Mais un député, à quoi ça sert ?

À quelques jours du premier tour des élections législatives, ce dimanche 12 juin, nous nous sommes intéressés au rôle du député. Revenus, présence à l’Assemblée nationale, intérêt de faire partie d’un parti politique… Analyse de sept préjugés entourant la fonction.

« Un député, ce n’est jamais à l’Assemblée nationale »

C’est une réflexion souvent entendue lorsqu’on voit les images des bancs vides du palais Bourbon pendant certains votes ou débats. Cette situation s’explique par une fonction qui ne s’arrête pas à une simple présence à l’Assemblée nationale. Elle passe aussi par les salles de commissions où sont discutées les lois, voire sur le terrain, dans les circonscriptions. Un travail entre Paris et le territoire local avec lequel il faut forcément jongler.

En raison de l’éloignement, il est d’usage que les députés ultramarins soient d’ailleurs les moins assidus. Ainsi, le site nosdeputes.fr recense leur activité, notamment leur présence. Concernant les députés mahorais, Ramlati Ali (La République en marche) et Mansour Kamardine (Les Républicains), il note que la première était à l’Assemblée au cours de 114 semaines durant les 49 derniers mois. Le député du sud de Mayotte y était, quant à lui, 68 semaines sur la même période.

« Ils sont trop payés »

Évidemment, ce préjugé est subjectif et il est compliqué de dire s’il se confirme ou non. Mais le salaire d’un député, qu’on appelle traitement, est connu. Selon le site de l’Assemblée nationale, il est au 1er janvier 2019 de 7.239,91 € brut mensuel et se répartit comme ceci : une indemnité de base : 5.623,23 €, une indemnité de résidence de 168,70 € et une indemnité de fonction de 1.447,98 €. En net, l’ensemble correspond à 5.715,43 €. A côté du traitement, plusieurs frais peuvent faire l’objet d’une prise en charge. C’est le cas de ceux inerrants au fonctionnement de la permanence, au transport, à l’hébergement ou aux repas du député. Une enveloppe de 5.373 € pour cette « avance de frais de mandat » est allouée. Ses collaborateurs se partagent, eux, un crédit de 10.581 €.

« Un CSP+ a plus de chances d’être élu »

C’est un fait. Les catégories socioprofessionnelles supérieures sont les mieux représentées au palais Bourbon. Selon l’Assemblée nationale, il y a environ 70 % de cadres ou professions intellectuelles dans ses rangs. On trouve dans cette catégorie, des professeurs, des médecins, des avocats, des fonctionnaires (hors enseignement). À contrario, il n’y a aucun ouvrier.  Il existe quelques exceptions, il y a une quinzaine d’agriculteurs par exemple, comme Christian Jacob, le président du parti Les Républicains, ou Sandrine Le Feur (La République en marche), une maraîchère bio.

« Il faut forcément faire partie d’un groupe politique pour siéger »

Ce n’est pas une condition obligatoire. Mais c’est vrai qu’intégrer l’un des groupes politiques offre plusieurs avantages à un député. Les groupes se voient attribuer des sièges dans les différentes commissions et du temps de parole en fonction des questions. Neuf groupes politiques sont actuellement enregistrés, le plus grand étant celui de La République en marche avec ses 266 députés.

En cette fin de législature, il y a également 24 députés considérés comme non-inscrits. Dans les faits, seule la députée d’extrême droite Emmanuelle Ménard ne représente aucun parti. La femme du maire de Béziers, Robert Ménard, est toutefois soutenue par le Rassemblement national. Les autres font partie de formations qui ne sont pas assez étoffées (il faut au minimum quinze parlementaires) pour former un groupe. C’est le cas des récents candidats à l’élection présidentielle, Marine Le Pen (RN) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France).

« Il y a forcément du clientélisme »

C’est un préjugé tenace qui entoure forcément chaque fonction politique. La proximité d’un élu permettrait des passe-droits, parfois du financement. Souvent pointée du doigt, la réserve parlementaire permettait, il est vrai, à un élu d’octroyer des subventions aux associations ou aux collectivités de son choix. Mais celle-ci a été supprimée en 2018. Le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), prérogatives des préfectures, sont là pour la remplacer. Idem pour l’embauche des proches, l’affaire Fillon en 2017 a fait grand bruit et débouché sur une réforme des usages. Il est désormais interdit pour les parlementaires d’embaucher son conjoint, ses parents, ses enfants, ses beaux-parents ou ses beaux-enfants.

« Le député ne sert que ses intérêts »

De plus en plus de garde-fous sont créés pour éviter qu’un parlementaire ne profite de sa position pour défendre ses intérêts personnels. La loi du 15 septembre 2017 « pour la moralisation de la vie politique » est la dernière à en faire partie. « Afin d’éviter les conflits d’intérêts, la possibilité pour un parlementaire d’exercer une activité de conseil à titre individuel est restreinte. Il est déjà interdit à un parlementaire de commencer à exercer une activité de conseil au cours de son mandat, à moins qu’il ne soit membre d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé », rappelle ainsi le site vie-publique.fr.

Il est possible que les parlementaires doivent réglementer des domaines dans lesquels ils ont eux-mêmes des intérêts. Dans ce cas-là, ils ne peuvent pas prendre part au vote. « La loi fait obligation aux assemblées de tenir un registre des déports. Ces registres doivent recenser les cas dans lesquels un député ou un sénateur « a estimé devoir » ne pas participer aux travaux de son assemblée », poursuit vie-publique.fr. Le Sénat rend public ce registre. Ce n’est pas le cas de l’Assemblée nationale.

« De toute façon, le gouvernement a le dernier mot »

Il y deux types de lois en France, les projets de loi qui émanent des ministères et les propositions préparées par les parlementaires. Depuis le début de l’année 2022, 13 propositions ont été adoptées, contre une trentaine de projets du gouvernement. Cependant, ces derniers peuvent être de simples ordonnances modifiant des lois existantes. L’élargissement de certaines dispositions de la Sécurité sociale aux Mahorais, qui a été décidé en mars dernier, en est un parfait exemple.

Il est vrai que le rôle d’un parlementaire est avant tout législatif. La décision finale concernant les lois revient au gouvernement, et surtout, il peut se passer de l’avis des parlementaires avec le controversé 49.3 (N.D.L.R. utilisé une fois lors de cette législature pour la réforme des retraites). Depuis l’instauration du mandat de cinq ans pour le président de la République, le fonctionnement de l’Assemblée nationale est en outre régulièrement décrié pour sa tendance, du fait d’une majorité de députés de son camp, à suivre les décisions du gouvernement.

 

21 candidats pour deux circonscriptions*

Ce dimanche, plus de 90.000 électeurs inscrits auront à décider quels candidats mahorais seront qualifiés pour le second tour prévu le dimanche 19 juin (sauf si l’un d’eux obtient 50% des suffrages dès le premier tour). S’il s’agit souvent de duels, il est possible qu’une triangulaire ou une quadrangulaire soit tenue si un troisième voire un quatrième candidat rassemblent 12,5% des inscrits.

Circonscription nord : Estelle Youssouffa (divers droite), Ramlati Ali (députée sortante/Ensemble), Théophane « Guito » Narayanin (divers centre), Issahaka Abdillah (Les Républicains), Yasmina Aouny (Nupes/MDM)), Mohammed Moindjié (divers centre), Antoine Autran (divers droite), Elad Chakrina (divers droite), Ahamadi Boura (divers droite) et Ismaïla Djaza (divers centre).

Circonscription sud : Mansour Kamardine (député sortant/Les Républicains), Saïdali Hamissi (Rassemblement national), Madi-Boinamani Madi Mari (Ensemble), Soula Saïd-Souffou (divers centre), Toumbou Maurice (divers droite), Ali Djaroudi (Nupes), Issa Issa Abdou (MDM), Ahumad Salime (divers droite), Anli Madi Ngazi (divers centre), Mouhamed Abdou (divers gauche) et Mouhamadi Mchami (divers centre).

*Retrouver les interviews ou les portraits des candidats dans les Mayotte Hebdo des vendredis 3 et 10 juin.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1106

Le journal des jeunes

À la Une