Accueil Blog Page 516

J. Kerdoncuf : « Je ne vois pas en quoi il serait pire d’être intégré au CRA que de faire 12 heures en kwassa »

-

Alors que plusieurs cas de coronavirus ont été détectés chez des personnes intégrées au centre de rétention administrative, Julien kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, répond aux inquiétudes qu’a suscité la nouvelle. Et assure que « des protections sanitaires maximales », sont mises en place au sein d’un CRA qu’il espère prochainement redevenir point de départ des reconduites.

Flash Infos : Considérez-vous que toutes les mesures sont prises pour éviter une propagation du coronavirus au sein du centre de rétention administrative ?

Julien Kerdoncuf : Premièrement, et ce n’est pas nouveau, nous avons à Mayotte le seul centre de rétention en France à organiser un examen médical préalable à la rétention pour les personnes qui arrivent par voie maritime. Dans ce cadre, le protocole permet de savoir si l’état de santé de la personne interpellée est compatible ou non avec la rétention. Actuellement, cela permet également de déterminer si ces personnes ont des symptômes évocateurs du Covid, auquel cas elles ne sont pas placées en rétention. Deuxièmement, le CRA de Mayotte est doté d’une infirmerie particulièrement robuste pour laquelle une convention prévoit d’allonger ses horaires afin qu’elle soit ouverte 24h/24.

Par ailleurs, les personnes qui sont placées au centre sont désormais systématiquement testées. Il est vrai que parmi elles, nous avons diagnostiqué plusieurs personnes positives au coronavirus. Il s’agit d’une mère de famille accompagnée de ses quatre enfants qui ont été placés au centre d’hébergement de Tsararano lorsque les résultats sont tombés. Plus récemment, six autres cas positifs ont été testés et ont suivi le même chemin. Alors, quand on dit qu’il y a des cas de Covid en rétention, ce n’est pas le cas dès lors que le diagnostic est posé, on persuade les malades d’intégrer le centre de Tsararano le temps de leur guérison.

De plus, 5.000 masques ont été remis au CRA il y a plusieurs semaines, accompagné de gel hydroalcoolique ou encore de tenues de protection. Une formation aux gestes barrière a également été menée auprès des forces de l’ordre au tout début de l’épidémie et une autre au personnel du centre il y a une semaine. Enfin, nous avons revu l’organisation du CRA pour respecter ces mêmes gestes barrière. Concrètement, nous séparons les zones en fonction des arrivées de kwassa – seules ces personnes étant intégrées dans le centre actuellement – afin de ne pas mélanger les groupes et d’éviter de croiser les flux de personnes tant que les résultats des tests ne sont pas connus. Dernier point, les repas sont servis dans les zones et non plus au réfectoire.

L’effort est donc considérable et si, effectivement, le virus circule encore sur le territoire, tout est fait pour que le centre ne connaisse pas de vague épidémique comme on a pu le constater dans d’autres administrations par exemple.

FI : Différentes mesures que vous citez, en premier lieu le dépistage systématique, sont pourtant très récentes alors que le centre a rouvert il y a plus d’un mois. Par ailleurs, les personnes sont tout de même intégrées le temps que les résultats de leurs tests soient connus, ce qui laisse le temps à une éventuelle propagation du virus…

J. K. : C’est vrai, les tests n’ont pas été mis en place immédiatement, il y a eu plusieurs semaines de battement. Mais je rappelle que la doctrine nationale sur le sujet est de ne tester que les personnes symptomatiques. Et dans la mesure où nous procédons à un examen médical préalable à la rétention, on peut considérer que cette évaluation est déjà faite. Dès lors, on voit que l’on va, avec ce test, plus loin que la doctrine nationale.

En ce qui concerne les tests, les résultats arrivent dans les 48 heures et les groupes de kwassa ne sont, je le répète, pas mélangés et la distanciation physique est possible au vu de la taille des différentes zones du CRA. Dans ce cadre, je ne vois pas en quoi il serait pire d’être intégré au centre que de faire 12 heures de traversée dans un kwassa.

FI : Que se passerait-il si le nombre de zones venait à être inférieur au nombre de kwassas interpellés ?

J. K. : Cela ne s’est pour l’heure jamais produit. En ce qui concerne les personnes positives au coronavirus, elles sont incitées à rejoindre le centre de Tsararano et en ce qui concerne les autres, elles sont libérées au bout d’un certain temps puisque les reconduites ne peuvent malheureusement pas être effectuées. Cela libère donc de la place dans les zones que nous décontaminons après chaque passage.

FI : Pour autant, le personnel du CRA et des syndicats de police s’inquiètent de cette situation, ces derniers allant jusqu’à pointer un manque d’information de la part des autorités… Comprenez-vous cette inquiétude ?

J. K. : Mon rôle n’est pas d’alerter les syndicats de police mais les policiers qui sont sur le terrain au plus proche des dangers sanitaires. Lorsque le premier cas de Covid a été diagnostiqué, nous avons tout de suite convoqué le personnel afin de les en informer et de leur demander de renforcer leurs précautions. En ce qui concerne l’inquiétude, elle est tout à fait légitime mais relève du ressenti. Tout le monde a peur d’attraper le Covid et c’est bien normal. Mais en fournissant tous les efforts que j’ai évoqués, n’y a-t-il finalement pas moins de risque au centre qu’en allant faire ses courses ? Je comprends donc l’inquiétude et nous sommes là pour rassurer le personnel mais en parallèle de ça, il y a toutes les mesures qui forment une protection optimale contre la propagation du virus.

FI : Pour vous, il n’y a donc pas de risque à intégrer dans un même centre, par nature fermé et pendant 48h, des personnes dont on ne connaît pas l’état de santé pour, in fine, les libérer ?

J . K. : La question qu’il faut se poser est : quelle est l’alternative ? Est-ce qu’il n’est pas finalement plus sûr d’intégrer ces personnes dans un centre qui respecte toutes les précautions et qui permet d’effectuer des tests sur les personnes qui arrivent et, le cas échéant, les inviter à se protéger en intégrant le centre de Tsararano que de laisser tout le monde dans la nature dans l’ignorance de leur état de santé ? Pour moi, la réponse est assez claire.

FI : Vous adoptez un discours sanitaire quand d’autres voient dans la réouverture du CRA sans reconduites un geste essentiellement politique…

J. K. : Les reconduites ne sont effectivement pas possible pour l’heure mais si nous faisons cela, c’est que nous avons la certitude de pouvoir les reprendre dans des délais raisonnables. Le ministère des Affaires étrangères et l’Élysée sont tellement mobilisés dans la reprise des reconduites vers les Comores et Madagascar que tout laisse à penser qu’elles puissent effectivement reprendre dans les jours ou les semaines prochaines. Le juge des libertés et de la détention estime que ce n’est pas le cas dans la plupart des dossiers qui lui sont soumis mais il ne m’appartient pas de commenter ses décisions. De notre côté, notre travail est d’obtenir le plus rapidement l’accord des autorités comoriennes pour reprendre les éloignements. Nous nous activons tous très forts en ce sens en coulisse et si effectivement nous n’avons pas de date pour l’heure, tous les efforts sont faits.

FI : Les dépistages resteraient-ils systématiques ? Une personne testée positive pourrait-elle être reconduite ?

J. K : Je vais être très clair : nous n’éloignerons pas les personnes testées positives.

Drame à Hamjago : La crainte de représailles inquiète les habitants

Après un regain de violences le week-end dernier, un nouvel affrontement entre bandes rivales s’est tenu, mardi en pleine journée, à Hamjago. Un événement qui aurait, selon les habitants, provoqué la crise cardiaque d’une commerçante, décédée en tentant de sauver un jeune en train de se faire agresser. Un scénario différent de celui relaté par les forces de l’ordre, mais qui laisse toutefois craindre une possible riposte.

« On sait que ça ne va pas s’arrêter là », lâche, encore traumatisée, Faoulati. « En tant que mère de famille, je suis très angoissée pour ma sécurité et celle de mes enfants. » Quelques heures plus tôt, une autre mère de famille, elle aussi habitant dans le village d’Hamjago, perdait la vie. Il est midi, mardi, lorsque, venus de M’tsamboro, plusieurs dizaines de jeunes – une cinquantaine, selon les témoignages du voisinage – font irruption dans la commune, prêts à en découvre avec une bande rivale, chombo, parpaings et barres de fer au poing.

Sur les réseaux sociaux, un récit dramatique prend rapidement de l’ampleur. Selon plusieurs habitants, les adolescents, arrivés à hauteur de la rue Tchad, s’en seraient pris à un jeune du quartier, près d’un petit commerce. Aux premières loges du déferlement de violences qui éclate alors, la gérante de la boutique aurait tenté de s’interposer. Mais la peur, le stress et l’adrénaline auraient déclenché l’arrêt cardiaque de la femme âgée d’une cinquantaine d’années, qui décédera quelques minutes plus tard. Si cette personne est bel et bien morte d’un arrêt cardiaque, celui-ci serait toutefois survenu, selon la gendarmerie locale, plus de deux heures après les faits. Surpris du jeune âge de la victime, le médecin-légiste a alors prononcé un obstacle médico-légal. Mais face à l’hostilité de la famille et de la foule voyant l’ambulance venue chercher le corps, les examens prévus ont finalement été abandonnés.

Pourtant, alors que les appels signalant les premiers affrontements avaient fait saturer le standard du 17, une douzaine de gendarmes s’étaient une première fois rendus sur place quinze minutes après l’irruption de la bande dans le village. Trop tard, tous les assaillants ayant déjà pris la fuite. « Une fois arrivé, il n’y avait plus personne. Alors nous avons entamé des recherches entre les deux villages, mais ils avaient tous disparus dans la nature. » Dans le même temps, le Samu intervient à Hamjago, où deux jeunes, grièvement blessés par la bande de M’tsamboro avant qu’elle ne prenne la fuite, doivent être évacués sur le champ. Impuissante, Faoulati ne rate pas une seconde de la scène qui se joue, à quelques pas du domicile familial. « Les jeunes d’Hamjago ne vont pas en rester là, c’est certain », craint-elle. « Cette rivalité existe depuis plus de 30 ans… »

Si, comme à chaque fois, les auteurs de violence n’ont pu être interpellés, le secrétaire départemental du syndicat Alliance police nationale, Bacar Attoumani, suggérait, plus tôt dans la semaine et après que trois policiers aient été blessés lors d’affrontements avec des bandes de jeunes, de réitérer l’intervention du GIGN afin d’identifier, sur le terrain, les meneurs des caillassages, en les photographiant en pleine action et avant qu’ils ne prennent la fuite. Un dispositif qui avait été déployé en décembre dernier et qui avait permis de juger plusieurs agresseurs et coupeurs de route. Mais pour la gendarmerie, l’antenne normalement attelée à cette tâche est actuellement exclusivement mobilisée sur l’identification d’autres personnes impliquées dans des faits « plus graves », comme des vols à mains armés dans plusieurs commerces. En attendant, les habitants d’Hamjago ont décidé d’organiser un grand rassemblement ce jeudi à 16 heures, sur le plateau de M’tsamboro.

 

À Mamoudzou et Tsararano aussi

Alors que les policiers de Mamoudzou auraient reçu l’ordre de ne plus intervenir entre M’tsapéré et Doujani, dans l’espoir que les affrontements s’apaisent, de nouveaux affrontements ont eu lieu mardi soir dans le chef-lieu. Puis, mercredi matin à Tsararano, plusieurs élèves de Dembéni venus au lycée pour se réinscrire en vue de la prochaine rentrée scolaire, ont été pris à partie par « plusieurs jeunes non scolarisés qui les attendaient dehors », selon la gendarmerie. L’un d’entre eux aurait ainsi frappé un lycéen avec un sac banane rempli de sable et de gravas. Le jeune homme aurait tenté de se défendre avec une paire de ciseaux, mais ne réussira, finalement qu’à déchirer un bout du t-shirt de son agresseur. Les deux « victimes-agresseurs », âgés de 16 ans environ, ont été pris en charge médicalement et seront prochainement entendus par les forces de l’ordre.

Pauvreté : La dichotomie mahoraise

Le chiffre est l’un des plus parlants pour décrire la situation de Mayotte. Régulièrement employé, il va désormais changer. La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté national passe en effet de 84% à 77%. Une baisse qui ne doit pas masquer une autre réalité : les inégalités de vie se sont creusées.

Hier, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) présentait les résultats de son enquête nationale Budget de famille, menée entre octobre 2017 et octobre 2018. Mayotte n’échappait pas à cette dernière, menée depuis 1979 en France et 1995 chez nous. C’est donc une nouvelle photographie budgétaire du territoire qui a été dévoilée, mettant à jouer les données jusqu’ici employées, datées de la précédente enquête du genre en 2011. Revue de détails.

Un taux de pauvreté qui diminue

Il faudra désormais parler de 77% – et non plus 84% comme jusqu’à présent – de la population vivant sous le seuil de pauvreté national (1.010 euros, soit 60% du revenu médian qui sépare la population en deux parts égales). Une part certes en baisse, mais qui demeure de loin la plus élevée de France, puisqu’elle est de 14% en métropole et de 53% en Guyane, autre département ultramarin pourtant souvent comparé – vraisemblablement de façon un peu trop hâtive – à Mayotte. Autant dire que le 101ème département garde largement son triste record et son statut de territoire le plus pauvre de France.

Toutefois, perception de la pauvreté divergente en fonction des territoires, l’Insee établit également un revenu médian local. Ainsi, la moitié de la population vit avec moins de 260 euros par mois. Un niveau de vie médian six fois plus faible qu’en métropole et trois fois plus faible qu’en Guyane. Et alors que celui-ci était en hausse entre 2007 et 2011, il était en retrait de 40 euros en 2018. En cause : les flux migratoires de populations pauvres entrant sur le territoire, mais aussi le départ de natifs de Mayotte, plus aisés, vers la métropole ou La Réunion.

Un écart qui se creuse

À partir de ce niveau de vie médian local, on peut déterminer une sorte de sous-seuil de pauvreté de 160 euros par mois, séparant les « bas-revenus » au-dessus (mais en dessous du seuil de pauvreté national), et les « très bas revenus » en dessous. Et c’est 42% des habitants de l’île qui vivent dans cette dernière catégorie, soit 109.000 personnes. Un part qui gagne 27.000 personnes depuis 2011. En métropole, cela représente moins de 1% de la population, et seulement 6% en Guyane. En revanche, la part des ménages à « bas revenus » baisse de huit points. Pour récapituler : la part des non-pauvres – c’est-à-dire vivant au-dessus du seuil de pauvreté national – augmente, tout comme les ménages à « très bas revenus ». En somme, les écarts de niveau de vie se creusent. Les chiffres le disent très clairement : en 2018, les 10 % les plus aisés des habitants de Mayotte ont un niveau de vie plancher – comprendre les moins aisés de cette catégorie – 6,8 fois supérieur au niveau de vie médian mahorais, contre 4 fois supérieur seulement en 2011. Pas d’emballement toutefois, il ne s’agit pas forcément de niveaux de vie mirobolants, celui-ci correspondant à peu près à un revenu de 1.800 euros par mois, soit le niveau de vie médian métropolitain.

Une pauvreté qui concerne tout le monde

Parmi les profils de la pauvreté à Mayotte, on trouve les natifs de l’étranger. Ainsi, 94 % des ménages dont la personne de référence est née à l’étranger sont pauvres. Pour autant, les natifs du territoire ne sont pas épargnés. Pour les ménages natifs de Mayotte ou d’un autre DOM, le taux de pauvreté s’établit en effet à 59 % tout de même.

Autre constat : si les ménages dont la personne de référence est chômeur ou inactif sont quasiment tous pauvres, avoir un emploi ne protège pas forcément de la pauvreté : 58 % des ménages dont la personne de référence occupe un emploi sont en effet, eux aussi pauvres.

Par ailleurs, sans surprise, l’absence de diplôme et le fait d’être une famille monoparentale sont aussi des facteurs propices à la pauvreté.

Prestations sociales : fin d’une idée reçue

Non, les prestations sociales à Mayotte ne suffisent pas à réduire la pauvreté. Leur influence sur cette problématique est d’ailleurs marginale. Elles ne représentent en effet que 17% du revenu moyen des ménages pauvres du Mayotte, ne font baisser le taux de pauvreté que de seulement deux points, et ne sont de toute façon pas accessibles à la population étrangère régularisée depuis moins de 15 ans, et a fortiori non régularisée. Par ailleurs, au-delà des questions migratoires, seules 16.000 personnes bénéficient du RSA à Mayotte. Les pensions de retraites ne sont, elles aussi, perçues que par une très faible part de la population.

Une consommation qui stagne

Autre secteur étudié par l’enquête : la consommation des ménages. Premier constat : elle stagne entre 2011 et 2018. En moyenne, un ménage mahorais consomme donc 1.190 euros par mois, une consommation moitié moindre qu’en métropole et inférieure d’un tiers à celle des autres départements ultramarins. Évidemment, cette donnée masque de forts contrastes. Les ménages à « très bas revenus » consomment ainsi quatre fois moins que les ménages « non pauvres » – un écart qui s’accentue logiquement à la lumière des analyses précédentes – et ceux à « bas revenus » consomment, eux, 2,5 fois moins que ces mêmes ménages.

Parmi les postes de dépenses, l’alimentation occupe la première place puisqu’elle représente 24% du budget. Autre donnée liée à l’alimentation, et relativement stable quel que soit le niveau de vie des ménages : 30% d’entre eux recourent à l’autoconsommation.

Derrière l’alimentation, ce sont les transports qui pèsent le plus, avec d’ailleurs une hausse de trois points (18%) du budget des ménages. Logement ensuite à hauteur de 15% du budget, surtout vrai pour les locataires puisque ce sont les loyers et les dépenses en eau et électricité qui sont ici comptabilisés, et non le remboursement des prêts immobiliers. Le poids des dépenses liées au logement dans le budget est le seul point comparable avec la métropole. Viennent ensuite l’habillement à hauteur de 10% – très élevé quel que soit le niveau de vie, une spécificité locale –, ainsi que les dépenses d’assurances et les services financiers, qui progressent depuis 2011.

Enfin, un point intéressant à soulever : s’ils disposaient de 10 % de ressources supplémentaires, 25% des ménages l’utiliseraient prioritairement pour la culture et l’éducation de leurs enfants.

Conflit social à Mayotte : Rien ne va plus entre les pompiers et leur directio

-

Les conflits s’enchaînent entre le syndicat des pompiers de Mayotte, SNSPP-PATS 976 et la direction du SDIS. Menace d’une grève illimitée, accusation de discrimination raciale, la tension est palpable entre les deux partis.

On pourrait croire que tout a commencé le jour où la caserne de pompiers de Kahani a été vandalisée au mois de mai. Ce jour-là, les pompiers en colère avaient mis en cause leur direction qui aurait laissé à l’abandon le site sans aucune sécurité. En réalité, ce conflit remonte à plusieurs années. “Depuis 2012, on nous a promis de vraies rénovations mais ça n’a pas été fait. On continue sur du provisoire. Le mobilier est devenu très vétuste, il tombe tout seul. Il y a des trous partout, les rats et les poules s’en donnent à cœur joie, c’est devenu invivable”, dénonce Abdoul Karim Ahmed Allaoui, président du syndicat SNSPP-PATS 976. L’agression du 10 mai a été la goutte de trop, puisque les malfaiteurs sont entrés par le portail qui ne se fermait plus depuis des mois. Des discussions ont été enclenchées entre les représentants du personnel et la direction du SDIS, mais le 30 juin, le SNSPP-PATS 976 a déposé un préavis de grève car selon son président “il n’y a que des promesses et rien de concret”. Une version contestée par le colonel Fabrice Terrien, directeur du SDIS, qui indique que de tels propos visent à tromper les gens. Une solution provisoire a été apportée au portail, il bénéficie désormais d’une “fermeture fiable” selon lui. Le portail en question est désormais fermé grâce à une grosse chaîne et un cadenas robuste. “Nous sommes conscients que ce n’est pas suffisant, mais pour le long terme nous avons programmé un projet pour reconfigurer totalement le site de Kahani. La caserne sera remise à neuf d’ici deux ans”, affirme le directeur du SDIS. Ce projet n’est pourtant pas au goût du syndicat SNSPP-PATS 976 qui est à l’origine du préavis de grève et qui aurait boycotté les réunions. “Il y avait une réunion le 19 juin, ils ne sont pas venus. Nous avons convoqué à nouveau tout le monde le 25 juin. Nous avons présenté le rapport, il a été validé à l’unanimité par tous les partis, y compris ceux qui appellent à la grève, et le 30 juin nous avons reçu un préavis de grève qu’on ne comprend pas”, déclare le colonel Fabrice Terrien. Il avoue également être dans l’embarras parce que le processus est lancé et l’appel d’offres sera mis sur le marché sous peu. Les pompiers veulent de nouvelles négociations, au cas contraire, ils entreront en grève illimitée à partir du 8 juillet.

Discrimination ou manque d’initiative ?

La caserne de Kahani n’est pas la seule source de conflit entre le SNSPP-PATS 976 et l’administration du SDIS. Le syndicat accuse également la direction de faire une différence raciale entre trois sapeurs-pompiers qui partent à la retraite. “La direction a choisi de faire une cérémonie pour les deux Métropolitains mais pas pour le Mahorais. Cela montre encore une fois à quel point notre direction méprise les pompiers mahorais. Elle cherche à nous diviser parce que lorsqu’il s’agit des Mahorais, notre hiérarchie est insensible mais quand ce sont les autres elle s’active”, accuse Abdoul Karim Ahmed Allaoui. Le président du syndicat y voit là une provocation et une insulte envers les sapeurs-pompiers d’origine mahoraise. La direction se dit indignée par la tournure que prend le débat. Selon le directeur du SDIS, si une cérémonie n’a pas été organisée pour le Mahorais qui part à la retraite, c’est tout simplement car la demande n’a pas été faite. “C’est déplacé de parler de conflits ethniques. La prise d’initiative revient au chef de caserne ou chef de service. Celui des deux collègues métropolitains qui partent à la retraite nous a notifié sa volonté d’organiser une cérémonie, chose qui n’a pas été faite par le chef de caserne du retraité mahorais. Nous ignorons les raisons mais s’il l’avait fait nous l’aurions aussi accompagné”, souligne le colonel Fabrice Terrien. Ce dernier rappelle qu’il est encore temps d’organiser une cérémonie pour le troisième retraité à condition que son supérieur en fasse la demande.

Covid-19 : l’indignation face aux essais thérapeutiques à Mayotte et en Guyane

-

L’infectiologue Karine Lacombe a annoncé sur la chaîne LCP, l’ouverture de centres d’essais thérapeutiques à Mayotte et en Guyane pour lutter contre la Covid-19. La nouvelle a enflammé la toile qui dénonce un nouveau mépris envers les Mahorais et les Guyanais.

Le 25 juin, le professeur Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), était auditionnée au parlement par la commission d’enquête Covid-19. Lors de cette audition, elle a annoncé l’ouverture de centres d’essais thérapeutiques à Mayotte et en Guyane. “Nous allons ouvrir un centre à Mayotte et un autre à Cayenne, en Guyane, où l’épidémie fait rage et où le pic ne sera vraisemblablement pas atteint avant la fin du mois de juillet. Il est donc indispensable d’apporter une solution thérapeutique.” Cette solution thérapeutique consiste à prélever du plasma sanguin chez des personnes guéries de la Covid-19 et de le transfuser chez des personnes malades. L’objectif est de savoir si le plasma collecté rempli d’anticorps est capable d’immuniser le malade et éviter une forme sévère de la maladie ainsi qu’un passage en réanimation. Les essais se feront sur la base du volontariat. En métropole, ce test a été lancé par l’établissement français du sang (EFS) en avril, en Île-de-France, dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté. 200 donneurs ont été sollicités mais selon la directrice de l’Agence régionale de santé de la Guyane, ce n’est pas suffisant. “Dans l’Hexagone, les personnes malades (sollicitées) ne sont pas assez nombreuses pour que l’on puisse vraiment confirmer tout l’intérêt de cette nouvelle thérapeutique. Donc le fait qu’en Guyane, on ait beaucoup de malades va pouvoir faire progresser très fortement cette recherche vraiment très prometteuse”, a déclaré Clara de Bort à Guyane la 1ère. Cette dernière ajoute également que c’est une “chance” de pouvoir participer à cet essai. Chez nous, l’ARS ne souhaite en dire plus car il est encore trop prématuré. Elle précise cependant qu’“une demande a effectivement été faite pour lancer cette étude à Mayotte mais nous ne sommes qu’en phase de discussion pour voir s’il y a un réel intérêt ou pas. C’est un processus très long et si cela se fait, ça ne sera pas aujourd’hui ni demain”, déclare Manon Rabouin, chargée de communication à l’ARS de Mayotte. Selon elle, la Guyane a précipité la communication sur cet essai thérapeutique.

Une annonce qui scandalise les Mahorais et Guyanais

La nouvelle du Pr. Karine Lacombe a rapidement enflammé la toile chez nos compatriotes Guyanais. “Prendre des Guyanais pour des cobayes, il est hors de question !”, “Pourquoi ne pas le faire dans les clusters de l’Hexagone ?” “Pas un seul essai sur les habitants de notre pays (Guyane)”, peut-on lire sur les réseaux sociaux. Une pétition a été lancée par Jean-Victor Castor, guyanais et secrétaire général du Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale. Il ne croit pas en la théorie du volontariat. “Les deux territoires qui vont être utilisés comme cobayes sont Mayotte et la Guyane et on sait que sur ces deux territoires, il y a beaucoup de populations précaires qui pourront être influençables.” À Mayotte, pour l’heure aucune personnalité ni aucun élu n’a commenté la nouvelle. Cependant, les voix des internautes s’élèvent petit à petit. “Mayotte n’est pas un rat de laboratoire à ciel ouvert. Ils font cela parce que nous sommes les départements les plus pauvres et parce que nous sommes noirs. Nous devons nous révolter contre ce mépris et refuser que ces tests se fassent chez nous, qu’ils les fassent ailleurs. À Paris ou à Marseille par exemple où il y a beaucoup plus de cas. Où sont les élus ? Pourquoi personne ne réagit ?”, s’indigne Gaillard Junior, fervent défenseur de la cause mahoraise sur la page Front départemental mahorais. L’ARS de Mayotte entend la colère de certains et affirme qu’il n’y aura “aucune différence avec les essais déjà faits en métropole”. Cette affirmation calmera-t-elle les esprits ? Nous le serons probablement à partir du 2 juillet, date à laquelle le Pr. Karine Lacombe se rendra en Guyane.

Le coronavirus a fait son entrée au CRA de Mayotte

-

Alors qu’associations et syndicats de police s’inquiétaient le mois dernier des conséquences sanitaires qu’impliquait la réouverture du centre de rétention administrative, les derniers ours viennent leur donner raison. Plusieurs cas de coronavirus y ont en effet été détectés, sans que les mesures nécessaires à contenir la propagation du Covid-19 ne soient prises.

De la rétention d’information au centre de rétention ? Le mot pourrait prêter à sourire. Mais Aldric Jamet n’est pas d’humeur. « On a eu l’info à l’arrache », s’emporte le représentant d’Alternative police sur le territoire. Le 24, les voyageurs à bord d’un kwassa en provenance des Comores sont interceptés puis placés dans le centre de rétention administrative. Dépistés dans la foulée, « au moins six, peut-être neuf » d’entre eux sont diagnostiqués porteur du coronavirus. Voilà « l’info » en question. Le problème, pour le policier, « c’est que nous l’avons appris hier d’une source extérieure, les officiers et la préfecture ne nous ont rien dit ». C’est donc sans aucune connaissance de leur état de santé que les porteurs du virus « ont été mis en contact avec tout le monde pendant plusieurs jours », pointe le syndicaliste selon qui « forcément, il y a eu propagation ».

« Il y a des moyens de protection, mais quand on doit gérer 60/70 personnes tous les jours avec toutes les allées-venues, c’est trop compliqué. Alors, si l’on ne connaît même pas l’état de santé des personnes retenues, c’est injouable », martèle celui qui s’inquiète pour ses collègues, certes, « mais aussi pour tout le monde ». « Si on ne découvre pas ça, cela veut dire que l’on va potentiellement relâcher 70 personnes positives dans la nature et qui vont contaminer le reste de la population. Tout le monde est en danger », alerte Aldric Jamet. Pour Alternative police Mayotte, qui a saisi l’Agence régionale de santé sur la question, la solution est pourtant simple. « Ce qui était à prévoir est arrivé alors nous demandons soit que le CRA soit limité à un rythme de quatorzaines, soit qu’il soit tout simplement fermé tant que les expulsions ne pourront pas reprendre », explique-t-il à l’attention du préfet de Mayotte, car « c’est lui qui a décidé de le rouvrir, à lui désormais de le fermer. Après… C’est vrai qu’on aimerait bien que nos officiers prennent un peu leur part », lâche-t-il.

Un protocole sanitaire tardif et « insuffisant »

Selon nos informations, un dépistage est systématiquement organisé – dans les 24 heures – lors de l’intégration des personnes au sein du centre de rétention. Problème, ce dispositif sanitaire opéré par les équipes du CHM ne s’est mis en place que le 25 juin, soit plus d’un mois après la réouverture du CRA, le 15 mai. 200 personnes auraient circulé dans les lieux entre-temps. Pour des sources internes au CRA, le protocole mis en œuvre depuis est toujours loin d’être suffisant. « Dans l’attente des résultats, on laisse tout de même jusqu’à trois jours des personnes dans une même zone, le virus a donc largement le temps de se transmettre sachant que les retenus utilisent les mêmes sanitaires etc. », dévoile l’une de ces sources.

 

Ce n’est donc qu’une fois que le test revient effectivement positif que les personnes porteuses du virus sont écartées « En principe, elles sont envoyées dans le centre d’hébergement de Tsararano, mais c’est assez opaque », poursuit cette source, affirmant que tous, « policiers et autres, ne comprennent pas pourquoi on laisse les choses comme ça ». « C’est purement politique, pour dire que le CRA est ouvert mais c’est faire prendre des risques à tout le monde, à l’intérieur comme à l’extérieur du centre puisqu’après cinq jours de rétention, le juge des libertés et de la détention est bien obligé d’ordonner la remise en liberté des personnes intégrées car ne peut pas les expulser », se désole-t-on au sein du centre. Lequel, en termes de propagation du virus, semble faire tout sauf de la rétention.

*Contactée, la préfecture n’a pas donné suite à nos sollicitations

Rachat de Vindemia par GBH : la grande distribution de Mayotte face à la menace d’une concentration inédite

-

Réunion au sommet ce lundi, entre les différents acteurs économiques et politiques du 101ème département, alors que le rachat de Vindemia, filiale de Casino, par GBH, qui détient 11 magasins Carrefour, doit avoir lieu le 1er juillet. Pour l’instant, ni l’Autorité de la Concurrence, ni le Conseil d’État ne se sont prononcés contre l’opération. Mais après La Réunion, c’est au tour des acteurs mahorais de s’inquiéter de ses conséquences pour la vie économique locale.

C’est un nouvel épisode dans le feuilleton du rachat de Vindemia par GBH. Ce lundi, les acteurs économiques – syndicats patronaux et salariés, président de la CCI, figures politiques de l’île – se sont réunis à huis clos pour répondre à l’appel de la préfecture et de l’Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus (OMPR) de Mayotte. À l’ordre du jour : la présentation d’un rapport du cabinet Bolonyocte Consulting, qui aura déjà fait couler un peu d’encre. Mandaté par les OPMR de La Réunion et de Mayotte, ce document a été finalisé le 20 mai dernier mais rendu public courant juin. Et il n’est pas tendre avec le groupe Bernard Hayot, véritable empire de la distribution en Outre-mer qui brasse quelques 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial. “Le groupe Sodifram, jusqu’alors leader à Mayotte, va voir ses parts de marché fondre au profit d’un acteur qui va devenir encore plus dominant. Et ce nouveau duopole qui pèsera 84% du marché aura un effet de concentration très préjudiciable pour le consommateur mahorais”, prédit Christophe Girardier, le directeur du cabinet mandaté et auteur de l’étude.

Situation “urgente” pour Mayotte

Plusieurs facteurs expliquent selon lui cette augmentation des parts de marché, alors même que l’entreprise familiale née en Martinique n’est en réalité pas encore présente à Mayotte. D’abord, Bourbon Distribution Mayotte (BDM) – qui dépend de Vindemia et regroupe les enseignes Jumbo, Score, SNIE et Douka Bé – a un projet d’extension de son parc de magasins, qui est “bien plus que dans les cartons, qui est en cours”, souligne Christophe Girardier. Ensuite, le changement d’enseigne – de Jumbo à Carrefour, en l’occurrence – “aura un impact très important sur les Sodifram”. Enfin, le groupe Hayot a une intégration verticale du marché en cela qu’il détient des entreprises en amont comme en aval de la filière. “Avec l’opération, il deviendra le fournisseur pour près d’un tiers des produits de consommation sur l’île”, s’inquiète Bourahima Ali Ousseni, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) à Mayotte.

Tous ces effets cumulés risquent de faire grimper les parts du nouvel acteur à 45,5% tandis que celles du futur ex-numéro 1 tomberont de 7 points, à 38,4%, chiffre l’étude du cabinet Bolonyocte. Une concentration qui aura des conséquences non seulement sur le secteur de la grande distribution alimentaire, mais sur le monde économique mahorais dans son ensemble. Plus de 1.000 petites épiceries de proximité, qui participent au tissu économique local, seraient en effet menacées. D’après Christophe Girardier, il s’agit donc d’une situation “urgente” pour Mayotte, alors que l’opération doit être finalisée le 1er juillet. À tel point que le consultant parisien a dû embarquer en toute hâte ce samedi, direction Dzaoudzi, afin de pouvoir assister à la réunion au sommet de ce lundi.

Les “erreurs” de l’Autorité de la Concurrence

Les conclusions de son étude vont pourtant à rebours de celle de l’Autorité de la Concurrence, qui a donné son aval le 26 mai dernier. Son avis complet a été rendu public vendredi. “Mettre un mois pour publier son enquête me paraît un peu surprenant, pour ne pas dire anormal”, s’étonne d’ailleurs Christophe Girardier. Et sur le fond, ce dernier n’y va pas de main morte sur ce qu’il juge “une décision entachée d’erreurs très importantes de raisonnement qui sont contraires à la doctrine même de l’Autorité et privent de fait cette décision de base légale”. Il faut dire que, là où le consultant assure avoir interviewé pas moins de quarante acteurs du 101ème département, la publication ne fait, elle, pas beaucoup cas de Mayotte, mentionnée à peine deux fois dans les soixante pages que pèse son rapport. La raison ? L’Autorité la résume en une phrase : “GBH n’étant pas présent à Mayotte avant l’opération, la reprise par GBH des activités de Vindémia dans ce département ne modifie pas la situation concurrentielle.” Le directeur général de Carrefour à La Réunion, Amaury de Lavigne, et le directeur général de GBH pour la zone Afrique, Maghreb, océan Indien, Michel Lapeyre, défendaient d’ailleurs le même argument dans nos colonnes, le 25 juin dernier. “GBH n’est présent dans aucun domaine d’activité à Mayotte (…) Nous rachetons une entreprise qui existe déjà et (…) nous restons sur les mêmes parts de marché que l’entreprise existante. Je ne vois pas comment Sodifram, acteur historique à Mayotte, pourrait passer subitement à la deuxième place, tandis que GBH passerait premier d’un claquement de doigts !”, assuraient-ils.

Plusieurs recours au Conseil d’Etat

Toujours est-il que leur défense peine à convaincre sur l’île aux parfums. Et les premières voix commencent à s’élever contre ce qui pourrait devenir une opération de concentration inédite. Le 22 juin, la CPME, qui a aussi assisté à la réunion ce lundi, a déposé deux requêtes en annulation de la décision de l’Autorité de la Concurrence, dont une en référé. “L’Autorité de la Concurrence a bafoué les droits de Mahorais à donner leur avis sur cette opération”, critique Bourahima Ali Ousseni. “Dès lundi prochain, plusieurs entreprises de distribution à Mayotte vont à leur tour déposer des recours, pour multiplier nos chances d’être entendus”, poursuit le représentant des petites et moyennes entreprises. D’après Médiapart, qui révélait l’affaire vendredi dernier, les requérants devront prouver que la décision de l’autorité administrative est motivée par les problèmes d’endettement du groupe Casino – maison-mère de Vindemia -, davantage que par la problématique de la vie chère dans les Outre-mer. Pour l’instant, le Conseil d’État a déjà rejeté un recours formulé par les entreprises Leclerc et Caillé sur les effets de cette décision pour la concurrence à La Réunion. Mais il s’agit d’un recours devant le juge des référés destiné à suspendre l’opération avant de rendre un examen approfondi sur le fond. “Il y a urgence, mais Leclerc et Caillé n’ont pas réussi à l’établir”, affirme Christophe Girardier. “Le Conseil d’État a rendu une première partie de sa décision, il est également saisi de recours au fond concernant cette opération, rien n’est donc terminé”, a réagi le groupe Leclerc le 17 juin dernier. Suite au 1er juillet ?

 

Un premier pas pour le tourisme mahorais, ou un énième coup d’épée dans l’eau ?

L’hémicycle du conseil départemental accueillait, mardi matin, une séance plénière. À l’ordre du jour, la relance de l’aquaculture, l’étude des comptes administratifs de l’année passée et surtout, la première étape du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs à Mayotte. Si la théorie semble désormais acquise, à voir ce qui suivra dans la pratique. Et rien n’est encore gagné.

« Je crois qu’il manque encore une vraie stratégie », souffle Issa Issa Abdou, vice-président du conseil départemental, sous le toit de l’hémicycle Younoussa Bamana. Mardi matin, plusieurs dizaines d’élus de la collectivité étaient réunis en séance plénière pour voter, notamment, l’adoption du schéma de développement du tourisme et des loisirs à Mayotte. Un dossier qui a nécessité une pleine année d’études, de diagnostic et d’élaboration. L’objectif : créer 150 chambres d’hôtels supplémentaires d’ici cinq ans, et 1.000 nouveaux lits sur les dix prochaines années. Autrement dit, doubler l’offre déjà disponible, et mettre l’accent sur la création d’établissements trois étoiles, au standing international. Rien que ça.

Mais pour développer l’offre touristique, encore faut-il que les touristes soient attirés par la destination Mayotte, ce qui, comme personne ne l’ignore, est loin d’être le cas aujourd’hui. Alors, le schéma régional de développement, une stratégie imposée par la loi NOTRe, adoptée en 2015, mais que Mayotte n’avait à ce jour jamais élaborée, repose sur plusieurs piliers : l’aménagement du territoire avec une appropriation « stratégique » du foncier, une denrée locale rare ; la création d’un observatoire départemental du tourisme ; le développement de la formation autour des métiers du tourisme pour qu’ils deviennent un métier d’avenir aux yeux des jeunes mahorais ; la mobilisation de tous les acteurs et un accompagnement professionnel et financier « fiable », selon les mots de Moiyegue Zoubert, qui s’est fait, mardi matin, le porte-voix du service développement touristique, au sein de la direction du développement économique et de l’innovation du conseil départemental.

Appâter les gros poissons

En 2017, le tourisme ne pesait que 2 à 4 % dans le PIB total de Mayotte, faisant du secteur « un tourisme confidentiel », comme n’a pas manqué de le rappeler Moiyegue Zoubert. Les voyageurs affinitaires représentent à ce jour et à eux seuls 70 % des visiteurs qui atterrissent sur le sol mahorais, les 30 % restants étant essentiellement constitués de touristes d’affaires. C’est pourtant cette seconde catégorie que le conseil départemental entend attirer un peu plus, puisqu’elle incarne un public « plus dépensier », donc largement plus consommateur.

Mais comment dépenser alors que l’offre de loisirs et de service n’en est – depuis des années – qu’à ses balbutiements ? Pour répondre, la collectivité territoriale ne manque pas d’idées : renforcer le « parcours clients », notamment sur la côte est et dans le centre de l’île, via la plongée sous-marine, les sports de plein air et un « plan plages » coconstruit avec les intercommunalités, à qui revient depuis peu cette compétence ; développer la concurrence pour désenclaver le territoire, notamment sur le plan aérien et accentuer le marketing autour de l’image de Mayotte sont autant de pistes qui ont été égrenées, sous le portrait de Younoussa Bamana, dans l’hémicycle du conseil départemental. « Cela pourrait aussi permettre de développer le tourisme pour les locaux, et permettre de mettre en place des excursions pour les croisiéristes et les touristes d’agrément », glisse au passage Moiyegue Zoubert. « L’objectif n’est en aucun cas de viser le tourisme de masse, mais il y a une vraie occasion à saisir avec le projet gazier dans le canal du Mozambqiue », complète à son tour Ben Issa Ousséni, 7ème vice-président du conseil départemental, en charge du développement économique et touristique.

Sur le papier, les idées ne manquent pas, mais les moyens d’action pour les mettre en place semblent, eux, encore chimériques à ce stade. Dans l’assemblée, un élu se lève : « Je souhaiterais que l’on puisse mettre en place un comité de suivi de mise en œuvre du schéma de développement ! », suggère l’homme sous son masque, pendant que ses voisins hochent discrètement la tête en signe d’approbation. Si la remarque n’a pas obtenu de réponse claire, tous les élus ont voté, à l’unanimité et sans abstention aucune, l’adoption de ce schéma régional. Comment ce plan se traduira-t-il concrètement ? L’avenir nous le dira, ou pas.

De l’aquaculture aux finances, d’autres rapports adoptés

Plusieurs autres rapports ont été adoptés dans la même matinée. Parmi les ordres du jour, le schéma régional de développement de l’aquaculture, qui devrait permettre d’attirer plus d’exploitants industriels notamment, et de mieux organiser la logistique sur terre concernant la douzaine de sites fraîchement recensés pour relancer la filière. Puis, changement de domaine, avec la présentation du rapport relatif aux comptes administratifs de l’année passée. Un bilan jugé « positif » par les élus, satisfaits d’annoncer que le Département était en train « de sortir de la situation de crise financière dans laquelle nous étions depuis plusieurs années ». Dans le détail, la collectivité enregistre 306 millions d’euros de recettes de fonctionnement (dont la moitié correspond à des dotations de l’État) pour plus de 200 millions de frais de fonctionnement. Au total, 2,3 millions d’euros, générés par l’octroi de mer, ont été transféré aux communes de l’île, qui affiche un excédent d’investissement de 51 millions d’euros. « Nous avons des marges disponibles pour aller vers de nouveaux emprunts », ont estimé les conseillers départementaux qui ont tout de même fait état de « facteurs de faiblesse », comme les 45 millions d’euros de créances non remboursées. Concernant les dépenses imprévues liées à la crise sanitaire, « elles seront remboursées par les fonds européens », a assuré le président du conseil, Soibahadine Ibrahim Ramadani.

Maor’Aide : l’entraide fonctionne encore

Créée au cœur de l’épidémie de Covid-19 à Mayotte, l’association Maor’Aide connaît une rapide extension. La mission qu’elle s’est fixée ? Venir en aide aux plus démunis en leur apportant une aide alimentaire. Un besoin malheureusement trop présent à Mayotte, mais auquel répondent nombre de personnes.

C’est avant tout une histoire d’entraide. Et elle commence lorsqu’un groupe de métropolitains, sur l’île dans le cadre de leur travail, se rencontre. « Une bande d’amis qui, touchée par la situation de grande précarité vécue par certaines familles, décide d’agir à son échelle », commente Youssef, président de l’association Maor’Aide*. Une précarité qui devient encore plus prégnante avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 à Mayotte, notamment à cause de l’interdiction de se déplacer, qui complique largement le quotidien de ces familles en termes d’approvisionnement en eau et en nourriture. Un constat qui amène les bénévoles à se constituer officiellement en association, celle qui deviendra Maor’Aide. Son objectif ? Apporter un soutien alimentaire et en eau, essentiellement, aux habitants de ces zones. « Nous avons commencé en recueillant des dons dans nos cercles d’amis, auprès de nos proches », détaille le responsable. « Qu’il s’agisse d’un soutien financier, logistique, ou encore vestimentaire, tout est bienvenu. »

L’appel rencontre un bel écho et si, au départ, ce sont des paniers repas qui sont offerts, l’association réoriente rapidement son offre. En cause ? « En demandant aux concernés, nous nous sommes rendu compte qu’il valait mieux privilégier les produits alimentaires de base, comme le riz, l’huile, les sardines. » Un choix qui, de plus, permet de toucher un nombre plus large de familles. Pour bien se rendre compte du succès remporté par l’association, ce sont entre 1 et 1,3 tonne de vivres qui sont distribués à chaque rendez-vous. De quoi soutenir en moyenne quelque 300 familles dans le besoin. Forcément, compte tenu de la réussite des actions menées et des énormes besoins en la matière, Maor’Aide est amené à se développer et à intervenir ailleurs sur l’île. Une véritable organisation se met alors en place, toujours sur la base du bénévolat et de l’entraide, faisant aussi appel à des collectes jusqu’en métropole, notamment en collaboration avec l’association World Boxing.

Aujourd’hui, l’association qui regroupe 60 adhérents – professeurs, infirmiers, médecins, pompiers, gendarmes, militaires, etc. – œuvre ainsi « à Majicavo, Dzoumogné, Passamaïnty, Tsoundzou 1 et 2, Vahibé, mais aussi Sada, Koungou, etc. Nous sommes quasiment sur tous les secteurs, à part le nord, mais c’est en cours de mise en place », se félicite le président. Des zones nombreuses, donc, qui bénéficient chacune d’un référent au sein du quartier chargé de prévenir les habitants et d’organiser, avec l’association, les distributions : une par semaine dans un secteur différent. Une quinzaine ont ainsi déjà été menées.

Et elles ne concernent pas, comme nous l’avons vu, que des denrées alimentaires. Car l’eau est aussi un problème majeur. Alors, sur le même rythme d’une fois par semaine, Maor’Aide organise une distribution d’eau, en amenant avec elle des cartes prépayées pour les bornes fontaines. Le tout en sensibilisant aux questions d’hygiène et à l’importance des gestes barrières, qu’il s’agit aussi de faire respecter systématiquement.

Vouée à se développer

Et après ? Une fois que la crise Covid sera terminée ? Les besoins, eux, demeurent présents. C’est donc logiquement que Maor’Aide poursuivra ses actions et s’étendra sur tout le territoire. À la vue de l’ampleur qu’ont prises ses activités, l’association a déjà reçu un soutien de l’ARS – qui a offert deux cartes d’eau de 30m3 –, et est en contact avec les autorités, notamment la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), à qui un projet doit être présenté dans les semaines à venir. Un accord est aussi en route avec les enseignes Jumbo et Douka Bé pour récupérer des denrées invendues et encore consommables. Bref, c’est un bel exemple de solidarité qui s’est mis en place et qui connaît un réel succès. « Nous sommes juste des personnes volontaires de tous les horizons », rappelle Youssef. « On se complète, chacun apporte son aide et son savoir-faire dans un but humain, de solidarité. Cet élan, tout le monde peut l’avoir. » Un élan parti pour durer puisque « même quand nous quitterons Mayotte, d’autres prendront notre place pour que l’association continue. Notre objectif est vraiment de s’inscrire dans la durée. » C’est dit.

*Pour faire un don, soutenir ou adhérer à l’association : page Facebook Maor’Aide, ou par mail à maoraide@gmail.com.

“C’est par l’éducation que la femme mahoraise peut s’émanciper

-

Cela fait à peine deux mois qu’elle a pris ses fonctions et pourtant Taslima Soulaimana, la nouvelle directrice régionale aux droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes a de grandes ambitions pour la femme mahoraise. Elle est cependant consciente que la tâche ne sera pas si facile. 

Taslima Soulaimana a un curriculum vitae impressionnant mais ce n’est pas cela qui la définit. Après un bac littéraire au lycée de Mamoudzou (actuellement lycée Younoussa Bamana), elle poursuit ses études en métropole et obtient une maîtrise en droit. Elle commence ensuite une prépa pour les concours de la fonction publique, mais préfère rentrer à Mayotte au bout d’un an car elle sait que son île a besoin de femme comme elle. Elle n’est âgée que de 25 ans lorsqu’elle est recrutée par la Caf pour travailler sur l’arrivée du RSA à Mayotte. Les promotions se suivent au sein de l’organisme jusqu’en 2020 où elle succède à Moinaecha Noera Mohamed. La femme, aujourd’hui âgée de 34 ans, a tout simplement postulé en envoyant son CV ainsi que sa lettre de motivation. Elle n’aurait laissé passer cette chance pour rien au monde. “Quand j’ai commencé à travailler, dans la structure où j’étais, j’avais un aperçu du tissu social à Mayotte. J’étais très sensible à la condition de la femme mais je n’avais pas forcément le temps de tout faire. Avec un tel poste, je peux me consacrer pleinement à la cause des femmes et apporter ma pierre à l’édifice.” 

Taslima Soulaimana est motivée par de nombreuses causes, mais l’éducation des jeunes filles lui tient particulièrement à cœur. “C’est par l’éducation que la femme mahoraise peut s’émanciper. Aujourd’hui, elle peut faire des études, travailler et prendre sa place de façon totalement libre. C’est grâce à l’éducation qu’on peut voir grand et aller loin”, déclare-t-elle. Selon elle, même si l’image de la femme mahoraise a évolué, il reste encore beaucoup à faire car certains domaines sont encore timides. C’est la raison pour laquelle la nouvelle directrice travaille d’ores et déjà avec les différents organismes tels que l’ADIM pour encourager les femmes à créer leurs propres entreprises. 

L’actuel paysage politique la pousse en ce sens. Il y a encore quelques jours, Mayotte comptait deux femmes maires, mais depuis dimanche, cette tranche d’élus est 100% masculine. “C’est la preuve qu’il y a encore du travail à faire. La femme mahoraise a beaucoup de place dans son foyer, malheureusement dès qu’elle en sort, elle est vue autrement. Elle essaye de prendre sa place mais difficilement.” 

“Il n’y a pas un modèle de femme à Mayotte, mais plusieurs modèles” 

Taslima Soulaimana se dit chanceuse d’avoir un conjoint qui la soutient et la pousse à aller plus loin. Elle en parle sans gêne afin de peut-être donner l’exemple à tous les couples, et hommes de manière générale. “Les femmes à Mayotte qui ont des postes à responsabilités se multiplient chez nous, et elles ont besoin de conjoints qui les soutiennent. Dans ce combat, les hommes sont importants car ils contribuent aussi à l’importance de la femme dans notre société”, selon elle. 

La nouvelle directrice régionale aux droits des femmes est inspirée par des figures féminines emblématiques. Il y a évidemment l’incontournable Zéna M’déré, mais également la très appréciée Taanbati, fervente défenseur des traditions mahoraises. “Elle met en valeur et préserve notre culture et j’admire cela parce qu’il est certes important que la femme mahoraise évolue, mais il est tout aussi important de ne pas oublier nos origines.” Elle a également une pensée particulière pour toutes celles qui l’ont précédée au même poste et qui ont chacune contribué à la condition féminine à Mayotte. 

“La richesse de notre île est qu’il n’y a pas un modèle de femme à Mayotte, mais plusieurs modèles de femmes. Chacune de nous peut trouver sa place dans notre société, les jeunes et les moins jeunes, et nous devons en aucun cas nous laisser guider par des préceptes”, conclut Taslima Soulaimana. Elle sait que le combat ne sera pas facile, mais elle est déterminée à défendre la cause féminine avec et pour les Mahoraises.

Trois mois après le 1er tour à Mayotte, le temps des déceptions et des soulagement

-

Après les résultats tombés ce dimanche, les félicitations, et les premières analyses ont fait vivre un nouveau moment démocratique dans le 101e département, marqué par une forte participation et par l’absence de femme élue à la tête des communes. Candidats heureux ou malheureux et personnalités politiques ont réagi ce lundi face à ce nouveau scrutin des municipales. Tour d’horizon. 

Ils sautillent sur le coffre d’une voiture, comme des supporters en délire face à un but décisif. Sur Facebook, les images de liesse et les messages de félicitations se sont succédé depuis les premiers résultats tombés dimanche soir. “Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui ont soutenu notre liste et ont cru en nous. La démocratie a joué, nous acceptons les résultats. Toutes mes félicitations au nouveau maire élu”, a écrit Zaminou Ahamadi, candidate (LR) à Bandrelé. 

Pour les vainqueurs comme pour les vaincus, ce second tour des élections municipales 2020 marque un nouveau tournant dans l’histoire de la politique mahoraise. Surtout, il aura joué les prolongations, alors que la crise liée à l’épidémie de Covid-19 a mis tout ce beau monde sur le banc de touche pendant plus de trois mois. “Aucune élection n’est simple, qui plus est pour un maire sortant à Mayotte, et cette histoire de crise sanitaire est venue alourdir le process. On ne pouvait plus faire de meetings, on ne savait pas comment la suite allait se dérouler, si nous allions devoir repartir de zéro…”, relate Ali Moussa Moussa Ben, maire sortant (MDM) à Bandrelé. “Alors ces résultats, c’est d’abord un immense soulagement et un très grand plaisir”, sourit le candidat victorieux. 

“Vitalité démocratique” 

Parmi les premiers enseignements à retenir de ce scrutin, le taux de participation, qui, une fois n’est pas coutume, aurait de quoi faire pâlir d’envie les observateurs de métropole. Le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, s’est réjoui de “l’importance de la participation sur l’île (plus de 72 %) dans un contexte sanitaire pourtant compliqué”. Une “vitalité démocratique” qui “donne aux résultats observés une vraie valeur, à contrario de la situation en métropole”, a-t-il salué. Mansour Kamardine, député Les Républicains, a lui félicité “l’ensemble des électeurs de Mayotte qui ont démontré le 28 juin la vitalité de la démocratie locale au sein du 101ème département français”. Tout en soulignant quand même le rejet de la politique gouvernementale qui s’est traduite ce dimanche dans les bureaux de vote. “Quant aux résultats, dans le bruissement des suffrages, les urnes ont parlé. Partout sur le territoire du département de Mayotte, les candidats LREM ont été battus : à Chiconi, Chirongui, Mamoudzou, Mtzamboro etc. (…) C’est la politique même du gouvernement vis-à-vis du 101ème département qui est rejetée massivement par les électeurs. Une réorientation urgente de cette politique s’impose pour qu’elle tienne mieux compte des intérêts de l’île et des Mahorais”, écrit le parlementaire dans un communiqué. 

Femmes politiques 

Et en sus du parti présidentiel, ce sont aussi les femmes qui, autre fait notable de ce scrutin, ont été évincées. Les deux maires sortantes, Hanima Ibrahima (Roukia Lahadji) (LREM) à Chirongui et Anchya Bamana (LR) à Sada ont dû céder leur place à des hommes. “La démocratie a parlé et je respecte la volonté du peuple, c’est toute la chance que nous avons”, a réagi Roukia Lahadji. “Ce n’est pas une question d’homme ou de femme, il s’agit que le travail soit fait, et cette fois-ci, la population a choisi un homme pour le faire”, a poursuivi la désormais ex-maire de la commune du sud, qui espère toutefois continuer à peser dans le débat politique avec l’opposition. “L’opposition n’a pas été toujours très présente à Chirongui, et je veux au contraire avoir une présence constructive avec mon équipe, c’est le cap que j’ai donné”, a-t-elle assuré. 

Du côté de Koungou, Toifaty Ali (Pour un Élan Citoyen), qui a perdu une place par rapport au premier tour, appelle les femmes à continuer le combat politique. “Cette absence de femme maire pour les six ans à venir n’est pas une fatalité, mais le signe qu’il faut continuer à se battre, même sans être élue”, a appuyé la candidate, qui a tout de même souffert du jeu des coalitions pendant l’entre-deux tour. Arrivée troisième en mars, Toifaty Aly s’était en effet tournée vers Anlimou Souffou Kassim (Walezi Wa Koungou) et Echati Moussa Mroivili (Les Républicains – Nouveau départ pour Koungou), respectivement quatrième et cinquième. “Et au cours des discussions, ils m’ont asséné qu’en cas de coalition, voire même de victoire, ce n’était pas moi qu’ils voulaient en tête de liste, ni en tant que maire”, soupire-t-elle. Une expérience difficile, mais qui lui insuffle une force nouvelle pour prouver que “derrière une femme, il y a surtout un programme politique”.

Participation record, issue 100% masculine… Ce qu’il faut retenir d’un scrutin dans l’ombre du Covid à Mayotte

Rien n’arrête les électeurs mahorais. Avec plus de 72% de participation, les citoyens se sont déplacés en nombre malgré la circulation du coronavirus, plaçant le département numéro un en termes de participation au second tour. Un scrutin forcément inédit donc avec lequel 10 nouveaux maires font leur entrée, mais qui, malgré tout, se sera illustré par une ambiance bon enfant alors que les batailles se jouaient au coude à coude dans les urnes. Lesquelles n’auront désigné aucune des sept femmes candidate. 

Les gestes barrières à la trappe dans certains bureaux de vote 

Crise sanitaire oblige, les gestes barrières, au premier rang desquels la distanciation sociale, étaient de mise dans les bureaux de vote du département ce dimanche. Si de nombreuses communes avaient pris les devants, à l’instar de Mamoudzou où un fléchage au sol et du gel hydroalcoolique avaient été mis en place, cela n’a pas toujours suffi face à l’empressement de citoyens pressés de se rendre aux urnes. C’était notamment le cas à Passamaïnty village mais surtout à Koungou où quatre agents prévus pour maintenir les distances se sont fait complètement dépasser par les événements alors qu’une foule s’entassait massivement devant le bureau 47 de Majicavo Dubai. Aussi spectaculaire soit-elle, l’image est cependant une exception dans le département où le scrutin s’est, de manière générale, déroulé sereinement d’un point de vue sanitaire. 

Quelques tensions à Bouéni, ambiance bon enfant ailleurs La commune de Bouéni a également fait exception à un scrutin globalement serein sur l’île aux parfums. Dans la ville du sud, plusieurs sympathisants d’un candidat – défait par la suite – ont manifesté leur colère, accusant le directeur général des services de la municipalité d’avoir fait entrave à leurs procurations. Si les allégations n’ont pas été prouvées, les gendarmes ont toutefois dû intervenir pour calmer les esprits qui commençaient à s’échauffer. Le calme est rapidement revenu, à l’image de la grande majorité des autres bureaux de vote de l’île. 

Un scrutin particulièrement serré 

Ça s’est joué à rien. Et c’est l’un des points forts de ce second tour : sur 16 communes organisant le scrutin, sept d’entre elles ont vu les candidats se départager avec seulement 100 voix ou moins d’écart. 100 voix tout pile, justement, à Bandrélé alors que 3.092 votants se sont déplacés. Record, du côté de Kani-Kéli où seuls 11 bulletins ont séparé les deux premiers candidats des trois présents au second tour. Avec 70 voix d’écart à Dembéni, 72 à Chirongui, 89 à Koungou, 62 à M’Tsangamouji ou encore 87 voix à Pamandzi, les candidats au poste de premier magistrat se tenaient dans un mouchoir de poche ! 

Pas de femme élue au second tour 

C’est une claque. Alors que les femmes ont toujours tenu un rôle politique de premier plan dans l’histoire de l’île, notamment à travers la figure des chatouilleuses, aucune des candidates aux municipales n’a remporté cette bataille. 2014 n’avait pas franchement fait verdir les compteurs de la parité mais deux femmes maires avaient toutefois été élues : Hanima Ibrahima (Roukia Lahadji) à Chorongui et Anchya Bamana à Sada. Les deux édiles, qui souhaitaient rempiler, ont vu leurs espoirs douchés à l’issue du second tour. Au total, sept candidates se sont présentées devant les électeurs ce dimanche, dont deux à Chiconi. Zaminou Ahamadi (LR), candidate dans la commune de Bandrélé a été la plus près de l’emporter, avec seulement cent voix concédées à son rival, le maire sortant Ali Moussa Moussa Ben (DVG). 

La gauche siphonnée par le centre 

En comparant les résultats du second tour de 2014 et celui de cette année, il semblerait évident qu’un virage à droite se soit réalisé. Ce serait oublier le bouleversement qu’a créé dans le paysage politique l’apparition du parti La République en Marche, « ni de droite, ni de gauche ». Ni de maire à Mayotte d’ailleurs pour ce parti. En réalité, la droite, toutes tendances confondues, préserve le même nombre de villes sur le territoire, à savoir neuf communes. En revanche, seuls trois candidats de gauche, contre 8 en 2014, ont remporté l’adhésion : Ahamada Fahardine (Soc. Uwaminifou Yao Malezi) à Bandraboua, Ali Moussa Moussa Ben (DVG. S’unir pour construire notre commune) à Bandrélé et Saïd Omar Oilli (DVG. Nema) lors du premier tour à Dzaoudzi-Labattoir. Des voix siphonnées par des partis apparentés au centre, qui ont remporté 5 communes (Acoua, Bouéni, M’tsamboro, Ouangani et Pamandzi). À noter que Mamoudzou, remportée en 2014 par Mohamed Majani, alors divers gauches puis candidat cette année sous la bannière LREM a cédé la place à un candidat soutenu par Les Républicains, Ambdilwahedou Soumaïla. 

Pas de contestation en vue… Pour l’instant 

Malgré le très faible écart séparant les candidats dans sept communes, aucune contestation n’a officiellement été formée au lendemain de ce second tour. En revanche, plusieurs accusations, parfois lourdes comme on l’a vu à Bouéni, se sont fait entendre. C’est principalement le cas dans la commune de M’tsangamouji où des partisans du candidat défait, Ahamada Siaka (DVG. Tifaki Moja) ont dénoncé des irrégularités, notamment le dépôt de deux enveloppes dans une urne ou encore un vote effectué en lieu et place d’un administré sans procuration. Une vidéo, très peu éloquente est utilisée pour appuyer ces dires. Toujours est-il qu’avec seulement 62 voix de moins que son rival, le maire sortant Saïd Ibrahima (LR), le candidat malheureux n’a pour l’instant pas formé de recours.

Élections municipales à Mayotte : une mobilisation presque irrationnelle

-

Alors que de scrutin en scrutin, les taux de participation aux élections ne cessent de dégringoler en métropole – avec environ 60% d’abstention pour ce deuxième tour des municipales –, Mayotte est à contre-courant : 72% des votants se sont en effet mobilisés dimanche. Un engagement fort en faveur de la vie démocratique qui s’explique, selon le sociologue Abdallah Combo, par des raisons traditionnelles… et même irrationnelles. 

Flash Infos : Au contraire de la métropole, le second tour du scrutin municipal à Mayotte a démontré l’intérêt que les gens portent encore, ici, à la vie démocratique. Comment peut-on expliquer ce constat à contre-courant du reste du pays ? 

Abdallah Combo : Je crois qu’il y a d’abord ce que j’appelle l’idéal. Il ne faut pas oublier que dans le combat en faveur de Mayotte française, les gens se sont battus pour cette notion de liberté et pour être protégés par une grande puissance. Ce que nous a apporté la France, c’est donc aussi cette notion de démocratie. C’est quelque chose de très important par rapport au contentieux avec les Comores. Pour Mayotte, il y a donc cet aspect-là : vivre un moment de liberté grâce à la France. 

Mais il faut aussi prendre en compte tout ce qui relève de la chefferie, l’aspect traditionnelle cette fois. Le système démocratique d’aujourd’hui met toujours en avant les chefs du village. Autrefois, c’était inné, c’étaient les fondateurs des villages puis les membres de leurs familles par succession qui étaient désignés chefs. Aujourd’hui, le système démocratique vient les légitimer. Les votants viennent donc pour légitimer les chefs. Ils les choisissent. Ils y prennent part. Le maire, c’est la personne qui, par excellence, est là pour faire le bonheur des autres, c’est quelqu’un de chez nous qui est légitimé et il faut y prendre part, en être soi-même aussi responsable. 

Mais ce n’est pas seulement un phénomène basé sur cette part d’irrationnel. C’est aussi stratégique et très rationnel : si c’est mon candidat qui est élu, je vais pouvoir lui rappeler que j’ai participé à son succès. Dès lors, lorsque j’aurais besoin de le voir, il devra être présent. Et pas avec une date calée sur son agenda « à la française », mais tout de suite, « à la traditionnelle ». La proximité doit demeurer, quitte à faire la queue toute la journée devant la mairie. Cela ne fait pas peur aux Mahorais d’ailleurs : c’est l’occasion de faire le m’parano (rires). Et puis au pire, si ce n’est pas à la maire, j’irai chez lui. D’une certaine manière, les maires sont très courageux car une fois élu, ils appartiennent au peuple, ils sont utilisés par lui. C’est tout cela qui explique l’intérêt de la population pour ce scrutin. 

FI : Finalement, on pourrait dire que le système démocratique « moderne » est ici utilisé pour conforter, adapter, le système traditionnel ? 

A. C. : Oui. Encore une fois, le chef était autrefois désigné par filiation familiale. Il pouvait être assez distant car c’était aussi celui qui, parfois, punissait, sanctionnait, faisait la morale. Désormais, par ma voix je peux l’élire et avoir un accès direct à lui. Et lorsque je me mobilise en sa faveur, je légitime aussi le fait qu’il est à ma disposition. 

FI : Pour autant, quelques surprises ont eu lieu durant ces élections, avec des maires bien en place, au bilan réel, mais qui vont devoir céder leur siège. C’est notamment le cas à Sada et Chirongui, où Roukia Lahadji et Anchya Bamana – pourtant d’une grande famille – n’ont pas été reconduites dans leurs fonctions… 

A. C. : La lecture que l’on a par rapport à ces deux (anciennes) maires est tronquée. Au-delà des alliances et des ligues contre untel ou untel qui pèsent dans les élections, je fais l’hypothèse – mais elle n’engage que moi – que ces deux dames ont peut-être utilisées une forme de virilisation pour exercer leur mandat, qui a fait qu’elles ont été perçues comme inaccessibles, comme d’anciens chefs. Elles ont investi leur pouvoir autrement et, à un moment donné, se sont éloignées de cette forme d’accessibilité recherchée aujourd’hui. La démocratisation fait que ce n’est plus forcément « l’enfant de » qui est légitimé, certes, mais que la personne élue doit être un pion pour ceux qui l’ont amené à la victoire. Plus simplement, on demande des choses à l’élu, et s’il ne peut y répondre – par exemple parce que la demande serait contraire à la loi, tout simplement – on lui rappelle que cette loi ne le sauvera pas et qu’après l’avoir fait, on peut aussi le défaire. N’oublions pas que dans les élections, on est aussi dans l’hyper-demande individuelle : qui me permettra d’accéder à tel service, d’avoir tel emploi, de faire garder mes enfants, etc. ? Ce n’est pas tant l’intérêt général qui prime que l’intérêt personnel. On sait utiliser le système démocratique pour légitimer le chef, mais on attend toujours de lui des choses traditionnelles. 

De mon avis d’ailleurs, les candidats élus ou réélus ne sont pas toujours les meilleurs en termes de projets, de bilans, d’ambitions pour l’urbanisme, la salubrité, la sécurité, etc. 

FI : Il y a aussi une part d’irrationnel dans les élections dîtes-vous… 

A. C. : Oui, il y a un moment de communion presque divine avec l’être que l’on va élire. Il y a cet aspect théologique, religieux. C’est presque le choix d’un prophète. Regardez à l’annonce des résultats comment les gagnants sont heureux, exaltés, et comment les perdants sont tristes, abattus, parce que leur prophète n’a pas été élu. 

Cet aspect-là, il ne peut pas être analysé car cela relève de l’irrationnel, bien qu’on ailler chercher l’idéal par le vecteur démocratique, donc rationnel. Dans le jeu démocratique, l’animisme joue ici beaucoup. On ne gagne pas les élections sur un simple projet, mais parce qu’on a un certain nombre de foundis qui vont suivre, qui vont agir, qui vont prier, marabouter. Nous n’avons pas ici des mercenaires sondeurs, mais des mercenaires foundis. C’est autre chose qui se joue que le simple projet d’être élu pour apporter le bien-être par la défense de l’intérêt général, non, il y a quelque chose qui relève de l’invisible. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître le montant consacré à ces foundis : quelque chose me dit qu’il est bien supérieur à celui consacré à la communication des candidats, par exemple. C’est un peu comme les matchs de foot. Même les plus mauvaises équipes ici ont leur foundi, c’est primordial. Et elles peuvent mettre beaucoup plus d’intérêt à le financer qu’à financer un entraînement. 

D’ailleurs, pour continuer sur cette comparaison sportive, le match des municipales n’est pas encore fini. Maintenant en effet vient l’heure des jeux autour des adjoints. Qui sera dans tel ou tel syndicat ? 

Quel colistier de tel village aura tel portefeuille ? Tout cela débute. Cela se fait par négociation en fonction du poids des villages et encore et toujours dans l’invisibilité. Les foundis continuent d’œuvrer et ne baissent pas la garde

Vers la fin de l’épidémie de dengue à Mayotte ?

Alors que la dengue sévit à Mayotte depuis l’année dernière, la maladie semble, pour la première fois, décliner depuis plusieurs semaines. Le nombre de nouveaux cas hebdomadaires a été divisé par quatre depuis la fin du mois de mai. Mais l’agence nationale de santé publique craint un regain lors de la prochaine saison des pluies. 

Après plus d’une année particulièrement active à Mayotte, l’épidémie de dengue montre ses premières faiblesses. En avril, comme depuis des mois, 200 cas locaux en moyenne étaient détectés chaque semaine, et même jusqu’à plus de 300 en mars, période du pic épidémique. Mais depuis la fin mai, ce nombre est retombé à 50. Au total, depuis le début de l’année, 4.463 cas de dengue ont été confirmés sur le territoire. Les premiers malades avaient été détectés majoritairement dans le Nord, avant que d’autres cas n’apparaissent sur l’ensemble de l’île. 

Si la dengue se décline en quatre sérotypes (catégorie dans laquelle certains virus sont classés en fonction de leurs impacts sur les anticorps), un seul circule à Mayotte depuis le début de l’épidémie, « mais l’importation d’autres sérotypes depuis la zone océan Indien demeure un risque réel et permanent », prévient Santé Publique France, l’agence nationale de santé publique. D’autant plus avec la réouverture progressive de l’espace aérien et avec elle la reprise des vols commerciaux. En effet, si dans la grande majorité des cas la maladie n’entraîne pas de graves complications, le risque s’accroît lorsque le malade contracte, au fil du temps, différents sérotypes. Problème, alors qu’à Mayotte, seul le sérotype 1 serait présent, c’est le type 2 qui circule actuellement à La Réunion, où une épidémie, bien que moins soutenue, sévit là aussi. Autrement dit, les voyageurs devront redoubler de vigilance. 

Ceci dit, les autorités et résidents de l’île aux parfums ne sont pas en reste, et « les mesures de luttes doivent être maintenues dans le but de limiter voire d’éradiquer la circulation virale pendant la saison sèche », juge encore Santé Publique France. Sans quoi l’agence craint « une recrudescence épidémie en fin d’année lors de la prochaine saison des pluies », période où les points d’eau stagnante se multiplient et par conséquent, les gîtes larvaires de moustiques aussi. 

Six décès « directement liés à la dengue » au CHM 

Depuis le début de l’année, 16 personnes diagnostiquées comme porteuses de la dengue sont décédées au CHM. Après étude de leur dossier de santé par un comité d’experts, « six décès étaient directement liés à la dengue », précise Santé Publique France. Trois d’entre eux seraient dus à un choc vasoplégique pour trois patients. Deux autres seraient morts des suites d’une atteinte hépatique, et un malade a déclenché une forme de dengue hémorragique. Concernant les autres décès enregistrés, un est « indirectement lié » à la maladie, et cinq sont « non imputés à la dengue ». Par ailleurs, la cellule de veille de l’ARS a, de son côté, répertorié sept certificats de décès à domicile portant la mention « dengue ». Toutes ces personnes, dont l’âge médian est de 74 ans, ont perdu la vie après le 20 mars. « Nous ne savons pas si ces personnes ont fait l’objet d’une confirmation biologique de dengue », tempère toutefois Santé Publique France. 

Depuis le début de l’année, le service des urgences du CHM a enregistré quelques 944 passages liés à des symptômes similaires à ceux de la dengue, soit 40 par semaine. Huit cas de dengue « sévères non fatale » y ont été répertoriés. Si le nombre de cas détecté à drastiquement diminué, « le taux d’hospitalisation parmi les cas confirmés a augmenté et est, depuis la mi-mars, supérieur à 10 % », relève encore l’agence, qui n’explique pas cette hausse à ce stade. Sont toutefois avancées comme hypothèses les co-infections et l’effet de l’épidémie de Covid-19 sur l’état de santé général et sur le 

recours au soin. Au total, et à compter de mai 2019, 437 patients diagnostiqués dengue ont été hospitalisés, dont 25 en réanimation et 72 en médecine.

“Pendant cette crise on a essayé de banaliser tout ce qui révolte les Mahorais

-

Connu pour ses coups de gueules, et son indignation dès lors que son île ne reçoit pas le traitement qu’elle mérite, Yazidou Maandhui, polémiste et observateur de la société mahoraise, fait un bilan de la gestion de la crise sanitaire qu’il juge catastro-phique. 

Flash Infos : Vous avez souvent pointé du doigt la gestion de la crise sanitaire par les différentes autorités. Qu’est-ce qui vous a le plus indigné ? 

Yazidou Maandhui : D’abord une gestion dont la logique n’a pas toujours été aisée à sai-sir. Avec ce sentiment que tout a été mis en place pour favoriser la propagation du virus : ouverture des écoles et du marché de Dubaï, tolérance des « mrenge » alors qu’il y avait un couvre-feu et arrêté préfectoral contre les réunions de plus de 10 personnes. Ensuite, cette image tiers-mondiste qu’on a collé à l’île et fait circuler dans tous les médias natio-naux sans réel analyse et en faisant croire que les Mahorais n’ont pas respecté les con-signes du confinement, ce qui est une lecture hâtive et simpliste. 

FI : Quelles conséquences cette gestion peut-elle avoir sur la population selon vous ? 

Y. M. : Cela a nourri une colère qui a favorisé l’émergence d’un discours nauséabond anti-France, anti-républicain, voire anti-blanc qui est à l’opposé du combat de nos Chatouil-leuses. Il y a eu amalgame entre « gouvernement en place » et « La France ». Au lieu de s’attaquer à ceux qui tiennent les rênes, les porteurs de ce discours s’attaquent à notre pays et crée une dichotomie entre Mayotte et la France. Cela me répugne et m’attriste car ils se font l’écho de la théorie comorienne qui veut que notre île soit occupée par une puis-sance étrangère. Cela me fait mal car je me dis qu’au fond notre pays n’a pas assez mis l’accent pour inculquer un patriotisme, un amour immodéré de la Patrie. 

FI : Est-ce que vous sous entendez que l’État a failli à sa mission pendant la crise ? 

Y. M. : Je ne pointerais pas du doigt uniquement l’État. Nos élus ont également leur part de responsabilité. S’il y a eu une mauvaise gestion de la crise par l’État, on aurait dû les voir sur le front pour tirer la sonnette d’alarme, pointer les failles. Au lieu de cela, c’est la société civile qui a dû user des réseaux sociaux pour s’indigner à chaque fois que c’était nécessaire. Dès le 16 mars, par exemple, quand il y a eu l’annonce du confinement, j’avais attiré l’attention sur la non-compatibilité de cette décision de confinement avec la réalité du territoire, notamment à cause du casse-tête des squatteurs des bidonvilles qui vivent dans des conditions de vie sordides. Les autorités n’allaient jamais être en mesure d’appliquer correctement la loi. Ceci étant, la crise du Covid-19 a révélé une autre crise plus profonde. On s’est en effet vite rendu compte qu’il y a deux sociétés à Mayotte : les Mahorais, les citoyens qui ont respecté les mesures et la population marginale, illégale et anonyme qui semble vivre avec d’autres références, d’autres règles dictées par la clan-destinité. Une situation en très grande partie créée, tolérée, et couvée par nos autorités locales et l’État. 

FI : Que voulez-vous dire par cela ? 

Y. M. : Prenez l’exemple du terme « informel » qui a eu le vent en poupe pendant la crise. Les autorités en ont eu recours à des discours ambigus allant jusqu’à regretter le com-merce informel qui pour eux permettait de nourrir toute une famille. Affligeant et illogique quand on parle de la lutte contre la vente à la sauvette, contre le travail au noir. De la même façon, elles n’osent pas parler de bidonvilles mais d’« habitats indignes ». On sent bien par ce politiquement correct, par ce langage maîtrisé que les autorités ne veulent pas aborder cette question de la clandestinité dans sa vérité même la plus laide. 

FI : Vous pointez souvent du doigt la politique de l’État concernant les personnes en situations irrégulières. Qu’est-ce qui vous dérange réellement ? 

Y. M. : On tente toujours par des tactiques peu chevaleresques de nous faire oublier que notre territoire est envahi par des clandestins, c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas vo-cation à demeurer sur le territoire. La vérité est que nous sommes dans une situation de colonisation orchestrée entre autres par le gouvernement des Comores. Les bidonvilles sont des colonies, par exemple. Ce gouvernement comorien mène cette politique colonia-liste de façon très agressive : inscription de Mayotte dans sa constitution, dans ses sym-boles nationaux comme leur drapeau et leur hymne national. Il faut songer à la politique d’Ali Soilihi basée sur la propagande tentant de piller la culture de Mayotte, d’imposer une langue à travers ses écoles « alif-be », ou Ahamed Abdallah qui a ouvertement appelé à l’installation massive des Comoriens sur notre île en s’octroyant des parcelles comme celle de Mirereni pour implanter une colonie anjouanaise dans le but de faire basculer les votes de 74. Ce qui me dérange c’est donc de laisser cette colonisation se mettre en place sur l’île sans réagir avec courage et force. Les gouvernements successifs ne comprennent même pas la composition de notre société. Ils se sont basés sur la grille de lecture des Comoriens qui veulent qu’on forme une même nation, qu’on ait la même langue, et la même culture. 

FI : Vous êtes justement un fervent défenseur de la culture mahoraise, vous ne sou-haitez pas qu’on l’associe à la culture comorienne. Pour quelles raisons alors que les deux cultures sont très similaires ? 

Y. M. : Il est impossible de faire société sans accepter la différence, la singularité de l’autre. Ce préalable est défendu par exemple par l’ONU à travers son programme de « Patrimoine Mondial de l’UNESCO ». Le patrimoine culturel mahorais est riche et unique, la production du peuple de Mayotte est unique, singulière. Les dirigeants comoriens ne s’y intéressent que pour valider un credo né de leur discours aux relents colonialistes qui veut nous imposer un impérialisme de la mêmeté en nous imposant une « même langue, même culture ». En procédant de la sorte, ils nous enlèvent notre humanité, notre droit à la différence et, pour reprendre Levinas, ils nous « tuent ». Ce crime sert surtout à étouffer le choix des Mahorais de demeurer au sein de la République française. Donc, je ne suis pas d’accord quand vous parlez de cette similarité, et mon combat est de défendre la sin-gularité de la production du peuple de Mayotte et donc son humanité. 

FI : Comment expliquez-vous le contexte social pesant qu’il y a à Mayotte en ce mo-ment, notamment à cause de la montée de l’insécurité ? 

Y. M. : D’abord, l’insécurité institutionnelle avec cette menace de la feuille de route deve-nue « accord-cadre » qu’il ne faut pas occulter car moins visible, plus insidieuse. Ensuite, il y a ces violences qui semblent très orchestrées, du moins on peut dégager un schéma qui saute aux yeux. Elles sont liées pour la plupart à des évènements politiques, à une pé-riode d’échéance politique et s’adressent toujours à la politique. Cette relation, si elle est démontrée, doit nous interpeler car à chaque mouvement de violence une réponse quasi simultanée basé sur un financement, une réponse sur hâtive et coûteuse. Mais le fait est qu’on n’a jamais mention de bilan détaillé sur l’utilisation de l’argent du contribuable, donc pas de transparence. Or, c’est une obligation. Cette violence récente ne surprend per-sonne puisque nous sommes en période électorale. C’est soit une délinquance très enga-gée politiquement, soit une politique très délinquante. 

FI : Vous avez récemment lancé un appel sur les réseaux sociaux et demandé aux Mahorais d’occuper illégalement les parcelles de l’État et du Département. N’est-ce pas risqué ? 

Y. M. : C’est un raisonnement par l’absurde qui au fond, est un cri de désespoir pour sau-ver l’ordre républicain et la terre de Mayotte. Aujourd’hui, l’occupation illégale, qui est en fait une colonisation de notre terre, semble être la norme puisqu’on a l’impression qu’on peut s’installer sur les parcelles de l’État, du Département et de la commune sans que les autorités ne réagissent. Pire encore, dans nos communes, beaucoup d’élus favorisent l’installation des bidonvilles-colonies par calculs politiques, soutenant ainsi la déforesta-tion, la pollution et la création de foyer. Après avoir lancé plusieurs cris d’alarme pour sau-ver notre patrimoine écologique, on s’est dit avec des militants tel que Gaillard Junior qu’il fallait que les Mahorais s’installent eux-aussi massivement sur les parcelles de l’État, de la commune et du Département. On verra à ce moment-là si l’illégalité est la norme où bien les sanctions ne sont réservées qu’aux citoyens. Le seul risque est qu’il n’y ait pas de ré-action assez rapide. Mais nous avons espoir que notre alarme républicaine sera entendu à temps.

Les enfants des kwassas, symboles des reconduites expéditives à Mayotte

-

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné jeudi 25 juin la France dans l’affaire de la reconduite aux Comores de deux enfants en 2013. Sept violations ont été retenues, dans cette histoire qui illustre la politique de rattachement des mineurs à un tiers pour accélérer les procédures d’éloignement. 

C’était il y a sept ans. Ce matin du 14 novembre 2013, un homme, affolé, quitte son travail en trombe et se présente devant la gendarmerie de Pamandzi. Il vient d’apprendre que ses deux enfants, âgés respectivement de 3 et 5 ans, ont été interpellés alors qu’ils tentaient de rejoindre les côtes mahoraises à bord d’un kwassa. Dans ses mains, il tient leurs actes de naissance ainsi que son propre titre de séjour, dans l’espoir d’éviter leur expulsion aux Comores prévue le jour même. Sans succès. “C’était un moment très crispant, il était terrifié, il n’arrivait pas à parler, je me rappelle même avoir dû hausser le ton, car il fallait faire vite”, se souvient Maître Marjane Ghaem, son avocate. 

En même temps, c’est déjà la deuxième fois que l’homme, installé de façon régulière à Mayotte depuis une vingtaine d’année, voit partir ses proches vers les îles voisines. Déjà en 2011, ils sont arrêtés avec leur mère, une Comorienne sans papier, et renvoyés à Anjouan. Celle-ci décide de retenter la traversée, laissant les deux frère et sœur chez leur grand-mère. Pendant un an, leur père fera des pieds et des mains pour tenter de décrocher les précieux visas. Mais après un an de démarches infructueuses et vu l’état de santé dégradé de leur grand-mère, les enfants finissent par embarquer sur un kwassa, avec 17 autres migrants… au péril de leur vie. “On est vraiment dans la situation où des enfants se retrouvent à bord d’une embarcation de fortune parce qu’ils ont été littéralement broyés par la machine administrative”, souffle encore l’avocate, spécialisée en droit des étrangers. 

Rattachés à un adulte sans lien de parenté 

Malgré un recours gracieux effectué auprès de la préfecture à 15h02 ce jour fatidique du 14 novembre 2013, puis la saisie du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte à 17h30 pour obtenir la suspension de leur éloignement, le père doit assister impuissant, une fois encore, à l’expulsion de ses enfants. 16h30, aller simple, terminus Anjouan. La raison ? Ils ont été rattachés à un tiers, lui-même présent à bord du kwassa, sans pourtant qu’il ne puisse justifier du lien légal vis-à-vis d’eux. “Ce sont des situations qui arrivent presque quotidiennement. Cette affaire résume bien cette manière qu’ont les autorités de rattacher des enfants à des adultes qu’ils ne connaissent pas, pour les renvoyer de façon expéditive”, assène Solène Dia, chargée de projet régional pour la Cimade à Mayotte. “Je lui ai alors assuré que nous trouverions un moyen pour ramener ses enfants légalement”, relate Marjane Ghaem. En 2014, ils obtiennent enfin des visas auprès des autorités consulaires aux Comores. Mais les recours en justice ne font que commencer. Après une “décision molle” du conseil d’État en décembre qui “ne condamne pas l’attitude des autorités françaises dans ce dossier mais invite la préfecture à examiner les demandes du père”, souligne l’avocate, celle-ci prend alors contact avec le cabinet Spinosi, spécialisé dans le droit européen et qui accepte de porter ce recours gracieusement. 

La France condamnée à verser 22.500 euros 

Sept ans plus tard, c’est une petite victoire pour la famille, désormais réunie, et les avocats qui ont suivi l’affaire : la Cour européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour la rétention des deux enfants, leur rattachement arbitraire à un adulte inconnu et leur éloignement expéditif. En tout, ce sont pas moins de sept violations qui ont été retenues par la Cour, parmi lesquelles on retrouve l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté et le droit au respect de la vie privée et familiale. La France devra verser 22.500 euros aux deux enfants et à leur père pour le dommage subi. 

Et c’est bien le rattachement “arbitraire” à un adulte qui n’entretenait pas de lien avec eux, qui a notamment fait peser la balance, en plus du jeune âge des enfants et de leurs conditions de rétention. La Cour a pris “note des observations concordantes des tiers intervenants selon lesquelles existe, à Mayotte, une pratique consistant à rattacher arbitrairement des mineurs à des adultes inconnus d’eux afin de permettre leur placement en rétention puis leur renvoi vers les Comores”. Les conditions de rétention, dans un centre temporaire créé au sein d’un commissariat, “les mêmes que celles des personnes adultes appréhendées en même temps qu’eux”, “séparés des membres de leur famille”, sans aucun adulte désigné à l’exception de “M.A (…) auquel ils ont été rattachés arbitrairement”, suffisent pour conclure que la situation n’a pu qu’engendrer “pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme”. Sur le navire qui les ramenaient aux Comores, aucun des 43 mineurs à une exception près, ne portait le même nom de famille que l’adulte auquel il était rattaché, note aussi la Cour. 

3.000 enfants en rétention en 2019 

De là à faire changer les mœurs, il y a un pas de géant, qui n’a pas été franchi depuis sept ans. Bien au contraire. En 2019, ce sont mêmes près de 3.000 enfants qui ont été placés en rétention rien qu’à Mayotte, contre une centaine en France, d’après Solène Dia, citant les chiffres de la Cimade. “Il y a une politique du chiffre sur l’immigration à Mayotte qui n’a pas changé, Shikandra ou pas”, relève Marjane Ghaem. “Et ce qui va changer la donne dans les années à venir, c’est plutôt le jour où les gens vont être fichés sur les interdictions de retour.” Si cette décision de la CEDH est importante, l’avocate craint donc qu’elle ne suffise pas à faire bouger les lignes. “Il en faudrait un paquet comme ça, or souvent cela concerne des gens qui ne sont pas portés sur le contentieux, et qui ne comprennent même pas qu’on puisse attaquer l’État… sans retombée derrière”, développe celle qui a accepté de parler à la place du père, car celui-ci craint justement qu’une publicité trop évidente vienne menacer son titre de séjour. 

Comme pour donner raison à l’avocate, le jour même de la décision de la Cour de Strasbourg, cinq enfants étaient retenus au CRA. Une information confirmée par la Cimade mais pas par la préfecture, qui ignore le nombre exact de mineurs actuellement retenus. “Il y a une quarantaine de personnes au CRA, toutes en provenance de kwassas”, chiffre Julien Kerdoncuf, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine. “C’est possible qu’il y ait des mineurs dans le lot, cela arrive très souvent”, concède-t-il. 

Deux enfants retrouvés morts après le naufrage d’un kwassa à Charifou 

Nouveau drame de l’immigration clandestine. Un naufrage d’une embarcation de fortune a eu lieu dans la soirée du jeudi 25 juin. Vendredi, les habitants et la gendarmerie ont retrouvé quatre corps sur la plage de Charifou, dans le sud de l’île. Parmi eux, deux enfants, l’un de dix ans et l’autre de quatre ans. Dans la matinée, une foule s’est alors amassée sur les lieux, avant d’ériger un barrage à Mbouini, pour protester contre l’arrivée régulière des kwassas dans le sud. Dans une interview accordée à Flash Infos le 16 juin dernier, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine Julien Kerdoncuf notait une reprise des arrivées de kwassas depuis la mi-mai “à un niveau similaire qu’à la même période de l’année dernière”. En l’absence de reconduites, toujours interrompues dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, les personnes interpellées sont alors placées au centre de rétention administrative, avant d’être présentée au juge des libertés et de la détention. “Pour l’instant, le juge a systématiquement refusé la prolongation de leur rétention, et les personnes ont donc été remises en liberté”, rapporte Julien Kerdoncuf.

Protection animale à Mayotte : « Quand on s’en prend comme ça à des chiens, c’est qu’on n’a plus de limites »

La thématique de la délinquance a mis en lumière, ces dernières semaines, le rapport de jeunes bandes avec les chiens. Torturé par sadisme, utilisé comme arme et objet de rivalités, le « meilleur ami de l’homme » a la vie dure sur le territoire où associations et forces de l’ordre tente tant bien que mal d’endiguer le phénomène.

« Des gamins qui torturent des chiens comme cela pour le plaisir, je n’y vois que des psychopathes en puissance qui plus tard feront le même mal à des humains. » Au milieu des aboiements de chiens pour beaucoup sauvés de l’enfer, les mots durs de Tyler Biasini sont à l’image du combat qu’il mène avec son association Gueules d’amour. Sans relâche, le président traque sur les réseaux sociaux comme dans les coins les plus reculés de l’île les élevages sauvages tenus par des bandes de jeunes. « Avant-hier, nous sommes allés avec des citoyens, des membres des voisins vigilants démanteler deux élevages en Petite-Terre », raconte-t-il, assis devant les enclos du refuge d’Ongoujou. Lorsque la quinzaine de personnes arrive sur les lieux, c’est l’horreur. « Il y avait des chiens attachés, les mieux lotis, et tout autour il y avait des corps de chiens brulés, des ossements un peu partout », se souvient-il avec dégoût. Des élevages comme cela, cachés dans la campagne, « il y en a partout, surtout dans le grand Mamoudzou et depuis 2016 je dirais, il y en a de plus en plus », s’inquiète Tyler.

Objet de sadisme et de délinquance

Tirées de là par l’association, la fourrière qu’elle accueille désormais ou les forces de l’ordre, les gueules d’amour en biais qui l’entourent ont toutes une histoire témoignant de l’extrême violence dans laquelle les ont plongées ces bandes. L’un a les testicules arrachés, une patte coupée à la machette. Son voisin, lui, a été amputée quand on l’a retrouvé la jambe déchiquetée. Ils sont des dizaines à avoir les oreilles « coupées au ciseau ». Et la queue au chombo. Un autre, prostré contre le mur de son enclos a la nuque lardée de morsures. Des dizaines de plaies profondes qui l’auront marqué bien plus loin que sa chair. « Il a été abandonné après un combat, ils voulaient le tuer mais on l’a sauvé », lâche Tyler au sortir de sa cage. « J’ai aussi retrouvé une chienne violée, ils sont vraiment capables de tout », poursuit celui qui veut redonner un peu d’amour à ces gueules cassées. Brisées par la violence des hommes supposés les percevoir comme « leur meilleur ami ».

Tortures gratuites, combats sans limites mais aussi dressages pour être utilisés comme arme, voilà donc le quotidien des chiens en élevages clandestin. « Il y a aussi beaucoup de violences qui partent de vols de chien, ici, la plupart sont des batards donc un chien de race ou bien dressé prend tout de suite de la valeur et attire donc les convoitises », ajoute le lieutenant-colonel François Bisquert. Pour le gendarme, le phénomène n’est pas tout à fait nouveau, mais tend à s’amplifier. « En réalité, c’est la délinquance en générale qui évolue, elle s’adapte à la répression. On ne voit plus beaucoup de coupeurs de routes, en revanche on voit de plus en plus de bandes avec des chiens, les délinquants évoluent dans leur technicité », analyse le militaire. Car comme lui, « les délinquants savent bien qu’avec les chiens ils ne risquent pas grand-chose, tant d’un point de vue physique car ce ne sont plus eux qui attaquent, que d’un point de vue juridique », poursuit François Bisquert. Un dernier point qui grince les dents des forces de l’ordre comme de l’association.

Délinquants doublement protégés

« Le gros problème, c’est que nous n’avons rien qui rattache officiellement ces chiens aux délinquants, même pas une notion d’occupation de terrain car les élevages, très difficilement accessibles n’ont pas d’enclos. Il est donc très difficile de les tenir responsables », explique le gendarme. D’autant plus que la plupart des « éleveurs » sont mineurs. Seule possibilité donc, les prendre en flagrant délit, « mais là encore, c’est très compliqué car dès lors que nous arrivons, ils lâchent les chiens et ont le temps de fuir ». « Ils ont des guetteurs, ils sont bien organisés »,

emboîte Tyler qui sort régulièrement casqué dans son camion pour faire son possible. Du côté de la gendarmerie, on assure également se mobiliser, en prenant notamment l’exemple de Koungou et ses différents élevages démantelés. « C’est très compliqué », avoue toutefois le lieutenant-colonel.

« Il faudrait qu’il y ait une brigade spécialisée de la gendarmerie, spécialement dédiée à ça », se prend à rêver Tyler Biasini, assis dans l’herbe de son refuge. Un chien avachi sur ses jambes, il reprend pied sur terre et réalise que « le problème, c’est la délinquance des jeunes en générale, c’est sûr. Quand on est capable de faire cela, c’est qu’on a plus de limites ». « Mais de notre côté, on ne peut pas fermer les yeux sur le sort qui est réservé aux chiens, ce n’est pas acceptable », reprend le président de l’association. Qui appelle chacun à prendre sa responsabilité, et en premier lieu les maires. Seules quatre communes ont en effet conventionné avec la fourrière, de sorte que les chiens sans propriétaires soient pris en charge. « Même pas Mamoudzou, alors que c’est là qu’il y en a le plus, pourtant c’est une obligation légale », peste le meilleur ami des chiens. « Face à cette inaction et puisque les maires sont responsables des chiens sans propriétaires qui sont dans leur commune, nous allons dès la rentrée, à chaque morsure, porter plainte contre la commune et nous constituer partie-civile avec le soutien d’autres associations », prévient-il. Prêt à montrer les crocs.

La crise sismo-volcanique de Mayotte se dévoilera, vendredi soir, sur tous les écrans de France

-

La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, rencontre avec Pascal Crésegut, réalisateur du documentaire inédit « Mayotte, la naissance d’un volcan », diffusé ce vendredi soir sur France Ô.

Il était là, « un peu par hasard », le 16 mai 2019, lorsque le volcan a été découvert. À 50 km au large de Mayotte, aux côtés des 40 scientifiques embarqués sur le Marion Dufresne. Pascal Crésegut n’est pourtant ni chercheur, ni géologue. Non, sa spécialité à lui, c’est la caméra. Réalisateur de profession, l’homme était venu suivre les équipes de l’Institut de physique du globe de Paris, sur lequel il réalise alors un reportage. Après avoir participé à une première mission Mayobs quelques mois plus tôt, le voilà de nouveau, caméra au point, à ne perdre aucune miette de la vie sur le pont, où personne alors, ne pouvait encore prédire la découverte qui n’allait pas tarder à s’offrir à eux.

Puis, lorsque les données de fond révèlent l’existence d’un nouveau mais déjà très imposant volcan sous-marin, qui plus est en pleine éruption, Pascal Crésegut observe l’excitation qui anime alors ses compagnons de voyage. « Sur le coup, je n’ai pas réalisé à quel point cette découverte était incroyable », se remémore-t-il, sourire aux lèvres. « Pour les scientifiques, c’était la découverte du siècle. De mémoire humaine ça n’avait jamais été vu et j’ai très vite trouvé ça passionnant ! » Les premiers jours, les chercheurs lui interdisent d’évoquer publiquement la découverte, par peur de créer un mouvement de panique au sein du 101ème département. Puis, l’embargo levé, Pascal Crésegut décide de consacrer son prochain documentaire à ce phénomène inédit, auquel il a assisté aux premières loges. Ironie du sort, ou coup du destin, cet Auvergnat, passionné par « tout ce qui touche à la découverte » avait réalisé, par le passé, un autre documentaire dédié au laboratoire Magmas et volcans, et avec lequel il avait pu observer les curiosités géologiques du monde entier. « J’ai même recroisé des chercheurs du labo à bord du Marion Dufresne », s’amuse Pascal Crésegut.

Si la moitié des images et des témoignages ont été captées à bord du navire au nom de l’explorateur français, les autres ont été tournées à terre, depuis Mayotte, auprès de ses habitants. Des habitants qui ont dû apprendre à composer avec des événements naturels nouveaux, survenus dès mai 2018, date du premier séisme et point de départ du documentaire « Mayotte, la naissance d’un volcan ». De ces craintes, ces inquiétudes mais aussi de cette perspective de voir les yeux du monde rivés vers Mayotte, Pascal Crésegut s’en est inspiré à l’écran. Sur place, il rencontre Saïd Saïd Hachim, le géographe mahorais qui avait été le premier à évoquer la naissance d’un nouvel édifice sous-marin, alors que la communauté scientifique privilégiait encore un scénario aux origines tectoniques. Il échange aussi avec le directeur du collège de Sada, l’un des établissements qui avaient dû fermer temporairement à titre préventif lorsque l’essaim de séismes avait montré ses premières manifestations. « Je voulais faire un parallèle entre ce que vivent les scientifiques en mer et ce que vivent les habitants de l’île à terre », commente Pascal Crésegut. « Sur l’île d’ailleurs, il y a deux écoles : ceux qui ont peur, qui se demandent comment tout cela va se finir, et ceux qui trouvent que c’est une opportunité géniale pour le tourisme et que cela va permettre de susciter de nouvelles vocations chez les jeunes. Mais j’ai globalement senti que la majorité portait un regard positif sur la situation. » Un témoignage documenté inédit, réalisé pour tous les publics, de Mayotte et d’ailleurs, à découvrir ce vendredi soir à 20h55 sur France Ô.

Le Pôle social du Tribunal judiciaire : un pas vers la normalisation du droit à Mayotte

Les nouveaux assesseurs du Pôle social ont prêté serment au Tribunal judiciaire de Mamoudzou. Cette audience a marqué les débuts d’une jeune juridiction à Mayotte, compétente en matière de contentieux de la protection sociale.

Ils sont postés en rang d’oignon à un mètre de distance les uns les autres dans cette salle d’audience du Tribunal judiciaire de Mamoudzou. “Je le jure”, lance timidement le premier appelé, en levant le doigt d’un air mal assuré. Avant d’opter pour la paume de sa main, devant le regard amusé de ses congénères. Ce jeudi, une vingtaine d’assesseurs étaient appelés devant le juge Pascal Bouvard pour prêter serment en vue de leur désignation au sein du Pôle social. Cette nouvelle juridiction hybride, née de la loi de modernisation de la justice de 2016, et qui doit traiter l’ensemble du contentieux de la protection sociale, fait ainsi ses premiers pas à Mayotte.

Pour la plupart de ces juges non professionnels, c’était aussi un peu une nouveauté. Proposés par les organisations syndicales des employeurs – Medef, Capeb, CPME, FMBTP – et des salariés – CGT, FO, CFDT, CFE-CGC – ces personnes issues de la société civile ont été désignées par le Premier président de la cour d’appel de Saint-Denis. À l’issue de l’audience solennelle qui se tenait ce jeudi, elles devront effectuer une courte formation avec l’École nationale de la magistrature, “dématérialisée, par les temps qui courent”, précise le juge Bouvard. Et dès septembre, ces représentants du monde professionnel pourront siéger aux côtés d’un magistrat professionnel. “En ce qui concerne le monde économique, il est très important de désigner des personnes de la société civile, qui ont des connaissances des métiers”, déroule le juge devant une audience attentive. “J’ai remarqué en général que, très vite, les assesseurs ont presque plus de connaissances que moi sur le droit substantiel, en revanche, les questions de procédure leur sont naturellement moins familières”, poursuit-il pour justifier cette juridiction à trois têtes : celle du magistrat professionnel, celle du représentant de l’employeur, et celle du représentant du salarié.

Une piqûre de rappel sur la déontologie

C’est d’ailleurs pour cette raison que les nouveaux assesseurs devront suivre une formation qui leur enseignera le “béaba du droit et de la déontologie”. Présent lors de l’audience, le procureur de la République Camille Miansoni, a d’ailleurs profité de son allocution pour en poser les premiers jalons : “Je voudrais vous adresser toutes mes félicitations et vous rappeler la nécessité de faire valoir d’abord et en toutes circonstances le droit, la règle commune sans laquelle aucune vie sociale n’est possible.” “Il faut être capable de dépasser ses subjectivités, ses préjugés, ses convictions personnelles pour dire le droit. C’est un exercice compliqué, et parfois incompris”, développe-t-il. Une parole qui prend d’autant plus de sens alors que les décisions du procureur – dans l’affaire du rapt d’un jeune homme en Petite-Terre notamment – ont récemment suscité un flot de critiques à son encontre dans la population.

En attendant les prud’hommes

Du côté du justiciable, ce Pôle social sera désormais compétent pour juger tous les contentieux de la protection sociale, de l’employeur qui n’a pas payé ses cotisations sociales aux accidents de travail les plus graves. Il reprend de fait les compétences des anciens tribunal aux affaires de la sécurité sociale (TASS), tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), et de la commission départementale d’aide sociale (CDAS), au sein d’une juridiction hébergée par le Tribunal judiciaire. Compatible avec une procédure pénale menée en parallèle, le Pôle social prononce des décisions civiles, pouvant aller jusqu’à de lourdes indemnisations en fonction du préjudice. Pour Pascal Bouvard, qui arbore une mine ravie devant ses nouvelles ouailles, “c’est un vrai plaisir de faire prêter serment aux assesseurs du Pôle social car c’est un vrai pas vers la normalisation de la vie judiciaire à Mayotte”. Après le tribunal mixte de commerce en 2017, il ne manquera donc plus que le tant attendu conseil des prud’hommes, qui devrait voir le jour fin 2021. “Alors nous aurons tous les outils pour travailler efficacement”, prédit Pascal Bouvard.

Élections municipales : Mamoudzou se prépare au deuxième tour

Dimanche se tiendra le deuxième tour des élections municipales dans un contexte de crise sanitaire. Un scrutin qui se déroulera donc accompagné de mesures strictes. Du côté du chef-lieu, Mamoudzou, on adapte les bureaux de vote aux mesures exigées.

Elles s’activent, les équipes d’agents municipaux de Mamoudzou en ce jeudi matin. Leur objectif : visiter tous les bureaux de vote du chef-lieu – 29 en tout –, préparer le dispositif qui permettra de respecter les exigences sanitaires, et les mettre en conformité si nécessaire. « Nous vérifions que les dispositions que l’on a prises sont bien mises en place », explique Ahamada Haribou, DGA de la mairie en charge de l’action citoyenne et de la vie publique. Le bureau centralisateur de la commune, l’Hôtel de ville, sera lui sujet à ces aménagements samedi seulement, car ouvert jusqu’à la veille. Pour les autres, « nous avons préféré prendre un peu d’avance pour réajuster certaines choses dans les temps si nécessaire ».

Pour les agents, il s’agit aussi d’organiser le cheminement que les votants auront à suivre pour déposer leur bulletin dans l’urne. Car durant le scrutin, les désormais célèbres « gestes barrières » devront évidemment être appliqués. Dès l’entrée donc, un agent accueillera les personnes, s’assurant pour commencer que l’obligation gouvernementale de port du masque soit bien respectée – le cas échant, un masque chirurgical pourra être fourni – et les orientera en fonction de leur numéro de bureaux de vote.

Elles devront alors suivre l’itinéraire tracé au sol en respectant la distanciation sociale. Et entre l’entrée sur le site et l’entrée dans le bureau de vote, une halte sera obligatoire à l’un des points d’eau pour se laver efficacement les mains. Des points d’eau qui ont d’ailleurs été rajoutés pour la réouverture récente des écoles, en priorisant celles qui accueillent des bureaux de vote. Pour celle de Cavani-Stade par exemple, neuf nouveaux lavabos ont ainsi été installés.

Les votants pourront ensuite patienter pour pénétrer dans le bureau de vote, en nombre réduit, et déposer leur bulletin dans l’urne. Là encore, s’il est demandé à chacun de venir avec son stylo personnel, la municipalité en a prévu 100 par site qui pourront être désinfectés à la solution hydroalcoolique avant de resservir si besoin.

Direction la sortie de la salle ensuite, différente de l’entrée, où le tracé au sol reprend son cours, l’amenant vers la sortie du site, elle aussi différente. Là, du gel hydroalcoolique sera mis à disposition et un autre agent s’assura que des rassemblements ne se forment pas.

Des salles désinfectées avant et après le scrutin

« Après vérification et mise en place des aménagements nécessaires, les salles servant de bureaux de vote seront désinfectées et fermées jusqu’à dimanche », explique également la mairie. Celles qui devront accueillir des enfants lundi (Cavani-Stade, École annexe, et Mgombani) seront immédiatement nettoyés après la fermeture du vote. Au total, la mairie de Mamoudzou a mobilisé 230 agents pour ce second tour, soit 50 de plus que lors du premier. De quoi rassurer les votants et ne pas entacher la tenue de cette élection, chère aux Mahorais.

Le flash infos du jour

Flash infos Mayotte du Lundi 30 juin 2025
Lundi 30 juin 2025

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes