L'ACTUALITÉ DE MAYOTTE 100 % NUMÉRIQUE

Les infos de Mayotte depuis plus de 20 ans !

La nuit où tout a basculé pour le lieutenant-colonel Pech

À lire également

Justice à Mayotte : “On va tout faire pour que l’histoire de Stam soit la dernière de ce genre”

On l’appelait Stam. Et l’actualité que connaissent les États-Unis comme la métropole quant aux violences policières faites aux noirs ne peut que faire écho à son histoire. Celle d’un jeune père de famille de Mayotte, tué par balle de la main d’un policier le 23 février à Kawéni. 

Relation sexuelle à 14 ans : une mineure de plus victime des failles de la justice mahoraise

Une simple affaire d’atteinte sexuelle sur une mineure de moins de quinze ans a fini par prendre de l’ampleur au tribunal correctionnel mercredi dernier. Rappelant que le débat sur le consentement, en particulier des mineurs, est toujours cruellement d’actualité, deux ans après l'adoption de la loi sur les violences sexistes et sexuelles. 

Protection animale à Mayotte : « Quand on s’en prend comme ça à des chiens, c’est qu’on n’a plus de limites »

La thématique de la délinquance a mis en lumière, ces dernières semaines, le rapport de jeunes bandes avec les chiens. Torturé par sadisme, utilisé comme arme et objet de rivalités, le « meilleur ami de l’homme » a la vie dure sur le territoire où associations et forces de l’ordre tente tant bien que mal d’endiguer le phénomène.

Rapt de Petite-Terre : après l’appel devant la chambre de l’instruction, case prison et « tournure politique »

Rendue ce jeudi en appel devant la chambre d’instruction de La Réunion, la décision de placer les quatre hommes mis en cause dans l’affaire du rapt de Petite-Terre n’est pas sans soulever de questions selon leur avocat. Me Nadjim Ahamada dénonce notamment une violation des droits de la défense et une motivation politique à l’endroit des divers collectifs contre l’insécurité qui affichent un soutien farouche à ses clients.

Accusés d’avoir grièvement blessé le lieutenant-colonel Pech, commandant en second de la gendarmerie de Mayotte, lors d’un caillassage en 2017, six accusés sur les huit impliqués dans l’affaire, étaient présentés ce mercredi devant la cour d’assises des mineurs. Leur procès, à huis clos, court du 28 avril au 3 mai. Venu depuis la métropole accompagné de sa famille, le gendarme doit revivre cette nuit de terreur qui a à jamais bouleversé sa vie.

Le sourire du lieutenant-colonel Olivier Pech est resté intact, mais il lui a fallu plusieurs mois de rééducation pour réussir à l’afficher. Il a frôlé la mort et aujourd’hui plus que jamais il veut vivre. Vivre pour sa famille, pour sa profession, mais surtout pour voir ses agresseurs payer pour avoir brisé sa vie. Ce mercredi, devant la salle d’audience du tribunal judiciaire de Mamoudzou, le gendarme est serein. Il est entouré de sa femme et de ses deux enfants qui ont tous fait le déplacement depuis l’Hexagone pour soutenir leur mari et père. L’enjeu est de taille puisque l’agression du commandant a bouleversé toute la famille.

Dans la nuit du 13 au 14 mai 2017, il est chez lui en train de préparer des burgers lorsqu’il reçoit un coup de téléphone. « Mon fils avait invité des copains pour fêter son pot de départ parce que nous allions quitter Mayotte deux mois plus tard. Je suis derrière la plancha en train de cuire des steaks puis on m’appelle pour me dire qu’il y a des caillassages en Petite-Terre, que les véhicules de la gendarmerie ont été dégradés et qu’on monte un dispositif de contrôle de zone », se souvient le lieutenant-colonel Pech. Une opération qui ne sort pas de ses habitudes : durant ses trois ans à Mayotte, le gendarme en a effectué une centaine.

Destin ou malchance, le père de famille de 46 ans n’est pas censé se rendre sur les lieux. Mais il insiste pour remplacer un collègue qui avait déjà eu une longue nuit. Il décide alors de former des troupes et de patrouiller dans les coins où se rassemblent les jeunes. À leur arrivée sur les différentes zones, surprise : c’est étonnamment calme… Mais alors qu’ils débarquent sur la dernière, les forces de l’ordre sont prises au piège dans un guet-apens. « De mon point de vue, il y a vraiment eu un plan échafaudé pour nous mener jusqu’au lieu de l’embuscade », déroule le lieutenant-colonel. Alors que le véhicule dans lequel il se trouve est en circulation, un groupe d’individus lance un pavé de 700 grammes qui atteint sa cible au visage. « À ce moment-là, je ressens un flash et une immense douleur. Je crois au début que j’ai un problème neurologique, puis je sens du sang couler sur mon visage. Je m’écroule sur le conducteur du véhicule et je ne me souviens plus de rien », raconte-t-il.

Le commandant vient de perdre connaissance. Le conducteur de la voiture fonce vers le dispensaire de Dzaoudzi, avant d’être transféré au centre hospitalier de Mayotte puis évacué à La Réunion. Inconscient durant tout ce temps, il sait qu’il doit lutter pour sa survie. « Je me disais que je ne devais pas m’endormir. J’ai lutté intérieurement pour maintenir une activité cérébrale en fredonnant en permanence une chanson de Katy Perry que j’avais écouté une semaine avant. J’ai également réfléchi au mail que j’allais envoyer à tous les gendarmes de Mayotte pour leur dire que je ne pourrai pas faire de pot de départ », sourit-il aujourd’hui. Des petites astuces qui portent leurs fruits puisqu’il ne sombre pas dans un profond sommeil. Surtout, il reste en vie. Réveillé quelques jours plus tard à La Réunion, commence alors la lente descente aux enfers.

 

Une vie volée en l’espace de quelques secondes

 

Gravement blessé au visage, le gendarme a un hématome cérébral qui engage son pronostic vital ainsi que plusieurs fracas osseux. Il passe trois mois à l’hôpital, subit des opérations chirurgicales, enchaîne les séances de rééducation, toujours dans une profonde douleur physique. « Quand je me brossais les dents, j’en pleurais de souffrance. Je ne pouvais pas le faire avec [celles] pour adulte, j’avais alors acheté celles des bébés », mentionne-t-il entre autres astuces de convalescent. Déterminé à s’en sortir, le lieutenant-colonel Pech redouble de volonté. De son propre chef, il effectue des exercices à la maison afin de pouvoir ouvrir la mâchoire, en complément de ses séances chez la kinésithérapeute. Et pour réussir à passer cette épreuve, il se fixe un objectif bien précis. « Mon but était de pouvoir à nouveau croquer dans un Bigmac », lance-t-il, d’un air bonhomme.

Mais derrière ses traits d’esprit, les séquelles sont réelles : il s’en sort tout de même avec 74 agrafes sur le crâne, et perd la moitié de son acuité visuelle de l’œil droit. Durant les premiers mois après l’agression, il voit double. Aujourd’hui, le phénomène s’est estompé, il voit toujours double mais seulement sur le côté latéral droit. Même s’il ressent encore des douleurs, le commandant est toujours apte à travailler. Il a d’ailleurs repris ses fonctions dans l’Hexagone et sera promu lieutenant dans quelques mois. Il a réussi à se remettre de ses blessures physiques, mais la douleur psychologique est encore trop vive. « Je vis avec, parfois je survis », admet-il, amèrement. Au-delà des traumatismes subis, il pense surtout à son entourage. « J’en veux à mes agresseurs parce qu’ils ont volé quatre ans de ma vie. Quatre ans de ma vie de papa. » Touchée par cet incident, toute sa famille est alors au bord d’exploser selon lui. « Mes enfants entraient dans l’adolescence et on se dit qu’on peut faire plein de choses avec ses enfants quand ils sont ados. Mes agresseurs m’ont enlevé ces années », souffle-t-il. Sa femme et ses deux enfants se constituent d’ailleurs partie civile et espèrent être dédommagés.

Malgré tout cela, le lieutenant-colonel Pech refuse d’être considéré comme une victime. « Victime, c’est juste pour le statut juridique. Mais moi, je préfère dire ‘‘blessé en intervention’’. Je me suis blessé en faisant mon métier qui est de protéger les personnes et les biens. Ce qui m’est arrivé est une richesse, le parcours de ma carrière. J’ai donné mon sang pour ce pays… Je me dis modestement que mon sang a un peu participé à rougir le rouge du drapeau tricolore. » Il réussit à donner un sens à cette mésaventure et son amour pour Mayotte n’a pas changé. Dès son retour dimanche dernier, il a pris la voiture pour aller faire un tour. Les émotions étaient intenses, mais le retour sur l’île était nécessaire pour lui. « Je suis mort à Mayotte ce jour-là. Mais depuis que j’ai posé mes pieds sur le sol mahorais dimanche, je renais », conclut-il. Le cœur un peu plus apaisé.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1082

Le journal des jeunes

À la Une

Crash Yemenia Airways : La peine maximale à nouveau requise en appel contre la compagnie

En première instance, le tribunal correctionnel de Paris avait reconnu coupable Yemenia Airways pour blessures et homicide involontaires. La même sentence est encore réclamée...

Jean-Hugues Ratenon et Estelle Youssouffa déterrent la hache de guerre

Par interventions à l’Assemblée nationale et communiqués interposés, Jean-Hugues Ratenon, député La France insoumise de la cinquième circonscription de La Réunion, et Estelle Youssouffa,...

Wuambushu 2 : Les élus mis dans la confidence des premiers détails

Avant le commencement de l’opération Wuambushu 2, dans trois semaines, les maires et élus départementaux de Mayotte ont eu droit de connaître les contours...

Une matinée à veiller sur la flore de l’îlot Mbouzi

Chaque année, en saison des pluies, l’équipe de la réserve naturelle nationale de l’îlot Mbouzi mène une opération de suivi des espèces patrimoniales. Il...

L’envie d’apprendre à Kaja Kaona au lieu « de se faire gazer »

L’insertion professionnelle est le mot d’ordre de l’association Kaja Kaona, implantée à Tsoundzou 1. Environ 350 jeunes de différents quartiers convergent ainsi vers l’emploi....