Crise de l’eau : Un œil d’autant plus attentif sur la qualité

La pénurie d’eau que vit actuellement Mayotte amène aussi à se poser la question de sa potabilité. A quoi est souscrit l’Agence régionale de Santé alors que des cas de non-conformité ont été ou sont en cours sur l’île (le dernier dans le sud de l’île) ? Olivier Brahic, le directeur de l’ARS Mayotte, et Anil Akbaraly, le chef du service santé-environnement de l’ARS Mayotte, ont répondu aux questions de Mayotte Hebdo. Le dossier sur les obligations liées à la crise de l’eau est à retrouver dans le numéro 1062, disponible en ligne et gratuitement.

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Anil Akbaraly, le chef du service santé-environnement de l’ARS Mayotte, et Olivier Brahic, le directeur général de l’ARS Mayotte, lors du contrôle à Kangani.

Mayotte Hebdo : Comment vous assurez-vous de la qualité de l’eau en cette période de crise ?

Olivier Brahic : Tout d’abord, la question des contrôles de la qualité de l’eau ne se pose pas uniquement pendant une crise comme celle-ci. Ils se font à deux niveaux, d’abord chez le producteur (la Société mahoraise des eaux, SMAE), et également du côté de l’Agence régionale de Santé. Tout est très encadré du point de vue de la réglementation. On regarde deux éléments en particulier, la bactériologie et la physico-chimie. Trois laboratoires font des analyses, celui du Département de Mayotte qui regarde la bactériologie, un autre à La Réunion pour la physico-chimie. Le troisième, dans la Drôme, fait des analyses plus complètes.

M.H. : C’est donc pour aller dans ce dernier qu’on vous a aperçu à l’aéroport avec des glacières.

O.B. : Oui, d’ailleurs, je voudrais contredire une fakenews. Il ne s’agissait pas d’une eau non-conforme, mais celle produite par la Sécurité civile (N.D.L.R. dans l’unité installée à Chiconi). J’avais prévenu dès le départ que l’ARS ne donnera pas de blanc-seing, tant que les analyses complètes n’étaient pas faites. Tous les paramètres montrent qu’elle est de bonne qualité. Si jai emmené moi-même les prélèvements, c’est aussi parce que j’allais justement à Paris, c’était du pratico-pratique.

M.H. : Est-ce que des contrôles sont faits dans les maisons ?

Anil Akbaraly : Il y en a plusieurs. Il y en a dans un certain nombre de bassins d’alimentation, dans les réservoirs de tête, mais également dans le réseau de distribution. Ça peut être chez les abonnés, les établissements publics ou privés.

M.H. : A quel type de risques nous sommes confrontés ? A Mayotte, on parle souvent d’entérocoques, de bactéries coliformes, Escherichia coli, voire de manganèse.

O.B. : Sur le plan physico-chimique, il n’y pas de problèmes. Aujourd’hui, par exemple, le manganèse reste en-dessous des seuils fixés. Les non-conformités relevées l’ont été pour des bactéries.

A.A. : Il y a eu six cas de non-conformité avérés. Depuis septembre, on a doublé le nombre de prélèvements et sur les 203 effectués, 3% n’étaient pas conformes. A titre de comparaison, nous sommes plutôt parmi les bons élèves des départements français, notamment parce qu’on n’a pas de problèmes de nitrates ou de pesticides.

M.H. : Quelles démarches faites-vous en cas de non-conformité de l’eau ?

O.B. : On alerte tout de suite la préfecture de Mayotte en délimitant le périmètre concerné. On prend des mesures de gestion, notamment demander à la population de faire bouillir l’eau. La SMAE purge le réseau et nous refaisons ensuite des contrôles.

M.H. : Quelles sont aussi vos responsabilités aussi en termes de communication ? On a, par exemple, reçu des alertes de non-conformité, puis de fin de non-conformité. Mais on ne sait ni pourquoi l’eau n’était pas conforme ni dans quelle mesure elle ne l’était pas.

O.B. : On ne cache rien. Les résultats sont envoyés aux maires pour être affichés. Pourquoi on n’indique pas plus d’éléments dans nos communiqués (voir encadré) ? C’est une remontée intéressante. En tout cas, ce n’est pas pour cacher quelque chose.

M.H. : A qui d’ailleurs vous devez remonter l’information ? Au collège de Chiconi, lors de la non-conformité relevée début septembre, les cours avaient commencé normalement dans la journée alors que de l’alerte avait été donnée la veille.

O.B. : C’est vrai, il y a eu des petits couacs au début, il faut être transparents. Mais dès qu’il y a une alerte, on prévient le rectorat directement et nous envoyons un message au(x) maire(s) concerné(s).

M.H. : La SMAE a l’autorisation de mettre trois fois plus de chlore qu’en métropole. Est-ce

O.B. : Pour être clair, la limite est de 0,1 gramme de chlore par litre. Dans les départements qui connaissent un climat tropical, elle est souvent à 0,2 g. On a fait le choix, en lien avec la direction générale de la santé, de demander à passer à 0,3 g. Cette quantité permet de faire disparaître les matières organiques.

M.H. : Nous avons eu quelques cas de non-conformité, dont le dernier dans le sud de l’île. Est-ce que vous vous attendez à une multiplication à mesure de la crise ?

O.B. : Honnêtement, c’est assez difficile à dire. Cette crise est inédite. Évidemment, c’est un scénario qu’on doit avoir en tête.

« Pas de maladies hydriques à l’heure actuelle »

Outre la potabilité, les conséquences sur le système de santé sont aussi étroitement surveillées. Olivier Brahic indique « qu’il n’y a pas de maladies hydriques à l’heure actuelle ». Il n’y a pas non plus « d’alerte pour des déshydratations faute d’eau ». Le directeur de l’ARS mahoraise confirme cependant que la gastro-entérite reste très présente à Mayotte en raison de « la concomitance avec la pénurie d’eau ». En effet, un lavage moins fréquent des mains entraîne donc une plus grande portabilité du virus. L’épidémie touche durement les enfants, dont certains ont eu des troubles gastriques relevés très tardivement, nécessitant des placements en pédiatrie, voire en réanimation.

Il assure qu« aucun cas de choléra » n’a été relevé sur l’île, tandis que, présente l’an dernier, la fièvre typhoïde se limite à quatre cas depuis le mois d’août.

Fin de la non-conformité dans le sud de l’île

Le mercredi 11 octobre, l’ARS Mayotte a annoncé qu’une non-conformité avait été détectée sur réseau dans le village de Choungui, au sud de Mayotte. Les villages Bouéni, Chirongui, Mtsamoudou, Bambo-Ouest, BamboEst, Mbouanatsa, Mzouazia, Moinatrindri, Hagnoundrou village, Majiméouni village, Tsimkoura, Kani Bé, KaniKéli, Ngouja et Choungui étaient ainsi concernés. Depuis, les habitants étaient donc invités à bouillir leur eau pour éviter le développement des bactéries, même à la fin des douze heures requises après la remise en eau. Des nouveaux contrôles n’avaient pas permis de lever la vigilance, au contraire. La non-conformité était « à des niveaux élevés ».

D’autres ont eu lieu, ce mardi, et les résultats ont pu être donnés quarante-huit heures plus tard. « Ceux-ci se sont tous avérés conformes », déclare désormais l’ARS Mayotte, ce jeudi soir, avant d’ajouter qu’il faut de même bouillir l’eau douze heures après la remise en eau.

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