Les fonds européens de la programmation 2021-2027 sont désormais accessibles et ne demande qu’à être consommée. L’enjeu est de taille, alors que la programmation précédente (2014-2020) a connu des difficultés* (voir encadré), la nouvelle enveloppe est plus grande pour Mayotte. Le Feder (Fonds européen de développement régional) par exemple, est réhaussé à hauteur de 332,3 millions d’euros, contre 254 millions d’euros la dernière fois. Le directeur par intérim du GIP L’Europe à Mayotte, Adrachi Velou, liste ce qui peut intéresser les porteurs de projet mahorais.
Flash Infos : Mayotte rentre dans une nouvelle phase au sujet des fonds européens avec la nouvelle programmation (2021-2027). Quand celle-ci va être lancée ?
Adrachi Velou : On a déjà lancé les appels à projet depuis fin 2023. Il y a déjà des dossiers déposés.
F.I. : Quelles nouvelles thématiques du Feder peuvent intéresser les porteurs de projets mahorais ?
A.V. : Il y a la mobilité multimodale (N.D.L.R. qui combine plusieurs moyens de transport) ou durable. Le projet Caribus porté par la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou en fait partie par exemple. Il y a aussi la thématique de la recherche, de l’innovation et du numérique. On a également tout ce qui est eau, assainissement, biodiversité, environnement, climat et énergie. Comme vous le savez, la Commission européenne va s’attacher à la mise en œuvre du Pacte vert (N.D.L.R. en vue d’obtenir la neutralité climatique en 2050), donc tout ce qui touche l’environnement, le climat, mais aussi la réduction des énergies fossiles en font partie. Il ne faut pas oublier qu’on utilise les fonds en tant qu’outils financiers pour atteindre les objectifs fixés par l’Union Européenne dans les différentes politiques.
F.I. : Qu’est-ce qu’il y a d’autres ?
A.V. : On a également tout ce qui est infrastructures. Par contre, cela reste limité à quelques volets comme la santé. Il ne faut pas oublier les ports qui font partie de la mobilité, tout comme l’aéroport (N.D.L.R. la Piste longue fait partie des objectifs ciblés de la nouvelle programmation). D’ailleurs, c’est une dérogation accordée aux RUP. Depuis la programmation 2014-2020, l’Europe avait décidé d’arrêter de financer de nouveaux aéroports.
F.I. : Et pour le Fonds social européen (FSE+) ?
A.V. : Il y a l’insertion par l’emploi, notamment pour les jeunes. Le FSE+ sert plus aux personnes fragiles, pour des projets d’accompagnement, des dispositifs, des réseaux pour des demandeurs d’emploi, la mutation économique. Je pense aussi au public marginalisé, le décrochage scolaire, la lutte contre la pauvreté ou tout ce qui est économie sociale et solidaire (ESS). Il y a aussi un volet mobilité dans le FSE, qui peut servir aux étudiants qui font une formation en métropole par exemple.
F.I. : Jusqu’à quel point une subvention européenne peut financer un projet ?
A.V. : Les fonds européens ne financent pas tout, ils n’ont pas vocation à se substituer aux financements nationaux. Mais de manière générale, dans les RUP, le taux de financement maximum est de 85%. Pour les entreprises, au niveau de Mayotte, le régime d’aide d’État permet à des grandes entreprises d’arriver à 70 %, des moyennes entreprises à 80 % et des petites entreprises à 90 % si on cumule toutes les aides publiques, pas qu’européennes.
F.I. : Les démarches liées au montage des dossiers peuvent en décourager certains. Comment le GIP L’Europe à Mayotte peut les aider ?
A.V. : Non, les fonds européens ne devraient pas faire peur aux entrepreneurs. D’autant plus, avec le GIPEAM, on a un pôle animation d’environ huit personnes pour les accompagner. Depuis deux ans, on a fait un travail de vulgarisation. On a organisé des ateliers, sur les procédures de montage jusqu’aux demandes de remboursement. On a lancé des webinaires, on a aussi une page Facebook et LinkedIn et un site internet qui vient d’être refait (europe-a-mayotte.yt). Je conseille de passer par les animateurs, car je le rappelle, le projet doit rentrer dans les objectifs européens. Il y a beaucoup de rigueur, parce que ce sont les fonds européens. Mais je ne trouve pas que ce soit compliqué.
F.I. : A l’inverse, quels pièges sont à éviter pour la construction d’un dossier solide ?
A.V. : Il suffit d’être organisé, de faire du reporting et de l’archivage. Il faut s’assurer que tout ce qui est dépensé l’est bien pour l’opération financée. Il faut qu’on voie les devis, les factures, les bons de commande, les bons de livraison. Quand il y a une demande de paiement solde, on fait des visites sur place pour regarder si tout est conforme (dossiers administratifs, réalisation physique). Souvent, les porteurs pensent que les fonds européens peuvent tout financer. Alors que non, il y a une convention avec les dépenses éligibles bien identifiées. Le fonds européen ne vient pas financer le fonctionnement de votre entreprise. Le travail des instructeurs est de vérifier si la dépense a bien un lien avec l’opération concernée. Si ce n’est pas le cas, on écarte. Ça peut arriver avec le FSE, des entreprises engagent cinq personnes pour travailler sur l’opération. Et en fait, les cinq ne travaillent pas à plein-temps dessus, mais qu’en partie (les fonctions supports sont écartées). Il y a aussi un volet communication à respecter avec la mention sur votre site internet que c’est un projet financé par les fonds européens et une plaque à afficher.
F.I. : On l’a vu par le passé, des problèmes ont pu subvenir dans la gestion des fonds européens (voir encadré). Comment le GIP l’Europe à Mayotte compte instaurer la confiance auprès de la Commission européenne pour la nouvelle programmation ?
A.V. : La confiance est instaurée depuis la création du GIP. Le dernier audit a confirmé l’organisation mise en place.
F.I. : Est-ce que vous faites l’objet d’un contrôle plus rigoureux de la part de Bruxelles depuis ?
A.V. : L’Europe, c’est là où il y a le plus de contrôles. On vérifie tout. Ça commence ici, au premier niveau, puis après, il y a l’autorité de gestion (N.D.L.R. préfecture de Mayotte ou Département). Après, il y a la DRFIP (direction régionale des finances publiques), puis l’autorité d’audit et enfin la cour des comptes à Bruxelles. Mais c’est comme ça dans toutes les régions. On ne peut pas faire appel aux fonds européens si on ne veut pas de contrôles.
*Sollicitée, la préfecture de Mayotte n’a pas fourni de réponses sur la programmation 2014-2020, notamment où en était la consommation des fonds.
Des enveloppes multiples
Les porteurs de projet mahorais n’ont pas que le Feder (332,3 millions d’euros) et le FSE (106,9 millions d’euros) comme sources possibles de financement. L’Interreg Canal du Mozambique est mis en place pour des projets permettant de rayonner à l’échelle régionale. Doté d’une enveloppe de 10,3 millions d’euros, il est sous l’autorité de gestion assurée par le conseil départemental de Mayotte, au contraire des deux autres. A vocation régionale aussi, l’Interreg océan Indien (62,2 millions d’euros) est géré par la région Réunion depuis 2000. « Il n’y en a pas beaucoup de projets à l’échelle régionale mahorais dans le cadre du programme Interreg océan Indien », concède Adrachi Velou, qui cite tout de même un dispositif de la Cress (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire) à cheval sur Mayotte et Madagascar ou un autre de la Croix-Rouge dans le domaine de la prévention des risques.
Des paiements revenus en mars 2023
Le GIP L’Europe à Mayotte a pris la suite en 2021 de la préfecture pour l’accompagnement et l’instruction des dossiers relatifs aux projets pouvant bénéficier de fonds européens. La situation était alors critique puisque des irrégularités dans l’instruction des dossiers avaient été constatées par la Commission européenne sur la période 2017-2019. L’Europe avait alors pris la mesure exceptionnelle d’arrêter les paiements. Fautif, l’État avait alors avancé les fonds (remboursés depuis) en attendant un retour à la normale. Ce qui est finalement arrivé grâce au dernier audit en 2022, confirmant une amélioration grâce au GIP L’Europe à Mayotte. La décision est tombée en mars 2023 et avait été saluée par la préfecture, occultant le climat délétère à l’époque.
Car la même année, le conflit entre une bonne partie du GIP L’Europe à Mayotte et la préfecture de Mayotte (l’autorité de gestion) avait débouché sur le départ d’Ali Soula, le directeur de la jeune structure. Une éviction qui posait question alors que Mayotte accusait un grave retard dans la consommation de son enveloppe, et que celle de 2021-2027 augmente sensiblement.