Mansour Kamardine : « on a raté une marche avec la création d’une cour d’appel à La Réunion »

Selon le député Mansour Kamardine, l’absence d’une Cour d’appel à Mayotte pose des problèmes dans le fonctionnement de l’institution judiciaire qui doit émarger sur le budget La Réunion dont elle dépend, y compris pour des dépenses minimes. Parmi les conséquences de cette situation, 5.000 des dossiers d’état-civil sont bloqués pour des milliers de Mahorais depuis 2005. Contre l’avis du gouvernement, le représentant de la deuxième circonscription de Mayotte a fait voter mercredi, un amendement visant à croître les crédits à hauteur de cinq millions d’euros afin de pallier cette situation.

Flash Info : Le public a assisté à une joute verbale entre vous et le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, au sujet d’un amendement que vous avez présenté à l’Assemblée nationale mercredi dernier, en faveur de la justice à Mayotte. Pourriez-vous expliquer aux Mahorais de quoi il s’agit exactement ? 

Mansour Kamardine : Il n’y a rien de grave en réalité, vous savez, la force de la démocratie (en France) est faite de débats au cours desquels chacun donne son point de vue et des décisions sont ensuite prises. Pour être clair, je dirai que nous avons raté une marche en 2011, au moment de la départementalisation de Mayotte, en ce sens que le gouvernement de l’époque avait consulté l’assemblée départementale qui avait donné son accord au sujet de la création d’une Cour d’appel à La Réunion. A partir de là, tous les moyens financiers avaient été affectés à cette instance, y compris les frais pour le petit fonctionnement. A dire vrai, il s’agissait d’un système qui avait été expérimenté dans les départements d’Outre-mer des Antilles et Guyane et qui n’avait pas donné des résultats satisfaisants, ce qu’a par ailleurs reconnu le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale.

F.I. : Combien de personnes sont concernées par des problèmes d’état-civil à Mayotte ?

M.K. : Cet amendement a pour but de régler plus de 5.000 requêtes déposées au tribunal de Mayotte depuis 2005, par nombre de nos concitoyens au sujet de leur état-civil. Les personnes qui sont dans cette situation rencontrent des difficultés à se faire délivrer de nouveaux documents d’identité au moment de les renouveler. Des Mahorais résidant en France métropolitaine se voient ainsi condamnés à y rester, de même que ceux qui se trouvent à Mayotte, parce que des corrections devant être apportées à leurs documents nécessitent la décision de magistrats. Il n’échappe à personne que la juridiction concernée croule sous les dossiers alors qu’elle ne dispose que de moyens très limités, tant matériels qu’humains. Cette situation n’est absolument pas nouvelle, elle était déjà connue par les précédents gouvernements, il y a consensus autour de cette question, seule la décision politique d’avancer fait défaut. Cet amendement que j’ai fait voter vise donc à faire augmenter les crédits dédiés à la justice civile sur le territoire cinq millions d’euros afin de mettre à niveau le système judiciaire.

F.I. : Que pensez-vous de la réponse apportée par le gouvernement ?

M.K. : Nos concitoyens ont tous suivi la réaction du ministre de la Justice qui montre le désintérêt du gouvernement actuel face aux vrais enjeux qui se posent à l’évolution et au développement de notre île. Il envisage de déployer sur Mayotte pendant six mois une brigade de magistrats pour rendre la justice et prononcer les décisions qui permettront à ces 5.000 personnes de disposer de documents d’état-civil conforme à la règle du droit français. Ce désintérêt se constate aussi sur la résolution du problème de l’immigration clandestine en provenance des Comores qui gangrène le développement de notre territoire. A ma collègue Estelle Youssouffa qui propose l’aménagement, au port de Longoni, d’un quai spécifique dédié au patrouilleur outre-mer, le gouvernement se réfugie derrière l’argumentaire qu’il n’est pas gestionnaire de cet outil et qu’il incombe par conséquent au département de supporter ces travaux. Cela m’amène à réitérer ma position maintes fois exprimée sur l’urgence qu’il y a à renvoyer cet outil de souveraineté nationale à qui de droit.

 

Estelle Youssouffa : « ce n’est pas demain, c’est maintenant que nous voulons de l’eau »

Lors du débat sur la mission Outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2023, qui s’est achevée mercredi soir à l’Assemblée nationale, Estelle Youssouffa a fait part de son « ras-le-bol » face aux problèmes de manque d’eau auxquels sont assujettis les Mahorais depuis plusieurs années. « Entendre aujourd’hui nous expliquer que l’impuissance est organisée par la complexité du mille-feuille administratif, quand on sait que ce même gouvernement ouvre de nouvelles discussions statutaires, il y en a marre », a-t-elle fait entendre. La députée de la première circonscription de Mayotte a martelé que ses administrés ne peuvent plus entendre le discours voulant que l’on prenne son temps, que c’est compliqué pour un État qui va dépenser son argent ailleurs. « Il y a urgence, ce n’est pas avant-hier, ce n’est pas demain, c’est maintenant que nous voulons de l’eau », a-t-elle ajoutée. En réponse, le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, a rappelé que le gouvernement a réagi face à la situation en prenant les mesures adéquates pour remettre en fonction l’usine de dessalement de Petite-Terre et qu’il s’était entretenu avec le président du Département de Mayotte, M. Ben Issa Ousséni, au sujet de la création de la troisième retenue collinaire d’Ourovéni.

La loi de finances a été finalement très largement amendée par les députés. Au total, ces amendements ont débouché sur augmentation de 400 millions d’euros par rapport à ce que le gouvernement avait initialement préconisé.

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