Pour la journée mondiale du handicap, focus sur l’institut médico-éducatif Arc-en-Ciel de Mlézi Maoré à Pamandzi, qui accueillait ce jeudi 3 décembre le recteur Gilles Halbout. Dans cette structure, Bertrand Abraham assure depuis 4 ans l’enseignement d’une dizaine d’enfants atteints de troubles du comportement, notamment à travers des ateliers théâtre dans le but de les libérer et de les valoriser.
Les yeux fermés, Ilhame pioche un dessin dans une enveloppe. « Un bus », souffle-t-il timidement en direction de Bertrand Abraham, avant de positionner le morceau de papier sur la bonne page de son cahier. Atteint d’un handicap mental lourd et arrivé début septembre à l’institut médico-éducatif de Mlézi Maoré, le garçon de 9 ans connaît l’alphabet et les chiffres, mais il ne sait ni lire ni dénombrer. « Ses instituteurs aux Comores se sont satisfaits de son niveau », regrette l’enseignant, en poste au sein de la structure située en Petite-Terre depuis 4 ans. À côté de l’élève modèle, Tanwir. Hyperactif, l’adolescent gesticule dans tous les sens. « Il maîtrise bien l’activité, donc il est plutôt calme », sourit l’ancien sociologue de formation. Avant de le recadrer quelques secondes plus tard : « Colle-moi ça et applique-toi ! » Assise en face d’eux, Malika fait preuve d’un calme plat. Déficiente visuelle, elle éprouve pourtant toutes les peines du monde à différencier les formes et les couleurs.
Dans cette salle de classe qui fonctionne par demi-journée, le socle commun s’adapte à la situation de handicap de chacun (trisomie, traits autistiques, lésions physiologiques…). « Des jeunes de 14 ans suivent un programme de moyenne section », donne pour exemple Bertrand Abraham. Face à de tels troubles cognitifs, le quinquagénaire accueille des groupes de 4 enfants maximum pendant 2 ou 3 séquences de 45 minutes pour permettre un suivi individualisé. « La plupart d’entre eux ne sont ni lecteurs ni scripteurs », précise-t-il. « Je me satisfais de petites victoires, d’autant plus que certains ont des maladies régressives. » D’où sa frustration à l’approche des vacances, synonymes d’absence de stimulation et fatales dans le développement des acquis scolaires.
L’objectif : améliorer l’expression verbale
Alors afin de réussir sa mission pédagogique, celui qui a pour projet de cultiver du café sur son terrain à Mohéli se remue les méninges pour faire preuve d’imagination dans le but de capter l’attention de ses élèves. Ainsi, il apporte une grande importance au travail corporel et à la psychomotricité, mais aussi au théâtre, « très ritualisé ». Un levier ludique qui fonctionne à merveille pour atteindre l’objectif ultime, qui est d’améliorer l’expression verbale de ce public invisible. « Être dans la peau d’un personnage les libère. À force de répéter les mêmes saynètes, ils arrivent à produire des sons que nous arrivons à comprendre », se réjouit Bertrand Abraham, nostalgique de la tournée artistique réalisée il y a deux ans dans plusieurs écoles des quatre coins de l’île. « Être applaudi les valorise alors que c’est bien trop souvent l’inverse dans leur quotidien. »
Avec la crise sanitaire du Covid-19, remonter sur les planches semble compromis à l’heure actuelle. Pour le plus grand regret de ces comédiens en herbe. « On dit que les gamins apprennent par le jeu, c’est encore plus vrai pour eux. » Un moyen aussi de sensibiliser leurs parents, qui les condamnent à rester cachés, par peur d’être jugés par le voisinage… Sachant le sujet tabou du handicap dans le 101ème département ! Alors pour démocratiser leur situation et les rendre autonomes aux yeux de tous, Bertrand Abraham privilégie les mises en pratique durant les heures de cours. « La confiance est une dimension essentielle pour eux. S’ils ne sortent pas enfants, ils ne sortiront pas non plus une fois adulte », insiste-t-il. Avant de conclure : « Ils n’ont pas toujours une vie géniale à la maison, alors ici, c’est un espace de respiration. »