Le nouveau centre de formation et d’apprentissage de la CMA, « l’arbre qui cache la forêt »

Prévue ce lundi 24 janvier, la livraison du nouveau centre de formation et d’apprentissage de la chambre de métiers et de l’artisanat accuse du retard, en raison d’un défaut de paiement selon les entrepreneurs intervenus sur le chantier. Cette affaire vient mettre en lumière une gestion administrative et financière au bord du gouffre, qui pousse les salariés de la structure à envisager un mouvement de grève.

Face au bon de commande de 20.169 euros, Moustoifa Attoumani ne décolère pas. Retenu pour réaliser la peinture du nouveau centre de formation et d’apprentissage de la chambre de métiers et de l’artisanat situé sur l’ancienne place du marché à Mamoudzou, le fondateur de la société Deco Sol mange tant bien que mal son pain noir. « Je leur ai fait une confiance aveugle ! », déplore l’entrepreneur, agacé par la tournure des événements. « Quand nous avons fait 50% du travail, nous avons décidé d’arrêter pour défaut de paiement. Ils sont alors revenus vers nous pour nous passer la pommade… Et depuis, c’est silence radio. »

Premier imbroglio dans cette affaire : le non versement d’un acompte de 30% du chiffre d’affaires, qui selon Thierry*, un proche du dossier au sein de la chambre consulaire, n’aurait pas été stipulé dans le contrat. Toujours est-il que cette situation est loin d’être singulière puisqu’elle concernerait l’ensemble des entreprises intervenues sur ce chantier, estimé entre 50.000 et 70.000 euros. « Le règlement intervient lors de la livraison officielle », promet-il. Sauf que la date de réception, envisagée ce lundi 24 janvier selon un échange d’e-mails en notre possession, reste pour l’heure inconnue. Face à ce micmac, la prochaine nomination de Soulaimana Bamana à la tête de la commission de la formation professionnelle pourrait faire quelque peu bouger les lignes. « Il a dit aux artisans qu’il s’engagerait à faire le nécessaire. »

Mauvaise gestion, absence de suivi

Un optimisme loin de faire l’unanimité. « Cela fait un an que nous attendons la signature des devis », se désole Claude*, un autre collaborateur de la CMA, écoeuré par « la mauvaise gestion » et par « l’absence de suivi ». Des procédures préjudiciables pour le 101ème département, en proie à un déficit criant de qualification. « C’est la croix et la bannière pour accueillir la quarantaine d’apprentis qui ont commencé trois sessions d’apprentissage en 2021. » Et le retard accumulé sur la réhabilitation de ce bâtiment bloque l’obtention de subventions, nécessaires à l’ameublement des locaux. Preuve en est avec le non règlement d’une autre facture de 37.000 euros qui empêche le lancement dans le CFA en question d’une formation aux métiers de l’esthétique, alors que le matériel végète sur le territoire depuis octobre. Conséquence : une mise en demeure par le groupement d’intérêt économique 3M serait dans l’air du temps…

Les élus pointés du doigt

« C’est l’arbre qui cache la forêt », confie toujours ce même salarié. Selon lui, toute cette histoire met en exergue des dysfonctionnements beaucoup plus profonds au sein de la structure, apparus notamment au lendemain de l’élection en fin d’année dernière des 25 membres du bureau de la CMA. Une nouvelle épine dans le pied des employés : « Des abrutis qui n’y connaissent rien » pour Thierry, « des élus qui n’en ont rien à foutre » pour Claude. « C’est un merdier sans nom depuis leur arrivée, ils n’ont pas pris la mesure de leur fonction », assure le premier. « Nous avons dû pleurer pour être payés en novembre et décembre », s’indigne le second. Ambiance !

Difficile d’envisager une réconciliation dans ces conditions… « Il ne faut pas taper sur l’outil de formation des jeunes, le CFA va être top », insiste Thierry. À ses yeux, la solution passe par une feuille de route précise et des compensations financières à l’échelle nationale. Dans le cas contraire, le retour de bâton risque bien d’être douloureux. Car en interne, la fronde s’intensifie de jour en jour. « Nous allons envoyer un droit d’alerte à la préfecture, nous avons l’intention d’organiser un mouvement de grève », martèle Claude. Bien décidé à mettre un gros coup de pied dans la fourmilière.

* les prénoms ont été modifiés

Malgré nos tentatives répétées, aucun élu n’a donné suite à nos demandes d’interview

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