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Trophées mahorais de l’environnement | Et les grands gagnants sont …

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Samedi 23 juin, à La Croisette, s’est tenue la deuxième édition des Trophées mahorais de l’environnement, organisée par la Somapresse. Une soirée récompensant les acteurs qui œuvrent en faveur de la nature. Retour sur cet événement où liesse et émotion étaient au rendez-vous. 

Il y avait du beau monde : des représentants de diverses institutions, organismes, entreprises, écoles et partenaires. Les nommés quant à eux, étaient au nombre de vingt-cinq, parmi lesquels cinq – un de chaque catégorie : scolaire, collectivité locale, entreprises, associations, et personnalité – ont remporté un trophée, mais en réalité tous étaient vainqueurs. Vainqueurs pour toutes ces initiatives prises. Vainqueurs pour cette lutte menée contre la dégradation de l’environnement et l’insalubrité à Mayotte. 

Ainsi, après deux discours d’ouverture prononcés par Laurent Canavate, directeur de la Somapresse, puis par Boura Maandhui, vice-président du Sidevam, dans lequel il a invité tout un chacun à contribuer à la propreté de l’île, la cérémonie a débuté avec le prix scolaire remporté par le collège de Kani-Kéli pour son système d’éco-collège. Une belle victoire pour la conseillère principale d’orientation, Katia Vacher, qui prendra la route vers de nouveaux horizons sous peu : « Je suis extrêmement émue et très fière pour mes élèves et les gens qui nous ont accompagnés, tout au long de cette année et l’année dernière. Je rapporte le trophée au collège, ça va être une grande joie lundi ». 

S’en est suivi, une « minute environnement » avec le journaliste Said Said Hachim qui a tiré la sonnette d’alarme quant au patrimoine naturel de l’île en dégradation progressive, mentionnant notamment le cas des récifs frangeants à Mayotte à travers un discours très touchant. « Tous les jours des espèces disparaissent sur terre et dans le lagon. C’est quelque chose qui doit [peser] sur notre conscience » a-t-il souligné. 

La remise des trophées s’est poursuivie avec la mairie de Mamoudzou qui a remporté le prix de la collectivité locale, Raïze Maliki adjointe au maire chargée de l’environnement a appelé toute la population à se joindre à eux afin de gagner cette bataille. Dans la catégorie entreprises, c’est Carlos Auto qui a raflé la mise, « une première » pour cette jeune entreprise qui procède au recyclage de l’huile de vidange. Du côté des associations, c’est l’Adedupass qui a remporté le prix, louant « une nature mère » qui nous le rendra bien si nous en prenons soin. 

Une ambiance à son comble

Après l’artiste Démo, qui s’est adonné à une prestation musicale en début de cérémonie, l’entracte a été animé par un sketch des jeunes comédiens amateurs de TV Mafoumbouni, amusant la galerie autour du thème de l’environnement. 

Anchya Bamana, maire de Sada reconnue pour son implication dans le milieu environnemental a également souhaité intervenir lors de la cérémonie. Émue, elle a procédé à quelques rappels : « Je suis une convaincue de la protection de la nature et de l’environnement, de la biodiversité à Mayotte. En tant qu’élue, j’ai toujours dit qu’il n’y aura pas de développement économique ici sans prendre en compte l’environnement ». Et de rajouter : « Il n’y aura pas de développement touristique ici sans protection de l’environnement, il n’y aura pas non plus d’amélioration de cadre de vie, nous continuerons à avoir des maladies vectorielles. Tant que nous vivrons dans une île jonchée de déchets nous vivrons toujours dans un contexte de risques sanitaires majeurs ». Un travail de longue haleine, qui concerne tout le monde et qui nécessite « la contribution de toutes les personnes vivant sur cette île » a-t–elle conclu. 

Enfin, le dernier prix – celui de la personnalité – a été attribué, en fin de soirée, à Anissa Aboudou, impliquée depuis cinq ans dans la défense de l’environnement via la collecte et le tri sélectif des déchets d’emballages ménagers à Mayotte. Un grand moment pour la jeune femme de 34 ans : « Je suis très émue par cette reconnaissance, on est sur un enjeu  qui est prioritaire. On se bat de jour en jour, d’année en année. C’est vrai que mettre en avant ces métiers là le temps d’une soirée est important. Je suis vraiment très fière, car c’est l’aboutissement de toutes ces années de travail, c’est valorisant et donne encore plus d’énergie pour continuer », a-t-elle déclaré. 

Une joie partagée par Jack Passe, lui aussi nommé dans la catégorie personnalité, il s’est confié : « C’est très bien que ce soit une Mahoraise qui remporte le trophée. Il y a une prise de conscience et des associations qui se créent. C’est vraiment très bien ». 

De nouveaux projets à venir

Le chemin est encore long, de nouveaux projets sont en cours dont la réhabilitation des anciennes décharges avec un préfinancement de près de 1 800 000 euros par l’Agence française de développement, la construction du quai de transfert de Kahani qui devrait « optimiser le temps de collecte dans le centre et tout le territoire de Mayotte ». En outre, huit déchetteries sont en cours d’étude, la première pourrait voir le jour d’ici fin 2018. S’ajoute à cela, plusieurs camions de collecte de déchets pouvant effectuer trois rotations dans les communes, a certifié le vice-président du Sidevam, Boura Maandhui. 

Immigration | L’État veut « s’attaquer au portefeuille » des passeurs

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Le préfet Dominique Sorain et le procureur de la République Camille Miansoni ont installé mercredi le groupe d’enquête sur la lutte contre l’immigration clandestine. En pleine crise diplomatique avec l’Union des Comores, l’État entend renforcer ses moyens pour lutter contre les filières de passeurs.

Il sera opérationnel le 1er septembre. Le préfet Dominique Sorain et le procureur de la République Camille Miansoni ont installé mercredi le groupe d’enquête sur la lutte contre l’immigration clandestine (Gelic). Ce dispositif était une promesse de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, après la grève générale contre l’insécurité et l’immigration clandestine, qui a paralysé l’île entre février et avril dernier. La mesure fait suite à la création fin mai d’un état-major sur la lutte contre l’immigration clandestine avec à sa tête un sous-préfet, le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie et la pérennisation d’un troisième escadron de gendarmerie mobile.

Le Gelic sera initialement composé de huit personnels (deux agents de la police aux frontières, deux policiers de la sécurité publique, deux gendarmes, un référent de la douane et un référent des finances publiques) et sera renforcé au besoin.

« Un signal fort »

Objectif : lutter contre « de véritables filières » de passeurs, indique le préfet. Il y a « toute une organisation » au sein de ces dernières, selon le délégué du gouvernement. « La gendarmerie a mené des opérations ces derniers jours qui montrent qu’à terre, il y a des guetteurs qui sont positionnés ». Les interceptions de kwassas seront facilitées en septembre par l’arrivée de nouveaux moyens maritimes. 

Le Gelic, une unité inédite, va permettre de  « s’attaquer au ressort économique et financier de l’immigration clandestine, (…) au portefeuille de ceux qui vivent de cette filière ». La masse financière engrangée par une filière de passeurs récemment démantelée, après plusieurs mois d’enquête, est estimée à au moins 1,6 millions d’euros par la police aux frontières.

Le Gelic « va être un outil pour venir renforcer les services d’enquête de la police et de la gendarmerie (…) L’immigration clandestine est un sujet en soi à Mayotte. Ailleurs, ce type de structure se consacre à l’économie souterraine, à la fraude, aux stupéfiants », relève Dominique Sorain.

Le groupe d’enquête pourra compter sur la collaboration de correspondants dans chaque administration entrant dans son spectre d’action : « Dieccte pour le travail illégal, Deal pour l’habitat illégal, caisse de sécurité sociale de Mayotte pour les fraudes sociales, direction de l’immigration de la préfecture pour les fraudes aux titres de séjour », précise la préfecture, qui est en train de rechercher des locaux en Grande-Terre pour cette nouvelle unité.

« Le Gelic est à la fois un signal fort, pour indiquer clairement que la question de l’immigration à Mayotte est identifiée comme une question majeure, qui a des ramifications économiques, sociales… C’est aussi un outil opérationnel, qui vient en complémentarité avec les autres outils existants », déclare le procureur de la République, Camille Miansoni. « La plus-value de cette unité est d’associer gendarmes et policiers, inspection du travail, inspecteurs des finances publiques qui ont une compétence pour aller rechercher, retracer les flux », ajoute-t-il. Le procureur évoque également « une criminalisation organisée » au sein de ces filières. « On ne se contente pas de gagner de l’argent (…) Il s’opère aussi des actes de violence, des actes graves », déplore-t-il.

Le préfet souligne par ailleurs que des animaux et des marchandises sont retrouvés à bord des kwassas. Dernier exemple en date dans la nuit de mardi à mercredi, avec la saisie de « quantités importantes de tabac ».

« Saisie des embarcations »

Et le préfet d’ajouter : « L’autre pilier dans la lutte contre l’immigration clandestine, ce sont les reconduites vers les Comores », reconnaît-il, alors que l’Union des Comores refuse d’accueillir ses ressortissants interpellés en situation irrégulière depuis le 21 mars dernier. « Même si nous ne pouvons pas reconduire, nous procédons à la saisie des embarcations, à l’interpellation des passeurs », fait savoir le délégué du gouvernement. « L’objectif fixé par le gouvernement est la reprise régulière des reconduites » vers les Comores. « Cela fait l’objet d’un travail gouvernemental et diplomatique en cours. Il va continuer parce qu’on ne peut pas rester dans cette situation (…) Ces reconduites régulières ne suffiront pas non plus si on ne s’attaque pas à ce système d’économie de l’immigration. Cela va ensemble. il faut mener ces combats parallèlement », ajoute-t-il, en référence à la mise en place du Gelic. Mais la crise diplomatique en cours n’est pas de nature à renforcer la faible coopération judiciaire avec l’Union des Comores, et donc à remonter les filières de passeurs. « La coopération fait partie des sujets abordés ces derniers mois avec les Comoriens. Il est nécessaire qu’ils contrôlent au moins en partie la construction de bateaux et les départs » en kwassas, met en exergue le préfet.

Dominique Sorain veut aussi que le Gelic mène « tout un travail de prévention, pour encourager les gens à respecter les règles (…) Les filières se nourrissent de l’emploi d’étrangers en situation irrégulière » à Mayotte, regrette-t-il.

« Cette lutte contre l’immigration clandestine est un élément essentiel de l’action publique. On ne peut pas imaginer un développement du territoire si on ne régule pas » cette dernière, affirme le délégué du gouvernement. « Les habitats illégaux qui prolifèrent dans certaines zones montrent bien l’ampleur du phénomène. »

Le préfet est également revenu sur la fermeture partielle du bureau des étrangers, débutée lors du mouvement social contre l’insécurité. Ces « services de la préfecture ne sont pas complètement fermés. ils reçoivent les étrangers qui renouvellent leur titre de séjour. Cela signifie que les autres [les usagers non accueillis, NDLR] sont ceux qui sont rentrés irrégulièrement sur le territoire. » Le bureau des étrangers « n’a pas été rouvert pour des raisons d’ordre public. Nous sommes dans une situation grave sur le territoire (…) Il y a des risques d’affrontements intercommunautaires », justifie-t-il. Les demandes d’asile sont également traitées, indique le délégué du gouvernement.

 

 

 

Assurance | Les séismes font réagir les propriétaires

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Malgré la récente accalmie de l’essaim de séismes qui secoue le département, les propriétaires se mobilisent pour assurer leur bien en cas d’éventuels dégâts. Pour beaucoup, il s’agit de rattraper le retard accumulé quant à cette formalité administrative pourtant obligatoire. Après plus d’un millier de tremblements de terre, certains propriétaires semblent comprendre l’intérêt de cette démarche qui peine à s’inscrire dans les habitudes des Mahorais.

« En un sens, c’est un mal pour un bien ». Chez Allianz assurance Mayotte, l’essaim de séismes semble contrecarrer une mauvaise habitude solidement ancrée chez les propriétaires mahorais : l’absence de contrat d’assurance. Depuis les tremblements de terre, « nous sommes régulièrement approchés par les agences immobilières pour contracter des assurances sous l’impulsion probable de propriétaires inquiets », indique-t-on du côté de l’agence, en fin de semaine dernière. Et de préciser : « Il s’agit bien souvent de contrats type assurance propriétaire non occupant ». Si une telle assurance est obligatoire, nombreux sont les propriétaires qui contournent cette prérogative sur le département. Un phénomène risqué, dont l’essaim de séismes semble diminuer la proportion. « Les propriétaires sont inquiets. Beaucoup vivent ailleurs et entendent parler des tremblements de terre sur l’île.  Ils se disent probablement qu’il est préférable d’assurer leur bien au cas où des dégâts se feraient ressentir », suppose-t-on du côté de l’agence, qui explique cependant « ne pas être en mesure de donner une estimation chiffrée précise ».  

Pas d’assurance, pas de remboursement 

Si contracter une assurance est un pré-requis pour être remboursé en cas de dommages, Allianz assurance Mayotte rappelle également les autres démarches nécessaires : « Il est impératif de monter un dossier comprenant des photos datées des dégâts. Ces documents doivent être remis aux mairies d’arrondissement chargées de les transférer auprès de la préfecture. Celle-ci centralise les démarches avant de les envoyer au ministère de l’Intérieur qui, si l’état de catastrophe naturel est décrété, s’occupera du reste du processus ».

Du 11 au 15 juin, trois experts étaient ainsi présents à Mayotte pour constater les dommages provoqués par l’essaim de séismes. « Le travail de la mission est d’évaluer les dégâts sur une échelle, de les classer comme importants, moins importants, etc. », indique-t-on du côté de la préfecture. Objectif final : rédiger un rapport, à l’issue de ce travail, qui intègrera le dossier de demande de classement en état de catastrophe naturelle. Mais concernant les dossiers censés être montés par les mairies de secteur, « pour l’heure, nous n’avons encore aucun dossier complet, mais nous espérons que cela soit le cas dans les délais impartis », indiquait mercredi dernier le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet. À noter que les mairies ont jusqu’à 18 mois pour constituer ce corpus administratif, contrairement aux sinistrés qui n’ont que cinq jours pour faire remonter les dégâts auprès des institutions. Sur ce point, Allianz assurance Mayotte explique avoir d’ores et déjà traité une vingtaine de dossiers liés à des dégâts causés par les tremblements de terre.

 

Homosexualité à Mayotte : ce qu’on ne dit pas

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L’homosexualité existe bel et bien à Mayotte, mais les personnes concernées n’exposent pas leur orientation sexuelle. Par peur du regard des autres ou encore d’éventuelles représailles, la communauté homosexuelle peine à trouver sa place sur l’île aux parfums. Moncef Mouhoudhoire, à la tête de l’association Nariké M’sada destinée à la promotion d’une meilleure santé sexuelle de la population, aborde le sujet de l’homosexualité à Mayotte, aussi subtil soit-il.

À Mayotte, il n’existe aucune structure sociale dédiée à la communauté homosexuelle. Aucun interlocuteur n’a pu étayer ce sujet, sauf Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association Nariké M’sada,  en contact avec des gays  dans le cadre de ses différentes actions.

« Oui, il y a une communauté gay et lesbienne à Mayotte mais elle n’est pas structurée comme en métropole », indique d’emblée le directeur de Nariké M’sada, qui côtoie via son association la population vivant avec le VIH, parmi laquelle des homosexuels. « L’homosexualité est ancrée dans la société mahoraise depuis que le monde est monde », commente Moncef Mouhoudhoire. Ancrée oui, mais pas assumée ni exposée. « À Mayotte, on ne peut pas vivre +librement+ son homosexualité, exposer sa relation comme tout le monde ». 

Une « bisexualité forcée »

D’une part, il y a le regard des autres dans cette société mahoraise majoritairement musulmane, à la croisée des chemins entre tradition et modernité et d’autre part le statut social qui prédomine et susciterait stigmatisation à l’encontre de personnes reconnues, s’il s’avère que leur orientation sexuelle est dévoilée. Le directeur de Nariké M’sada parle de « bisexualité forcée » pour « préserver l’image ». Il met en exergue un fait : « À Mayotte, c’est le groupe qui prime sur l’individu, c’est lui qui régit la société. On ne doit pas le heurter ».  Et d’ajouter : « En revanche, si l’on se marie, que l’on a des enfants, le groupe est content et on peut s’installer dans une polygamie homme-femme-homme. Dans ce jeu du paraître, le partenaire  hétérosexuel se retrouve souvent piégé (…) C’est su et intégré », explique Moncef Mouhoudhoire. 

L’aspect économique joue également un rôle important : le contexte de précarité sociale qui prévaut sur l’île amène notamment des jeunes hommes  à fréquenter des hommes pour se faire « entretenir ». Globalement, « la société mahoraise est très tolérante sur la question de l’homosexualité du moment où on ne fait pas de prosélytisme », relève-t-il.

Si aucune structure n’a été mise en place par la communauté homosexuelle présente sur le territoire, des métropolitains ont souvent pris l’initiative d’organiser des soirées « gay-friendly »  le temps de leur séjour. Aujourd’hui, aucun lieu particulier n’est dédié aux rencontres entre personnes de même sexe, mais les soirées festives accueillent ouvertement tout le monde. Cependant, un site internet mahorais est dédié aux rencontres entre homosexuels : il est accessible via les moteurs de recherche. 

Quant à l’acronyme LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexe) il ne prend pas encore tout son sens à Mayotte, néanmoins Moncef Mouhoudhoire a déjà recensé un transsexuel à Mayotte. 

 

Émergence d’agressions envers les homosexuels

Moncef Mouhoudhoire déplore un phénomène nouveau : les agressions envers les gays augmentent à Mayotte. Il peut même s’agir de viols. Une personne a été admise récemment en réanimation au centre hospitalier de Mayotte, avec une perforation anale.

« J’ai du mal à qualifier ces agressions d’homophobes. Lorsque tu procèdes à une agression de ce type, cela signifie que tu n’aimes pas les gays. Mais lorsque  l’agression est aussi sexuelle, j’ai du mal à cerner l’homophobie », réagit Moncef Mouhoudhoire, qui évoque davantage une homosexualité refoulée de la part des agresseurs. Il n’a écho que des agressions et viols subis par les patients qu’il suit. Il craint que le nombre de ces actes soit davantage élevé que ce dont il a connaissance.

 

Sécurité | Mamoudzou : la vidéosurveillance activée

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Après plus de trois ans de travail et de réflexion, la ville de Mamoudzou est aujourd’hui quadrillée par un vaste réseau de vidéosurveillance. Piloté depuis le centre d’information et de commandement (CIC), ce dispositif offre des capacités inédites en matière de maintien de l’ordre.

« Regardez, le zoom est si performant qu’il permet de lire les inscriptions écrites sur un carton à l’autre bout de la rue ». Tout sourire face aux écrans de contrôle, le directeur de cabinet du préfet Étienne Guillet apprécie le nouveau dispositif de vidéosurveillance installé dans l’ensemble des communes de Mamoudzou. « Cela permet d’agir plus rapidement lors d’un appel signalant un délit ou une infraction. En cas de plainte ou d’enquête judiciaire, cet outil est particulièrement appréciable », se réjouit-il. Grâce à un maillage d’une soixantaine de caméras installées dans des secteurs clés, les autorités disposent désormais d’un mécanisme inédit sur le territoire pour lutter contre la délinquance. Une nouveauté porteuse d’espoir pour les forces de l’ordre qui se chiffrerait à plus d’un million d’euros d’investissement.

Un centre de commande

« Les discussions entre les polices nationale et municipale, ainsi qu’avec la mairie de Mamoudzou, quant à l’installation du réseau de vidéosurveillance ont débuté en 2015 », rembobine Philippe Jos, directeur départemental de la sécurité publique. « La quasi-totalité des caméras a été installée en janvier. D’autres devraient arriver prochainement pour un nombre total de 66 caméras. Quant au centre de commande, il est opérationnel depuis ce lundi »,  poursuit-il. Disposés à l’intérieur du centre d’information et de commandement (CIC) au sein du commissariat de Mamoudzou, deux écrans de contrôle permettent ainsi d’observer l’ensemble des caméras.  « Deux agents sont constamment chargés de les surveiller de 10h à 22h. Les images sont conservées pendant 15 jours avant d’être supprimées. Sauf dans le cas d’une information judiciaire », précise de son côté Christophe Desclos, chef du centre d’information et de commandement.

Installées dans des secteurs clés tels que des carrefours ou ronds-points particulièrement fréquentés, ces caméras de surveillance se surveillent également entre elles pour éviter d’éventuelles dégradations. Les forces de l’ordre insistent sur la nature bienveillante de ce dispositif permettant « d’être plus efficace en matière de sécurité publique ». Mais s’il s’inscrit comme une avancée en matière de répression, celui-ci n’en garde pas moins ses limites.

Une vision infrarouge

Dans une ville où l’éclairage public n’est pas des plus éblouissants, difficile pour l’ensemble des caméras de surveillance de mener à bien leur objectif quand le soleil se couche. « Certaines sont équipées d’une vision infrarouge », rassure néanmoins Philippe Jos, qui précise : « À terme, 21 caméras devraient être équipées pour une meilleure visibilité en faible luminosité ». « Ce qui ne nous empêche pas de développer un éclairage public de qualité en parallèle », insiste de son côté le directeur de cabinet du préfet.

Autre limite : un maillage incomplet du territoire « qui ne permet pas encore de suivre un individu sur l’ensemble des communes », reconnaît Christophe Desclos. Un problème qui s’ajoute aux difficultés pour les agents de piloter l’ensemble des caméras dans un espace-temps réduit. Sur ce point, les forces de l’ordre indiquent avoir « failli arrêter un individu suspecté d’une agression au Camion rouge cette semaine ». Problème : la caméra était en position automatique, et l’angle de vue ne permettait pas de poursuivre le suspect lors de son agression.  À noter enfin que ce dispositif reste pour l’instant concentré sur les communes de Mamoudzou, et ne permet donc pas d’apporter des images quant à d’autres crimes ou délits en dehors de ce secteur.

Big Brother is watching Mayotte ?

À observer les habitants de Mayotte défiler sur l’écran de contrôle, la question du respect de la vie privée se pose naturellement. Sur ce point, Étienne Guillet tente de rassurer la population : « Ce dispositif a été autorisé par l’État et répond à un certain nombre de règles quant au respect de la vie privée des citoyens. Cela justifie par exemple l’interdiction de conserver ces images au-delà de 15 jours. D’autre part, les propriétés privées ne sont pas visibles à l’écran », explique-t-il. Lorsqu’un agent zoome sur la fenêtre d’une habitation privée, un nuage de pixels l’empêche ainsi d’observer l’intérieur du domicile.

Également source potentielle d’inquiétude : la reconnaissance faciale des citoyens observés à l’écran. Si la police ne dispose actuellement pas d’un tel dispositif, elle cultive néanmoins l’espoir d’avancer en ce sens.

 

 

 

Séismes | Des familles évacuées mardi soir à Cavani

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Mardi soir, un nouveau tremblement de terre a secoué l’île. D’une magnitude de 5.3, il fait partie des séismes les plus puissants enregistrés dans le 101e département depuis le début de l’essaim. Une habitation a dû être évacuée.

Il est 20h17 quand la terre tremble à nouveau ce mardi soir. Très rapidement, les premières estimations font état d’un séisme d’une magnitude supérieure à 5. Finalement, il sera évalué à 5.3 par le Bureau de recherches géologiques et minières.

La secousse, qui fait suite à près de 150 tremblements de terre ressentis par la population depuis le début de l’essaim de séismes il y a bientôt quatre semaines, a fait des dégâts dans une habitation de Cavani. Cette maison, située au sud du quartier, a dû être évacuée en raison de fissures inquiétantes, sur décision des sapeurs-pompiers.

L’un des habitants, qui réside à l’étage avec six autres adultes et un enfant, et qui dormait au moment de la secousse, s’est tout de suite inquiété : « On a senti que le séisme était plus fort que d’habitude et on a vu une grande fissure. On a appelé les secours qui ont pu constater les dégâts ». Au total, 15 personnes ont été directement menacées par ce risque d’effondrement : huit à l’étage donc, ainsi qu’une personne seule au rez-de-chaussée (qui a trouvé un hébergement de son côté), et enfin un adulte et cinq enfants habitant dans une case en tôle en contrebas.

Huit évacuations depuis le début

Les autorités ont rapidement décidé de ne prendre aucun risque : « Quand on a vu que c’était un logement sur deux étages et que le premier était sinistré, on a préféré évacuer. Il y avait un risque d’effondrement important », a jugé l’un des sapeurs-pompiers présents.

Quelques minutes après, des représentants de la Ville sont arrivés sur le site, dont le premier adjoint Bacar Ali Boto, pour constater l’ampleur des dégâts. Il a confirmé la volonté de reloger les familles pour la nuit : « Il est important de ne prendre aucun risque et il est préférable qu’elles ne restent pas là ». L’heure tardive et les hôtels complets ont compliqué la tâche de la municipalité. C’est finalement un gîte sur les hauteurs de Cavani qui s’est chargé d’accueillir une partie des habitants évacués.

« Ce n’est pas la première évacuation », précise le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet. En tout, « huit relogements ont fait suite à différents épisodes sismiques », révèle-t-il. En cause, des maisons trop fissurées après les nombreuses secousses. « Une capacité d’hébergement d’urgence a été mise en place », déclare le sous-préfet. Il rappelle que « les pompiers sont formés depuis une semaine, pour être plus facilement à même de repérer » les risques vis-à-vis de la stabilité des habitations. Mayotte compte 600 soldats du feu volontaires et 214 professionnels.

Un blessé léger

Par ailleurs, la secousse de 20h17 a également fait un blessé léger sur l’île, pris en charge par les services de secours, informe la préfecture. « Une interprétation et traitement détaillés des données (et ce malgré des incertitudes) montrent une migration plutôt dans la partie Sud et Est de l’essaim (Le séisme de 20h17 reste dans la zone de l’essaim ou très proche de celle-ci) », précise le Bureau de recherches géologiques et minières sur son site internet. L’essaim pourrait s’être déplacé d’une dizaine de kilomètres. Mais il pourrait plus simplement s’agir d’un défaut de l’un des capteurs qui enregistre les secousses, situé au Kenya, qui aurait faussé l’interprétation. Seule certitude : le train d’ondes observé était plus long que d’ordinaire, en termes de durée. De quoi occasionner un ressenti plus fort, alors même que la magnitude restait modérée. Deux autres tremblements de terre se sont produits mercredi, à 01h02 et 03h33, de magnitudes respectives 4.0 et 4.3.

Par ailleurs, la mission du Groupe d’intervention macrosismique déployée cette semaine à Mayotte s’est rendue ce mercredi à Koungou et Bandraboua, indique Mounirou Boinahery, responsable du pôle administratif de Koungou. « Ils sont venus pour nous accompagner sur le relevé d’informations par rapport aux dégâts (…) La commune va leur fournir une carte pour localiser les bâtiments fissurés ». Concernant l’arrêté de péril ordinaire pris le 6 juin par le maire de Koungou sur l’un des bâtiments de la résidence Canellia Palm aux Hauts-Vallons, où d’importantes fissures sont apparues sur les coursives, Mounirou Boinahery précise : « Il va permettre au tribunal administratif de désigner un expert, pour que soit levé cet arrêté ou que le bâtiment soit évacué si l’expert estime qu’il représente un danger immédiat ». Des travaux de consolidation, que les propriétaires doivent réaliser dans un délai d’un mois auraient d’ores et déjà été imposés. « L’État est intervenu au tout début pour qu’un diagnostic rapide soit fait », rappelle le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet.

 

 

 

Subventions : la Cour des comptes épingle le Département

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La Chambre régionale des comptes de La Réunion – Mayotte, une structure de la Cour des comptes, vient de rendre son rapport d’observations définitives relatif au contrôle des comptes et la gestion du Département de Mayotte sur les exercices 2012 et suivant, concernant l’octroi de subventions. Elle y révèle de nombreux dysfonctionnements.

Le versement de subventions constitue un des enjeux économiques et sociaux du territoire. « De 2012 à 2016, le montant total des sommes payées était de 100,25 millions d’euros, soit 7,6% des dépenses du Département, dont 45,85 millions d’euros aux personnes de droit privé et 54,40 millions d’euros aux organismes publics », relève la Chambre régionale des comptes de La Réunion – Mayotte, une structure de la Cour des comptes. Elle fait état de « l’absence de stratégie et de priorités affichées » par le Département. Le contrôle de la politique de subventionnement depuis 2012 a montré de réelles insuffisances, ce qui présente des risques juridiques et financiers, selon la chambre.

Vers une charte pour les élus ?

Parmi les points abordés par la Cour des comptes dans ce rapport, un volet est consacré aux subventions au bénéfice indirect d’élus. En effet, plusieurs sociétés comptent parmi leurs associés des conseillers départementaux de l’ancienne mandature. Ainsi, d’anciens élus ont bénéficié de l’attribution de subventions pour des projets d’hôtels ou de chambres d’hôtes, à l’instar de cette subvention de 200 000 euros attribuée à la société Tsingoni Hôtel en 2015, pour la réalisation d’un hôtel de luxe à Combani. Selon les statuts, l’associé unique de la société était alors le vice-président du Conseil départemental. Le gérant était un agent contractuel du Département, souligne également la Cour des comptes. Cette subvention a été annulée en 2016 pour une incompatibilité avec les fonctions du porteur de projet et un dossier incomplet.

La société Tanoura a perçu, quant à elle, une somme de 250 000 euros, pour un projet de chambres d’hôtes et d’activités touristiques à Kani-Kéli alors que son activité se limitait alors à de la location de véhicules. Le gérant était là encore agent contractuel du Département. Les associés étaient des membres de la famille d’un conseiller départemental, ancien président du Conseil général. Le dossier de demande ne comportait aucun élément concernant le financement du projet ou les statuts de la société ni aucun devis de construction. Aucun contrôle sur place n’a à l’époque été effectué alors qu’il s’agissait de la subvention la plus importante attribuée en matière d’économie depuis 2012.

C’est dans ce contexte que la Chambre régionale des comptes souligne que la qualité des porteurs de projet ne peut justifier de dérogation. Elle regrette l’inégalité de cette pratique. Cela ne dispense en aucun cas la collectivité d’effectuer des contrôles. La Cour des comptes propose la mise en place d’une charte de l’élu, qui rappelle des principes déontologiques et des règles de comportement.

Le manque de suivi des demandes de subventions par l’ensemble des services ne permet pas de produire de données fiables concernant les aides accordées. Entre novembre 2014 et mars 2015, 400 000 euros d’avances ont été versés par le Département à des structures, sans qu’aucune opération n’ait été réalisée depuis par les bénéficiaires, alors que les conventions sont arrivées à échéance. Selon la Cour des comptes, le Département ne demande pas le reversement des fonds injustement perçus. Certains agents et élus tireraient profit de ces dysfonctionnements, affirme aussi la Cour des comptes.

Pas assez de contrôles

Par ailleurs, certaines subventions versées par la Direction des affaires européennes et de la coopération régionale ne semblent pas présenter d’intérêt général pour le Département. Une partie de ces subventions consiste en l’organisation de voyages touristiques d’agrément. Ainsi, une subvention de 25 000 euros a été attribuée à l’association Kourouweli de Pamandzi, en 2014, pour la réalisation d’un échange culinaire au Maroc. Sur un séjour d’une durée de 12 jours, le seul élément lié à la culture mahoraise a été un après-midi d’échange autour de la cuisine et une soirée culturelle de danses traditionnelles mahoraises.

À noter que le Département ne dispose pas d’une application informatique de gestion des subventions qui permette d’assurer le suivi d’un dossier depuis le dépôt de la demande jusqu’au paiement et au contrôle. En 2015, l’association Mayotte Plage Propre a ainsi reçu 35 000 euros de subventions. Le Département n’a pas été en mesure d’identifier le service ayant instruit le dossier. La chambre recommande donc d’enregistrer les demandes de subventions au moyen d’une application unique, afin de partager les informations entre les services concernés. 

Les manquements et les faiblesses dans le circuit des subventions sont fréquents, déplore la Cour des comptes. Elle insiste sur la nécessité d’un renforcement des contrôles par les services.

 

 

Immigration | Le sénateur Thani veut durcir le droit du sol à Mayotte

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Le Conseil d’État vient de rendre un avis favorable à une proposition de loi des sénateurs Thani Mohamed Soilihi et Hassani Abdallah visant à modifier le régime du droit du sol à Mayotte, au regard de sa situation particulière. « C’est une étape très importante dans la lutte contre l’immigration clandestine », s’est réjoui vendredi le sénateur Thani Mohamed Soilihi, se gardant bien, au demeurant, de crier victoire. 

« Rien n’est joué ! », a averti le sénateur Thani Mohamed Soilihi, vendredi, lors d’une conférence de presse à sa permanence de Cavani, à Mamoudzou. L’élu La République En Marche (LREM) y a présenté sa dernière proposition de loi visant à modifier le régime du droit du sol à Mayotte. Ce texte propose « qu’avant qu’un enfant étranger puisse bénéficier de ce qu’on appelle le droit du sol, certaines conditions soient remplies et qu’au moins l’un de ses deux parents ait été en situation régulière depuis au minimum trois mois avant sa naissance », a expliqué l’élu. Les deux sénateurs à l’origine de la proposition de loi déposeront des amendements en ce sens, le 19 juin, dans le cadre de l’examen de la loi « Asile et immigration ». Si le Conseil d’État a d’ores et déjà rendu – après huit heures de débat – un avis favorable à cette proposition de loi, le 5 juin, le texte doit encore être examiné par le Parlement et passer le cap du Conseil constitutionnel.« Avec ce texte, je voulais m’attaquer au cas des 70 à 80% de femmes venues d’Anjouan et des Comores qui viennent accoucher en situation irrégulière à Mayotte, avec un père en situation irrégulière également ». Et de rappeler que « le droit du sol en France n’est pas un droit du sol +sec+ comme celui des États-Unis », c’est-à-dire qu’il ne suffit pas de naître sur le sol français pour acquérir automatiquement la nationalité française. Pour autant, « certaines personnes le pensent », et s’imaginent qu’un « enfant né à Mayotte pourra servir à régulariser toute sa famille », a fait valoir le sénateur, affirmant son intention de « couper court à ces chimères » et de mettre fin à ce « détournement massif du droit du sol » dans le département.

« Cela ne pourrait pas se faire ailleurs qu’à Mayotte »

« Puisque nous étions en train de toucher à des lois qui impliquent la souveraineté de l’État, il fallait démontrer les circonstances graves et exceptionnelles [qui le justifiaient ici, NDLR] ». Pour aboutir à cet avis favorable du Conseil d’État – « qui n’est pas un feu vert pur et simple » – et justifier la mise en oeuvre de ce système dérogatoire aux principes normaux d’acquisition de la nationalité française en vigueur sur le territoire national, les sénateurs ont fait valoir deux arguments principaux. D’une part « l’immigration insensée » que connaît l’île « depuis deux décennies », et d’autre part, le fait qu’elle est revendiquée par une puissance étrangère, en l’occurrence l’Union des Comores, ce qui pousse ses ressortissants à venir s’y installer. 

Le délai de trois mois avant la naissance de l’enfant a été choisi car il apparaissait « proportionné » au résultat recherché, ni trop long, ni trop court. Le député Les Républicains (LR) Mansour Kamardine avait d’ailleurs fait une proposition de loi similaire en 2005, sans toutefois lui assortir un tel délai. « Cela ne pourrait pas se faire ailleurs qu’à Mayotte, pas même en Guyane », a encore estimé Thani Mohamed Soilihi, affirmant avoir tiré les leçons de son propre échec à faire passer des amendements lors de la lecture de la loi sur l’égalité réelle en février 2017, jugés inconstitutionnels. Pour conclure, le sénateur a appelé les Mahorais à la responsabilité face à l’immigration clandestine, refusant d’y voir le seul devoir de l’État. « Il y aura d’autant moins de candidats à la clandestinité qu’il y aura moins de citoyens français pour les héberger » et les faire travailler, a-t-il martelé, fustigeant les attestations de complaisance et autres trafics de faux papiers. 

 

 

 

 

 

 

 

Immigration | Bureau des étrangers : la crise s’éternise

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Depuis plus de trois mois, les portes du bureau des étrangers de la préfecture restent partiellement fermées. Placement en rétention, perte d’emploi, impossibilité de remboursement des soins… Cette situation inédite génère des conséquences préoccupantes pour les usagers. Malgré la mise en place d’un « service d’urgence », les retards dans le traitement des dossiers s’accumulent. Un phénomène  qui pousse de nombreux individus sur les routes de la clandestinité dans le silence des autorités.

Tiré à quatre épingles, Benoît revient de son rendez-vous chez l’avocat. « Il est inutile d’attendre devant le bureau des étrangers », reconnaît-il amèrement. Alors que des familles dorment depuis plusieurs semaines devant les portes de ce service, l’homme a décidé de saisir la justice. Son « dernier espoir » pour accéder au titre de séjour et « entamer une vie normale ». Malgré son épuisement moral, sa dignité le pousse à ne pas baisser les bras. Une ténacité loin d’être partagée par l’ensemble des étrangers sur le territoire. « Les gens sont désespérés, abattus, et angoissés. Ils se demandent combien de temps ils pourront encore tenir ».

Originaire de la République Démocratique du Congo, le cas de Benoît pourrait pourtant sembler moins préoccupant que celui d’autres étrangers vivant à Mayotte. Reconnu comme réfugié par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), l’homme ne peut légalement pas être placé au centre de rétention administrative. Ce qui n’est pas le cas d’autres individus n’ayant pas pu régulariser leur situation administrative en raison de la fermeture du bureau. Sans travail, ni ressources, Benoît ne risque également pas de tomber sous le coup d’un licenciement. Pourtant, la fermeture dite « partielle » de ce service génère des conséquences tout aussi graves dans son quotidien.

« J’ai été torturé durant mon exil », introduit-il avec dignité. « Des organes vitaux ont été touchés et je dois me faire soigner. Or, j’ai besoin du titre de séjour pour bénéficier de la sécurité sociale. En l’état, les droits qui me sont accordés grâce au numéro de sécurité sociale provisoire ne sont que partiels. Pour le reste, je ne peux pas accéder au titre de voyage et encore moins bénéficier d’aides sociales », résume-t-il. Bloqué sur l’île aux parfums à l’instar d’autres réfugiés, l’homme se console comme il peut : « Au moins, je suis loin d’être isolé dans mon malheur ». 

Un phénomène qui s’éternise dans l’indifférence

Ce phénomène trouve son origine à la fin du mois de février. Le bureau des étrangers de la préfecture est alors fermé en raison d’une grève de ses agents. Si celle-ci se termine un mois plus tard, la ministre des Outre-mer indique le 17 mars, en plein mouvement social contre l’insécurité, que « pendant un mois, pour des raisons d’ordre public, le bureau des étrangers de la préfecture sera fermé et la délivrance des titres de séjour se fera sur rendez-vous ». Un mois plus tard, Flash Infos interroge le préfet Dominique Sorain sur ce sujet épineux sur lequel les autorités ne sont pas vraiment bavardes. « Le service des étrangers rouvrira prochainement (…) Cela va nécessiter un petit temps pour redémarrer », lâche-t-il. Deux petites phrases qui provoquent un soulagement chez les usagers.

Moins d’un mois plus tard, c’est la douche froide : « L’ouverture du bureau des étrangers n’est pas encore à l’ordre du jour », confessent les autorités en précisant que les portes « resteront fermées jusqu’à nouvel ordre ». Depuis, plus aucune information n’est officiellement communiquée à ce sujet. Placé en dehors du radar médiatique, l’événement se retrouve relégué derrière une actualité chargée en décasages et en séismes. En parallèle, la situation des étrangers se dégrade et les tensions s’accumulent. « Nous ne demandons pas grand-chose pourtant, si ce n’est régulariser nos situations administratives. Des gens sont malades, certains deviennent fous et d’autres se retrouvent à la rue. Faudra-t-il attendre un mort pour que cette situation évolue ? », s’interroge un ami de Benoît. 

Du bureau des étrangers aux cellules du CRA 

Parmi les fonctions du bureau des étrangers, l’une d’entre elles manque particulièrement à ses usagers : la délivrance du récépissé attestant des démarches d’obtention du titre de séjour pour les étrangers. Un document indispensable lors d’un contrôle d’identité. Ne pouvant plus se rendre au bureau pour accéder à ce document, certains usagers se retrouvent aujourd’hui placés au centre de rétention. « Nous constatons chaque semaine des individus qui se retrouvent ici car ils n’ont pas été en mesure de présenter un récépissé, ou que leur titre de séjour n’a pas été renouvelé », nous indique une source fiable à l’intérieur du CRA. 

Interrogé à ce sujet mi-avril par Flash Infos, Dominique Sorain affirmait « ne pas avoir d’indications à ce sujet », tout en précisant que « cela serait surprenant dans la mesure où la situation administrative des individus placés au centre de rétention est analysée en profondeur lors de leur placement ». Or, « il peut arriver que des agents ne communiquent pas à la préfecture le numéro AGDREF des individus placés au centre de rétention. Celui-ci permet d’attester les démarches administratives entamées par les étrangers. C’est ainsi que certaines personnes se retrouvent placées au centre de rétention alors qu’elles ne devraient pas y être », poursuit cette source.

Face à une diplomatie bloquée avec le voisin comorien, la question de la rétention de ces individus inquiète la section mahoraise du Syndicat de la magistrature. Dans un communiqué du 6 juin, le syndicat interroge les autorités sur leur volonté de prolonger ces rétentions dont l’issue ne peut pas aboutir à un éloignement. « Depuis le début de la grève, en février 2018, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Mamoudzou a été saisi à plus de sept cent reprises par la préfecture pour prolonger la rétention de personnes étrangères (…) Il est vain, en l’état actuel des relations avec les Comores, de continuer la politique d’interpellation des personnes étrangères en situation irrégulière puisque celles-ci seront immanquablement libérées », détaille le communiqué. Un phénomène qui est d’autant plus incompréhensible pour les individus vivant depuis de nombreuses années sur le territoire, mais pour qui la fermeture du bureau des étrangers génère un risque de rétention.

Licencié en l’absence de régularisation 

Si la crainte d’un placement en rétention est une inquiétude de taille, perdre son emploi demeure également une source d’angoisse non négligeable chez les usagers. L’absence du récépissé, ou de titre de séjour pour les salariés, plonge leur employeur dans une situation d’illégalité. Consciente du risque, la préfecture a mis en place dès le mois d’avril « un service d’urgence » permettant aux employeurs de faire remonter les cas les plus préoccupants afin de régulariser leur situation et d’éviter leur licenciement. À noter que ce service « se concentre uniquement sur le renouvellement des titres de séjour », insiste-t-on alors du côté de la préfecture. Une activité réduite qui, pour les autorités, justifie le terme de « fermeture partielle » pour évoquer le sort actuel du bureau des étrangers.

Pour Marjane Ghaem, avocate habituée à défendre les droits des étrangers, ce service minimum ne permet pas de pallier l’ampleur de la crise. En témoignent les nombreux clients qui affluent à son cabinet en évoquant la crainte de perdre leur emploi. « Certes, de grosses entreprises ont le temps et les moyens pour s’occuper au cas par cas de la situation administrative de leurs employés. Mais cela est loin d’être le cas de l’ensemble des entreprises, notamment les plus modestes », s’inquiète-t-elle. Elle poursuit : « Un client dormait depuis un mois devant le bureau des étrangers de la préfecture dans l’espoir d’être reçu. L’homme était en CDI, mais son employeur l’avait prévenu qu’il ne serait plus en mesure de l’employer si sa situation n’était pas régularisée. J’ai donc saisi le juge des référés du tribunal administratif », explique-t-elle. En l’absence d’étude sur la crise actuelle, difficile d’estimer le nombre de salariés ayant perdu leur emploi suite à ce phénomène. Du côté de l’association La Cimade chargée de porter assistance aux étrangers, sa responsable Solène Dia affirme voir défiler « chaque semaine des individus concernés par cette problématique ». 

Bureau fermé, soins non remboursés 

Sur le podium des conséquences néfastes engendrées par la fermeture du bureau des étrangers, les difficultés de remboursement des soins médicaux occupent une place honorable. Si l’exemple de Benoît est à ce titre équivoque, sa situation n’a rien d’un cas isolé. Dès le mois d’avril, les infirmiers libéraux alertaient du phénomène par communiqué en indiquant que « le non-renouvellement des titres de séjour prive des individus de droits fondamentaux dont ils jouissaient de plein droit au préalable (…) Ces hommes et ces femmes n’ont plus accès à la médecine de ville, aux médicaments, ne peuvent plus bénéficier de transport en ambulance, n’ont plus les moyens de bénéficier de soins ou de service à domicile », ajoute le communiqué. 

Dans le cadre du « service d’urgence » mis en place par la préfecture, celle-ci expliquait avoir « pris les dispositions adéquates » en restant en lien avec les équipes médicales. Celles-ci ayant la possibilité, une fois encore, de « faire remonter les dossiers les plus urgents pour débloquer les situations au cas par cas ». Une « personne relais » aurait aussi été nommée au sein de l’Agence régionale de santé (ARS) pour faciliter les interactions. Contactée par Flash Infos, l’institution indiquait pourtant le 27 avril qu’« il n’y a pas d’agent nommé au sein de l’ARS OI (océan Indien) pour traiter de situations individuelles de malades »,  tout en précisant que l’agence « relaie auprès de la préfecture les difficultés signalées par les professionnels de santé pour leurs patients en fin de droit risquant de se trouver en rupture de soins ».

Dans une île où la notion de « situation d’urgence » est relative, difficile pour le « service d’urgence » de répondre aux attentes des usagers, pas toujours informés de l’existence dudit service. Pour des individus isolés et intimidés par l’administration, il ne reste plus que les yeux pour pleurer et l’espoir d’une réouverture prochaine du bureau.

Vers un « soulèvement populaire » ? 

Insatisfaits des réponses apportées par les autorités, c’est désormais vers la justice que se tournent les usagers. Payer un avocat n’étant pas à la portée de tous, ces derniers s’organisent tant bien que mal pour faire valoir leurs droits. Dernier exemple en date : la mobilisation de l’Association congolaise de Mayotte, rebaptisée Association des demandeurs d’asile de Mayotte dans l’objectif de centraliser les démarches. « Nous avons décidé de nous unir face à un problème qui nous atteint tous, quel que soit notre statut ou notre nationalité. Tous les étrangers doivent avancer ensemble pour que la situation se débloque », explique le secrétaire général de l’association, se présentant sous le surnom de Junior. 

« Nous nous sommes d’abord réunis pour faire le point car les problèmes de chacun sont vastes entre ceux qui sont arrivés avant et pendant la fermeture du bureau des étrangers. La question d’un soulèvement populaire s’est posée. Mais nous avons décidé d’épuiser d’abord toutes les possibilités institutionnelles avant d’en arriver à ce stade », explique Junior. À plusieurs mains, l’association rédige un courrier adressé au préfet relatant l’ensemble des difficultés éprouvées. « Nous avons mis en copie le Défenseur des droits et la direction de la Convention de Genève pour qu’ils comprennent la gravité de la situation. Nous avons également fait pression auprès de l’association Solidarité Mayotte, chargée d’accompagner les demandeurs d’asile, pour que nos dossiers soient traités auprès de la préfecture. Au final, onze personnes ont été reçues au bureau des étrangers ». Préoccupé par la situation, Romain Reille, le directeur de Solidarité Mayotte, appelle au calme. « Chaque nouvelle arrivée est signalée à la préfecture. Nous sommes en contact permanent et je peux vous assurer que les démarches avancent. Il est capital que les esprits s’apaisent », répète-t-il inlassablement.

Pour Junior et ses semblables, l’avancée de leurs dossiers grâce aux pressions judiciaires prouve plusieurs choses : « Déjà, nous avons compris qu’il fallait se mobiliser et être solidaires pour avancer. Attendre une réaction des autorités ne sert à rien », introduit-il. Ensuite, « le bureau des étrangers fonctionne bel et bien, mais de façon réduite ». Une information confirmée par Solène Dia de la Cimade qui reconnaît que « des convocations ont repris de façon isolée depuis environ un mois ». Seulement, « beaucoup d’individus nous expliquent être recalés à l’entrée de la préfecture malgré leur convocation bien qu’ils s’y rendent à l’heure dite ». De quoi jeter de l’huile sur le feu d’une situation déjà explosive. 

Conscient de l’image négative potentiellement véhiculée par un soulèvement d’étrangers, Junior tente pour l’heure de « contenir la colère de chacun (…) mais cette situation ne pourra pas durer indéfiniment », prévient-il. « Déjà que nous endurons le racisme et les discriminations au quotidien, si en plus nous devons rester malades, sans travail ni revenus, ce n’est pas tenable », ajoute-t-il avant de conclure : « Tôt ou tard, les gens n’auront plus rien à perdre ».

Des perspectives inquiétantes 

Face à l’absence de justification de la part des autorités, le bal des suppositions n’a pas fini de faire danser les usagers. Parmi les sources interrogées, certains témoignent « d’une volonté politique insufflée par un climat de tension envers les étrangers à Mayotte ». Une politique qui interroge de par son coût. Les placements au centre de rétention administrative étant onéreux pour l’État, comment comprendre la volonté de poursuivre ce phénomène en dépit de la crise diplomatique actuelle avec l’Union des Comores ?  « Cette politique entraîne un véritable gâchis de moyens humains et financiers puisque policiers, greffiers, avocats et magistrats sont contraints de travailler sans relâche pour une efficacité inexistante », témoigne à ce titre la section mahoraise du Syndicat de la magistrature.

Au vu des ajournements accumulés avant la fermeture partielle de ce service, le ralentissement actuel de son activité ne peut que générer de nouveaux retards. « Plus on attend, plus la reprise sera difficile », résume Solène Dia de la Cimade. Encore faut-il espérer que cette réouverture soit envisagée dans un futur proche. Interrogée sur ce point, la préfecture n’a pas souhaité s’exprimer.

 

 

 

Un arrêté de péril aux Hauts-Vallons

Pas de péril immédiat mais la situation reste préoccupante. La mairie de Koungou a pris cette semaine un arrêté dit de « péril ordinaire » concernant les bâtiments de la résidence Canellia Palm, située dans le quartier des Hauts-Vallons. En effet, des fissures et des soulèvements de carrelages sont apparus dans ce complexe – où résident plusieurs centaines d’habitants – depuis le début du phénomène d’essaim de séismes à Mayotte. Ces dégâts nécessitent un étayage dans certaines zones. Cet arrêté municipal, à ne pas confondre avec l’arrêté dit de « péril imminent » qui signale un danger immédiat, permet à la personne qui le prend – en l’occurrence le maire – d’imposer au besoin la réalisation de travaux et d’interdire temporairement ou définitivement aux résidents d’habiter les lieux. De son côté, le syndic de copropriété a demandé par voie d’affiche aux locataires de ne pas stationner ou circuler dans les coursives durant les secousses, de couper l’eau en cas d’absence prolongée et de faire remonter toute information concernant les dégâts constatés dans leurs logements. Enfin, les résidents sont invités, le cas échéant, à faire une déclaration de sinistre auprès de leur assurance. Sur le document du syndic, on peut lire qu’une issue alternative a été aménagée pour faciliter l’évacuation en cas de besoin : « Nous avons laissé le portillon jardin ouvert pour laisser une échappatoire possible depuis le RDC et R+1 sur la recommandation de la DEAL (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Mayotte NDLR) et de la mairie de Koungou. « 

Séismes | « On ne peut pas annuler un examen national »

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Une réunion entre proviseurs a été organisée ce mercredi par le vice-rectorat, à l’approche du baccalauréat. Les modalités d’organisation et les consignes ont été arrêtées, prenant en compte l’essaim de séismes qui frappe actuellement Mayotte. Les épreuves sont maintenues.

« Tous les jours, il y a des secousses et on ne remet pas tout en question », souligne Nathalie Costantini. Mardi après-midi, le vice-recteur a participé à la réunion organisée par l’Udaf (Union départementale des associations familiales) de Mayotte, consacrée à l’essaim de séismes. Elle a tenu à rassurer les familles quant à la tenue des traditionnelles épreuves du baccalauréat. « On fera toujours les choses au bénéfice de vos enfants ».

Et l’activité sismique ne doit pas être vue comme une « opportunité » pour les lycéens de ne pas passer le baccalauréat. « S’il y a vraiment un séisme fort, un temps supplémentaire sera octroyé pour les candidats s’ils doivent sortir ou se mettre sous les tables. » Mais s’il y a des tremblements de terre mineurs, « les élèves doivent continuer à plancher (…) Il n’y aura pas de temps supplémentaire donné à chaque personne qui va sortir », dans ce cas précis.

Un plan B est également sur la table. « Si au moment de donner les sujets (…) ou au bout de 15 minutes, il y a une grosse secousse, de la panique, que l’épreuve est perturbée, il y a des sujets de secours prévus qu’on pourra utiliser (…) Une épreuve perturbée pourra être reprogrammée ».

« Une épreuve dans l’épreuve »

Et le vice-recteur de préciser que les correcteurs auront « un regard bienveillant » en cas de séisme. « S’il y avait une grosse secousse qui a une incidence sur la concentration des élèves, cela sera consigné dans le PV d’examen ». Nathalie Costantini considère finalement que l’essaim de séismes est « une épreuve dans l’épreuve ». « Le ministère est au courant » de la situation dans le 101ème département. « On ne peut pas annuler un examen national », d’autant que rien ne permet d’affirmer que les secousses se seront définitivement arrêtées à la même période l’an prochain.

C’est dans ce contexte que le vice-rectorat a réuni mercredi tous les proviseurs pour « revoir avec eux les modalités d’organisation et les consignes qui vont être passées aux élèves de terminale ». Le diplôme national du brevet est également maintenu. « Les CAP ont terminé leurs examens et les BTS sont en train de les terminer », précise Nathalie Costantini.

Pilier fendu et fissures

Le vice-recteur doit en parallèle gérer les dégâts occasionnés par les séismes dans plusieurs établissements scolaires. Le collège de Dembéni est le principal point noir. « Il y a un vice de construction. Il va devoir être reconstruit. Avec les secousses, le bâtiment se fragilise davantage. Nous avons condamné les deux étages. Maintenant, mais aussi à la rentrée, nous allons réaffecter les élèves ». Les 13 salles encore accessibles, situées au rez-de-chaussée, sont prévues en priorité pour l’accueil des élèves de troisième.

Une déformation du sol au sein du collège de Passamaïnty a obligé à interdire l’accès à un espace restreint en extérieur. Au collège de Tsingoni, « quelques fissures ont été constatées dans certaines salles mais les experts ont déclaré qu’il n’y a pas de risques sur la structure. Il n’y a donc aucune salle fermée mais elles devront être régulièrement vérifiées pour prévenir tout risque », précise le vice-rectorat. Un étai va être installé dans l’une des classes.

Au collège de Labattoir, « après le passage des experts et suite à leurs recommandations, certaines salles doivent faire l’objet d’une observation quotidienne après que des fissures ont été constatées. Ces salles pourront être étayées si les fissures progressent », ajoute le vice-rectorat.

Au collège de Koungou, un pilier s’est fendu de haut en bas. Douze salles sont fermées. « Les aménagements horaires impactent tous les élèves mais cela n’a aucune incidence sur le bon déroulement des cours », affirme le vice-rectorat. Enfin, au collège de Labattoir, les persiennes ont bougé. « On va les étayer, mettre des planches derrière », indique Nathalie Costantini.

« Tous les établissements construits depuis 2008 respectent les normes sismiques. Des anciens établissements, notamment une panoplie dans les années 2000, sont des établissements tout béton » qui posent davantage de problèmes avec les tremblements, reconnaît le vice-recteur.

 

Séismes | Vidéos, cellule psychologique : l’État veut rassurer

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L’essaim de séismes se prolonge et avec lui l’inquiétude d’une partie de la population. L’Union départementale des associations familiales (Udaf) de Mayotte a organisé mardi après-midi une réunion avec des acteurs locaux et l’un des experts envoyés sur l’île, Olivier Galichet, pour obtenir et diffuser des informations fiables sur le phénomène en cours. De nouveaux outils de sensibilisation et de surveillance des habitations vont voir le jour.

« Nous sommes dans une psychose », s’alarme le président de l’Union départementale des associations familiales, Nizary Ali. Alors que les familles se tournent vers la structure pour signaler leurs inquiétudes face à l’épisode sismique en cours, l’Udaf a organisé mardi après-midi une réunion avec des associations, le service social du centre hospitalier de Mayotte, le vice-recteur ou encore une représentante de l’Agence régionale de santé. Le tout en présence du lieutenant-colonel Olivier Galichet de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. C’est l’un des trois experts arrivés vendredi à Mayotte pour notamment « mieux communiquer auprès de la population des informations scientifiques ». Objectif de la rencontre : permettre à l’Udaf et à ses partenaires d’obtenir des éléments fiables sur le phénomène afin de les relayer aux familles.

Depuis leur arrivée, les missionnaires ont notamment planché sur la mise à jour de la foire aux questions diffusée par la préfecture. Des schémas et vidéos « pour expliquer qu’il n’y aura pas de tremblement de terre catastrophique » à Mayotte devraient rapidement voir le jour, informe Olivier Galichet. L’île aux parfums est secouée en raison de l’activité d’une « faille qui fait environ 10 kilomètres de long. Sur les séismes [puissants] de type Japon, les failles font 200 kilomètres voire plus. » L’énergie libérée est bien plus importante et de facto le séisme atteint une magnitude beaucoup plus élevée. À Mayotte, « il n’y aura pas un séisme majeur qui va tout faire tomber ». Un agrandissement de la faille, s’il se produit, prendra des millions d’années.

Une fiche d’observation des fissures

Il n’empêche. Le 101ème département fait face à un « événement inédit. Ça n’est pas une grosse catastrophe mais c’est nouveau, même au niveau de la sécurité civile. Dire qu’il faut surveiller tous les jours les fissures, ça n’a jamais été fait nulle part dans le monde, je pense. » Une fiche d’observation des fissures devait être mise en ligne dès ce mardi sur le site internet de la préfecture. Ainsi, les particuliers pourront être acteurs de leur sécurité alors que « les services, quels qu’ils soient – mairies, État, associations – ne peuvent pas envoyer des gens partout » pour surveiller la solidité des habitations. « S’il n’y a aucune fissure dans la maison, il n’y a pas de raison qu’elle tombe. Si ça commence à s’écarter suffisamment, si je peux passer un crayon dedans, il faut que je prévienne les autorités », résume Olivier Galichet. D’autant qu’un tremblement de terre légèrement supérieur au record enregistré le 15 mai (5.8 de magnitude) n’est pas écarté. Les pompiers mahorais vont être « formés pour voir si une fissure est dangereuse ou pas », révèle Olivier Galichet.

L’essaim de séismes pouvant « durer quelques mois voire plus, il faut s’habituer à vivre avec ça. Il faut accompagner les gens, qu’ils se préparent chez eux », poursuit le lieutenant-colonel, lui-même réveillé par les tremblements de terre nocturnes. Depuis le début de l’épisode sismique, il y a près de quatre semaines, une quinzaine d’habitants a été transportée à l’hôpital pour des crises d’angoisse. L’Agence régionale de santé (ARS) a constaté qu’après chaque secousse d’ampleur, le Samu recevait une dizaine d’appels en lien avec l’événement. 

L’Agence régionale de santé qui travaille à la mise en place d’une véritable cellule psychologique, avec « plusieurs niveaux proposés », développe Geneviève Dennetiere, médecin responsable de la cellule de veille et de gestion des alertes sanitaires à l’ARS. Le service de psychiatrie du centre hospitalier de Mayotte pourrait rapidement faire « une communication sur la gestion du stress ». Des interventions sont envisagées par l’ARS lors de réunions publiques dans les communes. Enfin, un numéro vert pourrait être mis en place, avec « une prise en charge psychologique » et la possibilité d’évoquer des « aspects techniques ».

Des années d’études scientifiques

La réunion de l’Udaf a également été l’occasion d’évoquer le volet hébergement d’urgence, même si une puissante secousse est écartée. La Croix-Rouge dispose en Petite-Terre de tentes et de shelters (des abris plus spacieux). L’association possède huit autres sites de stockage de matériels mobilisables dans l’océan Indien. La sécurité civile peut également dépêcher du matériel à Mayotte. En parallèle, les maires ne l’ayant pas encore fait sont invités à finaliser leur plan communal de sauvegarde, qui précise notamment les sites d’hébergement d’urgence.

Le lieutenant-colonel Olivier Galichet a tenu à rappeler qu’un tsunami n’est pas possible avec cet essaim de séismes, compte tenu du mouvement tectonique observé. De prétendus forages pétroliers, parfois envisagés comme une cause des secousses sur les réseaux sociaux, sont écartés pour expliquer l’essaim de séismes. Les sismologues, qui vont jusqu’à « surveiller la terre pour savoir s’il n’y a pas d’essais nucléaires qui se font » sont formels : les tremblements de terre sont liés au mouvement de plaques tectoniques. Un phénomène volcanique, à la marge, n’est pas exclu, précisaient toutefois les experts vendredi dernier lors d’une conférence de presse.

L’essaim de séismes « va faire l’objet d’études scientifiques pendant des années. Oui, les scientifiques vont envoyer un bateau sur place mais c’est une étude à long terme », expose Olivier Galichet. Les trois experts, quant à eux, regagneront la métropole jeudi. Ils continueront de suivre la situation à distance.

 

 

 

Ordre public | Les mouringués mis au tapis

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Après une série de débordements en marge de plusieurs mouringués, le maire de Mamoudzou a pris un arrêté interdisant ces combats. Entrée en application ce week-end, cette décision rassure les forces de l’ordre mobilisées en nombre pour l’appliquer. Pour autant, difficile d’endiguer une pratique aussi solidement ancrée dans les habitudes culturelles locales. Parmi les solutions sur la table : un encadrement des combats pour en éviter le caractère sauvage. 

« À compter de ce jour, il est strictement interdit d’organiser une manifestation publique de boxe +mouringué+ sur tout l’ensemble du territoire de la commune de Mamoudzou ». L’arrêté est clair et émane directement du maire de Mamoudzou, Mohamed Majani. Prise le 24 mai, cette décision est officiellement entrée en application ce week-end suite à une série de débordements violents et  s’appliquera « durant tout le mois de ramadan », selon Nassuf Eddeni Daroueche, chargé de la sécurité à la mairie de Mamoudzou. « C’est la première fois qu’une telle décision est prise », reconnaît-il. « Cela s’est décidé après que plusieurs élus de proximité nous ont remonté une crainte des habitants de voir ces rassemblements dégénérer en violences. Ce qui s’est confirmé après celles survenues à M’tsapéré vendredi », justifie-t-il. 

 

Une série de débordements 

 

Pour le porte-parole du syndicat Alliance police nationale Mayotte, Thierry Lizola, cette nouvelle résonne comme un soulagement. « Alliance police nationale Mayotte soutient l’arrêté du maire qui est conforme à la réalité des policiers. C’est un acte de sagesse. N’oublions pas qu’un collègue a perdu un œil en marge de ces rassemblements », rappelle le policier en référence aux affrontements survenus dans la nuit du 23 mai. Loin d’être réservés aux forces de l’ordre, les actes de violence en marge des mouringués se sont depuis poursuivis pour atteindre un pic ce week-end. « À l’issue d’un mouringué vendredi à M’tsapéré, des jeunes de Kawéni ont jeté des pierres et dégradé des véhicules.  Dès samedi, munis de l’arrêté municipal, nous sommes intervenus à M’tsapéré sur la place de la Mosquée afin d’interdire ces rassemblements de jeunes », rembobine le directeur adjoint de la sécurité publique Stéphane Demeusy. Pour mener à bien cet objectif, policiers et gendarmes ont été assistés par « l’ensemble des collectifs des localités de Mamoudzou afin de déloger plus de 250 jeunes », indique Stéphane Demeusy. 

Mécontents de ne pouvoir pratiquer leurs sessions de combat hebdomadaires, certains jeunes ont attaqué des membres de ces collectifs. Résultat : un individu dans le coma, générant ainsi un épisode de vengeance particulièrement virulent dès le lendemain matin. Selon nos informations, près de 200 à 300 personnes étaient présentes lors de la destruction de deux bangas abritant les auteurs supposés de ces violences. Une femme a également été conduite au CHM après avoir reçu des coups de bâton à la tête suite à son refus de quitter les lieux. 

 

Interdire une tradition ? 

 

Présents dans tout l’océan Indien et même jusque sur le continent africain, les mouringués s’inscrivent comme une tradition indissociable du patrimoine culturel mahorais. Au-delà de son caractère violent, ces événements sont aussi vécus par la population comme des rassemblements festifs et conviviaux. Un phénomène qui pousse les forces de l’ordre à dissocier cette pratique de ses débordements. « Il ne s’agit pas de criminaliser les mouringués sur le long terme mais plutôt de poursuivre les efforts mis en place dans lutte contre la délinquance », nuance le chargé de la sécurité à la mairie de Mamoudzou. 

D’un point de vue logistique, « nous allons effectuer dans les prochains jours des patrouilles dynamiques aux abords des zones où sont généralement pratiqués des mouringués. Si besoin est, nous occuperons également certaines places comme nous l’avons fait ce week-end », projette le directeur adjoint de la sécurité publique. Également sur la table : la volonté de « cibler les organisateurs » afin de décourager les sympathisants. 

Conscient que la répression à elle seule ne pourrait suffire à endiguer ce phénomène, Thierry Lizola plaide de son côté pour un encadrement de cette pratique : « Nous regrettons que les mouringués soient sauvages et non encadrés. Aujourd’hui, nous sommes face à des mouvements de bandes qui prennent en otage les festivités durant le mois de ramadan pour s’affronter », déplore-t-il.  À l’instar de La Réunion où le mouringué est reconnu comme une pratique sportive et bénéficie d’un encadrement, Mayotte pourrait bien emboîter le pas dans un désir de cohésion sociale. « Encadrer ces combats est une piste à explorer », admet Nassuf Eddeni Daroueche qui précise cependant que « cette initiative doit venir de la société civile. Même si la mairie est prête à accompagner ce type de démarches. Cela pourrait se faire dès le prochain ramadan. »  En attendant, l’homme mise sur les « tournois de ramadan » pour remplacer les combats par des matchs de foot ou de basket dès la semaine prochaine. En espérant que les aficionados du combat de rue ne déploient pas de nouvelles stratégies pour poursuivre leur passion à l’abri des gyrophares.  

 

Couteau sous la gorge d’un enfant

Vendredi dernier, en remontant l’escalier qui mène au parking de la plage de Jiva-Hamjago, dans la commune de Mtsamboro, un groupe de trois femmes et de deux enfants sont agressés par deux hommes qui s’étaient cachés derrière des containers. L’un deux saisit l’un des enfants et lui place un couteau sous la gorge, réclamant les sacs de plage. Les deux agresseurs ont ensuite pris la fuite avec leur butin.

Tremblements de terre | « Le gros séisme, je pense qu’on l’a déjà eu »

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Trois experts sont arrivés vendredi à Mayotte pour accompagner les services de l’État dans la gestion de l’essaim de séismes. Près de 850 tremblements de terre ont été enregistrés depuis trois semaines, faisant une vingtaine de blessés légers. « On n’aura pas de big one de magnitude 7 ou 8 », rassure un spécialiste du Bureau de recherches géologiques et minières.

Une rafale de secousses. Les Mahorais ont découvert vendredi une nouvelle caractéristique de l’essaim de séismes qui frappe Mayotte depuis plus de trois semaines, avec une succession impressionnante de tremblements de terre en matinée. Rien qu’entre 6h18 et 7h24, 13 secousses de magnitude supérieure à 4 se sont produites, dont deux de 5,2. Jusqu’à 13h20, ce sont 36 séismes supérieurs à 4 qui ont été répertoriés, pour près de 850 tremblements de terre recensés depuis le début de l’épisode sismique.

C’est dans ce contexte qu’une mission extérieure est arrivée dans l’île aux parfums le même jour. Bastien Colas, en charge d’un programme Planification et appui à la gestion des crises au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Mendy Bengoubou, sismologue à la Direction générale de la prévention des risques et le lieutenant-colonel Galichet de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises vont passer « quelques jours » dans le 101ème  département, précise le préfet Dominique Sorain. « Il n’y a pas encore de limite précise à leur séjour. »

Alors que l’essaim de séismes a fait 19 blessés légers en trois semaines, dont 6 vendredi (une moitié de crises d’angoisse pour autant de chutes dans les escaliers), selon le délégué du gouvernement, les experts se sont montrés rassurants vendredi, lors d’une conférence de presse.

« 5,8, pour l’instant, c’est le pic sismique (…) On aura peut-être un 5,9 ou un 6 mais on est relativement borné du point de vue de la tectonique et de l’historicité au niveau de l’ensemble des Comores », affirme Bastien Colas. « Le gros [tremblement de terre], je pense qu’on l’a déjà eu. On peut avoir un peu plus gros mais on n’aura pas de big one, de magnitude 7 ou 8 qui va se produire (…) La magnitude d’un séisme est liée à la longueur de la faille. On n’a pas identifié dans l’arc comorien des longueurs de failles qui auraient pu générer des séismes supérieurs à 6. »

Une activité tectonique voire volcanique

« À partir des plus gros événements, on est capable de reconstituer l’origine des tremblements de terre » actuels à Mayotte, poursuit le spécialiste. « Il s’agit de ruptures le long de plans de failles situés à environ 60 km au nord-est de Mayotte (…) Tout cela est lié à la tectonique des plaques au sens large. On a des interfaces entre différentes plaques et des relais qui peuvent se faire (…) Il peut y avoir des conjonctions (…) avec des phénomènes volcaniques (…) On sait qu’on a du tectonique. On n’a pas d’élément pour préciser le volcanique (…) L’essaim peut être en lien avec un écoulement magmatique en profondeur (…) Ce serait une responsabilité partielle dans la mécanique d’essaim qui se met en place (…) On n’est pas du tout dans l’optique de la création d’un volcan », développe Bastien Colas.

L’expert se montre également rassurant, concernant d’éventuels mouvements de terrain. « On se posait la question. (…) Les niveaux d’accélération sont tellement bas que ce ne sont pas des choses attendues. » L’éboulement d’un rocher vendredi 25 mai à Majicavo est à imputer à l’épisode pluvieux et non pas à un séisme, selon lui.

Pas de risque non plus avec la sismicité actuelle d’un effondrement de Petite-Terre, qui repose sur un édifice volcanique. « Des glissements anciens qui ne sont pas datés et tout un tas de cicatrices » ont été suspectés sur la structure par le BRGM par le passé, à l’occasion d’une étude. « Ce n’est pas un scénario qui nous inquiète », insiste Bastien Colas. « Les falaises de Petite-Terre qui sont immergées sont déjà assez loin de la zone épicentrale. »

Et d’ajouter : « Pour améliorer la localisation des séismes, il va falloir améliorer le réseau d’observation. On a globalement des stations positionnées au sud-ouest » de la zone sismique. « Pour localiser un épicentre, il faut entourer la zone de l’épicentre par des capteurs, pour mieux estimer l’évolution du phénomène. » Actuellement, une station dans les locaux du BRGM à Mamoudzou enregistre et transmet les vibrations du sous-sol en temps réel. Deux autres stations collectent aussi les mouvements mais il faut « aller récupérer la donnée toutes les semaines. » 

Le 18 juin, le BRGM va installer un nouvel appareil en Grande-Terre. Il s’agit d’un sismomètre large bande, qui va permettre de recueillir de nouvelles bandes de fréquence. Un second appareil du même type est envisagé. « C’est la Ferrari des capteurs. C’est une station très sensible », commente la sismologue Mendy Bengoubou. Pour compléter ce dispositif, le BRGM peut compter sur des stations à Madagascar, au Kenya et depuis mercredi aux Comores. L’installation d’hydrophones, des stations en mer, se dessine également, pour acquérir un nouveau type d’ondes. « Aller voir sur place, pourquoi pas, mais pour aller voir quoi ? », s’interroge Bastien Colas, alors que de nombreux Mahorais réclament une exploration sous-marine. « À partir des enregistrements de stations, on peut avoir les informations qu’il nous faut pour préciser les localisations, les magnitudes, le type de séismes et savoir s’il y a des écoulements de fluide », met-il en exergue.

Vers des inspecteurs de diagnostic d’urgence

Les experts en mission à Mayotte vont également se concentrer sur les dégâts provoqués dans les constructions. « Les bâtiments sont tous à peu près fissurés. Il faut bien identifier là où il pourrait y avoir des risques », souligne le préfet. Les services de l’État évoquaient il y a quelques jours une soixantaine de bâtiments endommagés, mais un seul a nécessité à Mamoudzou une consolidation d’ampleur. « Il n’y a pas eu de recrudescence de signalements depuis », précise Dominique Sorain. « Mayotte est concernée par l’autoconstruction qui ne passe pas forcément par des architectes, des entreprises (…) Ce sont des défis que nous avons (…) Il y a un effort gigantesque à faire en matière de mise en sécurité et de construction de bâtiments », reconnaît le représentant de l’État.

Ainsi, Mendy Bengoubou va sillonner l’île aux parfums pour constater l’ampleur des dégâts. Actuellement, deux cabinets d’étude proposent des expertises payantes pour s’assurer de la solidité des constructions. Il n’est « pas exclu que des inspecteurs de diagnostic d’urgence fassent le tour des bâtiments » aux frais de l’État, à l’issue de la mission. La démarche est « courante après des séismes, lorsqu’ils ont été très importants », précise la sismologue. « Il y a pour l’instant un niveau d’endommagement situé dans le niveau 1 d’une échelle qui va jusqu’à 5 », ajoute Bastien Colas.

Malgré tout, l’État se prépare à un scénario catastrophe, semble-t-il improbable. Les services de secours de Mayotte sont en alerte et ceux de La Réunion et de la métropole en pré-alerte. « Un exercice a été fait en début d’année pour recenser l’ensemble des moyens qu’on pourrait envoyer », rappelle le lieutenant-colonel Galichet, officier de liaison avec le ministère de l’Intérieur.

La mission des trois experts vise aussi à « voir les améliorations éventuelles à apporter en termes de communication, de culture du risque, de sensibilisation », évoque Mendy Bengouhou.

 

 

Point sur les dernières activités sismiques

Durant la nuit du 1er  au 2 juin et durant la journée du 2 juin, l’activité sismique « reste notable avec d’assez nombreuses secousses modérées enregistrées », note la préfecture de Mayotte. « Un séisme fortement ressenti à 10h42, estimé à 5,2, est localisé dans la zone de l’essaim précédé par un événement de magnitude 4,5 à 6h16. Un séisme évalué à 5 par les centres de mesures internationaux a été ressenti (dimanche) à 9h13 à Mayotte. L’activité sismique reste toujours anormale et perdure, y compris dans la plage de magnitude des séismes pouvant être ressentis à Mayotte. L’essaim est donc toujours en cours », rappelle la préfecture.

 

Graffiti : une histoire mahoraise

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C’est une histoire belle, récente, et loin d’être terminée : Celle du graffiti dans l’île aux parfums. Bien qu’encore réservée à une poignée d’individus, leurs réalisations sont parmi les plus visibles sur le territoire. Un travail généralement apprécié par la population comme par les pouvoirs publics qui sollicitent de plus en plus ces artistes. Une belle histoire donc, qui conserve néanmoins son caractère subversif, et son lot de polémiques.  

« Voilà ! là il a une bonne tête mon maki ». Sur le terrain de boules proche du stade de Cavani, un artiste au look remarquable fait cracher ses bombes de peinture. Dreads interminables, pendentif africain et tee-shirt aux couleurs de la Jamaïque, le graffeur s’attelle à sa mission du jour : Dessiner un maki jouant à la pétanque. Pourquoi cet animal ? « C’est en quelque sorte ma signature », introduit-il. « Le maki est un emblème de Mayotte. Tout le monde peut se reconnaître dans cet animal, que vous soyez noir, m’zungu ou autre ». 

Cet artiste, c’est Papajan. Personnage bien connu des Mahorais, notamment dans le quartier de Cavani où il s’exerce régulièrement. Malgré son statut officieux d’ambassadeur du graffiti mahorais, l’homme de 45 ans, qui en parait vingt de moins, préfère se définir comme « un artiste », plutôt qu’un « graffeur ». « J’ai toujours aimé la peinture. Avant même de m’intéresser au graffiti en tant que tel, je peignais déjà sur les toiles et sur les murs », rembobine-t-il sourire aux lèvres. A fin des années 2000 l’homme découvre le graffiti grâce à une association incontournable dans le milieu du Street-Art mahorais : Hip-Hop évolution

Bien que concentré sur la danse, l’association accorde également une grande importance au graffiti qui demeure l’une des disciplines les populaires du hip-hop. « Lorsqu’Hip-hop évolution a commencé à organiser des battle de break danse à Mayotte, j’ai pu rencontrer des graffeurs étrangers et m’intéresser à cette discipline. En ramenant des bombes et des artistes, ils ont introduit des pratiques qui n’ont depuis jamais quitté le territoire », se souvient Papajan. Parmi ses rencontres : le graffeur Dezer dont les œuvres sont particulièrement visibles sur l’île. « A Mayotte il y a beaucoup de murs et palissades dégueullasses, donc beaucoup de choses à embellir. Les gens aiment la couleur. Tu peins un mur puis les gens te demandent de peindre le leur. C’est assez facile », apprécie l’artiste.  Un constat qui fait échos à une veille pratique mahoraise : l’embellissement des bangas avec le maximum de couleurs pour attirer le regard.

 

Mes galères de graffeurs dans l’océan indien 

En dépit de l’engouement provoqué par les interventions d’Hip-hop évolution, difficile pour le graffiti de pénétrer les habitudes des Mahorais. En cause notamment : la difficulté pour se fournir en bombes. « Pendant longtemps, on importait des bombes comme on importe du cannabis : en les cachant du mieux possible dans le fond sa valise. Ces dernières étant sous pression, il est en effet illégal de les faire transiter par avion sans déclaration ». Une galère bien connue d’un autre monument du graffiti dans l’océan indien ayant officié à Mayotte: Jace, l’artistes aux petits personnages sans visages appelés « gouzous ». « A la Réunion dont je suis originaire, nous avons longtemps fait office d’apprentis sorcier question peinture. On se débrouillait du mieux possible en bricolant des bombes et des couleurs avant que des magasin spécialisés fassent leur apparition », explique-t-il. Aujourd’hui, Papajan a réussi a décrocher une subvention lui permettant de commander des bombes en masse. Sa dernière folie ? « J’ai commandé une palette entière de bombe pour 2000 euros auxquels s’ajoutent 2000 euros de frais d’importation. Cela me permet de ne jamais être en galère tout en revendant ces bombes à d’autres artistes ».

Malgré cette difficulté, l’histoire du graffiti à Mayotte continue de s’écrire, notamment grâce aux commandes initiées par les pouvoirs publics. L’une des plus emblématiques : la peinture d’une fresque à la prison de Majicavo par Jace en 2014. « C’est quelque chose de fort de se dire que son œuvre va être vue tous les jours par ces hommes, parfois pour le reste de leur vie », explique l’artiste. Pour autant, cette volonté des institutions de récupérer un art populaire via des projets rémunérés n’est pas du goût de tout le monde. « C’est toujours difficile pour artiste que d’être dicté dans son travail par une institution. Mais en l’absence du statut d’intermittent du spectacle à Mayotte, les graffeurs n’ont pas d’autres choix pour vivre de leur passion », analyse Sophie Huvet administratrice bénévole à Hip-hop évolution.

Quand la jeunesse prend le relai 

A des kilomètres de cette vision du graffiti se trouve son visage le plus subservif : « le vandal ». Une pratique employée généralement par la jeunesse pour marquer son influence dans le quartier sans aspect esthétique. « Le graffiti est bien souvent utilisé par des petites bandes pour revendiquer des territoires », analyse Thierry Lizola porte parole du syndicat Alliance Police à Mayotte. 

Mais fort du travail de sensibilisation mené par ce qu’il est désormais convenu d’appeler « les anciens du graffiti », la jeunesse s’approprie également le graffiti dans d’autres aspects moins polémiques. En témoigne le travail mené par  le lycéen Ahmed Issouf  Naïsse 19 ans. Financé par Hip-hop évolution, le jeune garçon mène chaque semaine des actions pour embellir les rues de son quartier de Mandzarisoa avec d’autres jeunes. « A force d’accompagner Dezer sur le terrain j’ai commencé à me passionner pour le graffiti, et Hip-hop évolution m’a aidé à monter ce projet. Dezer c’est mon modèle, Sophie : presque une seconde mère », explique celui qui rêve de devenir pompier. Pompier le jour et graffeur la nuit ? « Pourquoi pas… Mais il faudra que je fasse attention à ne pas me faire choper ». 

 

Séismes | Des « scientifiques spécialistes en sismologie » à Mayotte

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Alors que l’essaim de séismes se poursuit sur l’île aux parfums, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, a annoncé mardi soir le « déploiement prochain d’une mission d’expertise interservices composée notamment de la sécurité civile et de scientifiques spécialistes en sismologie ».

L’activité sismique se poursuit dans le 101ème département. Mayotte a encore tremblé mercredi matin, avec notamment deux secousses très rapprochées, à 8h53 et 8h54. Le plus fort des deux tremblements était d’une magnitude estimée à 5,3 voire 5,4 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). D’autres séismes ont suivi, conduisant entre autres à l’évacuation une dizaine de minutes du tribunal de grande instance de Mamoudzou.

Ces nouvelles secousses interviennent au lendemain de plusieurs annonces, par la ministre auprès du ministre de l’Intérieur. Interrogée à la Chambre haute par le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, Jacqueline Gourault a annoncé que « des échanges sont en cours au niveau interministériel pour préparer le déploiement prochain d’une mission d’expertise interservices composée notamment de la sécurité civile et de scientifiques spécialistes en sismologie ».

Par ailleurs, bien que peu probable, l’État se prépare à une forte secousse, conduisant à des dégâts d’ampleur. « Notre état-major de zone et de protection civile de l’océan Indien a dépêché au cours de ces derniers jours une mission de reconnaissance pour anticiper une éventuelle projection de renforts et préparer le plan d’intervention », a précisé la ministre.

« Il est à prévoir que cette activité perdure sans à ce stade pouvoir en donner une durée précise (…) Quelques dégâts matériels font tous l’objet d’expertises, notamment dans les écoles de Longoni et de M’gombani. L’État mobilise aussi l’ensemble de ses services pour y répondre », a ajouté Jacqueline Gourault.

Peu avant, le sénateur Thani Mohamed Soilihi avait souligné que « cette activité [sismique] (…) dont l’intensité et la durée demeurent incalculables terrorise légitimement la population. La propagation de rumeurs sur les réseaux sociaux alimente la panique générale entraînant ainsi la saturation des standards des lignes de secours. La population, peu informée sur la conduite à tenir en pareille situation, préfère passer la nuit dehors (…) Eu égard à la précarité de l’habitat, les dégâts commencent à se faire sentir (…) Les habitations privées sont (…) touchées. S’il appartient aux propriétaires de mandater un expert pour faire constater les dommages subis, peu de familles ont en réalité les moyens financiers de faire réaliser cette expertise et le cas échéant de se reloger », s’est désolé le parlementaire, qui a souhaité une mobilisation immédiate de « moyens exceptionnels pour mieux diagnostiquer le phénomène, accompagner les familles les plus modestes mais également pour que collectivement, État, Département et communes soient mieux préparés à faire face à une crise majeure ».

À noter que la préfecture a mis en place une adresse mail (seisme@mayotte.pref.gouv.fr) « afin d’apporter des réponses aux questions que se posent encore les habitants sur ce phénomène (…) Cette adresse ne se substitue pas à la nécessité des habitants de signaler aux mairies les dégâts constatés sur les bâtiments et dans les sols« , a indiqué la préfecture par voie de communiqué mardi soir.

 

 

Séismes | Des salles de classe fermées par précaution

« À titre de précaution », des salles de cours ont été fermées dans des établissements du premier et du second degré, en raison de dégâts causés par l’essaim de séismes. À M’tsamboro, par exemple, le maire a décidé de fermer huit salles de classe ce lundi.

« Il n’y a aucune raison que les parents n’envoient pas leurs enfants à l’école », rassure le directeur de cabinet du vice-rectorat, Didier Cauret. Alors que l’essaim de séismes a causé quelques dégâts dans les établissements scolaires, le responsable indique que trois à quatre salles de classe ont été fermées dans les établissements secondaires de Dembéni, Koungou et M’gombani. À Dzoumogné, un périmètre de sécurité a été établi autour de la cheminée d’une ancienne usine sucrière, mais aucune salle de classe n’a été fermée. À Dembéni, une salle polyvalente a été condamnée, en plus de trois salles de cours. C’est l’établissement le plus impacté par l’essaim de séismes. « Ils ont réorganisé les emplois du temps et utilisent des ateliers pour les salles devenues indisponibles », détaille le directeur de cabinet. Aucun cours n’a été supprimé dans les établissements du secondaire.

« À chaque doute, on fait venir l’un des deux cabinets d’expertise », poursuit-il. Près de la moitié des établissements du secondaire ont été passés au crible, en raison de l’essaim de séismes. Les experts peuvent passer à chaque nouvelle secousse d’ampleur sur certains sites.

Pas de cours dans des écoles

Côté écoles primaires, le vice-rectorat n’était pas lundi soir en possession de toutes les informations. À Bandrélé, trois salles de classe ont été fermées par le maire. À Ouangani, un bâtiment entier de l’école maternelle Barakani 2 a été fermé mais il ne comporte qu’une salle de classe. 

« Il se peut qu’on soit entré en rotation pour accueillir les élèves dans des écoles qui n’y étaient pas », imagine-t-il, en attendant d’avoir toutes les remontées de terrain. Il faut dire que, du côté des établissements primaires, « on est plutôt dans l’accompagnement. On a demandé à nos directeurs d’école et nos inspecteurs de signaler aux mairies d’éventuels dégâts. Ce sont les maires qui appellent la préfecture. »

Puis le directeur de cabinet de préciser que, lors des précédents séismes, deux ventilateurs sont tombés à Doujani et un néon à Passamaïnty dans des établissements scolaires.

À M’tsamboro, des fissures présentes sur les murs ont condamné huit salles de classe à fermer pour un temps, ce qui représente plus de 150 élèves mais « les cours ont bien lieu », assure le directeur général des services (DGS) de la mairie de la commune, Assadillah Abdourahamani. Pour pallier le manque de structures, l’école a mis en place un fonctionnement en rotation. « Certains ont cours le matin quand d’autres viennent à l’école l’après-midi. Nous attendons encore les conclusions du bureau d’étude, qui est en charge de vérifier la solidité des bâtiments, pour ouvrir à nouveau les salles aux élèves ». La mairie devra débourser entre 800 et 1 000 euros pour connaître la décision des experts. Les conclusions devraient arriver cette semaine, espère le DGS. La situation est semblable à Koungou puisque les deux écoles primaires de la commune ont également été fermées, ce lundi, par arrêté municipal.

Dimanche soir, la préfecture a indiqué par voie de communiqué que dans le premier degré, « certaines classes ou certaines écoles ont fait l’objet de fermeture temporaire à titre de précaution, notamment à Acoua, Bandrélé, Chiconi, Koungou, Mtsamboro, Mamoudzou, Ouangani ». 

D’autre part, la commune de Chiconi a pris les devants en lançant depuis plusieurs semaines un projet d’installation d’un sismomètre dans le collège. « Le projet est en cours de réalisation », indique Frédéric Tronel, le directeur régional du Bureau de recherches géologiques et minières. Le capteur permettra de mesurer les mouvements du sol. 

 

Décès d’une fillette

À Combani, dimanche, une enfant de 4 ans est décédée après être tombée dans les latrines, alors qu’elle était sous la surveillance de sa grande soeur. Suite à sa disparition, la famille a appelé la gendarmerie puis les pompiers. La dalle des latrines a été cassée au marteaupiqueur, ce qui a permis de retrouver le corps de la fillette.

Hommage | Le sénateur Adrien Giraud rejoint le « panthéon mahorais »

Les hommages se multiplient depuis le décès jeudi soir à l’âge de 81 ans de l’ancien sénateur de Mayotte Adrien Giraud. Il a su « se dresser, résister et mobiliser pour maintenir, avec succès, notre liberté collective », déclare notamment le député Mansour Kamardine.

L’ancien sénateur de Mayotte Adrien Giraud est décédé jeudi soir au centre hospitalier de Mayotte à l’âge de 81 ans. Membre du groupe Union centriste au Sénat, il était directeur de société hôtelière de profession. Il avait été secrétaire de la commission des Affaires sociales durant son mandat de sénateur. Il avait également présidé le MDM (Mouvement pour le développement de Mayotte). 

Depuis l’annonce de son décès, les hommages se multiplient dans le 101ème département. « Mayotte perd (…) un de ses enfants terribles qui, lorsque tout semblait compromis, a su, avec quelques autres, se dresser, résister et mobiliser pour maintenir, avec succès, notre liberté collective. Il fait partie du panthéon mahorais des défenseurs résolus de Mayotte française et de la départementalisation », déclare le député du parti Les Républicains Mansour Kamardine, par voie de communiqué. « Il aura montré le chemin aux nouvelles générations », souligne également le parlementaire sur son compte Twitter.

Un héros pour le maire d’Acoua

Ahmed Darouechi, le maire d’Acoua, « au nom de l’ensemble des élus et de toute la population de sa commune, présente ses condoléances les plus attristées à la famille du sénateur Adrien Giraud qui a, pendant douze années, exercé les fonctions de conseiller général d’Acoua. Le souvenir indélébile de ses services exceptionnels rendus au canton d’Acoua et à Mayotte toute entière restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les Mahorais. Qu’il repose à jamais en paix avec tous les autres héros de notre département », rend hommage l’élu.

Le Conseil économique social et environnemental de Mayotte (Cesem) salue de son côté un « homme de dialogue, militant de la première heure pour l’accès de Mayotte au statut du Département au sein de la République française (…) Le Cesem tient à saluer sa mémoire et sa disponibilité pour le combat de Mayotte Département et en faveur du développement du territoire. »

« C’est avec beaucoup de regret que la ville de Mamoudzou a appris le décès de Monsieur Adrien Giraud, un grand Homme, qui a œuvré pour le combat de +Mayotte Française+ », met de son côté en exergue le maire de Mamoudzou, Mohamed Majani.

« Mayotte perd un grand homme qui unissait la capacité d’action et de réalisation. Adrien Giraud s’est engagé durant toute sa vie pour l’amélioration des conditions de vie des Mahoraises et des Mahorais », salue le président du Conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani. « Par son courage et par sa détermination, il était un ardent défenseur de la départementalisation et de l’ancrage de Mayotte dans la République. » Le Département a mis en place des rotations gratuites de la barge pour les piétons, dimanche, afin que les Mahorais puissent participer aux cérémonies funéraires, qui ont eu lieu à l’église Saint-Michel de Dzaoudzi.

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes