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Octroi de mer | La malédiction du « Hors Mayotte » se poursuit

Réactions de stupeur outrée à Mayotte à la lecture du communiqué du ministère des Outre-mer annonçant que 84 produits allaient bénéficier d’une réduction, voire d’une suppression de l’octroi de mer. Quatre des cinq départements ultramarins sont concernés. Hors Mayotte. 

« Sous l’impulsion d’Annick Girardin, ministre des Outre-mer, une liste de 84 produits locaux supplémentaires pouvant bénéficier d’une réduction ou d’une suppression de la taxe d’octroi de mer a été annoncée aujourd’hui par Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières. Ce travail a été mené en lien avec les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique ainsi que les acteurs socioprofessionnels de ces territoires », se félicite le ministère le 14 décembre par voie de communiqué. Seuls quatre des cinq départements d’outre-mer sont ainsi concernés par cette aide exceptionnelle, hors Mayotte, décrit sans délicatesse le ministère, commettant sans doute là une erreur de communication puisque rien dans le communiqué de presse ne vient expliquer cette omission. 

Ainsi, les réactions outrées ne se sont pas fait attendre et ont débuté avec celles du conseiller départemental Daniel Zaïdani (MDM) qui n’a pas manqué d’interpeller le président du Département. Fustigeant « le traitement inégalitaire scandaleux entre Mayotte et les autres départements d’outre-mer », l’élu estime que cet état de fait participe de « la stratégie du gouvernement de M. Macron de maintenir Mayotte dans ses difficultés et son sous-développement ». Daniel Zaïdani rappelle donc à Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du conseil départemental, « que la charge de l’application de l’octroi de mer à Mayotte » relève de sa compétence et enjoint à l’exécutif de « [se saisir] du dossier et d’user de tous les moyens en sa possession pour faire infléchir la décision de la ministre des Outre-mer ». 

Contacté à maintes reprises mardi à ce sujet, le ministère des Outre-mer n’a pas répondu à nos sollicitations. 

 

Biodiversité | Près de 500 espèces mahoraises protégées

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À Mayotte, 470 espèces sont protégées : 220 animaux et insectes, ainsi que 250 végétaux. La préfecture vient d’établir la liste quasi exhaustive de ces espèces, un texte inédit pour la biodiversité mahoraise. À condition que les efforts politiques suivent. 

La liste est longue. Et à Mayotte, elle est la première à recenser tous les types d’espèces végétales et animales protégées, souvent endémiques. Au total, elles sont près de 470 à faire l’objet d’une mesure de protection, officialisée par l’arrêté préfectoral du 14 décembre qui abroge tous les textes antérieurs pour les spécimens cités. De quoi accélérer la stratégie « biodiversité pour le développement durable de Mayotte 2013-2020 », élaborée entre autres par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 

À noter toutefois : les populations marines interdites à la pêche ne sont pas mentionnées, puisque déjà référencées dans un arrêté de juin dernier, à l’initiative de la Direction de la Mer Sud Océan Indien (DMSOI). Exception faite pour les tortues vertes et imbriquées, qui sont parmi les dix reptiles à bénéficier d’une attention toute particulière. Ainsi, la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement de l’animal ainsi que la perturbation intentionnelle, la naturalisation, le transport, le colportage, l’utilisation, la détention, la mise en vente ou l’achat sont strictement interdits, mentionne l’arrêté préfectoral. Pour rappel, les peines pour braconnage peuvent s’élever à 750.000 euros d’amende et sept ans d’emprisonnement. La destruction, l’altération ou la dégradation des aires de reproduction et de repos des tortues et de neuf autres reptiles, dont les couleuvres et les geckos, sont également interdites, contrairement à toutes les autres espèces protégées. Six autres rampants, dont les serpents des cocotiers et les caméléons, sont également protégés, à un moindre niveau. 

En mer et sur terre

Le panorama des espèces protégées est vaste : cinq catégories de mammifères terrestres, parmi lesquels makis et roussettes ; huit crustacés terrestres et d’eau douce dont différentes espèces de crevettes et le bernard l’hermite ; cinq mollusques terrestres ; 33 insectes, dont le phasme ; 10 arachnomorphes (ressemblant à des araignées) et 138 oiseaux. 

S’y ajoutent près de 250 espèces végétales – près de la moitié des plantes locales – contre 106 recensées en 2006, date du dernier arrêté préfectoral sauvegardant la flore mahoraise. Leur protection se divise en deux niveaux : 91 familles ne peuvent être ni détruites, coupées, arrachées ou cueillies, ni transportées, colportées ou commercialisées. Quatre autres sont uniquement interdites à l’achat et à la vente. Problème : l’arrêté, disponible en accès libre sur le site de la préfecture, ne mentionne les plantes protégées que sous leur nom scientifique, qui deviennent donc difficilement identifiables par le grand public.  

De l’acté à l’action

« Ma principale préoccupation, c’est comment faire passer le message auprès de la population », insiste Michel Charpentier, président de l’association des Naturalistes de Mayotte. Pour celui qui est également  vice-président du conseil de gestion du parc naturel marin de l’île, l’arrêté, plus exhaustif que les précédents, est un point de départ « très positif » pour la biodiversité locale. Toutefois, pour obtenir les résultats escomptés, il doit s’inscrire dans une démarche pédagogique et de communication. 

Comment informer le public des aires de repos et de reproduction dédiées ? Comment lui permettre d’identifier les espèces concernées ? Et, surtout, comment sensibiliser les agriculteurs et les éleveurs, qui travaillent au plus près des espèces protégées ? Contactées à maintes reprises par notre rédaction, ni la préfecture, ni la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) n’ont donné suite à nos sollicitations. En janvier dernier, les Naturalistes saluaient la signature d’un arrêté anti-brûlis. Mais près d’un an plus tard, la pratique persiste encore largement sur le territoire. En sera-t-il de même avec la destruction de la biodiversité mahoraise ? 

Habitat illégal | Quel avenir pour les délogés de Kawéni ?

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La semaine dernière, les habitations illégales érigées sur les terrains Batrolo, à Kawéni, ont enfin fait l’objet d’une déconstruction complète après des années d’attente. Si quelques habitants ont essayé de se réinstaller ailleurs, d’autres, en situation irrégulière, ont été renvoyés dans leur pays d’origine. Certains ont accepté d’être relogés temporairement. Le point avec le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf. 

Suite à l’opération impressionnante menée mercredi dernier, conjointement par les forces de l’ordre et un huissier sur des terrains de Kawéni, la question du relogement des habitants se pose. Au lendemain de l’intervention, il ne reste que les stigmates du passage des tractopelles. Les cases en tôle laissent place à un véritable champ de ruine. Quelques courageux récupèrent leurs dernières affaires avant de quitter les lieux, pendant que d’autres, désespérés, sont encore dans l’inconnu. Joint par téléphone, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, revient sur le devenir de ces hommes, femmes et enfants. En préambule de la déconstruction, des enquêtes sociales préventives ont été réalisées sur le site pour prévenir les occupants des choix qui s’offraient à eux. 

« Dimanche et lundi, nous avons placé au centre de rétention administratif 36 étrangers en situation irrégulière qui sont, depuis, déjà repartis vers les Comores », dévoile-t-il. Pour ceux qui possèdent des papiers en règle, un hébergement temporaire leur a été proposé sous la houlette de l’association départementale pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV). Selon nos informations, ils ont la possibilité d’occuper les logements mis à leur disposition pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois mois, le temps de se retourner. « Sauf que ces places ne sont pas forcément situées dans la même zone géographique de l’endroit où ils vivent. Donc les parents préfèrent bien souvent trouver une solution par eux-mêmes pour ne pas perdre leurs habitudes », explique Michel Henry, le directeur de la Croix Rouge, qui tient à jour toutes les demandes via le service d’accueil et d’orientation. Ainsi, si certains ont fait appel à des proches pour prendre un nouveau départ, d’autres n’ont pas hésité à reconstruire leurs cases en tôle dans les hauteurs de Kawéni. « Ils ont été délogés le jour-même », confie le sous-préfet. « Une trentaine de personnes qui avaient refusé notre aide quelques jours auparavant ont ensuite accepté notre proposition de relogement. »

Malgré tout, ce chiffre paraît bien maigre lorsque l’on sait qu’environ 80 familles vivaient sur les terrains Batrolo. Alors, où se trouvent-elles à l’heure actuelle ? Sans grande surprise, l’hypothèse la plus probable est de les voir s’implanter ailleurs. « Il est nécessaire que les propriétaires, les municipalités et les services de l’État travaillent main dans la main pour agir dans le cadre de la flagrance », insiste Julien Kerdoncuf. Dans le cas contraire, l’histoire risque de se répéter… 

 

 

 

Alain-Kamal Martial : « La pauvreté de Mayotte est une pauvreté de tiers-monde »

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À l’occasion du dernier Grand Séminaire de Mayotte (GSM), qui s’est tenu entre le 22 et le 30 novembre derniers, un groupe de spécialistes s’est penché sur les axes de développement du territoire. Le thème retenu pour cette troisième édition, « Sortir Mayotte de la pauvreté », fera bientôt l’objet de propositions concrètes, rassemblées dans un manifeste qui sera mis à disposition des pouvoirs publics dès le mois de février. L’auteur Alain-Kamal Martial, à l’initiative du GSM, a livré à Mayotte Hebdo quelques-unes des pistes retenues. 

Mayotte Hebdo : Comment décririez-vous la situation économique et sociale du 101ème département à l’issue de ce troisième grand séminaire ? 

Alain-Kamal Martial : Tout d’abord, vous avez sûrement entendu et lu que 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Comme nous sommes un département français, et donc un territoire rattaché à l’Union européenne, ce n’est pas en nous comparant avec les pays voisins, Les Comores ou Madagascar, que nous trouverons la juste mesure de la réalité sociale de Mayotte. La comparaison doit être faite avec les autres départements français […] Un autre point important, c’est la fiscalité. Dotations d’État, impôts sur le foncier, octroi de mer… Nous avons décelé une grande injustice qui ne pénalise pas tant les entreprises mais surtout les individus : il y a une majorité de gens qui ne cotisent pas à Mayotte parce qu’ils sont trop pauvres. Ça pénalise tous ceux qui travaillent. La pauvreté de Mayotte est une pauvreté de tiers-monde. Quand l’accès à l’eau devient un problème, quand les gens ne peuvent pas se faire soigner, ça, ce sont des problèmes de tiers-monde. Cela génère une économie informelle, issue de la criminalité, de la prostitution, du trafic de drogue, une « économie du pauvre » en quelque sorte. Si on réduit la pauvreté, on réduit du même coup ces problématiques-là également. 

MH : Quels sont les leviers d’action pour faire reculer la pauvreté à Mayotte?

AKM : Nous avons constaté qu’il y a de plus en plus de Mahorais diplômés qui viennent à Mayotte et qui en repartent. On parle ici bien sûr des Mahorais, mais aussi des Mahorais d’origine indienne, d’origine malgache, ou métropolitaine, et qui ont envie de revenir ici. Ça fait partie des potentiels qui peuvent permettre à Mayotte d’émerger. C’est une ressource formidable. Or, ils buttent sur nos lacunes, car nous n’avons pas d’infrastructures et le territoire ne s’est pas encore préparé à les accompagner dans leur projet. Nous attendons que les projets viennent du public, mais les administrations et les bailleurs de fonds n’ont pas encore intégré le secteur privé. Nous pensons aussi qu’il faut dépasser le strict emploi dans l’administration à Mayotte. Le secteur privé constitue le domaine le plus prometteur ici. Lorsque j’étais au collège, on nous disait qu’il fallait bien travailler à l’école pour travailler dans une administration. Aujourd’hui, il faut dire aux jeunes qu’ils doivent bien travailler à l’école pour créer leur activité. Il faut aussi que les pouvoirs publics changent sur ce point. Au lieu de gonfler les recrutements divers, il faudrait qu’ils aident le privé à se développer, et ce dans une multitude de domaines : bâtiment, santé, mais aussi social, en développant les délégations de service public par exemple. C’est comme ça que nous serons efficaces, car nous aurons des gens compétents sur leur secteur et nous pourrons être compétitifs. Il y a aussi une activité de pointe qui peut créer de l’emploi à Mayotte, c’est ce que nous montrent les parcours de plusieurs jeunes Mahorais, comme celui de cette jeune chimiste [Fahoullia Mohamadi, docteur en chimie spécialisée dans les molécules bioactives et l’ingénierie des biomolécules, également professeur à l’Institut de formation en soins infirmiers de Mamoudzou ndlr] ou du docteur [en Sciences de la vie et de la santé] Issouf Mohamed, qui est venu pour lancer son projet de plantes médicinales sur le territoire. Mayotte compte aujourd’hui beaucoup de compétences qui peuvent aider cette île. Tant qu’on ne mettra pas en place des structures pour accueillir ces « génies », nous seront perdants. (…) La question de l’université est très importante également. Il y a un CUFR [Centre universitaire, à Dembéni, ndlr], mais il n’y a pas de campus, pas de laboratoire… Il faudrait développer une vraie université à Mayotte. Chaque année, des centaines de jeunes quittent l’île pour leurs études. Ils représentent une part importante de la consommation. Imaginez qu’ils restent ! Et imaginez que l’on vienne de Tanzanie ou même du Yémen pour apprendre le français ici !

MH : Pensez-vous que la question de la pauvreté est suffisamment prise en compte dans le débat public ? 

AKM : Il faudrait d’abord qu’on dépasse ce discours sur l’immigration clandestine Mayotte-Comores. Nous avons constaté que les débats tournent toujours autour de ces sujets. C’est l’emploi et le chômage qui devraient toujours être dans l’actualité, car c’est là que le bât blesse ! Par exemple, nous nous sommes demandés pourquoi les Mahorais n’avaient pas suivi le mouvement des gilets jaunes [comme en métropole ou à La Réunion ndlr]. Parce que quand on parle d’opinion, depuis toujours – mais encore plus depuis deux ans – on parle de feuille de route et d’immigration clandestine à outrance. Aujourd’hui, c’est le seul sujet qui mobilise les Mahorais. Les politiques et les médias doivent orienter les débats sur les questions de pauvreté. L’opinion se rendra compte. Notre axe est clair : sortir Mayotte de la pauvreté. Nous ne pensons pas que ce soit l’immigration clandestine qui créé la pauvreté. Peut-être qu’elle l’aggrave, mais Mayotte est déjà pauvre. Si nous travaillons à réduire la pauvreté, nous aiderons aussi à régler la question de l’immigration clandestine. Il y aura de moins en moins de gens, qui, face à l’extrême pauvreté, participent à l’économie informelle qu’elle génère. 

 

 

 

Habitat illégal | Délogement sous tension à Kawéni

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Une impressionnante opération de délogement de familles occupant illégalement un terrain privé au creux de la côte Sogea a généré un « léger caillassage » mercredi matin, auquel ont répliqué jets de grenade et de gaz lacrymogène. La circulation routière a été interrompue par les forces de l’ordre jusqu’en début d’après-midi et l’opération de destruction s’est ensuite déroulée dans un calme relatif.

Un nuage de poussière s’évapore de la côte Sogea. Sur le bord de la route, dans les lacets en direction de Kawéni, quelques personnes regardent d’un air médusé les coups de tractopelle. Les bangas, eux, s’effondrent comme des châteaux de cartes. Hommes et femmes tentent de sauver leurs quelques biens. Certains transportent sur leur tête des morceaux de tôle, d’autres remontent de cette fosse gigantesque des armoires et des bidons. Pieds nus, les enfants accourent pour aider leurs parents, inconscients du danger qui les entoure. Positionnées en hauteur et en contrebas, deux sections de la compagnie départementale d’intervention (CDI), réunissant une cinquantaine de policiers, tentent de maintenir l’ordre. Mais des jets de pierre les poussent à faire usage de gaz lacrymogène et de grenades pour disperser la foule en colère. La tension est palpable et les insultes fusent. Un enfant de 3 ans est légèrement blessé par des gaz lacrymogènes et pris en charge par les secours, confirme le commandant Cosseron. Un peu plus tard dans la matinée, une dizaine de gendarmes mobiles rejoignent les policiers afin de renforcer les effectifs. Par peur de nouveaux caillassages sur des véhicules de civils, les forces de l’ordre interrompent la circulation routière sur la côte Sogea.

« Mardi matin, nous avons procédé à l’expulsion de 80 familles qui occupaient illégalement le terrain. Aujourd’hui (ce mercredi matin, ndlr), nous encadrons la destruction de ces habitats illégaux », raconte le commandant Demeusy. De fait, une pelleteuse – dont la panne en milieu de matinée suscitera les vivats moqueurs des habitants expulsés – broie ce mercredi la tôle et les structures en bois constituant les abris précaires de ces familles. Parmi elles, des étrangers en situation régulière et des Français. Une quarantaine de clandestins présents sur ce terrain ont d’ores et déjà été interpellés dimanche et lundi derniers, confirme le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf. Ce n’est pas la première opération de destruction de l’habitat illégal qui a lieu sur cette parcelle, mais la « cinquième ou la sixième (…) C’est cependant la plus importante », détaille encore le sous-préfet.

Délogement, relogement

« Moi et mon enfant de deux ans, on ne sait pas où on va dormir ce soir », se désole une Grande-comorienne, portant son fils dans les bras et contemplant les décombres. Si la préfecture assure que « des propositions d’hébergement temporaires » ont été faites aux familles, quelques habitants affirment ce mercredi matin qu’aucune solution de relogement n’a été évoquée. Or, entre le moment où les enquêtes sociales préliminaires au délogement ont été réalisées avec un nombre déterminé de bangas recensés (53 à l’origine selon Julien Kerdoncuf) et le début de l’opération de destruction, près d’une trentaine d’habitats sont apparus soit, potentiellement, plus d’une centaine de personnes supplémentaires que les assistants sociaux n’ont vraisemblablement pas eu le temps de voir. « La plupart des familles ont refusé » les propositions de relogement au profit d’un emménagement chez des proches, précise en outre la préfecture, davantage préoccupée par les familles cherchant à emporter avec elles des reliquats de leur maison détruite afin d’aller reconstruire sur d’autres terrains. C’est d’ailleurs la volonté farouche des habitants d’emporter avec eux les restes de leur banga qui a provoqué l’intervention des forces de l’ordre puis la riposte d’une partie des habitants, en début de matinée. « Nous sommes extrêmement vigilants » par rapport à ce phénomène, souligne le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine. Ainsi, la « destruction totale » de l’ensemble des constructions est-elle de rigueur. L’opération devrait s’achever ce jeudi.

Une propriété privée en plein cœur des bangas

Les larmes aux yeux, Saenu Said constate impuissant la destruction des bangas. Pourtant, le père de cinq enfants tient fermement entre ses mains un titre de propriété privée. « C’est ma mère qui a acheté le terrain, avec une personne dénommée Said Soihili. Depuis 2002, j’y suis installé après y avoir construit ma maison. J’ai en ma possession tous les papiers pour prouver que je ne suis pas dans l’illégalité », dévoile-t-il. Au loin, impossible de la manquer. En tôle, elle reste malgré tout sophistiquée par rapport aux habitations voisines. De plus, son investissement dans des panneaux photovoltaïques, pour produire de l’électricité en l’absence de raccordement, ne passe pas non plus inaperçu… « Pour cela, j’ai même fait un prêt de 7.000 euros à la banque que je rembourse encore aujourd’hui », dit-il. Sur place ce mercredi matin lors de l’opération de délogement, Saenu Said ne sait pas vers qui se tourner. Ni les forces de l’ordre, ni l’huissier, ni la préfecture ne sont en capacité de lui assurer que son logement ne sera pas détruit. Alors que tous ses voisins s’empressent de sauver leurs biens, il n’a pas bougé le petit doigt. « Je suis complètement perdu, je ne sais pas ce que je dois faire pour arrêter cette intervention ! » S’il compte faire valoir ses droits pour défendre sa propriété, il ne s’interdit pas de porter plainte : « C’est sûrement la seule solution pour obtenir justice. »

 

Comment le fugitif « M’déré » a été interpellé

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Le fugitif Abderemane Nassur, dit M’déré, qui s’était évadé à l’été 2016 de la prison de Majicavo avec deux codétenus, a été appréhendé après deux ans de cavale. Dans la nuit de dimanche à lundi, la gendarmerie lui a tendu un coup de filet dans la zone de Soulou, dans le nord-ouest de l’île, alors qu’il s’apprêtait à récupérer de la marchandise de contrebande acheminée en kwassa depuis Anjouan. 

Deux ans de cavale et une foule de questions. D’abord, comment Abderemane Nassur, dit « M’déré », 22 ans, évadé du centre pénitentiaire de Majicavo à l’été 2016, a-t-il pu se cacher aussi longtemps dans un territoire aussi petit que le 101ème département ? Ce jeune homme jugé « particulièrement dangereux », comme l’a rappelé à l’occasion d’une conférence de presse organisée au tribunal de grande instance ce mardi matin le procureur de la République Camille Miansoni, est « resté dans la mémoire de beaucoup d’habitants » pour les crimes et délits qui lui sont reprochés d’abord, puis pour son évasion jugée « spectaculaire », le 5 juillet 2016. À cette époque, M’déré était placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Majicavo pour vol aggravé, viol et d’autres délits connexes. C’est donc le « soulagement » qui prédomine, ce mardi, au lendemain de son interpellation. Surnommé « l’homme le plus recherché de Mayotte » et accusé d’être un coupeur de routes, Abderemane Nassur a été interpellé par les gendarmes sur un chemin de terre situé entre la plage de Soulou et la route, à 23h15 dimanche soir. Un important dispositif de gendarmerie – qui n’a pas été détaillé – l’attendait dans les bois. « Il a été interpellé alors qu’il revenait de la plage, et qu’un kwassa venait d’accoster (…) On a retrouvé du matériel [principalement multimédia, ndlr] qui était prêt à être embarqué. C’est-à-dire que cet individu (…) était aussi un opérateur dans la contrebande entre Mayotte, Les Comores et Anjouan, il s’apprêtait à charger du matériel vraisemblablement volé – qui a été saisi – à destination des Comores, alors qu’il venait de réceptionner un kwassa avec au moins trois individus à bord, qui ont réussi à prendre la fuite », a précisé le procureur. Au moment du coup de filet, auquel il n’a pas eu l’opportunité de résister tant « l’effet de surprise » a fonctionné, selon le lieutenant colonel Fhima, M’déré était muni d’un couteau de pêche. Autant d’éléments qui démontrent bien tout son « potentiel criminogène », des éléments renforcés par le fait qu’il « n’a jamais cessé de commettre des actes criminels durant sa cavale », insiste le procureur. 

Un travail de longue haleine 

Pour le magistrat, l’interpellation de dimanche soir est la conclusion de plusieurs mois d’un important travail de filature et de renseignement de la part de la gendarmerie de Mayotte, « en particulier de l’antenne du GIGN et de la section de recherches », pour localiser « autant que possible » les mouvements du fugitif. « Ça a été compliqué, il a réussi à plusieurs occasions à échapper à la surveillance des enquêteurs », a admis le magistrat. Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, une occasion de l’interpeller s’est présentée, mais toutes les conditions de sécurité, notamment pour les gendarmes mobilisés, n’étaient pas réunies, a précisé le lieutenant-colonel Fhima. « Il faut une rapidité d’intervention mais également une rapidité d’extraction », indique-t-il à ce propos. Autrement dit : il ne faut pas s’éterniser sur place après l’interpellation, pour éviter toute riposte imprévue, comme celle qui avait grièvement blessé deux gendarmes en intervention à Mgnambani, en juin dernier.  

Si les enquêteurs sont incapables d’en donner le chiffre exact, il a été révélé au cours de leurs investigations que M’déré avait effectué « un certain nombre » d’allers-retours à Anjouan au cours de sa cavale. Le reste de sa vie, pour l’essentiel, s’est déroulé dans les bois, à l’ombre des regards. « C’est quelqu’un qui vit de manière très rustique, qui est arrivé jeune à Mayotte et qui est originaire de Tsoundzou II », détaille le lieutenant-colonel Quinet, de la section de recherches de la gendarmerie.  Comment a-t-il pu tenir si longtemps caché ? « Je pense que pour pouvoir échapper au dispositif de contrôle, il faut pouvoir bénéficier d’une manière ou d’une autre de complicités, ne serait-ce que des gens qui vous rapportent des informations. Il faut se nourrir, il faut se déplacer… En outre, c’est un individu qui a souvent agi en bande, en groupe », a relevé le procureur, évoquant de possibles co-auteurs dans des équipes « à tiroir ». C’est d’ailleurs ce pourquoi l’enquête se poursuit, afin de retrouver de possibles complices et effectuer des recoupements avec d’autres affaires plus ou moins récentes.  

 

Retour à la case prison 

M’déré se trouvait toujours ce mardi en garde à vue pour des faits commis en mai dernier – notamment de cambriolage et séquestration – durant sa période de cavale donc. Il sera très bientôt déféré devant un juge et il se trouve toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt. En tout état de cause, il ira en prison à l’issue de la procédure judiciaire, rassure Camille Miansoni, soit en exécution de son mandat d’arrêt, soit en vertu d’autres mandats de dépôt, dans le cadre des nouvelles procédures pour lesquelles il est entendu en ce moment. Il sera demandé à l’administration pénitentiaire de prendre « toutes les mesures nécessaires pour qu’il soit toujours à la disposition de la justice ». Une mesure d’isolement ne pourra être exigée que par un juge d’instruction. 

 

 

Un radicalisé arrêté par la DGSI

Un individu, dont l’identité et l’âge n’ont pas filtré jusqu’à maintenant, a été interpellé mardi peu après 8h dans le quartier de Mandzarsoa à M’tsapéré. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) s’est rendue sur les lieux aux alentours de 6h pour procéder à son arrestation. Une dizaine de véhicules et une vingtaine de policiers ont été réquisitionnés sur cette affaire, ralentissant considérablement la circulation à cet endroit pendant de longues minutes.

S’il s’agit bien d’un homme radicalisé de nationalité française, plusieurs informations circulant à son sujet sur les réseaux sociaux s’avèrent infondées. Connu des services de police et déjà interpellé par le passé, il n’aurait aucun lien avec les attentats de Paris du 13 novembre 2015, comme annoncé par certains de nos confrères en début de journée. Si d’autres rumeurs ont fait état de la présence d’AK47, les forces de l’ordre n’ont découvert aucune arme sur place. Mais d’autres sources proches de l’enquête affirment que 300 cartouches auraient été retrouvées.

L’individu, à Mayotte depuis plusieurs mois, a immédiatement été placé en garde à vue pour être interrogé par les autorités compétentes. Son interrogatoire peut durer jusqu’à 96 heures avant qu’il ne soit éventuellement renvoyé vers la métropole. Ce coup de filet viendrait du parquet antiterroriste de Paris.

Qualité de l’eau | Où se baigner à Mayotte ?

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Quelque 43 sites de baignade ont fait l’objet de contrôles mensuels de qualités des eaux par l’ARS Océan Indien tout au long de l’année. Résultat : onze plages ont été définitivement fermées en raison d’un risque bactériologique. 

La qualité des eaux de baignade à Mayotte reste majoritairement bonne pour la saison 2017-2018. Tous les mois, l’ARS océan Indien procède à des relevés bactériologiques sur les 43 sites déclarés. Ces prélèvements sont analysés par le laboratoire départemental afin de rechercher notamment des indicateurs de contamination fécale. Ce processus permet de classer la propreté des eaux selon quatre niveaux différents (voir la carte ci-jointe). 

Neuf plages affichent une qualité jugée excellente, dont la plupart sont classées par l’Union Européenne : la Baie des tortues, N’gouja, Bandrakouni, le Poulpe, Tsoha, Tahiti plage, Musical plage, Dzona et Dindrionio. 21 autres sites, majoritairement au Nord et à l’Ouest sont considérés comme bons par l’ARS. Deux de ces plages se trouvent en Petite-Terre : Moya et le Faré. 

Six autres points de contrôle affichent une qualité dite suffisante, comme Badamiers et Sohoa Be.  Enfin, la qualité des eaux de sept plages, dont deux en Petite-Terre, est jugée insuffisante. La baignade y demeure toutefois autorisée.

Les plages fermées

Pour cause de non-conformité récurrente aux normes sanitaires, 11 plages mahoraises sont définitivement fermées à la baignade, majoritairement au Nord-Ouest. Ainsi à Mtzamboro, Hamjago village et Arantsabé notamment, la pollution de l’eau peut provoquer gastro-entérites, maladies de peau et affections ORL.

Treize autres sites avaient été provisoirement fermés, particulièrement entre octobre et février derniers, sous l’effet d’écoulement des eaux de pluies. Parmi elles : Sakouli, Trévani Hôtel ou encore la plage du Pendu. Ces plages sont toutefois de nouveau ouvertes à la baignade, comme indiqué sur la carte. Si une nouvelle pollution est détectée, les communes ont obligation formelle d’afficher l’avis d’interdiction sur le site concerné. 

 

Les gestes à adopter

L’ARS dresse une liste de précautions pour profiter de la mer sans danger. Contre les risques sanitaires, il est préférable d’attendre 72 heures après un épisode pluvieux avant de se baigner, les eaux ruisselantes pouvant entraîner sur leur passage hydrocarbures, déchets et résidus agricoles. Ensuite, ne brûlez pas les ordures, quelles qu’elles soient : d’une part, certains présentent un grand danger en cas d’immolation, et de l’autre, les résidus risqueraient, là encore, de rejoindre les eaux de baignade. Alors, signalez leur présence à la municipalité concernée. Pour les mêmes raisons, n’abandonnez jamais vos ordures. Pour s’allonger sur la plage, il est impératif d’utiliser une natte ou une serviette afin d’éviter tout contact avec le sable souillé par des ordures ou des excréments et vecteur notamment d’affections dermatologiques. 

Les autres précautions habituelles restent de mise : il ne faut pas surestimer ses capacités physiques, particulièrement sous l’effet du courant et de la marée qui accroissent le risque de noyade. Les enfants, évidemment, doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière. Puis, même si l’eau ne paraît pas froide, il vaut toujours mieux y entrer progressivement. 

Enfin, contre les effets du soleil, buvez de l’eau régulièrement, évitez de vous exposer aux heures les plus chaudes (entre 11h et 16h). Pour vous protéger, utiliser chapeaux et lunettes de soleil. Renouvelez l’application de crème solaire toutes les deux heures, et après chaque baignade. 

Écrire le shimaoré pour le préserver

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Des tables rondes thématiques sur le shimaoré se déroulent depuis vendredi et jusqu’à ce lundi au conseil départemental. Leur ambition ? Préserver et transcrire la première langue – orale – maternelle du 101ème département français. Une gageure dans le contexte sociolinguistique de l’île. 

« Le shimaoré est l’identité même de Mayotte », a assuré vendredi Lavie Maturafi, doctorante en sciences du langage à l’Université Paul Valéry – Montpellier 3. Lors de la première journée des tables rondes organisées sur la thématique du shimaoré et sa transcription en fin de semaine dernière, la doctorante présentait une « tentative de mise à l’écrit d’une langue orale ». Le shimaoré est une langue bantoue – ensemble de langues africaines regroupant environ 400 langues parlées dans une vingtaine de pays – provenant de l’héritage des populations africaines. « L’idée, aujourd’hui, est de transcrire cette langue puisque nous nous sommes rendus compte que Mayotte était le seul département dont la langue maternelle n’était pas enseignée à l’école. En 2013, j’ai donc fait le choix d’écrire une thèse sur le shimaoré et sa transcription. Je souhaiterais être porteuse d’un message, de valeurs et de culture », a expliqué Lavie Maturafi. Stephan Martens, le vice-recteur de Mayotte, estimait vendredi que l’usage de la langue maternelle permettait de « favoriser le vivre-ensemble ». Pourtant, il y a encore quelques années, parler le shimaoré à l’école était réprimé. 

Au-delà du besoin naturel de pouvoir écrire sa langue maternelle, se projette une possible extinction progressive du shimaoré, « ce qui traduirait une perte identitaire du territoire ». Pourtant, « de manière paradoxale », la langue n’a jamais été aussi présente dans l’espace public du territoire : à travers les publicités, la signalétique, les médias radiophoniques et télévisuels… « C’est une langue importante, c’est mon identité et celle des Mahorais. Je travaille donc sur les influences entre le français et le shimaoré. Mon but n’est pas d’imposer une graphie, mais de proposer des alternatives », a affirmé la doctorante.

Vingt ans de désaccords

Pour Rastami Spelo, président de l’association Shimé – promotion, enseignement et sauvegarde des langues de Mayotte – l’officialisation d’un alphabet pour le shimaoré constituerait « une étape fondamentale pour sa sauvegarde ». Toutefois, il existe de nombreuses difficultés dans la transcription de la langue. En effet, à Mayotte, plusieurs styles de graphies se chevauchent. « Or, il faut dès à présent se rassembler pour déterminer un seul et même alphabet : une standardisation du shimaoré », a confirmé la chercheuse en sciences du langage. Depuis vingt ans, des désaccords persistent sur la forme exacte que devrait prendre le shimaoré écrit, ce qui « bloque toute avancée ». La pauvreté du développement de la langue dans les créations littéraires mahoraises semble également poser problème. Le conseil général a donc pris des décisions afin de développer une pensée unilatérale sur l’alphabétisation et la graphie. « Il faut faciliter l’apprentissage de l’écriture et de la lecture pour arriver à un shimaoré standardisé pour tous. Toutefois, il faut tenir compte du lien qui existe entre la graphie et la phonie », a soutenu le conseil. 

La question de la codification a aussi été posée lors de ces tables rondes pour permettre, à l’issue des réflexions engagées, une « réelle marche en avant » sur la graphie de la langue. Un défi afin de poser les prémices d’un alphabet évolutif. « Je suis pour la graphie proposé par Haladi Madi (linguiste, ndlr). Il s’est basé sur le fait que les sons du shimaoré étaient géminés (se dit de deux consonnes identiques consécutives prononcées, ndlr) pour transcrire le shimaoré », a confié la chercheuse. Après sa thèse, elle a vocation à rentrer à Mayotte pour travailler sur la morphologie et la syntaxe de sa langue maternelle. « Cette langue, c’est ma vie. L’enseignement du shimaoré à l’école sera ma victoire », a-t-elle conclu. En février prochain, d’autres tables rondes seront organisées, cette fois sur le kibushi, pour l’enseigner, définir un cadre et l’officialiser afin de le préserver comme le shimaoré. « Une vraie priorité », a certifié le département.  

 

 

Gestion de l’eau | Entre le SIEAM et la SMAE, le divorce est prononcé

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Il y a de l’eau dans le gaz entre le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) et la société Mahoraise des Eaux (SMAE).

Depuis le début de l’année, les deux entités ont entamé un dialogue afin de tenter de déterminer un règlement amiable des nombreux points de divergence qui opposent les parties. Ce vendredi, le président du SIEAM rencontre l’association des maires de Mayotte pour dresser un bilan de la situation. Il souhaite mettre un terme au contrat d’affermage Eau Potable avec la SMAE. En cause, une marge totale cumulée sur la période 2008-2017 erronée.

La société Mahoraise des Eaux (SMAE) – ex Sogea Mayotte jusqu’en 2014 – est titulaire du contrat d’affermage du service d’eau potable pour le compte du Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) depuis le 6 mars 2008, pour une durée de 15 ans, soit jusqu’en 2022.

Au début de sa mandature (2014-2020), le président du SIEAM, Moussa Mouhamadi, a transmis le 13 mars 2014, au titre du contrôle de légalité, l’avenant n°3 au contrat de délégation du service public pour la production, le traitement, le stockage et la distribution de l’eau potable à Mayotte, en préfecture. Dans sa réponse, en date du 29 août 2014, à ce courrier, le secrétariat général de la direction des relations avec les collectivités territoriales a alors réalisé plusieurs observations, comme « le non respect partiel du contrat », « la supériorité des résultats prévisionnels de 2014 à ceux prévu dans le contrat pour 2022 », ou encore l’absence « d’un fichier des abonnés à jour conforme à l’article 5 du contrat à la date de l’avenant n°3 ».

Des troubles dans les comptes

Un audit organisationnel a alors été commandité par le SIEAM auprès du cabinet privé COGITE. Suite à l’analyse des comptes annuels de résultats présentés par la SMAE depuis l’origine du contrat en 2008, les audits réalisés par ce dernier, entre 2016 et 2017, ont mis en évidence « l’optimisation des charges de l’ordre de 480.000 euros par an, principalement liée aux facturations intragroupe, représentant 4.8 millions d’euros » et « l’écart inexpliqué entre recettes annoncées aux CARE et recettes reconstituées, représentant 3.6 millions d’euros ». Ainsi, le résultat économique recalculé, ressortirait à 11.9 millions d’euros, soit 9 % des produits cumulés corrigés, par rapport aux 3.5 millions d’euros annoncés par la SMAE. En prenant compte de la période 2018-2022, la marge cumulée prévisionnelle du contrat (passée et future) pourrait représenter 18.1 millions d’euros alors qu’à la signature du contrat, la SMAE avait accepté le principe d’un contrat équilibré, c’est-à-dire avec une marge nulle.

Dans un courrier adressé au SIEAM le 12 janvier 2018, la SMAE a demandé à être indemnisée à hauteur d’1.5 millions d’euros pour « les surcoûts liés à la période de sécheresse de 2017 et du manque à gagner lié à l’absence de facturation à cette période ».

Des négociations tendues et inutiles

Début 2018, les deux parties ont demandé l’intervention d’un médiateur, nommé par le président du tribunal administratif de La Réunion. Au cours des trois séances de médiation (les 23 janvier 2018, 18 avril 2018 et 17 mai 2018), les négociations n’ont pas abouti. La SMAE a proposé de baisser le prix de l’eau de 4 % si le contrat liant les deux entités était prolongé de quatre contrats, soit jusqu’en 2026. Dans le cas le contraire, il n’y aurait pas de baisse accordée. « Au début de la seconde séance, la SMAE avait proposé une hausse des tarifs de 20 % », s’insurge un proche du dossier. Un proposition délirante sachant que le prix de l’eau à Mayotte est l’un des plus élevés de France…

Face au non aboutissement de la médiation judiciaire, le syndicat a alors indiqué à la Chambre régionale des comptes, le 17 mai 2018, que « le SIEAM avait exigé que la SMAE porte une attention accrcue à l’accroissement du rendement de réseau qui s’est dégradé ces dernières années et mette en place les moyens techniques et humains nécessaires sur les prochaines années. […] Le SIEAM ne s’interdit pas d’explorer la piste de la rupture anticipée du contrat au motif d’intérêt général ».

Interpellé par ces rumeurs, le président de l’association des maires de Mayotte, Said Omar Oili, a fait part de ses préoccupations au président du SIEAM dans une lettre datée du 8 novembre 2018. « Une résiliation plus de 4 ans avant le terme du contrat pourrait causer pour le syndicat des préjudices importants et aggraver la situation financière des comptes du SIEAM. […] Je ne souhaite pas que le SIEAM subisse les mêmes conséquences que le Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte où la mauvaise gestion du syndicat a provoqué sa dissolution. » Une réunion doit d’ailleurs se tenir ce vendredi à 15h entre l’association des maires et le président du SIEAM, qui aurait fait l’objet d’intimidation et de menaces verbales ces dernières semaines et serait obligé de se cacher… Selon nos informations, certains premiers magistrats se seraient rangés du côté de la SMAE.

Aujourd’hui, plusieurs options s’offrent au SIEAM. Soit il décide de ne rien faire et par conséquent de s’asseoir sur les 18 millions d’euros. Soit il rouvre les négociations pour aboutir à un consensus, mais cela semble compliqué au vue des tensions. Soit il constate les défaillances de la SMAE et actionne la clause de déchéance du contrat. Cette dernière possibilité a été évoquée dans un courrier du SIEAM à la SMAE en date du 30 novembre 2018 : « J’ai le regret de vous mettre en demeure de procéder sans délai au versement des sommes dues (reversement de la surtaxe eau potable au 5 novembre 2018, redevance assainissement au 30 septembre 2018, frais de contrôle pour l’année 2016 au 1er juin 2017, frais de contrôle pour l’année 2017 au 1er juin 2018, redevance d’occupation du domaine public pour l’année 2016 au 1er juin 2017, redevance d’occupation du domaine public pour l’année 2017 au 1er juin 2018, ndlr.), à savoir 4.041.036.80 euros, et me réserve, d’ores et déjà, la possibilité, outre la facturation des intérêts de retard, d’appliquer les sanctions prévues aux articles 46 (pénalités), 47 (mise en régie provisoire) et 48 (déchéance) du contrat. »

Quelle sortie de crise ?

En cas de déchéance du contrat, il convient pour la SIEAM de réaliser une analyse juridique pour mesurer les risque potentiels en terme d’indemnisation éventuelle de la SMAE, si la faute contractuelle n’est pas reconnue. De plus, il faut évaluer les opportunités offertes en terme de nouveau mode d’exploitation. Le SIEAM pourrait alors récupérer la distribution de l’eau en régie, ou alors déposer un nouvelle appel d’offre pour trouver une délégation de service public (DSP) ou  une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP). Quelque soit le choix final, il faudra compter environ un an pour changer de mode d’exploitation. Un nouveau mode de gestion ne pourrait démarrer au mieux qu’au 1er janvier 2020.

 

Le SIEAM en quelques mots

Le syndicat intercommunal des eaux et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) exerce en lieu et place de ses collectivités membres des communes et des établissements publics de coopération intercommunale les compétences de distribution d’eau potable depuis sa création en 1992 et de gestion de l’assainissement collectif depuis 1998 sur l’ensemble de l’île. Il dispose ainsi d’une vision stratégique pour mettre en œuvre une gestion rationalisée et conduire les nécessaires opérations d’investissement dans ces domaines d’activité.

 

Un exercice grandeur nature d’une tuerie de masse

L’aéroport de Pamandzi a été hier mercredi de 14h30 à 16h30 le théâtre d’une simulation de tuerie de masse.

Pour préparer cet exercice attentat en condition réelle, le Service Interministériel de Défense et de Protection Civile (SIDPC) a travaillé de concert avec : la Police aux frontières, la Gendarmerie, le DLEM, l’aéroport de Mayotte, les Douanes, la Délégation de l’Aviation Civile de Mayotte, le Service de Navigation Aérienne de Mayotte, le Procureur de la République, la Croix Rouge Française, la Mairie de Pamandzi, le SDIS, le SAMU, le CHM, le STM et les pompes funèbres. Ces derniers ont travaillé main dans la main, afin de parvenir à une coordination optimale, assurant d’une part une gestion sécurisée de l’intervention et une prise en compte aussi rapide que possible des blessés d’autre part. « Cette expérience a permis de jauger la capacité opérationnelle des personnels présents et de repérer les points d’amélioration possible, en vue d’accroître leur efficacité et leur réactivité, lors d’une éventuelle intervention pour une tuerie de masse » a déclaré le sous-préfet Etienne Guillet aux côtés du procureur de la république Camille Miansoni. Le scénario était celui-ci : trois individus vêtus de tee-shirt orange, armés et cagoulés tirent à plusieurs reprises sur les personnes présentes au sein de l’aéroport. On compte une dizaine de morts et plusieurs blessés. La police intervient. Un assaillant est abattu, un autre est blessé tandis que le troisième se retranche dans le boxe de la compagnie Air Austral avec une otage. Un commandement opérationnel se met en place. Le groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) encercle l’aéroport et négocie durant plusieurs heures avec le preneur d’otage qui finira par relâcher sa « prisonnière » avant de se rendre. Les pompiers interviendront à la fin sous protection policière pour porter secours aux blessés avant d’évacuer les morts.

 

Accident : une avance de 80.000 € pour Nafouanti

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La décision concernant le violent accident de la route au cours duquel une jeune femme avait eu la jambe sectionnée cet été a été rendue, ce mardi. Le prévenu a été relaxé des blessures involontaires qui lui étaient reprochées, mais condamné pour sa conduite en état d’ivresse. La jeune femme s’est vu octroyer une première indemnité, à titre provisionnel, dans l’attente de l’évaluation de son préjudice total. 

Les images de la jeune Nafouanti, 21 ans, la jambe amputée, quelques jours après son violent accident de la route survenu sur le boulevard des crabes, à Dzaoudzi, le 30 juillet dernier, avaient provoqué un vif émoi dans la population. Les circonstances de l’accident – alors qu’un délit de fuite avait d’abord été évoqué avant d’être écarté – avaient encore ajouté au choc la colère et l’incompréhension. L’homme dont la Renault Mégane a percuté, ce soir de la fin juillet, le scooter de Nafouanti et de son époux, vient d’être relaxé de la prévention de « blessures involontaires » et de « défaut de maîtrise » – pour excès de vitesse – de son véhicule par le tribunal correctionnel de Mamoudzou. En l’absence d’erreur de conduite avérée, sa responsabilité pénale n’a pas été établie dans cette affaire. Ce légionnaire du DLEM a en revanche bel et bien été condamné pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, alors que des tests d’alcoolémie ont démontré qu’il avait 0,61 mg/L de sang ce soir-là. Il a écopé ce mardi de trois mois de prison avec sursis et de huit mois de suspension de permis. À l’audience, le procureur de la République Camille Miansoni avait requis à son encontre une  peine de douze mois d’emprisonnement avec sursis, un an de suspension de permis, 300 euros d’amende pour « défaut de maîtrise » et un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Certains commentateurs, sur les réseaux sociaux, évoquaient à la suite de notre article relatant l’audience (voir Flash Infos du 22 novembre) une « justice à deux vitesses », et s’empressaient de dénoncer l’injustice du traitement réservé à la victime, confondant pour certains d’entre eux la peine requise à l’encontre du conducteur et les indemnités demandées pour la victime. C’était oublier qu’intérêts civils et sanctions pénales sont deux choses distinctes et que l’évaluation des dommages – en discussion avec les compagnies d’assurance des uns et des autres –   fera l’objet d’une autre audience, dont la date n’a pas encore été fixée. En d’autres termes, la sanction de l’un est sans effet sur les indemnités de l’autre.  

« Ce n’est qu’une avance ! » 

Pour la jeune Nafouanti, dont les conditions de vie déjà précaires ont été drastiquement dégradées par l’accident, la reconstruction commence à peine. « Aujourd’hui, je ne peux plus rien faire toute seule », avait-elle lâché, debout à la barre, se soutenant de ses seules béquilles en l’absence de prothèse, lors de l’audience du 21 novembre. Son avocate venue de métropole et spécialisée dans la réparation des dommages corporels, Me Élise Marchand, avait dénoncé le « no man’s land médical » dans lequel se trouvait sa cliente et détaillé les divers préjudices subis par la jeune femme, son époux et, par ricochet, leur enfant de deux ans. Elle avait formulé d’importantes demandes d’indemnités et il semble qu’elle ait été entendue, alors que la jeune femme vient de se voir octroyer ce mardi une provision de 80.000 euros ce mardi. « Ce n’est qu’une avance en attendant les expertises (permettant d’évaluer complètement le préjudice) et l’audience sur intérêts civils », précise le procureur Miansoni. C’est seulement lors de cette audience que les magistrats pourront fixer le montant total des indemnités à la famille de Nafouanti, en ayant pris soin de vérifier qu’il n’y a « pas de conséquences supplémentaires » à l’accident. Lors de l’audience, l’avocate de Nafouanti avait salué la décision du procureur de lancer des poursuites, et pas une information judiciaire, à l’encontre du conducteur, permettant d’accélérer le traitement du dossier, et l’évaluation des préjudices. L’avocate avait également demandé l’intervention d’un expert spécialisé exerçant à Bordeaux, afin d’évaluer au plus juste les besoins de sa cliente. 

La somme de 80.000 euros dégagée ce mardi ne sera pas de trop pour patienter jusque-là et assurer les soins et aménagements dont les victimes vont avoir besoin. À plus forte raison compte tenu du contexte médical du territoire, de l’état de santé mental et physique de la jeune femme, qui vit dans un logement précaire du quartier de la Vigie, à Labattoir, et souffre des « douleurs du membre fantôme », récurrentes chez les personnes amputées, ainsi que d’importantes séquelles psychologiques. 

 

 

Un festival de la Cimade annulé en raison de « menaces »

Le groupe local de l’association de défense des droits des étrangers La Cimade organisait samedi dernier une exposition dans le cadre de son festival national Migrant’Scène au collège de Passamaïnty. Mais cet événement a dû être annulé en raison de « menaces réelles et certaines » de troubles à l’ordre public. L’association a tout de même affiché samedi témoignages et photos sur les murs de l’enceinte scolaire. 

L’événement devait se tenir samedi. Le groupe local de l’association La Cimade à Mayotte avait prévu d’organiser le week-end dernier, à Passamaïnty, une exposition de portraits et de témoignages dans le cadre du festival national Migrant’Scène. Ayant pour thème le vivre-ensemble, le festival dure trois semaines et se déroule en métropole et au sein des différents territoires ultramarins. « Les autorités administratives viennent d’empêcher la tenue de cet événement qui était accueilli par le collège de Passamaïnty : prévenu au dernier moment, le groupe local a tenu à être présent afin d’en informer le public », dénoncent les responsables de La Cimade samedi par voie de communiqué. « La situation sur place est tendue sur les questions migratoires », affirment-ils encore. La Cimade s’inquiète également « des obstacles auxquels elle est trop souvent confrontée pour organiser des évènements pacifiques et fraternels ». 

Contactée, la préfecture de Mayotte a indiqué avoir été informée de « menaces réelles et certaines » pour l’ordre public et de manifestations visant ce festival. Elle a donc alerté le vice-rectorat qui a décidé d’annuler l’évènement. « Nous avions pris des dispositions » pour sécuriser l’extérieur du bâtiment, a affirmé la préfecture, qui a toutefois précisé « ne pas pouvoir contrôler l’intérieur » de l’établissement scolaire au sein duquel seuls quelques bénévoles de la Cimade auraient été présents. La préfecture de Mayotte a assuré qu’il y avait, de sa part, une réelle « volonté de les accompagner » dans ce projet de festival mais qu’il fallait prendre en compte le contexte particulier. Elle a, en outre, précisé qu’un report de l’événement était envisagé.

« On essaie de voir mais c’est compliqué » de reporter le festival, estime l’antenne locale de la Cimade. En effet, des intervenants devaient se déplacer pour l’occasion mais difficile de fixer de nouveau une date commune pour l’ensemble de ces participants. Cependant, l’association a tout de même tenu, samedi dernier, à afficher des portraits et des témoignages sur les murs du collège de Passamaïnty. En outre, elle a organisé un « pique-nique géant » avec les visiteurs qui s’étaient tout de même déplacés, n’ayant pas eu vent de l’annulation tardive de l’événement (de la veille au lendemain). Ces rencontres se sont tenues sans heurts. 

 

VIH : objectif éradication en 2030

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Samedi avait lieu la 30ème journée mondiale de lutte contre le VIH Sida. À cette occasion, les maires des communes mahoraises ont entériné la Déclaration de Mayotte, qui émane de la Déclaration de Paris visant à l’éradication de l’épidémie en 2030, près d’un demi-siècle après sa découverte. Un objectif très ambitieux, notamment à Mayotte.

« 2030 ? Un objectif difficile à atteindre », selon Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association Narike M’sada. Avec plus de 35 millions de morts à ce jour, le VIH continue de représenter un problème mondial majeur de santé publique. Pour parvenir à y mettre un terme, chaque année, au 1er décembre, est organisée la journée mondiale contre le Sida,sur le thème « Connais ton statut », pour informer la population sur le risques encourus. Samedi, c’était également l’occasion de célébrer le 30ème anniversaire de cet évènement lancé en 1988 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le cadre de cette journée, les maires des communes de Mayotte se sont rassemblés vendredidans les locaux de l’association Narike M’Sada à Mamoudzou, afin de signer la Déclaration de Mayotte inspirée de la Déclaration de Paris qui vise à éradiquer l’épidémie à horizon 2030, notamment en atteignant la cible de traitement « 90-90-90 » avant 2020, définie par un programme commun des Nations Unies sur le VIH (Onusida). 

En 2020, l’objectif est que 90% des personnes vivant avec le VIH connaissentleur statut, que 90% d’entre elles reçoivent un traitement antirétroviral durable et que 90% de ces personnes sous traitement aient une charge virale – quantité de VIH qu’il y a dans le sang d’une personne séropositive – supprimée. Pour l’heure, l’épidémie perdure en France avec environ 6.000 nouvelles personnes séropositives chaque année depuis plus de dix ans. 

Un objectif trop ambitieux ?

« Je pense que le terme « éradication » est peut être un peu trop fort mais reste une ambition. Seulement, l’objectif actuel est de freiner l’épidémie », explique de son côté Moncef Mouhoudhoire. Et d’ajouter que « nous avons déjà atteint deux objectifs sur trois à Mayotte, c’est-à-dire l’accès aux traitements et la charge virale indétectable. Il nous manque encore le dépistage. C’est dans ce but que nous avons fait vendredi une journée dépistage en Petite-Terre ». L’objectif pourrait donc se réaliser mais il demeure complexe au regard de la précarité sociale à Mayotte. Sur 260.000 habitants recensés, seulement 30.000 travaillent, faisant de l’île le département le plus pauvre de France, avec plus de 80% de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté. 

« Quand une personne n’a rien à se mettre sous la dent, il est difficile pour elle de payer et d’ingurgiter des traitements », souligne le directeur de l’association. Le territoire est aussi à la troisième place des départements les plus touchés par le VIH juste derrière l’Ile-de-France et la Guyane. Une réalité due notamment aux migrations, à l’accès aux préservatifsrendu difficile par le manque de points de vente (et seulement 20 pharmacies) ou encore à la prostitution, toujours selon le directeur.  

Autre élément à prendre en compte : la polygamie. En août dernier, 273 personnes atteintes du Sida étaient connues et suivies au CHM de Mamoudzou. Près de 62% d’entre elles étaient des femmes dépistées à l’occasion de leur grossesse. « Qui dit femme enceinte dit automatiquement qu’il y a un homme. Si la femme en question est séropositive, il y a de fortes chances que l’homme le soit également sauf qu’il n’apparaît pas dans les chiffres connus », déplore Moncef Mouhoudhoire.

Les maires et communes en première ligne

En outre, le territoire mahorais est le département le plus jeune de France.Une jeunesse qui favorise les relations multi-partenariales occasionnelles, qui sont en constante augmentation, d’après le directeur de l’association. »Tout est fait pour multiplier les chances de la transmission du VIH. C’est pour cela qu’il faut évidement améliorer les points d’accès, l’information et le volet social ». En effet, mettre l’accent sur l’amélioration des conditions de vie  apparaît d’autant plus essentiel que des études de l’ARS ont démontré qu’une population exposée à de nombreux problèmes sociaux est plus susceptibled’adopter des comportements à risque. 

« Il appartient aux maires signataires de la Déclaration d’appliquer leurs engagements et d’imaginer des solutions. Nous nous allons nous positionner en temps qu’acteur et opérateur s’ils le souhaitent. Pour les aider, ils auront des outils comme les CCAS (Centre communal d’action sociale, ndlr) », affirme Moncef Mouhoudhoire avant d’ajouter : »pour le moment, le nombre de campagnes de sensibilisation à Mayotte peut se compter sur les doigts d’une main. À partir de là, nous ne pouvons pas dire que nous avons tout fait pour sensibiliser la population mahoraise. Pour autant, si les maires des communes tiennent leurs engagements, cela permettra la mutualisation de nos forces et nous pourrons toucher un plus large public. Nous pourrions arriver à diminuer significativement le nombre de séropositifs et peut être, qui sait, en finir avec cette épidémie d’ici 2030″. 

 

Une récompense pour les communes assidues

Chaque année, l’association Narike M’sada valorisera les communes qui auront déployé des moyens pour informer, accompagner et inciter les habitants à se faire dépister. « Nous allons essayer de créer un comité composé de l’ARS, du département et de l’association pour imaginer une récompense afin que chaque commune qui s’engage dans la lutte contre le sida soit reconnue », assure Moncef Mouhoudhoire. 

 

 

 

 

Un an ferme pour le marchand de sommeil de Pamandzi

L’homme d’une cinquantaine d’années qui, résidant à Pamandzi, était accusé d’aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière et d’hébergement dans des conditions contraires à la dignité humaine a été reconnu coupable mercredi par le tribunal correctionnel et condamné à un an de prison ferme et 30.000 euros d’amende. 

Il hébergeait des clandestins dans des conditions contraires à la dignité humaine : rats, cafards, toits de tôle troués laissant passer la pluie dans les chambres, sanitaires insalubres et insuffisants, douche servant également de toilettes, risques d’incendie, d’électrocution et d’intoxication au monoxyde de carbone… Hier, l’homme d’une cinquantaine d’années accusé de tels faits a été reconnu coupable d’aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière et a écopé d’un an de prison ferme et de 30.000 euros d’amende – ce montant correspondant aux sommes qu’il a perçues durant les quatre ans de cette activité illégale. Sur deux terrains lui appartenant ainsi qu’à sa famille, le prévenu (qui réside à Pamandzi) disposait d’une maison en dur et louait plusieurs cases en tôle et chambres à sept familles soit à une trentaine de personnes au total dont plusieurs en situation irrégulière. En juillet dernier, le prévenu, membre du collectif des citoyens de Petite-Terre et agent de sécurité au conseil départemental, affirmait devant les caméras de Mayotte La 1ère avoir enjoint ses locataires en situation irrégulière de quitter les lieux et avoir pris part à une campagne « demandant à tous ceux qui logent des irréguliers de s’en défaire parce qu’il va se passer des choses et que la justice va se mêler de tout ça ». Il avait lui-même été placé en garde à vue dans les locaux de la police aux frontières puis déféré devant un juge pour de tels faits. Il avait également prétendu lors de l’audience ne toucher que 450 euros mensuels pour les différents loyers alors que le président estimait plutôt cette somme aux alentours de 700 euros. En effet, d’après des témoignages entendus lors de l’audience, certains locataires payaient jusqu’à 150 euros de loyer, auxquels il fallait ajouter 150 euros de caution et 100 euros de charges (eau et électricité, par mois). 

Alors que le parquet avait requis 15 mois de prison ferme et la confiscation du terrain saisi lors de la procédure, le tribunal correctionnel a estimé hier que la confiscation constituait « une peine financière injustifiée ». D’autre part, il a informé le condamné que la peine d’un an d’emprisonnement pourrait être transformée en une autre peine (type travaux d’intérêt général) par le juge de l’application des peines « en fonction de [sa] situation personnelle ».  Le condamné et le parquet ont dix jours pour faire appel.

 

 

Affaire Nafouanti | Douze mois avec sursis requis contre le conducteur

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Le violent accident du boulevard des crabes au cours duquel une jeune femme avait eu la jambe sectionnée cet été a été jugé ce mardi au tribunal correctionnel de Mamoudzou. L’affaire avait fait grand bruit et suscité de nombreuses interrogations, alors qu’un délit de fuite avait d’abord été envisagé par les enquêteurs, avant d’être écarté. À l’encontre du conducteur, le parquet a requis une peine de douze mois d’emprisonnement avec sursis, un an de suspension de permis,  300 euros d’amende pour « défaut de maîtrise » et un stage de sensibilisation à la sécurité routière. 

L’émotion était vive et le public nombreux ce mardi dans la salle d’audience. Nafouanti, la jeune victime, était présente avec son époux et sa famille sur le banc des parties civiles. En béquilles, puisque l’accident dont il était question ce mardi lui a coûté une partie de sa jambe gauche, amputée au dessus du genou cet été. L’homme qui s’avance à la barre pour entendre les faits qui lui sont reprochés – car il s’agit bien d’un homme, et non pas d’une femme, comme cela a pu être dit – est âgé de 35 ans. Né en Côte d’Ivoire, il ne s’agit pas non plus d’un mzungu, comme certains témoignages, relayés dans la presse, l’avaient d’abord laissé accroire. L’homme est en revanche bien militaire, affecté au détachement de la légion étrangère (DLEM) de Dzaoudzi. 

Il comparaît pour avoir percuté, au volant de sa Renault Mégane, une jeune femme de 21 ans et son mari qui rentraient à leur domicile de Petite-Terre, à scooter et en sens inverse, le soir du 30 juillet, sur le boulevard des crabes à Dzaoudzi. L’homme est poursuivi pour « défaut de maîtrise » de sa voiture et « blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur », la jeune femme ayant écopé d’une Interruption Totale de Travail (ITT) de plus de trois mois et son époux, d’une ITT d’un jour, à cause d’une entorse au doigt. De lourdes préventions, aggravées par la présence d’alcool dans le sang du conducteur au moment de l’accident – 0,61 mg/L de sang – et d’une vitesse jugée « excessive eu égard aux circonstances ». Les circonstances ? Une sortie de barge agitée avec de nombreux véhicules déboulant en tous sens et une route accidentée : « déformée », « déplorable », « défoncée », énumère le président Pascal Bouvard à l’audience. Une route qui a d’ailleurs été rénovée depuis. Vers 22h30, ce 30 juillet, les gendarmes sont avisés qu’un grave accident vient de se produire. Le choc est d’une violence extrême, à tel point que la jambe de la jeune femme sera retrouvée à 20 mètres du point de collision. Deux versions s’affrontent ensuite. Le couple à scooter affirme qu’ils roulaient lentement, « peut-être 35, 45 km/h », parce que Madame ne se sentait pas bien. L’époux indique que la voiture est arrivée face à eux à vive allure, et en zigzaguant. Il assure également avoir toujours roulé bien dans sa voie, à droite, contrairement aux dires du conducteur de la Renault Mégane.

« Aujourd’hui je ne peux plus rien faire toute seule »

Ce dernier prétend en effet que le deux-roues circulait au milieu de la route, pour éviter les nombreux nids de poule sur la chaussée. S’il reconnaît avoir consommé de l’alcool pendant le repas du soir – environ un litre de bière – le prévenu assure que cela n’a « à aucun moment altéré (son) jugement ou (sa) conduite ». Il nie aussi avoir jamais eu l’intention de fuir les lieux, comme cela avait été dans un premier temps envisagé par les enquêteurs, avant d’être écarté, suscitant de nombreuses conjectures sur de possibles connivences avec le prévenu, de par son statut de militaire. S’il a quitté la scène de l’accident, pendant quelques minutes, celui-ci affirme que ce n’était que pour éloigner sa fille de onze ans qui se trouvait à bord avec lui. Pas blessée, mais « paniquée ». Il serait ensuite revenu sur le boulevard, mais sans se dénoncer directement à la « quinzaine de jeunes » témoins rassemblés-là, et qui le recherchaient. Là encore, deux versions se font face : le mari de Nafouanti répète qu’il n’a pas vu le militaire revenir ce soir-là, l’autre maintient ses propos : « Lui ne m’a pas vu, mais moi, si ».

Ce n’est qu’une fois installé, à sa demande, dans une voiture de gendarmes, que le légionnaire se serait désigné auprès d’eux comme étant le conducteur impliqué, explique-t-il à la cour. Cette version avait d’ailleurs été confirmée quelques jours après les faits par le procureur de la République Camille Miansoni – qui requiert ce mardi – pour expliquer l’abandon des poursuites pour le délit de fuite. 

Debout à la barre, avec aplomb, la jeune Nafouanti accepte à son tour de livrer son témoignage. »Pourquoi est-ce qu’il n’est pas venu me voir ? », demande-t-elle à propos du prévenu. Une question à laquelle Me Hesler, l’avocat de la défense, répondra en expliquant que dans le « contexte post-accident », la question s’était posée et qu’il était apparu préférable d’attendre. »Ce n’était pas du tout un manque de considération », défend-il.

« Aujourd’hui, j’ai un enfant de deux ans qui vient me voir pour me demander où est ma jambe et qui vient essayer de me mettre une chaussure », lâche la jeune femme, dont la voix finit par se briser. »Aujourd’hui, je ne peux pas faire la cuisine toute seule, je ne peux pas m’occuper de mon fils, je ne peux rien faire toute seule ». Et la jeune femme de raconter qu’elle revit quotidiennement la scène de ce soir où elle a eu l’impression d’être un « animal blessé sur le bord de la route ». 

L’avocate des parties civiles, Me Marchand, demande d’importants dommages et intérêts en réparation des nombreux préjudices de sa cliente, qui, en raison du « no man’s land médical » dans lequel elle se trouve et de ses conditions de vie précaires, n’a pas pu avoir accès ni à une prothèse provisoire, ni à une rééducation adaptée. La décision sera rendue le 4 décembre. Les intérêts civils seront fixés lors d’une audience distincte. 

 

 

 

 

 

 

Sécurité routière | De nombreux accidents au cours du week-end

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La gendarmerie a recensé pas moins d’une dizaine d’accidents entre samedi et lundi matin, causant un seul blessé grave. Une tendance a priori normale en cette période de l’année, où les premières averses commencent à s’abattre sur Mayotte. Le bilan officiel de ce mois de novembre devrait être publié la semaine prochaine par la préfecture. 

C’est l’accident le plus grave de ce week-end. Un enfant de 5 ans s’est fait traîner sur une dizaine de mètres sur la route nationale à l’entrée de la ville de Koungou, samedi en fin d’après-midi. Une voiture qui circulait en direction de Mamoudzou l’a percuté alors qu’il traversait la chaussée. Dans un état grave, la jeune victime a été transportée en soins intensifs au centre hospitalier (CHM). Son pronostic vital n’est toutefois pas engagé, fait savoir la gendarmerie. 

Le même jour, à 21h15, une auto a percuté un scooter sur la commune de Mamoudzou. Le conducteur du deux -roues, légèrement blessé, a immédiatement été pris en charge par les urgences. Le chauffeur de la voiture, quant à lui, a pris la fuite sans être identifié. 

Dimanche, en auto, une femme enceinte de huit mois a fait une sortie de route à Sada, avant de terminer sa course quelques mètres en contrebas d’un ravin. Lors de son transfert vers le CHM, la jeune femme de 21 ans était consciente, sans blessures graves constatées, mais en état de choc. 

Plusieurs accidents du même genre ont eu lieu dans la journée : à Dembeni, une voiture s’est encastrée dans un arbre après avoir quitté la chaussée. À son bord, une seule personne, immédiatement prise en charge par deux infirmières présentes sur les lieux. Par précaution, la victime légèrement blessée a été transférée au CHM. 

Redoublez de prudence pendant la saison des pluies

À Bambo Est, un autre véhicule transportant 3 personnes a également quitté la route, ne causant qu’un blessé léger. À proximité, quelques minutes plus tard, un scooter a chuté, supposément en voulant éviter la première voiture accidentée. Mais à l’arrivée des pompiers, le deux roues et son conducteur semblaient avoir déjà repris leur chemin. Deux autres sorties de route sans dégâts déclarés ont eu lieu à Sada.  

Enfin, à Bandraboua, dimanche après-midi, un arbre s’est abattu sur une voiture en train de rouler, ne faisant aucun blessé. La circulation a pu être rétablie une heure et demie plus tard, le temps que les sapeurs-pompiers découpent le tronc à la tronçonneuse. 

Concernant les accidents signalés sur Facebook à Kahani, Combani et Chiconi, où un véhicule aurait été remorqué, la gendarmerie ne dispose à ce jour d’aucune information. Selon les forces de l’ordre interrogées par Flash Infos, ce mois de novembre n’est pas « particulièrement plus accidenté » qu’à l’accoutumée. Les chiffres de la préfecture seront dévoilés début décembre. 

Si la saison des pluies n’a pas encore gagné Mayotte, les premières et brèves ondées, comme celles de ce week-end, doivent toutefois faire l’objet d’une attention toute particulière.  « Ces averses lavent le bitume et  font ressortir les huiles et matières grasses sur la chaussée, la rendant plus glissante », prévient le chef d’escadron François Bisquert. « C’est trompeur, car cela peut provoquer des glissades, des dérapages voire des pertes de contrôle du véhicule ». Et ce même quand la route paraît sèche. 

 

Violences contre les femmes | « À Mayotte, les violences faites aux femmes touchent toutes les populations »

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La journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes se déroule tous les 25 novembre. Pour l’occasion, l’Association pour la Condition Féminine et Aide aux Victimes (ACFAV) de Mayotte organise chaque année un colloque sur cette thématique. Au programme de cette édition 2018 : les violences sexuelles, un problème ancré sur le territoire où la sensibilisation devient une priorité. 

Elles vivent dans des bangas ou dans des quartiers résidentiels. Elles sont mères de famille ou jeunes mineures. À Mayotte comme ailleurs, la violence touche toutes les femmes, sans distinction sociale ou ethnique. Beaucoup n’en parleront jamais, particulièrement sur un territoire où la tradition religieuse pousse à la discrétion. C’est pourquoi l’Association pour la Condition Féminine et Aide aux Victimes organisait, vendredi à Mamoudzou, un colloque adressé aux associations et aux professionnels  du milieu social et médico-juridique. « Nous devons leur fournir tous les outils pour qu’ils facilitent la prise en charge des femmes victimes de violences », défend Djamael Djalalane, directeur général de l’ACFAV. 

Ancrée sur le territoire mahorais depuis 1986, l’association propose quatre services d’accompagnement : un bureau d’aide aux victimes ; un accueil de jour ; un point info pour les familles et un hébergement provisoire. Depuis le mois d’octobre, 48 femmes, victimes de violences conjugales, ont sollicité l’accompagnement de la structure. Car c’est bien au sein du foyer qu’occurrent la majorité des agressions, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles. 

Contre ce phénomène, « nous étudions la mise en place du Téléphone Grave Danger (TGV) à Mayotte », explique le procureur de la République Camille Miansoni. Ce dispositif, déjà appliqué en métropole, met à disposition des conjointes violentées un appareil géolocalisé qui, en actionnant un simple bouton, permet l’intervention rapide des forces de l’ordre. Autre mesure, déjà en vigueur dans le 101ème département, l’exclusion du mari violent du domicile conjugal, sur ordre du procureur. À ce jour à Mayotte, aucun suivi, médical notamment, des auteurs de violences n’est mis en place.   

Pour autant, « Les violences faites aux femmes touchent toutes les populations », déplore Noera Mohamed,  déléguée régionale aux droits des femmes. « Il y a eu même un cas, en école primaire, où une jeune mahoraise a subi une agression sexuelle de la part de ses camarades ». Contre cette banalisation de la violence, la brigade de prévention de la délinquance juvénile a mené des campagnes de prévention dans tous les établissements scolaires de l’île.  

Puis, il y a ces femmes en situation irrégulière, particulièrement vulnérables. Elles représentent à elles seules près de 10 % des victimes prises en charge par l’ACFAV. « Ici, on ne regarde pas la situation administrative », commente Djamael Djalalane, alors que beaucoup de clandestines refusent de porter plainte par peur d’être chassées du territoire. Alors, au sein de l’association où neutralité et confidentialité sont de mise, ces femmes, ainsi que les autres, peuvent prétendre à un logement provisoire pour une durée de deux semaines. 

Les travailleuses du sexe, elles aussi, prennent rarement la parole contre les violences qu’elles subissent, en dépit des opérations de sensibilisation menées par le planning familial. « Il s’agit de leur gagne-pain, et nous n’avons pas assez d’alternatives à leur proposer », regrette la déléguée régionale aux droits des femmes. Pis, « On observe de plus en plus un phénomène de prostitution juvénile ».  À ce sujet, Noera Mohamed entend mener rapidement une réflexion avec le vice-rectorat. En attendant, toute mineur victime de violence peut bénéficier de l’accueil de jour de l’ACFAV. 

Pour signaler toute forme de violence, appelez au 3919 Violences Femmes Info, un service gratuit et anonyme. 

 

 

Insalubrité : “Ce n’est pas digne d’une école de la République”

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Les parents des écoliers de Cavani Sud montent au créneau pour dénoncer l’état lamentable des établissements 1 & 2. La sécurité des enfants y serait menacée, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’enceinte. Malgré les avertissements, la municipalité ne souhaite pas s’étendre sur la question.

Entre les plaques de béton bancales et les caniveaux à ciel ouvert, mieux vaut regarder où l’on met les pieds lorsque l’on se promène dans la cour de récréation de l’école de Cavani Sud. “Après deux heures de cours, on ne peut pas empêcher des enfants de se défouler et de courir partout”, lâche Hachim Mbaraka, père de deux garçons scolarisés en CP et en CE2. Pourtant, vu le champ de mines qui se dresse face à eux, la vigilance reste de bon conseil. “Il y a déjà eu quelques petites blessures, qui n’ont, heureusement, pas nécessité de déplacements jusqu’à l’hôpital”, repense-t-il, soulagé qu’un drame ne se soit jamais produit.

Papier à l’appui, Hachim énumère une liste non exhaustive de tous les soucis recensés dans l’enceinte : absence d’électricité dans la salle 13 depuis la rentrée 2017/2018, court-circuit et coupure de courant en cas de forte pluie, fuite d’eau dans la salle 5, porte de la salle 2 cassée depuis un mois, manque de protection à travers les barreaux, système d’alarme et extincteurs hors service, etc. Sans oublier l’insalubrité des sanitaires, ou encore la prolifération des chenilles dans les arbres. “Et quand on voit certains mobiliers, ce n’est pas digne d’une école de la République française. On est en 2018 tout de même” s’emporte le papa. “Dans certaines classes, les ventilateurs sont à deux doigts de tomber sur la tête de nos enfants.”

Attendre sur la route

Si les problématiques de l’intérieur de l’établissement irritent, celles de l’extérieur font bondir. En effet, ce n’est autre que le président des parents d’élèves, Abdou Ali, qui se charge bénévolement depuis sept ans de la sécurisation de l’entrée de l’école. Car les centaines d’enfants de Cavani 1 n’ont pas d’autre choix que de poireauter sur la route jusque 6h50 le matin et 12h20 le midi avant que la grille n’ouvre. “Les voitures descendent à toute vitesse du lotissement”, s’insurge-t-il. Pour ne rien arranger, le seul endroit un tant soit peu sécurisé à proximité vient d’être pris d’assaut par des poubelles. Alors pour faire entendre leurs revendications et exprimer leur indignation, les vingt délégués des parents d’élèves ont décidé de boycotter le dernier conseil d’école qui s’est tenu au début du mois. “Il n’y avait aucun représentant de la mairie. La municipalité ne se rend vraiment pas compte de la réalité” s’emporte Hachim. En cas de non réaction de la part des élus durant les vacances scolaires, le comité se laisse le droit d’aller manifester devant l’Hôtel de ville. Malheureusement, les précédents cris de colère ne jouent pas en leur faveur, puisque rien n’a bougé depuis plus de deux ans. “Est-ce un manque de moyens ou est-ce tout simplement de la mauvaise volonté ?”, s’interrogent les deux pères. Pourtant, ils se disent prêts à réaliser les travaux eux-mêmes, si les finances le permettent.”Certains d’entre nous travaillent dans le bâtiment. Si l’on nous donne du sable et du ciment, on peut très bien se débrouiller.” Surtout qu’ils ont déjà mis la main à la pâte en début d’année, en coupant les mauvaises herbes dans les caniveaux pour prévenir les risques de chute… Contacté, le service communication de la mairie de Mamoudzou ne souhaite pas s’exprimer sur la question.

 

Politique | Nos élus sont-ils démissionnaires ?

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« Mais où sont nos élus ? » La question se pose souvent au sein de la population. Il faut dire que face à toutes les problématiques que rencontre Mayotte, bien peu nombreux sont ceux qui semblent se mobiliser et vouloir prendre les dossiers à bras le corps. Alors, désintérêt, paresse, travail à l’abri des regards, manque de pouvoir sur le développement local, ou manque de moyens pour mettre en place une véritable évolution de l’île ? Éléments de réponse avec quelques-uns d’entre eux.

« Le problème de Mayotte, ce sont ses élus » : cette phrase si souvent entendue traduit, plus qu’ailleurs encore, l’apparent désamour qui existe entre la population d’un côté, et ses élus de l’autre. Il faut dire que sur un territoire en plein développement, les priorités sont nombreuses, les urgences aussi, et les attentes, de fait, sont énormes. 

Un exemple ? On s’en souvient encore : aux débuts de la crise sociale traversée par Mayotte en début d’année, nombreux étaient ceux à regretter que les élus ne s’expriment ou ne se positionnent dès le début du mouvement. Pis : il aura fallu attendre que la grogne dégénère en blocage permanent pour que quelques-uns d’entre eux entrent en scène et jouent un rôle d’un côté ou de l’autre de la barrière. « Mais où sont donc nos élus », se demandaient alors beaucoup de Mahorais, constatant que les revendications sociétales d’alors n’étaient portées que par les collectifs de citoyens et les syndicats. Un exemple parmi d’autres des reproches qui, souvent, sont faits aux élus du territoire, accusés au choix de palabrer, de toucher des indemnités et de se montrer, au lieu d’œuvrer au développement d’un territoire où l’urgence et les priorités règnent en maître. Mais est-ce légitime ? La conclusion du « tous pourris » est-elle si évidente que cela ? 

Il y a quelques mois, le député Mansour Kamardine était un des premiers à prendre position dans le mouvement social de lutte contre l’insécurité qui allait, durant sept semaines, paralyser la vie de l’île. Il remarque les reproches récurrents faits aux élus, notamment lors des mouvements sociaux et manifestations qui ponctuent régulièrement le développement du 101ème département. « Il y a depuis toujours, et cela sera toujours le cas, une relation singulière entre l’élu et l’opinion, remarque-t-il. On veut son élu sans le vouloir. Quand il n’est pas là, on crie au scandale, et quand il est là, on lui reproche de capter une manifestation, de faire de la récupération politique. »

Une sorte de bipolarité populaire classique doublée, selon le parlementaire, d’un manque de sensibilisation aux enjeux d’une grève. « Mayotte n’a pas encore de véritable culture de la manifestation, poursuit-il. Tout peut dérailler pour un point ou pour un autre. Il y a des gens qui décident d’organiser une manifestation sans solliciter l’avis des élus. C’est une liberté tout à normale en République, mais il ne faut pas ensuite reprocher à ces mêmes élus de ne pas participer au mouvement alors qu’ils n’ont ni été sollicités ni tenus au courant. » 

Un manque de connaissance du rôle de l’élu ?

Un manque de connaissance des tenants et des aboutissants qui se retrouverait également dans le rôle même attendu d’un élu, selon Mansour Kamardine. Le député continue : « Nous [la population de Mayotte] n’avons pas encore non plus une bonne connaissance du fonctionnement des institutions de la République. Prenons l’exemple de la grève chez Total ou de celle chez Colas. Il s’agit là de grèves organisées par des syndicats au sein d’entreprises privées, même si Total a une mission de service public. Il est difficile d’imaginer qu’un élu intervienne dans une entreprise pour lui dire ce qu’elle doit faire ou pas en son sein. Oui, nous sommes en droit d’exiger de Total, par exemple, le fonctionnement normal d’un service pour la population, mais nous n’avons pas à demander une augmentation pour les salariés. Ce sont deux champs d’intervention différents, et [la population] n’a pas toujours le recul nécessaire pour les dissocier. Cela donne ainsi la sensation que les élus sont absents, alors que nombre d’entre eux participent à la vie de la cité quand ils le peuvent, c’est-à-dire quand cela relève de leur domaine d’intervention. » Un autre exemple ? « Lorsque des femmes tentent d’aller bloquer le Conseil départemental pour protester contre le refus de l’Union des Comores de récupérer ses ressortissants renvoyés à la frontière. Cette institution n’a aucune compétence en la matière, aucune compétence pour ouvrir ou fermer le service des étrangers de la préfecture ou pour délivrer ou non des visas. Tenter de bloquer le Département, c’est le désigner coupable alors que l’immigration clandestine n’est pas dans son champ d’action. »

 

« La grève d’avril 2018 m’a marquée, beaucoup d’efforts mobilisés de la part de la population pendant plus d’un mois. Beaucoup de promesses des politiques aussi, mais toujours rien. La politique à  Mayotte n’est que manipulation, beaucoup de paroles qui ne font pas avancer l’île. Le conseil que je peu donner aux élus et à l’État, c’est de mener des actions simples et efficaces auxquelles le  mahorais pourra s’identifier. »

Abou le blanc, 40 ans

 

La structure même de la Cinquième République en rajouterait à une opacité très présente à Mayotte en ce qui concerne le rôle de l’élu parlementaire qu’il est : « Elle a voulu que la force appartienne à l’exécutif, et non à l’élu. Celui-ci a le ministère de la parole, de l’explication, du compte rendu à la population, mais pas celui de la décision. » C’est ce qui ne serait pas toujours compris ici, « mais il faut accepter les critiques en laissant le temps à chacun. Avec lui, les perceptions s’affineront et chacun fera peu à peu la part des responsabilités. »

Même constat pour le sénateur Thani Mohamed Soilihi. « Contrairement à ce que certains peuvent penser, les élus ne peuvent pas tout faire. » Il relève également des spécificités sociétales expliquant la responsabilité systématiquement rejetée sur les élus du territoire. « Il y a à Mayotte un cocktail explosif. Dans cette société orale ou règnent parfois les fake-news, le populisme et la manipulation, les citoyens accusent facilement les dirigeants d’incompétence. Mis bout à bout avec le désamour général des Français envers leurs élus, on en arrive là », déplore-t-il. 

« La départementalisation de Mayotte s’est faite sans aucune préparation et explication des conditions à remplir pour être un département français. Je n’ai pas aimé la manière brusque de ce référendum de 2009. La population doit faire bouger les élus, car c’est elle qui les ont élus. »

Moina, 30 ans  

« Ce qui est fait sans vous est fait contre vous »

Pour Issa Issa Abdou, quatrième vice-président du Conseil départemental en charge de l’Action sociale, de la Solidarité et de la Santé, le constat est également dur. « Il y a des élus dévoués au territoire et qui travaillent beaucoup pour lui. Ils ne sont pas des personnes qui ne sont là que pour prendre leurs indemnités », répond-il en citant son propre exemple d’élu du Département, de président du conseil de surveillance du CHM, et de membre du conseil d’administration de la Société immobilière de Mayotte (Sim), qui « ne perçoit que ses indemnités d’élus du Conseil départemental. » Et de poursuivre : « Comme d’autres élus, je me lève chaque jour à quatre heures du matin et je rentre tard chaque soir à mon domicile par engagement. L’idée selon laquelle les élus ne sont pas à la tâche est erronée. Cette perception des gens n’est pas justifiée. » 

Pour autant, le vice-président n’exclut pas la responsabilité des responsables politiques dans ce ressenti. En cause ? Un manque de communication qui rendrait opaque l’action des élus locaux : « Nous ne sommes sans doute pas bons sur ce point, il faut le dire. Nous ne communiquons pas assez vraisemblablement, alors que le savoir-faire est aussi important que le « faire savoir ». » Une vitrine pour l’action publique telle que des réunions publiques d’information ou des comptes rendus de mandat réguliers permettraient donc de limiter ce sentiment d’inactivité ? « Oui, mais aussi en trouvant une façon de mieux inclure la population dans les décisions prises, car les gens pensent que ce qui est fait sans eux est fait contre eux. C’est classique. La démocratie participative est à inventer. » Cette démarche inclusive est une des volontés de l’actuel président du Conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui défend un toilettage institutionnel de la collectivité : « Une nécessité pour ne pas être déconnecté de la population, soutient son vice-président. Avec cette réforme, il serait possible d’organiser des mini-référendums pour connaître précisément la volonté des habitants sur telle ou telle question, par exemple. »

« Face à l’immobilisme des élus, le peuple reprend le pouvoir par l’intermédiaire des collectifs et des associations. C’est pour le bien-être de Mayotte. Les élus manquent d’anticipation, ils doivent se bouger. Ils ne sont pas capables d’assumer leurs responsabilités par manque de compétences, ou  parce qu’ils ne mesurent pas l’ampleur du travail qu’ils ont à faire. »

Sarah, 50 ans

Zaïdou Bamana, journaliste et écrivain, auteur notamment d’ouvrages sur l’histoire politique de Mayotte, regrette lui aussi la généralisation parfois faite au sujet de l’incompétence des élus. « Certains sont manifestement déconnectés et incapables de manager des équipes et de mettre en place des projets concrets et réalisables, c’est vrai. Mais d’autres sont très actifs et compétents. Dire que tous nos élus sont mauvais, c’est faire une généralité peu objective. » D’autant qu’élus des collectivités ou parlementaires, les responsabilités ne sont pas les mêmes. Et, en termes de gestion et de réalisation, ce sont les collectivités qui sont souvent pointées du doigt. C’est vrai notamment pour le Conseil départemental, régulièrement accusé d’être inactif. Un problème de gestion qui tiendrait également à une dichotomie entre son statut de département et son champ d’action réel, selon l’observateur. « À l’heure actuelle, sa compétence emblématique est celle du social, détaille Zaïdou Bamana, mais il en a d’autres. Le problème est que le Conseil départemental n’est pas assez mûr institutionnellement pour les assurer. Cela renforce son incapacité à mener des projets à bien. Pour cela, il faut des hommes qualifiés, mais aussi des institutions bien établies. Or, ce n’est pas le cas, notre Conseil départemental demeure comme le Conseil général de l’époque.  Tant qu’il n’aura pas intégré pleinement les compétences qui font de Mayotte un département et une région, il connaîtra des problèmes de fonctionnement. D’où la nécessité d’achever ce que certains appellent le « toilettage institutionnel. » Sinon, nous resterons dans un contexte d’instabilité institutionnelle qui ne permet pas de mettre en œuvre le travail du Département. Dans les textes sur la départementalisation, les compétences sont réparties entre l’État et le département. Ce n’est pas encore le cas ici, faute à un statut encore en devenir. » 

Des compétences, mais un manque de moyens

Et puis demeure la vaste question des moyens. Sur ce point, les avis convergent. Zaïdou Bamana poursuit : « En 2004, dans le cadre de la décentralisation, il y a eu transfert de compétences du préfet vers le président du Conseil général. Il aurait dû s’accompagner d’un transfert de moyens, mais ce ne fût pas le cas. Quand c’est ainsi, une collectivité se retrouve forcément en difficulté. Aujourd’hui, le Conseil départemental assume des compétences sans disposer des ressources pour. C’est alors très facile d’accuser les élus d’être mauvais si l’État ne met pas les moyens nécessaires. « 

« Les politiques de Mayotte et les syndicalistes sont les premiers responsables de tous nos maux, ils nous manipulent pour arriver à leurs fins. Les élus de Mayotte savent pourquoi ils ne bougent pas, ils pensent beaucoup à leurs intérêts personnels. Je trouve regrettable que le Président Emmanuel Macron ne vienne pas à Mayotte nous dire franchement qu’il est avec nous, sa venue aurait rassuré les Mahorais. »

Maï, 35 ans

Cette question du financement est cruciale au point d’avoir fait l’objet d’un rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, à laquelle participe le sénateur Thani. Plus que de moyens donnés par l’État aux collectivités, il y s’agissait d’accès aux fonds nationaux et européens, un des leviers pour financer des infrastructures et projets. De quoi rendre visible l’action des élus sur le territoire. Conclusion : cet accès doit être facilité. « La difficulté pour bénéficier des ces fonds est réel, commente le parlementaire. On continue de construire notre île, en se rendant compte que par rapport aux besoins, l’ingénierie doit être complétée pour y accéder. Dans cette configuration, soit l’État et l’Europe nous fournissent leur concours, soit les normes pour avoir ces fonds doivent être simplifiées. » Au final, la problématique demeure : Mayotte et ses collectivités peinent à jouir de ces sources de financement qui permettraient de rendre visible l’action des élus.

Cette question d’accès aux fonds, en particulier les fonds européens, Issa Issa Abdou la soulève aussi. Selon lui, elle explique en partie que les élus passent pour inactifs aux yeux des citoyens. « L’autorité de gestion des fonds européens est gérée par l’État. C’est lui qui décide. Or, ses priorités ne sont pas les mêmes que celles des élus locaux, qui connaissent les besoins du territoire et les attentes de la population. » Quelles sont-elles ? « L’amélioration des conditions de circulation, la piste longue, des réalisations concrètes. Les résultats de la consultation des Assises de l’Outre-mer le montrent d’ailleurs très bien. »  Et, prenant un exemple : « La préservation des abeilles sur le mont-Choungi, c’est très bien, mais ce n’est pas pour l’heure ce qu’attend la population. » 

 

« Les élus ne se bougent pas en ce moment, car ils n’ont rien à gagner. Nous les reverrons dès qu’une opportunité politique se présentera ».

Adidja, 32 ans

 

C’est donc faute de moyens que bien peu d’infrastructures visibles par tous sortiraient de terre, laissant penser que nos élus sont endormis. « Regardez l’exemple de La Réunion, conclut le vice-président : elle a la main sur ces fonds, et construit la route du Littoral. Nous nous battons pour y avoir accès nous-mêmes, et lorsque ça sera le cas, alors il y a aura des actions. »

D’un État trop présent à un État pas assez présent…

Il n’en demeure pas moins qu’au-delà du manque de moyens accordés aux collectivités locales pour mettre en place des projets nécessaires à la population et ainsi rendre visible l’action des élus, la gestion des communes, du Département et d’autres établissements publics locaux révèle nombre de dysfonctionnements. Des abus régulièrement épinglés par la Cour des comptes (CDC). Systématiquement aux sommaires de ses rapports : des embauches trop nombreuses, des fonds mal employés, ou un manque de contrôle dans leur attribution. De quoi douter sérieusement de la compétence de nos décideurs politiques, mais aussi parfois de leur intégrité. C’est un des combats du sénateur Thani. « On peut penser ce que l’on veut, mais il est difficile de taxer les rapports de  la CDC de partialité, reconnaît-il. Ses constats sont justes. Mais là où le commun des citoyens attend que des suites soient données à ces erreurs de gestion, il n’y a rien de contraignant. Par ailleurs, il faut rappeler que l’on s’arrête souvent sur les conclusions de la CDC, alors que ses publications font aussi connaître des pistes d’amélioration, tout comme le pourquoi du comment de cette mauvaise gestion. »

Pour Mansour Kamardine, si ces mauvaises gestions sont réelles, il faut toutefois savoir faire la différence entre la responsabilité de l’élu, et celle de son administration. Il le concède : « Il y a des erreurs, c’est vrai, et elles coûtent parfois chères en argent public, mais là encore Mayotte a besoin de temps pour s’éveiller. Dans une collectivité, quelle qu’elle soit, il y a deux parties : le volet politique, avec le président et le cabinet, et le volet administratif avec le directeur général des services (DGS) et ses services. Il est vrai que l’opinion ne fait pas toujours ce distinguo, pourtant bien défini dans le Code des collectivités. » L’exemple le plus récent est celui du supplément familial de traitement, dont le versement à des agents de trois fonctions publiques locales s’est révélé abusif, faute de contrôles rigoureux (voir Mayotte Hebdo n°856). Des indus coûteux qui font que Mayotte a consommé 19 % de ce fonds national auquel cotisent 16 000 collectivités, alors qu’elle ne représente que 0,2 % des structures bénéficiaires.  » Vous pensez vraiment que le président du Conseil départemental ou d’une autre collectivité sait qu’untel n’a pas cinq enfants, mais qu’un seul? Non, il l’a appris comme tout le monde. Il y a des dysfonctionnements, il en est responsable et doit les faire corriger, mais n’est pas à l’origine du problème. On lui mettra la faute sur lui, mais factuellement, il ne peut pas être  au courant de tout », défend le parlementaire.

« Il faut que nous prenions conscience que pour occuper des fonctions politiques, il faut avoir les compétences, avoir la tête sur les épaules et avoir un réel sens des responsabilités. Si certains de nos élus ne sont pas à la hauteur, ils doivent se retirer et laisser la place à ceux qui sont capables et ont l’envie de faire avancer Mayotte. Les pots-de-vin et les intérêts personnels ont pris le dessus sur les politiciens mahorais. »

Anamika, 24 ans

Un argument qui en rejoint un autre, mis en avant par Zaïdou Bamana. Les déficiences mises sur le dos des élus seraient en partie dues à un manque de formation au sein des collectivités. En somme, comment attendre d’élus et de cadres gérant les collectivités qui, pour certains, ont un manque de connaissance de leur fonction, une gestion saine et pertinente ? D’autant que les transferts de compétence l’accompagnant n’ont pas été suivis d’un travail de formation. Un manque qui conduirait aujourd’hui, de fait, à des erreurs récurrentes. « Il était pourtant acté, au moment de la départementalisation, un plan de formation des cadres mahorais, rappelle l’écrivain. Mais il a été abandonné. Près de 1 000 Mahorais devaient être formés pour accompagner le développement social et économique du territoire. Il faut donc aujourd’hui relancer ce plan, car il est impossible de gérer une institution correctement s’il n’y a pas de cadres formés pour. » Ce plan de formation, d’autres en bénéficient pourtant : « La Nouvelle-Calédonie, qui envisage une sortie de la République, dispose d’un tel plan. Et Mayotte, qui a tout fait pour y rester, elle, n’en a pas. » Las.

« C’est maintenant que nous allons voir quels sont les bons et les mauvais élus »

« Le Département est âgé une dizaine d’années seulement, rappelle également l’écrivain. Comment peut-on faire autant que ceux des Antilles ou que La Réunion alors que cela fait 70 ans qu’ils ont accédé à ce statut ? (…) Depuis 1841, cette île a connu 10 ou 20 années de développement avec l’État au tout début de la présence française, puis un siècle sans rien, jusqu’à 1976 où son développement a pu vraiment commencer. »

 Une situation qui serait en voie de changement. Avec des comptes épurés, et une gestion améliorée,  d’autres sources de financement sont désormais disponibles pour faire émerger des projets. L’agence française de développement (AFD), signe ainsi régulièrement des conventions avec certaines communes à la gestion rigoureuse pour leur permettre de répondre aux besoins. Sada pour sa mini déchetterie expérimentale, Kani-Kéli pour des infrastructures durables, Acoua pour divers investissements, ou encore Dembéni. Des projets apparaissent, rendant ainsi visible l’action du monde politique local. « La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, disait qu’il n’y avait pas de projets à Mayotte, mais on se rend désormais compte que si. Il y a des projets, et ils se réalisent lorsqu’ils trouvent les financements », se réjouit Zaïdou Bamana, avant de conclure « C’est maintenant qu’on va pouvoir distinguer les bons des mauvais élus. »

En attendant des résultats concrets, tous prônent la pédagogie. Soit en incluant plus la population dans les processus de décisions, soit en communiquant plus sur les actions menées. Et Mansour Kamardine de conclure, relativisant la rupture entre le citoyen et son représentant politique : « En pleine crise, au mois de mars et avril, il y a eu une élection partielle. Les Mahorais se sont malgré tout déplacés en masse dans des conditions difficiles. Je n’ai alors pas ressenti de désamour, mais un grand amour, au contraire. » Et surtout de fortes attentes.

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