À Longoni, le futur lycée des métiers du bâtiment attend toujours sa viabilisation

Le rectorat organisait une visite sur le terrain du très attendu lycée de Longoni en compagnie des architectes mais aussi du président du SMEAM. Car pour vraiment lancer ce chantier titanesque, les freins sont nombreux. Et le syndicat des eaux a un rôle à jouer…

« À droite, ce sera la bande active. À gauche, les ateliers. Et au fond, l’internat ! » En plein cœur de la malavoune à la sortie de Longoni, Lola Paprocki, architecte chez Encore Heureux, fait office de guide touristique auprès du recteur Gilles Halbout, venu faire le point sur la construction du futur lycée des métiers du bâtiment évalué à 95 millions d’euros, auxquelles il faut rajouter cinq millions d’euros pour l’internat de 100 places et huit millions d’euros pour la cuisine centrale. « Ici, on est sur l’espace qui va préparer 5.000 repas pour tous les établissements du nord de l’île. » Si le panneau en bord de route matérialise en 3D le projet du gigantesque établissement scolaire, dont la première tranche doit sortir de terre en 2024, difficile pour l’heure d’imaginer le résultat final parmi les enclos de zébus et les cabris en errance encore présents sur le site.

« On avait prévenu qu’il fallait s’équiper de bottes », sourit l’une de ses collègues au moment d’enjamber un ruisseau, amené à devenir un « grand saut-de-loup » ou plutôt un « vrai canal » dans un avenir proche. Sur ce terrain de six hectares, sur lequel sont prévus 33.000 mètres carrés de surfaces de plancher, doivent déambuler quelque 1.800 élèves. « Ce sera le plus grand lycée de France en termes de superficie », souligne l’équipe d’architectes, qui souhaite garder une essence de chaque arbre et respecter au mieux la topographie, comme cette butte pour accueillir la maison des lycéens ou cette cheminée ancienne en plein cœur de la cour de récréation. « On veut vraiment garder l’écrin végétalisé pour ramener quelques degrés de fraîcheur. »

 

72 poteaux pour un balisage symbolique

 

Et pour bien visualiser la grandeur de cet établissement scolaire, il suffit de lever la tête et de scruter le balisage pour le moins artistique. « Avec l’atelier Ya Hazi – Permanence architecturale, on a fait une proposition au rectorat. Au lieu de réaliser une simple barrière qui empêcherait l’accès, on a voulu réaliser un chantier participatif dans le but d’inclure les habitants. Regardez les gamins, vous avez vu comment ils sont fiers ! », s’enthousiasme Lola Paprocki. « On a invité cinq artistes mahorais pour fabriquer des poteaux qu’on a installés tous les dix mètres. On voit une réelle symbolique de la périphérie, ceci dit on peut la traverser. On comprend la limite, mais elle n’est pas un obstacle. »

Un moyen également de freiner l’installation d’habitat illégal en attendant le début des travaux. Mais aussi de faire comprendre à la dizaine d’habitations de plier bagages. Plus facile à dire qu’à faire… À l’image de cet agriculteur, installé depuis une vingtaine d’années, rencontré au cours de la visite guidée. Un contentieux à régler avec l’établissement public foncier et de l’aménagement de Mayotte (EPFAM), qui s’occupe des négociations et des dédommagements financiers. « C’est lui qui habite [l’enclos] que l’on vient de traverser et il n’a toujours pas été indemnisé. »

 

Le Smeam de nouveau au cœur des polémiques

 

Mais ce n’est pas le seul frein aux premiers coups de pioche. En ligne de mire : la viabilisation du terrain, « la complexité première », confie Lola Patrocki. D’où la présence du président du syndicat mixte des eaux et de l’assainissement de Mayotte, Fahardine Ahamada. L’eau joue décidément encore bien des mauvais tours au 101ème département en cette période de saison des pluies. « On règle tout aujourd’hui », indique d’un ton ferme Gilles Halbout en se retournant vers celui qui est également maire de Bandraboua. Pour ce qui est de l’extension de la station d’épuration de 400 mètres cubes, le financement et le portage de la maîtrise d’ouvrage se voient confiés à l’EPFAM. « Sans cela, on ne pourra pas ouvrir le lycée », précise l’architecte. Sans parler du dévoiement d’une conduite d’adduction d’eau potable qui traverse le site et qui surtout alimente tout le nord de l’île. « S’il n’est pas dévié, on ne pourra pas construire car on risque de tomber dessus et de le trouver. C’est absolument impossible d’envisager quoi que ce soit sans ce détournement. » Le SMEAM se retrouve ainsi face à ses responsabilités pour ne pas ralentir un chantier qui a déjà pris un an de retard, en raison principalement de la crise sanitaire… L’heure tourne et le temps urge ! Car les enfants du quartier, eux, s’y voient déjà faire leur rentrée scolaire, voire même plus. « Moi, je veux être professeur de mathématiques ! » Une prémonition ?

 


 

Un faré pour symboliser le futur lycée des métiers du bâtiment

 

longoni-futur-lycee-metiers-batiment-attend-viabilisationSi le futurs lycée des métiers du bâtiment est loin d’être opérationnel, un faré vient de sortir de terre en seulement trois mois, à seulement quelques mètres du site de l’établissement scolaire. Un chantier école participatif, source d’apprentissage pour les entreprises Collectif Dallas et Ahamada Tchanga et les élèves du lycée polyvalent de Dzoumogné, qui viendront étudier à Longoni. « On a utilisé des matériaux dits exemplaires, comme la brique de terre comprimée et une charpente bois réemployée de la démolition soignée de la mairie de Sada », résume Lola Paprocki.

Cette bâtisse est d’autant plus symbolique qu’elle doit accueillir des classes en dehors des murs pour des travaux pratiques mais aussi pour stocker la grande maquette du lycée. « On a aussi pour ambition de travailler ici une fois par semaine pour faire de la médiation, parler du projet et échanger avec les habitants », poursuit l’architecte. Et une fois les travaux démarrés, le lieu sera le point de départ des visites. Et à terme, il sera surtout la porte d’entrée de la zone sports où se situera le dojo et le gymnase. « Quand l’établissement sera fermé, ce sera ouvrable au public. »

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