Violences à Miréréni/Combani : l’enseignement pris en étau

Depuis plus d’une semaine, les violences entre Miréréni et Combani se retrouvent dans les établissements scolaires. Les personnels éducatifs du collège de Mroualé, dans la commune de Tsingoni, décident donc d’afficher des banderoles de contestation et de ralentir la progression pédagogique pour alerter et faire réagir les autorités locales. Une démarche qui ne passe pas auprès du recteur, Gilles Halbout.

« Notre but est d’alerter et de faire réagir les autorités. L’école est un droit pour tous, peu importe d’où l’on vient. » Au bout du combiné, Céline* ne sait plus sur quel pied danser pour voir revenir « les 10 ou 15 élèves absents dans chaque classe depuis huit jours ». L’enseignante au collège de Mroualé dans la commune de Tsingoni prépare une action coup de poing, avec « le soutien de la moitié du personnel éducatif », à partir de ce mercredi 15 septembre. Au programme : l’affichage de banderoles devant l’établissement scolaire et le ralentissement de la progression pédagogique.

Si Gilles Halbout comprend « l’émotion » et exprime sa « solidarité », le recteur ne cautionne absolument pas la démarche. « Nous n’allons pas pénaliser les élèves des voisins au prétexte que d’autres l’ont été… Ce n’est pas entendable ! C’est le jeu malsain de la revanche et de la punition collective. » En d’autres termes, le responsable de l’académie craint que ce procédé ne rajoute de l’huile sur le feu. « L’appliquer va simplement attiser les rivalités entre les uns et les autres. » À savoir celles qui gangrènent Miréréni et Combani depuis un an maintenant.

Un barrage aux lourdes conséquences

Une tension palpable matérialisée par l’installation d’un check-point filtrant entre les deux villages. Un choix qui s’explique pour une raison simple selon Fatima Ali, une habitante de Combani. « Le barrage tenu par les mamans est une manière d’exprimer leur ras-le-bol pour que les politiques prennent un engagement définitif. Plusieurs médiations entre adultes ont été tentées par le passé, mais aucune n’a fonctionné… » Et tant que la solution miracle n’aura pas été trouvée, pas question de lâcher du lest ! « Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Nous voulons un calendrier d’actions. » Premier élément de réponse avec la mise en œuvre par le préfet de la loi Élan pour la destruction de quartiers informels. Reste encore à la maire de déposer un dossier pour identifier les parcelles concernées.

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Sauf que l’accord des opérations de démolition n’empêche pas les répercussions éducatives de cette frontière imaginaire. « Aucun élève n’a été contraint de rebrousser chemin », assure Fatima Ali. Balivernes pour Céline, qui ne manque pas d’exemples pour contredire cette affirmation. « Ceux à la limite de Miréréni et de Combani mais aussi ceux de Tsingoni ne peuvent pas se rendre dans leurs établissements scolaires. Ce n’est pas la peur qui les empêche, mais les refus intempestifs. » Pis encore : « Deux collègues ont été caillassés parce qu’ils viennent de Vahibé. D’autres qui habitent près de cette zone de guerre sont choqués car ils ne peuvent pas rentrer chez eux tranquillement. »

« Scandaleux ! »

Dans ces conditions, le recteur demande que « les parents irresponsables se prennent en main ». « Tout ce qui empêche les enfants d’aller à l’école est scandaleux ! », persiste et signe Gilles Halbout, agacé par ces blocages incessants aux quatre coins de l’île, à l’instar de celui d’Handréma la semaine dernière. Ainsi, le responsable de l’académie promet « des moyens supplémentaires, quoi qu’il en coûte, pour rattraper le retard accumulé. » En attendant un éventuel retour au calme, les écoliers de Miréréni peuvent déjà bénéficier d’une cellule psychologique depuis vendredi dernier « pour les aider à avancer ». Au vu de leurs dessins (des maisons en feu et des gamins en sang), le mal semble bel et bien profond… « C’est perturbant, vraiment ! », admet-t-il la gorge nouée. Pour ne pas arriver à un tel point de non-retour, les enseignants du collège de Mroualé comptent bien aller au bout de leur initiative, voire même durcir le mouvement en cas de statu quo. « Nous essayons juste de protéger les enfants et d’assurer l’éducation pour tous. »

* le prénom a été modifié

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