Reprise du projet de piste longue

Ce vendredi 11 décembre à 11h45 se tient le second comité de pilotage sur la piste à l’hémicycle Younoussa Bamana, en présence du préfet Jean-François Colombet et du président de la collectivité Soibahadine Ibrahim Ramadani. Membre du réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte, le professeur Bernard Thomassin nous apporte ses lumières sur la réalisation de ce futur ouvrage structurant.

Aujourd’hui, les études reprennent pour savoir comment construire cette piste d’aérodrome, tout en tenant compte de la subsidence vers l’Est de la plateforme insulaire de Mayotte suite à la crise volcanique sous-marine et où trouver les matériaux nécessaires. Mais, dans le contexte démographique et d’urbanisation de Mayotte, il est difficile  à ma connaissance d’ouvrir de nouvelles carrières. Les matériaux qui en seraient extraits devraient être transportés au Sud de Petite-Terre, avec un charroi de camions et de barges, ce qui compliquerait encore le problème, outre les coûts.

Envisager de prélever des granulats dans le lagon paraît risqué pour plusieurs raisons. Nous ne connaissons  encore que partiellement la sédimentation du lagon de Mayotte, et là où il y a des sables coralliens ou à dominante d’autres bioclastes comme des foraminifères benthiques, nous avons peu d’éléments sur les épaisseurs, même si nous avons quelques coupes sismiques. Je crois que les résultats récents (dragages, sismique, etc.) de mes équipes ou de moi-même sont les seuls pouvant répondre à ce problème. De plus, une telle extraction, par suçage vraisemblablement, pourrait induire des déséquilibres hydrologiques et provoquer des efflorescences toxiques. De plus, les sables marins ne sont pas appropriés pour la réalisation de bétons, ils nécessitent peu ou prou un lavage et donc des volumes d’eau douce considérables, qui fait déjà tant défaut à Mayotte…

Il ressort que, pour cet ouvrage d’art, qui devrait aussi s’inscrire dans la promotion de Mayotte à l’échelle régionale, voire internationale, il conviendrait de s’inspirer de grands travaux réalisés ailleurs. Par exemple, la piste sur pylônes du nouvelle aéroport de Madère ou encore la nouvelle route du littoral à La Réunion.

Construire sur la bordure lagonaire le morceau de piste manquant à celui existant déjà sur la terre ferme à Pamandzi sur pylônes pourrait être une solution à privilégier. Pourquoi ? Cela ne demanderait qu’un apport de ciment par le port de Longoni et transport sur une aire de réalisation de béton proche du chantier de l’aérodrome par barges, puis wagonnets sur rails  ou câbles . Et ainsi supprimer le charroi de camions.

Sables et autres matériaux

Il paraît difficile de draguer les sables lagonaires, il est peut être possible de raser quelques  collines sur Petite-Terre, dont celle gênant aujourd’hui encore les atterrissages par le Nord. Si des sables devaient être importés de Madagascar, ils devraient être pris dans les systèmes de grandes dunes littorales quaternaires, dans la région de Tuléar ou mieux encore dans la région de Fort-Dauphin, où des sociétés internationales sont en train d’extraire les minéraux lourds (ilménite, zircon, etc) de ces sables dunaires. Par ailleurs, le port de Fort-Dauphin se prête à cette exportation, mais il est plus éloigné que certains ports du Nord du Mozambique.

Construire sur pylônes permettrait aussi d’une part, d’être plus résistants en cas de séismes – nous nous attendons toujours à en avoir un égal ou supérieur à 6 – si les calculs de résistance prennent en compte cette contrainte, en étant plus « déformable ». D’autre part, nous altérerions moins l’hydrodynamique côtière le long du littoral ouest de Pamandzi, tout en offrant un rôle de brise-lames aux vagues de vents de Sud ou Sud-Est et donc en protégeant de l’érosion cette portion de côte (cf. les études réalisées pour le choix de sites de ports sur la face Ouest de Petite-Terre, celle de l’aménagement du boulevard « sur la mer » de Bandrabassi).

Travaillant en équipes pluridisciplinaires depuis près de 45 ans, je me permets donc de vous livrer ces quelques réflexions en tant qu’ « amoureux » de Mayotte et scientifique qui se veut en soutien du développement économique de cette île, entre autres régions, tout en préservant sa biodiversité terrestre, nombreuses et endémiques, et marine, dont la flore n’est pas encore bien connue.

Bien à vous et au plaisir de recevoir vos critiques et propositions.

 

Bernard A. THOMASSIN (Dr.& Ass. Prof.)

Dir. hon. CNRS / ex- Centre d’Océanologie de Marseille, Aix-Marseille Univ.

Membre Conseil scient. Patrimoine naturel Mayotte (CSPN M)

Membre Conseil scient. Musée de Mayotte (MUMA)

Membre du REVOSIMA Mayotte

 

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