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Issihaka Abdillah : « Rétablir la confiance avec le nouveau gouvernement »

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Officiellement investi candidat par la fédération départementale du parti « Les Républicains » la semaine dernière, Issihaka Abdillah (supplée de Halima Houzali) bat le pavé dans la 1ère circonscription législative de Mayotte. Dans un entretien exclusif accordé à notre rédaction, il dévoile ses cartes pour une élection qui s’annonce pour le moins difficile. Contre les difficultés chroniques (sur notre territoire) que sont le pouvoir d’achat, l’insécurité et l’immigration clandestine, il propose des solutions novatrices, inattendues, mais qui méritent toute l’attention des Mahoraises et des Mahorais.

Flash Infos : Votre investiture par les « LR » pour ces législatives en a surpris plus d’un… Comment expliquez-vous votre basculement politique à droite, vous qui avez été membre fondateur de la fédération socialiste à Mayotte en 1992 ?

Issihaka Abdillah : L’adhésion à une formation politique n’est pas une condamnation à perpétuité. Le PS (Parti Socialiste) a fait son temps, dans l’Hexagone tout comme à Mayotte, il n’a pas su revoir son logiciel alors même que le monde évoluait entre-temps. Le communisme est tombé, le monde est devenu numérique, et Internet a depuis fait largement évoluer les mentalités. D’ailleurs, vous constaterez qu’à l’échelle nationale, il a cessé depuis longtemps d’être une formation de gouvernement. La plupart de ses ténors ont rejoint « La République en Marche » de l’actuel chef de l’État. Ma fidélité à Mayotte étant intacte, j’ai donc décidé d’intégrer le parti « Les Républicains », une formation dont les discours et les actes sont en rapport avec l’évolution de ce territoire et répondent aux besoins des Mahoraises et des Mahorais. Je ne suis pas le seul dans ce cas de figure, d’autres grandes figures du PS sont allées de l’autre côté sur le plan idéologique. Rappelez-vous, en 2002, j’ai été le seul à avoir soutenu Mansour Kamardine parce que j’estimais que les orientations qu’il défendait allaient dans le sens des intérêts de Mayotte.

FI : Les maux qui gangrènent Mayotte sont connus de tous, nous allons donc droit au but : si vous remportez ce scrutin quelles seront vos priorités ?

I.A. : Notre première action sera de rétablir la confiance entre le nouveau gouvernement et Mayotte. Le dernier projet de loi (présenté pour avis au territoire) a laissé des séquelles, singulièrement avec les élus locaux. Il est indispensable que nous ayons un département ultramarin apaisé dans le bon sens du terme.

Sur un plan plus politique, il nous faut des mesures exceptionnelles puisque nous vivons une situation exceptionnelle depuis de nombreuses années : transformation du département en zone franche pendant au moins dix ans. Bien sûr, avec des gardes fous pour éviter toutes dérives pouvant venir d’acteurs véreux. Nous parlons ici d’une zone franche globale laquelle nous permettra de faire venir ou revenir des investisseurs et donner la priorité aux créations d’emplois, en particulier l’emploi des jeunes. Il faudra revenir aux préconisations du SAR (schéma d’aménagement régional) qui prévoit quatre zones d’activités (Nord, Sud, Centre et Petite-Terre) pour fluidifier les zones industrielles existantes.

Il faut bien évidemment lutter contre la vie chère ! Il n’est pas question de faire de la demi-mesure, mais plutôt de faire les choses autrement. Il existe une aide à l’importation de produits en provenance des pays membres de l’Union européenne, laquelle repose sur le principe de la continuité maritime. Les quatre autres départements d’Outre-mer en bénéficient déjà, ce qui leur permet de réduire de 50% le coût du transport maritime des denrées alimentaires. À Mayotte, c’est l’inverse qui a été mis en place, exclusivement pour exporter nos déchets de ferraille à recycler. Cette aide peut concerner bien des domaines, notamment les 500 produits alimentaires les plus consommés à Mayotte, les fournitures scolaires et le matériel pédagogique, les médicaments et autres produits pharmaceutiques, le matériel médical, l’informatique scolaire, les véhicules de transport sanitaire et enfin, les véhicules de transport en commun. Des experts indépendants ont démontré que la mise en place d’une telle mesure permettrait de réduire de 20% le coût de la vie à Mayotte.

Il faut sans tarder s’attaquer à la problématique de l’eau. Nous entendons ici la construction d’infrastructures de traitement et stockage d’eau potable, mais aussi d’énergie. S’agissant de ce dernier point, il faut savoir que la réglementation française impose pour un territoire ultramarin comme le nôtre un stockage équivalent à 90 jours de consommation. Or, pour le moment, nous n’en sommes qu’à seulement 25 jours avec un ravitaillement tous les 15 jours. Cela signifie qu’en cas de conflit, notre économie se trouvera très rapidement en difficulté.

Concernant l’approvisionnement du territoire, nous avons aujourd’hui un port censé être « d’éclatement », prenant part dans les échanges de toute la région. La crise sanitaire et les conflits de gestion et de fonctionnement de cet outil débouchent actuellement sur d’énormes difficultés. Dans la reprise économique post crise sanitaire, les armateurs ont choisi de localiser les conteneurs, trois mois durant, en Asie, en Europe et aux États-Unis. Malheureusement pour nous, Mayotte se trouve dans la zone insuffisamment approvisionnée, au même titre que d’autres pays limitrophes. Il importe donc que nous arrivons à créer une compagnie maritime régionale qui permettra à nos micro-États de pallier l’impact de ce problème sur nos économies respectives. Pour cela, nous avons seulement besoins des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et de nos ambassades dans les pays concernés dans la région.

Par ailleurs, je reproche à la loi sur Mayotte sa préconisation d’un développement accéléré de notre île car, en l’état actuel des choses, rien ne marchera si un certain nombre de dispositions ne sont pas prises pour lever les freins à ce développement.  Notre département est soumis aux mêmes contraintes que les régions les plus industrialisées de France que sont Paris et Nice avec des délais très longs pour obtenir un permis ou donner des avis sur des documents d’urbanisme comme le SAR ou le PLU (plan local d’urbanisme). Il est important que ces délais puissent être réduits de façon drastique, même si c’est juste pour une période définie. Un rapport sénatorial du 19 juillet 2021 a pointé du doigt ce problème des normes dans la construction des bâtiments publics qui impose le recours systématique de matériaux fabriqués en Union européenne. Il suggère que les opérateurs de Mayotte et La Réunion puissent s’approvisionner en Afrique du Sud et à Madagascar pour permettre une accélération du rythme de la construction. Il préconise également des normes spécifiques aux RUP (régions ultrapériphériques) par une adaptation des normes européennes de façon à permettre à ces territoires de mieux s’intégrer aux économies de leurs zones géographiques et respecter ainsi les conclusions de la COP 21 en matière d’émission de carbone.

Enfin, notre territoire a grand besoin d’une fluidité de mouvements aussi bien dans le domaine aérien que maritime ou terrestre. Il faut y aller très vite car avec 1.000 immatriculations de voitures neuves par an et plus de 1.000 en véhicules d’occasion, c’est déjà beaucoup trop.

FI : Vous avez longtemps été enseignant sur cette île et vous connaissez tous les problèmes existants dans ce domaine, qu’est-ce qui manque selon vous pour améliorer la situation ?

I.A. : Je dirai qu’il manque un peu de tout et partout. Ce sont 110.000 élèves qui sont scolarisés à Mayotte chaque année. Les effectifs globaux du lycée des Lumière (à Kawéni) et celui de Bamana (à Mamoudzou) sont supérieurs à ceux de l’ensemble des lycéens dans l’île de la Grande-Comore (Ngazidja), alors même que celle-ci compte plus d’habitants que notre département. Que faire avec une démographie aussi dynamique dans le second degré ? Selon moi, il faut gagner en qualité, en dehors des établissements scolaires, le « Français » n’est pas suffisamment divulgué dans les villages, il n’y a pas assez de bibliothèques. Dans notre projet politique, nous prévoyons de combler ce manque par la signature de conventions avec les communes et permettre ainsi aux villages les plus reculés de disposer de points bien fournis en livres et manuels divers afin de rompre la fracture numérique. Il faut que l’enfant mahorais ait constamment accès à la culture et au savoir où qu’il soit sur ce territoire.

Tous les matins, plus de 60.000 jeunes rejoignent leurs établissements respectifs, en bus ou à pied. C’est un miracle que nous n’ayons pas enregistré d’accidents de ce côté-là. Ces élèves n’ont pas le même profil, beaucoup parmi eux vivent sous le seuil de pauvreté. Par conséquent, il est important de donner à chacun la chance de réussir ses études et c’est pour cela que notre formation politique propose la création « d’internats de socialisation » au sein de chaque lycée de Mayotte.  Je ne parle pas de resocialisation, mais de « socialisation », en d’autres termes, l’apprentissage du vivre ensemble, l’harmonie entre élèves issus de milieux sociaux différents. C’est une notion importante lorsque nous avons que 15.000 de nos enfants prennent le bus ensemble tous les jours. Ils doivent apprendre à vivre ensemble et à se respecter.

Dans un autre registre, le nombre des constructions scolaires peut être réduit par un travail conséquent à faire en matière de coopération régionale. Beaucoup de ces jeunes viennent bien quelque part dans la région… Le développement de la francophonie peut être un canal de soutien de l’éducation dans leurs pays d’origine et de prise en charge des enseignants qui viendraient alors de différents pays membres de cet espace linguistique et culturel. L’Union européenne dispose de certaines lignes de crédits qui peuvent également être mis à contribution pour financer les programmes d’enseignement, notamment celui des filles, ainsi que les salaires des enseignants.

FI : Depuis quelques temps, le terme à la mode c’est une université de plein exercice à Mayotte, quelle votre vision d’un tel outil ?

I.A. : Pour moi, il y a un décor à planter avant toute chose : Mayotte est un département français d’Outre-mer et une région ultrapériphérique de l’Union européenne, autrement dit, une porte d’entrée de l’occident politique. Au-delà de répondre aux besoins directs d’instruction de jeunes mahorais, cette université a la mission d’assurer le rayonnement de la culture, de l’enseignement et de la recherche française. Pour ma part, je considère que ce serait une aubaine de pouvoir y accueillir des étudiants venant de divers pays africains, d’Europe et d’ailleurs ainsi que de notre zone géographique pour assurer le rayonnement de la culture et la langue française qui doit primer.

Imaginez que des chercheurs issus de ces pays viennent développer tel ou tel concept dans notre île. Sous l’égide de l’organisation Internationale de la francophonie et de la coopération française, l’État français peut accorder des bourses à des étudiants étrangers pour suivre leur formation universitaire à Mayotte. Et en retour, ils deviennent dans leurs pays respectifs les ambassadeurs de notre île et de notre culture chez eux. Ils deviendraient alors des consommateurs et des sensibilisateurs d’autres consommateurs de productions mahoraises. La francophonie doit être sans frontières et ce principe peut aussi être développé à travers des antennes locales de grandes écoles françaises.

FI : Le domaine sanitaire a fait et va faire l’objet d’investissements importants. Pourtant, des insuffisances sont très rapidement pointées du doigt. Qu’est-ce qui fait vraiment défaut dans ce secteur ?      

I.A. : Il faut prendre en compte la dimension régionale, autrement le diagnostic sera toujours faussé. Beaucoup de jeunes d’origine comorienne et malgache scolarisés à Mayotte n’ont pas la possibilité d’aller poursuivre des études en métropole ou ailleurs après l’obtention du baccalauréat. On pourrait les former dans différentes professions qui les rendraient utiles à Mayotte et les inciter à retourner dans leur pays, les aider à se fixer sur place sans que ça ne coûte un centime au département. La coopération française et l’UE pourraient prendre en charge leurs salaires par le biais de certains programmes d’aide au développement et des ONG (organisations non gouvernementales), comme la Croix-Rouge française, pourraient superviser leur installation sur place et le versement de ses salaires. Bien entendu ce ne seraient pas des salaires de même niveau qu’à Mayotte, mais ils leur permettraient de vivre décemment dans leurs pays respectifs. Il ne faut pas se leurrer, si nous ne faisons rien, ça ne marchera pas ! Il nous faudra pour cela dépasser le cadre politique, ne pas s’ignorer et vivre en bons voisins. Et si ça marche bien, associer les organisations intergouvernementales de la région comme la SDEC (communauté de développement d’Afrique australe), voire même certaines structures de l’Union africaine.

S’agissant de nos relations avec les Comores, je suggère une « une diplomatie des mosquées », c’est-à-dire apprendre à bien connaître l’autre pour échanger avec lui en posant les bonnes questions. C’est un moyen de se dire franchement et directement les choses en posant toutes les difficultés sur la table en vue de solutions communes. L’avantage est que nous connaîtrons les limites de chacun, les obstacles et les moyens de les franchir, sans qu’il y ait des intermédiaires entre nous et loin des caméras du monde. Cela nous permettra de savoir concrètement ce qu’il est possible de faire ensemble, ou ne pas faire, pour le bien de nos populations.

FI : L’insécurité croissante est une des priorités d’action que la population attend de ses parlementaires dans cette nouvelle législature. Quelles solutions proposez-vous en la matière ?

I.A. : C’est un sujet perçu à Mayotte comme une priorité, et ça en est une effectivement ! Il nous faut aussi être tranchant. Les jeunes délinquants sont connus par les forces de l’ordre et sont, pour certains, à la prison de Majicavo. Pour notre part, nous proposons une révision des accords bilatéraux en matière judiciaires afin qu’un jeune condamné par la justice dans notre département puisse être renvoyé dans son pays d’origine et y effectuer sa peine. Dans la mesure où un prisonnier coûte 150 euros par jour à l’État français, on peut imaginer que cette somme puisse être reversée au pays concerné pour assurer l’application de la peine et le suivi du condamné. Un représentant de l’ambassade de France s’assurerait régulièrement de la bonne marche de cette mesure. Pour les délinquants de nationalité française, nous proposons la création de centres éducatifs fermés au sein desquels les jeunes seraient accompagnés dans la construction de leurs vies en semi-liberté. Ils y apprendront les règles de vie en société, le respect des autres, des adultes en particulier.

FI : En matière d’immigration clandestine, les Mahorais s’interrogent sur l’inefficacité des dispositifs mis en place par l’État pour lutter contre ce phénomène. Que faut-il faire selon vous pour inverser la tendance actuelle ? 

I.A. : Le vrai problème actuellement est que les moyens mis en place par l’État ne correspondent plus aux réalités. Les passeurs ont su anticiper et élaborer une stratégie consistant à débarquer en masse de sorte que les intercepteurs ne puissent poursuivre tous les « kwassas » à la fois. Pour mieux comprendre le phénomène, il importe de savoir que nous sommes en présence d’intercepteurs de 12 mètres de long nécessitant 800 litres de carburant pour trois heures d’autonomie à plein régime. En face, ils ont affaire à des embarcations équipées de deux moteurs de 20 litres chacun qu’ils ne sauraient poursuivre à ce rythme-là sans mise en danger des passagers.

En conséquence, nous proposons que dans le cadre de la loi programme militaire 2019-2025, un patrouilleur de nouvelle génération soit affecté à la surveillance de nos frontières. Ce nouveau type de navire dispose d’une autonomie en mer de 30 jours, d’un radar mobile, de 30 membres d’équipage, un personnel supplémentaire de 28 personnes et même d’un centre de rétention administratif. Il pourrait effectuer des missions diverses comme la lutte contre l’immigration clandestine et le trafic des êtres humains, la surveillance de notre zone économique exclusive (ZEE), la pêche illégale. C’est également, et surtout, une marque de la souveraineté française à Mayotte, un moyen d’augmenter nos services de renseignements sur le territoire.

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