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Crise de l’eau : « On a retardé la distribution pour que vous puissiez voir la réalité »

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La distribution générale des bouteilles d’eau perdure à Mayotte en raison des coupures, qui passeront bientôt à un jour sur deux à partir de lundi. En marge du déplacement de Yaël Braun-Pivet, venue assister à une distribution de packs d’eau à Tsingoni, on a fait le point sur un dispositif qui est prolongé jusqu’en mars.

Au point de distribution du village de M’roalé, sur la commune de Tsingoni, ce jeudi 11 janvier, les habitants patientent gentiment sous le chapiteau pour recevoir leurs packs d’eau. Il est 11 heures, les militaires déchargent les conteneurs. « On a retardé exceptionnellement la distribution pour que vous puissiez voir la réalité », avoue Badirou Abdou, responsable du service animation jeunesse de la ville, transformé en épaule du directeur général adjoint de Tsingoni, pour les opérations de distribution, en s’adressant à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. En visite à Mayotte du 10 au 12 janvier, elle était plus tôt dans la journée au port de Longoni.

« Combien d’agents mobilisez-vous en tout ? », s’enquiert la présidente. « Une quinzaine », répond le responsable, aux côtés du député de la circonscription, Mansour Kamardine, du préfet délégué à l’eau, Christophe Lotigié, et de la file d’habitants qui présentent tour à tour une carte personnelle délivrée par la commune, ce lundi*, avant d’obtenir leurs bouteilles d’eau. Parmi eux, une jeune fille venue de Combani. Comme chaque habitant, elle a le droit à un pack d’eau par semaine. Mais c’est elle qui est chargée d’approvisionner sa famille. « Comment tu fais alors ? », s’intéresse la présidente. « Je me lève à 7 heures pour venir à 8 heures et je prends le taxi », lui répond celle qui réserve à cet effet une matinée par semaine. « Donc ça te coûte de l’argent pour venir », traduit Yaël Braun Pivet. « Et qu’est-ce que vous faites des packs non distribués ? », demande-t-elle à Badirou Abdou. « Tout le monde vient », lui assure-t-il.

« On devrait sortir ce dispositif courant mars »

« On a compris que les problèmes d’eau à Mayotte sont multifactoriels », s’adresse ensuite à la presse la présidente, citant par exemple la vétusté du réseau. « Ce manque d’eau est choquant, mais c’est une réalité à laquelle il faut faire face », déclare-t-elle, saluant à de multiples reprises l’engagement de tous les acteurs qui participent à ces distributions. « On voit que ça se passe bien, l’organisation est efficiente. »

Depuis le début des opérations, 17 millions de bouteilles d’eau ont été distribuées avec un rythme de croisière de 400.000 par jour, six jours sur sept. « On a des difficultés d’acheminement, mais pas de difficulté de disponibilité de ressources », nuance Christophe Lotigié. Il nous confie : « On peut estimer, en fonction des éléments qu’on a [N.D.L.R. tours d’eau, pluviométrie grâce à un point fait deux fois par jour avec Météo France, niveau des rivières et réserves collinaires, forages], qu’on devrait sortir en sifflet de ce dispositif courant mars, mi ou fin mars. C’est-à-dire limiter puis arrêter la distribution au grand public car l’eau sera revenue aux robinets. »

Le remplaçant de Gilles Cantal indique cependant « boucler la boucle » en conservant la distribution « au public vulnérable et en grande difficulté, comme au début ». Tout en préservant un stock stratégique de bouteilles d’eau qui devrait, « même en fin de crise », « rester en demeure sur le territoire ». Pour rappel, dès lundi 15 janvier, l’eau coulera un jour sur deux, pendant 24 heures.

Quid des retenues collinaires et du réseau ?

« Le niveau des deux retenues collinaires a progressé. On doit être pas loin de 30 % pour Dzoumogné et 14% à Combani », renseigne le préfet en charge de la mission eau, Christophe Lotigié. Des ressources auxquelles « on fait attention de ne pas toucher car on en aura besoin lors de la prochaine saison sèche ».

Aujourd’hui, la production d’eau quotidienne s’élève à 29.000 mètres cubes. Lorsque les tours passeront à 24 heures, dès ce lundi 15 janvier, « on sera à peu près à 34.000 mètres cube ». « Et si on produit à plein, on pourrait atteindre 40.000 mètres cube », détaille-t-il.

Sur les 800 kilomètres de réseau, le sous-préfet indique qu’il est « fuyard » à 30 %. La moitié à peu près aurait été investiguée. « Des équipes s’occupent de la détection et d’autres de réparer au fur et à mesure. » Mais il admet qu’il « faudra des années pour qu’il soit remis à neuf ».

Le dessalement à Ironi Bé, « un compromis »

Le Canard Enchaîné a publié cette semaine un article critique sur le projet d’usine de dessalement à Ironi Bé, qui serait la deuxième de l’île, dont la livraison est prévue en 2025. Un biologiste anonyme y évoque « un processus irréversible de destruction de la vie dans le lagon, corail compris ». Christophe Lotigié n’a pas souhaité réagir, sa prise de fonction remontant seulement au 19 décembre. Jérôme Josserand, à la tête de la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (Dealm), a lui suivi de près le projet porté par le syndicat Les Eaux de Mayotte. « On a fait une analyse multicritère sur trois ans et on a réduit le nombre de sites qui étaient jouables. Le site Ironi Bé est un compromis avec les impacts environnementaux. De toute façon, il y en a forcément », riposte-t-il. La zone du port de Longoni était de fait écartée, une installation Seveso classée seuil haut s’y trouvant.

« Là où l’usine s’installe, on pourra alimenter le nord et le sud. » Dans un premier temps, l’usine plafonnera à 10.000 mètres cubes produits (sur les 45.000 mètres cubes de consommation estimés à horizon 2025) afin de limiter les rejets en eau salée chargée à 50% de sel en plus et permettre une dilution « correcte » dans le lagon, « dans une zone où il y a pas mal de sédiments, de la boue, et donc pas d’effets sur les coraux », études de courantologie également à l’appui. « C’est pour ça que l’on adapte la taille de l’usine », explique-t-il. Des bassins de décantation seront installés pour éviter l’erreur commise en Petite-Terre où de l’eau turpide avait encrasser les filtres.

À terme, l’usine pourrait produire jusqu’à 30.000 mètres cubes. « Là, il faudra des installations de rejet beaucoup plus loin, peut-être au-delà de la barrière de corail », éclaire-t-il. L’usine sera alimentée grâce à l’électricité produite sur l’île, provenant de des centrales des Badamiers et Longoni, fonctionnant à l’heure actuelle à 85% avec du fioul, mais qui, à partir de 2027, devraient passer au bioliquide de colza.

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