux collectifs, une façon de tenter de les museler alors qu’ils ont prévu une nouvelle manifestation samedi », estime-t-il.

Peut-être aussi une façon de faire un exemple pour ceux qui seraient tentés d’emprunter la même voie que ses clients. En première instance, lors de l’audience du 4 août au tribunal judiciaire de Mamoudzou, la substitute du procureur ne s’en cachait d’ailleurs pas. « On voit des milices naître un peu partout sans aucune autorisation et on ne peut pas laisser faire ça. Il faut traiter cette affaire à sa juste mesure parce que sinon, c’est ouvrir la voie à des comportements de type lynchage en toute impunité », avait-elle ainsi fait valoir.

Car si certains peuvent voir dans la séquestration et les coups qui ont conduit à la mort d’un jeune – désigné par ses agresseurs comme délinquant – une forme de justice, voire de bravoure alors que l’île est en proie à l’insécurité, impossible pour la justice de la République de ne pas se tendre. Ainsi remise en cause, la voici donc à tenter de rappeler toute sa force.

Violences faites aux femmes à Mayotte : “Les choses changent. Trop lentement”

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Saïrati Assimakou, la créatrice de la page Facebook Souboutou Ouhédzé Jilaho _ Ose libérer ta parole, revient sur les récents témoignages publics de deux femmes ayant subi viols et violences conjugales. Mais derrière ces quelques prises de parole, de trop nombreuses victimes restent encore dans l’ombre.

Elle a osé parler. À 36 ans, la sociologue Maria Mroivili, a raconté publiquement le “calvaire sexuel et de violences conjugales” qu’elle a subi pendant quatre mois et demi, et ce, après des années “de luttes et de célibat assumés pour finir par tomber sur un mari violent”. Après son interview sur les antennes de Mayotte la 1ère et l’envoi de son témoignage aux médias du département, une procédure a été engagée à l’égard de son compagnon, qui a été mis en examen pour violences et viol et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’approcher la plaignante. Quelques jours plus tard, une nouvelle victime a fait part de son témoignage à visage découvert. Dans une vidéo sur les réseaux sociaux qui totalise près de 2.000 vues et plus de 1.300 partages, Clarice raconte le viol qu’elle a subi par son père démissionnaire. Saïrati Assimakou, la créatrice de la page Souboutou Ouhédzé Jilaho _ Ose libérer ta parole, qui avait été l’une des premières à raconter son histoire, a accompagné cette nouvelle victime dans son chemin vers la prise de parole. Mais face à l’avalanche de messages anonymes qu’elle continue de recevoir, Saïrati Assimakou déplore une prise de conscience collective encore difficile. Elle appelle aujourd’hui à une plus grande solidarité entre les femmes. Et à une justice qui accompagne davantage les victimes. Entretien.

Flash Infos : Vous avez créé votre page Facebook il y a un an. Aujourd’hui, elle compte près de 2.000 abonnés. Est-ce que vous recevez davantage de messages et traduisent-ils selon vous une prise de conscience collective ?

Saïrati Assimakou : La prise de conscience est là, c’est indéniable. Malheureusement, la plupart des victimes ne se sentent pas assez en confiance pour raconter leur histoire librement et publiquement comme Clarice, Maria ou moi. Car du côté de la société, certes, les choses changent. Trop lentement et pas assez fort, je le déplore. La jeunesse prend conscience de certaines choses : par exemple, que la victime ne cherche jamais le viol. Elle sait davantage reconnaître le traumatisme psychique et psychologique. Mais elle n’est pas prête à agir, à déconstruire pour reconstruire. Néanmoins, je reçois énormément de messages, notamment depuis que Maria a parlé. Des personnes qui m’avaient déjà raconté leur histoire auparavant reviennent vers moi. Elles m’expliquent qu’elles n’avaient pas tout raconté, et qu’elles vivent actuellement, des situations difficiles. On se rend compte qu’elles ont été oubliées pendant le confinement, comme Maria. Or pour ces femmes qui me contactent à nouveau, c’est la double peine : elles ont vécu des choses qui les ont laissées avec de grandes fragilités, qui les plongent plus facilement dans de nouveaux drames. Et bien sûr, tout cela est encore très largement entretenu par la famille, la religion…

FI : Après Maria Mroivili, un nouveau témoignage a été publié sur les réseaux sociaux. Celui de Clarice, qui raconte avoir été violée par son père, un récit qui fait écho au vôtre. Comment avez-vous reçu ces nouvelles prises de parole publique ?

S. A. : Oui, notre histoire est plus ou moins similaire sur le point de l’inceste. Et comme beaucoup de victimes, je me sens moins seule. Car si le cas du viol existe mais peine encore à être rendu publique, celui de l’inceste constitue un tabou absolu. Que Clarice vienne m’aider à porter le poids de la vérité, c’est vraiment important. Elle m’avait contactée après la diffusion de l’article au sujet de Souboutou Ouhédzé Jilaho sur Mayotte la 1ère, et à partir de ce moment-là, nous avons travaillé ensemble pour libérer sa parole et l’amener à comprendre l’importance de sa voix pour nous toutes, et aussi pour sa propre liberté à elle. Quant à Maria, je ne la connais pas, mais je suis fière de voir que les femmes commencent à refuser de se soumettre à la voix du silence. Elle a mis le doigt sur quelque chose de réel chez nous, qui n’est pas assez entendu. C’est dommage que trop peu, à Mayotte, ose encore s’exprimer. On dit que nous sommes une société matriarcale, mais en réalité, c’est une société matriarcale dirigée par des hommes…

FI : Recevoir tous ces témoignages doit représenter une certaine pression pour vous, un sentiment de responsabilité envers les victimes. Comment vivez-vous cette situation ?

S. A. : En effet, c’est une pression énorme pour moi. Mais j’ai la chance d’avoir une formation dans le social et j’ai aussi travaillé avec des détenus. Cela me donne quelques billes pour trouver les bons mots. Et bien sûr le fait d’avoir été moi-même victime m’aide à comprendre leur situation. J’essaie d’être la personne que j’aurais aimé avoir en face de moi quand j’ai décidé de prendre la parole. La première chose que je dis aux victimes, c’est que je les crois. C’est une première étape importante car trop souvent, les gens s’arrêtent sur des détails pour dénigrer les propos des victimes. Ensuite, j’insiste sur le fait qu’elles ne sont pas responsables. Enfin, en fonction de leur situation, je les oriente vers des associations avec qui je suis en contact. Car je ne suis en aucun cas une professionnelle de la prise en charge des victimes, quand bien même je comprends leur histoire.

FI : Dans son texte, Maria Mroivili évoque le rôle de la justice. Pensez-vous qu’il faille en passer par là pour réveiller la conscience collective ? Pensez-vous que la justice protège assez les femmes victimes de violence ?

S. A. : Dans un premier temps je dirais que oui, il faut une dénonciation pénale pour mettre la société face au problème. Mais chacune et chacun fait comme elle ou il veut ou peut. Surtout, il ne faut pas que l’absence de plainte ne vienne dénigrer la parole de la victime, comme j’ai pu le voir sur les réseaux sociaux en réaction à la vidéo de Clarice. La dénonciation pénale est un pas. Mais par exemple, pour ma part, au moment de prendre la parole, je n’ai jamais eu en tête que la justice allait m’aider à avancer. Car, comme je vous le disais, j’ai travaillé dans une maison d’arrêt et j’ai vu à quel point la prise en charge des agresseurs était limitée. J’encourage à porter plainte mais malheureusement la justice ne suit pas. Il suffit de regarder les chiffres pour s’en convaincre : seulement 10% des victimes portent plainte, 76% des plaintes restent sans suite, 8% vont jusqu’au procès et seul 1% des violeurs sont condamnés. Les condamnations en France se font au rabais et cela peut être très violent pour la victime. Vivre l’horreur puis constater que ce n’est toujours pas suffisant pour la justice… Sans parler des affaires qui sont ramenées au correctionnel alors qu’elles devraient passer aux Assises. Résultat, le peu d’agresseurs condamnés effectuent leur peine, assez courte, puis sont remis en liberté sans prise en charge, sans se prémunir d’une éventuelle récidive. C’est un problème vraiment complexe, sur lequel l’ensemble de la société devrait se mobiliser. J’incite donc les acteurs locaux à faire bouger les lignes, et j’appelle aussi les femmes à plus de solidarité. Trop souvent, quand une femme a le courage de s’exprimer, nous nous rabaissons entre nous. Ce n’est pas l’héritage de nos ancêtres. Ce n’est pas l’héritage des Chatouilleuses que je vois, en plus de leur caractère politique, comme de véritables activistes d’un avenir meilleur. Par leur acte militant, elles nous ont donné un magnifique héritage. Celui de ne pas attendre des hommes notre libération.

 

Mayotte : Joseph Rakotoarimalala, destin d’un comptable devenu son propre patron

Titulaire d’un BTS en comptabilité obtenue à La Réunion, Joseph Rakotoarimalala, plus communé-ment connu sous le nom de R-Lala, a longtemps cherché à s’insérer, en vain, dans ce domaine avant d’atterrir en tant qu’agent de sûreté à l’aéroport de Mayotte. Après 7 ans et demi de beaux et loyaux services, il a quitté son poste pour se lancer dans l’entreprenariat. Portrait d’un natif de Po-roani, aujourd’hui à la tête de deux entreprises et d’un club de Régional 1.

L’aventure professionnelle de Joseph Rakotoarimalala comme en 2016 avec MayCuisine. « J’ai toujours eu une âme de bricoleur », sourit-il. Puis d’un air nostalgique, le trentenaire se remémore ses années de bidouillage auprès de son père, anciennement conducteur de travaux pour la COLAS. « L’idée est venue lors de l’aménagement de ma maison, je cherchais à installer une cuisine qui correspondait à mes goûts, mais personne ne fournissait un service sur mesure dans l’île », annonce-t-il. Dès lors, R-Lala s’adresse à un fournisseur extérieur pour concevoir sa cuisine sur mesure. Malheureuse-ment, un statut de professionnel est exigé pour ce genre de prestation. « C’est alors là, qu’avec ma femme, nous avons décidé de créer ce projet. », poursuit-il. Comme quoi, derrière chaque grand homme, se cache une lady… L’entrepreneur part alors se former quelques mois à Perpignan au métier de concepteur et poseur de cuisine dans un centre de formation du réseau Schmidt et Cuisinella. Certifié, le fils prodigue revient dans son fief natal, armé et prêt à en découdre. Seul obstacle ? Le nom ! « J’ai d’abord pensé à Mayotte relooking, car je voulais relooker les maisons. Mais ça ne collait pas au projet qui est exclusivement centré sur la cuisine. » Finalement, MayCuisine se révèle comme une évidence. S’en suit un partenariat avec 2 usines en Allemagne et en France et les dès sont lancés…

« C’est allé très vite », souligne Joseph. Au départ seul, il gère son business dans un petit local de Poroani. Dès son lancement, la société est victime de son succès. Elle offre un concept inédit. « J’ai été le premier à faire un showroom entièrement cuisiniste et à offrir une conception 3D, avec des échantillons sur place », rapporte fièrement le gérant. C’est lors d’une exposition au salon de l’aménagement sur la place de la République, au comité du tourisme, que l’entreprise connaît un boom à l’échelle lo-cale. La demande explose, la nécessité de se développer devient imminente. R-Lala recrute alors Moussa Zoubert, aujourd’hui son bras droit. Petit à petit, l’instigateur de MayCuisine embauche et forme des jeunes du village, puis s’entoure de prestataires plus expérimentés. Le vent en poupe, l’en-treprise se délocalise à Tsararano. « C’est un point stratégique, au centre de l’île, où les gens peuvent prendre le temps de présenter leurs idées », explique le Poroanien. L’entrepreneur est lucide : « Il s’agissait aussi d’éviter le centre-ville, avec un flux important de passages impossible à gérer, car il faut comprendre que nous ne faisons pas de ventes directes. Nous travaillons sur le projet dans sa globalité, de la conception du plan à l’établissement d’un devis, puis nous contactons notre fournisseur qui achemine le matériel.» Pour avoir la cuisine des ses rêves, il faut donc être patient ! Aujourd’hui, MayCuisine déroule avec en moyenne 200 clients satisfaits par an. Néanmoins, Joseph ne se repose guerre sur ses lauriers et ambitionne de se développer davantage. Le businessman prévoit d’implanter 2 points de ventes supplémentaires dans le Nord et le Sud du territoire. En étroite collaboration avec l’intercommunaliyé du sud, en marge du projet « ZAE » (zone d’activité économique) de la commune de Chirongui, une demande est en cours pour s’installer à Malamani.

Pas de place pour la suffisance !

Rien n’arrête l’esprit entrepreneurial de R-Lala. En 2018, il se lance un pari personnel en créant MayElectro, une société indépendante d’électroménager situé aux abords de Maycuisine. « J’ai souhaité diversifier nos activités, car souvent les clients réclament que nous équipions leur cuisine », annonce Joseph. Pari gagnant ! L’audace du Joseph se convertit en succès immédiat tant bien qu’une nouvelle boutique ouvre ses portes en septembre du coté de Tsararano. « Ce sera un espace de 115 mètres carrés avec des appareils multimédias et électroménagers », prévient l’ancien agent de sûreté. Un partenaire local, dont il souhaite pour l’instant taire le nom, se chargera de fournir directement le magasin. « Tout est déjà en place », s’amuse celui-ci.

Tout réussi décidément au patron de MayCuisine. En tant qu’homme d’affaires dont le temps est rare, il se détend en faisant du bénévolat. En effet, Joseph participe activement au développement sportif et éducatif de USC Poroani Antéou, un club de Régional 1, dont il est fraîchement élu président, le 19 juillet dernier. Après quelques années en tant que trésorier adjoint, il est propulsé au sommet de la hiérarchie. « J’ai été voté de manière quasi unanime par les membres du bureau » s’étonne-t-il. Friand des responsabilité et amoureux du ballon rond, R-Lala s’en donne à coeur joie. « J’ai porté le maillot de cette enseigne depuis le berceau, je me dois de rendre ce qu’elle m’a donné », exprime-t-il. Dès lors, le dirigeant ne compte pas faire de la figuration : « Je projette de promouvoir le football féminin et surtout de monter le premier centre de formation à Mayotte. J’ai un staff solide et les poroaniens derrière l’équipe. Nous pouvons y arriver. » À 36 ans, Joseph est un leader née. Désireux d’aider sa communauté, la question de son acheminement vers la politique semble légitime. « Dans l’immédiat, je n’envisage pas de faire de la politique public mais j’en fais déjà une de privé », clarifie-t-il. L’homme aux multiples casquettes explique cette vision qu’il met un point d’honneur à exercer. « Entreprendre c’est déjà de la politique, parce que tu fais adhérer ton concept aux autres. Il faut s’adapter à l’éco-système particulier de Mayotte et répondre aux besoins des Mahorais. » Visiblement, le chef de MayCuisine, MayElectro et d’USCP Antéou, n’exclut pas une entrée dans l’arène politique dans les prochaines années. Avec le poids des années, Il y a de grandes chances, seul l’avenir nous le dira…

Mayotte : quand la brique sort à nouveau de terre

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Économique, écologique, locale… Les avantages de la brique en terre mahoraise semblent indéniables. Mais croulant sous le poids des parpaings et autres matériaux de construction importés, la filière s’est effondrée. Avant de renaître de ses cendres ? C’est en tout cas le pari que veulent tenir huit artisans locaux constitués depuis ce jeudi en coopérative. Avec la ferme intention de prendre toute leur place dans l’essor du bâtiment à Mayotte.

La revanche des anciens, Halidi Chazouli, Amboudi Madi et Said Soulaimana veulent y croire. Le trio à la tête du bureau veut aussi croire en la transmission de son savoir. Alors, pour les accompagner dans la renaissance de la brique en terre mahoraise, les voilà qui embarquent à leur côté Danjee Goulamhoussen en tant que trésorier. Lequel, à lui seul accompagné de sa presse symbolise le relai des générations, le respect de la tradition. Mais attention, la brique en terre que vantent les artisans à la sortie d’une réunion qui aura signé la naissance de leur coopérative, a bien d’autres atouts que celui d’être du cru. Solide. « On pourrait tirer au fusil dedans, elle ne céderait pas… Pas comme un parpaing qui exploserait en mille morceaux », s’amuse le président de l’union, Halidi Chazouli. Écologique, aussi. « C’est un matériau qui est directement à notre disposition, que l’on n’a pas besoin d’importer, qui peut par exemple provenir des différents travaux de terrassement. Et quand on détruit une maison en brique, on peut recycler la terre à l’infini, c’est de la pure économie circulaire », vante un membre de la coopérative. Quand 75% des déchets produits en France proviennent du bâtiment, l’argument à de quoi faire réfléchir.

« L’isolation est parfaite, dans une maison bien conçue on n’a pas besoin de climatisation alors que dans une maison en parpaings, ça peut vite devenir un four », ajoute encore le président, achevant de désigner son ennemi. Il faut dire que l’utilisation massive de ces blocs de béton à partir des années 80 a bien failli signer l’arrêt de mort de la brique en terre mahoraise. « Nous avons traversé des temps très difficiles, beaucoup d’entre nous ont dû abandonner », siffle, le regard au loin Halidi Chazouli. Silence chez ses compagnons entourant une presse à brique comme on se saisit d’un objet fétiche pour mettre en fuite les pensées sombres. Seule une dizaine d’artisans – dont huit constituent désormais la coopérative – a réussi à faire front, tant bien que mal, à la marée grise. « Aujourd’hui, tout le monde devrait se dire que c’est une erreur de nous avoir abandonnés car, finalement, toutes les réponses aux enjeux d’aujourd’hui, nous les avions déjà en main », reprend le président près du stock de briques de Vahibé.

L’union fait la force

Et puisque l’union fait la force, les membres de la coopérative ont bien l’intention de faire passer le message avec vigueur à tous les opérateurs du bâtiment de l’île. Avec 500 logements sociaux à livrer par an, des établissements scolaires et pléthores de programmes privés qu’ils espèrent teintés de considérations pour l’économie locale et le développement durable, les résistants de la brique pensent bien avoir encore une carte à jouer. Le frein serait-il celui du coût ? Pas sûr assurent de concert les acteurs. « Nous sommes en train d’évaluer la différence de prix au mètre carré avec le parpaing mais pour ce dernier, il ne faut pas oublier de rajouter le prix des différents isolants, du crépi, alors que la brique se suffit à elle-même, même pas besoin de la peindre ! », plaide-t-on entre deux démonstrations de compression de terre.

Et puis, expliquera un représentant de la nouvelle garde, « c’est un cercle vertueux ». S’unir doit permettre une plus grande visibilité comme une plus forte capacité de production. En décrochant des marchés en commun les artisans se verront – ils l’espèrent – dans la possibilité d’acquérir des presses automatiques et augmenter de fait leur cadence, aujourd’hui estimée à environ 600 briques par jour. Autre objectif de la constitution en coopérative : créer des stocks de terre commun. Sur ce point, le projet est sur de bons rails avec l’aide du Département prêt à dégager du foncier.

Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) et Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) croient également dur comme fer dans la brique en terre. « On va même présenter ces briques à un forum allemand pour l’innovation dans le bâtiment », s’enthousiasme un représentant de la Cress. Alors, après l’âge d’or du parpaing, le retour à la terre ?

La caserne de pompiers de Kahani vandalisée : la fois de trop ?

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la caserne de pompiers de Kahani a une nouvelle fois été la cible d’un groupe d’individus qui se sont introduits dans la cour et ont mis le feu à un camion de pompiers et à des tuyaux. Face à cet énième acte de vandalisme, les soldats du feu ne comprennent pas les raisons et lancent un appel à la préfecture.

Ils étaient entre 10 à 15 individus à s’introduire dans la caserne de pompiers de Kahani, dans la nuit du mercredi 12 août. La date est différente mais les faits ressemblent aux autres intrusions qu’ont eu lieu dans cette caserne depuis maintenant 3 mois. Vers 23h, les soldats du feu sont appelés sur un incendie. Nombreux d’entre eux partent avec un camion et une ambulance, seuls quatre restent sur place. À ce moment-là, ces derniers sont alertés par un début de feu à côté de leurs locaux. Les pompiers sortent et sont immédiatement accueillis par des jets de pierres. Ils constatent par la même occasion que les banderoles accrochées sur la devanture de la caserne sont arrachées. Au même moment, d’autres individus pénètrent dans l’enceinte par derrière en détruisant le grillage. Ils mettent le feu à un camion de pompiers et aux tuyaux se trouvant aux alentours. « Ces gens nous scrutent minutieusement pour savoir combien on est dans la caserne avant de nous attaquer », constate Ahmed Allaoui Abdoul Karim, président du syndicat des sapeurs-pompiers SNSPP-PATS Mayotte. Cet acte s’inscrit dans la lignée des nombreux actes de vandalisme perpétrés envers les pompiers de Mayotte depuis des mois. La caserne de Kahani a particulièrement été touchée, une situation que ne comprend pas le syndicaliste. « Pourquoi souvent Kahani ? Je n’arrive pas à l’expliquer. Pourtant, nous ne faisons aucune différence d’identité. Nous sauvons tout le monde, que vous soyez Français ou étranger. La majorité de nos interventions ont lieu dans les bidonvilles qui nous entourent. L’année dernière, nous avons assisté à 800 accouchements dans nos ambulances, c’est du jamais vu en France. Donc nous ne comprenons pas. »

Aujourd’hui, ces professionnels ont l’impression d’être abandonnés par leur direction et lance un appel à l’État. « La préfecture doit prendre des mesures draconiennes, la justice doit être exemplaire et s’appliquer fermement. » Heureusement, les pompiers de Kahani peuvent toujours compter sur le soutien des habitants. Ce jeudi 13 août, ils ont manifesté dans les rues du village pour dénoncer cette montée de violence. Les élus de la commune de Ouangani se sont quant eux rendus sur les lieux afin de constater l’ampleur des dégâts. Tout comme le directeur du SDIS, le colonel Fabrice Terrien, mais ce dernier s’est retrouvé face à des pompiers en colère qui ne lui ont pas adressé la parole. « Ils n’ont pas souhaité discuter avec lui parce qu’ils sont choqués par ses agissements. Nous ne le considèrons plus comme notre commandant. Il est notre ennemi principal », déclare Ahmed Allaoui Abdoul Karim.

Une guerre avec la direction qui n’en finit pas

Depuis l’intrusion d’individus au sein de la caserne de Kahani au mois de mai, les sapeurs-pompiers mènent une guerre sans fin pour revendiquer ce qu’ils estiment comme nécessaire à leur sécurité. Cependant, la relation avec leur direction n’est pas au beau fixe. « Dans cette caserne, il y a un mouvement de grève et la direction a laissé la situation se dégrader juste pour ne pas répondre aux revendications de sécurisation des lieux », déplore le président du syndicat des pompiers. Et le communiqué de la présidente Moinécha Soumaïla, datant du 7 août, est venu mettre le feu aux poudres. Elle y indique que les sapeurs-pompiers de Kahani se sont opposés physiquement à la pose du nouveau portail tant demandé. Elle dénonce également l’entrave à la liberté de travail des non-grévistes. L’élu du conseil départemental fait aussi savoir qu’elle a modifié l’ordre de conduite des travaux et donne une priorité aux planchers et au chauffe-eau et qu’elle tiendra ses engagements. « J’ai lu ce communiqué avec beaucoup d’amertume parce que la présidente est incapable de nous écouter, elle a donc perdu sa légitimité pour nous représenter. Elle n’a jamais pris la peine de comprendre les facettes de notre métier, la réalité. Au lieu de cela, elle se fait dicter par le directeur », s’indigne le président du syndicat SNSPP PATS Mayotte. Tout ceci laisse à croire que la réconciliation entre les sapeurs-pompiers et leur hiérarchie n’est pas à l’ordre du jour.

Mayotte risque de ne pas participer à la Coupe de France

Depuis le confinement général le 7 mars dernier, le football est à l’arrêt à Mayotte, après seulement deux journées de championnat entamées. Cette interruption s’éternise du côté de la ligue de football mahoraise, les clubs, les joueurs et les supporters. Surtout que nos homologues réunionnais foulent le rectangle vert depuis le 19 juillet et s’assure la participation à la Coupe de France.

Une saison plus que jamais indécise. « J’ai un peu d’espoir pour le championnat mais pas pour la Coupe de France », déclare Mohamed Boinariziki, président de la LMF (ligue mahoraise de football). Les avis sont partagés au sein des écuries de l’élite mahoraise concernant cette coupe nationale. « L’incompréhension règne étant donné que c’est la FFF qui finance à 100% la prise en charge de l’équipe représentante », adresse Dajdid Abdourraquib, le président du football club de M’tsapéré. Le dirigeant propose alors à la LMF de trancher : « Il ne s’agit pas nécessairement d’envoyer le FCM participé à cette fête. C’est un devoir moral de prendre cette décision car en tant qu’amateur de football, c’est une compétition populaire qui passionne les sportifs mahorais. » D’après le patron du FCM, le président de la fédération française de football aurait émis le souhait de vouloir faire participer les équipes d’Outre-mer en particulier.

Leader des Diables noirs de Combani, Ibrahima Ambdoulhanyou est quant à lui mitigé : « Ce ne serait pas sérieux de participer… Mais si l’occasion se présente, je ne la refuserai pas car nous risquerons une amende pour avoir déclaré forfait. » Selon lui, la saison devrait être annulée. « La Coupe de France je peux le concevoir, mais pas la reprise du championnat. » De son côté, le président des Jumeaux de M’zouazia, Mohamed Kamal Eddine est catégorique. « Il ne faut pas se leurrer. Dans l’état actuel des choses, il est physiquement et techniquement impossible d’être en forme pour y participer dans les meilleures conditions. Le délai est trop court. Nous y allons pour gagner, là c’est du bricolage, je n’aime pas ça. », assène-t-il. « Je préfère protéger mes joueurs même s’ils préfèrent être de la partie. Je pense que la ligue ferait mieux de n’envoyer aucune équipe », poursuit le champion en titre de la régionale 1.

« Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot »

Le président de la LFM tient à clarifier la situation. « La Fédération a enlevé deux équipes de la métropole pour permettre à Mayotte et la Guyane de participer à cette édition, mais il faut qu’il puisse y avoir une compétition afin de déterminer un vainqueur ». Une première hypothèse suggère de prendre les 8 dernières équipes de l’édition précédente pour les confronter mais celle-ci a rapidement été balayée d’un revers de la main par la délégation.

Pour tenter de calmer les esprits, Mohamed Boinariziki soutient que la LMF n’a pas le pouvoir de donner son aval. « Je souhaite la reprise de la compétition, mais nous sommes toujours en état d’urgence jusqu’au 31 octobre. Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot », affirme-t-il. Une réunion en visio-conférence est prévue la semaine prochaine avec le comité exécutif de la FFF (fédération française de football) afin d’évaluer la situation car « une décision doit être prise au plus tard le 15 septembre » sinon « Mayotte sera désignée forfait », lâche-t-il. Toujours est-il que « la décision ne revient ni à moi, ni au président de la FFF mais aux autorités sanitaires », insiste le responsable de la ligue mahoraise. Néanmoins, il conseille vivement aux équipes « d’être à jour sur leurs licences et l’aspect administratif au cas où la saison reprendrait ».

Quelques équipes, telles que USC Poroani Antéou ou le FC Choungui, s’entraînent de nouveau depuis quelques semaines, si bien que des rencontres clandestines s’organisent entre elles. Une forte envie de retrouver la compétition qui poussent les joueurs à prendre des risques. La ligue se dédouane de cette initiative. « Ça n’engage qu’eux ! Nous ne sommes pas au courant », fustige le président de la LMF. Celui-ci déplore ces actions et impute la responsabilité aux dirigeants des clubs.Depuis le confinement général le 7 mars dernier, le football est à l’arrêt à Mayotte, après seulement deux journées de championnat entamées. Cette interruption s’éternise du côté de la ligue de football mahoraise, les clubs, les joueurs et les supporters. Surtout que nos homologues réunionnais foulent le rectangle vert depuis le 19 juillet et s’assure la participation à la Coupe de France.

Une saison plus que jamais indécise. « J’ai un peu d’espoir pour le championnat mais pas pour la Coupe de France », déclare Mohamed Boinariziki, président de la LMF (ligue mahoraise de football). Les avis sont partagés au sein des écuries de l’élite mahoraise concernant cette coupe nationale. « L’incompréhension règne étant donné que c’est la FFF qui finance à 100% la prise en charge de l’équipe représentante », adresse Dajdid Abdourraquib, le président du football club de M’tsapéré. Le dirigeant propose alors à la LMF de trancher : « Il ne s’agit pas nécessairement d’envoyer le FCM participé à cette fête. C’est un devoir moral de prendre cette décision car en tant qu’amateur de football, c’est une compétition populaire qui passionne les sportifs mahorais. » D’après le patron du FCM, le président de la fédération française de football aurait émis le souhait de vouloir faire participer les équipes d’Outre-mer en particulier.

Leader des Diables noirs de Combani, Ibrahima Ambdoulhanyou est quant à lui mitigé : « Ce ne serait pas sérieux de participer… Mais si l’occasion se présente, je ne la refuserai pas car nous risquerons une amende pour avoir déclaré forfait. » Selon lui, la saison devrait être annulée. « La Coupe de France je peux le concevoir, mais pas la reprise du championnat. » De son côté, le président des Jumeaux de M’zouazia, Mohamed Kamal Eddine est catégorique. « Il ne faut pas se leurrer. Dans l’état actuel des choses, il est physiquement et techniquement impossible d’être en forme pour y participer dans les meilleures conditions. Le délai est trop court. Nous y allons pour gagner, là c’est du bricolage, je n’aime pas ça. », assène-t-il. « Je préfère protéger mes joueurs même s’ils préfèrent être de la partie. Je pense que la ligue ferait mieux de n’envoyer aucune équipe », poursuit le champion en titre de la régionale 1.

« Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot »

Le président de la LFM tient à clarifier la situation. « La Fédération a enlevé deux équipes de la métropole pour permettre à Mayotte et la Guyane de participer à cette édition, mais il faut qu’il puisse y avoir une compétition afin de déterminer un vainqueur ». Une première hypothèse suggère de prendre les 8 dernières équipes de l’édition précédente pour les confronter mais celle-ci a rapidement été balayée d’un revers de la main par la délégation.

Pour tenter de calmer les esprits, Mohamed Boinariziki soutient que la LMF n’a pas le pouvoir de donner son aval. « Je souhaite la reprise de la compétition, mais nous sommes toujours en état d’urgence jusqu’au 31 octobre. Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot », affirme-t-il. Une réunion en visio-conférence est prévue la semaine prochaine avec le comité exécutif de la FFF (fédération française de football) afin d’évaluer la situation car « une décision doit être prise au plus tard le 15 septembre » sinon « Mayotte sera désignée forfait », lâche-t-il. Toujours est-il que « la décision ne revient ni à moi, ni au président de la FFF mais aux autorités sanitaires », insiste le responsable de la ligue mahoraise. Néanmoins, il conseille vivement aux équipes « d’être à jour sur leurs licences et l’aspect administratif au cas où la saison reprendrait ».

Quelques équipes, telles que USC Poroani Antéou ou le FC Choungui, s’entraînent de nouveau depuis quelques semaines, si bien que des rencontres clandestines s’organisent entre elles. Une forte envie de retrouver la compétition qui poussent les joueurs à prendre des risques. La ligue se dédouane de cette initiative. « Ça n’engage qu’eux ! Nous ne sommes pas au courant », fustige le président de la LMF. Celui-ci déplore ces actions et impute la responsabilité aux dirigeants des clubs.

Dernière marche du collectif des citoyens de Mayotte 2018 avant le chaos ?

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Mercredi, plusieurs membres du collectif des citoyens de Mayotte 2018 se sont réunis à la MJC de M’Gombani pour annoncer une marche ce samedi entre Doujani et Mamoudzou. Remontés face à la recrudescence de la délinquance de ces derniers mois, ils exigent la venue du ministre de la Justice pour réaliser un diagnostic local. En cas de non-réponse satisfaisante, cette manifestation pourrait bien entraîner une nouvelle paralysie de l’île.

Entre les agressions répétées et l’immobilisme du système judiciaire, le collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’époumone tant bien que mal à tirer la sonnette d’alarme. En vain selon lui… Pour de nouveau crier à l’injustice, ses membres annoncent une marche « en mémoire de ceux qui ont perdu la vie ces derniers mois » ce samedi à 8h depuis le rond-point de Doujani jusqu’à la place de la République de Mamoudzou. Face au téléphone en direct, le cousin du défunt de M’Tsapéré, Ahmed Thany, harangue les auditeurs et les invite à rejoindre massivement la manifestation pour dire « stop ». « Nous sommes fatigués d’être les victimes », plaide celui qui a depuis cet événement tragique créé le collectif Bassi Ivo dans son quartier.

Voilà pour l’appel solennel. Le discours, lui, ne bouge pas d’un iota, bien au contraire. Dans le viseur des investigateurs du fameux blocage de sept semaines en 2018 ? « L’immigration en tout genre », pointe du doigt Said Mouhoudhoiri, le porte-parole du célèbre collectif susnommé. Une arrivée massive ayant pour conséquence « une guerre communautaire entre les Mahorais et les Comoriens », selon Safina Soula Abdallah, la présidente. « Mayotte est devenue une passoire. Et quand nous disons la vérité, nous nous faisons traiter de xénophobes et de racistes. » Et c’est là que le bât blesse à leurs yeux : deux populations se distinguent sur ce territoire « de terreur ». Celle dite « intouchable, car non identifiable, qui entraîne une transviolence venue d’ailleurs », comme l’explique Sylviane Aboudou. Et celle « qui vit en toute légalité et qui est jugée ». À l’instar, de l’homme placé en détention provisoire fin juillet dans l’affaire du rapt de Petite-Terre.

« Nous sommes orphelins, nous n’avons pas de parents »

Au son de leurs voix respectives se dégage une lueur de désespoir, ou plutôt d’incompréhension, à l’égard de la justice. « Le tribunal refuse la vérité et s’amuse avec les Mahorais. […] J’accuse cette justice à deux vitesses ! », renchérit Said Mouhoudhoiri. La solution miracle pour inverser la tendance ? Que Éric Dupont-Moretti, fraîchement intronisé Garde des Sceaux lors du remaniement ministériel, vienne « faire un constat sur place et rencontrer les familles endeuillées », plaide Foumo Silahi, président de Civirevos, l’association citoyens vigilants et révoltés de Mayotte. « Le fonctionnement des autorités de l’État est préjudiciable pour les Mahorais. Il faut un diagnostic local ! »

Si le collectif des citoyens de Mayotte 2018, par le biais de sa présidente, dit ne pas vouloir « divorcer avec la justice », la confiance s’effrite. Au point de se sentir tout simplement discriminé. « Dans un autre département, un membre du gouvernement aurait été dépêché. Nous, nous sommes orphelins, nous n’avons pas de parents », détaille Safina Soula Abdallah, qui dénonce la colère grandissante de la population. Mais pour d’autres membres, comme Abdallah Ali Baco, la venue d’un ministre se résume à de la poudre de perlimpinpin. « Il ne faut pas se leurrer ». Prenant ainsi exemple sur nos voisins de l’océan Indien pour justifier son argument. « Quand les Réunionnais revendiquent, ils obtiennent gain de cause ». Une succession d’interventions qui se résume à un sentiment d’abandon.

Cette marche, soutenue par le collectif MEM France à Marseille, semble donc être le dernier espoir pour une possible réconciliation. « L’État doit comprendre que cette action sera intelligemment menée. Nous avons retenu les leçons de 2018, nous ne sommes pas sauvages. Nous savons que Mayotte a besoin de son économie, d’autant plus que le tourisme et le transport sont déjà menacés. Les chefs d’entreprises sont prévenus. Nous voulons simplement alerter », s’égosille Sylviane Aboudou. Avant un éventuel embrasement ? Le haussement de sourcils en guise de réponse en dit long…

L’APPF976, l’association mahoraise qui veut sauver les animaux de l’île

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Depuis le mois de juin, l’association pour la prévention et la protection de la faune de Mayotte multiplie les envois de chats et de chiens errants dans les familles d’accueil mais aussi les adoptions. À terme, le président Hervé Bouly veut renforcer la formation et l’information dans les écoles et faire rentrer la stérilisation dans les mœurs des habitants.

Ils s’appellent Pristie, Moro, Laya ou encore Maeva… Leur point commun ? Ce sont des chats et chiens mis à l’adoption par l’association pour la prévention et la protection de la faune de Mayotte. Si la structure existe depuis novembre 2018, sa véritable médiatisation remonte au mois de juin avec la mise en lumière sur son Facebook de Sweet, une femelle, et de ses cinq chiots retrouvés dans les rues de Passamaïnty. « On nous contacte et on voit ce que l’on peut faire », expose Hervé Bouly, le président. La première étape consiste alors à vérifier que l’animal n’est pas identifié. Puis s’ensuit toute une formalité réglementée par la loi française. Par exemple, les chats adultes peuvent être remis en liberté après stérilisation. Pour les chiens dans la force de l’âge, l’option privilégiée est leur envoi à la fourrière de Gueules d’Amour à Ongojou. « Mais elle n’a pas de convention signée avec toutes les mairies », regrette le fonctionnaire de la police nationale. Dans ce cas-là, l’adoption prime, « une procédure sécuritaire » à ses yeux.

Et à ce jeu-là, « les bébés partent comme des petits pains ». En l’espace de deux mois, Hervé Bouly recense trois signatures officielles et cinq dossiers en cours de finalisation. Démunie de refuge, l’APPF976 compte sur une quinzaine de familles d’accueil pour recueillir les canidés et les félidés, le temps qu’ils trouvent chaussure à leur pied. « On ne s’attendait pas à ce que les gens réagissent et s’investissent aussi rapidement », se réjouit le président. Toutefois, d’autres difficultés demeurent, à l’instar du volet financier, puisque l’association ne perçoit qu’une aide de 5.000 euros par an de la part de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt pour prendre en charge la stérilisation, la castration et l’identification. Raison pour laquelle une adoption s’élève à 200 euros, « un tarif unique pour éviter les comptes d’apothicaires », qui comprend l’adhésion à la structure (20 euros) mais aussi les procédés vétérinaires cités ci-dessus ainsi que différents vaccins, comme celui contre la rage, et le passeport (180 euros).

Maltraitance et misère sanitaire

Si l’APPF976 « préfère aller doucement pour avoir des bases solides », elle recherche bien évidemment des bénévoles pour l’appuyer dans sa mission. « En fonction des qualités des uns et des autres, on grandira », assure Hervé Bouly, qui espère attirer des profils ciblés, notamment dans la logistique et la pédagogie. Et dans ce dernier domaine, le « chef d’orchestre » comme il se désigne, nourrit de grandes ambitions. En tête : de la formation et l’information dans les écoles car selon lui, « le respect de l’animal doit commencer par les enfants ». Il envisage également de faire de la prévention à l’aide d’un imam burundais, « qui parle parfaitement shimaoré », pour enrayer « les préjugés » à l’égard des chiens et des chats.

Enfin, l’association pour la prévention et la protection de la faune de Mayotte s’appuie sur le parrainage de la brigade de protection animale, regroupant des policiers et gendarmes bénévoles, pour intervenir dans le cadre de combat de chiens, « qui n’est pas une priorité du parquet ». En métropole, l’un des membres fondateurs de la structure remue ciel et terre pour mettre sur pied de nouveaux partenariats, avec le refuge de la fondation de Brigitte Bardot ou encore la SPA, « pour offrir une porte de sortie aux animaux et ne pas les euthanasier [ici] ». Entouré de bêtes durant son enfance à la campagne, Hervé Bouly aspire à « faire rentrer la stérilisation dans les mœurs ». Dans un but bien précis… « Il faut garder en ligne de mire que l’on veut sauver l’animal de la maltraitance et de la misère sanitaire. C’est notre grain de sable dans l’édifice mahorais ! »

N. Hakim : « La filière du transport à Mayotte est condamnée à mourir »

Ancien directeur commercial d’Ida Nel, il a été parmi les premiers importateurs de bus de l’île, avant d’installer sa franchise Mercedes à Mayotte. Désormais consultant pour le secteur, Nouridine Hakim tire la sonnette d’alarme : pour lui, la filière du transport est localement gravement menacée. Rencontre. 

Flash Infos : Vous travaillez dans le secteur du transport à Mayotte depuis près de 30 ans. Comment l’avez-vous vu évoluer ? 

Nouridine Hakim : Dans les années 90, nous avons, pour la société d’Ida Nel, importé les premiers mini-bus sur l’île. J’ai pu voir les chauffeurs de taxi adopter ces véhicules pour la première fois. Il a fallu qu’ils s’organisent, qu’ils acquièrent un statut en tant que professionnels car l’administration a commencé à vouloir que les gens soient référencés, qu’ils aient une licence, une véritable structure… J’en ai accompagné certains puisque nous avions mis en place le premier cabinet d’experts-comptables et de conseil de la filière, pour que les taximen deviennent progressivement des transporteurs. Un bus coûtait alors environ 130.000 francs (soit moins de 20.000 euros, ndlr), aujourd’hui, le même matériel coûte 250.000 euros, parce qu’on est désormais dans les réglementations européennes. Quand vous regardez le niveau de revenus à Mayotte à cette époque, les gens dans le privé gagnaient beaucoup mieux leur vie qu’aujourd’hui. Ceux qui travaillaient dans le transport mettaient seulement six mois à rembourser leur bus. Aujourd’hui, je ne vois pas qui peut payer un bus en moins d’un an. Entre la fin des années 90 et le début des années 2000, on nous a fait croire qu’avec l’Europe et le passage de Mayotte en RUP on allait avoir plus de dotations et que ça serait mieux pour tout le monde. Cela avait bien commencé, pendant les cinq premières années on a eu pas mal d’aides. Mais progressivement, on n’a plus rien eu. Résultat : aujourd’hui on n’a pas de réseau de transport, on n’a pas d’organisation de la mobilité à l’échelle territoriale, et on a des gens qui se retrouvent à devoir financer seuls leur matériel ou à devoir emprunter 100% de leur investissement. 

FI : Pourtant des subventions dédiées ont été déployées par le conseil départemental… 

N. H. : À l’époque, le conseil départemental participait aux investissements à hauteur de 30 %, et à côté on avait le complément avec la défiscalisation dans le cadre de la loi Girardin. En gros, cela représentait 60 % d’aides, mais cela n’a pas duré longtemps. Aujourd’hui, les transporteurs ont droit à des aides de 50.000 euros, mais quand vous avez cinq bus à acheter, cela ne représente quasiment rien, d’autant plus quand au bout de trois ans, la collectivité ne vous a toujours pas versé le moindre centime. Ce qui fait que les professionnels de la filière sont surendettés et en même temps, ils doivent accepter la quasi-démission du service public. Au niveau social, les charges augmentent, les cotisations ne sont plus les mêmes qu’il y a dix ans. Au niveau de l’entretien, il faut passer au garage presque tous les mois, ce qui représente un certain coût. On a toute une batterie de choses qui font que l’exploitation aujourd’hui coûte très cher. Les personnes qui ont commencé dans les années 90 approchent de la retraite ou y sont déjà, et les nouvelles générations ne veulent pas reprendre cette activité parce qu’elle n’est pas sécurisante, alors qu’elle pourrait être très porteuse. À cela s’ajoute la délinquance : des bus sont cassés tous les jours, pendant que les vitres ne sont plus prises en charge par les assureurs. Un pare-brise de bus, c’est 5.000 euros ! Donc si vous devez supporter chaque année trois ou quatre pare-brises, en plus d’une assurance qui coûte très cher comme c’est le cas à Mayotte et un entretien deux fois plus coûteux qu’en métropole, l’investissement n’est pas rentable. L’administration a mis en place des aides pour que les jeunes puissent passer le permis de transporteur et se lancer en tant que chauffeur, c’est quelque chose d’intéressant, mais une fois que les jeunes ont passé le permis, s’ils n’ont pas de contrat avec Matis ou un autre grand groupe, ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas financer leur bus. La vocation des jeunes aujourd’hui, c’est de devenir des chefs d’entreprise. Pour moi, la filière est condamnée à mourir, je ne vois pas comment on peut organiser l’avenir. C’est le même problème qui se pose avec le tourisme : on dit qu’il faut le développer, mais est-ce qu’on incite les Mahorais à ouvrir des clubs de plongée, est-ce qu’on forme des maîtres-nageurs ?

FI : Le projet Caribus, porté par la ville de Mamoudzou, ne peut-il pas selon vous relancer la machine ? 

N. H. : Lorsqu’on a commencé à parler du projet, un syndicat de transporteurs a alerté les élus sur le fait que tous les acteurs de la filière n’avaient pas été pris en compte. On aurait dû réfléchir ensemble, en toute intelligence, avec l’ensemble des professionnels. Mais personne ne nous a appelés. Construire un réseau de bus, c’est choisir les moteurs, aménager les parkings… On va créer Caribus sans même savoir où garer les véhicules, sans même avoir de mécaniciens. Tous les petits garages qu’on avait à Mayotte ont aujourd’hui disparu, pendant que l’usure des véhicules est ici deux fois plus importante qu’en métropole en termes de fréquence des renouvellements. Il aurait fallu développer ces garages qui sont tous en train de fermer, mais avec les problèmes de foncier, on n’en incite pas d’autres à se réinstaller. Résultat, on n’a presque plus que des grands groupes et les Mahorais sont en train de disparaître de la filière. 

FI : L’entreprise Matis, chargée d’assurer le transport scolaire à travers toute l’île, travaille pourtant avec des chauffeurs mahorais… 

N. H. : Certes, Matis fait travailler les Mahorais, parce qu’on lui donne les financements pour, mais il reste un groupe réunionnais et il n’apporte pas de valeur sociale au territoire. Est-ce que vous avez regardé ce que gagnent les chauffeurs de Matis ? ? Ils sont très mal payés, et la plupart des bus qu’ils ont ont été importés depuis La Réunion, ils n’achètent pas à Mayotte. Quand ils renouvellent leur parc, ils ne font pas travailler les locaux. Dans ce contexte, comment organiser la filière de manière globale ? On doit concevoir un développement harmonieux en intégrant tout le monde : les petits vendeurs de pneus, les mécaniciens, les chauffeurs, etc. On développe des projets certes, mais pour moi on ne le fait pas de la bonne façon. Les bus qu’on a ici ne sont même pas adaptés à Mayotte, ils sont beaucoup trop grands pour nos routes et je l’ai toujours dit, même lorsque j’étais importateur et qu’on a imposé des bus de 14 ou 15 mètres. Autant prendre deux ou trois petits bus, moins encombrants, et recruter plus de chauffeurs. En termes d’investissements cela ne coûterait pas plus cher.

 

Alcool, Barfly et délaissement de mineurs : un drame familial à Mayotte face au tribunal

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Des parents alcooliques, une aide sociale à l’enfance défaillante et une justice lasse se rencontrait ce mercredi au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Une triste affaire d’absence de surveillance sur deux enfants, comme les connaît malheureusement bien Mayotte.

C’est comme une pièce de théâtre qui s’est jouée ce mercredi, au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Mais du genre dramatique. Dans les personnages, on retrouve : la mère, jeune femme de 24 ans, le bébé à l’épaule ; l’avocat, sa plaidoirie presque cousue dans les fils de sa robe noire ; une aide sociale à l’enfance défaillante à Mayotte, dans son viseur ; le juge, sourcils levés et soupirs derrière ses lunettes en rectangle ; et un père, 43 ans, alcoolique. Les faits qui les ont amenés dans ce huis clos moderne “sont simples et néanmoins surprenants. Et pourtant, j’ai l’habitude”, commence alors le président du tribunal, Laurent Ben Kemoun. Cette nuit du 15 septembre 2019, ou plutôt aux aurores, un couple se retrouve au commissariat, “en complet état d’ébriété”, d’après le procès-verbal de la police. Leur problème ? Ils sont tous deux sortis de la maison pendant la nuit, laissant derrière eux sans surveillance deux enfants de deux et quatre ans, pendant plusieurs heures. À leur retour, les fillettes ont disparu.

Dispute et soirée alcoolisée

Appelée à la barre, la mère, la seule des prévenus présente à l’audience, tient un autre discours. La veille au soir, son compagnon reçoit des amis à lui, et l’alcool coule à flots. À un moment de la soirée, une dispute éclate. “Il s’est énervé et a commencé à m’insulter devant les enfants”, relate la jeune femme. Pour calmer ses nerfs, elle décide de prendre ses clics et ses clacs, et d’aller faire un tour du quartier. Pas plus de quelques minutes, indique-t-elle aujourd’hui devant les magistrats. “Dans votre audition au moment des faits, vous dites que vous êtes partie une heure”, s’étonne toutefois le substitut du procureur. Quoi qu’il en soit, quand elle retourne au banga, ses enfants ne sont plus là, le père non plus. Visiblement, il a filé en moto au Barfly, et une proche, dans une maison voisine, s’étant aperçue de l’absence des parents, s’en va récupérer les enfants en pleurs. Dans sa déclaration, le père assure que sa compagne l’a rejoint car elle voulait danser, et qu’il essayait de l’en dissuader. Elle est alors enceinte de trois mois, et “il veut éviter que vous ne buviez de l’alcool”, rapporte le juge, en lisant la déclaration du patriarche, absent à l’audience.

Des visites interrompues par le confinement

Mais la femme nie avoir été en état d’ivresse. “J’ai fait les tests de dépistage ce jour-là”, objecte-t-elle avec force. Au moment de sa déclaration, elle sort d’une nuit d’horreur passée à chercher ses bambins, et se présente éreintée au commissariat. Une justification qui ne convainc visiblement pas la justice. Un mois plus tard, les victimes sont placées en famille d’accueil, sous le contrôle de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Conséquence de ce drame familial : les parents ne peuvent plus voir leurs enfants, à part pour quelques visites, vite interrompues par le confinement. Et ils se retrouvent aujourd’hui jugés pour délaissement de mineurs au point de compromettre leur santé et leur sécurité, un délit qui peut être puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende…

Reste que pour juger cette affaire aujourd’hui, c’est un peu parole contre parole. Et un autre protagoniste se retrouve mêlé à l’affaire : l’aide sociale à l’enfance, qui, d’après l’avocat de la défense, a failli à sa mission en empêchant la mère de voir ses enfants. Il faut dire que c’est un bouc émissaire tout trouvé. L’ASE à Mayotte fait régulièrement l’objet de critiques, notamment parce qu’elle souffre de moyens limités rendant difficile l’exécution de sa tâche “hors du commun” au vu des réalités du territoire, notait d’ailleurs un rapport de la Chambre régionale des comptes en juillet 2019.

L’ASE dans le viseur

“Vous défendez l’intérêt de ces enfants, et leur intérêt, c’est quand même de voir leur mère”, lance donc Maître Erick Hesler à l’administrateur ad hoc de l’association Mlezi Maore, venu représenter les victimes. Puis, s’adressant aux juges : “Aujourd’hui, tout ce qu’elle implore, c’est de retrouver ses filles qu’elle n’a pas vues depuis six mois. Quelque part, elle a déjà été jugée par l’ASE, et si vous la condamnez aujourd’hui, vous lui infligez une double peine.” D’autant que l’administrateur ad hoc souligne l’implication de la mère, qui, malgré l’impossibilité de rendre visite à ses enfants, s’est montrée assidue et présente par téléphone pendant toute la durée de cet éloignement forcé. Et le père ? “On ne l’a pas beaucoup vu…”, souffle le représentant de Mlezi Maore. 

Appelée à la barre une dernière fois avant que les juges ne se retirent pour délibérer, la mère repentante éclate en sanglots. “Je suis désolée”, hoquète-t-elle avant d’éponger ses larmes dans le linge pour bébé qu’elle garde à l’épaule. Acte final et dernier coup de théâtre : dix minutes plus tard, les magistrats reviennent dans la salle pour annoncer leur jugement. À peine le juge a-t-il énoncé le nom du père que l’on entend à la porte un tonitruant “C’est moi !”. Un homme, lunettes noires sur le nez et le pas titubant s’avance dans l’allée centrale. “Vous êtes sous l’emprise de l’alcool ?”, tombe des nues le président, Laurent Ben Kemoun. “Oui”, baragouine-t-il devant une salle atterrée. Las, le juge finit par prononcer la relaxe pour les deux prévenus. Non sans dénoncer, la voix profondément choquée, “l’outrage au tribunal” du père. Et “bonne chance et bon courage à la mère”. Et aux enfants aussi ?

 

Assistants familiaux à Mayotte : « S’il faut que l’on rende leurs enfants, on leur rendra leurs enfants ! »

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Les assistants familiaux de Mayotte, plus communément connus sous le nom de familles d’accueil, se sont déplacés au conseil départemental, ce mardi 11 août, déterminés à entamer un bras de fer avec leur administration. Ils pointent du doigt, entre autres, la récente décision du Département de réduire considérablement la prime d’entretien des enfants à leur charge.

Elles étaient une bonne centaine à camper dans la cour du conseil départemental, déterminées à faire entendre leur voix. Les assistantes familiales, par le biais de la CGT, ont déposé un préavis de grève il y a une semaine. L’origine du conflit avec le Département ne se résume pas en un seul point, sinon en 35. Trois revendications sont cependant cruciales et détermineront le déroulement du mouvement. Les assistants familiaux veulent en premier lieu être considérés comme des agents départementaux à part entière. « Ils n’ont jamais été considérés comme tel alors qu’ils ont un contrat avec le Département comme tous les autres agents. Tous les agents départementaux sont gérés par les ressources humaines du Département, sauf les assistants familiaux », explique Haoussi Boinahédja, délégué syndical à la CGT Mayotte. La question de leur rémunération pose également problème. Selon une délibération datant de 2014, les salaires des assistants familiaux devaient évoluer pour atteindre celui du droit commun en 2018. En d’autres termes, ils devaient recevoir le SMIC mais le texte ne précise pas s’il s’agit de celui de Mayotte ou de l’hexagone, et la notion de droit commun pose problème. « Il y a une divergence d’interprétation car le Département s’aligne sur le SMIC de Mayotte alors que si on se réfère au droit commun, il doit s’aligner sur le SMIC de la métropole pour être au même niveau que les assistants familiaux de tout le territoire », indique Haoussi Boinahédja. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la récente décision de la collectivité de réduire à plus de la moitié l’indemnité d’entretien des enfants placés. Le 27 juillet, un courrier est adressé aux assistants familiaux leur indiquant de se rendre au conseil départemental, mais le jour de la convocation c’est la douche froide. On leur annonce que le président, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a déjà réduit l’indemnité qui sert à entretenir les enfants qui vivent dans leurs foyers et cela prendrait effet dès le prochain versement. Le représentant syndical de la CGT dénonce une décision arbitraire qui n’est pas conforme au droit. « Les textes disent qu’il y a un minium garanti qui est de 3,65 euros par heure au niveau national. Seulement, chaque secteur est libre de le faire évoluer et quand la délibération de 2014 a été prise, le conseil départemental a lui-même fixé ce minimum à 7,66 euros. Aujourd’hui, ils disent qu’ils se sont trompés et qu’ils doivent ramener le minimum garanti à la valeur nationale. Or, la délibération de 2014 est une décision créatrice de droits, ils ne peuvent pas revenir comme ça sur leur décision. »

Des conditions de travail non prises en compte

Les conditions de travail des assistants familiaux ne sont pas non plus au beau fixe. À Mayotte, selon la CGT, plus de 90% des enfants placés sont en situation irrégulière et ne sont donc pas immatriculés à la sécurité sociale. Cette situation pose problème lorsqu’ils tombent malade. « Partout en France, les enfants placés bénéficient de la CMU (couverture maladie universelle), sauf chez nous parce qu’elle n’existe pas. Ce sont les familles d’accueil qui doivent payer pour leurs soins et elles ne sont pas remboursées. Le conseil départemental veut que l’on ferme les yeux mais c’est fini, on a trop fermé les yeux », déclare Haoussi Boinahédja. Les femmes présentes au conseil départemental ce jour-là dénoncent également un manque de considération de la réalité par leur hiérarchie. Le coût de la vie étant particulièrement élevé à Mayotte, elles disent dépenser plus que leurs collègues des autres territoires. « Ils voient juste l’argent qu’ils versent mais ne voient pas toutes nos dépenses », s’indigne une dame devant toute l’assemblée. Les assistants familiaux sont déterminés à ne rien laisser passer, ils sont même prêts à renoncer à leur activité si les discussions avec le Département ne sont pas concluantes. « Nous les mettons en garde, s’il faut que l’on rende leurs enfants, on leur rendra leurs enfants ! On refuse qu’on nous prenne pour des esclaves », menace Haoussi Boinahédja.

Une rencontre avec le département mitigée

Les représentants syndicaux des assistants familiaux ont été reçus par Issa Issa Abdou, 4ème vice-président du conseil départemental, en charge des affaires sociales, mais la réunion a été décevante pour les assistants familiaux. « Nous ne sommes pas du tout satisfaits. Ils nous ont dit qu’ils vont rétablir l’indemnité d’entretien des enfants placés, jusqu’à la fin de l’année mais pour nous, il est hors de question qu’ils reviennent sur cette décision », avertit le délégué syndical de la CGT. Issa Issa Abdou, tient de son côté un tout autre discours. « Ils ont tort de dire qu’ils ne sont pas satisfaits parce que nous avons répondu à un point essentiel. Nous allons rétablir l’indemnité d’entretien et nous nous sommes mis d’accord pour coécrire une nouvelle délibération afin de trouver les bons termes. Elle annulera donc celle de 2014. » Concernant les modalités de calculs des salaires des assistants familiaux, aucune issue n’a été trouvée. « Nous nous donnons le temps de la réflexion pour étudier les textes, car nous n’avons pas la même interprétation », selon le 4ème vice-président du Département. Même si les discussions ont avancé, elles ne sont pas finies et le mouvement se poursuit. Les assistants familiaux continueront à camper dans la cour du conseil départemental. Tous menacent d’emmener les enfants placés chez eux et de les laisser sur place. De son côté, la collectivité précise qu’il reste très ouvert et souhaite trouver des solutions rapidement. «On se bat pour qu’ils aient leurs droits, ni plus ni moins, parce qu’on a besoin d’eux, ils sont importants pour nous », conclut Issa Issa Abdou.

Sans accord avec les autorités aux Comores, la politique “incohérente” de la LIC à Mayotte

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Interpellations et expulsions ont repris, alors même que les frontières des Comores restent officiellement fermées. Une situation que dénoncent syndicats et associations.

La machine à expulser reprend doucement du service. Alors que les frontières des Comores restent officiellement fermées et que la crise sanitaire continue de sévir, les autorités à Mayotte tentent de relancer la lutte contre l’immigration clandestine (LIC). Déjà en mai, c’était le centre de rétention administrative qui rouvrait ses portes, contre l’avis des associations et syndicats de police. Lundi 3 août, les interpellations terrestres ont officiellement repris et le jeudi suivant, un premier bateau embarquait plusieurs personnes en situation irrégulière, destination Anjouan. “Il y avait une forte demande de la préfecture depuis le début du confinement, qui aurait bien aimé poursuivre la LIC. Et on sent aujourd’hui que le chiffre leur manque un peu…”, souffle Aldric Jamey, délégué départemental chez Alternative Police.

Reprendre les expulsions, “coûte que coûte” ? C’est ce que dénonce sans détour La Cimade. L’association d’aide aux étrangers s’est fendue d’un communiqué ce lundi pour alerter sur la “reprise des rafles et expulsions à Mayotte”. Conséquence des interpellations, le centre de rétention administrative ne cesse de se remplir et des locaux de rétention (LRA) sont créés, où “les gens s’entassent dans des conditions indignes, dorment à même le sol”. D’après nos informations, la capacité maximale d’accueil au CRA, Covid-19 oblige, d’abord limitée à la moitié, est passée aux trois quarts d’occupation, soit environ 112 personnes, contre 150 en temps normal.

Parmi elles, “s’y retrouvent, bien que protégés légalement contre toute mesure d’éloignement, des personnes avec des titres de séjour valides ou expirés pendant la crise sanitaire, des parents d’enfants français, des personnes arrivées avant 13 ans sur le territoire, des mineurs…”, peut-on lire dans le communiqué. Et ce, alors même que la fermeture de la préfecture pendant le confinement en a empêché plus d’un d’obtenir ou de renouveler son titre de séjour. Une situation que le Défenseur des droits avait d’ailleurs souligné en juillet dernier, recommandant “aux autorités de prendre des dispositions pour interdire toute mesure d’éloignement à l’encontre des personnes privées de la possibilité d’accéder aux guichets préfectoraux”, précise encore l’association.

Des interpellations mais pas d’accord

L’autre problème ? Aucun accord n’a officiellement été trouvé avec les autorités des Comores pour organiser les reconduites. “Nous travaillons ardemment à la reprise normalisée des éloignements. Les discussions sont toujours en cours”, répond ainsi laconiquement Julien Kerdoncuf, le sous-préfet à la lutte contre l’immigration clandestine, qui se refuse à tout autre commentaire sur la situation. Le bateau qui rapatriait des migrants jeudi dernier fait donc pour l’instant figure d’exception. “Il y a eu un début d’accord car il y avait des gens coincés aux Comores qui devaient revenir à Mayotte, donc le bateau a fait

l’aller-retour”, explique une source à la police aux frontières (PAF). En effet, ce jour-là, 48 Mahorais bloqués à Moroni ont pu rejoindre le département, mais plusieurs centaines d’autres restent encore dans l’attente d’une solution de rapatriement. En ce qui concerne l’immigration clandestine, “il n’y a toujours pas d’accord pour reprendre des liaisons quotidiennes comme avant, ni de date officielle”, précise cette même source.

La Covid-19 circule toujours

Une situation qu’elle juge “incohérente”, au vu de la crise sanitaire toujours en cours. “L’État nous fait créer des clusters au CRA”, dénonce ainsi cette source à la PAF. Car les interpellations, en l’absence d’accord avec les Comores, ne mènent souvent pas à grand-chose. Pire, elles peuvent avoir de lourdes conséquences avec la circulation de la Covid-19. Au CRA, où les personnes en situation irrégulière sont testées, les cas positifs sont envoyés à l’internat de Tsararano “qu’ils fuient dès la nuit tombée”. Si ces personnes ne sont donc pas parties avec le premier bateau, “ceux qu’elles ont peut-être contaminés pendant l’enfermement ont été embarqués vers Anjouan, une île comorienne à l’infrastructure médicale quasi inexistante”, critique quant à elle La Cimade. Et ceux qui n’ont pas embarqué finissent par être relâchés, après leur passage devant le juge des libertés et de la détention. Positifs ou négatifs ?

S. Halm, nouveau commissaire à Mamoudzou : « Je ne suis pas venu avec des idées préconçues et des méthodes d’ailleurs »

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Le commissaire Sébastien Halm a officiellement pris ses fonctions en tant que chef de la sécurité publique de Mamoudzou. Un poste qui intègre une nouvelle organisation des forces de police sur le territoire à travers la Direction territoriale de la police nationale. Le fonctionnaire le sait, les attentes sont fortes à son égard, en interne comme à l’extérieur, et affiche une volonté de proximité avec les différents acteurs dans une dynamique qu’il perçoit positive pour la sécurité. Entretien.

Flash Infos : Pourquoi avoir choisi Mayotte et quelles attentes nourrissez-vous à travers votre nouveau poste ?

Sébastien Halm : D’abord parce que je nourris un goût particulier pour les territoires qui rencontrent certaines difficultés comme c’est le cas de Mayotte et qui, nécessairement, impliquent beaucoup de choses à accomplir. Mon précédent poste, à Bagneux (Hauts-de-Seine), qui est une ville de cités m’a montré que malgré les complexités, la vie locale peut être extrêmement attachante et je pense retrouver ici ce goût pour la collectivité. Plus professionnellement parlant, il y a aussi les différentes dynamiques enclenchées ces derniers temps, à l’image de la création de la DTPN (Direction territoriale de la police nationale). Avec un chef unique pour commander l’ensemble des filières, il y a là une solution très innovante et sans doute gage d’efficacité. Ce n’est pas anodin et l’on ne retrouve cette organisation que dans trois territoires. De manière générale, je pense qu’il y a une vraie volonté d’améliorer la situation sur place. Avant d’arriver et en tant qu’observateur donc, j’ai ainsi pu me rendre compte que l’on n’avait jamais autant parlé de Mayotte que durant cette dernière année, en dehors des grandes crises qui ont secoué l’île. Tout cela, comme la réforme que j’ai évoquée à titre d’exemple, appuie mon envie de participer à cette dynamique. Après, on ne va pas se leurrer, ce sont des organisations compliquées à mettre en place mais le processus est bien enclenché. En dépit des différentes difficultés, je pense que les très fortes attentes qui sont nourries à notre égard rendent notre mission enthousiasmante. Elles donnent tout son sens à notre travail.

FI : Justement, d’un point de vue organisationnel, avez-vous une méthode particulière que vous souhaiteriez mettre en œuvre ?

S. H. : Mon credo est de ne pas venir avec des idées préconçues et des méthodes d’ailleurs. Il me semble indispensable dans un premier temps de se rendre compte de la nature des problèmes. Cela passe par un diagnostic tant du territoire que d’un point de vue interne. S’imprégner de l’état des forces, des états d’esprits des effectifs et de leurs particularités, mais aussi rencontrer différents partenaires tels que les élus, les cadres de la police municipale et de manière générale la population, tout cela doit me permettre de bien comprendre quelles sont les attentes et les enjeux. Car au-delà de la sécurité publique dont je suis le responsable à Mamoudzou, bien d’autres sujets, comme l’économie, entrent en interdépendance. Mon expérience me montre également qu’être au contact du tissu associatif est extrêmement important.

FI : Vous avez évoqué l’état des forces, l’organisation… La mise en place de la DTPN a pu soulever des questions et certains craignent que la fusion des différentes filières se fasse en faveur de la lutte contre l’immigration clandestine au détriment de la sécurité publique. Aurez-vous les moyens de les rassurer ?

S. H. : Je ne vois pas cela dans ce sens-là. D’abord, je pense que la lutte contre l’immigration clandestine contribue à la sécurité. Je considère aussi que le directeur, Jean-Marie Cavier, qui vient effectivement de la police aux frontières a largement fait ses preuves dans sa capacité à obtenir des moyens. C’est le résultat d’une méthode et d’une énergie qu’il déploie désormais pour l’ensemble des filières qui sont sous sa responsabilité. Dans le même temps, je ne nie pas qu’il puisse y avoir de forts besoins comme de fortes attentes, j’en ai conscience. Je sais également que des préoccupations d’animation se posent également. Et de ce point de vue-là, la façon de travailler en commun prend toute son importance. Je souhaite travailler étroitement avec les effectifs, être dans l’accompagnement. Par exemple, aller sur le terrain avec eux me paraît essentiel. Tant pour notre relation que pour une bonne compréhension du terrain.

FI : Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées ?

S. H. : Au-delà des différents sujets précédemment évoqués, la première échéance importante est forcément la rentrée scolaire. Du fait de cette population jeune, de très forts enjeux se posent avec les rassemblements qu’elle implique, la problématique des transports scolaires, etc. Cela soulève nécessairement des inquiétudes, ne serait-ce que parce que traditionnellement, il s’agit d’une période sensible et que le contexte particulier n’aide pas. Il faut donc absolument préparer cette rentrée dans les meilleures conditions.

L’UFOLEP à Mayotte continue sa tournée des villes

En partenariat avec le service politique de la ville de Koungou et la direction régionale de la jeunesse du sport et de la cohésion sociale, l’union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP) s’installe cette semaine à l’école de primaire de Kangani dans le cadre du dispositif « Quartier d’été ».

Actif depuis 2012, l’UFOLEP est une fédération qui arpente les communes de l’ile dans le but de promouvoir les sports en tous genres et de tout âge. À l’initiative de la direction régionale de la jeunesse du sport et de la cohésion sociale qui finance la totalité du séjour, la structure propose un planning d’activité du lundi au vendredi, de 9h à 16. Cette semaine, cap sur Kangani. Au programme ? Des randonnées dans la commune de Koungou, l’initiation au vélo, des sports collectifs, des jeux éducatifs et de réflexion. « L’idée est de développer l’esprit des jeunes à travers des activités ludiques tout en s’amusant », rapporte Atua Attoumani, déléguée départementale de l’UFOLEP 976.

« La DRJSCS nous a formé afin de garantir la sécurité de tous durant les séances »

En cette période de crise sanitaire, la DRJSCS tient à ce que les activités se déroulent dans le respect des gestes barrières. « Nous sommes très vigilant dans le cadre du dispositif Covid. La DRJSCS nous a formé afin de garantir la sécurité de tous durant les séances », déclare Atua Attoumani. Dès lors, « 30 enfants participeront aux activités. Ils seront répartis en 3 groupes de 10. Des masques et du gel hydroalcoolique seront à leur disposition », ajoute-t-elle. Le collectif poursuit sa tournée la semaine prochaine à Longoni, aux mêmes horaires.

Route barrée à Kangani : une colère de longue date et de nouvelles promesses

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Ce mercredi 12 août, les habitants de Kangani ont érigé un barrage sur la route nationale. Ils estiment que les camions qui partent de la carrière du village et qui y entrent sont dangereux pour les villageois, et plus particulièrement pour les enfants qui vont à l’école. La population exige le contournement de cette route, mais leur combat est loin d’être gagné.

Les automobilistes qui ont voulu emprunter la route nationale à Kangani ce mercredi 12 août, se sont retrouvés face un barrage constitué de pneus, de poubelles, de bois et cartons. Dès 7h du matin, les villageois ont barré le tronçon de route qui mène à la carrière IBS (rue Dachéry) ainsi que la nationale. Ils dénoncent le trafic routier dense causé par les poids-lourds qui entrent et sortent de la carrière de Kangani. Ces véhicules seraient dangereux, particulièrement pour les enfants qui vont à l’école. En effet, aucune signalisation n’indique le passage d’enfants ou l’existence de l’école maternelle et primaire. Le collectif des habitants de Kangani a donc décidé de se faire entendre en mettant à l’écrit 10 revendications qui ont été soumises à la mairie de Koungou, la préfecture, et le conseil départemental lors d’une réunion de négociations. Le contournement de la route d’accès à la carrière est le point principal, et ce n’est pas la première fois que les habitants de Kangani la réclament. « Nous sommes très inquiets par ce que nous avons entendu dans cette réunion. On a découvert qu’après 33 barrages sur 25 ans, aucune solution n’a été envisagée pour le contournement de cette route. Aujourd’hui, on part sur un petit projet d’une étude de faisabilité qui existerait depuis 2007, mais l’État dit ignorer l’existence de cette étude, seule la société exploitante aurait des éléments », indique Ibrahim Mroivili, représentant du collectif des habitants de Kangani. La mairie de Koungou s’engage en effet à porter un projet d’étude avec l’État, le conseil départemental et IBS « afin de présenter au plus tôt une faisabilité technique et un coût prévisionnel du projet de contournement. » Aucun délai n’a été défini si ce n’est le compte rendu tous les 15 jours, par la mairie. Et si les habitants et la société IBS semblent avoir une idée du passage de cette nouvelle route (elle passerait derrière la carrière jusqu’à l’hôtel Trévani), la mairie de Koungou est quelque peu perdue. « Je ne sais pas du tout où pourrait se faire cette route de contournement. Ils parlent d’un projet que je n’ai jamais vu. Je vais mettre en place un bureau d’étude réactif pour regarder toutes les possibilités et choisir la plus pertinente », déclare Alain Manteau, DGS de la mairie de Koungou.

Le collectif des habitants de Kangani, exige également un arrêté interdisant le passage de camions dès que la nouvelle route sera ouverte, des panneaux de signalisation indiquant les écoles, une limitation de vitesse à 20km/h, ou encore des dos d’ânes sur la route d’accès à la carrière (liste non exhaustive). Des revendications auxquelles les différentes autorités présentes à la réunion ont répondu favorablement dans l’ensemble. « La signalisation et les coussins berlinois (ralentisseurs en plastique) seront installés sous deux semaines en fonction des disponibilités », annonce Alain Manteau.

IBS rejette la faute sur VINCI et la préfecture

De son côté, la société IBS, qui est installée à la carrière de Kangani depuis 25 ans, estime que la préfecture n’aurait pas dû autoriser Vinci à circuler sur cette route nationale. « On a essayé de parler avec les villageois plusieurs fois. On a négocié avec eux en finançant les écoles, en donnant des cadeaux et en sponsorisant l’équipe de football, mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est le fait que la préfecture a autorisé Vinci à passer par le village alors qu’il y a déjà trop de passages. Entre la poussière, le bruit, les enfants qui vont à l’école, ça va être la guerre et on va finir par tuer quelqu’un », s’indigne Théophane Narayanin, PDG de la société IBS. Ce dernier nous indique que sa société assure à elle seule en moyenne 900 passages par jour, allers et retours compris. Il affirme également que cela fait 15 ans que l’État, la mairie de Koungou, le conseil général puis départemental, et IBS doivent participer à la création d’une nouvelle route, mais l’arrivée de Vinci a changé la donne. « Lorsqu’en 2015 Vinci a racheté 25 hectares de terrains, nous avons décidé de ne rien faire parce qu’ils doivent aussi contribuer à cette nouvelle route. IBS seul ne peut pas le faire. Et j’ai honte parce qu’on a tous menti à la population », avoue Théophane Narayanin. Il leur reste encore le temps de l’étude pour se mettre d’accord, mais IBS souhaite qu’une solution soit rapidement trouvée puisqu’une journée de blocage comme celle-ci leur coûte entre 150.000 euros et 170.000 euros de perte du chiffre d’affaires. Un barrage qui coûte finalement très cher.

Une enfant meurt noyée à Trévani, par manque de vigilance

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Le drame aurait pu être évité, pourtant, une enfant de cinq ans a perdu la vie dimanche, sur la plage de Trévani, où sa tante l’avait amenée. Partie se baigner avec ses trois cousins, la petite a rapidement disparu, avant que les vagues ne ramènent son corps sur la plage. Les secours n’ont rien pu faire pour la sauver. 

Elle avait cinq ans, et elle a perdu la vie ce week-end. Dimanche, une femme amène sa nièce – dont la garde lui a été confiée six mois plus tôt suite à l’expulsion de ses parents – et ses trois enfants sur la plage de Trévani, juste devant l’hôtel du même nom. Après avoir pris leur goûter, les quatre bambins partent se baigner. Rapidement, l’un d’entre eux donne l’alerte : sa cousine a disparu. 

Les clients de l’hôtel sont prévenus et tous se mettent à sa recherche. « On était en plein boulot, et tout à coup, j’ai vu mon serveur se précipiter vers le ponton en sautant par-dessus la rambarde du restaurant », retrace Thierry Saidani, directeur d’exploitation de l’hôtel Trévani. Sur le sable, les vagues viennent de recracher le corps de la fillette, face contre terre. Une infirmière qui avait accompagné la tante de l’enfant à la plage prodigue à la petite victime, pendant plusieurs dizaines de minutes, un massage cardiaque en utilisant le défibrillateur mis à disposition par l’hôtel. L’enfant se réveille, vomit son goûter, puis perd à nouveau connaissance. Les pompiers et le Smur arrivent alors sur place pour conduire la petite à l’hôpital. En vain. Elle décèdera avant même d’être prise en charge. 

« Un enfant de cinq ans, ça doit être sous surveillance continue », rappelle le colonel Bisquert, qui précise par ailleurs que la tante de l’enfant, blessée et en béquilles, n’a pu participer activement aux recherches de sa nièce. « Avec plus de vigilance, cet accident aurait pu être évité. » Mais seulement quelques heures après le drame, certains internautes, ont, sur les réseaux sociaux, interrogé une autre responsabilité : celle des collectivités et des autorités. 

Aucune plage surveillée à Mayotte 

Alors que le département compte plusieurs dizaines de kilomètres de plage, pas un seul sauveteur n’y est déployé à l’échelle de l’île. Légalement, les communes sont tenues de recruter des professionnels de la sécurité uniquement sur les plages aménagées. Mais à Mayotte, aucune ne l’est à ce jour. Autrement dit, la surveillance sur les plages n’est ici pas obligatoire – bien qu’une signalétique doit être déployée pour indiquer aux baigneurs tous risques potentiels. Mais suite au récent drame, la mairie a expliqué vouloir améliorer la sécurité de ses plages. « On ne peut pas se permettre d’attendre un nouvel accident », insiste Alain Manteau, directeur général des services de la deuxième ville de l’île. « Nous souhaitons tout sécuriser au maximum, tout est possible à condition que tous les acteurs concernés se mettent autour de la table pour qu’on puisse agir rapidement, car sans la préfecture ni la Deal, nous ne pourrons rien faire. Il faut par exemple avoir un accord pour former les agents, mais pour assurer une surveillance 7j/7, il nous en faudrait au moins cinq. »

Quelques années plus tôt, Tachiki Maoré, gérant de l’hôtel Trévani, avait pourtant fait installer un petit ponton sur la plage attenante à l’établissement, celle-là même où a eu lieu la noyade ce dimanche. Un aménagement qui aurait pu être utilisé pour surveiller la baignade, s’il n’y avait pas eu « des petits soucis concernant la formation du personnel ou l’agrément », commente encore le DGS de Koungou. En conséquence, la Deal a demandé la destruction de l’installation. De son côté, la direction du Trévani déplore qu’aucune patrouille régulière des forces de l’ordre n’aient été mis en place sur cette plage, malgré ses nombreuses demandes. « Encore le week-end dernier, j’ai dû intervenir parce que des jeunes voyous avec des chiens ont agressé des plagistes », déplore Thierry Saidani. 

Interrogée par la rédaction, la société nationale de sauvetage en mer a expliqué qu’à moins de 300 mètres des plages, les interventions de secourisme relèvent en priorité des pompiers. « Mais nous sommes toutefois mis en alerte en cas d’accident », précise Frédéric Niewiadomski, président de la SNSM Mayotte. Mais depuis près d’un an, la société a dû suspendre ses opérations en mer, puisqu’elle attend le renouvellement de son unique navire de secours, inutilisable depuis que les boudins de l’ancien semi-rigide, trop usé, ont explosé. Un bateau qui avait pourtant fait l’objet d’une demande de remplacement auprès du conseil départemental, chargé de financer la moitié du nouvel appareil. Requête à laquelle la collectivité, rappelée à ses obligations légales, a répondu il y a seulement quelques mois. « Si tout va bien, nous recevrons notre nouveau bateau en octobre et nous pourrons reprendre les opérations de sauvetage », espère Frédéric Niewiadomski. En juin, lorsque le comédien Khams avait disparu en mer au volant de son jet ski, la SNSM n’avait ainsi pas pu intervenir. 

 

 

 

 

 

 

À Pamandzi, les habitants de Bandrahari montent au créneau

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Récemment constitués en association, les habitants de Bandrahari à Pamandzi ont interpellé le nouveau maire de la commune pour relater l’environnement de terreur qui règne depuis ces derniers mois. Le collectif a proposé un certain nombre de mesures pour « fermer » les sites accessibles et a évoqué sa détermination dans le but de retrouver un semblant de tranquillité. 

« Il arrive qu’une trentaine d’individus cagoulés, envahissent les rues pour des actes malintentionnés. Nous subissons des dégradations de nos voitures, des braquages dans nos maisons, des agressions physiques, qui traumatisent parents, enfants et personnes âgées. Nous sommes terrorisés ! Personne ne passe une nuit paisible. » La lecture du courrier adressé au nouveau maire de Pamandzi, Madi Souf Madi, par l’association pour la défense des intérêts des habitants de Bandrahari fait froid dans le dos… Vice-présidente de ce collectif nouvellement créé, Ankdate Aliamani relate que les faits de violence « sont montés crescendo » durant le confinement. Et n’hésite pas à évoquer des scènes de film pour évoquer la situation délétère au sein de sa commune. Un climat de terreur dont l’ancienne majorité ne semble pas avoir pris la mesure. 

Or cet immobilisme n’est pas sans conséquence. Selon la jeune femme, pas moins de 150 voisins se mobilisent depuis plusieurs mois pour recenser « ces bandes de jeunes délinquants qui jouent au chat et à la souris », faute d’actions concrètes des forces de l’ordre et de la police municipale. « Depuis le second tour des élections, le maire passe dans les quartiers pour remercier ses administrés. Nous lui avons exposé nos problématiques. Il nous a écoutés et entendus. » Suffisant ? Pas sûr. Le premier magistrat fait de la prochaine rentrée scolaire sa priorité. Mais pour le collectif, « elle ne pourra se faire dans cet environnement ».

« Nous sommes déterminés »

Ainsi les membres proposent-ils de lancer des mesures adéquates pour enrayer ce fléau. En ligne de mire : la sécurisation de lieux ouverts, comme le stade et la parcelle de la bibliothèque, et l’éclairage des zones sombres. Mais pas que. L’association préconise de déployer une présence policière armée, de demander des rondes pédestres de la part de la gendarmerie, de lutter efficacement contre l’habitat informel et les implantations illégales, de supprimer tous les gravats et cailloux qui sont sources de projectiles, de prendre un arrêté municipal contraignant le propriétaire de la maison abandonnée à proximité du Douka Bé d’en condamner tous les accès mais aussi d’interdire la consommation d’alcool sur la voie publique. Sans oublier d’installer un dispositif de vidéoprotection au cœur du quartier et sur les accès venant de la Vigie. 

« Montrez aux délinquants que la négligence passé n’a que trop duré. Exigez fortement et inlassablement de l’État qu’il remplisse enfin ces missions en matière de sécurité du quotidien sur tous les lieux et à toute heure. Il s’agit là de votre responsabilité et de celle de l’État français. Donnez des instructions claires pour la sécurité de vos concitoyens », détaille le collectif. D’ailleurs, Ankdate Aliamani assure que les habitants apporteront une attention toute particulière quant aux décisions prises par le nouveau maire. « Nous sommes déterminés, nous assisterons aux conseils municipaux. » Avec un objectif bien précis en tête : « légitimer nos actions. » En espérant que la réponse des autorités, « sans qui nous n’arriverons pas à avancer », sera à la hauteur des attentes des habitants du quartier de Bandrahani. 

 

 

Mayotte : Match nul et prolongations chez Jumbo Score

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Entamée il y a près d’un mois, la grève des salariés de Jumbo Score ne faiblit pas en intensité. Et a même retrouvé de la vigueur en ce début de semaine avec le blocage des caisses par les grévistes. Pas de quoi, semble-t-il, faire plier la direction avec qui les négociations portant notamment sur les revalorisations de salaires sont au point mort. Fait nouveau, les employés en colère demandent désormais le départ de leur directeur. 

« À Mayotte, on parle beaucoup des délinquants mais pas tellement des patrons voyous. Et le nôtre, il est clairement dans le haut de la liste ! » Accoudée sur un congélateur empli de pizzas, Anissa Hadhurami ne goûte visiblement pas l’attitude imputée à la direction à l’égard de ses camarades grévistes. « On est méprisés en permanence », peste la déléguée syndicale. « La semaine dernière, on devait discuter avec notre directeur avec une médiation de la Dieccte, mais il leur a dit de ne pas venir et au lieu de ça, il s’est assis sur la table en nous présentant ses semelles de chaussures », poursuit-elle, furibonde au milieu des surgelés. Une énième rencontre teintée de mépris, selon les dires des employés en colère, et c’est la goutte de trop dans ce conflit social qui agite l’enseigne depuis désormais près d’un mois. Alors, aux multiples revendications déjà déclarées, les salariés dont une partie bloque l’accès aux caisses du magasin en ont ajouté une. Et non des moindres : le départ de leur directeur. En atteste une banderole étirée entre deux caddies remplis de denrées.

Derrière le barrage à roulettes, d’une bouche à l’autre, le même sentiment d’injustice. « Pourquoi, alors qu’à Mayotte la vie est encore plus chère qu’ailleurs, nous sommes tout de même largement moins payés que nos collègues d’autres territoires ? », s’interroge le boucher de Jumbo, casquette CGT vissée sur la tête. « Comment peut-on accepter cela alors même que les comptes de l’expert-comptable le montrent : nous faisons un meilleur chiffre ici que dans les magasins de La Réunion », emboîte Anissa Hadhurami. « Nous ne demandons pourtant pas la lune mais concernant les salaires, par exemple, nous avions proposé comme point de départ des négociations 150 euros d’augmentation pour tous. Ce n’est évidement peut-être pas ce que nous aurions obtenu, mais quand on nous propose en retour seulement 23 euros supplémentaires, on a vraiment l’impression qu’on se moque de nous », soutient celle qui dit « enchaîner les réunions qui ne servent à rien car la direction freine sur tout ». 

« On ne peut pas reprendre le travail, c’est allé trop loin »

Et s’ils promettent de « tenir coûte que coûte », quitte à durcir le mouvement en poursuivant le blocage des caisses, les grévistes ne se font guère d’illusions. « On tient mais pour l’instant on n’obtient toujours rien alors que même la ministre du Travail a été alertée. Que ce soit au niveau de la direction et de la préfecture rien ne bouge. L’arrivée de GBH ne changera rien non plus, de toutes façons ils ont gardé la même équipe de direction. Pire, on voit même que des entretiens d’embauche ont lieu dans notre dos alors que ça fait des mois qu’on explique qu’il manque du personnel en rayon », poursuit la syndicaliste qui craint également pour son emploi. « Je fais la forte tête depuis le début, car je n’accepte pas que l’on se moque de moi sur les questions de parité, de promotions et de manière générale sur les droits sociaux alors forcément ça dérange. Mais tout ça je ne le fais pas pour moi, plutôt pour nos enfants car ici comme à Mayotte en général, on ne doit plus subir les seuls intérêts des patrons sans rien en échange pour finir avec une retraite de misère. » Alors, jusqu’à quand la guerre des nerfs fera-t-elle rage dans ce supermarché à l’ambiance tantôt glaciale, tantôt volcanique ? 

« Aucune idée mais il faudra de toute manière un geste. On ne peut pas reprendre le travail dans de telles conditions, c’est allé trop loin, on s’est trop moqué de nous », martèle Anissa en rejoignant ses camarades de lutte. Chez lesquels le premier de ces gestes serait d’accéder à la demande inscrite sur la banderole qu’ils exhibent. Soit le départ de leur directeur. Et les grévistes d’en appeler à « la solidarité de tous les Mahorais » en boycottant l’enseigne. « Peut-être qu’en voyant les caisses se vider ils finiront par réagir », tente la déléguée syndicale. Avec encore un peu d’énergie en rayon. 

* Contactés, le groupe GBH, la préfecture de Mayotte, la Dieccte et la direction du magasin Jumbo Score n’ont pas répondu à nos sollicitations. 

Silence local, écho national

La situation d’enlisement et les différents événements, parfois tendus, qui ont maillé les dernières semaines de grève au sein de l’enseigne ont poussé le secrétaire général de la fédération CGT Commerce et services, Amar Lagha, à interpeller la ministre du Travail dans un courrier en date du 28 juillet. Le syndicaliste y décrit notamment « une situation sociale préoccupante et urgente » dont les nouvelles « alertent particulièrement ». Reprenant la voix des grévistes, un communiqué national de la fédération est venu enfoncer le clou, le 5 août, dénonçant « le mépris ouvert du directeur de site face aux représentant.e.s du personnel, d’une indécence crapuleuse ». « Comment ce gouvernement qui ne cesse de prôner la démocratie à l’échelle de l’entreprise peut-il cautionner de tels agissements lors de simple Négociations annuelles obligatoires ? », s’interroge le communiqué appelant par ailleurs à une « saisine immédiate » du préfet de Mayotte. Deux jours avant la publication de ce document, la cheffe de cabinet de la ministre du Travail, Clémence Lecoeur, s’était toutefois fendue d’une réponse au secrétaire général de la fédération. Lui assurant notamment que « la ministre a pris connaissance de votre courrier avec une attention toute particulière ». Lequel courrier a, comme l’indique la lettre, été transféré en direction de la case Rocher et de son hôte le préfet « en vue d’un examen attentif par ses services ». Retour à la case départ ? 

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes