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Grève à EDM : « je ne partage pas du tout ce qualificatif de radicalisation », se défend Salim Nahouda

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Secrétaire du syndicat CGT-MA, majoritaire à Mayotte et au sein de la société Électricité de Mayotte (EDM), Salim Nahouda a accordé à Flash Infos un entretien, ce jeudi. Alors que la grève est toujours en cours, il nous explique les causes de ce mouvement, des pratiques discriminatoires ayant cours au sein de l’entreprise selon lui et tacle ceux qui l’accuse de privilégier ses intérêts personnels et ses probables ambitions politiques. Il réfute également la responsabilité des grévistes dans les coupures d’électricité de ces derniers jours et élude la sienne dans la diffusion de tracts ayant choqué des salariés (voir ci-dessous).

Flash Infos : Qu’est-ce qui ne va pas au sein d’Électricité de Mayotte ?

Salim Nahouda : Pour rappel, jusqu’à avril 1997, Électricité de Mayotte (EDM) était un service public appartenant à la collectivité départementale de Mayotte. La réflexion des dirigeants politiques locaux était de faire évoluer cette structure vers une intégration à Électricité de France (EDF), comme dans les autres départements d’Outre-mer. C’est l’État à Paris qui a refusé. EDM a alors poussé vers la création d’une société d’économie mixte (SEM) en y incorporant Saur International et d’autres actionnaires, mais cette proposition n’a pas été validée par EDF, alors même qu’elle prévoyait entre autres un transfert de compétences dans le but de déboucher vers une prise de responsabilités des agents mahorais. Au final, on s’aperçoit qu’il n’en a rien été, au bout de 25 ans, seulement trois individus sur 50 ont été promus, un fait que notre syndicat CGT-Ma et d’autres n’ont cessé de dénoncer. Le pire est que de nombreux ingénieurs mahorais ont été contraints de claquer la porte en raison de cette situation, et leurs compétences n’a jamais été en cause. La preuve, plusieurs d’entre eux ont intégré d’autres banches d’EDF dans l’industrie électrique et gazière. Ils font partie des meilleurs cadres de ces entreprises, avec des hautes responsabilités. C’est le cas à Enedis, également à IEG en Martinique et ailleurs aussi, certains se sont mis à leurs propres comptes et ils gagnent très bien leurs vies. Pour finir, je vais vous citer le cas d’un jeune ingénieur mahorais qui demande à rester un an de plus dans l’entreprise afin de pouvoir, à terme, obtenir sa mutation à Mayotte. EDM s’y oppose alors que cette pratique est courante au sein de l’entreprise au bénéfice d’autres ingénieurs provenant d’EDF. Même le syndicat Force Ouvrière (FO) dénonce également cela.

F.I. : Dans vos tracts, on retrouve également des accusations de discrimination dans les recrutements et les mutations.

S.N. : Vous savez, nos syndicats ne sont pas les seuls à dénoncer ces pratiques, des cabinets d’expertises reconnus au niveau national disposant d’agréments du ministère de l’Emploi le disent également. En 2021, un rapport d’expertise médico-social d’un organisme basé à La Réunion a redit qu’EDM a recours à ce type de méthodes pour pousser à la porte des agents indésirables. Lors de la grande grève de 2018, nous nous sommes élevés contre le nombre trop élevé de missions provenant d’EDF, estimant qu’il était temps de transformer cela en emplois permanents au sein de l’entreprise et cesser de privilégier IEG ou d’autres intervenants externes à la branche. Autre fait qui illustre ces pratiques que nos syndicats dénoncent, l’arrivée à EDM en mai 2022, d’une directrice des ressources humaines précédemment en poste en Guadeloupe. Elle intègre la société en qualité de contrôleur de gestion venue en immersion, aux côtés d’une Mahoraise faisant office de… En octobre, le poste est officiellement publié en interne et cette dernière passe l’audition sans difficultés. Pour l’empêcher d’obtenir le poste, la direction qui ne lui a pas trouvé de défauts professionnels s’est permise de rentrer dans sa vie privée pour lui signifier ouvertement que ce poste ne lui sera jamais attribué, alors même qu’elle est diplômée BAC+5 avec six ans d’ancienneté dans la structure. Des exemples comme cela, il y en a pas mal. A chaque fois, on nous sort la rhétorique du manque d’ingénierie à Mayotte, alors qu’en réalité tout est fait pour fausser le jeu.

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F.I. : Justement, au sein d’EDM, certains affirment que vos revendications sont injustifiées. Que des promotions existent bien mais qu’elles ne bénéficient simplement pas à vos proches.

S.N. : Il faut justement se demander pourquoi toutes ces mesures ne profitent pas à des salariés syndiqués chez nous. La réponse est simple, il a une discrimination syndicale au sein d’EDM. Nous avons des jeunes qui ont depuis un certain nombre d’années contribué à la réussite de l’entreprise mais qui se trouvent placardisés au seul motif qu’ils n’appartiennent pas aux bons syndicats. D’autres se voient refuser des augmentations salariales parce qu’il leur est reproché d’avoir des mauvaises fréquentations, sous-entendu qu’ils appartiennent à des syndicats qui osent revendiquer donc mal vus au sein de l’entreprise. Auparavant, les cadres expatriés pour la plupart, avaient des avantages mirobolants et cotisaient dans des mutuelles et des caisses de retraites pour les Français de l’étranger. Ils sont très gênés à présent que les Mahorais ont les mêmes droits qu’eux. Jusqu’en 2011, ils n’étaient pas engagés syndicalement, ils le sont devenus sur incitation d’un ancien directeur d’EDM qui leur a clairement fait comprendre qu’il n’accéderait pas à leurs demandes s’ils choisissaient de se faire défendre par FO. Nous ne leur en voulons absolument pas. Nous demandons simplement l’équité de traitement quel que soit notre pays de provenance. A compétence égale, salaire égal.

F.I. : Le mouvement actuel va-t-il se radicaliser comme en 2018 ou est-ce qu’une porte de sortie rapide est envisageable comme ce fut le cas pour d’autres syndicats maison ?

S.N. : Je ne partage pas du tout ce qualificatif de radicalisation. FO et CGT-Ma forment une intersyndicale qui a et continue toujours d’œuvrer au service des salariés de l’entreprise. Il y a des accords signés au niveau national dans notre branche professionnelle dont nous demandons l’extension à EDM, s’agissant des mesures salariales. Le directeur a dit « niet », estimant qu’il s’agit là d’un dérapage au niveau national, de la part d’EDF, Enedis et toutes les autres entreprises qui ont accepté de faire évoluer les rémunérations de leurs personnels avec deux niveaux de rémunérations, ce qui correspond à une augmentation de 4,6 %. Dans la mesure où le souhait du personnel a toujours été d’intégrer EDF, nous lui avons demandé d’appliquer ces augmentations salariales et les primes accordées à différents secteurs du groupe aussi bien dans les départements d’Outre-mer qu’en Corse. Sa réponse a été un non catégorique. Il faut qu’il nous dise de quel côté les choses sont malsaines, ici à Mayotte où même le prix d’un pot de yaourt coûte 200 % plus cher que dans l’Hexagone, ce qui justifie aisément ces augmentations salariales, ou plutôt de son côté à lui qui s’oppose à ce que ses salariés bénéficient de ces mesures nationales ? Nous supposons que son refus cache quelque chose. En effet, nous avons appris qu’en interne certains responsables lui ont conseillé cette posture, parce qu’ils estiment que ce serait perdre la main sur les employés qu’ils ne peuvent plus exploiter, saturer, et ne leur distribuer ces avantages que seulement quand ils le jugeront eux-mêmes nécessaires. Il faut savoir qu’au sein d’EDM, énormément de salariés peuvent passer plus de quatre ans sans connaitre des évolutions salariales et cela sans aucun justificatif. Lui peut dire qu’il est anormal que ses salariés puissent bénéficier de ces avancées enregistrées à EDF et ailleurs, c’est son problème. Mais nous, de notre côté, nous disons que ce qui est bon pour nos collègues de métropole et d’Outre-mer est aussi bon pour nous. Il s’agit là juste d’une équité de traitement.

F.I. : Des voix en interne vous accusent de privilégier vos intérêts personnels à l’occasion de ces mouvements de grève que vous conduisez. Est-ce le cas ?

S.N. : Ceux qui disent cela sont des gens malhonnêtes. De 2006 à 2014, je n’ai pas connu d’avancements salariaux. A chaque fois que j’en ai bénéficié, il s’agissait d’une mesure collectivement appliquée à tout le monde. Contrairement à d’autres collègues entrés dans l’entreprise à la même période que moi, devenus cadres supérieurs à EDM. Dès le début, j’ai opté pour l’intérêt général. C’est mon choix pleinement assumé que d’être dans le mouvement syndical et défendre ceux qui en ont besoin et non pour défendre mes intérêts personnels. D’ailleurs, je pense que cette posture est celle de ceux qui n’apprécient pas que je sois mandaté pour représenter la CGT dans des instances nationales. Je ne fais pas que représenter les intérêts des salariés mahorais, je le fais pour l’ensemble des outremers. D’autant plus que ne perçois aucune rémunération particulière, mon salaire m’étant toujours versé par EDM et je n’ai jamais eu qu’un seul bulletin de paie dans ma vie, il est estampillé de cette entreprise. Le reste, ce sont des manifestations de jalousie sur lesquelles je ne m’attarderai pas.

F.I. : Certains croient savoir que vous avez des ambitions politiques et que c’est pour cela que vous aurez incité ce mouvement de grève à EDM, le confirmez-vous ?

S.N. : Oui, il n’est pas exclu que je puisse avoir des ambitions politiques. Il n’y a aucune contradiction à cela, ni en France, ni dans d’autres pays. Parfois, il faut savoir amener le combat syndical dans ces hautes assemblées législatives pour faire aboutir les attentes des salariés. En pareilles circonstances, je saurai dissocier mon engagement dans l’action syndicale actuelle de mon éventuelle candidature à une prochaine élection. Les revendications exprimées en ce moment par les salariés d’EDM sont légitimes et n’ont rien en commun avec mes projets politiques personnels.

F.I. : Des tracts auraient dit-on circulé au sein du personnel d’EDM à l’occasion du mouvement de grève en cours (voir ci-dessous). Est-ce que vous cautionnez leur contenu très dur, pour ne pas dire nauséabond ?

S.N. : Ces éléments concernent une communication interne à la CGT-Ma et n’ont rien à faire dans la presse. Pour ne rien vous cacher, je m’étonne que vous puissiez les mentionner dans cet entretien. Autre chose qui me vient à l’esprit et que j’aimerai clarifier aussi. Les coupures de courant opérées ces deux derniers jours, d’abord dans le sud, ensuite dans le nord avant-hier, ne sont, d’aucune manière, imputables au mouvement de grève actuel. Il s’agit là d’une décision souveraine des responsables d’EDM pour des raisons qu’ils sont seuls en mesure d’expliquer.

Des tracts qui ne passent pas en interne

Certains propos dans les tracts récents de la CGT Mayotte ont choqué des salariés du groupe. Un « journal de bord » par exemple, s’en prend à la direction qui agiterait « le drapeau de la colorisation du comité de direction (passage de blanc à noir, vraiment ?). Mais en regardant de près, certains de ces fameux « locaux » siégeant au codir n’ont aucune attache à Mayotte ! Ils ont créé une secte s’assurant de prendre la direction de l’entreprise, s’assurant d’éliminer tous ceux qui seraient à l’encontre de leurs projets. Ne rentrent dans leur cercle que les béni oui-oui aveuglés ». Des salariés y sont également qualifiés de « nègres de salon, bénéficiant également des promotions, en passant du coq à l’âne : la veille, ils sont techniciens, le lendemain, ils sont ingénieurs ! » Dans un autre communiqué datant de début octobre, ceux qui n’approuvent pas les méthodes du syndicat sont traités de « collabos de la direction ». Enfin, des « chargés de missions » venant de l’extérieur sont visées par la phrase : « la définition du sacrifice pour eux se résumerait à des primes à gogo, des postes en veux-tu en voilà, jouer le rôle de sachant quand bien-même, à regarder de loin comme plus près, n’auraient aucune qualification en la matière, sauf servir de mouchard ! »

De nouvelles coupures recensées ce jeudi 5 janvier

En cette période de grève chez EDM (Electricité de Mayotte), plusieurs actes de malveillance ont été observés. Ces derniers ont causé de nombreuses coupures d’électricité au sein de plusieurs communes dans la journée et la nuit du jeudi 5 janvier. Les interruptions de courant ont eu lieu dans la commune de Mamoudzou entre 14h20 et 16h50. Il y en a eu une autre à Sada, Chirongui, Bouéni et Kani-Kéli, entre 22h01 et 23h, une à Ouangani, Chiconi et Sada entre 22h42 et 23h57. La dernière était relevée à Tsingoni, Ouangani, Chiconi, Bandraboua, entre 22h55 et 0h28. « La direction dénonce ces faits condamnables et déplore les impacts considérables pour les clients », indique EDM dans un communiqué.

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