« Faire le maximum pour qu’il puisse y avoir des bracelets anti-rapprochement »

Justine Benin, coordinatrice interministérielle de la lutte contre les violences faites aux femmes en Outre-mer, était en déplacement à Mayotte en fin de semaine dernière. Depuis septembre, elle va dans l’ensemble des territoires d’Outre-mer afin de rédiger un rapport sur les violences faites aux femmes dans ces territoires. Elle est venue rencontrer des institutions et a échangé tout l’après-midi de vendredi avec les différentes associations du territoire, dans l’hémicycle Bamana, à Mamoudzou.

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La coordinatrice interministérielle a échangé pendant près de trois heures avec les associations mahoraises travaillant sur la question des violences faites aux femmes, dans l’hémicycle Bamana, au conseil départemental, à Mamoudzou.

Flash Infos : Ce vendredi matin, vous avez rencontré plusieurs institutions pour parler de la lutte contre les violences faites aux femmes. Qu’avez-vous retenu de cette rencontre ?

Justine Benin : Ce que je retiens de mes échanges avec les institutions, c’est que le recteur d’académie (N.D.L.R. Jacques Mikulovic) est conscient des difficultés. Pour tout ce qui concerne la prévention, la sensibilisation dans les collèges, dans les lycées, dans les écoles, il souhaite, encourage et fait en sorte que l’ensemble des enseignants de Mayotte soit formé à ces questions. Il veut absolument former à tous les étages l’ensemble du corps enseignant de Mayotte et je pense que c’est important.

F.I. : Vous venez d’échanger pendant près de trois heures avec les associations, qu’est-il ressorti de vos échanges ?

J.B. : J’ai vu ce qui fonctionne et je sais aussi voir ce qui ne fonctionne pas. Donc à charge pour moi, premièrement, de dire qu’il n’y a pas de conséquences sans cause. Je crois sincèrement que, malgré la vivacité et le dynamisme des associations, partenaires, collectivités et institutionnels, il y a des choses à revoir. On sait que lorsqu’on parle de violence, c’est la résultante de la précarité, de la pauvreté, de l’impasse éducative, de tellement de choses qui font qu’il y a un basculement à un moment. Mais les associations sont là. Ça veut dire que, tout comme moi, elles ont foi et espoir que les choses vont s’améliorer, parce que chaque pas qu’elles font est décisif, et c’est une force.

FI. : Pourquoi était-il important pour vous de venir à Mayotte ?

J.B. : Je ne me voyais pas parler du sujet des violences faites aux femmes en Outre-mer sans aller dans les territoires. À l’époque, quand j’étais parlementaire, je disais souvent qu’on ne pouvait pas venir nous dire quoi faire sans venir dans les territoires. Donc je voulais aller au bout de ce que j’ai dit, aller dans les territoires, au cœur de ce qui se fait. De ce que je retiens, il y a une forte mobilisation des acteurs, qui mettent en place des initiatives et qui sont empreints de lucidité. Ce que je sais c’est qu’en venant dans les territoires, je ne viens pas à nu, j’essaye a minima de regarder ce qui se fait, ce qui existe. Je viens avec la modestie et l’humilité qui commande lorsqu’on arrive sur un territoire « qu’on ne connaît pas ».

F.I. : Quelle est la prochaine étape ? Qu’allez-vous faire de ce que vous avez appris ?

J.B. : Dans le cadre de la mission qui est la mienne, je dois remettre un rapport d’ici le 20 décembre. En termes de recommandations, je vais, entre autres, dire qu’il faut absolument que le Parquet Général puisse faire le maximum pour qu’à Mayotte il puisse y avoir des bracelets anti-rapprochement et des téléphones “grave danger” opérationnels, parce que c’est important. À Saint-Martin aussi, du jour au lendemain, il n’y a plus eu de téléphone “grave danger”, à cause d’un problème de protocole. Je dirais aussi qu’il faut revoir la salle Mélanie (N.D.L.R. salle permettant d’accueillir les auditions médico-judiciaires des mineures victimes de certaines infractions). Mais je dirais aussi qu’à Mayotte, il faudra une deuxième salle Mélanie. Ce n’est pas possible que cette salle se trouve au centre hospitalier de Mayotte et qu’au niveau des services de police et de gendarmerie, il n’y en ait pas. Tout ce que je vais dire c’est ce que j’ai entendu en une journée. Je dirais aussi qu’il y a des associations qui fonctionnent avec toute la détermination que nous connaissons, mais qu’il faut les aider. Il faudra qu’il y ait une proposition de loi sur le cadrage juridique de l’observatoire ultra marin des violences faites aux femmes, car sinon, ça ne se fera pas. La deuxième phase est un colloque que nous allons réaliser à La Réunion, avec des ateliers et des retours d’expérience.

F.I. : Dans le cadre de votre mission, vous êtes déjà allée aux Antilles et en Guyane. Vous allez prochainement sur les îles du Pacifique. Quelles sont les problématiques propres à Mayotte et quels points communs avez-vous pu constater avec les autres territoires d’Outre-mer ?

J.B. : Concernant Mayotte, je vais par exemple voir le Grand cadi pour parler de la polygamie. Je vais aussi faire état du problème de l’illettrisme qui est une cause de la violence et de la méconnaissance des droits. Il y a plusieurs points communs avec les autres Outre-mer, comme la forte mobilisation des associations. Mais en même temps il faut savoir qui fait quoi pour bien coordonner. Il faut mettre en place ici le réseau sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes, qui n’est pas non plus dans les autres territoires. Lorsqu’on parle de collecter des données, il n’y en a pas. Il n’y a pas d’observatoire des violences faites aux femmes sauf à La Réunion. Donc, oui, il y a des similitudes. C’est tout l’intérêt de ma mission.

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