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À Mayotte, les aidants familiaux ne veulent pas être oubliés

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Le confinement est un nouveau coup dur pour les aidants bénévoles qui aident un proche malade ou en perte d’autonomie à domicile. Et par les temps qui courent, la directrice de l’association départementale des aidants familiaux de Mayotte ne supporte plus le manque de reconnaissance à leur égard. Témoignage.

Depuis maintenant cinq ans, Hassanti Oumouri prend soin de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Comme elle, ils sont plusieurs centaines de personnes à Mayotte, d’après ses propres estimations basées sur un grand carnet dans lequel elle note tous ses contacts. On les appelle les aidants familiaux : contrairement aux aidants professionnels, ou auxiliaires de vie, ces bénévoles sont généralement un proche désigné comme responsable d’un membre de leur famille malade, handicapé, ou en perte d’autonomie. Régulièrement, ils déplorent un manque d’accompagnement, de structure pour les décharger de temps en temps, et de reconnaissance. C’est d’ailleurs pour cette raison que la femme d’une cinquantaine d’années a décidé de créer l’association départementale des aidants familiaux de Mayotte (ADAFM), il y a maintenant trois ans, pour se soutenir les uns les autres et faire remonter leurs besoins. Mais aujourd’hui, Hassanti Oumouri l’assure : “la situation est encore pire qu’avant.”

En cause, bien sûr, le confinement, qui a déjà mis un point d’arrêt à leurs rencontres régulières. “Normalement, je vais souvent voir les autres aidants de Passamaïnty, de Vahibé, de Cavani, mais maintenant surtout pas ! On reste tous enfermés chez nous pour protéger notre proche malade”, décrit-elle. Ce qui n’empêche pas cette habitante de Passamaïnty de prendre régulièrement des nouvelles : “on se contacte chaque jour, parfois on s’appelle aussi par groupe de 5, je ne sais pas trop comment ça marche, mais l’un d’entre nous a réussi à faire ça”, raconte aussi la présidente de l’association, qui ne maîtrise pas beaucoup ces outils numériques. “Oui, c’est une vidéo, oui”, confirme-t-elle quand on lui décrit le dispositif de visioconférence. À défaut de pouvoir sortir prendre l’air, les aidants peuvent en tout cas, grâce à ce système, garder un peu le moral en ces temps d’isolement. Hassanti Oumouri compose aussi régulièrement les numéros dans son carnet d’adresses, pour “demander comment ça va, comment va la maman”.

Frappés par la crise de l’économie informelle

C’est donc tout naturellement vers elle que ces aidants bénévoles, sans formation et souvent démunis face aux besoins de soin de la personne malade, se tournent pour obtenir à leur tour de l’aide. Et les témoignages de détresse affluent de toutes parts, ces jours-ci. En effet, l’activité d’aidant n’est souvent pas compatible avec un emploi à plein temps, et la plupart profite de rares heures de liberté en temps normal pour “vendre des tomates, se faire un peu d’argent au bazar de Mamoudzou”, cite-t-elle par exemple. “Pour ma part, je suis une petite commerçante, d’habitude je vends quelques habits ici chez moi, je gagne parfois vingt euros par jour, parfois quarante.” Or confinement oblige, toutes ces activités ont été interrompues, et les aidants ne sont donc pas épargnés par la crise que connaît l’économie informelle de Mayotte. “Ils ne savent pas quoi donner à manger à leur proche ; moi de mon côté, je rationne un peu depuis le début pour ne pas manquer”, souligne Hassanti Oumouri.

S’il n’existe pas de statut officiel pour eux, normalement, ces proches aidants ont droit à une rémunération, ou plutôt une compensation calculée sur la base des heures passées. La personne aidée, si elle en a les moyens, ou si elle perçoit l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), ou la prestation de compensation du handicap (PCH), peut rémunérer le proche désigné. “C’est assez

variable, mais cela leur permet de toucher en moyenne 200 euros par mois”, estime Enrafati Djihadi, la directrice de l’union départementale des associations familiales (UDAF). Pourtant, d’après Hassanti Oumouri, les aidants mahorais sont nombreux à ne plus percevoir ce coup de pouce financier, et ce depuis un ou deux ans. En cause, un changement dans le dispositif du PCH. “Avant c’était le conseil départemental qui s’occupait des dossiers, et désormais, c’est aux aidants eux-mêmes de réunir les pièces pour obtenir cette compensation financière”, explique Enrafati Djihadi. Mais “la plupart des aidants ne savent ni lire ni écrire, alors quand on leur dit de courir partout pour faire des dossiers, ils finissent souvent par rester chez eux et se débrouillent par eux-mêmes”, soupire Hassanti Oumouri.

Des familles sans réponse

Face à cette situation, aujourd’hui aggravée par le confinement et l’impossibilité de récolter quelques euros à la sauvette, l’aidante familiale déplore donc le manque d’aides qui leur sont destinées. “Certains m’appellent pour me dire qu’ils n’arrivent à rien obtenir de la part des CCAS”, rapporte-t-elle. En cause, suppose Enrafati Djihadi, un certain embouteillage des aides alimentaires. Face à l’affluence, toutes les familles ne peuvent être traitées en même temps : “certaines personnes n’ont pas encore de réponse, car elles ne sont pas forcément connues, donc elles ne sont pas sur les listes du CCAS, ou leur situation n’est pas prioritaire, mais nous devons clarifier avec l’ensemble des acteurs quelles réponses apporter à ceux qui sont dans ce cas”, développe-t-elle. Au CCAS de Mamoudzou, on assure d’ailleurs qu’aucune demande n’a été rejetée, à proprement parler. “Il y a des travailleurs sociaux qui procèdent aux évaluations sociales au téléphone pour déterminer les aides à fournir, mais il n’y a pas de question d’éligibilité”, défend Anziza Daoud, la directrice. “Il y a déjà eu une distribution alimentaire, qui n’a certes pas pu suffire pour tout le monde, mais j’invite les personnes qui n’ont pas encore pu en bénéficier à se faire connaître pour les futures distributions”. Mais la directrice de l’association des aidants ne comprend pas, de son côté, pourquoi personne n’a pensé à la concerter en amont. “J’aimerais bien qu’on nous appelle ! Personne ne se préoccupe de notre cas, alors que beaucoup d’entre nous souffrent”, conclut-elle.

 

Confinement difficile pour les étudiants mahorais qui demandent à rentrer chez eux

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Le Collectif des citoyens de Mayotte a demandé aux autorités locales ainsi qu’à la ministre des Outre-Mer le rapatriement des étudiants mahorais se trouvant seuls en métropole et à La Réunion, pendant le confinement. Les principaux concernés redoutent l’approche du mois de ramadan qu’ils devront passer loin de leurs proches.

“On a envie de rentrer chez nous, d’aller voir nos familles et de passer le ramadan avec elles.” Fayza Houmadi n’est pas un cas isolé. Cette étudiante, également présidente de l’association des étudiants mahorais de Montpellier, redoute l‘approche du ramadan. Le confinement est une période difficile, particulièrement pour les étudiants mahorais qui se retrouvent seuls dans des résidences universitaires souvent vidées de leurs occupants. Jusqu’alors ils se sont pliés aux consignes comme tout le monde, mais le ramadan débutera dans quelques jours et cette période de partage risque d’être mal vécue par les étudiants mahorais isolés. “C’est un moment qu’on aime passer en famille. Ici on s’arrange pour rester entre amis, mais même cela ne sera plus possible. J’appréhende un peu”, confesse Fayza.

C’est la raison pour laquelle le Collectif des citoyens de Mayotte a demandé, dans une lettre ouverte, au préfet, au président du conseil départemental et à la ministre des Outre-mer, le rapatriement des étudiants mahorais isolés en métropole et à La Réunion. Ces étudiants seraient “actuellement confinés dans la plus grande détresse. Beaucoup subissent une solitude, un stress alarmant dont nous craignons les conséquences psychologiques qu’un ramadan isolé pourrait aggraver”, indique le collectif. Il demande que l’aide annoncée par le président de la République aux étudiants ultramarins soit utilisée pour ramener les étudiants chez eux. Ces derniers observeraient une quatorzaine “sur leur île natale avant de rejoindre leur foyer”, précise le Collectif des citoyens de Mayotte.

Cependant, cette hypothèse n’est pas soutenue par tous. Nour, étudiant mahorais à Valenciennes pense que le rapatriement est une fausse bonne idée. “C’est une bombe sanitaire qu’on enverra à Mayotte si le projet se concrétise. Il suffit qu’une personne soit contaminée dans l’avion pour que le virus se propage. Et même si on les met en quatorzaine, je ne pense pas que Mayotte ait les capacités de confiner des milliers ou même des centaines d’étudiants en même temps.”

Un confinement qui augmente les dépenses des étudiants

L’isolement n’est pas l’unique souci que rencontrent ces étudiants mahorais. Le confinement a généré des dépenses supplémentaires souvent inattendues. “Pour assurer la continuité pédagogique, j’ai dû acheter un ordinateur parce que je n’en n’avais pas et j’utilisais ceux de l’université. C’est une dépense qui m’a mise dans le rouge mais je n’avais pas le choix”, témoigne Haithia, étudiante à Toulouse. Cette Mahoraise est arrivée en métropole en septembre 2019. Elle a dû s’adapter au changement auquel font face tous les étudiants mahorais, mais le confinement ne lui facilite pas la tâche. “Je ne pensais pas passer ma première année ici comme ça. Le confinement a un peu tout chamboulé mais heureusement je reste proche de ma famille à Mayotte.” Et elle ne peut compter que sur un soutien psychologique puisque sa famille est dans l’incapacité de l’aider financièrement. La jeune fille doit donc se débrouiller avec une bourse de 300€ par mois. “Cela ne suffit plus parce que je fais beaucoup plus de courses. Avant, il me suffisait de 50€ par mois, maintenant le prix de mon panier a doublé”, explique-t-elle. Même constat chez Nour, qui a dû également investir afin de ne pas perturber son année scolaire. “J’ai acheté une imprimante pour les documents nécessaires. Avant je le faisais à la fac. Mes charges ont également augmenté puisque je suis tout le temps à la maison.”

Les bourses ont été versées plus tôt que prévu ce mois-ci, et tous en sont reconnaissants. Mais ils savent que cela n’est pas la solution à tous leurs problèmes. Quant aux étudiants non boursiers, leur situation est plus précaire car beaucoup exerçaient un job étudiant pour subvenir à leurs besoins. Ils se retrouvent aujourd’hui sans ressources, mais doivent continuer à payer leurs charges. “Le Crous a décidé que les étudiants qui ont quitté leur logement universitaire pour rejoindre leurs proches n’ont pas à payer le loyer. Mais qu’en est-il des ultramarins comme nous qui n’avons pas de famille et qui sommes obligés de rester dans nos chambres universitaires ?”, s’interroge la présidente de l’association des étudiants mahorais de Montpellier. Une question légitime quand on sait que le confinement met à mal de nombreux parents qui se retrouvent au chômage et qui sont dans l’incapacité d’aider leurs enfants.

 

À Mayotte, un ramadan confiné

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La question était dans l’esprit de tous : comment se déroulerait le ramadan en cette période de confinement ? Les préconisations du conseil cadial sont tombées hier. Et priorité absolue est donnée aux règles actuellement en vigueur. En conséquence, c’est un ramadan confiné qui débutera le 23 avril prochain.

“Nous espérons désormais pouvoir être réunis pour l’Aïd”, confie Younoussa Abaine, à la tête de la direction départementale de la cohésion sociale. Car pour célébrer la fin du ramadan, “les cadis dans les communes sont priés d’observer la lune. Les prières en groupe ne seront pas accomplies si jamais le confinement est maintenu”. En cause : le confinement national prolongé jusqu’au 11 mai, comme annoncé lundi soir par le président de la République, Emmanuel Macron, et qui a des répercussions sur le ramadan, qui débute cette année le 23 avril.

Dans les faits, donc, il n’y aura pas d’aménagement du confinement durant ce mois sacré pour les musulmans. C’est ce qu’a préconisé, hier, le conseil cadial. “Le respect du confinement est le seul moyen d’en sortir vite”, explique-t-il, précisant que la fermeture des mosquées et l’interdiction des prières en groupe demeuraient valables jusqu’à la levée de la réglementation en vigueur par les autorités. “Néanmoins, il est primordial de rappeler aux fidèles les vertus des prières à la maison en famille. La prière dite Tarawih, spécifique au mois du ramadan, très assistée par les fidèles, n’est en aucun cas obligatoire. Elle peut être accomplie individuellement à la maison”, précise-t-il.

Quant aux traditionnels foutaris, il faudra également s’en passer, ou en tout cas les pratiquer de manière extrêmement raisonnée. “Les attroupements dus aux invitations pour la rupture du jeûne, que ce soit sur le plan familial ou villageois, sont proscrits. La rupture du jeûne doit se limiter aux noyaux nucléaires de la famille”, préconisent les autorités religieuses.

Les questions que se posaient les fidèles trouvent donc une réponse, une dizaine de jours après la constitution par le préfet d’un groupe de réflexion sur le sujet. Jean-François Colombet l’expliquait dans un entretien qu’il nous avait alors accordé : “Cette période est extrêmement importante pour ceux qui pratiquent le culte que nous retrouvons majoritairement à Mayotte. Or, nous avons une équation à résoudre : une pratique du ramadan égale à une non-prolifération du Covid-19. (…) Je compte faire appel à des responsables comme les parlementaires, quelques maires, le grand cadi, etc. En somme, des personnes qui pourront réfléchir au sujet et formuler (…) des propositions pour répondre à cette question : comment conjuguer la fête du ramadan et la protection individuelle de chacun contre le virus ?”

La question de l’approvisionnement

Autre point d’importance : celui des attroupements de population lorsqu’il faut se ravitailler. On le sait, période de partage oblige, les foutaris proposent des tables aux mets nombreux et en grosse quantité. En ce sens, le conseil cadial invite les autorités municipales à “organiser des marchés dans les communes durant les week-ends, pour permettre aux habitants de s’approvisionner en produits locaux, bien prisés pendant le ramadan”.

Enfin, en ce qui concerne l’entraide aux plus défavorisés, “les associations caritatives musulmanes et les associations partenaires sont autorisées à collecter et distribuer des colis alimentaires pour le mois de ramadan, afin de faciliter le jeûne aux personnes démunies et sans ressources.” Des associations qui peuvent également “anticiper la distribution de la zakat, troisième pilier de l’islam, et l’étaler sur le long du mois du ramadan.”

 

Les chauffeurs de taxi en panne de solutions

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Les chauffeurs de taxi sont également embourbés dans la complexité des différents dispositifs proposés au niveau national et départemental. Depuis le début du confinement, ils revendiquent des mesures claires et précises qui définiraient les conditions qui s’appliquent à leur métier durant la crise. Mais pour le moment, la coopérative des chauffeurs de taxi et la préfecture semblent s’être mises d’accord uniquement sur la question sanitaire. “Il ne doit y avoir que deux passagers sur une banquette. Chacun doit être à l’extrémité côté fenêtre afin de respecter la distance d’un mètre”, explique Denis Schoumacher, directeur de la coopérative Taxi Vanille 976. Ce qui signifie que les chauffeurs roulent à perte puisque les autres places ne doivent pas être occupées. S’il a été envisagé dans un premier temps d’augmenter les tarifs, cette idée a rapidement été évincée. “Nous nous sommes rendu compte que cela allait plus desservir les chauffeurs déclarés au profit des taxis clandestins”, précise le directeur de la coopérative. C’est donc tout naturellement que dans un premier temps, les taximen se sont tournés vers le fonds de solidarité nationale, mais la procédure est très complexe et les chauffeurs de taxis mahorais ne peuvent pas y prétendre. “Nous avons alors essayé de solliciter l’aide proposée par le conseil départemental, mais il s’avère qu’ils demandent exactement les mêmes documents, nous sommes une nouvelle fois bloqués et ne pouvons y prétendre”, affirme Denis Schoumacher. Chaque entreprise doit justifier une perte de son chiffre d’affaires d’au moins 50 %, et elle doit être à jour dans ses cotisations fiscales et sociales. Mais selon le directeur de la coopérative des taxis, “depuis 2018 les chauffeurs de taxi ne sont pas à jour dans leurs cotisations et il leur est quasi impossible de justifier la perte de revenu”. Une complexité déplorée par Salama Ramia, la directrice du développement économique à la chambre des métiers et de l’artisanat. “Nous pensions que les dispositifs mis en place par le conseil départemental allaient être plus souples, mais ce n’est pas le cas. Pour le moment aucun dossier que j’ai étudié n’est éligible à ces aides.” En effet, elle explique que pour pouvoir bénéficier des 2.000 euros annoncés par le département, il faut dans un premier temps obtenir les 1500 euros octroyés au niveau national. Le département a alors proposé une aide de 1.000 euros pour toutes les entreprises qui ne peuvent bénéficier de ces deux premières aides, mais là encore le parcours est semé d’embuches. “Ils demandent des documents qui sont difficiles à obtenir pour les commerçants ou artisans. Notamment l’attestation fiscale qui prouve qu’ils sont à jour au niveau du fisc alors qu’on sait très bien qu’elles ne le sont pas, car ce sont des personnes en difficulté,” dénonce Salama Ramia. Les artisans pourraient à la place donner une attestation sociale fournie par la Caisse de sécurité sociale, mais pour le moment rien n’est sûr. “Honnêtement si la situation reste comme ça, presque aucune entreprise ne pourra bénéficier des aides départementales”, prévient la directrice du développement économique à la chambre des métiers et de l’artisanat. Quant au directeur de la coopérative des taxis : “le conseil départemental ne sait pas comment fonctionnent les petites entreprises mahoraises. C’est quand même un petit peu embêtant…”, regrette-t-il.

Rentrée des classes le 11 mai : Oui mais à plusieurs conditions pour Mayotte

Lundi soir, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la possible réouverture des établissements scolaires, si la tendance sur la propagation du Coronavirus venait à se confirmer. À Mayotte, le recteur Gilles Halbout explique qu’une vaste concertation va avoir lieu dans les prochains jours avec les organisations syndicales et les parents d’élèves pour décider de la marche à suivre. En ayant toujours en tête la sécurité sanitaire et le volet social.

Flash Infos : Dans son allocution, le président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué le 11 mai pour envisager un retour des élèves sur les bancs de l’école. Comment allez-vous vous préparer à cette date butoir ?

Gilles Halbout : Le président l’a bien dit, nous entrons dans une période de deux semaines de concertation, avec des réunions entre le ministère de l’Éducation nationale et les organisations syndicales nationales et celles des parents d’élèves. À Mayotte comme ailleurs, nous allons faire de même à notre niveau. Chaque recteur fera ensuite remonter la tendance à l’issue de ces discussions qui doivent durer jusque mardi prochain. Le gouvernement ne se décidera pas avant la fin de la semaine prochaine. Il va analyser et prendre le pouls chez les pays voisins. Nous ne partons pas d’une page blanche, mais nous écouterons tout le monde. Nous échangerons également avec les collectivités territoriales, comme le Département qui a en charge les transports scolaires, mais aussi les mairies qui s’occupent des écoles du premier degré, des cantines et du périscolaire. L’autre particularité du territoire est la prise en compte de l’aspect sécuritaire aux abords des établissements. Nous avons déjà commencé à en discuter avec le préfet et les forces de l’ordre.

FI : Mayotte se retrouve, comme bien souvent, dans une situation singulière, avec une propagation du virus beaucoup plus tardive par rapport à la métropole. Si les mesures de confinement sont intervenues trois jours après l’apparition du premier cas de Coronavirus, elles n’enlèvent pas les craintes des uns et des autres?

G. H. : Tout à fait, nous devons intégrer cette appréhension sur la sécurité sanitaire dans notre réflexion. Que ce soit les organisations syndicales, les parents d’élèves ou moi-même, aucun de nous n’est spécialisé dans la propagation du virus, les risques statistiques ou les problèmes de contagion. La dimension sanitaire sera globalement appréhendée par les experts, qui dévoileront en temps et en heure si tous les enfants et/ou tous les enseignants doivent par exemple porter des masques. En tout cas, nous suivrons ces conclusions.

FI : Justement, des parents et enseignants refusent d’ores et déjà de reprendre le chemin de l’école dans des conditions aussi hasardeuses. Comment appréhendez-vous leurs réactions ?

G. H. : Un certain nombre de réserves seront mises sur la table lors des concertations. Nous tâcherons d’y apporter des réponses ! Un droit de retrait est justifié quand les mesures sur lesquelles nous avons convergé ne sont pas mises en œuvre. Si demain, le choix est de faire porter des masques à tout le monde, il faudra assurer. Après, si nous ne sommes pas prêts à l’instant T, nous décalerons de quelques jours. C’est aussi de la responsabilité du recteur de ne pas envoyer les enfants et les adultes dans une situation de danger. Mais ce ne sera pas une décision unilatérale, je le répète !

FI : Si certains n’envisagent pas de revenir le 11 mai, pour d’autres le temps presse…

G. H. : L’aspect social est évidemment primordial. L’Éducation nationale ne doit pas laisser sur le carreau des jeunes en difficulté. Nous savons que les enfants confinés n’avancent pas à la même

vitesse : il y a ceux qui vivent dans un environnement familial avec Internet et des parents derrière leur dos et il y a ceux qui vivent dans des bidonvilles sans électricité avec des parents qui ne parlent pas le français. Plus tôt nous rouvrirons, mieux ce sera pour ces publics défavorisés. L’une des priorités reste de ne pas agrandir les écarts sociaux. Même si nous faisons tout depuis le début du confinement pour prendre de leurs nouvelles et réaliser des distributions de devoirs dans le cadre de la continuité pédagogique, et que nous lançons des opérations avec des associations pour leur fournir des forfaits Internet, nous n’arriverons jamais à tout résoudre…

FI : Autre point à prendre en considération est la faim qui gagne une partie de vos élèves en cette période de confinement. Cette réalité pèse-t-elle dans la balance ?

G. H. : Bien sûr ! Pour certains, la collation de l’école correspond au seul repas de la journée. C’est un argument qui n’est pas négligeable… Hier, j’ai pris connaissance de la cagnotte mise en ligne par certains enseignants du collège de Passamaïnty (voir Flash Infos du mardi 14 avril). Je dispose d’une enveloppe de 10.000 euros pour apporter des carnets de bons alimentaires de l’ordre de 35 euros. Le conseil que je leur donnerais est de prendre contact avec la direction de leur établissement pour que nous puissions les épauler dans leurs missions. Qu’ils n’hésitent pas, nous sommes là pour ça, nous procédons déjà de cette manière avec quelques associations ! Nous essayons simplement de ne pas faire de distributions massives pour ne pas créer d’engorgements et de scènes de liesse comme nous avons pu en voir dans d’autres endroits.

FI : Dans quel état d’esprit pensez-vous retrouver le corps enseignant ainsi que les élèves ?

G. H. : Nous n’allons pas recommencer l’école comme nous l’avons quittée en février avant les vacances. Elle sera différente et adaptée à la situation sanitaire, mais aussi au public. Nous aurons une réflexion pédagogique et éducative. D’habitude, durant les mois de mai et juin, nous levons un peu le pied à l’approche des examens. Cette année, au contraire, nous voudrons profiter des dernières semaines pour rattraper l’éventuel retard accumulé. Mais n’oublions pas que nous allons revenir dans une situation particulière, avec peut-être un port de masque. Il va falloir que nous parlions de cette épidémie, sachant qu’elle ne sera certainement pas terminée le 11 mai. Il faudra en profiter pour continuer à sensibiliser sur toutes les conduites à tenir.

J’avais également un peu anticipé la reprise des cours. C’est la raison pour laquelle, j’ai accordé quelques jours de repos aux enseignants qui travaillent derrière leur écran depuis près d’un mois pour couper la poire en deux et souffler avant la probable réouverture des établissements scolaires. Si la semaine du 11 mai risque certainement d’être un peu particulière, nous aurons encore sept semaines de travail pour offrir un avenir meilleur à nos élèves.

 

Les confinés du RSMA, acte 2

Après les rapatriés de Madascagar, la caserne militaire de Combani accueille, depuis lundi, une soixantaine de Mahorais jusqu’alors bloqués aux Comores. Parmi eux, des personnes âgées ont présenté des certificats médicaux faisant état du risque que cet isolement collectif pouvait représenter pour leur santé. Jusqu’à ce que l’État n’en décide autrement.

“Je suis hôtelier depuis 15 jours !”, s’amuse le lieutenant-colonel Frédéric Jardin, commandant du régiment de service militaire adapté (RSMA) de Mayotte. Alors que deux semaines plus tôt, la caserne de Combani ouvrait ses portes aux 104 rapatriés de Madagascar placés là en quatorzaine et sortis ce week-end, ce sont 66 Mahorais, ramenés cette fois d’Anjouan et Moroni lundi qui ont intégré l’enceinte militaire pour y passer, à leur tour, deux semaines d’isolement strict. Et si certains dysfonctionnements de la première expérience ont pu être réglés par les autorités, d’autres incompréhensions émergent.

Contrairement au scénario qui se jouait 15 jours plus tôt, la soixantaine de rapatriés s’est vu fournir des masques de protection dès leur embarquement depuis l’Union des Comores. Arrivés à Mayotte, ils ont tous été pris en charge, directement sur le tarmac, par deux médecins et sept infirmiers qui ont pris la température de chacun des voyageurs. Trois d’entre eux ont ainsi immédiatement été évacués vers le CHM du fait de leur état de santé fragile. Deux de ces personnes ont pu regagner leur domicile, où elles sont évidemment soumises au confinement. La troisième est encore hospitalisée.

Mais parmi les 66 rapatriés restants à l’aéroport, un sexagénaire et une octogénaire ont présenté au personnel soignant des attestations médicales notifiant le risque que pouvait représenter un isolement au milieu de dizaines d’autres personnes, alors qu’elles suivent elles-mêmes un lourd traitement. L’homme, atteint d’une maladie chronique grave, a ainsi ramené dans ses valises deux certificats médicaux, signés par un médecin mahorais pour le premier, et par un Réunionnais pour le second. Les documents faisant communément état d’un “risque de forme grave d’infection COVID compte tenu des traitements pris” et préconisant un confinement “seul”. Pourtant, à l’issue du contrôle sanitaire, les personnels hospitaliers ont estimé que ces deux individus étaient en état de rejoindre le RSMA. L’octogénaire, elle, a dû en être évacuée quelques heures plus tard après intervention de son médecin traitant, celui-là même qui avait signé son certificat. Concernant le deuxième cas, il devrait être ausculté ce mercredi par un médecin de l’hôpital qui statuera, ou non, sur son maintien au sein de la caserne.

Pendant ce temps, les autres confinés, parmi lesquels deux femmes enceintes de sept et huit mois, des enfants asthmatiques et plusieurs diabétiques, sont suivis chaque jour par une infirmière scolaire bénévole, qui est chargée, notamment, d’assurer la continuité des traitements. Mardi, à l’issue des premières consultations au RSMA, elle a ainsi recensé toutes les ordonnances – dont certaines avaient été, la veille, renouvelées in extremis sur le tarmac par les médecins du CHM – afin de fournir les médicaments manquants depuis le rapatriement. Deux semaines plus tôt, les Mahorais rentrés de Madagascar avaient dû attendre plusieurs jours avant de pouvoir recevoir leur traitement.

Les conditions de vie, elles, n’ont en revanche guère changé. Installés dans des chambres de deux à quatre personnes, les “résidents” de la caserne sont toujours tenus de nettoyer eux-mêmes les espaces communs où les gestes barrières sont, souvent, difficilement applicables, la soixantaine de personnes partageant les mêmes douches et sanitaires. “On nous traite comme si nous étions déjà malades”, avoue une source sur place. Mais alors que dans l’ombre de l’épidémie de Covid-19, celle de la dengue avance encore, aucun spray répulsif ou moustiquaire n’a encore été distribué.

Interrogée quant à la situation de ces 66 confinés dont le sort a été décidé par le ministère de l’Intérieur, l’agence régionale de santé semble se désolidariser de cette décision : “L’ARS ne cautionne pas forcément cette mesure qui ne fait pas l’unanimité, mais ça vient de l’État et nous devons l’appliquer.”

 

Les aides aux entreprises, une machine encore mal rôdée à Mayotte

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Le conseil départemental vient de mettre sur pied sa propre plateforme en ligne, qui a reçu 40 demandes ou dossiers remplis le premier jour, pour proposer de nouvelles aides financières aux entreprises, frappées de plein fouet par la crise liée au Covid-19. Mais malgré tous les dispositifs lancés par l’État et les collectivités, les entreprises n’y trouvent pas toujours leurs comptes.

Délais interminables, lourdeurs administratives, pièces manquantes : Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hotel de Mamoudzou, est passé par toutes ces phases laborieuses dans ses tentatives pour accéder aux fameuses aides aux entreprises. À tel point qu’aujourd’hui, on lui diagnostiquerait presque une bonne vieille phobie administrative. Et tout ça, pour 1.000, 1.500, 2.000 euros ? “Clairement, j’ai perdu plus de temps à remplir des dossiers que je n’ai gagné d’argent”, s’agace le chef d’entreprise. Même si, il faut le dire, le patron a quand même réussi à tirer un peu son épingle du jeu ces derniers jours, en obtenant enfin le prêt garanti par l’État à la BFC, et une réponse positive à sa demande d’activité partielle. Mais il lui aura fallu batailler pendant au moins trois semaines pour se voir accorder ces aides, qui “vont tout juste couvrir les salaires”, maugrée-t-il. Alors, la nouvelle plateforme du conseil départemental, très peu pour lui. “Proposer 1.000 euros aux entreprises, c’est se moquer du monde”, abonde-t-il encore. “De quoi payer l’électricité et un quart de l’eau”.

Si le montant risque en effet d’en émouvoir plus d’un, ces nouvelles aides du conseil départemental ajoutent toutefois une nouvelle pierre à l’édifice. Elles doivent ainsi permettre aux entreprises de survivre à la crise économique qui se profile à cause du confinement. Décidés lors de l’assemblée plénière du 3 avril, ces dispositifs locaux viennent compléter et adapter à Mayotte, les mesures nationales que sont le PGE, le prêt garanti par l’État, et le fonds de solidarité qui permet en théorie d’octroyer une aide de 1.500 euros aux entrepreneurs. Dans les faits, peu d’entreprises mahoraises pouvaient bénéficier de ce fonds de solidarité, destiné aux entreprises qui emploient entre 1 et 10 salariés, car à Mayotte, beaucoup d’entre elles sont unipersonnelles. D’où la nécessité de créer “un fonds qui sera en mesure de répondre aux spécificités locales, notamment, les TPE et les micro-entreprises qui représentent 80 % du tissu local”, peut-on lire dans le règlement d’intervention publié par le conseil départemental.

Trois dispositifs en plus mais peu de budget

En tout ce sont donc trois dispositifs supplémentaires qui ont été mis en place par l’instance locale. Le fonds de solidarité complémentaire vient compléter l’aide de 1.500 euros prévue par l’État par une autre aide de 2.000 euros, cumulable, à destination elle aussi des très petites entreprises, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales ayant un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros et un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros. Près de 500 entreprises devraient être concernées par cette enveloppe de 1 million d’euros. Le fonds de soutien départemental s’adresse lui davantage aux entreprises qui ont moins d’un salarié, qui pourront bénéficier de cette aide locale de 1.000 euros, non cumulable avec la précédente, mais cumulable sous conditions au fonds de solidarité de l’État. L’enveloppe de 10 millions d’euros pourrait toucher quelque 10.000 entreprises. Enfin, un prêt d’honneur à taux zéro de 3 millions d’euros, pour un montant maximum de 30.000 euros par entreprise, devrait aider à reconstituer les trésoreries après le confinement.

Mais ces enveloppes pourraient malgré tout ne pas suffire à préserver le tissu économique local. “Vu la situation, je pense qu’au moins 40 à 45 % des entreprises vont fermer d’ici l’année prochaine”, présage Bruno Garcia, qui insiste sur les impacts à long terme pour les employeurs. Des aides

difficiles à obtenir, avec des budgets trop faibles, c’est aussi le constat que fait Bourahima Ali Ousseni, le président de la CPME qui représente les petites et moyennes entreprises de Mayotte. “Le prêt d’honneur c’est une bonne mesure, mais avec un budget alloué de 3 millions d’euros, il n’y a guère que cent entreprises qui vont pouvoir en bénéficier”, s’inquiète le représentant des entrepreneurs. “Sur le fonds de solidarité de l’État, les dernières demandes remontent à deux semaines et je ne crois pas que quiconque ait perçu un euro pour l’instant”, signale-t-il aussi. Du côté de la CCI et du conseil départemental, on plaide toutefois pour plus de patience. Avec les six dispositifs d’aides possibles, chaque entreprise doit pouvoir trouver une réponse adaptée à sa situation, “il faut juste que la machine se rôde”, justifie Zoubair Alonzo, directeur général de la CCI, la chambre de commerce et d’industrie qui gère la cellule d’urgence pour aiguiller les entrepreneurs dans leurs démarches.

Rentrer dans les clous de l’administration

Mais encore faut-il, pour cela, rentrer dans les clous de l’administration. Cette difficulté supplémentaire concerne beaucoup d’entreprises qui ne sont pas bancarisées, peu connues des services fiscaux ou ne savent pas où trouver les pièces justificatives à fournir. Sont notamment dans ce cas de figure les petits commerçants, ceux qui vendent sur les marchés de Mayotte, ou encore les chauffeurs de taxi (voir encadré). Pour ces situations assez spécifiques à Mayotte, il faut aller plus loin dans les dispositifs d’aide, juge Bourahima Ali Ousseni. “Toutes ces aides économiques s’adressent aux entreprises formelles”, met toutefois en garde le directeur de la CCI, en guise de réponse. “Le fonds de solidarité, nous l’avons simplifié au maximum, nous demandons juste une attestation sociale de 2018. Pas de 2019, ni de 2020, je ne peux pas croire qu’une entreprise formelle puisse avoir trois ans de retard dans sa régularisation”. Mais au cas où, Bourahima Ali Ousseni propose justement de profiter de cette crise pour accompagner ces personnes dans leur régularisation, “par exemple en proposant des chèques-conseils de 300, 500 euros pour les aider à mettre leur paperasserie à jour”, résume-t-il. Une façon de mieux s’armer, lorsqu’une autre crise viendra porter un nouveau coup dur à cette économie locale.

 

Les Faszoi promettent une mobilisation “sereine et organisée” sur le territoire de Mayotte

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Alors que le porte-hélicoptères Mistral doit faire son entrée d’ici jeudi dans les eaux du 101ème département avec à son bord, pas moins de 300 tonnes de fret, le général Yves Métayer, commandant des forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) et le capitaine de vaisseau Vincent Sébastien font le point sur le soutien – essentiellement logistique – que les militaires comptent apporter à Mayotte durant la crise.

“Nous avons à cœur d’agir avec le plus de sérénité et d’organisation possible”, explique en préambule le général Métayer. Avant de lister les différents secteurs d’appui sur lesquels les Forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) comptent intervenir. Que ce soit par les airs, la mer ou sur terre. “Pour la composante terrestre, c’est le détachement de la Légion étrangère de Mayotte qui contribue à une opération humanitaire de distribution de denrées, c’est le 2ème RPIMA qui s’engage pour aller chercher des stocks de masques et les sécuriser ainsi que de participer également à des opérations de distribution. Pour la composante aérienne, c’est un CASA de l’escadron de transport qui a réalisé une première rotation au profit de Mayotte la semaine dernière, c’est également des travaux qui visent à trouver des solutions techniques pour qu’un tel avion en version évacuation médical soit capable de prendre en charge un ou deux patients en réanimation atteints du Covid”, détaille-t-il, ajoutant que sur ce dernier point, il s’agit “d’un vrai défi technique, mais que nous sommes en passe de relever”.

Mais c’est bien en mer, avec les immenses capacités du porte-hélicoptères, deuxième plus gros bâtiment après le Charles-de-Gaulle, que se joue un point des plus cruciaux dans l’assistance à notre territoire. “Au niveau maritime, on note la mobilisation du Champlain qui a pu livrer ces derniers jours un stock d’oxygène pour le territoire. La frégate Nivôse y est également déployée et bien évidemment, il y a cet élément essentiel pour nous dans le cadre de notre action qui est la mission Jeanne-D’Arc présente dans la zone avec le PHA Le Mistral et qui nous apporte toute une palette de capacités très polyvalentes”, assure encore le général Métayer.

Si nombre d’observateurs ont pu déplorer que le navire ne puisse opérer de soutien médical en l’absence de configuration de type navire-hôpital, le Mistral opérera toutefois une mission majeure pour le département. “Nous avons en plus de différentes capacités, d’immenses possibilités de chargement, jusqu’à mille tonnes, avec ce bâtiment, et c’est la raison pour laquelle nous avons accosté le 10 avril à La Réunion pour charger entre 200 et 300 tonnes de fret au profit de Mayotte dans le cadre de l’opération Résilience”, explique ainsi le capitaine de vaisseau et commandant de la mission Jeanne-D’Arc, Vincent Sébastien.

Objectif n° 1 : assurer l’approvisionnement de Mayotte

“Les liaisons aériennes ont été interrompues entre Mayotte et la métropole, le trafic maritime mondial est fortement perturbé et donc pour un territoire comme Mayotte, les perturbations sont assez rapides”, rappelle de son côté le commandant des Fazsoi au retour de quelques jours passés sur le département où il a pu notamment s’entretenir avec le préfet. “C’est la raison pour laquelle nous avons mis un pont aérien entre La Réunion et Mayotte, mais celui-ci ne sera peut-être pas capable de répondre à tous les besoins. En utilisant la capacité logistique considérable du porte-hélicoptères, l’idée était d’offrir un maximum d’autonomie au territoire, car alors que nous chargeons 300 tonnes sur le Mistral, le pont aérien, lui, n’a qu’une capacité de 30 tonnes par semaine. Mais c’est une logistique complémentaire, car il y a des produits pour Mayotte qui doivent être réapprovisionnés tous les trois jours dans le domaine santé”, détaille encore le général Métayer.

Eau, denrées, gel hydroalcoolique, masques de protection ou encore matelas ont ainsi fait leur entrée en masse dans les cales du Mistral. Sans que le volet sanitaire ne soit envisagé. “L’emploi aujourd’hui prioritaire du Mistral est avant tout logistique, l’emploi sanitaire, lui, n’a pas été mis en avant, car pour l’heure le navire n’est pas configuré pour prendre en charge des patients Covid, en particulier des patients en réanimation”, appuie le capitaine de vaisseau, rejoint par le général Métayer pour qui le Mistral “ne présente pas d’intérêt pour faire la bascule entre les deux territoires pour des patients en réanimation au vu de la durée de transit (trois jours), voire présenterait des risques”, tout en rappelant que le navire pourrait éventuellement se projeter en mer et opérer la bascule avec ses hélicoptères. “Ce qui a été réalisé avec le PHA Tonnerre entre la Corse et la métropole n’est pas reproductible. Par ailleurs, il serait encore plus paradoxal de prendre des capacités des structures hospitalières de Mayotte ou de La Réunion pour équiper le Mistral. C’est plutôt par la voie aérienne que cette opération est la plus pertinente”, soutient encore le général Métayer.

Le 101ème département au cœur des attentions des Fazsoi

Quoi qu’il en soit, c’est vers le 101ème département que les regards des forces armées dans la zone se tournent aujourd’hui en priorité. “Vous avez compris que l’emploi du PHA pour le moment, c’est depuis La Réunion au profit de Mayotte. On utilise ce premier territoire, ses structures portuaires, économiques et industrielles pour réaliser une projection de capacités logistiques au profit de Mayotte. Aujourd’hui, le PHA est donc utilisé au profit de Mayotte, car pour l’heure, le territoire de La Réunion n’a pas de difficultés dans ce domaine-là. S’agissant de l’appui santé, nos capacités sont nettement plus limitées. Notre aide s’articule avant tout sur le volet logistique, mais aussi par des travaux avec les autorités sanitaires qui doivent permettre d’anticiper quels pourraient être les besoins lourds en matière de santé dans les semaines à venir et comment les armées pourraient se mobiliser dans ce cadre”, explique le commandant des Fazsoi.

Autre défi pour les troupes du général Métayer : poursuivre les missions de protection, car le “contexte sécuritaire, lui, évolue peu”. “On ne peut pas relâcher la vigilance durant le temps de la crise, il faut donc mener conjointement les deux, c’est-à-dire prendre tout un panel de dispositions pour protéger nos capacités et poursuivre nos missions sans être contraints dans les semaines à venir par une éventuelle épidémie en interne”, souligne ainsi Yves Métayer. Autant d’éléments à prendre en compte donc, dans une organisation que le militaire assure sereine.

 

Une cagnotte pour des enfants mahorais passés de “la faim à la famine”

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Lassés par l’inertie des pouvoirs publics face au manque alimentaire de leurs élèves, une poignée d’enseignants de Passamaïnty ont décidé d’agir. Leur cagnotte a déjà récolté 3.200 euros et doit venir en soutien aux autres dispositifs d’aides alimentaires.

“On est là, avec notre petit tableau Excel du matin au soir pour essayer de joindre les gamins.” Dans le combiné, la voix de Louise* tremble un peu, se casse parfois, signe que l’enseignante est à bout de nerfs. La quatrième semaine de confinement arrive à son terme, et pourtant, depuis le 16 mars, les choses n’avancent pas assez vite, au grand dam de ces professeurs qui ont peur de perdre le contact avec leurs élèves les plus démunis. Et qu’ils savent dans une profonde détresse depuis plusieurs jours. Car le confinement a débuté juste après deux semaines de vacances, une période déjà difficile pour ces enfants privés de fait de leur collation quotidienne. Et désormais, ce sont aussi leurs parents, dont très peu ici ont une épargne, qui doivent trouver de quoi nourrir la famille sans leur gagne-pain habituel. “Dès la deuxième semaine, ces foyers n’avaient déjà plus rien, ce sont des gens habitués à vivre au jour le jour et avec le confinement, ils ne peuvent plus”, souffle encore l’enseignante. “On a fait remonter ce problème aux autorités, mais les réponses qui nous sont parvenues restent à ce jour très vagues.”

Or il y “urgence”, d’après l’enseignante, qui estime entre 5 et 10 élèves en manque alimentaire par classe – avec des différences selon les établissements de l’île, bien sûr. Face à l’inertie des pouvoirs publics, plusieurs professeurs du collège Ouvoimoja de Passamaïnty, particulièrement concernés, ont donc lancé une cagnotte en ligne, sur le site lepotcommun.fr., qui a déjà recueilli plus de 3.200 euros (cf https://www.lepotcommun.fr/pot/xd6um2qm) – voire plus de 5.000 euros, en prenant en compte certains dons en liquide. Objectif : venir en aide aux familles de Passamaïnty et de Vahibé. En guise d’explication, la description de la cagnotte rappelle simplement que “le confinement rend d’autant plus compliquée la vie de ceux qui n’ont pour vivre que des petits emplois de subsistance (vente de légumes, ménages, etc.)”, et qu’ils ont décidé de “soutenir ces personnes, à leur échelle, en organisant des distributions de colis alimentaires aux familles dans le besoin” tout en s’engageant à respecter “toutes les consignes de sécurité et les gestes barrières recommandés par l’ARS”.

Une cagnotte pour gagner du temps

Avant d’en venir à cette cagnotte, chacun y est allé de sa propre initiative. “Il n’y a pas une journée sans que nous allions leur apporter du riz”, témoigne ainsi Louise. Mais rapidement, ces petites actions individuelles ne suffisent plus : la liste des enfants dans le besoin commence à s’allonger dangereusement. Car les familles qui parviennent d’ordinaire à gagner péniblement de quoi payer la PARS, viennent aujourd’hui s’ajouter à celles qui en bénéficient grâce au fond social de l’établissement. Ceux-là sont passés de “la faim à la famine”, résume l’enseignante. L’idée de la cagnotte est donc née, “un peu vite à mon goût, car il ne faut pas que cela permette aux gens de se détourner du problème en donnant dix euros”. Pour elle, il s’agit surtout de proposer une solution, car “nous manquons de directives qui viennent d’en haut”. Alors, la “base” s’organise comme elle peut, pour pallier le retard des pouvoirs publics. À terme, il s’agira de négocier avec les enseignes de distribution pour transformer ces précieux euros en bons et éviter ainsi les attroupements. “Cette cagnotte pourra venir en complément des bons de la Croix Rouge, qui restent assez frugaux, et surtout en attendant de recevoir les aides du conseil départemental et de l’État”, explique-t-elle. Une cagnotte tampon donc, pour gagner du temps.

Des vacances qui tombent mal

Car le temps, justement, vient à manquer. Et là-dessus, Louise n’en démord pas : l’État, le rectorat, les mairies ne semblent pas toujours avoir conscience d’après elle de l’urgence de la situation. Quand le rectorat a annoncé une semaine de vacances improvisée à partir du 11 avril, la professeure de Passamaïnty est d’ailleurs tombée des nues : “Ils nous parlent de vacances alors qu’il reste un travail monstre à effectuer pour identifier tous les enfants en difficulté. Certains n’ont pas de téléphone, vivent dans des coins reculés, des dizaines d’entre eux risquent d’être oubliés”, s’inquiète-t-elle.

Pour le recteur Gilles Halbout, il s’agit surtout de donner “une semaine de coupure”, après quatre semaines intensives qui ont nécessité “beaucoup d’investissement de la part de tous pour s’adapter, adapter les supports pédagogiques, revoir les cours”. Et cela permettra de se “calquer sur le rythme de la métropole (qui vient d’entamer les vacances de Pâques) en prévision du déconfinement”, ajoute-t-il. Quant aux distributions alimentaires, le représentant de l’Éducation nationale mise encore sur le dialogue avec les mairies, la préfecture et le CSSM, sans qui “rien ne peut être fait”. Une nouvelle distribution de PARS devrait toutefois avoir lieu cette semaine, sans qu’il sache pour l’heure quand et comment elle aura lieu. “Mais ce seront désormais des paniers qui correspondent à une semaine de nourriture”, décrit-il. La dernière distribution des PARS avait connu quelques couacs de dernière minute, car la crainte d’attroupements avait poussé la préfecture à annuler ces distributions, pour les laisser aux soins des mairies et des associations. Mais pour passer aux bons, là encore, il faudra attendre. “Les bons ne sont pas juste une photocopie, et il nous faut étudier la question avec la préfecture. Avec des bons, vous créez une monnaie, qui peut être stockée, ce n’est pas anodin”, soulève Gilles Halbout. Certes, mais l’heure n’est pas vraiment à l’épargne, surtout pour les familles les plus précaires…

* le prénom a été modifié

 

“Nous parlons d’une des priorités actuelles de l’État sur le territoire de Mayotte”, assure Jérôme Millet

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Distributions de bons alimentaires, installations de rampes d’eau, état des stocks… Jérôme Millet, secrétaire général adjoint de la préfecture de Mayotte et à la manœuvre sur ces questions fait le point sur la réponse de l’État face à la montée en puissance alarmante des besoins d’assistance alimentaire sur le territoire.

Flash Infos : Vous annoncez aujourd’hui modifier les modalités de distribution alimentaire, quels seront les contours des nouvelles opérations ?

Jérôme Millet : L’expérience nous a montré qu’il était difficile de procéder à des distributions de denrées alimentaires tout en permettant un respect satisfaisant des gestes barrières tels que la distanciation sociale. Nous nous orientons donc dorénavant vers des distributions de bons alimentaires opérées en partenariat avec les associations et les centres communaux d’action sociale. Les choses avancent, et pour preuve, j’ai déjà pu distribuer ce samedi 100.000 euros de bons à une dizaine d’associations.

FI : Cela sera-t-il assez au regard des demandes ? Les moyens humains, notamment en bénévolat, sont-ils suffisants dans les associations ?

J. M. : Au niveau de la demande, les choses sont relativement difficiles à évaluer. D’où l’intérêt de ce partenariat avec les acteurs de terrain. Ce sont les associations qui donnent le rythme, mais à leur côté, l’État est pleinement mobilisé : pour le moment nous avons bloqué 300.000 euros pour cette opération et bénéficions de 100.000 euros supplémentaires par l’intermédiaire du Haut commissariat à la lutte contre la pauvreté. Nous distribuons cela avec nos partenaires de terrain, mais nous reposons également sur des critères objectifs de pauvreté comme les quartiers dits “politique de la ville”, tout en gardant une certaine flexibilité et c’est pour cette raison que nous organisons la distribution en plusieurs fois, afin d’être en mesure de réajuster le tir si besoin. Plutôt que d’avaler le nombre de bénéficiaires potentiels, nous préférons raisonner en termes de familles, ce que font également les CCAS. Un certain nombre d’entre elles sont déjà identifiées, mais quand on sait que 84 % de la population vit ici en dessous du seuil de pauvreté, on voit bien bien qu’il faut aller plus loin et c’est notamment l’une des missions confiées aux associations : identifier sur le terrain les familles dans le besoin, entrer dans une logique de complémentarité entre tous les acteurs afin que l’on puisse couvrir au mieux les besoins.

Concernant les moyens humains disponibles, nous n’avons pas pour le moment eu de retour s’alarmant d’un manque de bénévoles ou de personnels. Les forces humaines ne semblent pas être la première des difficultés rencontrées par les associations. Par ailleurs, la plateforme jeveuxaider a déjà récolté plus de 1.000 inscriptions sur le territoire, nous pouvons faire appel à ces volontaires si besoin.

FI : Au-delà du problème alimentaire, se pose celui de l’accès à l’eau, quelle sera la réponse de l’État ?

J. M. : Le problème, comme celui de l’alimentation, n’est pas nouveau, mais la crise tend à l’aggraver fortement. Et l’urgence appelle effectivement à une réponse, c’est pour cette raison qu’avec l’appui de l’ARS, nous allons installer une quinzaine de rampes d’eau sur les points les plus critiques. Nous allons mettre rapidement cela en place, avec un à trois jours d’installation selon les conditions de terrain. Par ailleurs, le préfet va proposer aux élus locaux d’ouvrir certains établissements de leurs villes afin de permettre un accès à l’eau dans le respect des gestes barrières. Car, rappelons-le, cette compétence relève des communes et non de l’État, même en période de crise. Enfin, nous allons mettre en œuvre avec nos partenaires une distribution beaucoup plus large des cartes monétiques qui permettent l’accès aux bornes afférentes. 700 cartes seront ainsi distribuées dans les Douka Bé pour permettre un accès beaucoup plus largeur celui permis par le système précédent.

FI : De manière générale, ne vous êtes-vous pas sentis pris de court par la rapidité avec lesquels ces besoins se sont fait ressentir ? Vous sentez-vous aujourd’hui en capacité d’y répondre ?

J. M. : La pauvreté existait déjà à Mayotte. Mais la crise est venue bousculer l’économie informelle dont une partie de la population dépendait, elle a encore plus précarisé une partie des habitants de l’île. Par ailleurs, la fermeture des établissements scolaires a empêché bon nombre d’enfants d’accéder à un repas quotidien. Mais face à cela, la myriade d’acteurs qui œuvre dans l’aide alimentaire s’est mobilisée et l’État, comme je vous l’ai dit, a réussi à trouver des fonds. Déjà, fin mars, c’est bien l’État qui a proposé d’agir avec la distribution de 30.000 collations. C’est le préfet qui a appelé les grandes et moyennes surfaces à faire don de leurs invendus. Et c’est aussi lui qui a fait sauter le verrou empêchant jusqu’à présent à de nombreuses associations de procéder à de la distribution alimentaire, ce qui a eu pour effet de démultiplier le nombre d’acteurs en mesure de venir en aide à la population.

Et nous ne nous arrêtons pas là, car, par exemple, nous envisageons la réouverture de certains marchés dans le respect des mesures sanitaires. D’ici la fin de semaine, nous poursuivrons notre accompagnement des communes en livrant un guide méthodologique de distribution alimentaire afin d’éviter les rassemblements que nous avons pu observer.

Nous parlons là d’une des priorités actuelles de l’action de l’État à Mayotte. Nous nous mettons en état de répondre à la crise alimentaire afin qu’elle ne se mue pas en une crise d’ordre public. Les efforts, notamment financiers, en ce sens, sont considérables.

F. I : L’état des stocks suscite-t-il de l’inquiétude ? Notamment à l’approche du ramadan ?

J. M. : Concernant le ramadan, nous nous préparons. Le préfet a mis en place un groupe de travail composé de Mahorais musulmans afin qu’il livre ses recommandations pour concilier les pratiques religieuses et celles qu’impose la crise sanitaire. Sur son impact au niveau des stocks, nous ne sommes pas spécialement inquiets, car les achats massifs semblent déjà avoir eu lieu, ils vont perdurer encore quelques jours puis devraient baisser. Concernant le stock général, nous suivons de très près l’état des denrées de manière quotidienne. Et nous bénéficions aujourd’hui de deux ponts : l’un aérien et rapide, l’autre maritime qui met certes un peu plus de temps à s’organiser, mais qui assure un réapprovisionnement massif.

Propos recueillis par G. M

 

“La boule au ventre”, les agents de restauration du centre hospitalier de Mayotte apportent leur contribution

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Dans l’ombre des personnels soignants, les agents de restauration du centre hospitalier de Mayotte sont autant sur le pied de guerre que leurs collègues en première ligne. Pour chaque repas, ils doivent préparer plus de 300 plateaux pour les patients, en gardant toujours à l’esprit que le risque de contamination existe bel et bien.

Charlottes vissées sur la tête et tabliers enroulés autour de la taille, Saouia, Hadiya, Mariam, Houbaili et Daroueche s’activent dans la chambre froide ce vendredi. À quelques minutes d’envoyer les 326 menus du midi aux patients du centre hospitalier de Mayotte, les agents de restauration répètent les mêmes gestes à une cadence infernale. Charriots à proximité, tous remplissent leurs plateaux respectifs avant de les enfourner. Sur le pied de guerre depuis 6h du matin, ces petites mains de l’ombre ont un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’établissement. Mais à la différence des cuisines des autres hôpitaux, celle de Mamoudzou n’en a que le nom. “On n’a pas de production sur place, tout est fait en liaison froide, via un prestataire qui nous livre”, détaille Manrouffou Yves, le responsable de l’équipe. “On reçoit la livraison à température dirigée, entre 0 et 3 degrés, on stock et on réalise l’allotissement, ce qui consiste à mettre en assiette.” La raison de ce procédé ? Probablement structurelle en raison des locaux inadaptés pour une telle mission, mais aussi vraisemblablement économique… “Au moins, toute la partie gestion des approvisionnements n’est plus à notre charge.” Seule difficulté avec ce mode de fonctionnement : la prise en charge des régimes des uns et des autres en fonction des consignes données par les services de soins. “On a des diabétiques, mais aussi d’autres pathologies qui nous obligent à servir des repas à texture modifiée, c’est-à-dire mixés.” Sans oublier qu’entre la commande et la réception, il peut y avoir des entrées et des sorties durant ce délai de trois jours, donc “l’ajustement est délicat”.

Une paire de gants pour chaque agent

Si une autre équipe s’occupe de brancher les charriots dans les services de soins respectifs pour servir le déjeuner ou le dîner à la bonne température, la mission des agents de restauration ne s’arrête pas pour autant. Il faut gérer la plonge au retour des plateaux. Et c’est cette tâche qui les inquiète davantage. “En travaillant dans les cuisines de l’hôpital, on est en contact avec les restes alimentaires des malades”, rappelle Manrouffou Yves. Et avec le Covid-19 qui rôde dans l’enceinte, la panique peut vite prendre le dessus. Mais heureusement que Saouia, Hadiya, Mariame, Houbaili et Daroueche se serrent les coudes. Une chance en cette période confinement, sachant que sur les 26 employés du service, certains sont en arrêt maladie de longues dates à cause des conditions de travail et d’autres sont victimes de la dengue… Alors pour ne pas prendre de risques inutiles et pour dissiper les doutes, des mesures de protection s’imposent. La principale d’entre elles ? Équiper chaque agent de sa propre paire de gants pour faire la vaisselle ! “On a accentué la vigilance et on fait encore plus attention aux réglementations d’hygiène.”

Un positif doit manger sur un support jetable

Alors que le chômage partiel touche une grande partie des restaurants mahorais, le centre hospitalier de Mayotte ne peut se permettre l’arrêt sa restauration. Et Manrouffou Yves a conscience du rôle crucial de ses agents. “On est là pour apporter notre contribution et offrir la possibilité aux malades de retrouver leur forme. On a un rôle essentiel par rapport aux soins. On contribue au bien-être des patients et des soignants.” Cet optimisme n’enlève toutefois pas les craintes face à l’atmosphère générale qui règne sur le territoire à cause de la propagation du virus. “Mes équipes viennent avec la boule au ventre parce qu’elles savent que l’on envoie des repas dans des services où le Covid-19 est bel et bien présent.” Ainsi, les agents avouent travailler avec la peur de se retrouver positifs. “Notre demande est de faire en sorte que si quelqu’un est contaminé, il doit manger sur un support jetable.” Mais comme ailleurs, quelques couacs existent ! “C’est très dangereux pour nous, on l’a toujours en tête !”

 

Gueules d’amour reste sur le qui-vive

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Pas de trêve pour Gueules d’amour durant le confinement. Si le refuge de l’organisme reste ouvert sous conditions pour les adoptions et les dépôts d’animaux en danger, l’association redoute par avance la situation qu’ils vont trouver lors du déconfinement. Tyler Biasini, son président, l’explique.

Flash Infos : La semaine dernière, le gouvernement a accordé une dérogation de déplacement aux personnes qui souhaiteraient se rendre dans un refuge pour adopter un animal de compagnie. La mesure a vocation d’éviter l’engorgement de ces lieux d’accueil pour animaux. S’applique-t-elle aussi à Mayotte ?

Tyler Biasini : Oui, bien sûr. Il faut toutefois que les gens choisissent préalablement leur animal en ligne, via notre page Facebook ou le site internet de l’association*, et nous appellent pour nous le faire savoir et afin de fixer un rendez-vous pour l’adoption. Cela permet d’étaler les venues aux refuges et d’éviter que trop de monde s’y retrouve simultanément. Grâce à ce système, les personnes viennent une par une. Par ailleurs, une fois que l’animal a été choisi, l’association rédige une attestation qui est envoyée à l’adoptant pour que la dérogation s’applique.

FI : Et qu’en est-il pour la situation inverse, lorsque des gens souhaitent déposer des animaux recueillis au refuge ?

T. B. : Une vie, même animale, demeure une vie. C’est donc également autorisé et en toute logique les gens peuvent se déplacer jusqu’au refuge s’ils voient un animal en danger. Jusqu’ici en tout cas, il n’y a pas eu de problèmes avec ça.

En revanche, cela n’est valable que pour les refuges, pas pour les associations autres et qui n’ont pas de structures d’accueil.

FI : Que constatez-vous durant ce confinement ? On imagine que ce dernier a des conséquences sur l’activité de l’association, notamment en termes d’accueil, de campagnes de stérilisation, etc.

T. B. : Cela complique tout pour nous puisque nous n’avons plus du tout de signalements. Les particuliers sont confinés, ne se déplacent plus, et ne peuvent donc plus nous signaler les chiots ou chatons en danger, par exemple. En brousse, nous n’avons plus du tout de signalements d’animaux errants non plus. Cela nous cause d’énormes soucis, car une fois le confinement terminé, on risque de se retrouver avec des hordes de chiens et de chats là où personne n’aura été durant tout ce temps.

FI : De plus en plus de jeunes recueillent des chiens pour les dresser. Y a-t-il une crainte particulière à ce niveau-là ?

T. B. : Il faut effectivement faire attention à ce qui va advenir après le confinement. Ces jeunes-là prennent de moins en moins de précautions, car tout le monde est confiné, et ils font parfois des élevages à proximité des habitations. Ils n’ont plus besoin d’aller se cacher dans la brousse, car ils savent que les gens ne peuvent plus sortir. Moi je continue mon travail, mais n’ayant plus de signalements c’est compliqué de marcher des heures durant dans le vide pour trouver ces pauvres chiens. Nous redoutons donc ce que nous allons trouver après le confinement, même en termes de cadavres d’animaux maltraités.

FI : Peu soutenue par les collectivités, Gueules d’amour fait régulièrement appel aux dons. Ceux-ci sont-ils en réduction également en ce moment ?

T. B. : Il y a une répercussion, oui. La plupart des entreprises sont fermées et les particuliers sont chez eux avec un salaire amputé, donc nous avons moins de dons. L’association est soutenue à hauteur de 5.000 euros par la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) pour tout ce qui relève de la stérilisation et de l’identification des animaux. Mais pour tous les frais de fonctionnement – nourriture des animaux, entretien, factures, salaires de nos trois employés, etc. -, on doit se débrouiller. Nous avons construit des box grâce à des cagnottes et des dons comme ceux de l’entreprise Ballou, qui nous soutient depuis plusieurs années.

Toute aide est donc bienvenue, même si c’est juste un sac de croquettes. Je peux me déplacer pour les récupérer durant le confinement s’il le faut. Par ailleurs, nous avons en ce moment une cagnotte pour nous aider à acheter des croquettes. Les gens peuvent y participer sur notre page Facebook : Association Gueules d’amour.

Propos recueillis par G.V

 

Mayotte dans le viseur du conseil scientifique

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L’avis spécifique des experts dédié aux Outre-mer dresse un tableau réaliste sur la situation particulièrement préoccupante de l’île aux parfums. Qui justifie une catégorisation à part, et des recommandations particulières.

Pour les Outre-mer, c’est un peu le calme avant la tempête. Du moins à en croire l’avis du conseil scientifique Covid-19 du 8 avril spécifique aux DOM-TOM. La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a présenté les conclusions de ce rapport et les mesures associées lors d’une conférence de presse vendredi. Et si rue Oudinot, on se félicite sur l’efficacité de la stratégie adoptée depuis le 16 mars, en particulier la mise en place du confinement en même temps que la métropole, le ton est un peu plus prudent dans l’avis publié par les experts sous la houlette du professeur Jean-François Delfraissy.

“Cet avis nous conforte dans la stratégie et les mesures adoptées, en particulier le confinement, et ont déjà un impact positif en diminuant l’intensité de la propagation du virus dans les Outre-mer”, note ainsi Annick Girardin, rappelant aussi que “nous sommes à 141 hospitalisations pour l’ensemble des Outre-mer, soit quatre de moins qu’hier

[bilan établi en date du vendredi 10 avril, ndlr]”. Le premier point du rapport précise toutefois que “l’épidémie dans les territoires d’Outre-mer va s’aggraver dans les semaines qui viennent”. À noter que nos territoires ont trois à quatre semaines de décalage par rapport à l’Hexagone en ce qui concerne les débuts de l’épidémie.

Mayotte, catégorie à part

L’autre point de vigilance des experts ? C’est bien la situation de notre coin du monde : “Mayotte, le rapport en parle particulièrement en raison de ses fragilités sociales et de ses réalités sociétales”, constate également la ministre. À tel point que le rapport en fait une catégorie “à part”. La situation préoccupante de l’île aux parfums n’a donc pas échappé aux experts du conseil scientifique, qui relèvent des chiffres tristement connus : plus de 80 % de la population vit ici sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n’ont pas l’eau courante et l’offre de soins est limitée. Rare avantage du territoire face au Coronavirus, la jeunesse de sa population, 50 % des habitants ayant moins de 18 ans et seulement 4 % plus de 70 ans. Mais l’information est “à tempérer par le fait que diabète et obésité, facteurs de risque de formes graves de Covid-19, touchent une partie importante de la population”. Sans compter que l’hyper-concentration du système de santé, et la méfiance d’une partie importante de la population envers l’administration, risquent de peser largement dans la gestion de la crise, voire d’engendrer un dépassement des capacités sanitaires “lorsque les quartiers pauvres de Mamoudzou, comme le bidonville de Kaweni, seront touchés”, décrivent aussi les experts.

Pour faire face à l’urgence, l’avis du conseil scientifique préconise d’abord la quatorzaine contrôlée pour tous les nouveaux arrivants, assortie de tests dépistages pour tous les voyageurs présentant des symptômes, et en fin de quatorzaine pour les voyageurs asymptomatiques. Il conseille aussi le suivi actif des personnes contacts et l’isolement des cas avérés en structure contrôlée extrahospitalière ; une telle structure doit justement ouvrir ses portes officiellement cette semaine, à l’internat de Tsararano. Enfin, la situation sanitaire particulièrement difficile pour les plus précaires justifie le recours à la gratuité d’accès à l’eau et la mise en place d’un circuit d’aide alimentaire, d’après l’avis du 8 avril. Deux derniers points sur lesquels a justement travaillé la préfecture, salue Annick Girardin, tout en appelant à “renforcer nos efforts”.

Un ratio lit/habitants à prendre avec des pincettes

D’une manière générale, les experts ont établi une liste de dix recommandations valables pour l’ensemble des Outre-mer. On y retrouve la poursuite du confinement strict, la mise en place de la quatorzaine préventive, l’intensification des mesures d’aide alimentaire, le suivi des cas contacts, la bonne disponibilité des masques, des équipements de protection individuelle et des solutions hydroalcooliques, mais aussi, le doublement de la capacité d’accueil en lits de réanimation, et les renforts des équipes sanitaires. Sur ces sujets aussi, la ministre Annick Girardin s’est voulue rassurante, en confirmant l’arrivée de 28 personnes issues de la réserve sanitaire pour Mayotte, et le passage de 16 lits de réanimation en capacité initiale à 50 lits aujourd’hui, “pouvant encore augmenter en fonction des renforts”, a-t-elle ajouté sans donner de détails. “Au niveau national, il est prévu un lit pour 5.400 habitants, et nous avons le même ratio pour les Outre-mer”, a-t-elle évoqué. Un ratio, valable pour Mayotte, certes, à condition de prendre en compte la population officielle de 270.000 habitants ; mais avec des estimations officieuses qui oscillent plutôt entre 350.000 et 400.000 habitants, le ratio s’établirait davantage autour de 1 lit pour 7.000 à 8.000 habitants…

 

À défaut d’intérêt à agir, le référé du Collectif des citoyens et du Codim rejeté par le tribunal administratif de Mayotte

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La décision du tribunal administratif concernant la demande en référé déposé par le Collectif des citoyens de Mayotte et du Comité de défense des intérêts de Mayotte n’aura pas pris trop de temps au juge administratif. En l’absence d’éléments prouvant l’intérêt à agir des demandeurs, le tribunal a rejeté la requête sans étudier les demandes. À La Réunion cependant, une requête similaire a été reçue, sans que le juge administratif n’accède toutefois aux demandes des requérants.

“Il n’y a rien dans cette requête, il y a bien des demandes, mais rien ne permettant au juge administratif de considérer que les demandeurs ont intérêt à agir”, explique Gil Cornevaux, président du tribunal administratif de Mayotte et de La Réunion. “Si un groupe de rock m’avait demandé de moduler le couvre-feu afin que son concert puisse tenir, il y aurait eu plus d’intérêt à agir que dans cette requête”, illustre encore le magistrat, tout en soulignant qu’il ne s’agit pas à travers ce rendu jeudi “d’un rejet méprisant du revers de la main sur le fond, mais bien d’une impossibilité par le juge administratif de statuer en l’absence d’un élément primordial. L’intérêt à agir est très clair en droit administratif et repose sur une jurisprudence constante”. Or, dans la requête déposée par Maître Ahamada, représentant le Collectif des citoyens de Mayotte et le Comité de défense des intérêts, rien ne permet de soutenir que ces deux requérants ont effectivement ce fameux “intérêt à agir”. Lequel doit être démontré par les demandeurs. Mais dans la requête déposée par l’ancien bâtonnier de Mayotte, rien ne figure à ce titre. “C’est vide, je ne sais même pas s’il s’agit d’associations, je le présume simplement. Or pour analyser l’intérêt d’un requérant à agir, il nous faut regarder le bien fondé des demandes au regard de la personne qui les portes. En l’occurrence, s’agissant d’une personne morale, il faut que les demandes aient une certaine corrélation avec les statuts ou objets sociaux de l’association. Ici, rien ne vient même tenter de le démontrer puisqu’il n’y a aucun élément”, justifie encore Gil Cornevaux.

À travers ce référé liberté, les requérants demandaient au juge des référés d’enjoindre aux directrices de l’ARS et du CHM de passer commande de 400.000 tests de dépistage, de mettre en œuvre à Mayotte un dispositif de dépistage complet à destination des personnels soignants, des forces de sécurité et des membres des familles de personnes atteintes par le virus. Le Collectif et le Codim demandaient également au juge d’enjoindre les deux administrations de “prendre toutes mesures utiles pour fournir le département en masques de protection respiratoire individuelle de type chirurgical FFP2 et FFP3 aux professionnels de santé, aux forces de sécurité ainsi que des masques chirurgicaux aux malades et à la population en général”. Autre demande, la commande de “doses nécessaires au traitement de l’épidémie de Covid-19 par hydroxyxhloroquine, d’azithromycine en nombre suffisant pour couvrir les besoins actuels et à venir de la population mahoraise”. Enfin, il était également demandé au juge administratif d’enjoindre de “prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à la population vivant au sein d’habitats insalubres de mettre en œuvre les mesures exigées, gestes barrières et confinement, par la fourniture de solutions hydroalcooliques notamment et de produits de première nécessité, limitant ainsi la propagation du virus”.

Des demandes similaires rejetées à La Réunion

Autant de demandes qui n’ont pu être étudiées. Mais qui ressemble à s’y méprendre, hormis la dernière qui correspond à une particularité de l’île à celles sur lesquels Gil Cornevaux, en audience collégiale, a du statuer le 6 avril à La Réunion. “Il s’agissait alors d’un groupement de personnes agissant chacune en leur nom, mais représentées par le même avocat et qui formaient leur demande en tant que professionnels de la santé ou surveillants pénitentiaires. Bien entendu, dans ce cadre nous avons déclaré la recevabilité de la requête”, explique le président du tribunal administratif. “Il y avait un intérêt direct à agir”, estime encore le magistrat tout en détaillant les motifs de rejet de la requête en question. “Concernant la chloroquine, le rejet est lié au fait que ce traitement est prescrit sous contrôle collégial en milieu hospitalier en vertu d’une ordonnance gouvernementale et non pas à destination de toute la population compte tenu de l’incertitude qui pèse encore sur ce traitement. Pour l’instant, aucun traitement général n’est validé par les autorités, ce qui nous empêche d’enjoindre qu’il soit délivré à grande échelle”, expose le juge administratif.

Concernant la demande de tests à destination de la population, la même logique est de mise concernant les dépistages dits sérologiques “qui ne sont pas encore tous validés par les autorités”. Et sur les tests nasaux, il faut s’en référer aux capacités du territoire pour enjoindre ou non un dépistage systématique. En l’occurrence : “le nombre de laboratoires en capacité de les effectuer n’est pas suffisant”, indique Gil Cornevaux. Enfin, les masques. “Nous avons également rejeté cette demande pour plusieurs raisons. D’abord au vu de la situation extrêmement tendue et concurrentielle qui règne sur la fourniture de masques qui limite nécessairement les efforts effectivement déployés par les autorités pour en obtenir dans la mesure du possible. Car il faut, dans cette analyse mettre en regard les efforts déployés au regard des circonstances pour juger de l’atteinte aux libertés soulevée par les requérants”, ajoute encore le magistrat pédagogue.

Autant d’éléments donc, qui laissent à penser que si l’intérêt à agir du Collectif des citoyens de Mayotte et du Comité de défense des intérêts de Mayotte avait été retenue, leurs demandes auraient tout de même été rejetées. Exception faite de celle portant sur les quartiers informels, situation toute particulière à Mayotte et à propos de laquelle le juge aurait dû se pencher sur les moyens effectivement déployés par les autorités.

 

La vitesse de croisière des évacuations sanitaires de Mayotte divisée par quatre

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En 2018, le service des évacuations sanitaires a effectué 1.006 transports en direction de La Réunion. Sollicité par n’importe quelle unité de l’établissement public ou par des médecins libéraux, il organise les transferts des patients qui ne peuvent être pris en charge sur le territoire. Entre la propagation du virus, la fermeture des liaisons aériennes et la suspension d’une grande partie des consultations dans son ensemble, l’équipe en poste s’adapte au mieux pour répondre aux urgences vitales. Éléments de réponse avec Ludovic Iché, le responsable du service Evasan.

Flash Infos : Depuis l’annonce le 28 mars dernier de la suspension des vols commerciaux entre La Réunion et Mayotte, comment vous organisez-vous pour assurer la continuité des évacuations sanitaires ?

Ludovic Iché : Les autorités ont réquisitionné le Dreamliner d’Air Austral à raison de deux fois par semaine pour le mettre à disposition des évacuations sanitaires. Notre service envoie la liste de patients à l’agence régionale de santé et à la préfecture qui la valident. Comme nous travaillons en temps normal avec Air Austral, le processus n’a pas changé que ce soit pour les civières ou l’oxygène. Le seul problème est que les urgences vitales ne nous préviennent pas à l’avance… Si par exemple il y en a une qui tombe durant ces deux rotations, nous avons recours à deux autres solutions grâce aux forces armées. Il y a tout d’abord le vecteur aérien, avec le CASA qui est basé à La Réunion, dans lequel nous pouvons transporter deux patients sur civières médicalisées avec oxygène. Puis il y a la voie maritime que nous avons déjà utilisée trois fois. La contrainte de la navigation est son temps de réactivité : si je les appelle aujourd’hui, ils ne seront là que demain ! Mais ça nous permet tout de même d’avoir deux autres cordes à notre arc.

La plus grande difficulté à l’heure actuelle pour le service est l’adaptation en permanence. Comme il n’y a plus de billetterie, tous les processus administratifs sont à revoir pour avoir l’aval des différentes autorités. Le plus gros travail en ce moment est d’avoir les bons contacts en fonction du transporteur et les bons circuits d’information pour que tous nos patients puissent embarquer. Et surtout que tout ne tombe pas à l’eau pour des questions administratives. En sachant que nous devons toujours gérer nos contraintes comme l’oxygène, le matériel, les prises électriques si besoin… Cela rajoute une complication, d’autant plus que nous travaillons pour la première fois avec les militaires.

FI : En cette période de confinement, comment analyseriez-vous l’activité du service des évacuations sanitaires ? Et surtout, comment évaluez-vous les risques une fois que la liaison avec La Réunion sera rétablie ?

L. I. : Bien évidemment, notre activité a diminué puisque bon nombre de consultations sur rendez-vous sont suspendues durant le confinement. Mais il ne faut pas oublier que les urgences continuent de tourner ! Rien que mardi, nous avons fait partir une rotation de cinq patients. En temps normal, nous sommes à 100 evasan par mois. Durant la période de crise, nous allons plutôt osciller entre 20 et 25… Tout simplement parce que les dossiers non urgents, comme les chirurgies programmées, ont été annulés. Ils sont mis en stand-by et reportés à la reprise du pont sanitaire.

D’ailleurs, je suis déjà en train d’anticiper la levée de crise parce que cela va être très compliqué à plusieurs niveaux pour nous. Je pense à la gestion administrative de tous les patients, à la réservation des places dans les avions et à l’absorption de tout ce retard par La Réunion. Il va falloir que nous étalions au maximum dans le temps les envois et que nous réévaluions les dossiers médicaux, pour diagnostiquer ceux qui seront prioritaires. À l’instar de la cancérologie. Heureusement, certaines évacuations sanitaires peuvent être facilement déplacées de six mois.

FI : Chez certains habitants, les conditions sanitaires font craindre une crise de grande envergure. Pouvons-nous envisager que La Réunion nous ouvre ses portes en cas d’explosion du nombre de malades atteints du Covid -19 à Mayotte ?

L. I. : Tout va dépendre de l’évolution de l’épidémie dans les deux îles. Si notre service de réanimation dépasse ses capacités d’accueil et que ce n’est pas le cas de celui de La Réunion, il est fort probable que nous évacuerions des patients du Covid -19. C’est même quasiment certain ! Cela ne représenterait pas une contrainte particulière pour nous. Après, le débat se situerait davantage entre nos agences régionales de santé et nos hôpitaux respectifs. L’entente est très cordiale entre les personnels soignants d’ici et là-bas, il n’y aurait donc aucune difficulté de notre côté. Nous avons même déjà évoqué cette possibilité ensemble et bien souvent, nous résolvons les problèmes entre nous. C’est une force qui peut nous permettre d’appuyer nos jugements médicaux, face à cette potentielle rivalité médico-politique entre Mayotte et La Réunion.

 

1898 : la variole à Mayotte décime 2.300 personne

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Année noire à Mayotte en 1898 : si l’île est régulièrement touchée par l’affection en ce XIXème siècle, la variole y fait cette année-là 2.300 victimes. Pour venir à bout de l’épidémie, il aura fallu une campagne de vaccination et l’établissement d’un lazaret sur l’îlot Mbouzi. Un îlot qui a par ailleurs également aussi servi de léproserie. Plongée dans un bout d’histoire de la santé à Mayotte.

De par la proximité de zones endémiques comme Zanzibar et la côte ouest de Madagascar, avec lesquelles sont entretenus de nombreux échanges commerciaux, l’archipel des Comores est, au XIXème siècle, régulièrement touché par la variole. Anjouan est ainsi atteinte en 1867, en 1869-1870, en 1897 et en 1901 ; Grande-Comore l’est en 1890 et en 1892-1893 ; Mohéli en 1890 ; et Mayotte en 1875, 1886, et surtout 1898. Cette année-là, l’épidémie de variole consécutive au passage d’un cyclone fait 2.300 victimes sur une population d’environ 12.000 habitants, soit près d’un quart de la population.

Il faut dire que, s’il existe bien un lazaret sur l’îlot M’bouzi pour mettre en quarantaine les personnes porteuses du virus, et ainsi prévenir au mieux les contaminations venues de l’extérieur, il est dans les faits très difficile de contrôler tous les navires entrant et leurs équipages : les boutres peuvent en effet accoster sur d’autres côtes, non contrôlées. Une difficulté de contrôle qui s’ajoute à une immunisation à la maladie insuffisante de la population jusqu’au XXème siècle, due à des tournées de vaccination incomplète, faute de personnel et de vaccin en quantité suffisante puisqu’acheminé depuis Madagascar, l’Indochine, et la métropole et supportant mal la chaleur. Conséquence évidente : des épidémies de varioles à répétition.

Présent à Mayotte en 1897, un an avant la grande épidémie, le docteur Neiret observe ainsi : “J’ai vacciné à Dzaoudzi dans les premiers jours de septembre. Je me suis servi de vaccine de Saigon arrivé quelques jours avant : il m’a donné d’assez bons résultats (40 % de succès). J’ai revacciné ensuite de bras à bras, mais comme j’étais en course le jour où le vaccin aurait dû être recueilli, j’ai vacciné un jour trop tard, et je n’ai eu que des résultats insignifiants (10 %)”.

Autre problématique, enfin : les difficultés de communication dans l’île et la méfiance de la population d’alors à l’égard de ces campagnes. À ce titre, le docteur Blin, en poste à Mayotte, note ainsi : “Bien que les réfractaires à la vaccination soient encore nombreux, je ne désespère pas néanmoins de les convertir ; aussi, afin de ne pas décourager les habitants par des séances inutiles, vais-je continuer la vaccination du reste de l’île en n’employant que du vaccin sur l’efficacité duquel je serai fixé par quelques expériences préalablement faites à l’hôpital. Les pérégrinations sur la Grande-Terre seront longues et pénibles, mais la population totale de Mayotte une fois mise à l’abri des atteintes de la variole, ce sera la sécurité presque absolue pour plusieurs années, durant lesquelles le Chef du service de santé n’aura qu’à vacciner les enfants et les nouveaux venus dans la colonie.”

Quand les îlots Mbouzi et Mtsamboro accueillaient des lépreux

Aure fait méconnu : si l’îlot Mbouzi a longtemps fait partie intégrante du système de santé à Mayotte en accueillant un lazaret pour la mise en quarantaine des voyageurs arrivant sur l’île, il a aussi été une léproserie pour accueillir les lépreux, et ainsi préserver le reste de la population d’un risque de contamination. Un mal alors nécessaire. Présente en Europe et en Asie depuis des millénaires, la lèpre est en effet alors considérée comme “la maladie la plus grave et la plus repoussante qui frappe les populations intertropicales.” La contamination étant favorisée par des contacts étroits avec des

lépreux, l’isolement des malades est la solution la plus répandue, même si, selon les régions, le suivi n’est pas facile. Dans un rapport politique daté de 1947, on apprend ainsi qu’à Mayotte, “les lépreux ne sont pas considérés comme dangereux. De ce fait, il est assez difficile de les dépister, car les habitants des villages les cachent assez facilement. Dans ce domaine encore, il ne s’agit que d’éducation. Rien ne l’indique mieux que l’étonnement et la crainte des notables amenés un jour à l’île des lépreux de Bouzi (sic), quand ils ont pris conscience, devant tous ces malheureux rassemblés, des ravages que pouvait exercer cette maladie”.

Auparavant, ceux-ci sont internés sur l’îlot de Mtsamboro. Lors d’une visite au début du XXème siècle, un médecin militaire, Alexandre Kermorgant, en compte 64. Il décrit : “Au point de vue de l’isolement, l’emplacement a été bien choisi, car les communications ne sont pas toujours faciles. À part la crique, où les lépreux ont bâti leurs demeures, les côtes de l’île sont à pic, rendant toute escalade et toutes fuites impossibles.” Un autre témoignage d’époque permet de mieux comprendre que les malades étaient laissés là, quasiment à leur sort, malgré la visite régulière de médecins. “Nous n’en pûmes compter qu’une vingtaine [de malades], car les autres, les plus gravement atteints, avaient été relégués par leurs camarades eux-mêmes à l’autre extrémité de l’île. La colonie est sous les ordres d’un chef, chargé de transmettre ses doléances à l’administration. Elle a à sa disposition un certain nombre de pirogues, au moyen desquelles les lépreux vont pêcher le poisson, qui, avec le riz, qu’envoie de loin en loin Dzaoudzi, constitue la nourriture commune. Un puits leur fournit une eau rare et saumâtre. Les lésions observées ressortissaient à la lèpre mutilante et plus rarement à la lèpre tuberculeuse. Des plaies, pansées avec des linges sordides, creusaient les chairs atrophiées des membres. Les femmes étaient assez nombreuses, mais nous n’avons pas remarqué d’enfants.”

Si l’éloignement est un temps jugé idéal, il complique toutefois le suivi des malades. Est-ce la raison pour laquelle la léproserie est ensuite établie sur l’îlot Mbouzi ? Quoi qu’il en soit, des lazarets y sont construits ou rénovés. En 1936, l’administration y installe une colonie de lépreux, qui atteindra 150 personnes entre 1940 et 1950. Le groupe vit en autarcie, cultive du manioc, des bananes, et des oranges, élève un troupeau de chèvres, et cultive du tabac qu’il revend lors des visites médicales afin d’acheter d’autres vivres. Trois villages apparaissent ainsi sur l’îlot : “Les Mahorais se trouvaient derrière, sous les arbres, les Grands Comoriens à l’Ouest et les Anjouanais à l’Est. Ces derniers avaient construit une trentaine de bangas, pour une population estimée à une quarantaine de personnes”, commentaient le botaniste et chercheur, Vincent Boullet lors d’une conférence donnée en 2019.

Des faits historiques et des solutions qui, heureusement, ne sont plus d’actualités aujourd’hui. De quoi, néanmoins, se rappeler de l’importance d’endiguer les épidémies, et celle de s’accommoder d’un confinement qui, finalement, n’apparait pas si dramatique à vivre au regard de l’Histoire.

 

Mayotte : À la cellule d’écoute psychologique aussi, le manque de nourriture en question

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Le numéro mis en place par le CHM avait pour but de décharger les numéros d’urgence, envahis d’appels de personnes angoissées par le confinement et la propagation du coronavirus. Mais les professionnels se retrouvent aussi face à des situations de détresse d’un autre genre et doivent réorienter les familles vers les solutions de distribution alimentaire.

Avec le confinement, il y a le risque de burn-out, des troubles du sommeil, du stress lié une actualité anxiogène qui défile sur les réseaux sociaux, écrans de télévision et postes radios. Et à Mayotte, il y a aussi l’angoisse du manque de nourriture. À la cellule d’écoute psychologique mise en place depuis le 30 mars au CHM, ils sont plusieurs psychologues, psychiatres ou traducteurs à avoir reçu ce genre d’appels. “Nous répondons ces derniers jours à des gens en difficulté sur ces questions alimentaires, car le confinement les a brutalement privés de revenus”, explique Elodie Bérenguer, psychiatre au centre médico-psychologique (CMP) et coordinatrice de la cellule d’écoute.

Même constat pour sa collègue Charlotte Placier, psychologue, qui est d’astreinte sur la ligne ce jeudi 9 avril au matin. “C’est peut-être la particularité à Mayotte, nous avons de plus en plus d’appels à ce sujet, et on sent une vraie inquiétude des gens par rapport à la demande de nourriture.” Quand ils y sont confrontés, les professionnels à l’écoute tentent alors d’orienter ces personnes, soumises à un stress supplémentaire, vers les institutions qui peuvent les prendre en charge. “Nous ne pouvons pas organiser nous-mêmes d’aide alimentaire, mais nous essayons de les mettre en lien avec les CCAS et les mairies, car des distributions commencent à être organisées sur le territoire”, développe Elodie Bérenguer.

Des familles qui passent sous les radars

Mais ces dispositifs, qui sont en effet en train de se déployer, en sont encore à leurs balbutiements. En attestent les légers couacs qui ont émaillé la distribution alimentaire des collations de la PARS la semaine dernière : jeudi soir, la préfecture a dû annuler son opération de distribution de “sachets collégiens”, refourguée dans l’urgence aux communes, par crainte de débordements. Depuis, c’est aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et aux mairies que revient la lourde tâche d’assurer l’aide alimentaire pour les ménages les plus démunis, sous forme de bons ou de distributions. Problème : certaines personnes peuvent encore passer sous leurs radars. “Nous avons dès le début averti les CCAS sur ces populations qui d’habitude ne bénéficient d’aucune aide et ne figurent donc pas dans leurs listes”, précise Enrafati Djihadi, la directrice de l’Union départementale des associations familiales (UDAF).

Si l’organisme qui défend les intérêts des familles ne constate pas, à ce stade, de troubles psychologiques provoqués par le confinement, la question alimentaire, elle, arrive aussi souvent jusqu’à leurs oreilles. Et elle constitue en elle-même une source de stress importante pour les familles. “Au stress de l’isolement, s’ajoute celui de savoir comment ils vont pouvoir subvenir à leurs besoins”, explique la responsable de l’UDAF. Et le ramadan qui approche n’est pas pour les rassurer non plus. L’interruption brutale de l’économie informelle joue un rôle prépondérant dans cette situation. “On a beaucoup de familles monoparentales avec des petits boulots, qui désormais ne travaillent pas, et sont sans ressources”, poursuit Enrafati Djihadi. “Avant, ils prenaient 50 euros sur le RSA d’un de leurs proches bénéficiaires d’aides, et les utilisaient pour cuisiner des petits gâteaux qu’ils vendaient sur le bord de la route. Aujourd’hui l’aide sociale d’un seul membre est devenue la seule ressource pour tout le foyer”. Confinées chez elles, avec leurs enfants qui, eux non plus, ne vont plus à l’école, ces familles ne savent désormais pas comment “elles vont pouvoir aller jusqu’au bout”, conclut la directrice.

 

“Le confinement ne peut pas être seulement métropolitain, il faut adapter la distanciation sociale”

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Les récents chiffres du Coronavirus à Mayotte sont plutôt stables. Mais l’agence régionale de santé n’en démord pas, la crise à Mayotte n’est pas encore arrivée à son point critique. Le confinement n’est pas toujours respecté, et le réapprovisionnement de l’île risque de rencontrer des difficultés en cours de route.

À ce jour, Mayotte compte 186 cas de Covid-19. Un chiffre qui augmente très peu depuis deux jours. Mais cela ne signifie en aucun cas que l’épidémie est en train de ralentir. “On enregistre moins de cas positifs par jour depuis deux jours et pour le moment on est incapables d’expliquer la raison. Mais cette évolution ne nous rassure pas plus que cela”, indique la directrice de l’ARS, Dominique Voynet. D’autant plus que le respect du confinement n’est pas rigoureusement appliqué par tous. Une partie de la population, très souvent la plus précaire, s’octroie quelques libertés, car il est impossible de rester enfermé dans une case en tôle sans jamais y sortir. Les conditions de bien-être ne sont pas réunies. Il y fait très chaud et les occupants n’ont pas accès à l’eau courante. Afin de remédier à ce dernier problème, les autorités ont décidé de changer de stratégie. “On a pris la décision de réinstaller des rampes dans les quartiers où il n’y a pas d’eau courante. Mais aussi de rouvrir les lieux publics disposant de robinets pour permettre d’organiser la distribution en évitant l’attroupement”, annonce Dominique Voynet. Cependant, la distribution d’eau n’est pas l’unique raison des rassemblements. Les distributions de denrées alimentaires provoquent également des afflux, raison pour laquelle désormais les CCAS et les associations privilégieront les bons alimentaires. Ceci dit, la directrice de l’ARS Mayotte comprend les situations dans lesquelles se trouvent certaines personnes sur l’île. “Pour qu’il soit acceptable, le confinement ne peut pas être simplement métropolitain. Il est vrai qu’il y a des endroits où les gens se regroupent, mais ça serait inhumain de leur demander de ne pas s’attrouper alors qu’ils vont chercher les cours de leurs enfants, leur mandat à la poste ou leur bouteille de gaz à la station. Il faut adapter la distanciation sociale.” L’enjeu est de réussir à convaincre les personnes à respecter le confinement qui ira au-delà du 15 avril.

Le réapprovisionnement humain, médical et matériel : un enjeu de taille

Les acteurs politiques, sociaux et médicaux de Mayotte se trouvent sans aucun doute dans une situation inédite. La gestion de la crise est par conséquent semée d’embûches par moment. “La coordination de tout cela est difficile. On est confrontés à des difficultés logistiques. C’est un métier tout nouveau pour nous”, admet Dominque Voynet. Particulièrement lorsque “les négociations avec La Réunion sont parfois ardues”, ajoute-t-elle. En effet, une partie de l’approvisionnement matériel et médical de notre territoire dépend de l’île voisine puisque les commandes qui arrivent par voie aérienne passent d’abord à La Réunion. Jusqu’alors trois avions commerciaux atterrissent à Saint-Denis, par semaine. En plus des passagers, ils sont capables de transporter des frets allant de 20 à 30 tonnes. En plus de ceux-là, un avion cargo d’une capacité de 100 tonnes arrive également toutes les semaines. Par la suite, une partie est envoyée à Mayotte grâce à deux avions. Pour le moment, ce système semble fonctionner, mais un nuage sombre plane au-dessus. Les préfets de La Réunion et de Mayotte, tout comme les directeurs des ARS craignent que la fluidité des vols entre Paris et Saint-Denis s’arrête. “On a demandé que certains vols soient consacrés uniquement qu’à l’approvisionnement de Mayotte. Les avions feraient un stop à La Réunion que pour décharger les passagers”, explique Dominique Voynet. Certains lots n’ont pas besoin de passer par l’île Bourbon et peuvent arriver par voie maritime, à l’exemple des masques. À ce sujet, la directrice de l’ARS indique que pour l’instant l’hôpital dispose d’un stock suffisant.

Le personnel soignant a également besoin de renfort. 25 professionnels de la réserve sanitaire débarqueront à Mayotte le lundi ou mardi prochain. Cela permettra à ceux qui travaillent en ce moment de se reposer. Raison pour laquelle ces nouveaux arrivants “n’iront pas en confinement. Ce n’est pas valable pour les professionnels de santé. Mais ils respecteront les gestes barrières et seront affectés à des postes où ils ne risquent pas de contaminer s’ils sont malades”, précise la directrice de l’ARS. Ils devront redoubler de vigilance, car une bonne partie du personnel de santé à Mayotte est déjà infectée.

 

À Mayotte, les visières de protection dépendront aussi du bon vouloir de la métropole

Depuis une dizaine de jours, un groupe de bénévoles fabrique, grâce à des imprimantes 3D, des visières de protection à destination du personnel de santé notamment. Mais alors que le collectif travaille sur ses fonds propres, les stocks de matériel diminuent drastiquement.

Il a commencé seul. Mais désormais, le collectif monté par Jérôme Mathey a pris de l’ampleur. Le 30 mars dernier, ce professeur de physique était intervenu dans les colonnes de Flash Infos pour encourager toutes les personnes ou entreprises pourvues d’une imprimante 3D à rejoindre son action, à savoir confectionner des visières de protection pour les redistribuer gratuitement aux professionnels de santé et de terrain, comme les pompiers et les policiers. Un appel bien reçu, puisqu’ils sont aujourd’hui une quinzaine de bénévoles à s’être engagés dans cet acte solidaire. Pour autant, rien n’est acquis.

Alors que la petite équipe peut produire jusqu’à 100 protections par jour, les stocks de filaments d’impression baissent, sans être réapprovisionnés. “Il ne nous reste plus qu’une semaine à dix jours de matière première”, explique Jérome Mathey. Alors que le rectorat vient de mettre à disposition du groupe douze de ses propres imprimantes. “Là, il va falloir un soutien financier pour pouvoir importer la matière depuis la métropole.” Problème, avec la suspension des vols, difficile de ramener à Mayotte le précieux matériau, d’autant plus qu’une majorité de territoires nationaux ont également adopté l’impression 3D pour la confection de protections sanitaires. Ainsi, il ne faudra pas compter sur l’île de La Réunion, qui préfère en toute logique, garder ses ressources pour ses propres besoins.

Mais après le soutien de la CCI qui avait permis de solliciter le matériel de l’entreprise 3Découpe, la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) et la préfecture ont à leur tour décidé de donner un coup de main pour acheminer de nouveaux filaments via les frets de matériels médicaux. Une bonne nouvelle, puisque sur l’Hexagone, toutes les entreprises spécialisées sont elles-mêmes en train de se réapprovisionner pour revendre la matière première. Pour faciliter les démarches, le sous-préfet, Julien Kerdoncuf, suit le dossier de près et devrait apporter plus d’éléments d’ici la semaine prochaine, autrement dit, quand les stocks locaux seront à sec.

450 visières depuis le début du mois

“Nous avons encore de quoi fabriquer 2.000 masques”, tempère Jérôme Mathey. Un chiffre qui semble élevé, mais qui pourrait pourtant bien vite descendre, en sachant que sur la seule journée d’hier, le collectif a permis de livrer 180 protections au bloc opératoire, et 100 autres à la CSSM. “Il faudrait essayer de sécuriser un mois de protection, soit 10.000 masques”, projette encore le groupe de bénévoles, qui pour l’instant, compte 450 visières fabriquées depuis le début du mois, alors que les imprimantes mises à disposition étaient bien mois nombreuses qu’aujourd’hui et les volontaires, aussi.

Pour l’instant, le collectif doit compter sur les dons de feuilles transparentes et d’élastiques offerts par des entreprises locales, le reste des fonds étant strictement apportés par les bénévoles, qui s’attendent déjà à une hausse de la demande. Car si le personnel hospitalier reste prioritaire, bien d’autres corps de métier sont dans les petits papiers de ces petites mains. Certes, ce type de masque ne protège “que” des projections salivaires, mais ils pourraient s’avérer cruellement nécessaires aux agents en contact avec le public, comme ceux d’EDM ou de la Mahoraise des Eaux (Smae), dont certains sont déjà touchés par le Covid-19. “Le manque de personnels va entraîner des coupures.

Chez Total, cela pourrait provoquer des pénuries. Et on sait tous à quoi ressemble l’île quand ses services ne tournent plus ”, souligne Jérôme Mathey, ravivé par les souvenirs de la grève générale du début 2018.

Ainsi, l’équipe de bénévoles cherche, en plus des matériaux et des imprimantes supplémentaires, constamment à grossir ses rangs. Si la maîtrise d’une imprimante numérique nécessite un certain temps de formation, “on a quand même besoin d’un coup de main pour la logistique, la communication, le secrétariat, etc.”, glisse le porte-voix du projet. Alors, pour occuper son confinement de façon solidaire, rendez-vous sur le groupe Facebook Mayotte Impression3D Urgence (MIU) — Makers contre le Covid 976.

 

Mayotte n’est pas épargnée par la guerre mondiale des masques

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Entre la lutte sans merci qui se joue sur le marché des protections en ces temps de pandémie, et les priorités du secteur médical, les entreprises privées et services de proximité sur l’île aux parfums, bataillent sans relâche pour obtenir leurs commandes de masques.

“Far west”, “jungle”, “loi du plus fort”… Les expressions pour qualifier la situation ubuesque qui agite le marché mondial des masques ne manquent pas, chez les commanditaires et chez les médias qui s’en font le relais. Épisode révélateur de cette pagaille généralisée : le rachat, par un intermédiaire américain, d’une commande faite par le président de la région Provence Alpes Côte d’Azur, il y a une semaine. Directement sur le tarmac en Chine, et en cash qui plus est ! Pas de doute, la situation est inédite. Détournement de palettes, vente au plus offrant, depuis, les accusations vont donc bon train entre puissances étatiques, parfois même alliées. Et dans le 101ème département, institutions publiques et entreprises privées ne sont pas épargnées par cette guerre des masques. “Ce qui bloque, c’est la pénurie mondiale, toutes les entreprises se ruent sur les mêmes fournisseurs, et nous ne faisons pas exception”, souligne Frédéric Guillem, le directeur régional de Vinci à Mayotte.

Au risque de souffler sur les braises, l’accalmie n’est malheureusement pas pour tout de suite. Au contraire, le combat est devenu encore plus féroce ces derniers jours, alors que l’Union européenne a assoupli la réglementation pour les achats vitaux, le matériel médical ou les médicaments. Depuis, tout le monde vient toquer aux mêmes portes, de Vinci au conseil départemental de Mayotte en passant par l’Allemagne et les États-Unis. Comment expliquer la ruée vers ce nouvel or, blanc ou bleu ? La propagation du virus, qui touche désormais 180 pays bien sûr. La délocalisation d’une partie importante de la production des protections sanitaires en Chine, depuis les vingt dernières années, est sans doute, aussi, un facteur aggravant dans cette situation de pénurie. Le gouvernement en a d’ailleurs conscience et c’est pourquoi de vieilles usines françaises à l’arrêt pourraient reprendre du service. Mais même avec la fin de la réquisition des masques d’importation, décidée par décret du 20 mars, pas sûr que cela ne suffise pour réapprovisionner tout le monde. Les fournisseurs habituels de Mayotte, Symbiose médical et Mahonet, entreprises de matériel professionnel, médical ou d’hygiène, sont d’ailleurs toujours à sec.

Des entreprises en attente de leurs commandes

Or certains secteurs à Mayotte, qui tournent encore malgré le confinement, s’en trouvent particulièrement handicapés. Et c’est notamment le cas pour les sociétés de construction, dont certaines, comme Vinci ou IBS, ont d’ailleurs fait un don de masques au CHM au début de l’épidémie. Et se retrouvent donc désormais sur la paille… “On traite le sujet au cas par cas avec les maîtres d’ouvrage, certains travaux peuvent continuer en appliquant les gestes barrières, mais il faut reconnaître que tout est très ralenti sur le bâtiment”, constate Frédéric Guillem. D’autant plus qu’après le bras de fer engagé entre les fédérations professionnelles et les ministères de la Santé et du Travail, un guide des bonnes pratiques a été publié le 3 avril et oblige désormais les entreprises de BTP à fournir leurs employés en matériel de protection. “Nous sommes en train de nous organiser pour faire venir par fret aérien des masques et d’ici la semaine prochaine, cela devrait nous permettre de reprendre très progressivement notre activité”, explique Julian Champiat, le président de la Fédération Mahoraise de Travaux Publics (FMBTP). En tout, il évalue à près de 150.000 masques FFP2 la commande passée pour l’ensemble du secteur. Un achat qui a été rendu possible d’après lui car “deux grosses entreprises dans notre fédération bénéficient de moyens logistiques et de réseaux”. Et du côté de Vinci, on nous confirme en effet avoir pu passer commande, avec Colas, de “60.000 masques chacun”.

Reste qu’entre la commande et la livraison, il y parfois un monde, ces temps-ci, comme nous l’avons expliqué plus haut. Et même si les stocks sont disponibles en métropole, encore faut-il pouvoir les acheminer jusqu’au 101e département. “Nous attendons la livraison par un vol Air France vers la Réunion, puis en fret militaire jusqu’à Mayotte, mais nous n’avons aucune visibilité”. Car c’est encore la préfecture qui gère l’acheminement des stocks de marchandises vers Mayotte, et le dispatch du matériel de protection en fonction des priorités.

Certains en profitent

“Nous avons énormément de mal à charger nos produits dans les soutes, car ils sont classés priorité 2”, décrit ainsi Fahridine Mlanao, le directeur d’exploitation de Sodifram. La priorité numéro 1 étant naturellement le CHM et toutes les activités médicales. Résultat, les enseignes de distribution elles aussi risquent de manquer de masques, même si certaines, comme la Sodifram, ont accepté l’alternative en tissu mise en avant par l’ARS. Grâce à ces masques cousus localement, et à raison de deux par personne, l’entreprise assure une protection minimale à 70 % de ses salariés. Mais la Sodifram reste complètement engagée dans la bataille d’approvisionnement qui se joue au niveau mondial. Et pour cause : l’une de ses commandes de masques, passées au début de la crise, lui est, elle aussi, passée sous le nez. “Cannibalisée par la Chine et les États-Unis”, fait valoir le directeur. Il doit savoir d’ici le 20 avril si cette commande de 5.000 masques sera remboursée, ou pourra lui être livrée. Mais “nous ne sommes pas à l’abri d’un coût supplémentaire”, peste-t-il. Le prix payé il y a quinze jours risque en effet fort d’être éloigné des réalités du marché, aujourd’hui sous tension…

Certains profitent d’ailleurs de la situation, comme l’a montré une enquête de la Cellule investigation de Radio France. La radio publique d’informations a pu retrouver quatre “nouveaux acteurs” du marché de l’équipement médical, qui proposent à prix d’or — 2 dollars l’unité — des masques chirurgicaux qui en valaient vingt fois moins il y a quelques semaines. Et d’après cette enquête, hôpitaux, cliniques, régions sont tous la cible de ces propositions commerciales parfois étranges. À Mayotte, Cécile Hammerer, la directrice des services à la mairie de Chirongui confirme d’ailleurs elle aussi recevoir régulièrement des emails douteux. “Dans certains, on nous offre 30 % de réduction si nous payons tout de suite”, décrit-elle. “Mais je vous avoue que, vu la situation de certains en métropole, la plupart de ces offres finissent dans ma corbeille…” Plutôt que de se faire avoir, la mairie a donc pour l’instant choisi d’économiser le plus possible les 400 masques qu’elle a reçus de l’ARS pour ses agents de proximité. Gratuits, ceux-là.

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