Jeux des Iles : « Si on est au-delà de la cinquième place, les Mahorais ne comprendraient pas »

A quelques jours du grand départ vers Madagascar, une bonne partie de la délégation mahoraise s’est retrouvée au conseil départemental de Mayotte, ce samedi matin. L’occasion de faire le point sur l’organisation, parler ambition et récupérer les tenues officielles pour cette onzième édition des Jeux des Iles de l’océan Indien prévue du vendredi 25 août au dimanche 3 septembre. La polémique du drapeau, Mayotte ne pouvant pas concourir avec celui de la France, n’a pas été oubliée (voir encadré).

Ce n’est pas exactement le même bleu que celui du lagon, mais il fait quand même plaisir à voir. Ce samedi matin, de nombreux sportifs mahorais, accompagnés de leurs encadrants, ont revêtu pour la première fois leur tenue pour ces onzièmes Jeux des Iles de l’océan Indien. A une semaine de la compétition, la cérémonie n’était pas qu’un simple défilé vestimentaire. Il a permis d’aborder le côté pratique (la délégation part en deux groupes mercredi), les règles disciplinaires et présenter officiellement celui qui portera le drapeau de la délégation, le vendredi 24 août, lors de la cérémonie d’ouverture. Les officiels, dontHassani El Anrif, le président de l’Office départemental des sports, ZouhouryaMouayad Ben, vice-présidente du conseil départemental en charge de la Jeunesse et des Sports, ainsi que Madeleine Delaperrière, directrice de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (Drajes) de Mayotte, y sont allés aussi de leurs encouragements. Le président de l’Office et conseiller départemental a rappelé les primes promises aux médaillés (1.000 euros pour l’or, 500 euros pour l’argent et 300 euros pour le bronze en sport individuel ; 400 euros pour l’or, 300 euros pour l’argent et 200 euros pour le bronze en sport collectif).

« Entre 30 et 32 médailles »

Même si les sommes sont moindres par rapport à 2019, cela n’entache pas la motivation de la délégation qui s’appuie sur un chiffre inédit de 338 membres, du fait des quinze disciplines (+ la jeunesse) dans lesquelles s’aligneront les Mahorais. « C’est presque le double par rapport aux Jeux de Maurice en 2019 »,confirme Fahdedine Madi Ali, le directeur du Cros de Mayotte (comité régional olympique et sportif) et lui-même médaillé d’or en lancer de javelot en 2015. Avec ce volume de participants, l’ambition est de faire tout autant briller Mayotte dans ces Jeux. « Ce n’est pas tant les médailles, mais le classement final qui compte. Si on est au-delà de la cinquième place, les Mahorais ne comprendraient pas. Il faut qu’on soit devant les Comores et les Maldives »,ambitionne Madi Vitta, le président du Cros mahorais.Son directeur évoque un objectif « entre 30 et 32 médailles », avec l’envie de ramener autant que possible des breloques en or, celles qui comptent le plus dans le classement.C’est le cas notamment dans son ancienne disciplineSoultoine Ali pourrait conserver son titre. Arrivé huitième aux derniers championnats de France, il fait figure de leader d’une équipe composée des ambitieuxNasraneBacar (sprint), Kamel Zoubert (sprint), Soyifidine Saïd (hurdler), Raphaël Mohamed (hurdler) et le porte-drapeau de Mayotte, Djassim Ahamada (sprint et saut en longueur). Toujours en sport individuel, le judoka RudolpheMéchin et le pongiste KilomoVitta remettent leurs titres en jeu avec envie. Le premier, qui passe dans la catégorie des moins de 100 kg, cette année, se sent en forme.« Ça inclut un régime assez difficile. Maintenant, avec la préparation, tous les voyants sont au vert. J’ai eu la chance d’amener à Mayotte le premier titre de champion de France au niveau fédéral. On a eu un très bon stage, il faut maintenant aller chercher les fruits de ce travail », indique-t-il. De l’autre côté de la salle, les kick-boxeurs font figure de petits nouveaux. La discipline fait ses débuts aux Jeux des Iles de l’océan Indien. S’ils connaissent bien leurs adversaires réunionnais, « on les rencontre souvent », concède David Chorel, c’est un peu l’inconnu pour le reste de la région. L’entraîneur du club de Bandrélé rappelle surtout que « tous les participants sont mélangés » dans ce tournoi en format « low kick ». Les cinq Mahorais peuvent ainsi tombés sur des combattants en classe B, dans la A comme David Chorel (-63,5 kg) ou Maxime Rochefeuille (81 kg), mais aussi des professionnels.

« Ils craignent de tomber sur Mayotte »

Madi Vitta rappelle aussi qu’en sport collectif, « toutes les délégations craignent de tomber sur Mayotte ». Chez les basketteurs par exemple, Rifki Saïd attend sa revanche (Mayotte avait perdu en finale contre Madagascar en 2019). Après une phase de poule facile sur le papier (les Seychelles et les Maldives), les Mahorais pourraient retrouver les hôtes de cette édition ou La Réunion en demi-finale, puis l’un ou l’autre en finale. Peu importe le scénario, « ça sera déjà savoureux de les battre », souligne le Sportif de l’année 2022 avec un grand sourire. Un peu surpris d’être dans l’équipe de basket 3×3, pour ce qui seront peut-être ses derniers Jeux, Ahmed Salim « Jordan Henri » Saïd va peser dans cette épreuve grâce à son tir redoutable et ses qualités de percussion toujours présentes à 41 ans. « J’y vais pour aller chercher la plus belle des médailles », prévient le joueur du Vautour club de Labattoir. L’entraîneur du basket mahorais, Christian Devos, confirme les propos de ses champions. Celui qui quitte temporairement ses fonctions de président du club professionnel de BCM Gravelines-Dunkerque (dixième du dernier championnat français) et d’adjoint au maire de Gravelines, a vu « une progression » chez les sportifs qu’il suit depuis sept ans maintenant. Louant la qualité physique de ses joueurs, il indique en souriant qu’il doit même parfois « les freiner ».

En rugby à 7 aussi, on pense à la médaille. Le peu d’équipes présentes (il y aura Madagascar, La Réunion, Maurice et donc Mayotte) augmente les possibilités. Il faudra cependant passer l’ogre malgache dès la première rencontre pour les deux sélections. « Ils ont l’habitude de jouer des tournois internationaux », fait remarquer Magdalena Alliaud, la capitaine de la sélection. Si son homologue masculin, Hugo Garlat, met en avant « la bonne cohésion » de son groupe de douze constitué de joueurs du championnat local ou de Mahorais évoluant en métropole comme Mouslimou Ali, la meneuse des filles se repose sur une défense de fer. « On attaque l’attaque », avertit-elle.

Les yeux vers l’édition 2027

Le président du Cros a prévenu que la délégation menée par Mohamed Tostao Ahmada ne tolérerait aucun écart pendant ses Jeux, ayant pour preuve des exclusions intervenues lors de l’édition précédente. Ce devoir d’exemplarité est tout aussi important cette année dans l’optique d’une organisation de la compétition à Mayotte en 2027. « Tout sera analysé à Madagascar. Ils ne vont pas confier l’organisation à ceux qui se comportent mal », lance Madi Vitta aux athlètes. En effet, alors que le dossier de candidature est « prêt » selon lui, les performances de telle ou telle délégation peut lui faire gagner en légitimité. « Théoriquement, à chaque fin des Jeux, on désigne le prochain organisateur. Jusque-là, il n’y a pas encore eu d’ouverture des dossiers. Là, je ne sais pas comment ça va se passer », tempère le président du Cros, qui suit le mot d’ordre actuel dans l’équipe mahoraise, à savoir, se préparer à tout lors de cette onzième édition à Madagascar.

En tout cas, cet horizon peut provoquer sans doute un surplus de motivation pour les athlètes mahorais. Car avec une victoire à Madagascar, ils pourront peut-être défendre leur titre chez eux la prochaine fois.

« On va s’en tenir à la charte des Jeux »

C’est un sujet qui revient maintes fois sur le tapis. Depuis que Mayotte et La Réunion ne font plus équipe commune, seule l’île Bourbon arbore le drapeau français et chante l’hymne national. Mayotte doit, elle, se contenter de ceux des Jeux. Un problème qui tient davantage du diplomatique que du sportif. La onzième édition s’approchant, les sportifs n’ont pas hésiter à reposer la question de ce qu’ils ont le droit de faire ou non. « On va s’en tenir à la charte des Jeux », avertit Madi Vita, le président du Cros, qui n’est pas sourd aux rumeurs de boycott. « On part dans une semaine. Si certains ne veulent pas y aller, il faut le dire maintenant. » Il prévient d’ailleurs que la moindre « provocation » pendant les Jeux pourrait susciter la réaction du service de sécurité. Et là, « l’ambassade et la délégation se désolidariseront ».

Il assure cependant que le drapeau français, hors cadre protocolaire, ne posera pas de soucis. Il en est de même pour les relations avec l’équipe comorienne. « Ça s’est toujours bien passé », fait-il remarquer, rappelant que des intimidations en 2007 (la délégation mahoraise avait été bloquée un temps à l’aéroport par exemple), pendant les derniers Jeux à Madagascar, étaient du fait de « supporters » et pas des athlètes.

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