Corsair à Mayotte : « L’idée est d’apporter de la transparence et de la clarté au marché »

Après une idylle de 11 ans, entre 2007 et 2018, Corsair avait été « forcée » d’abandonner sa desserte à Mayotte. La compagnie aérienne signe son grand retour sur l’île aux parfums à compter du 12 décembre, en ouvrant une ligne Dzaoudzi-Paris Orly, via La Réunion. Une excellente nouvelle financière pour les Mahorais que détaille le directeur régional océan Indien, Jules Perreau, en voyage sur le territoire pendant quelques jours.

Flash Infos : Qu’est-ce qui a poussé Corsair à arrêter de desservir Mayotte en 2018 et surtout pourquoi avez-vous décidé de revenir sur l’île aux parfums ?

Jules Perreau : En 2018, nous avons dû partir, ce n’était pas souhaité ! C’était un départ contraint pour deux raisons. La première était liée à des contraintes opérationnelles, parce que tout notre programme Mayotte reposait sur une organisation bien précise. Trois mois sur douze, nous avions des Airbus A330 qui nous permettait d’opérer via La Réunion. Le reste de l’année, nous étions contraint d’utiliser des 747 en passant par Madagascar. Donc la flotte était un problème. La seconde résidait dans cette triangulaire avec Madagascar. En 2018, les autorités malgaches nous ont signifié que nous n’avions plus le droit de trafic pour atterrir sur leur territoire. Par conséquent, nous avons stoppé toutes nos dessertes avec eux. Et la victime collatérale de cette décision a été Mayotte…

Nous avions pour projet de revenir sur l’île aux parfums en 2021 lorsque notre flotte serait entièrement repensée en Airbus A330. Il s’avère que ce renouvellement a été un peu plus rapide que prévu… Avec le Covid, nous avons décidé de retirer plus tôt du ciel nos A747. Pourquoi ? Parce que ce sont de gros modules difficiles à manoeuvrer et surtout parce que notre flotte est trop importante pour la demande actuelle. Dorénavant, nous avons simplement une flotte de A330 qui peut atterrir et redécoller de Mayotte. Nous réinstallons donc la ligne que nous avions difficilement quittée !

FI : Vous aviez prévu de rouvrir une ligne à partir de l’année prochaine, comment les tractations se sont passées pour avancer votre retour dans le ciel mahorais ?

J. P. : Pour y avoir opéré pendant 11 ans, nous connaissons très bien la piste, les interlocuteurs, l’aéroport… D’autant plus que c’est un département français. En termes d’autorisation, nous pouvons aussi bien nous poser à Mayotte qu’à Toulouse. Pour une compagnie française, il n’y a entre guillemets rien de plus simple. En soi, le plus dur était de prendre la décision. Et celle-ci a été prise très rapidement finalement.

FI : Avez-vous reçu des garanties sur l’allongement de la piste, une promesse du président de la République, Emmanuel Macron, lorsque celui-ci est venu dans le 101ème département en octobre 2019 ?

J. P. : Pas vraiment ! Je crois que le calendrier n’est pas encore totalement établi… Même s’il semble s’étaler sur du très long terme de ce que j’ai cru comprendre. Dans l’immédiat, cela ne change rien car piste longue ou pas, nous faisons escale à La Réunion. Et si ce chantier venait à aboutir, cela pourrait faire évoluer le format de notre opération sur Mayotte : qui dit nouvelle piste, dit nouvelles opportunités, notamment pour proposer quelques liaisons en direct. Nous suivrons bien sûr ce dossier de très près.

FI : L’an dernier, French Bee avouait aussi que le prix du carburant était un frein à son déploiement sur Mayotte. Qu’en pensez-vous ?

J. P. : Ce sont vraiment des contraintes liées aux opérations. Je n’ai pas les éléments en mains. Maintenant, il paraît évident que le fuel représente l’immense partie du coût variable de la compagnie lorsqu’il s’agit d’opérer des avions. Si ce poste-là est déraisonnable et ne nous permet pas d’être compétitif sur une ligne, cela paraît logique que ce soit un frein. Après, nous pourrions faire un peu de démagogie en demandant à Total de baisser ses prix, mais je ne suis pas sûr que cela soit aussi simple… Mais cela ne pourrait être qu’une bonne nouvelle pour les compagnies aériennes et in fine pour les Mahorais via le prix du billet d’avion.

FI : Justement, en parlant du prix du billet d’avion, vous avez annoncé un tarif de 428 euros toutes taxes comprises, sans bagage, pour un aller/retour. Comment justifiez-vous ce montant ?

J. P. : Il faut distinguer deux choses : l’axe régional vers La Réunion et celui vers Paris. Dans ce cas précis, nous parlons du second. Pour construire notre grille tarifaire, nous ajoutons simplement ce que nous appelons un add-on, c’est-à-dire un frais fixe à l’instar de la barge. Pour tout billet qui fait Mayotte-Paris, en passant par la Réunion, nous ajoutons 80 euros sur le tarif La Réunion-Paris. Du coup, Mayotte, indirectement, est impactée par les tarifs qui sont vigueur sur l’axe Paris-Réunion. En ce moment, il s’avère que les prix des billets d’avion n’ont jamais été aussi bas. Donc Mayotte profite directement de cette concurrence qui existe à La Réunion.

Pour nous, c’est un tarif d’appel, mais il ne s’agit pas de créer un tarif défiant toute concurrence pour avoir un effet d’arrivée. Il s’agit tout simplement de la réalité actuelle du marché. En aucun cas, c’est un tarif pour susciter l’envie et faire croire que Corsair sera magique, même si bien sûr nous allons essayer de l’être !

FI : Donc ce tarif d’appel est amené à évoluer …

J. P. : Bien sûr ! Il faut toujours comprendre que ces tarifs les plus bas communiqués peuvent varier plus ou moins fortement en fonction des saisons et de la demande. Si vous partez sur une période creuse en plein mois de novembre, cela vous coûtera moins cher que si vous vous envolez à Noël et que vous décidez de prendre votre billet le jour-même pour le lendemain. Maintenant, l’idée est d’apporter de la transparence et de la clarté au marché pour que le client puisse bénéficier de très bons tarifs.

FI : Dans un premier temps, vous rétablissez deux dessertes hebdomadaires, mais vous avez déjà sous-entendu réfléchir à des vols directs entre Mayotte et Paris. Avez-vous un calendrier prédéfini ?

J. P. : Nous sommes bien sur deux fréquences par semaine et nous avons eu un très bon démarrage de vente en seulement quelques jours. Et nous avons déjà décidé de proposer une troisième fréquence sur la haute saison, qui commencera au mois de juin. Concernant les vols directs, cette idée a été directement soulevée par le président de Corsair dans le premier communiqué de presse. Mais c’est une volonté qui n’a pas de calendrier aujourd’hui et qui dépend de nombreux facteurs, comme l’arrivée de nouveaux avions beaucoup plus performants sur l’océan Indien, la configuration de la piste, le marché. Nous avons préféré commencer prudemment plutôt que d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Si nous nous rendons compte, dans quelques mois, que nous pouvons nous le permettre, nous le ferons volontiers.

FI : Quelle est votre stratégie sur le moyen terme ? Avez-vous l’intention de renouer des contacts avec Madagascar par exemple ?

J. P. : Madagascar fait partie des options. Nous ne nous fermons aucune opportunité dans la région. Mais très sincèrement, aujourd’hui, ce n’est pas encore d’actualité.

FI : Savez-vous comment Air Austral a pris votre retour sur la scène mahoraise ?

J. P. : Je n’ai pas pour habitude de donner de commentaires sur les autres compagnies. Si mes souvenirs sont bons, Air Austral a dit que la concurrence était une bonne chose pour la région. De là à dire qu’elle est contente, je ne sais pas… Mais en tout cas, je pense que notre arrivée ne peut être que bonne pour le territoire. J’espère simplement qu’elle sera motivée par le challenge que Corsair lui impose.

FI : Comment définiriez-vous la relation de Corsair avec la population du 101ème département ?

J. P. : Elle est particulière, parce qu’à l’image d’un couple, nous sommes restés 11 ans ensemble. Notre départ a suscité une émotion à la hauteur de notre arrivée. Cela a été dur de partir aussi bien pour nous que pour les Mahorais. Et ce retour provoque énormément d’attente pour apporter une solution pérenne et stable au département. Cette pression, nous la ressentons et nous en avons bien conscience. Il faut que nous ayons un discours rassurant et que nous leur fassions comprendre que nous ne sommes pas là pour faire un one-shot, mais bel et bien pour nous nous inscrire durablement. Corsair est un acteur historique de la continuité territoriale dans les Outre-mer.

Une première en Europe pour Corsair

En début de semaine, Corsair a communiqué son partenariat avec ADHETEC, spécialiste des solutions adhésives haute qualité, pour équiper les tablettes repas de ses appareils d’un film spécial aux propriétés antibactériennes et antivirus. « Dès qu’un virus touche le plateau, il est désintégré. Cela permet de limiter encore plus les potentiels cas contacts de contamination qui pourraient subvenir sur certaines matières », souligne Jules Perreau. « Nous sommes les premiers en Europe à mettre cela en place. » Encore en phase de test, cette technologie doit être prochainement déployée sur les vols de la compagnie. « Cela fait partie des mesures que nous souhaitons instaurer pour rassurer notre clientèle. » Cette innovation s’ajoute à une autre nouveauté, à savoir la garantie pandémie. « Si le nom peut faire frémir, toutes nos assurances ont intégré une assistance en cas de cas contacts, si vous êtes positif ou si le territoire où vous vous rendez devient rouge. Cela permet d’apporter de la visibilité aux voyageurs. »

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