La couleuvre de Mayotte en voie de disparition ?

Pour le second Café des Naturalistes de Mayotte de l’année 2019, l’association a décidé de faire un focus sur une espèce victime de sa réputation : la couleuvre de Mayotte. Une espèce endémique – c’est-à-dire qu’on ne la trouve qu’à Mayotte – aujourd’hui menacée par la destruction de son habitat naturel au profit du développement urbain ou encore par l’importation d’espèces invasives prédatrices.

Le principe du Café des Naturalistes de Mayotte reste dans la continuité de ce qui était proposé par l’association auparavant : des conférences scientifiques pour le grand public à une exception près. « Nous voulions donner un côté interactif à ces conférences qui avaient un format assez solennel. Le but est de pouvoir échanger avec le public en temps réel, dans un endroit un peu moins conventionnel qu’un amphithéâtre« , explique Rémy Eudeline, professeur des Science de la vie et de la Terre (SVT), membre du conseil d’administration des Naturalistes de Mayotte et herpétologiste (chargé d’étudier les reptiles et les amphibiens). Pour ce second Café des Naturalistes, l’association a décidé de se pencher sur une espèce qui serait en voie de disparition : la couleuvre de Mayotte.

« À Mayotte, il existe plus d’une vingtaine de reptiles et amphibiens et parmi toutes ces espèces, nous nous sommes rendu compte que les couleuvres de Mayotte – endémiques* au 101ème département français – étaient très rares et de moins en moins nombreuses sur le territoire« , assure Rémy Eudeline. Une constatation faite grâce aux données des Naturalistes mais également des sciences participatives. « Aujourd’hui, après de nombreuses études, nous sommes arrivés à 38 observations de couleuvres de Mayotte – dont cinq individus morts – sur l’île aux parfums. C’est un nombre très faible« . Au regard de la rareté de l’espèce et de sa possible disparition, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) l’a classée en « danger critique d’extinction« .

L’Homme reste le plus dangereux pour la couleuvre de Mayotte

Cette extinction est due à la croissance de la population mahoraise qui augmente, depuis quelques années, de manière exponentielle, ce qui augmente le nombre d’infrastructures urbaines dans le département. Selon l’herpétologiste, l’espèce serait donc menacée notamment par la destruction ou la fragmentation de son habitat au profit du développement urbain ou agricole.  « La plupart des espèces endémiques de Mayotte dépendent souvent des forêts primaires en bon état. Les brûlis ou tout autre aménagement pour créer des parcelles provoquent énormément de dégâts sur la  faune et la flore. C’est une espèce qui a tendance à fuir l’Homme donc plus il y aura de zones construites moins elle aura d’espace pour se reproduire. »

Les Naturistes parlent également de l’importation d’espèces invasives prédatrices comme élément pouvant menacer la survie de la couleuvre. Parmi ces espèces, au-delà de l’effet néfaste que l’Homme a son environnement naturel, les chats et les rats seraient une autre raison pouvant expliquer la disparition de ces couleuvres « mais nous soupçonnons principalement la civette indienne (mammifère appartenant à la famille carnivores des Viverridae, ndlr) d’être à l’origine de la disparition des couleuvres de Mayotte. Toutefois, le plus dangereux reste l’Homme puisqu’il la craint et préfère la tuer« .

L’association souhaite donc sensibiliser la population. La préservation des milieux adaptés – connus des Naturalistes – est essentielle à la survie de l’espèce à Mayotte. « Nous avons des données sur des îlots : Mbouzi et Bandrélé et sur Petite-Terre. Nous savons que la couleuvre de Mayotte est notamment implantée à ces trois endroits. Elle se trouve principalement dans des forêts humides« , confirme le professeur de SVT. Et d’ajouter que « ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il faut arrêter de la tuer et essayer plutôt de l’observer. Nous manquons encore de données. La population doit nous aider à récolter un maximum d’informations sur cette espèce. Nous en tirerons des conclusions afin d’y apporter des réponses et des solutions à sa disparition.« 

Réalisation d’un Atlas et guide

Afin de remédier au manque de données, les Naturalistes de Mayotte réalisent actuellement un Atlas de la distribution de toutes les espèces de reptiles et d’amphibiens à Mayotte, en partenariat avec le Muséum de Munich et l’éditeur Biotope Édition. « Nous avons réussi à avoir un financement européen de 50.000 euros ainsi qu’un financement venu des États-Unis, du fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques (CEPF), entre 10.000 et 20.000 euros, afin d’étendre le projet à la zone des Comores« , annonce Rémy Eudeline. Un livre élaboré après avoir constaté la situation « préoccupante » dans laquelle se trouvait la couleuvre de Mayotte sur le territoire. « Nous avons la chance à Mayotte d’avoir un chercheur de l’Université de Munich qui a fait sa thèse sur les reptiles et amphibiens de l’archipel des Comores. Il faut maintenant que notre collaboration soit efficace pour endiguer cette extinction !« 

*Cette espèce est unique au 101ème département

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