Au cours d’une table ronde, ce mardi soir, la délégation sénatoriale aux Outremer s’est penchée sur la réforme de l’octroi de mer (voir encadré), la situation de Mayotte et l’allègement des règlementations dans les territoires ultramarins. Thani Mohamed Soilihi, le sénateur mahorais, a été le principal intervenant pour expliquer aux participants le contexte social de l’île aux parfums.
Reprenant la parole après plus d’une heure de débats sur l’octroi de mer, mardi soir, la présidente de la délégation sénatoriale aux Outremer, Micheline Jacques, a ouvert les échanges sur la situation à Mayotte en promettant « un déplacement d’une mission dans les mois prochains », le dernier ayant été reporté à cause des barrages. Sur ce sujet, c’est Thani Mohamed Soilihi qui s’est retrouvé le premier et finalement le seul à expliquer le contexte aux autres élus, dont la plupart issus de l’Outremer. « Aujourd’hui, le calme est en train petit à petit de revenir, les barrages ont été levés. Mais c’est comme un incendie, on est sûrs que le feu est toujours en train de couver. Tant qu’on ne sera pas attaqué aux racines du mal, on risque de revenir à un cycle de violences et de barrages », prédit le sénateur mahorais.
Comme le député (La France insoumise) Jean-Hugues Ratenon dont il ne partage pas les termes toutefois, il reconnaît que ce qui se passe à Mayotte entraîne des répercussions à La Réunion. Il cite l’exemple du centre éducatif fermé qui relâche sur l’île Bourbon des délinquants venus de Mayotte sitôt leur placement arrivé à terme (le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville annonçait récemment qu’un terrain était trouvé pour le premier CEF mahorais). Il rappelle aussi que « beaucoup de Mahorais vont en métropole et à La Réunion » parce que les mêmes droits sociaux ne sont pas en vigueur à Mayotte. « La problématique de la convergence des droits ne pourra pas être ajournée. Il faut avoir le courage de dire ces choses-là », considère-t-il.
« Un rattrapage éducatif »
« Pendant deux décennies, on ne s’est pas occupé de la jeunesse comme il fallait. Localement, on pointe les jeunes d’origine étrangère. Il n’y a pas que ça. Beaucoup de ces jeunes sont des Français », fait-il remarquer, appelant à « un rattrapage » en matière éducatif et à de nouvelles propositions. Contrairement aux députés Estelle Youssouffa et Mansour Kamardine, il émet des doutes sur les bénéfices d’une suppression du droit du sol. « Qu’est-ce qu’on fait du stock ? Ce n’est pas en supprimant le droit du sol qu’on va régler le problème de ceux qui ont déjà acquis la nationalité », estime celui qui est à l’origine de l’amendement de 2018 limitant le droit aux enfants dont l’un des parents était légalement sur le territoire trois mois avant la naissance. Concernant l’actualité récente, il félicite le nouveau préfet pour avoir insufflé « un changement doctrine » en allant davantage sur le terrain. Pareil pour les forces de l’ordre, il note que les dernières opérations permettent « d’aller dénicher les criminels là où ils sont, où ils préparent leurs méfaits ». Tout n’est pas rose pour autant. « Les gens continuent d’aller au travail avec la peur au ventre, des jeunes risquent leur vie en allant à l’école », raconte-il.
La présidente de la délégation l’a remercié et a invité les autres participants à remonter des solutions. Elle rappelle que le calendrier législatif mettra à nouveau le sujet de Mayotte sur la table, notamment dès que la loi « d’urgence » sera présentée au conseil des ministres du 22 mai.