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« Si le juge prononçait moins de peines fermes, on n’aurait pas ce taux d’occupation à la maison d’arrêt »

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Yann Le Bris, procureur de la République, fait le point sur l’actualité du Parquet en 2023. S’il met en avant de meilleurs résultats et une stratégie de « réponse pénale rapide », il ne minimise pas la hausse du nombre de faits qui mine toujours le territoire.

Flash Infos : Comment a évolué l’activité du Parquet en 2023 ?

Yann Le Bris : Il y a une évolution globale de la délinquance, en tout cas des faits constatés entre 2022 et 2023, qui est encore en augmentation cette année. Aujourd’hui, on compte à peu près 14.600 faits sur 2023, quand on était à environ 12.000 en 2022. Depuis 2018, on a une augmentation annuelle et régulière qui s’explique par une augmentation de certains faits de délinquance, à rapporter aussi avec l’évolution de la population qui croît et une augmentation de personnes qui vont déposer plainte. On a aussi des circuits plus efficaces de signalements. Ils sont mis en place avec le rectorat, avec le centre hospitalier de Mayotte (CHM), les associations. Et puis, il y a aujourd’hui un accès à la police et la gendarmerie moins complexé qu’il n’a pu l’être par le passé. L’accueil, même si parfois il est perfectible, s’améliore et permet aux gens d’aller plus facilement déposer plainte.

F.I. : Y a-t-il une différence entre les zones police (Mamoudzou) et gendarmerie ?

Y.LB. : La répartition des faits entre gendarmerie et police reste stable d’une année sur l’autre. On est environ à 60% des faits en zone gendarmerie et 40% pour la police. La part des mineurs impliqués est stable aussi avec 28% à 29% en moyenne.

F.I. : Ça paraît toujours élevé par rapport à d’autres territoires (la part des mineurs impliqués était de 18% à l’échelle nationale en 2019 par exemple).

Y.LB. : Oui, mais quand on sait que la moitié de la population ici a moins de 17 ans… La comparaison avec d’autres territoires n’a de sens que s’ils ont une part de mineurs aussi importante. Ici, on a une population de jeunes hors normes. Même si ça peut paraître beaucoup, si on rapporte cela à la part des mineurs dans la population, ça redevient logique.

F.I. : Pour en revenir au bilan 2023.

Y.LB. : Le nombre de gardes à vue a augmenté de manière sensible puisqu’il a s’est élevé de près de 26%. On est passé de 3.375 gardes à vue en 2022 à 4.580 en 2023. En 2019, on était à 1.893 gardes à vue. En l’espace de trois ans et demi, on parle d’une augmentation de 242%. Ces évolutions traduisent plusieurs choses. D’abord, il y a une évolution défavorable de la délinquance, donc plus de réponses de la part des forces de l’ordre. Mais il y a aussi une amélioration du taux de résolution des affaires. C’était près de 80% en zone police en 2023 et elle augmente en zone gendarmerie, à plus de 40% en 2023. L’augmentation du taux d’élucidation avec l’augmentation des contentieux conduit à une augmentation mécanique du nombre de personnes placées en garde à vue. A cela s’ajoute la politique offensive du Parquet, axée sur le déferrement. Cela permet d’avoir une réponse pénale rapide.

F.I. : On voit de plus en plus d’audiences en comparution immédiate.

Y.LB. : Le Parquet a été saisi, cette année, de plus de 15.500 procédures. En 2022, c’était 11.000. Ça donne une idée de l’augmentation de l’activité. On a une augmentation très importante du nombre d’affaires poursuivables (N.D.L.R. où l’auteur est identifié) avec 6.561 cas en 2023. Le taux de réponse pénale est de 95,5%. C’est-à-dire que si vous avez commis une infraction et que vous êtes identifié, vous avez 95,5% de chances de faire l’objet de poursuites devant le tribunal.
Concernant les réponses rapides, le nombre de personnes jugées en comparution immédiate (N.D.L.R. soit dès la sortie de la garde à vue) est passé à 361 en 2023, contre 150 en 2022. De la même manière, les comparutions sur reconnaissance de culpabilité (CRPC) ont augmenté de 30% avec 1.063 personnes jugées. Ceux qui aujourd’hui laissent penser que la justice n’apporte pas de réponse pénale rapide et efficace, ces chiffres témoignent totalement du contraire. On a des interpellations massives par les services de police et de gendarmerie, des réponses pénales de plus en plus rapides et de plus en plus fermes.

F.I. : Pour les troubles à l’ordre public justement, il y a une forte attente des riverains pour que les interpellations aient lieu le soir-même, davantage que le lendemain.

Y.LB. : Effectivement, il faut parfois un temps pour l’identification. Et l’objectif n’est pas qu’à l’occasion de l’interpellation on désorganise le dispositif des forces de l’ordre qui a vocation à limiter le trouble à l’ordre public et y mettre fin. Il est préférable de mettre d’abord un terme aux troubles à l’ordre public, éviter que cela dégénère ou conduise à des faits encore plus graves. Dans un deuxième temps, le plus bref possible, on interpelle les fauteurs de trouble en ne mettant pas en danger les services et la population.

F.I. : Quelle est la proportion de condamnations à de la prison ferme ?

Y.LB. : Le total des poursuites engagées a augmenté de 85,2% et ça, ce n’est que pour le tribunal. Les peines dites alternatives (amendes ou travail d’intérêt général) ont aussi augmenté avec 2.500 en 2023 contre 1.250 l’année précédente. Les chiffres sont encore à consolider, mais sur les onze premiers mois de l’année, le nombre de condamnations a aussi augmenté de 27%, il y en a eu 2.124, tandis que le nombre de peines d’emprisonnement ferme a augmenté de 80%. Il y en avait 561 sur les onze premiers mois de 2022, 992 sur la même période en 2023. Leur taux est passé de 33% en 2022 à 47% en 2023. C’est-à-dire qu’une fois sur deux, une peine ferme est prononcée au tribunal. Ce qui peut interroger aussi, c’est le taux d’exécution. En 2022, seuls 37% des emprisonnements fermes donnaient lieu à un mandat de dépôt (N.D.L.R. le condamné est conduit directement à la prison de Majicavo-Koropa). En 2023, 60% des peines de prison ferme ont fait l’objet d’un mandat de dépôt. Cela se traduit par un taux d’occupation de la maison d’arrêt qui augmente chaque année de manière exponentielle. Là encore, j’entends des doutes sur la sévérité ou le soi-disant laxisme, mais il y a des chiffres qui parlent par eux-mêmes.

F.I. : Justement, il y a souvent cette question par rapport à la densité carcérale. Est-ce que les peines sont décidées en conséquence ?

Y.LB. : Vous avez la réponse. Le taux d’occupation était de 120% en janvier 2021, 198% en janvier 2023 et 247% en janvier 2024. Est-ce que le juge aujourd’hui prononce moins de peines fermes en raison du taux d’occupation important ? Si c’était le cas, on n’aurait pas ce taux d’occupation à la maison d’arrêt. Aujourd’hui, on voit que la préoccupation du juge est de prononcer en impartialité des peines qui lui semblent justes par rapport à la gravité des faits qui sont commis. Il y a eu 607 placements sous écrous en 2023, contre 241 en 2022. On a des chiffres qui seront jugés insatisfaisants par beaucoup, mais qui témoignent d’une activité judiciaire extrêmement forte.

F.I. : Mayotte a beaucoup fait parler d’elle pour l’opération Wuambushu dont l’un des objectifs était la lutte contre la délinquance. Comment cela s’est traduit sur le plan judiciaire ?

Y.LB. : Ce que je dis et que je répète, c’est que l’opération s’inscrit dans une dynamique de lutte contre la délinquance qui était engagée avant l’opération, a eu lieu pendant et s’est poursuivie après. Les services de gendarmerie et de police ont eu cet engagement fort toute l’année. J’ai tendance à penser que les moyens supplémentaires affectés sur la période (N.D.L.R. avril à juillet) ont facilité le travail de la police et de la gendarmerie. Mais la dynamique engagée est permanente.

F.I. : Avez-vous aussi ressenti les effets positifs de l’arrivée brigades de magistrats sur l’île ?

Y.LB. : Oui, clairement. Si on a pu traiter autant d’affaires transmises au Parquet avec un taux de réponse de 95%, c’est parce que les deux effectifs supplémentaires au Parquet nous ont permis de traiter les procédures. Ça nous a permis d’absorber les quinze audiences supplémentaires liées aux fraudes Covid par exemple.

F.I. : C’est d’ailleurs terminé de ce côté-là ?

Y.LB. : On a apuré le stock des 300 dossiers transmis par la direction générale des Finances publiques. Si d’autres nous sont transmis, ils seront traités.

F.I. : Concernant les homicides, il y en a qui ont marqué la population. Je pense à la jeune femme de Doujani ou le père de famille de Majicavo-Koropa. En termes de résultats, est-ce qu’il y a eu des interpellations ?

Y.LB. : Le nombre d’homicides est de douze sur l’année, soit le même qu’en 2022. Le taux de résolution des homicides est très important. On est sur globalement des taux qui dépassent 80% que ce soit en zone police ou gendarmerie. La spécificité du ressort, c’est que soit on interpelle très vite, dans les 24 ou 48 heures, soit on peut prendre beaucoup plus de temps à interpeller. Finalement, au total, sur six mois, la plupart des auteurs sont interpellés. Et toutes les enquêtes avec des homicides sont toujours en cours. Aucune n’est close.

F.I. : Concernant la lutte contre les filières d’immigration clandestine et les marchands de sommeil que vous avez intensifié en 2023, est-ce que vous avez justement des chiffres par rapport à ces deux volets ?

Y.LB. : On a eu la chance de bénéficier d’informations de la part des collectivités locales qui ont identifié un certain nombre de sites de marchands de sommeil. Nous avons également reçu de la part d’un certain nombre de collectifs, des listes et des informations précises de personnes qui se livraient à ce type d’activité illicite. La gendarmerie a mis en place une structure dédiée à ce type de fraudes, avec un partenariat avec l’Agence régionale de Santé (ARS), pour attaquer le problème sous l’angle de la lutte contre les filières d’immigration clandestine, mais également l’angle de l’habitat insalubre. Au cours de l’année 2023, on a eu un certain nombre de ces procédures qui se sont traduites par des CRPC, des peines de prison ferme contre les propriétaires de ces biens et des amendes importantes. Un certain nombre de dossiers sont aujourd’hui en traitement et sont notamment confiés au GIR (groupe interministériel de recherches), une nouvelle structure. Ce qui est intéressant c’est qu’on peut se pencher sur le patrimoine des propriétaires. On peut donc avoir des confiscations sur les comptes, mais aussi des biens immobiliers sur lesquels sont construits ces habitants.

F.I. : Mais vous avez pu en faire ? Ca semble toujours compliqué.

Y.LB. : Ce n’est pas parce que ce n’est pas facile qu’on ne le fait pas. Et justement, si les affaires prennent un peu de temps, c’est qu’il faut qu’on sécurise les procédures pour pouvoir au final récupérer les terrains et les immeubles.

F.I. : Il y a un autre type de faits dont vous parlez souvent, ce sont les violences intrafamiliales qui reviennent plus souvent à vos oreilles.

Y.LB. : Là encore, ce sont des choses qui se construisent progressivement, grâce à des partenariats avec des associations. Il y a une augmentation progressive des signalements, des enquêtes et des dépôts de plainte par les femmes-victimes. Je dis femmes-victimes parce que dans 99% des cas, ce sont des femmes. Le nombre de plaintes a augmenté de 250% cette année, avec une absence de stocks. Ces faits donnent lieu à une prise en charge immédiate, à un examen par l’unité médico-judiciaire, un placement en garde à vue du mis en cause et une réponse pénale immédiate. Le taux de résolution explose également.

F.I. : Pour finir, on a vu plusieurs affaires liées à la délinquance financières finir au tribunal, l’an dernier.

Y.LB. : La lutte contre la délinquance financière se poursuit. Police et gendarmerie traitent désormais des domaines contentieux qui jusqu’à présent étaient peu investis. On l’a vu avec les fraudes Covid, il y a 300 personnes condamnées à rembourser des sommes indûment perçues, soit 97% des personnes poursuivies. Parmi celles-ci, il y en a 15% qui de manière immédiate ont reconnu des infractions et ont accepté de régler les sommes indues et de payer des amendes de quelques milliers d’euros. Et je ne vous parle pas de ceux qui, en voyant cela, sont directement aller voir le Trésor public pour rembourser des sommes et éviter les poursuites. On a également augmenté l’ouverture de procédures collectives, avec une cinquantaine, cette année. On a dans le collimateur des sociétés, par exemple, qui ne payent pas leurs charges sociales. Cela peut aller jusqu’au redressement judiciaire.

Et bien évidemment, je continue à saisir la section de recherches et le commissariat de police de toutes sortes de signalements qui viennent de citoyens ou de fonctionnaires d’administration et qui portent sur des détournements de fonds publics, des prises illégales d’intérêt, de la concussion ou des délits de favoritisme. Plusieurs élus ont été poursuivis et condamnés en 2023, il en sera de même en 2024. Aujourd’hui, j’ai une cinquantaine d’enquêtes en cours sur des atteintes à la probité.

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