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UNE Mayotte Hebdo N°369 – Vendredi 22 février 2008

UNE Mayotte Hebdo N°369 - Vendredi 22 février 2008

Approvisionnement en carburant

La Totale

 > La Totale
 > Approvisionnement en carburant: la pénurie
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Elections – sada, mamoudzou, chiconi, tsingoni,…
 > Education – l'université prévue en 2010
 > Environnement – sept plages bientôt aménagées

 

22/02/2008 – Enseignement supérieur – L’université de Mayotte en 2010 ?

Conscient des difficultés rencontrées par nos étudiants en Métropole et du taux de réussite dix fois supérieur enregistré par l'IFM, le conseil général a choisi de faire de ce Puma une priorité et commandé un rapport sur sa création à François Marzat, ancien directeur du Greta. Son constat est simple : Mayotte possède tous les ingrédients nécessaires à la création d'une université. Il nous compare à la Guyane, proche de nous par sa population et qui affiche le même effectif que nous en collèges et lycées : elle a sa propre université depuis longtemps, de même que la Nouvelle Calédonie et la Polynésie qui ont ouvert des facs avec 1.500 étudiants au départ. La croissance démographique de Mayotte étant plus forte, on peut envisager un effectif de 3 à 4.000 étudiants d'ici 15 ans, la plus grosse université de l'Outremer serait alors celle de Mayotte.
 

Sciences du langage, Islam et biodiversité

Pour M. Marzat, la future université ne doit surtout pas se cantonner aux formations de base (licence), mais développer également des formations longues pour attirer les chercheurs, essentiels à la vie d'un pôle universitaire. Lettres, sciences humaines, mathématiques, sciences de la vie… une bonne partie des formations de licences sont déjà présentes via l'IFM ou le Cefsm, à l'exception des filières langues, type LEA, à rajouter. Il faut bien sûr réfléchir aussi en terme de débouchés sur l'île et envisager la création d'un IUT en continuité des sections STI, sciences et techniques de l'ingénieur. Pour des filières plus spécifiques, l'auteur du rapport préconise la création d'un vaste centre de recherches sur l'Islam. La spécificité de Mayotte, à 98% musulmane, qui fonctionne en partie sur le droit cadial, doit être exploitée en excluant bien entendu le côté théologique. Ce centre pourrait trouver des partenaires comme l'Institut du monde arabe à Paris.

Autres filières essentielles, celle des sciences du langage, déjà en partie existante au Cefsm de la licence au master, avec continuité à l'université de Rouen. Elle abrite un programme de recherche intitulé "Plurilinguisme et aménagement linguistique à Mayotte" qui réfléchit sur la place des langues, sur le rapport à l'écrit dans le contexte de l'échec scolaire. Le professeur Fouad Laroussi était dans l'île la semaine dernière. Ce centre de recherches a donné lieu à la soutenance d'une thèse en 2007, deux autres très prometteuses sont en préparation.
Enfin, les filières biodiversité et énergies renouvelables sont porteuses de développement et d'emplois pour l'avenir. Elles existent dans toutes les universités d'Outremer. La DEDD emploie d'ailleurs un thésard sur les énergies renouvelables, Ibrahim Bahedja, de même qu'un docteur et un doctorant en biologie marine, Mme Dhahabia Chanfi et Jérémy Kiszka.

 

La CDM, premier soutien des chercheurs

"L'écueil à éviter est la création d'une sous-université", avertit le rapport qui donne justement des pistes pour éviter ce danger. Le Puma doit profiter de l'expérience des autres universités d'Outremer, faire appel à la Réunion, qui dispose d'un responsable des constructions universitaires et diversifier ses financements. Quoi qu'il en soit, l'animal est attendu. Aujourd'hui plus de 50% des étudiants préféreraient suivre leurs études chez eux, mais le Cefsm s'est vu contraint d'en refuser 200 cette année, faute de place.
Autre doctorant employé par le conseil général, à la DSDS cette fois, Maoulana Andjilani propose lui des pistes à mettre en place dès maintenant pour l'amélioration des conditions de recherches à Mayotte. Il revient sur l'importance de mettre en valeur les deux atouts spécifiques de l'île : sa biodiversité exceptionnelle et ses spécificités culturelles-linguistiques-historiques.
"Le soutien financier de la CDM est exceptionnel par rapport aux autre régions", précise le jeune docteur en ingénierie médicale. Depuis 2003 elle finance 10 thèses de doctorat par an en moyenne, 15 en 2007. Le conseil général a également octroyé 51 bourses de master de recherche. "L'augmentation du nombre de chercheurs doit avoir des retombées sur le développement économique et social de Mayotte". Un avis partagé par le président du conseil général, très attentif lors de cette présentation de rapports.
Pour une meilleure structuration de la recherche, le rapport de Maoulana Andjilani propose aussi la mise en place d'un comité de pilotage pluridisciplinaire qui permettra de travailler en réseau et de coordonner les chercheurs. Gros manque pour les thésards : la documentation, c'est pourquoi il propose la création d'une maison de la recherche, qui regrouperait tous les travaux effectués sur Mayotte, donnant ainsi une base aux nouveaux chercheurs.

 

Effet d'annonce ou réel projet ?

Le comité de pilotage, associé aux élus, aurait à définir les thématiques de recherches prioritaires pour l'île et à valoriser le travail à l'extérieur, l'intégrer aux groupes de recherches régionaux. Jusqu'il y a peu, les pays voisins ne soupçonnaient pas l'existence de chercheurs à Mayotte. Notre image est en train de changer et nous collaborons maintenant aux colloques régionaux sur des sujets divers.
Effet d'annonce de campagne électorale ou réelle volonté politique ? Le pôle universitaire semble pour l'instant passionner nos élus, le président en tête, qui annonce avoir transmis ce rapport à la ministre de l'Enseignement supérieur, seule capable de décider de sa création. Il rappelle qu'université signifierait création de l'académie de Mayotte, donc d'un rectorat et d'un IUFM intégré… La CDM dépense chaque année 10 millions d'euros dans l'enseignement supérieur, si l'Etat lui emboitait le pas, le Puma sortirait de terre… d'ici deux ans ?

Hélène Ferkatadji

Sur la photo
Les docteurs et doctorants de Mayotte employés par le conseil général commencent à être nombreux. Parmi eux on trouve Dhahabia Chanfi, docteur en biologie marine qui travaille au service patrimoine naturel de la DEDD; Saïd Hachim, doctorant sur les risques naturels; Jérémy Kiszka, doctorant en biologie marine sur les grands prédateurs marins, chargé de mission à la DEDD; Ibrahim Bahedja, doctorant en géographie, qui fait une thèse sur les énergies renouvelables et travaille à la DEDD; Houlam Haladi, directeur du Cefsm et chercheur en sciences du langage.

 

22/02/2008 – Football – Une amitié de 40 ans

 
Daoud Albert était l'un des joueurs locaux et fondateurs à figurer au sein de cette équipe créée en 1965. Puis au fur et à mesure sont arrivés des joueurs Mahorais. Christian Novou fut le premier en 1966. "J'étais ingénieur de l'Equipement et un contremaître à Mayotte m'avait dit de signer là-bas. Puis quand je suis arrivé, j'ai vu que c'était une équipe de jeunes et j'avais envie de les aider", se souvient-il.
Puis d'autres Mahorais ont suivi, notamment les lycéens que Christian Novou et son frère Jean-Claude dirigeaient vers Papillon Bleu. A une époque, ils étaient même 8 sur 11 dans l'équipe titulaire. "Comme il y avait déjà des Mahorais, il y avait plus de sympathie pour ce club de la part des nouveaux qui arrivaient. Une amitié est née et depuis on ne s'oublie pas", explique Daoud Albert. Ainsi, des anciens joueurs se déplacent lors de grandes occasions où lors de funérailles pour rendre un dernier hommage à leurs amis.
 

4 doublés coupe-championnat entre 1970 et 1973

Des grandes figures de la scène footballistique locale sont passés à Papillon Bleu : Moutuidine Yahaya, Ahmed Subra, Julien Désiré Ramiandrisoa, Souhaïli Bahedja, Habibou Hassane pour ne citer que ceux-là. La période dorée du club moronien s'est déroulée entre 1970 et 1973. Quatre années pendant lesquelles Papillon Bleu a fait le doublé coupe-championnat sur l'île de Ngazidja. En 1972, la coupe inter-îles, ancêtre de la Concorde, est aussi remportée par Papillon Bleu face aux Anjouanais de Citadelle de Mutsamudu.
"On nous avait insulté et ça nous a motivé", se rappelle Souhaïli Bahedja. En effet, les lycéens originaires de Mayotte, Anjouan et Mohéli évoluant à Ngazidja avaient eu la possibilité d'intégrer l'équipe championne de leur île, si leur équipe n'était pas championne de Ngazidja.
Les Mohéliens et Anjouanais ont renforcé leur champion, ce que les Mahorais de Papillon Bleu ont refusé de faire. Cela avait été pris pour de la traîtrise, mais finalement les joueurs de Papillon Bleu s'en sont bien sortis. Aujourd'hui, Papillon Bleu est bien loin de son lustre d'antan. "Le club est en 3e division de Ngazidja, il est moribond", se désole Daoud Albert. Les vieilles gloires de Papillon Bleu se consolent donc avec leurs souvenirs, en attendant une hypothétique remontée vers les sommets de leur club chéri.

Faïd Souhaïli

 

UNE Mayotte Hebdo N°368 – Vendredi 15 février 2008

UNE Mayotte Hebdo N°368 - Vendredi 15 février 2008

Grenelle de l'environnement – l'outremer comme exemple. Projet de loi-programme pour l'Outremer. 10 ans de développement: Mayotte Eco – spécial 8 pages

L'avenir avec le lagon

 > Politique – le MDM s'explique
 > Fortes pluies – au secours, la route recule !
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Anjouan – derniers préparatifs pour le débarquement
 > Economie – rapport 2007 de l'IEDOM

15/02/2008 – Coupou coupou, l’éventail mahorais

Les gestes des demoiselles remuant l'éventail sont synchronisés, un balancement tantôt à gauche, un autre tantôt à droite, et en cadence, pondèrent l'avancée des pas du marié. Les impulsions des têtes se balancent identiques aux charmes des demoiselles serrant fermement le petit objet. Son doux élan rafraîchit vivement le marié et ses co-époux. Grâce à l'éventail et nonobstant la pesanteur du soleil, le trajet se révélera moins long.

Malgré l'entrée des Mahorais dans la société moderne, cet objet est l'un des rares qui se préserve au fil des générations. Plusieurs mamans motivées pour maintenir intactes les traditions du mariage local assurent la fabrication de cet éventail, à l'image de Ma M'hamadi domiciliée à Chiconi. Il est communément appelé en shimaoré ou kibuchi coupou coupou, "comme le coupe-coupe avec un ou", rigole la bouéni. La confection de cet éventail local est un art que Ma M'hamadi a acquis des anciens et qui se transmet de génération en génération. "Je ne suis pas allée à l'école, alors plutôt que de rester me coltiner les pouces à la maison, ma grand-mère m'a appris son métier."

 

"Je travaille comme m'a appris ma grand-mère"

L'éventail est fabriqué à l'aide de tissu et de fils de plusieurs couleurs. "Elle achète soit un rouleau entier de tissu qu'elle garde soigneusement à la maison, soit alors elle s'en achète au compte-goutte en fonction des besoins", observe sa fille.
"La bobine de fil me revient à 3 euros. Soit j'achète ici, soit je donne l'argent à des gens qui partent pour l'île Maurice et ils m'en procurent. Mais avec une bobine je peux créer jusqu'à 10 éventails", précise la maman. Le tissu s'achète à 2,50 euros le mètre. D'une coloration vive, bleue, blanche, rouge, verte, noire… tous les styles se mélangent. "Je n'ai pas vraiment une marque de fabrique. Je travaille comme m'a appris ma grand-mère. À l'exception qu'aujourd'hui je peux fabriquer plus d'éventails qu'avant, car le gros du travail se fait avec l'aide de la machine".
Plusieurs outils ramassés dans la nature sont essentiels à la confection de cet objet. Il y a le bois du m'vangati (le dattier local), il servira à fabriquer le manche de cet éventail. Le ouvanba, le coton local qui provient du kapokier, charge les objets secondaires accompagnant l'éventail comme le penpé m'fugui qui sert durant les mariages à accrocher l'or se rendant chez la mariée.
Le coupou coupou quant a lui, sa tête doit être solide. "Pour le corps de l'éventail on utilise un morceau de natte à raphia", précise l'artiste. Cette natte sera ensuite recouverte de tissus. Entourée par la suite de motifs travaillés à la main et le tout suspendu au bois de m'vangate qui sert de manche. "Le tissu est très important pour coudre le coupou coupou, mais la colle a aussi son rôle à jouer", explique la bouéni.
Des ornements se collent sur la face de l'objet pour le rendre encore plus pimpant. Une fois l'éventail fini, il est vendu 5 euros de nos jours, "avant il coûtait 15 francs", se souvient ma M'hamadi qui, à 40 ans, a déjà 20 ans de métier derrière elle.

 

Les gens se déplacent des quatre coins de l'île pour venir acheter ses éventails

Les autres ustensiles qui accompagnent ce coupou coupou coûtent quant à eux un peu plus cher. "C'est normal, ils demandent plus de travail. Par jour, je peux fabriquer jusqu'à trois éventails alors qu'il me faudra 3 jour pour confectionner un penpé m'fugui", témoigne ma M'hamadi. Chargés de feuilles de coco et de coton local, ces objets vont également accompagner la cérémonie du mariage. On y accrochera de l'or. On décorera le lit de la mariée.
"Auparavant, toute la décoration que l'on voit apparaître aujourd'hui dans les maisons provenant de Dubaï n'existait pas, alors nos parents confectionnaient eux-mêmes la décoration des époux", se rappelle très bien ma M'hamadi.
Fervente détentrice d'un savoir-faire ancestral, transmis de génération en génération dans cette famille de Chiconi, ma M'hamadi travaille pour la fabrication des coupou coupou et des objets qui les accompagnent. La sœur de ma M'hamadi connaît également les filons du métier. Leur travail prend toute son utilité surtout en période de grands mariages (juillet et août) où les gens se déplacent des quatre coins de l'île pour venir acheter leurs éventails qui rafraîchiront les mariés.
En dehors de cette période, les clients se font rares, alors l'heure est à la débrouille pour nourrir la grande famille : "oui, oui, je vais à la campagne pour cultiver le manioc".

Denise Marie Harouna

15/02/2008 – Le coup de gueule de la semaine – « RFO peut rester en grève »

A la Réunion, il y a quelques années, une télé privée est apparue, Antenne Réunion. Avec moins de dix journalistes, cette chaîne qui ne coûtait rien au contribuable a réalisé des audiences supérieures à RFO Réunion qui comptait des centaines de salariés, grassement payés avec notre argent. Ils faisaient leur travail et ne ramenaient pas que 5 minutes d'infos par jour, certains jours, comme leurs collègues fonctionnaires.
Ici, les 35 heures, les RTT, les formations permanentes (à croire qu'ils ne sont vraiment pas formés !), offrent parfois une rédaction vide au visiteur impromptu… A part les "stagiaires" à qui l'on fait tout faire en attendant qu'ils soient "intégrés" et puissent se reposer… Sans oublier les déplacement syndicaux à Paris et autres séminaires dans le reste de l'Outremer. Il reste malheureusement peu de temps pour le travail… Les responsables doivent essayer de gérer cet état de fait, ce gaspillage de l'argent public, et surtout cette boutique hérissée de syndicats qui ont pris le contrôle de la structure et qui ne veulent surtout pas que ça change… On les comprendrait à moins que cela. Mais rapidement ils baissent les bras. Les plus vaillants à leur arrivée se laissent eux aussi emporter par ce rythme de travail frénétique… Le seul problème c'est que c'est avec notre argent qu'ils font tout cela, qu'ils roulent dans de grosses 4×4 qu'ils peuvent renverser dans un fossé sans souci… Il y en aura une nouvelle le lendemain. Ils peuvent partir sans vérifier leur matériel et arriver à leur reportage de la journée… sans batterie, et avec quelques minutes de retard, dans le meilleur des cas, attendus par tous les responsables que compte l'île pour commencer leur réunion.
Et après avoir mangé des millions d'euros d'argent public, ils ne veulent surtout pas perdre l'argent de la publicité. Car en plus du budget transmis par l'Etat, ils ponctionnent aussi les économies locales et assèchent le marché publicitaire, faisant une concurrence déloyale aux radios et télés locales qui souffrent faute de moyens, tuant les initiatives privées ou les maintenant dans un état végétatif. Fortes de leurs audiences historiques, les radios et télés de RFO raflent l'essentiel de la publicité des territoires concernés et empêchent toutes créations audiovisuelles indépendantes, toutes créations d'emplois privés (pas financés par des ponctions sur les salaires des citoyens !), toutes créations d'espaces de liberté, de diversité dans le paysage audiovisuel ultramarin. La publicité doit cesser très rapidement sur ces supports publics. C'est urgent ! Qu'ils se consacrent à du service public, et il y a de quoi faire, en terme d'éducation à la santé, d'éducation tout court, de défense de l'environnement, de débats de société… Ils n'ont pas besoin de la publicité pour ça, juste de travailler. Qu'ils restent en grève, ça fera des économies à l'Etat qui pourra utiliser cet argent à d'autres priorités.

Ahmed Abdou,
Un téléspectateur énervé
Vous avez un coup de gueule
Ecrivez-nous…
Exprimez-vous !

mayotte.hebdo@wanadoo.fr

 
A l'image du service public de l'audiovisuel, RFO Mayotte était en grève ce mercredi. Avec des salaires très corrects, indexés, près de 100 salariés, cette structure basée en Petite Terre pleure parce que le Président de la République a émis l'idée de supprimer la publicité qui passe sur ses antennes.

UNE Mayotte Hebdo N°367 – Vendredi 08 février 2008

UNE Mayotte Hebdo N°367 - Vendredi 08 février 2008

Réserve naturelle de l'îlot M'bouzi

600 makis cherchent repreneur(s)

 > Energie – Mayotte se met au solaire
 > Entretien – Mansour Kamardine dévoile sa stratégie
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Sport – Abdoulkarim, un tennisman en or

08/02/2008 – Tennis – Jeune champion cherche parrains

"Pour gagner des points, il faut disputer un maximum de tournois. Il arrive que cela se fasse en Italie, au Portugal et le faire depuis Mayotte est impossible, ça coûterait trop cher", explique Texxy Guengard. Celui-ci entraîne Abdoulkarim depuis ses débuts et entrevoit un gros potentiel pour son protégé. Pendant longtemps, le Tennis club de Doujani Mayotte (TCDM) a pu réunir les fonds pour lui faire disputer des compétitions dans la région et en France. Mais aujourd'hui de nombreux adhérents du TCDM sont partis, fatigués de voir que les infrastructures sur lesquelles ils évoluent ne s'améliorent pas.
"Pendant quelques années, nous avons eu 200 licenciés dans ce club. Le taux de délinquance juvénile a baissé quand le tennis s'est installé à Doujani, mais on attend depuis des années que le plateau soit refait. Ici les jeunes n'ont pas de foyer, ni de MJC, il n'y a rien à part ce plateau", se désole l'entraîneur d'Abdoulkarim Vélou.

 

La Fédération française de tennis impressionnée

Par ses propres moyens et quelques aides, il a bricolé pour redonner un aspect plus reluisant au court de tennis. Mais la tempête Fame a tout balayé. Malgré des conditions difficiles, Abdoulkarim obtient des résultats très probants. Son classement aurait pu lui permettre de disputer le tournoi des Petits As à Tarbes, réservé aux 12-14 ans, et qu'ont remporté en leur temps Richard Gasquet, Rafael Nadal et Martina Hingis. Alain Solvès de la direction technique nationale de la Fédération française de tennis est venu voir le garçon et a été impressionné. "Il m'a dit que si j'allais à Paris, je ne manquerai de rien", concède le garçon peu bavard.

Cette rencontre l'a renforcé dans sa volonté de devenir professionnel et Abdoulkarim est tellement motivé qu'il n'envisage pas une seule seconde l'échec. "Il est arrivé là par son sérieux et son travail, mais aussi grâce aux entreprises et aux époux Gherbi qui ont énormément apporté au club et aux jeunes de Doujani", affirme Texxy Guengard.
L'an dernier, Abdoulkarim Vélou a effectué trois tournées en métropole et cela a coûté au club 20.000 €. Mais aujourd'hui, celui-ci n'a pas les moyens d'appuyer le jeune tennisman, sa mère encore moins puisqu'elle est simple commerçante au marché de Mamoudzou. Il faudrait 11.000 euros pour qu'Abdoulkarim puisse partir à Pau, intégrer le collège privé Saint-Dominique et un centre d'entraînement privé d'où est sorti Nicolas Escudé afin de disputer de nombreux tournois pendant un an, nécessaires à sa progression.

Des qualités sportives incroyables et un mental de fer

"Il a les qualités athlétiques incroyables, mais ce qui manque c'est l'argent", résume le mentor. Son souhait serait de réunir les fonds avant la fin du mois pour qu'Abdoulkarim puisse disputer les tournois du printemps et commence à engranger des points le plus rapidement possible. Si Abdoulkarim réussit, il compte aider les jeunes de Doujani. Selon lui, beaucoup de ses amis pourraient faire de même si les conditions d'entraînement et d'encadrement étaient meilleures.
Abdoulkarim souhaite aussi donner une image positive de Doujani, un quartier mal réputé et dont les habitants ont le sentiment d'être délaissés par la mairie de Mamoudzou. "Souvent les enseignants disent aux jeunes qui rêvent de devenir sportifs professionnels qu'ils n'ont qu'une chance sur un million d'y arriver. On devrait les faire taire. Un million en rêvent, mais 100.000 transforment ce rêve en projet et une dizaine le concrétisent. Si cette dizaine n'y arrive pas, c'est qu'ils se sont égarés, blessés ou ont été mal orientés. On sait qu'il va réussir, mais il faut qu'il parte tout de suite", insiste Texxy Guengard. Pour qu'Abdoulkarim puisse avoir une chance de réaliser son rêve et devenir le nouveau Tsonga, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

 
Faïd Souhaïli  

08/02/2008 – Voyage scolaire – A la découverte du monde arabe

Créée l'an dernier, cette classe de 30 élèves suit 3 heures de cours d'arabe par semaine, en plus des 3 heures d'anglais.

C'est un succès chez les élèves mahorais qui y voient un lien avec l'Islam et découvrent dès les premiers cours que 30% du vocabulaire et des expressions en shimaore sont issues de l'arabe. C'est aussi un succès chez les m'zungus qui saisissent la chance d'étudier cette langue peu proposée par l'éducation nationale et pourtant parlée par des centaines de millions de personnes dans le monde. Véritable défi pour leur professeur Mme Romhdana Godeau, elle-même originaire de Tunisie, ce voyage scolaire a été préparé dès l'année dernière et validé par le vice-rectorat il y a à peine 15 jours.

"La Tunisie est un pays qui a conservé la francophonie, c'est un pays en majorité musulman. Il y a donc des ressemblances avec Mayotte, mais pas seulement, nous explique l'enseignante. C'est le pays le plus avancé du Maghreb, les femmes y sont libres, elles ne portent pas de voile, font des études et ont des postes à responsabilité. Je veux leur faire prendre conscience de toutes ces choses, leur montrer comment coexistent la tradition de l'Islam et la société moderne. Les jeunes mahorais sont perdus entre ces deux mondes. Ils verront aussi que les religions coexistent, le christianisme en minorité et surtout le judaïsme. Et puis il faut qu'ils voient les infrastructures, l'agriculture, l'artisanat…"

Des chameaux… et quoi d'autre ?

Un programme chargé pour un voyage qui sera le premier pour une partie des 24 jeunes voyageurs. S'ajoute bien sur la visite d'un collège local et peut-être d'un des lycées français, à la Marsa ou à Mutuelleville. Une fois déduite l'aide de la continuité territoriale, qui subventionne chaque année trois projets pour les écoles, trois pour les collèges et trois pour les lycées et paye ainsi la totalité de l'aller-retour Dzaoudzi/Marseille, le voyage revient à 700€ par personne, dont 400 sont pris en charge par le vice-rectorat, les 300 restants par les familles. L'an dernier, un dîner dansant et des ventes de gâteaux ont permis de récolter 1.700€ supplémentaires. Le collège a sollicité les services d'un organisme spécialisé dans les voyages scolaires pour l'organisation. Carthage, Sidi Bou Saïd, Tunis, Kairouan, Sousse, Nabeul, Hammamet, le Cap Bon et retour à Tunis, l'itinéraire couvre une bonne partie de la côte Est et va jusqu'au désert, là où tous espèrent découvrir des chameaux…

"Leur image du Maghreb est très négative, quand ils en ont une, déplore Mme Godeau, sinon le monde arabe ne leur évoque que l'Islam et le nom de l'Arabie Saoudite." Une image tellement floue que les jeunes ne savent pas ce qu'ils espèrent trouver là bas – à part des chameaux – mais ils restent persuadés que ce sera une fantastique expérience.
Autour de ce voyage scolaire, un PAE sur la Tunisie permettra d'approfondir le travail. Travail en français sur l'élaboration d'un carnet de voyage, en histoire/géo sur l'Islam et sa diffusion, sur la population maghrébine et son patrimoine, en arts plastiques sur l'art tunisien contemporain et la construction des mosquées et enfin, en arabe, apprentissage d'un minimum d'arabe tunisien pour se faire comprendre.

L'arabe, une langue essentielle

Au retour, le voyage et le PAE feront l'objet d'une grande exposition. L'occasion pour l'enseignante extrêmement motivée de prêcher pour sa paroisse. "L'apprentissage de l'arabe est très important pour les jeunes mahorais, ne serait-ce que pour comprendre leur religion. Même ceux qui vont à l'école coranique ne parlent pas un mot d'arabe. Leurs foundis leur font apprendre par cœur des textes qu'ils ne comprennent pas et leur livrent des interprétations parfois erronées du Coran. En parlant la langue ils pourraient comprendre par eux-mêmes et être des musulmans éclairés sur leur religion."

Cet argument n'est que le premier d'une longue liste : langue parlée et écrite par plus de 400 millions de personnes dans 23 pays, du Golfe à l'Océan, l'arabe se retrouve aussi dans le vocabulaire français, espagnol, turc et surtout swahili. Le monde arabe est le premier partenaire de la France après l'UE, les entreprises sont donc en recherche d'arabophones, et enfin apprendre la langue permet de découvrir une civilisation qui a donné le zéro, les chiffres, l'algèbre, l'astronomie, une architecture magnifique…
"Chaque année, je parcours les classes pour faire la promotion de l'arabe LV2 et de la classe bilingue et il y a des demandeurs. Les élèves sont plus intéressés que pour les langues européennes (anglais excepté, ndlr). Malheureusement ça ne fait pas partie de la politique locale. On créé plus de postes pour l'espagnol et l'allemand que pour l'arabe, alors qu'il apporterait bien plus aux élèves mahorais", tempête Mme Godeau qui quitte Mayotte à la fin de l'année, une année marquée tout de même par une victoire : la réalisation de ce voyage.

Hélène Ferkatadji

04/02/2008 – Tempête tropicale Fame – Plus de peur que de mal

"Dans l'ensemble, tout s'est bien passé, tout le monde a été sur le pont pendant 4 jours. Il faut féliciter les agents qui ont travaillé dans des conditions épouvantables, sous le vent et la pluie, pour avoir dégagé le réseau routier ou remis en état les réseaux électriques et téléphoniques", se réjouit Arnaud Gillet, directeur de la sécurité civile à la préfecture de Mayotte. En effet, le réseau routier a été praticable partout, au moins sur une voie, même si de temps à autre des glissements de terrain ont interrompu le trafic, notamment à M'tsagnougni, entre Sada et Chirongui.

La DE a été aux premières loges, EDM et France Télécom aussi, la Dass a été sollicitée pour l'évacuation d'une femme enceinte de Petite-Terre vers le CHM de Mamoudzou, avec l'aide de la gendarmerie nautique. Les pompiers ont dû faire de nombreuses interventions pour aider les sinistrés à évacuer les zones inondées, comme à Chiconi dans les environs de la place Sicotram. Dans cette même localité, un muret sur la digue a lâché et de nombreux commerces ont été inondés. D'ailleurs, le président de la Chambre de commerce et d'industrie, Serge Castel, a écrit au président du conseil général Saïd Omar Oili pour lui demander de faire un geste pour les commerçants mahorais et plus particulièrement pour ceux de Chiconi.

A travers toute l'île, des murs de soutènement, des clôtures, mais aussi des toitures ont souffert des rafales de vent et de la pluie. A Koungou la mairie a été fermée une journée à cause de difficultés d'accès. Les vœux du président du conseil général ont été reportés vendredi dernier, sans que les invités aient été tous prévenus, ni même qu'une affiche ou une personne prévienne les invités qui se succédaient à l'entrée des jardins avant de repartir. Les rencontres sportives et de nombreuses manifestations ont aussi du être reportées.

Les agriculteurs ont également souffert, puisqu'une grande partie des champs ont été touchés. Les bananiers sont les arbres qui ont le moins résisté à Fame. Le président Oili qui s'est rendu sur place à Combani avec Dani Salim dès le lundi, a proposé de débloquer une aide d'urgence de 300.000 € pour les agriculteurs. La Chambre d'agriculture est en train de mettre en place un dispositif pour recenser les dégâts en collaboration avec la Daf. Les agriculteurs mahorais demandent à ce que la solidarité nationale joue, comme c'est le cas dans les Dom après un cyclone.

 

Chapeau pour les équipes techniques

La police et la gendarmerie, en collaboration avec le STM, ont dû procéder au renflouement d'un amphidrome échoué sur le platier des Badamiers et dont les amarres ont lâché en rade de Dzaoudzi.
Côté aérien, les vols de jeudi et de samedi de la compagnie Air Austral n'ont pu atterrir à Pamandzi, ce qui a conduit la compagnie à loger les passagers en correspondance à la Réunion et ceux qui n'avaient pas de famille à Mayotte. "Le temps est en cause, mais il nous a fallu tenir compte de l'interruption des barges. Les passagers de Grande-Terre n'auraient pas pu venir et ceux arrivés en Petite-Terre y seraient bloqués", explique Didier Salaün, directeur d'Air Austral à Mayotte.
Kenya Airways a pu faire atterrir son avion samedi, mais pour M. Salim, directeur de l'agence de la compagnie kenyane, cela n'aura pas forcément été une bonne opération. "Il n'y avait pas de barge, par conséquent le vol est reparti à vide. Les passagers ont été reroutés sur le vol de mardi et jeudi (hier)", affirme M. Salim.
Selon Arnaud Gillet, les glissements de terrain ont été observés sur l'ensemble du territoire. Les secteurs de Sada et M'tzamboro ont plus souffert des coupures d'électricité et de téléphone que les autres, mais les coupures n'ont jamais été de longues durées fait savoir le directeur de la sécurité civile. Celui-ci félicite aussi les Mahorais dans leur ensemble qui ont suivi les consignes de vigilance avant et pendant la tempête. "Cela prouve que les messages de prévention sont passés. Les consignes d'élagage d'EDM et France Télécom ont été suivies, les parents n'ont pas laissé leurs enfants près des cours d'eau, personne n'est sorti pendant la vigilance cyclonique et une seule personne a failli se noyer à Miréréni, mais des habitants l'ont sauvée", conclut Arnaud Gillet.
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Que d'eau, que d'eau

Les pluies qui ont précédé la grosse tempête de vendredi à samedi ont été plus qu'abondantes. Météo France a enregistré à divers endroits de l'île plus de 200 mm d'eau en 24 heures, ce qui correspond selon Noël Carton, chef de service de Météo France à un mois de précipitation en janvier.
"Janvier est le mois le plus pluvieux de l'année à Mayotte. Certains records ont été battus, notamment à Bandrélé et Dembéni où il n'avait pas autant plu depuis 1986 et 1994", explique M. Carton. Les équipes de Météo France ont été mobilisées pendant les quatre jours de tempête, faisant des points réguliers, matins et après-midis, mais aussi à tout moment, à la demande de la cellule de crise. Noël Carton se réjouit que les Mahorais n'aient pas pris de risques inconsidérés durant cette période et que le bilan humain ne compte aucune victime.

Faïd Souhalï

UNE Mayotte Hebdo N°366 – Vendredi 01 février 2008

UNE Mayotte Hebdo N°366 - Vendredi 01 février 2008

Entretien avec la Préfet: Départementalisation, Droit commun, Code de la consommation, Contrat de projet, PADD, Immigration clandestine

"Je veux être clair avec las Mahorais"

 > Intempéries – fame nous a bien arrosé !
 > Justice – agression sexuelle, 5 ans de prison
 >
Anjouan – dans l'attente du débarquement

UNE Mayotte Hebdo N°365 – Vendredi 25 janvier 2008

UNE Mayotte Hebdo N°365 - Vendredi 25 janvier 2008

Violences en Petite Terre

Des jeunes s'affrontent

 > Elections cantonales – nouveau code électoral
 > Lagon – un parc marin à l'horizon
 >
Déchets – où vont nos poubelles ?

25/01/2008 – Maalesh : « Je ne changerai pas pour être plus vendable »

Tounda : 2008 s'annonce comme une bonne année…
Maalesh : Peut-être même la meilleure depuis longtemps ! Elle commence à Mayotte, ce qui est toujours plaisant, et se poursuit à Zanzibar où je participe à un festival, du 8 au 11 février, en tant que tête d'affiche, aux côtés d'artistes de Tahiti, du Mali, de Mauritanie… C'est là que tout commence, que nous serons vraiment dans la tournée du prix Musiques océan indien. Ça me plait que Zanzibar soit le point de départ, c'est d'Afrique de l'Est que je viens puisque ma mère est Ougandaise. On y parle swahili et anglais, langues que je chante et que je parle.

Tounda : Après Zanzibar comment va s'organiser votre année ?
Maalesh : Après ce festival je retourne à Moroni, avant de m'envoler pour Nantes terminer le mixage de mon dernier album, "Yéléla" ("Flotter"), interrompu par mon voyage à la Réunion pour récupérer le prix. Je suis en train de faire la jaquette avec l'aide de Cécile (Pélourdeau, directrice de l'école de musique, ndlr). Nous traduisons en partie les chansons pour donner une idée de ce dont elles parlent. En avril je repars à la Réunion jouer au festival Arkenciel à St Gilles. J'y retournerai en mai pour Réunion en scène à St Leu. Ensuite ce sera la tournée des festivals en France : Musiques Métisses d'Angoulême, Francofolies de La Rochelle, et la Fiesta des Suds à Marseille. Puis ce seront les rencontres d'Astaffort, une sorte d'atelier.
A côté de tout ça il y a un gros travail de promotion qui est prévu, c'est ça dont j'ai le plus besoin. Jusqu'ici la notoriété du groupe et la vente des albums se sont toujours faits par le bouche à oreille. Mes tournées étaient beaucoup organisées par mon épouse Marie-Ange et par mes amis. J'espère avoir maintenant l'occasion de trouver un bon tourneur ou un manager, que ce prix m'ouvre les portes d'un monde que je ne maîtrise pas assez, fait de paperasses et de démarches diverses, d'internet, etc.… Je vois dans ce prix une réelle occasion d'élargir ma carrière, tout en restant moi-même, je ne changerai pas pour être plus "vendable".

Tounda : Qu'est ce qui vous a amené à postuler à ce prix ?
Maalesh : C'est Cécile qui m'a parlé de ce prix, je n'étais pas du tout au courant. Ce n'est pas la première fois que je gagne un prix, j'ai remporté en 1995 le prix de la découverte RFI, qui a été suivi d'une tournée en Europe l'année suivante. Mais comme je n'avais pas encore de CD, je n'avais rien à proposer au public à la fin des concerts. En 1998 au moment de la sortie de "Wassi Wassi" j'ai fait une grande tournée en Afrique de l'Est et Australe, mais je n'avais pas encore d'exemplaires du CD, j'étais toujours handicapé par ce manque, il me manquait quelqu'un pour gérer sa distribution. D'ailleurs, le label a fait faillite en 2001 et l'album a donc été très peu diffusé. La même année j'ai remporté un autre prix qui devait m'offrir une grande tournée au Canada, elle n'a jamais eu lieu et de là où j'étais, à Moroni, j'avais peu de moyen de réclamer mon dû. J'ai également été remarqué en 2003 lors d'un festival à Amsterdam. Tout ceci témoigne d'une reconnaissance de mon travail, mais il a toujours manqué quelque chose derrière, pour pérenniser ces victoires. Je pensais qu'un nouveau prix était inutile, d'autant que beaucoup s'adressent à des jeunes, comme si nous autres quadras étions déjà finis. Mais dans le dossier de candidature Cécile et Marie-Ange ont expliqué ma situation, mon besoin d'avoir quelqu'un pour organiser ma carrière, et à ma grande surprise, j'ai gagné (face à 93 autres candidatures, ndlr).
Je pense que cette victoire peut m'apporter ce qui me manque. En avril mon album devrait sortir, je pourrai donc enfin vendre quelque chose à la fin des concerts, c'est important pour rester dans la mémoire du public, et pour vivre aussi bien entendu. Je suis content car je vois le temps qui passe et je ne veux pas faire comme tous ceux qui partent vivre en France dans l'espoir de plus de débouchés. Je suis bien chez moi, je veux continuer à m'inspirer de mon pays et de mes rencontres pour travailler. J'ai besoin de moins d'argent que si je vivais en France, je peux m'occuper de mes enfants… Toutes ces choses sont importantes.

Tounda : Que nous promet le nouvel album ?
Maalesh : Plein de choses ! Des invités : un excellent flûtiste, un violoncelliste, une choriste… Une chanson pour la libération d'Anjouan, et je vous invite à découvrir le reste en avril…

25/01/2008 – Des élèves journalistes : une semaine de la presse pleine de promesses

Mayotte Hebdo est l’hebdomadaire de Mayotte qui a la vie la plus longue, huit ans en mars prochain. Il est pourtant difficile, ici comme en Métropole, de survivre car il faut affronter des difficultés économiques plus importantes encore ici, liées à un lectorat réduit, donc des frais d'impression très élevé, et un marché publicitaire limité et très sollicité par de nombreux supports : présence de gratuits envahissants et grands consommateurs de publicité, radio et télé publiques eux aussi très friands de publicité malgré les fonds publics conséquents dont ils disposent… La tâche est donc ardue pour les journaux afin de réussir à séduire un public peu enclin à la lecture, malgré son importance dans la vie de la démocratie et la vie économique et sociale locale ! L’enjeu de cette journée est donc de taille : aider les enseignants à sensibiliser leurs élèves à la lecture et à l’écriture journalistique.
 
 

Le module "Presse à Mayotte" : un outil précieux pour les enseignants

Armés d’un module "Presse à Mayotte" conçu par le coordinateur de l’action, Yves Busière, les enseignants pourront livrer bataille en faveur de ce média qui mérite une bien plus large attention et qui est un formidable outil pédagogique. Une vraie mine d’or pour une pédagogie active de la classe à partir de fiches pratiques déclinées en six thèmes de travail : connaître la presse en feuilletant des hebdomadaires de la presse à Mayotte, étudier la Une, comprendre la hiérarchisation de l’information, comprendre le rôle de l’image, découvrir la place et la composition d’un article… autant d’activités qui permettront aux élèves, futurs journalistes en herbe, de s’initier aux règles particulières de l’écriture journalistique.
Pour pouvoir travailler en groupes dans les classes, chaque enseignant stagiaire est reparti avec un paquet de plusieurs dizaines d’invendus de Mayotte Hebdo et du Mawana, tous deux partenaires de cette action.
"Les élèves doivent comprendre la manière dont l’information est traitée et dont un journal est conçu. Ils doivent savoir que des choix sont faits par la rédaction d’un journal. C’est un moyen de développer leur esprit critique", a déclaré Y. Busière au cours de la présentation du module, en début de matinée.
En effet, pendant plus de deux heures, chaque stagiaire s’est retrouvé en situation d’élève avec les conseils professionnels de Rafik, rédacteur en chef du Tounda. Mme Magoma, professeur de lettres au collège de Doujani, a pu faire part à ses collègues de son expérience de l’exploitation du module "Presse à Mayotte" au travers d’un projet d’action éducative (PAE) qu’elle mène actuellement avec deux classes de 4e.

 

Un dossier spécial pour les articles des élèves

En fin de matinée Soldat, directeur de la rédaction de Mayotte Hebdo, a éclairé les enseignants sur le fragile équilibre financier de la presse à Mayotte. "A Mayotte, les difficultés de la presse viennent de la petite taille du lectorat", a-t-il déclaré. L’absence de rotative sur l’île oblige les imprimeurs à utiliser un papier "de luxe", ce qui rend le coût de l'impression élevé. Les frais d'impression se montent ainsi à près de 50% des dépenses totales du journal, contre 20 à 30% en Métropole ou à la Réunion ! Le prix de vente du journal couvre ainsi tout juste la facture de l'imprimeur. Les ressources pour assurer les salaires des journalistes et toutes les autres dépenses proviennent donc essentiellement de la publicité, mais beaucoup d'autres entreprises essayent de capter ces investissements, fragilisant ainsi la presse locale.
Tout cet éclairage sur la situation de la presse à Mayotte a suscité l’intérêt de tous, a provoqué des questions et entraîné des débats.
Grâce à un partenariat entre la presse locale, le CDP et l'Education nationale, les articles que vont écrire les élèves pendant la Semaine de la presse seront édités par le CDP et feront l’objet d’un cahier spécial pour les 14 établissements engagés dans cette action : les lycées de Kahani, Mamoudzou, Petite Terre et Chirongui; les collèges de Chiconi, Doujani, Kani-Kéli, Labattoir, M’gombani, M'tsangamouji, Pamandzi, Sada, Tsimkoura et Tsingoni.
L’objectif de toutes les équipes est une publication pendant la 19ème Semaine de la presse dans l’école, prévue du 17 au 21 mars prochains. Le pari est lancé : savoir qu’ils vont être lus va motiver les élèves, les amener à des exigences d’écriture et les rendre acteurs de leurs apprentissages. Ce seront les lecteurs qui diront s’il a été gagné.

Les enseignants stagiaires
 

UNE Mayotte Hebdo N°364 – Vendredi 18 janvier 2008

UNE Mayotte Hebdo N°364 - Vendredi 18 janvier 2008

La poste en grève

Kavou courrier na colis

 > Elections cantonales – la relève à mamoudzou 3
 > Magazine – découverte d’un requin crocodile
 >
Justice – 12 ans de réclusion pour l’oncle tortionnaire
 > Croisières – le nouveau filon du tourisme mahorais

 

18/01/2008 – Les Léos de Mayotte rénovent une école malgache

Plus de 100 élèves par classes, odeurs de moisissures et d'eau croupie, pas d'éclairage, un manque cruel d'enseignants et aucune fourniture scolaire pour ces enfants qui viennent de famille extrêmement défavorisées. Malgré ces conditions inimaginables, le taux de réussite aux examens de fin d'année est de 90%, un résultat qui montre la détermination des enseignants et de leurs élèves.

Une situation qui n'a pas manqué d'émouvoir les Léos, d'autant que certains d'entre eux sont d'origine malgache. Le Club, qui regroupe 27 membres, lycéens pour la plupart, a donc pris contact avec le Léo Club de Tananarive pour faire établir un devis des travaux de réfection du bâtiment. Les frais s'élèvent à 12.000€.
"Dans un premier temps l'école va recevoir un chèque de 1.000€, somme que possède actuellement le Léo Club, pour l'achat de fournitures scolaires, annonce Jean-Louis Rigot, parrain du Club. Le 13 février je me rend avec d'autres Lions à Tananarive pour rencontrer notre président international, je leur remettrai la somme. Si nous avions obtenu une subvention j'aurai pu emmener avec moi 8 Léos."

 

Un concert pour collecter des fonds

Une subvention qui a été demandée il y a déjà 11 mois au conseil général, dans le but justement de faire des voyages qui permettront une collaboration entre Léo Clubs de la région. Passé de bureaux en bureaux, le dossier n'a toujours pas été examiné en commission. "Comment faire ressentir à ces jeunes le côté international du Lions Club s'ils n'ont pas la possibilité de se déplacer ?", se désole le parrain.
Pour atteindre la totalité de la somme requise, les jeunes organisent le 22 février un concert dans l'hémicycle du conseil général, mis à leur disposition gratuitement, qui regroupera chorales et artistes malgaches. D'autres évènements destinés à collecter des fonds seront mis en place les mois suivants.
Ils bénéficieront également de l'aide du Léo Club de Cannes, dont l'un des membres est le frère de la présidente des Léos de Mayotte, qui collecteront des fonds de leur côté. En mars, lors du congrès du Lions Club, plusieurs membres se rendront à Madagascar et donneront, si tout se passe bien, un nouveau chèque à l'école.
Fidèles à la devise du Lions Club, "we serve" ("nous servons"), les Léos de Mayotte espèrent collecter suffisamment de fonds pour permettre à ces enfants de travailler dans des conditions décentes d'ici quelques mois, et montrer les possibilités d'action de l'association qui est présente partout dans le monde.
Hélène Ferkatadji

 

18/01/2008 – Un requin crocodile à Mayotte !

La bête, d’un mètre de longueur environ, a été capturée accidentellement par Fabien Fridericci, pêcheur professionnel. Celui-ci a immédiatement alerté la direction de l'environnement du conseil général qui l'a récupéré. L'expertise de Jérémy Kiszka (chargé de recherche de la DEDD et doctorant de l’Université de La Rochelle) a permis de déterminer qu'il s'agissait d'un requin crocodile (Pseudocarcharias kamoharai), espèce rarissime dans le monde et dont les exemplaires sont très recherchés par les muséums d’histoire naturelle.

Il s’agit d’un requin vivant en eaux profondes, jusque 300 mètres environ, ce qui permet de comprendre les raisons de sa morphologie particulière, notamment la taille importante de ses yeux. Le requin crocodile capturé dans les eaux de Mayotte a été photographié puis placé en congélation pour examen plus complet ultérieur. La nouvelle a fait rapidement le tour de l'île : "je reçois chaque jour des appels de gens qui veulent le voir !", raconte M. Kiszka. Le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris a été contacté pour signaler la capture de cet animal. Le responsable du département d’ichtyologie, le Dr. Bernard Séret, a proposé que le spécimen leur soit envoyé pour sa mise en collection. Pour l’heure, le requin demeure dans les locaux du conseil général mais il est pratiquement sûr que le Muséum en héritera, après envoi à divers laboratoires d'échantillons pour étude.

 

Des particularités très utiles pour la médecine

Caractéristique intéressante de cet animal, la richesse de son foie en squalène, un lipide également présent dans le sébum humain, mais aussi par exemple dans l’huile d’olive, et très utile pour la diminution du cholestérol. Cette substance a des propriétés avérées dans la cicatrisation des plaies, dans le traitement de nombreuses maladies et de manière générale dans le renforcement du système immunitaire. L'étude approfondie de cet animal laisse ainsi entrevoir certaines perspectives intéressantes pour la médecine humaine.
La direction de l’environnement tient à souligner l'importance du partenariat entre professionnels de la mer (comme c’est le cas avec M. Fridericci), présents en permanence sur le terrain, et ses services pour une meilleure connaissance et pour la préservation de l’exceptionnel patrimoine naturel de Mayotte.

 

Caractéristiques du requin crocodile

Ordre des lamniformes
Famille des Pseudocarcharias (seule espèce)
Aspect : Son nom lui vient de ses dents proéminentes, étroites et cuspidées. Le requin crocodile est un animal océanique de petite taille, au corps fusiforme, aux yeux énormes. Le museau est allongé, pointu et conique, les mâchoires protractiles. Les fentes branchiales sont de grandes dimensions. Cet animal possède des fossettes précaudales et des carènes caudales latérales surbaissées. La nageoire caudale, asymétrique et courte, présente un lobe ventral de longueur modérée.
Taille : Longueur maximale d'environ un mètre.
Habitat : Surtout en plein océan et au large des eaux continentales.
Distribution : Par endroits, dans l'Atlantique est, dans l'océan Indien ouest, dans le Pacifique nord-ouest, dans le Pacifique central et Est.
Reproduction : Quatre jeunes par portée.
Alimentation : Poissons osseux pélagiques, calmars et crustacés.
Hélène Ferkatadji
Avec Jérémy Kiszka

 

Janvier 2008 – Société – Une nouvelle classe dominante

"Ce terme est apparu pour désigner les personnes haut placées dans la société, mais qui n'étaient pas dans l'aristocratie. Elles occupaient leurs positions sociales par leur activité : commerçants, avocats, médecins… Ce sont des citadins qui ne connaissaient rien au monde rural. Ils ne doivent pas leurs positions à leur naissance", décrit le sociologue David Guyot.
Pour Saïd Ahamadi dit Raos, maire de Koungou et auteur d'ouvrages sur l'histoire de Mayotte, la référence à la bourgeoisie entraîne forcément le renvoi à la noblesse. "Les bourgeois aspirent aux mêmes privilèges que ceux des nobles", avance-t-il. Cependant, le contexte mahorais est différent des conditions moyenâgeuses et il convient d'être prudent quant à l'emploi du terme bourgeois. Aujourd'hui, la définition la plus connue est celle qui a été définie par Karl Marx et Friedrich Engels dans leur Manifeste du parti communiste.

"La condition essentielle d’existence et de suprématie pour la classe bourgeoise est l’accumulation de la richesse dans des mains privées, la formation et l’accroissement du capital; la condition du capital est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux", décrivent-ils dans la première partie de leur Manifeste intitulée "Bourgeois et prolétaires".

Les bourgeois mahorais sont ceux qui occupent des fonctions de cadres, de chefs d'entreprise, d'élus ou même d'instituteurs

Cette définition, à connotation négative, de la bourgeoisie a parcouru les années et bien que la Guerre froide soit terminée, peu de gens acceptent l'étiquette de "bourge' ". Dans la société mahoraise, il est également difficile de transposer telle quelle cette analyse, car Mayotte ne s'est ouverte à l'industrie que récemment. De plus, le secteur secondaire pèse moins en terme de salariés que le secteur tertiaire dont les conditions de travail ne sont pas identiques, même si l'on retrouve beaucoup de revendications similaires. Pour savoir vraiment ce qu'on entend par bourgeoisie mahoraise aujourd'hui, il est nécessaire d'avoir un aperçu de la société mahoraise depuis l'époque fani jusqu'à la période contemporaine (voir encadré).
Aujourd'hui, ces classes sociales sont plus difficiles à distinguer, car au fil des années, de plus en plus d'autochtones ont eu accès à l'école et ont donc pu s'extirper de ce schéma social. Actuellement, les bourgeois mahorais sont ceux qui occupent des fonctions de cadres, de chefs d'entreprise, d'élus ou même d'instituteurs. Pour Raos, une grande partie d'entre eux doit sa position privilégiée à la propriété foncière. "Des gens comme mon père ont travaillé à la Bambao et ont pu mettre de l'argent de côté. C'est avec cela qu'ils ont racheté des terrains à cette société. Ensuite, ils ont pu construire en dur, contrairement aux autres qui avaient des habitations de type végétal", raconte le maire de Koungou. Un argument qui est confirmé par David Guyot.
Au cours de diverses enquêtes, ce sociologue qui travaille depuis des années sur Mayotte a eu connaissance d'un certain nombre d'anciens militaires qui se sont vus attribuer des "cadeaux fonciers" en retour de services rendus à la patrie et qui par la suite sont devenus des personnages respectés dans leurs villages.

 

Les notables et l'école de la République

Raos définit deux catégories de bourgeois qui naissent dans les années 60. La première est la bourgeoisie pro indépendantiste très impliquée au sein du Pasoco (Parti socialiste des Comores) et basée dans le quartier de M'balamanga à M'tsapéré. Ses membres occupaient des places de choix dans l'administration comorienne et avaient eu la chance d'aller à l'école. La seconde est la classe profrançaise dont le symbole serait le MPM et son chef de file Younoussa Bamana, elle aussi scolarisée à l'école de la République.
Un autre élément très important a favorisé l'émergence d'une classe aisée à Mayotte : le salariat. Pendant de nombreuses années, les revenus des Mahorais dépendaient du travail agricole et des récoltes. La plupart du temps, la production était d'abord destinée à la consommation familiale et c'est seulement le surplus qui était échangé ou vendu à des personnes différentes. Mais dès les années 1975-1976 avec les instituteurs et la mise en place d'institutions locales, puis au début des années 80, les communes et le conseil général ont recruté de plus en plus de salariés, d'autres administrations ont fait de même.
"Les gens ont pu avoir pour la première fois accès à un travail stable rémunéré en numéraire. Cette classe a pu capitaliser et commencer à faire des projets, à se constituer un patrimoine", explique David Guyot. D'ailleurs, celui-ci raconte les quiproquos que ce genre de situations a pu provoquer auprès de fonctionnaires "expatriés" à Mayotte.

 

Naissance de la bourgeoisie dans les années 1980

"Les dames qui travaillaient à la DE en tant que femmes de ménage étaient des bourgeoises dans les années 80. Elles avaient certes un faible capital scolaire, mais étaient de grandes familles et avaient donc une influence importante dans leurs quartiers ou villages, surtout si elles combinaient leur emploi salarié à une fonction de maître coranique. Elles ont obtenu ces emplois grâce à leurs maris, frères ou oncles qui eux avaient été plus loin dans leur scolarité. L'administration n'a rien vu de tout ça. C'est un peu comme l'éducation nationale qui s'adresse aux instituteurs comme à des ouvriers du savoir. C'est une erreur fondamentale, car ces instituteurs sont très nombreux dans la sphère politique et pour beaucoup forment la bourgeoisie mahoraise".
Toutefois, cette bourgeoisie est qualifiée de "petite" bourgeoisie par le sénateur Soibahaddine Ibrahim Ramadani. En effet, il y a encore très peu de hauts fonctionnaires d'État, dans l'Éducation nationale, dans la justice ou PDG d'une grande société. Pour l'instant, la catégorie la plus élevée concerne des chefs de service dans l'administration, dans certaines entreprises et des patrons de PME.
En ce qui concerne le mode de vie, les bourgeois disposent aujourd'hui d'un patrimoine important. "Cela donne des pouvoirs que le citoyen ordinaire n'a pas", résume Soibahaddine Ibrahim Ramadani. Raos se veut plus prolixe sur le quotidien de cette catégorie de Mahorais.

 

Le foncier comme première source de richesse

"Pour la plupart, ils ont une maison conçue selon le modèle européen, avec une cour fermée en dur et plus de pièces que les maisons traditionnelles – qui en avaient 2. L'intérieur aussi est façonné à l'occidentale, ils ont des grands salons avec télé, lecteur DVD, mini-chaîne, bouquet satellite. Dans la cuisine, il y a des éviers, des armoires de rangement, un ou plusieurs congélateurs, un frigo. Le chauffe-eau est courant, la machine à laver aussi et le couple a au moins un véhicule. Souvent, ces personnes ont une maison secondaire qu'elles mettent en location", analyse le maire de Koungou.
Si aujourd'hui, il est difficile de distinguer la noblesse de la bourgeoisie et que cette dernière catégorie semble avoir les clés pour diriger la société mahoraise, quelques codes anciens subsistent. En effet, auparavant, les nobles avaient certains avantages, mais ils n'étaient pas les seuls. Les notables étaient ceux qui régentaient la vie sociale des villages et de l'ensemble de l'île. Toutes les grandes décisions ne pouvaient être prises sans qu'ils aient été consultés.
Leur statut était dû principalement à leur savoir religieux. "Mon père était un notable respecté à Koungou. C'était un grand fundi religieux en plus d'être un propriétaire terrien. Je n'ai jamais manqué de quoi que ce soit, mais nous étions d'une famille modeste", concède Raos tout en s'incluant dans cette bourgeoisie. Ce pouvoir spirituel a été conservé et il est observable notamment lors de la grande prière du vendredi.

"Les descendants d'esclaves parvenus à une certaine aisance financière ont du mal à s'introduire dans certains milieux"

"À Pamandzi, selon qui vous êtes vous ne pouvez pas vous asseoir n'importe où", affirme David Guyot. Soibahaddine Ibrahim Ramadani de son côté confirme le même phénomène dans le cadre des alliances matrimoniales. "Les descendants d'esclaves parvenus à une certaine aisance financière ont du mal à s'introduire dans certains milieux. C'est difficile d'y rentrer à Sada, Tsingoni, Pamandzi Hachiwawa, Bandrélé et M'tzamboro. Les gens disent "Kari tsaha ra tsangana, iyo damu ya peu" ("On ne veut pas se mélanger, ils ont du mauvais sang"). On ne se marie pas avec n'importe qui. Les rois en Europe faisaient la même chose et ne mariaient leurs enfants qu'entre eux", affirme Soibahaddine Ibrahim Ramadani.
"Je connais des hommes qui ont subi des pressions familiales pour faire un "bon" mariage. Mais cela mène à des dispositions schizophréniques, car ces mêmes hommes ont une femme mahoraise et une maîtresse anjouanaise, la femme de la raison et la femme de cœur", développe David Guyot.
Bien que la situation diffère quelque peu de Mayotte, ce genre de prescriptions et d'interdictions (notamment celle concernant le anda, le grand mariage) régissant la vie en Grande Comore est bien décrit par Sultan Chouzour dans son ouvrage "Le pouvoir de l'honneur" paru chez L'Harmattan en 1994.
Aujourd'hui, certains admettent que les élus politiques, les instituteurs ou les acteurs du monde associatif possèdent une aura semblable à celle des notables traditionnels (fundi, cadis) et que ces deux mondes sont parfois en conflit pour user de leur influence dans la vie quotidienne des Mahorais.

"Les notables traditionnels sont plus âgés, ils sont respectés pour leur sagesse et parce qu'ils font basculer les élections"

"Les notables d'aujourd'hui sont de plus en plus jeunes et ont de plus en plus de moyens matériels. Les notables traditionnels sont plus âgés, ils sont respectés pour leur sagesse et parce qu'ils font basculer les élections", indique le sénateur. "Si quelqu'un est riche, cela ne signifie pas forcément qu'il gagnera une élection. Il faut connaître les mécanismes sociaux de la société mahoraise. Autrefois, tout fonctionnait de façon clanique, c'est un peu le cas à Sada, Pamandzi et Tsingoni aujourd'hui. Ailleurs, on est plus libre. En 1997, qui aurait pu deviner que je deviendrais un jour maire de Koungou ? Cette année, si Mansour Kamardine a perdu, ce n'est pas parce qu'il n'a rien fait. C'est parce qu'il n'était pas soutenu par les notables et qu'il était qualifié de mécréant, alors qu'Abdoulatifou Aly était considéré comme le candidat de la préservation de l'islam", avance de son côté Raos.
Si la bourgeoisie mahoraise s'affirme au point d'absorber l'ancienne noblesse de l'île, malgré l'absence d'un prolétariat (qui est cependant en train de voir le jour selon David Guyot), elle est néanmoins en position de lutte contre une catégorie d'individus : le muzungu. "Pour moi, la noblesse à laquelle s'oppose la bourgeoisie d'aujourd'hui, ce serait les wazungu "expatriés" fonctionnaires de l'État. Ce sont eux qui assument les postes de direction ou d'encadrement des administrations d'État ou du conseil général. Il en est de même pour les grandes entreprises. Ce sont ces postes-là que les Mahorais aspirent à accéder un jour", précise Raos.
Ainsi lorsque des employés mahorais subissent des discriminations de supérieurs mahorais, la revendication est moins marquée qu'en cas de présence d'un chef muzungu. "Du fait des positions, la discrimination est plus mal vécue quand le patron est blanc", observe Soibahaddine Ibrahim Ramadani.

 

Les Indo-Pakistanais, bourgeois mais musulmans "et surtout ils ne font pas de politique"…

Un ressentiment qui est beaucoup moins accentué envers la communauté indo-pakistanaise. Ceux-ci pour la plupart ont tous de bonnes situations, sont dans le commerce et pourraient eux aussi être qualifiés de bourgeois selon les définitions citées plus haut. Leur installation est ancienne sur notre île et ils parlent le shimaore ou le kibushi.
"Ils ont une connaissance de la culture des autres. Même si parfois les comportements envers les Mahorais peuvent être durs, ils sont respectés, car ils respectent les habitudes des Mahorais. Ils font des cadeaux pour le jour de l'Ide, participent aux enterrements et cotisent pour l'organisation des obsèques. Ce sont des gens puissants qui ne sont pas considérés comme des cibles", perçoit David Guyot.
Pour Raos, deux aspects fondamentaux jouent en faveur des Indo-Pakistanais. "Ils sont musulmans pour la majorité d'entre eux, comme les Mahorais, ils parlent les langues de Mayotte, ce sont des Mahorais. Et surtout, ils ne font pas de politique", lance le maire de Koungou. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas influents, au contraire.
Mais désormais les élus mahorais sont les premiers décideurs de la politique à mener à Mayotte et les forces économiques, quelles que soient leurs origines, doivent composer avec cette partie de la bourgeoisie mahoraise pour faire avancer leurs projets.

Faïd Souhaïli
 


L'évolution historique des classes sociales mahoraises
Le sultan, les villageois et les esclaves

Du 13e siècle à la fin du 15e siècle, la vie se fait en communauté. L'individu n'est rien, on n'existe que par le groupe. Chaque groupe (qui peut s'étendre à plusieurs villages) est dirigé par un fani. Celui-ci doit être d'un certain âge, avoir une connaissance en matière d'islam et être reconnu par ses pairs. "Dans la mémoire collective, c'est cette époque qui semble avoir été retenue dans l'histoire orale", fait remarquer Soibahaddine Ibrahim Ramadani, sénateur de Mayotte et auteur de plusieurs recherches sur la société mahoraise.
Puis arrive l'époque du sultanat qui s'étendra du 16e siècle à la seconde moitié du 19e. "C'est à cette période que se fait l'institution des différenciations sociales, en fonction de la détention du pouvoir politique, de la terre et des esclaves", explique Soibahaddine Ibrahim Ramadani.
La classe la plus haute était celle des Wafaume ("les rois" en shimaore), qui formaient l'aristocratie mahoraise. Faisaient partie de cette classe le souverain et sa cour qui vivaient dans son enceinte à M'tzamboro, puis à Tsingoni et enfin à Dzaoudzi. Les Wafaume détiennent également un pan du négoce qui se fait principalement avec les principaux ports de l'aire swahilie – Zanzibar et Dar Es Salaam pour les esclaves – mais aussi avec l'Hadramaout pour d'autres produits.

 

Kabaila, "les ancêtres des entrepreneurs"

En descendant dans la hiérarchie des catégories sociales, nous avons les Kabaila ou Wangwana. "Ils ne faisaient pas partie de la noblesse royale, mais n'étaient pas non plus des esclaves, c'était des hommes libres, vivant essentiellement du commerce", précise le sénateur. Cette définition semble se rapprocher en tout point de celle de la bourgeoise européenne donnée par David Guyot.
Les Kabaila possédaient des boutres et les Wafaume faisaient appel à eux pour le commerce d'esclaves, venus du Mozambique et du Zimbabwe. "Ils ont développé l'initiative privée, ce sont en quelque sorte les ancêtres des entrepreneurs", indique le sénateur. Certains d'entre eux s'affirmaient dans la religion sans pour autant occuper la position d'imam.
Puis il y avait les Watrani, des paysans sans terre qui étaient réduits à cultiver des bouts de terrain appartenant aux Wafaume, moyennant l'uchuru : une rente en nature, souvent une partie de la récolte. Enfin, tout en bas de l'échelle, les esclaves ou Warumwa. Ils étaient destinés à la cour du roi, à la culture des propriétés royales ou à la vente.

 

Les Kabaila commercent, achètent des terres et envoient leurs enfants à l'école de la République

Toute cette organisation va être bousculée à l'ère coloniale. Les Wafaume vont voir leur pouvoir confisqué par les colons. Ils n'auront plus d'avantage politique, l'essentiel des terres sera accaparé par des colons pour en faire un espace de culture capable de rivaliser avec les Antilles françaises et la Réunion. Ses acquis économiques disparaissent d'autant plus que l'abolition de l'esclavage contribue à la perte de leur capital travail, à savoir les esclaves.
Toutefois, si la richesse matérielle s'amenuise, les nobles mahorais gardent tout leur prestige sur le plan intellectuel. "Les lettrés, les cadis, fundis étaient des Wafaume. Même en situation de paupérisation matérielle, ils jouissent d'une origine réputée noble, ils se prévalent d'être des Mazarifi ("Sharif" au singulier) : des descendants du Prophète. Ce sont des gens respectés, des notables dans leurs villages et qui conservent le pouvoir spirituel et intellectuel", continue le sénateur.
Bien intégrés à la localité, les Wafaume participent à toutes les activités traditionnelles des toirikat (confréries) avec les mulidi. Il y a aussi les mariages, circoncisions, grandes réunions de villages, etc. L'arrivée puis le déclin du système colonial va être profitable dans une certaine mesure aux Kabaila.
"Le réseau swahili décline et les partenaires commerciaux deviennent occidentaux. Ils vont s'affirmer à trois niveaux. Tout d'abord, ce seront les premiers à envoyer leurs enfants à l'école républicaine. La noblesse s'y refusait puisqu'elle était très musulmane et à ses yeux l'école française était l'école des catholiques. Ensuite, les Kabaila avaient des économies et ont acheté des terres partout où ils le pouvaient dès la seconde moitié du 19e siècle, à Coconi, Kangani, M'ronabéja, etc. Enfin, ils ont ouvert des boutiques qui au fil du temps sont devenues de plus en plus grandes", décrit Soibahaddine Ibrahim Ramadani.
Désormais, par leur richesse et leur prestige ils concurrencent les nobles, dont ils cherchent parfois à acquérir le statut. Certains mariages y participent. Les esclaves et les Watrani eux ne devront leur ascension sociale qu'à l'éducation.

 



Plus on est blanc, plus on est noble

Mayotte a beau faire partie de l'archipel des Comores et par conséquent du continent africain, à cause de ces différenciations sociales liées à la religion certains Mahorais renient leur africanité, au point qu'ils utilisent le substantif "Africain" – comme les Britanniques utilisent le nom d'"Européen" – pour désigner les continentaux.
"Il existe une généalogie imaginaire dans l'esprit de certains Mahorais. Ils s'inventent des ancêtres shiraziens ou arabes. Ceux-ci avaient la peau claire et étaient soient des nobles, soit des bourgeois, au contraire des esclaves qui étaient noirs", explique David Guyot. Cette différenciation est encore très marquée en Grande Comore et dans les deux médinas "arabes" d'Anjouan : à Mutsamudu et Domoni. Les "esclaves", eux, sont conservés aux champs. A Mayotte, la très faible implantation de Shiraziens (à Tsingoni principalement), la forte population d'origine malgache et l'implantation française de longue date avec ses écoles, contrairement aux trois autres îles de l'archipel, ont conduit à affaiblir ces distinctions de classes sociales, toutefois encore vivaces.
"Aujourd'hui, il y a un phénomène phénotypique qui pousse les femmes à tout faire pour ne pas noircir leur peau. Maintenir la couleur claire, c'est maintenir sa lignée et sa position sociale. Certains, surtout dans les classes les moins aisées, pensent qu'on peut y arriver par un raccourci de l'Histoire en épousant un homme ou une femme muzungu. Dans la bourgeoisie c'est rare, et si tel est le cas c'est la femme qui est blanche. Un mariage se fait généralement dans la même 'tribu' sociale, mais également dans la même 'tribu' raciale", rappelle David Guyot.
Comme dans de nombreux autres territoires, les mariages se sont ainsi longtemps réalisés entre membres de "grandes familles", avec les soucis de consanguinité qui sont apparus étant donné la petite taille de l'île. Quand aux mariages mixtes, bien d'autres raisons les expliquent, notamment l'amour.
Et si le mariage n'aboutit pas, il reste encore la solution du pandalao et autres crèmes "cosmétiques" qui éclaircissent la peau, mais celles-ci peuvent causer de graves pathologies cutanées.

 


Portrait d'un entrepreneur
"La seule chose que je mendie, c’est le boulot !"

Il est jeune, joli garçon, bon vivant et a un avantage à son actif à Mayotte : il a créé et dirige une société dynamique dans le BTP. "Une fois mariée à un homme pareil, on ne doit manquer de rien à la maison", vous répondront les femmes sur son passage. Cette allusion le classe lui et son beau 4×4 parmi la classe aisée de l’île. Portrait d’un jeune homme qui a su s’imposer, par son travail.

Le parcours d’Abdullatif* est similaire à celui de beaucoup de jeunes ayant la trentaine tout juste passée de nos jours, avec comme chacun une touche personnelle qui l'a conduit à sa condition sociale actuelle. "J’ai eu une éducation 'de force' avec mes parents. Un père évoluant dans le milieu hospitalier et une mère, maîtresse d’une école coranique. Ils nous ont toujours appris comment se débrouiller dans la vie", remercie t-il. Une famille soudée mais un père polygame. "Malgré cela j’ai toujours pris comme exemple le parcours de mon grand demi-frère. Un homme qui a su s’imposer en respectant sa propre vision de la vie. Ce qui lui a bien réussi", fait remarquer notre jeune entrepreneur.
Neufs enfants de même mère et même père, 21 enfants de mères différentes au total. Le jeune Abdullatif persiste et poursuit sa route :
– J’ai d’abord effectué un BEP, ensuite un bac professionnel et j’ai fini par créer ma boite. Alors vous voyez, je ne suis pas ce qu’on appellerait un bourgeois !
– Dans quelle tranche de la société vous classeriez-vous alors ?
– Un Mahorais moyen, une personne qui ne fait pas la manche et qui ne meurt pas de faim, contrairement à d’autres couches de la société, comme les Anjouanais par exemple.
– Vous confirmez tout de même gagner suffisamment votre vie et faire partie des classes sociales les plus élevées ?
– Vous savez, contrairement à d’autres je ne me fais pas de salaire. Je vis des rentrées de mon entreprise. Je ne fais pas la manche. La seule chose que je mendie, c’est le travail pour faire avancer mon artisanat, reste discret l’homme quant à ses revenus. Il roule en 4×4 double cabine – "c’est un outil de travail", précise t-il en rigolant. Il surfe sur internet, possède ordinateur, téléphone portable dernier cri, imprimantes, climatisations…
– Ça reste des outils de travail, insiste t-il avec le sourire. Abdullatif est loin de la vie originelle du petit mahorais lambda. Même si notre homme reste évasif sur ses conditions de vie, il reste néanmoins très conscient de la vie qu’il mène.
– Je me suis acheté un petit bateau pour profiter de la mer et en faire profiter mes amis. Et qui sait ? Un jour peut-être que je me lancerai dans le tourisme ?, réfléchit-il déjà. Amoureux de la mer, son regard s’illumine dès qu’il est question de ses activités nautiques.
– Louer un jet ski chez Maliki et aller se faire des bonnes courbatures en mer, il n’y a rien de meilleur. Se poser au large avec la femme qu’on aime et voir un vivaneau remonter au bout de ta ligne de pêche, ce sont des plaisirs que 'le petit mahorais' ne s’offre pas, reconnaît le dynamique chef d'entreprise qui profite ainsi de ses rares temps libres pour souffler, au calme.
La pêche au vivaneau peut en effet réjouir le petit pêcheur local qui pourra ainsi les revendre et nourrir sa famille, mais le jet ski reste une découverte que seule s’offre une classe privilégiée de Mahorais.

"Je vis avec mon temps mais je n’oublie pas qui je suis. Je travaille dur pour ce que j’ai"

A écouter les hobbies que s’offre notre jeune entrepreneur, il est vrai qu’il se démarque de la classe moyenne de la société et qu’il serait ainsi plus facile de le classer dans la catégorie montante des privilégiés, de la nouvelle bourgeoisie qui construit sa vie par son travail acharné.
Avec les années, il s'est ainsi offert un bateau personnel à 3.000 euros. Une belle et spacieuse maison à étage. Un 4×4 qui le rend bien visible par la société, des équipements modernes – "un bon resto… et des vacances à la française, j’aime la France en hiver", reconnaît-il. Tout cela peut créer la confusion quant à la modestie d’Abdullatif. Pourtant l’homme est loin d’être un matamore, pour lui chaque chose en son temps.
– Attention, il ne faut pas confondre vie moderne, vacances, travail et culture, rappelle instinctivement notre citoyen. Je suis un Mahorais et je suis fier de l’être. Je vis avec mon temps mais je n’oublie pas qui je suis. Je travaille dur pour ce que j’ai. J’aide ma famille et rends à mes parents ce qu’ils ont un jour donné pour moi (comme un bon musulman éduqué à la mahoraise).
– Tous les jours, je cours derrière les fournisseurs. Je travaille seul. D’ailleurs à Mayotte, c’est une situation de plus en plus complexe. Voilà deux ans que l’ANPE s’est implantée. Depuis deux ans je suis à la recherche d’une personne pour me seconder. J’ai déposé tous les documents à l’ANPE et toujours rien. J’avais une main-d’œuvre clandestine qui travaille très très bien on a refusé de la légaliser car c’est un clandestin. Comment voulez-vous qu’on travaille alors ? Ici on organise des forums pour motiver les jeunes à créer des entreprises et on nous barre la route pour ce genre d’histoire. Où trouver une main-d’œuvre qualifiée ?, interroge avec insistance Abdullatif.
Des privilèges certes, mais des réalités quotidiennes similaires à celle de tout un chacun. Jeune, dynamique, aimant la vie, Abdullatif est le symbole de la nouvelle génération et de la future classe dirigeante de l’île. Un jeune homme vestimentairement pas plus distingué que d’autres, mais plus évolué, plus moderne, plus ouvert.
– Est-ce que mes enfants iront dans des écoles privées ? Non. Mes enfants iront dans la meilleure école. Je suis allé à l’école publique, nous étions plus d’une trentaine sur les bancs de l’école. J’ai su m’imposer et les autres ne s'en sont pas mal sortis aussi. Au moment venu, ma femme et moi nous étudierons pour donner le meilleur à notre progéniture, aspire-t-il.

* Prénom d'emprunt



"On sent qu'il y a de l'argent"

La voiture est un moyen de locomotion bien pratique à Mayotte, surtout en l'absence de lignes régulières de transport en commun. Mais c'est aussi un marqueur social fort. La bourgeoisie mahoraise, comme toutes les autres classes sociales, n'échappe pas au phénomène et cela se voit chez les concessionnaires automobiles.

Il y a tout juste 20 ans, le parc automobile mahorais était très réduit et la 504 bâchée faisait figure du nec plus ultra des véhicules présents sur l'île. Mais aujourd'hui, bien des choses ont changé. Si vous avez cru apercevoir une Jaguar, quelques Mercedes, des BMW, des Volkswagen (New Beetle, Passat ou Touareg), haut de gamme ou les derniers modèles vous ne rêvez pas, ces véhicules sont bien en circulation à Mayotte.
Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas que les Blancs ou les Indiens qui roulent en véhicules haut de gamme. A la SMCI, on l'a bien compris puisque le groupe est depuis un an le concessionnaire d'une marque de prestige, le constructeur allemand BMW. "D'année en année, nous effectuons une montée en gamme. Les gens dépensent de plus en plus dans l'automobile, le marché augmente en volume et en coût. C'est pour cela que nous avons fait venir BMW. BMW, tout le monde connaît, les gens regardent la télé, voient les publicités. Cela montre aussi un besoin de reconnaissance", affirme Daniel Santos Jean, directeur commercial de la SMCI, premier concessionnaire automobile de l'île.
C'est pour cette raison que désormais la gamme de véhicules disponibles à Mayotte est celle des Dom-Tom, alors qu'auparavant la SMCI importait les modèles destinés au marché africain. Si les berlines BMW commercialisées à Mayotte partent moyennement, en revanche les 4×4 partent très bien, achetés surtout par des chefs d'entreprise.

 

"Une demande de confort correspond à un embourgeoisement certain"

Pour les autres marques du groupe, les clients recherchent les modèles sophistiqués avec des options électroniques ou esthétiques qui peuvent paraître parfois superflues. "Le pouvoir d'achat augmente, les Mahorais veulent se faire plaisir et avoir un joli véhicule. Les jantes en aluminium, le radar de recul, la climatisation, le détecteur de pluie, les feux anti-brouillard répondent à une demande de confort qui correspond à un embourgeoisement certain. On sent qu'il y a de l'argent. Les gens sont très soucieux de la consommation de carburant, mais l'écologie ce n'est pas encore ça, sauf pour les administrations", avance le directeur commercial.
Daniel Santos Jean avoue qu'il ne possède pas de critères objectifs pour définir la bourgeoisie mahoraise, mais qu'il existe indéniablement une classe aisée de Mahorais. "Nous réalisons des chiffres étonnants, dignes de pays émergents. Nous avons eu une hausse des ventes de 15% en 2006, actuellement nous en sommes à 20% alors que l'année n'est pas terminée et cette hausse s'élève à plus de 50% en 3 ans. Mais c'est partout pareil, dans le domaine de l'électroménager, les chiffres sont encore plus étonnants", précise-t-il.
Cette plongée frénétique dans le monde de la consommation s'explique selon Daniel Santos Jean par la subite explosion de l'offre. "Avant il n'y avait rien pour consommer, aujourd'hui il y a des produits très séduisants. Mais le Mahorais n'est pas un flambeur, il n'achète pas seulement pour se montrer. De toutes façons, le vrai bourgeois ne flambe pas. Le Réunionnais par contre est un vrai flambeur. A Mayotte, le foncier, le patrimoine immobilier passe encore avant toute chose", reconnaît-il. Toutefois, il identifie aisément la voiture type du bourgeois mahorais. "La 407, c'est la voiture de quelqu'un qui a réussi, du notable du village, du maire".

Faïd Souhaïli
 

Portrait d'un cadre du privé
"Par mon travail, je me suis fais un nom"

Issu d'une grande famille, titulaire d'un diplôme de 3ème cycle et occupant un poste de cadre important dans l’une des sociétés clef de l’île, Mistoih* est déjà un homme influent sur Mayotte. Enga gé dans la vie associative, s'intéressant à la politique, fringant, bel homme, heureux mari, il affiche tous les atours de la classe dominante locale, une étiquette qu’il porte bien malgré lui.

Son sourire et ses yeux ravageurs qui se baissent dès qu’on lui parle de sa place dans la société locale en disent long. Si l’homme n’avait pas été un homme de couleur, une coloration rouge vive s’instillerait sur ses joues, tellement la perception des autres sur son statut semble le gêner. "J’ai facilement accès à certains contacts. C’est un beau privilège mais je ne me classe pas pour autant dans la bourgeoisie mahoraise", sourit–il. C’est peut-être le terme de bourgeoisie qui dérange ? "Disons que je viens d’une grande famille respectée sur l’île et dans mon village. Et de par mon travail je me suis fais un nom", débute t-il alors.
Par son poste dans le secteur privé, par sa famille, par ses engagements dans le milieu associatif, Mistoih a l'occasion de faire de nombreuses rencontres, ce qui ouvre sans aucun doute des portes non négligeables, mais l’homme préfère la modestie. Titulaire d’un DESS d’une école supérieure de gestion, notre homme n’est pas arrivé sur le flanc mahorais par hasard.
"Lorsque j’ai pris mon poste à Mayotte, j’avais déjà de l'expérience en métropole dans le domaine de l’emploi. Quand on arrive après avoir vécu si longtemps en dehors de son île, on acquiert d’autres idées. Il faut toutefois les manier avec précaution, car dans le monde du travail local les diplômés ne sont pas bien acceptés", cerne très vite Mistoih.
Chaque pays à ses croyances, et à Mayotte il est redouté que les diplômés ne s’emparent des postes des anciens, car ils sont plus efficaces et plus compétents dans le travail. Mistoih opte alors pour la discrétion. "Les autres nous apportent autant que nous leurs apportons. Parfois on est plus diplômé que les supérieurs eux-mêmes, mais il faut accepter son rang", réfléchit-il.

"J’ai conscience que j’ai une vie privilégiée par rapport à d’autres Mahorais, mais je connais aussi mes engagements"

Installé sur son nouveau fauteuil, l’homme est tout de même très ambitieux. Rapidement, il sort des cartes de son jeu et multiplie son influence. Il veut s'impliquer, apporter ses compétences, prendre une part active à l'évolution de Mayotte. Double casquette, triple casquette, il s’investit dans la vie sociale locale et la classe dirigeante mahoraise l’adopte progressivement.
"J’ai conscience que j’ai une vie privilégiée par rapport à d’autres Mahorais, mais je connais aussi mes engagements", ne cesse-t-il de répéter. Il évolue avec les artisans et entrepreneurs locaux : "je me sens très proche des agriculteurs, des commerçants… Je côtoie les mêmes soucis au quotidien qu’eux. La société de consommation est à double tranchant. Mes courses me reviennent à 200 euros, la vie ici est particulièrement chère".
Mistoih fait partie de ces Mahorais qui aiment se rendre au restaurant. "Un bon resto de temps en temps ça fait du bien quand on peut se l’offrir", vous répondra-t-il l’air toutefois toujours gêné qu’on vienne à interpréter ses propos. Il s'offre des déplacements réguliers dès qu’un congé le lui permet, en compagnie de sa femme et son enfant : "nous logeons dans des hôtels et nous nous déplaçons principalement vers les îles voisines : Maurice, la Réunion, les Comores… Nous connaissons déjà assez bien la Métropole alors nous découvrons la région".
Œuvrant dans le milieu associatif, il accompagne dès qu’il peut la nouvelle génération pour se construire progressivement une place. Une manière de vivre qui se distingue doucement de la façon de vivre locale, surtout lorsque Mistoih nous apprend que son fils unique ne va pas à l'école publique mais à l’école privée. "En réalité je n’ai jamais voulu que mon enfant aille à l’école privée, mais il a été refusé en école publique. Encore heureux, parce qu’avec les grèves à la rentrée prochaine, il va avoir 3 ans et risque d’être sérieusement en retard", calcule le père.

 

1.200 euros la scolarisation de son fils

Une situation qui n’est pas sans difficultés pour l’homme. "C’est vrai qu’on mène une vie aisée par rapport à d’autres, mais ce n’est pas non plus toujours un avantage", avance-t-il. L’homme explique alors que pour les écoles privées il existe deux systèmes à Mayotte. Dans certaines écoles le prix annuel est fixe pour tous, mais dans d’autres il varie selon les moyens des parents et il n’y a pas toujours beaucoup de places disponibles.
"Le tarif devient alors proportionnel à la vie que tu mènes. Je paye environ 400 euros par trimestre, alors que certains parents ne payent que 50 euros. En plus, je ramène à manger à midi, plus la collation de la journée", surenchérit l’homme. 1.200 euros l’année, plus les déplacements. "L’enfant ne va pas dans l’école du village, car il n'y en a pas. Ce sont aussi des déplacements à payer, mais quelque part ça nous arrange. Nous sommes ensemble dans la capitale et rentrons ensemble", ce qui finalement satisfait la petite famille.
L’homme garde la discrétion en ce qui concerne son salaire avec tout de même une petite précision : " on ne dépense pas autant que l’on gagne. Tout est une question d’organisation. On s’arrange de manière à pouvoir payer l’école et la vie qu’on choisit de vivre". Roulant dans une petite voiture qu’il détenait déjà étant étudiant, l’homme se voit souvent interpellé : "dans ta situation, pourquoi tu ne t’achètes pas une belle voiture neuve ?". "Je n’ai pas le goût du luxe, une voiture simple me convient parfaitement, avec ma famille, mon champ". Voici ce qui fait le bonheur d’un homme.

Denise Marie Harouna

* Prénom d'emprunt


Portrait
"Dans la vie, il faut oser"

Durant sa jeunesse, ses études et avec l'armée, Ahmed* a beaucoup voyagé, en Métropole et à l'étranger. Déterminé à revenir dans son île natale, visionnaire, il a économisé chaque sou et a acheté quelques terrains pour lui et sa famille. Il se retrouve aujourd'hui à la tête d'un patrimoine foncier qui le classe automatiquement parmi les hommes les plus riches de l'île. Modeste, il se lance aussi dans l'agriculture et incite les siens, comme les enfants en général, à continuer leurs études, à prendre des risques pour avancer. Portrait d'un Mahorais qui a osé.

Ahmed est aujourd'hui père de cinq enfants et si ces derniers sont fiers de lui, il y a de quoi. En 1955, il quitte Mayotte avec sa mère et son frère pour rejoindre son père à Majunga, exerçant le métier de cuisinier. Il avait alors cinq ans. A cette époque, Madagascar était prospère par rapport aux quatre îles des Comores réunies. A huit ans, le patron de son père l’inscrit à l’école élémentaire réservée aux vazahas ("les blancs"). En 1961, il revient à Mayotte avec sa maman et son frère et deux ans plus tard son papa revient dans l'île définitivement. Ce dernier y trouve un poste de cuisinier et la famille est réunie à nouveau.
Ahmed quant à lui continue sa scolarité et après la Petite Terre, il va à l’école à Sada. Son maître en CM2 n’est autre que le défunt Younoussa Bamana. Après la réussite à son examen d’entrée en sixième, il retourne sur Dzaoudzi pour le collège. "Dans ma classe nous étions 25 élèves. Après la 3ème, je suis parti à Moroni. A cette période, le lycée ne se trouvait qu’en Grande Comore. Pour les parents qui avaient les moyens financiers, ils envoyaient leurs enfants en métropole, à la Réunion ou encore à Madagascar."
Bien qu’il soit bon élève, il échoue au baccalauréat. Cet échec n’empêche pas Ahmed de quitter les îles pour la métropole. En parallèle avec la terminale, il se préparait en effet à passer un examen pour entrer dans l’armée. Pari gagné car il réussit le concours et part pour la Métropole en 1973, dans une école de sous-officiers de l’armée. Il a alors 23 ans.

"J’avais des idées mais ça ne collait pas avec la mentalité d’ici. C’était complètement différent de la métropole"

"Quand je suis arrivé à Paris, c’était le 4 décembre. C’était l’hiver et il faisait froid. Je portais une chemise à manches longues et des sandalettes. Pour moi, rentrer dans l’armée était le seul moyen pour venir en France. Une fois sur place je voulais faire autre chose, mais quand j’ai vu la galère que rencontraient mes amis d’Orléans, de Dijon et de Toulouse qui étaient à la faculté, j’ai préféré rester dans l’armée. Au moins là-bas on te donnait 50 FF tous les mois. En fonction de ton grade, tu pouvais gagner plus. Par ailleurs, on poursuivait des études pour apprendre un métier rapidement.
J’ai passé six mois de formation militaire et un an de formation professionnelle avec comme spécialité technicien dans les transmissions. J’ai réussi dans l’armée parce qu’on est obligé de réussir. Tous les quatre mois, il y avait un examen. Quand tu redoublais, c’était terrible. Dans les matières où tu avais une note inférieure à 12/20, tu devais faire la plonge de 4h30 à 7h. J’en ai fait l’expérience et j’ai senti la douleur". Après sa formation, il a été affecté dans différentes casernes, en France et à l'étranger.
Après 23 ans dans l’armée, il prend sa retraite et revient sur sa terre natale. Il s'investit alors dans la vie associative. En métropole, parallèlement à l’armée, il a en effet suivi plusieurs formations et a obtenu des diplômes. Mais il est rapidement déçu et démissionne de son poste. "J’avais des idées mais ça ne collait pas avec la mentalité d’ici. C’était complètement différent de la métropole."

"Beaucoup de Mahorais possèdent des terrains et n’osent pas prendre de risque"

Toujours déterminé à aider sa famille et à préparer son avenir, Ahmed ne gaspille pas son argent. "Quand j’étais lycéen, je mettais de côté une partie de ma bourse. Avec cet argent, j’ai réussi à couvrir le toit de mes parents en tôle qui était en feuilles de cocotier. Je me suis sacrifié pendant deux ans. A l’armée, je divisais ma bourse en trois. Une part que j’envoyais à mes parents, une part pour moi et la dernière que j’épargnais pour les imprévus. Je partais toujours du principe qu’il y avait le vital. Lorsque j’ai eu la prime d’engagement s’élevant à 6.000 FF, je l’ai mise de côté. Mes amis ont dépensé la leur pour passer leur permis, acheter une voiture ou voyager."
Grâce à ses économies qu'il envoie à Mayotte, son père lui achète un terrain que la société Bambao avait mis en vente. "J’ai eu la chance de tomber sur de bons créneaux." L'homme s'est ainsi constitué, à la sueur de son front, par son travail, un patrimoine immobilier conséquent.
A son arrivée dans l’île, très décidé, Ahmed démarche les différentes banques pour décrocher un prêt pour construire. Une première lui a catégoriquement refusé le prêt car, d’après elle, il n’avait pas grand-chose à mettre en hypothèque. En revanche, une nouvelle venue le lui accorde moyennant l’hypothèque de son terrain situé dans la commune de Mamoudzou. En collaboration avec son cousin, il construit des bureaux qu'ils mettent en location à destination d'entreprises. Et la forte demande fait qu'ils sont rapidement remplis. De quoi financer un autre immeuble…
"Beaucoup de Mahorais possèdent des terrains et n’osent pas prendre de risque. Ces gens ne voient que du négatif, or il faut oser. En 1996, deux Métropolitains sont venus me voir et m’ont proposé de leur vendre mon terrain à 2.000 FF le m2. J’ai refusé et ils m’ont dit que j’étais bête". Malgré son refus, les deux Métropolitains ont commissionné un Mahorais. Ce dernier s’est présenté devant Ahmed en tant que client. En vain.

"Il n’y a pas d’esprit de compétition et pourtant cet élément est important pour réussir"

Il n’y a pas meilleure chose que de travailler à son propre compte. Outre les bureaux mis en location, Ahmed et sa femme mettent sur pied une société immobilière dont il est le gérant. "Et là encore, des requins sont venus me voir pour gérer mes affaires mais j’ai refusé." La réussite d’un homme, autant dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle, la solidarité familiale sont des atouts.
"J’ai eu la chance d’avoir eu de l’argent et un père qui m’a soutenu au bon moment. J’ai eu des amis qui ont envoyé de l’argent à Mayotte depuis la métropole, mais ils n’ont jamais vu la couleur du billet. Rien n’a été acheté à leur profit. Je suis reconnaissant envers mes parents qui ont travaillé dans les champs et qui m’ont toujours soutenu. J’ai pris conscience que c’est en travaillant qu’on réussit. Aujourd’hui il n’y a pas d’esprit de compétition et pourtant cet élément est important pour réussir. On a beau faire des études, mais lorsque l’on n’est pas audacieux on ne réussit pas."
Aujourd’hui Ahmed est un homme respecté, fier de son parcours et comblé. Il a réussi à concilier vie familiale et vie professionnelle. Il s’est marié lorsqu’il était dans l’armée. En dépit des affectations sur différents sites, malgré l’éloignement, sa vie de couple ne s’est jamais disloquée. Des enfants sont nés de cette union. Les trois premiers ont bénéficié d’une scolarité plus que privilégiée. En effet, ils ont été encadrés par des militaires. Sa femme et lui sont satisfaits de l’éducation qu’ils leur ont inculquée.
"On a fait le nécessaire et on continue à les épauler. On essaie de leur donner ce qu’ils veulent, pas le grand luxe mais juste ce qu’il faut. L’armée et le sport m’ont beaucoup apporté en terme d’éducation et de relations. Pour réussir, il faut travailler." Comme dans la majorité des grandes familles à Mayotte, la langue française est parlée chez les Ahmed. Cependant, le kibushi et le shimahoré sont également employés. En période de vacances, les voyages se font en grande partie en famille. Les parents ont constitué une base solide. Aux enfants de prendre la relève.

"Aujourd’hui on s’ignore. Dès que tu as une bonne situation par rapport à quelqu’un, la haine s’installe"

"Quand j’étais au collège, on se connaissait tous. Aujourd’hui on s’ignore. Dès que tu as une bonne situation par rapport à quelqu’un, la haine s’installe. Les relations amicales ne sont plus ce qu’elles étaient. A l’heure actuelle, pour avoir des amis à Mayotte, il faut être soit dans la bande de ceux qui picolent, des fêtards, ou se lancer dans la politique. Il y a beaucoup de choses à revoir. Moi au contraire, je suis content d’aider quelqu’un qui veut réussir", se désole Ahmed.
Outre son inquiétude sur l’évolution de la société, ce père de famille incite les jeunes à faire des études. La médecine est l’une des filières à privilégier. "A Mayotte il y a plus d’établissements hospitaliers qu’aux Comores. Et pourtant il y a beaucoup plus de médecins comoriens là-bas que des médecins mahorais à Mayotte. Je ne comprends pas."
Ahmed est un homme ambitieux et qui a su saisir les opportunités quand il fallait. La politique est un domaine qui ne le séduit pas. "La majorité des élus sont là pour se servir et non servir le peuple ou le pays. L'intérêt personnel prime sur l'intérêt général. Certains n'oseraient jamais voyager ou rouler avec de belles voitures sans l'apport de la Collectivité ou de l'Etat. Dommage !"

Souraya Hilali
 

 

Éducation
Les écoles privées font recette

Toujours très prisées par les familles m'zungu, les écoles maternelles et primaires privées accueillent de plus en plus de petits mahorais. Surcharge des classes, rotations, mauvais niveau de français parfois, grèves à répétition, tous ces ingrédients détournent peu à peu les familles mahoraises aisées du système public. Beaucoup veulent offrir le meilleur à leurs enfants.

"200 € par mois c'est cher, mais la crèche c'est bien utile quand on est deux à travailler." Depuis que son épouse travaille, ce père de famille de Combani, instituteur, a découvert tous les avantages de la crèche. Son fils de 2 ans y reste tous les jours, matin et après midi. Le tarif est calculé en fonction des revenus de la famille. "C'est plus cher que de prendre une bouéni anjouanaise à la maison, mais c'est beaucoup moins risqué ! Ici il est bien accueilli, il fait des jeux éducatifs, il parle français…"
Le français, élément le plus important, se pratique également à la maison, plus on apprend jeune, mieux c'est. La loi sur la répression du travail dissimulé chez les particuliers et la conscience de l'importance de pratiquer le français dès le plus jeune âge ont entraîné une montée d'effectifs dans les crèches et la multiplication de celles-ci, surtout accompagnées d'écoles primaires.
"Moi ce sont les grèves à répétition qui m'ont convaincu d'abandonner le public, raconte ce cadre du conseil général. J'ai des instituteurs dans ma famille, ça fait des années qu'ils font grève et je sais que ça n'est pas prêt de s'arrêter. Cela fait deux ans que mes enfants sont à Pomme Cannelle (l'école associative de Combani, ndlr), quand je vois la grève interminable qu'il y a eu l'an dernier, je me dit que j'ai eu raison."

 

Maîtriser le français pour réussir ses études

Sa voisine approuve, ses enfants sont arrivés dans l'école justement pendant la grève, elle les a réinscrits cette année. "Il n'y a pas que la grève qui joue. Les classes sont moins chargées, il n'y a pas de rotations, c'est un rythme bien trop perturbant pour un enfant, et surtout on parle français correctement. Je ne veux pas dire du mal de nos instits, mais c'est quand même la loterie, on peut tomber sur quelqu'un de compétent, comme sur un qui parle un très mauvais français."
Les deux familles ont instauré le français à la maison, "pour que nos enfants aient moins de mal que nous à le pratiquer, qu'il fassent de bonnes études en métropole." Le shimaore reste leur langue maternelle, ils le parlent avec les copains, avec les autres membres de la famille. Pas d'inquiétude de ce côté, car pour tous parler les deux langues est une richesse, il ne faut jamais oublier qui l'ont est.
"Nos parents ne sont pas allés à l'école, ils n'avaient pas conscience de l'importance d'une certaine éducation, estime un chef d'entreprise dont les enfants sont aux P'tits Loups à Cavani. Quand je vois comme ça été dur de rattraper le niveau en métropole, j'essaie de faire mieux pour les miens. Nous parlons français le plus souvent possible depuis qu'ils sont nés, nous avons un ordinateur avec internet à la maison, c'est important de savoir s'en servir de nos jours. Nous partons régulièrement en vacances aux Comores pour la famille, mais aussi à la Réunion et en Métropole, qu'ils ne soient pas perdus lorsqu'ils iront y faire leurs études."

 

En attendant que le public s'améliore…

Le système de calcul du prix en fonction du revenu de la famille, largement répandu dans ces écoles, est jugé comme le plus juste. "Evidemment c'est cher, mais pour la personne qui paie moins parce qu'elle gagne moins, c'est aussi cher si on y réfléchit. Et puis il est normal que les familles mahoraises puissent donner les mêmes chances que les m'zungus à leurs enfants, or l'école publique n'assure pas ces chances pour le moment." Cette femme, épouse d'élu, a choisi d'investir au maximum pour la réussite de ses enfants. Français à la maison, ordinateur, internet, jeux éducatifs pour les cadeaux de Noël, voyages…
"Je contrôle aussi ce qu'ils regardent à la télévision. On diffuse tellement de bêtises, je préfère les voir sur l'ordinateur, jouer à quelque chose d'intelligent, ou lire un bon livre, nos enfants ne lisent pas assez." Plusieurs de ces familles regrettent de ne pouvoir confier leurs enfants au système public, aux instituteurs mahorais.
"Le jour où notre système sera aussi bon que n'importe où ailleurs, mes enfants iront à l'école publique, assurent bon nombre d'entre eux. En attendant, je préfère qu'ils aient des profs m'zungus qui leur donneront de bonnes bases pour qu'ils prennent leurs places plus tard. Il ne faut pas faire les choses trop vite."
Pour Noël, les jeux éducatifs connaissent un large succès chez les familles mahoraises, soucieuses d'occuper intelligemment les plus jeunes. Une nouvelle grève est prévue à la rentrée, les effectifs du privé vont sûrement s'en ressentir…

Hélène Ferkatadji
 

 


 

Portrait d'une chef d'entreprise
"On n'allait pas aux champs, alors on nous traitait de Muzungu !"

Mariama* admet difficilement qu'elle soit qualifiée de bourgeoise. Pourtant, aujourd'hui elle est matériellement à l'aise et est influente dans toutes les activités dans lesquelles elle est impliquée. C'est sûrement dû à une enfance tranquille mais sans paillette et son éducation qu'elle a ce sentiment d'être quelqu'un de modeste.

Mariama est une femme qui vit avec son temps. À un peu plus de 40 ans, cette dame énergique court dans tous les sens pour mener de front plusieurs occupations. Politique, associations, syndicalisme, monde de l'entreprise, elle essaie de s'y engager avec conviction et à fond. Née dans le nord de Mayotte, elle y a grandi, près d'une exploitation d'ylang-ylang. "Mon père y travaillait, c'était quelqu'un de très respecté. Mon grand-père était un métis arabe, il était lui-même respecté, c'était un grand fundi qui possédait sa madrass", explique Mariama.
Elle a eu une enfance un peu privilégiée puisque contrairement à ses frères ou à ses camarades du village, elle n'allait pas aux champs travailler la terre. "Les gens disaient que nous étions de Wazungu. Chez nous, les filles n'allaient pas aux champs et je crois que cela suscitait beaucoup de jalousie chez les autres familles", se souvient-elle.
La famille de Mariama n'était pas riche, mais elle n’a jamais manqué de rien. Son père insistait énormément sur l'apparence vestimentaire de ses enfants. "Il était hors de question d'être mal habillé, surtout les filles", raconte Mariama. Les enfants n'allaient pas n'importe où et dès qu'ils quittaient l'école, ils revenaient à la maison. "On s'amusait entre nous, les garçons ne traînaient pas, ils revenaient à la maison pour étudier. C'est quelque chose qui est resté dans la famille, nous avons la même mentalité avec nos enfants", confie notre bourgeoise anonyme.

"Je ne me dis jamais que j'ai ce que je veux. J'ai toujours des projets plus grands"

Malgré toutes ces différences, elle a constamment senti que les gens la respectaient et ce respect elle l'a toujours rendu. Sa scolarité s'est déroulée jusqu'au lycée, mais elle est partie au collège en France métropolitaine dans les années 70, ce que peu de Mahorais faisaient à l'époque. Ensuite, en revenant à Mayotte, elle s'est mariée et a commencé à faire du commerce dans l'habillement.
"Cela a marché pendant 10 ans, ensuite la concurrence est arrivée et a cassé les prix. En plus, les clients ne payaient plus", constate-t-elle un brin amère. Mais cela ne l'a pas découragée pour autant puisqu'elle s'est reconvertie avec son ex-mari dans un autre domaine, le BTP, où elle sévit toujours. Tout comme pour l'habillement, Mariama a appris sur le tas, tout en recherchant des formations qualifiantes.
"Je m'informe moi-même et je ne me dis jamais que j'ai ce que je veux. J'ai toujours des projets plus grands", répète-t-elle. L'éducation pour elle, c'est primordial. D'ailleurs, elle est fière du chemin pris par ses enfants. Une de ses filles a eu son bac en Métropole (elle y est partie pour des raisons personnelles), l'autre le prépare cette année.
"Mes enfants comprennent que parfois je n'ai pas les moyens de leur offrir ce qu'ils veulent. Mais quand je vois que ma fille travaille jusqu'à une heure du matin, sans que je la pousse, je suis contente car elle comprend que c'est pour elle qu'elle travaille, pas pour moi", dit-elle avec une certaine pointe d'admiration.

 

Pas de 4×4, mais la télé satellite, l'ordinateur et internet pour les enfants

Du point de vue matériel, Mariama n'est pas à plaindre. Elle possède une maison qui ne paie pas de mine et qui sert pour plusieurs activités. Elle en loue une partie à un commerce et le reste est utilisé comme domicile et bureau. Son véhicule est également ordinaire, peu en rapport avec ce que ses émoluments pourraient lui permettre d'acheter.
"Pour moi, une petite voiture suffit, les gros 4×4, très peu pour moi. J'ai également la parabole, mais c'est surtout pour les enfants. Moi, je regarde les informations. Par contre, l'ordinateur et internet sont indispensables pour mon travail. Pour mes enfants, cela leur permet de faire des recherches liées aux études", précise Mariama.
Elle ne possède pas de maison secondaire et pour l'instant elle ne cherche pas à construire de nouvelles demeures. Le découpage des terrains familiaux dans sa famille est en cours de réalisation, mais selon elle son statut n'est du qu'à sa soif de connaissance et à son parcours académique, plus qu'à la possession du foncier.
"Je me considère comme quelqu'un de normal, mais certains considèrent qu'on n'est pas comme eux. Pourtant, il y en a qui sont riches aussi, plus que moi même, mais je ne sais pas pourquoi on me considère comme la seule riche", se demande-t-elle. Certaines femmes l'admirent et l'interrogent sur la façon dont elle arrive à gérer sa vie professionnelle avec sa vie syndicale et sa vie privée. À chaque fois que la question lui est posée, elle ne sait quoi répondre, car elle ne se considère pas comme un modèle.

Faïd Souhaïli

*Ce prénom a été changé à la demande de la personne interrogée

UNE Mayotte Hebdo N°363 – Vendredi 28 décembre 2007

UNE Mayotte Hebdo N°363 - Vendredi 28 décembre 2007

Dossier 5 pages

La nouvelle bourgeoisie Mahoraise

 > Economie traditionnelle – ca chauffe avec le gingembre !
 > Ouangani – chasse aux clandestins après la mort d'un enfant
 >
Tounda – expositions, les artistes se dévoilent

UNE Mayotte Hebdo N°362 – Vendredi 21 décembre 2007

UNE Mayotte Hebdo N°362 - Vendredi 21 décembre 2007

Elections cantonales et municipales

Cohue dans les parties

 > Education – les jeunes face à la caméra
 > Nature – un cachalot échoué dans le lagon
 >
Tounda – le msindzano, l'amour du santal et du corail

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes