Le préfet de Mayotte défend le plan malgré les premiers couacs

Agression d’automobilistes, menaces envers la population, commerces ou maisons incendiés et navire bloqué, ce week-end et ce lundi n’ont pas semblé une franche réussite pour l’opération Wuambushu. Une habitante de Tsoundzou est venue le faire savoir au préfet de Mayotte, pendant une conférence de presse.

L’arrivée d’une habitante furieuse a interrompu un temps la conférence de presse du préfet de Mayotte, ce lundi 24 avril, en milieu d’après-midi. Les services préfectoraux ont choisi le carrefour du stade de Tsoundzou 1, sur la commune de Mamoudzou, pour montrer que l’État est présent sur le terrain. Mal lui en a pris, malgré la présence des forces de l’ordre, l’intervenante a réussi à passer et a exprimé sa colère contre les autorités. « Laissez-moi prendre la parole ! On a détruit ma maison ! Qui va payer ? », s’emporte-elle. « Vous êtes incapables de sauver nos maisons ! Vous êtes incapables de nous protéger ! » « Elle a bien raison, sa maison a été attaquée par des délinquants », tente de défendre le préfet, qui avait choisi ce lieu parce depuis plusieurs semaines, « ce secteur est caractérisé par les violences urbaines, les agressions sur la voie publique. C’est ici que l’on a eu des scootéristes agressés à la machette, des cocktails molotov sur les véhicules de police, et du côté de La Guinguette, des bus caillassés avec des gamins blessés ».

Le choix semblait judicieux pour montrer que l’État « donne de la sécurité aux Mahorais ». Pourtant, ce point a montré les premières limites de l’opération Wuambushu imaginée par le gouvernement pour lutter contre l’immigration illégale et multiplier les décasages sur l’île. Tout le week-end, des bandes composés de jeunes en tenues blanches (tels des fantômes) ont attaqué à plusieurs reprises les automobilistes. Dimanche, douze policiers ont été légèrement blessés, des commerces ont été vandalisées et des habitants menacés. Ce lundi matin, rebelote, les mêmes agresseurs ont de nouveau harcelé les automobilistes qui se dirigeaient vers Mamoudzou. Repoussés une première fois, ils ont pu redescendre ensuite des hauteurs sur lesquels ils se réfugient d’habitude et incendier un camion de la société MAP (Maore assainissement propreté). « On les défend en étant présent sur le terrain, en ayant les renforts de police et de gendarmerie au niveau exceptionnel et en refusant de reculer quand il se passe des choses comme ça », réplique le préfet, qui aura passé tout juste dix minutes avec les journalistes locaux, mais aussi nationaux.

« On viendra aussi souvent que nécessaire »

Le représentant de l’État a estimé qu’« aujourd’hui, on est sur ce qu’on voulait faire, c’est-à-dire être présent avec des renforts en nombre important ». Une présence justifiée pour pouvoir intervenir « là où il y en a besoin ». Concernant Tsoundzou1, il a tenu à indiquer que les forces de l’ordre « viendront aussi souvent que nécessaire ». Est-ce que la récurrence des agressions ne montre pas justement une méthode pas assez efficace ? « Quand les CRS et les escadrons de gendarmes mobiles se font caillasser et qu’il y a des barrages sur la route, ils interviennent. Ça s’appelle le rétablissement de l’ordre public », répond Camille Chaize, la porte-parole du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Cependant, si la route nationale est régulièrement libérée à coups de bombes lacrymogènes, les exactions commises dans les rues adjacentes sont légion. La porte-parole concède « que cette action doit être dans la durée et en profondeur, c’est vrai », promettant « une intensification progressive ».

D’ailleurs, le délégué du gouvernement a également averti que les opérations allaient « continuer à monter en puissance » au cours de cette semaine et des semaines à venir. Et il a souhaité se montrer volontaire : « ce qui est sûr, c’est que les opérations que nous menons aujourd’hui, de lutte contre la délinquance et de lutte contre l’habitat insalubre, avec leurs conséquences sur l’immigration clandestine, on ne les arrêtera pas ».

Des événements annulés et des bus qui ne passent pas plus

En marge de l’opération, des événements culturels ou la vie économique sont peu à peu annulés par crainte de violences liées à l’opération Wuambushu. Les Assises de l’industrie par exemple, organisées par la CCI et initialement dans un mois, ont été reportées début octobre. A la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou, « compte tenu de la situation actuelle, et afin de garantir la sécurité des passagers et des agents, la Cadéma informe ses usagers que le service des navettes ne sera pas assuré cette semaine à compter du mardi 25 avril ». L’alternative à la voiture développée pour réduire les temps de trajet vers Mamoudzou passe en effet par les villages de Tsoundzou 1 et 2, où des affrontements ont eu lieu ces derniers jours.

Interdiction de remplir des jerricans de carburants

Depuis ce lundi, à 17 h, et pour une période renouvelable de huit jours, la vente et l’achat de carburants sous forme conditionnée dans des récipients transportables manuellement (jerricans, bidons) sont interdits aux stations Total de Tsoundzou, de Kawéni et de Chirongui, annonce la préfecture de Mayotte. Celle-ci veut empêcher de nouveaux incendies volontaires comme ceux perpétrés ces jours-ci. « Cette mesure ne s’applique pas aux usagers professionnels, sous réserve de justificatifs. Tout contrevenant à cet arrêté préfectoral s’expose aux contraventions applicables en la matière », prévient toutefois la préfecture.

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