La Caisse de sécurité sociale de Mayotte consciente de ses failles

La direction de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) a tiré son bilan de l’année 2022 lors d’un rendez-vous avec la presse, ce mercredi. La couverture du nombre d’assurés augmente, mais l’accompagnement doit encore progresser pour un « aller vers » et plus de contrôles.

Sur le papier, la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), « est une organisation extrêmement moderne », juge le très enthousiaste Philippe Féry, directeur général. Particularité mahoraise, il n’existe qu’une seule caisse sociale qui regroupe cinq branches de la sécurité sociale : recouvrement des cotisations sociales, assurance maladie, accidents de travail et arrêts maladie, allocations familiales et assurance retraite. « Quand on sait que dans l’Hexagone, des partenariats doivent se mettre en place entre les différents services, ou de petites caisses se mettent en lien avec des Caisses primaires. Ici, les liens sont directs », développe-t-il, citant toute personne amenée à demander une allocation familiale. La Caisse peut alors consulter ce à quoi la personne a déjà droit grâce aux informations connues.

Mais, presque incontournable, « elle est vécue comme un passage fatal, pas comme une organisation au service des usagers. On a l’intention de changer cette image et aller vers nos assurés », pose le directeur, inaugurant un rendez-vous annuel entre la presse et toute la direction de la CSSM, ce mercredi 13 décembre.

« 6.000 cartons de cartes Vitale qui attendent leurs bénéficiaires »

La Caisse a versé 529,55 millions d’euros de prestations sociales en 2022, soit 11,83 % de plus qu’en 2021. Pour le directeur général, cela ressemble à « un bon chiffre » : 68 % de la population est assurée (211.111 assurés sociaux). « Mais c’est rapporté à la population entière de Mayotte, pas sur la population présente légalement sur le territoire et éligible aux allocations. Le souci, c’est que je ne sais pas combien de personnes je dois encore aller chercher. » D’autant, rappelle la direction : « Un étranger pas éligible peut peut-être le devenir dans deux mois s’il est régularisé. »

« On a 6.000 cartons de cartes Vitale qui attendent leurs bénéficiaires », fait observer Philippe Féry. Qu’est-ce qui coince ? Il reconnaît des progrès à faire en termes de communication et d’opérations pour « aller vers », c’est-à-dire, aller plus au contact des personnes concernées. « On convoque mais si elles déménagent régulièrement, il est difficile de trouver leur adresse. Il y a aussi une grande instabilité des numéros de téléphone, c’est compliqué. » « Il faut identifier, contacter », expose aussi Catherine Bocheur, directrice en charge de la branche retraites, concernant les personnes éligibles à l’allocation retraites mais qui n’en ont pas fait la demande.

La Caisse indique se rapprocher d’associations pour aider à réaliser des démarches comme remplir correctement une feuille de soin pour réduire les délais de remboursement, actuellement de six jours. L’illectronisme et la fracture numérique étant des problématiques reconnues par l’administration. Pour cela, la direction insiste sur le rôle de partenaires associatifs et le déploiement de centres sociaux relais sur le territoire. « Avec le développement de la fibre que permettront des fonds départementaux, on sera les premiers bénéficiaires de cette action », souligne Philippe Féry. Quant au contact par téléphone pour obtenir des informations auprès de la CSSM, ne comptez pas sur un changement. Il s’agira toujours de répondre à une boîte vocale pour préciser sa demande avant d’espérer tomber sur un conseiller.

« L’essentiel des fraudes ne se situe pas dans les arrêts maladie »

Intensifier les contrôles, réajuster les erreurs et pénaliser les intentions de fraudes, font aussi partie des objectifs de cette année pour la Caisse de sécurité sociale de Mayotte. Si elle a encaissé 17,46 % de cotisations sociales en plus en 2022 par rapport à 2021, des sommes sont encore dues. Au total, les entreprises de dix salariés et plus enregistrent 24,25 % d’impayés. Là aussi, la réponse peut être l’accompagnement pour obtenir des dossiers complets, correctement remplis, les conduire vers un cadre légal, mais aussi repérer les fraudes.

« Il faut casser les clichés, l’essentiel des fraudes ne se situe pas dans les arrêts maladie. Sur les 530 millions d’euros versés, ils représentent une paire extrêmement faible », déroule le directeur comptable et financier Vincent Swietek. « Les fraudes se situent dans les remboursements de médicaments avec des ordonnances. Avant d’aller déranger ces personnes arrêtées, il faut contrôler ces remboursements. » Il révèle que des dossiers « sont en ce moment traités » après une plainte déposée par la Caisse à l’encontre d’un professionnel de santé qui aurait pu, à force de reproduction d’ordonnances, détourner 700.000 euros. « On essaie de suivre les affaires judiciaires et renforcer notre collaboration avec la police. Quand, comme en octobre, des marchands de sommeil sont condamnés par le Parquet, il n’est pas normal qu’ils aient perçus des allocations pour leurs logements », détaille-t-il.

La séance se conclue sur l’annonce d’un nouveau rendez-vous, l’année prochaine, pour faire le point. « On verra les échecs et les succès ! », lance le directeur général.

Les nouveautés en 2024

  • L’objectif de créer une centaine de places en crèche pour arriver à 600 places en 2026.
  • Augmenter la qualité des collations à l’école et en réduire le coût. « On sait que le coût est un frein pour les familles », explique Rémy Posteau, directeur en charge de l’action sociale et de la jeunesse. « Mais on sait aussi qu’un jeune qui sort de l’enceinte et qui a faim est un jeune influençable sur les temps du repas. Et qui peut se rapprocher de la délinquance. »
  • Débloquer une aide pour les personnes souhaitant recourir à un assistant maternel.
  • Dès la fin du premier semestre 2024, la possibilité de générer, à la demande, un relevé de carrière afin d’anticiper la retraite.
  • L’ouverture de la Complémentaire santé solidaire (C2S) pour les Mahorais. « Les jeunes reçus auront leurs demandes traitées », déclare le directeur général de la CSSM. Un grand panneau sera installé avant la file d’attente rappelant tous les documents nécessaires.

Des mesures exceptionnelles aux usagers de l’Urssaf

Les pouvoirs publics, compte tenu de la pénurie d’eau, ont adopté des dispositions pour que la Caisse de sécurité sociale de Mayotte puisse prendre des mesures. Comme suspendre le recouvrement forcé : les contraintes, saisies et assignations au tribunal sont suspendues à l’exception de celles ayant vocation à sécuriser les créances et soutenir les entreprises en difficulté. La CSSM peut proposer un échelonnement des dettes sur 12 à 24 mois. À l’issue, une remise automatique des majorations de retard et des pénalités, sous réserve du respect de l’échelonnement.

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