« Raconter sa vie intime, et d’autant plus à Mayotte, il faut une sacrée dose de courage »

Un jeune homme de 30 ans a été condamné à deux ans de prison, dont six mois avec sursis, pour une agression sexuelle le 2 avril 2019, à M’tsapéré. Après avoir échangé avec une fille de 19 ans qu’il convoitait, il l’a conduit dans un endroit isolé pour la contraindre de coucher avec lui. Le tribunal correctionnel de Mamoudzou, ce mardi 6 décembre, a décidé d’un maintien à domicile sous bracelet électronique pour exécuter le reste de sa peine, l’homme ayant déjà passé un an en détention provisoire.

« Monsieur vit dans une fiction. Il s’invente une vie », plaide maître Élodie Gibello-Autran, qui défend la victime de 22 ans aujourd’hui. Le prévenu, de son côté, regarde droit devant lui, impassible. Le 2 avril 2019, au niveau de La Poste de M’tsapéré, le jeune homme âgé de 30 ans dorénavant croise une fille qu’il a déjà accostée plusieurs jours plus tôt à Doujani, où ils vivent tous les deux. Venant d’être déposée par son petit copain, elle ne se méfie pas et commence à discuter avec son interlocuteur. « Il m’a emmenée dans un endroit plus calme, sur un terrain pas éclairé. Il m’a demandé une relation sexuelle, j’ai refusé. J’ai alors commencé à pleurer, il m’a allongé, puis bloqué mes pieds. Je l’ai senti faire des va-et-vient. Une fois qu’il a terminé, il m’a proposé de l’argent, que j’ai refusé. Ensuite, il m’a raccompagné jusqu’à Doujani », a-t-elle raconté aux enquêteurs (vivant à la Réunion, elle était absente du procès). Sur les conseils de sa psychologue, la jeune femme déjà victime d’un viol deux ans plus tôt a porté plainte, trois jours après les faits. Outre le témoignage de la victime, le sperme retrouvé dans sa culotte est bien celui du prévenu et des conversations téléphoniques attestent de la peur du jeune homme qu’elle se mette à parler.

Placé en détention pendant un an, mais aujourd’hui libre sous contrôle judiciaire, lui assure que si relation sexuelle il y a eu, elle était consentie. « C’était ma chérie. On avait des projets », tente-il sans rien prouver toutefois. Il faut dire que ces déclarations de cet homme né en Grande Comore sont fluctuantes depuis le début. Il a notamment raconté un moment qu’il s’agissait d’un frère jumeau reparti aux Comores. Sur l’acte en lui-même, il dit de nouveau à la barre du tribunal que son sexe n’a pas touché la jeune fille, « qu’il a éjaculé dans son pantalon ». « Comment ça se fait que votre sperme se retrouve à l’intérieur de la culotte de la victime ? Il ne peut pas traverser les vêtements », demande le substitut du procureur de la République, Max Goldminc. « Si, le tissu est très fin », répond le prévenu.

« Je ne voulais pas être vu comme quelqu’un de faible »

Le substitut du procureur de la République se montre inquiet quant au profil du prévenu, lors de ses réquisitions. « C’est un homme dangereux. Il a fait un an de prison, est en contrôle judiciaire, mais ne reconnaît pas les faits ni ne présente ses excuses à la victimes (N.D.L.R ce qu’il a fait au moment de s’adresser une dernière fois aux juges) », fait-il remarquer. Frustré sexuellement à l’époque, il le reconnaît lui-même, il dit « qu’il ne sait pas pourquoi elle a déposé plainte ». Il se montre parfois en décalage complet avec les faits évoqués. Quand la présidente du tribunal correctionnel, Chantal Combeau, lui demande pourquoi il ne voulait pas qu’elle raconte l’histoire à sa famille, il répond : « Je ne voulais pas être vu comme quelqu’un de faible, que je n’ai pas pu coucher avec elle ».

Contrairement à ce que dit Max Goldminc, qui a requis cinq ans de prison dont un avec sursis, l’avocate de l’habitant de Doujani, maître Aurore Baudry, nie « la contrainte » et dénonce une enquête bâclée selon elle. « On n’a pas la bonne date de naissance, pas la bonne pour les faits de rébellion (N.D.L.R. objet d’une plainte des policiers qui l’ont interpellé, il a été relaxé pour ces faits). Il n’y a pas eu d’enquête pour savoir s’ils avaient déjà en relation. C’est un dossier monté de toutes pièces », plaide l’avocate. Maître Gibello-Autran défend de son côté la détermination de sa cliente, « qui veut être reconnue comme victime et tourner la page ». « Quand on est une femme, raconter sa vie intime devant des policiers, et d’autant plus à Mayotte, il faut une sacrée dose de courage », fait-elle valoir.

Le tribunal correctionnel a décidé de déclarer coupable de faits d’agression sexuelle le jeune homme de Doujani. Il devra purger six mois de prison supplémentaires (il a déjà fait un an de détention) sous bracelet électronique, assortis de six mois. En plus d’une obligation de soins, il devra indemniser la victime à hauteur de 3.000 euros.

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