La collaboration entre les différents acteurs de l’éducation prônée aux Assises de la parentalité

Les Assises de la parentalité se sont déroulées du 23 au 25 mai dernier au centre universitaire de formation et de recherche de Dembéni. Organisées par les Céméa de Mayotte (centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives), elles ont notamment eu pour but de restituer les ateliers menés depuis plusieurs années avec les parents pour redéfinir judicieusement leur rôle.

« Parents démissionnaires », « perte des repères culturels », « absence fréquente des pères », « parents renvoyés aux Comores » : les hypothèses vont bon train depuis plusieurs années pour expliquer la hausse alarmante des actes de délinquance juvéniles sur le territoire. Face à cette situation en réalité multi-causale, les Céméa de Mayotte (centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives) se sont mobilisées pour redéfinir le rôle de parent et le réinventer en fonction de l’évolution de la société mahoraise afin d’éviter que tant d’enfants ne sortent désormais « du droit chemin ».

Cette association éducative complémentaire de l’enseignement public (reconnue d’utilité publique depuis 1966) a donc convié tous les parents qui le souhaitaient à assister à des ateliers sur le sujet de la parentalité depuis plusieurs années dans différents endroits de Mayotte. Les grandes idées qui en ont émergé ont été synthétisées par des bénévoles de l’association et Archimède Saïd Ravoay, ancien président des Céméa, toujours très engagé sur la question de l’éducation, a pris l’initiative d’organiser des Assises de la parentalité du 23 au 25 mai au centre universitaire de formation et de recherche de Dembéni afin de les restituer. Les parents et autres acteurs de l’éducation, venus en grand nombre pour y assister, ont également eu la chance d’entendre une conférence de Philippe Meirieu intitulée « Que peuvent les adultes face aux problèmes de violences chez les enfants et les adolescents ? ». L’opinion de ce pédagogue reconnu a donc pu apporter une vision plus « scientifique » et ainsi compléter et enrichir les idées des parents.

La collaboration et la solidarité : deux valeurs phares pour bien éduquer les enfants

Contrairement au discours sécuritaire que l’on entend beaucoup à Mayotte, les idées des parents ayant assisté aux ateliers prônaient davantage la collaboration et la solidarité. « Il n’est pas normal que les gendarmes accueillent nos enfants à la sortie des établissements scolaires », a-t-on notamment pu entendre dans la bouche de certains parents visiblement offusqués par cette situation. De même, nombreux se sont dit choqués par l’emploi fréquent du terme de « parents démissionnaires ». « La plupart sont très engagés, ils ont compris leur responsabilité, mais se retrouvent dépassés par le comportement de leurs enfants », a insisté Archimède Saïd Ravoay. « Ils ont donc besoin d’être accompagnés par les institutions. Il faut engager la responsabilité des mairies pour créer des lieux de rencontre, des centres de loisirs », a-t-il donné comme proposition de solution.

L’extrême précarité et les reconduites fréquentes à la frontière de parents sont également l’une des explications de ce trouble du rôle parental à Mayotte. Face à cette situation, beaucoup d’entre eux revendiquent la co-construction et militent pour intégrer les parents des quartiers informels à leur réflexion. « S’ils sont poursuivis par la PAF (police aux frontières) aux abords des écoles maternelles, comment peuvent-ils éduquer correctement leurs enfants ? », s’est interrogé Archimède Saïd Ravoay qui estime qu’il faut au contraire « aller vers ces parents car c’est en les chassant de la sorte que leurs enfants risquent de devenir délinquants ».

Le problème de la perte des repères culturels s’est évidemment également posé. Naviguant entre une éducation parentale mahoraise musulmane et une éducation scolaire venue de l’Hexagone basée sur le principe de laïcité, les enfants ont souvent du mal à s’y retrouver. Des valeurs parfois opposées leur sont en effet données et un « conflit d’autorité » peut naître. Pour éviter cela, le pédagogue Philippe Meirieu a proposé qu’une collaboration active s’engage entre les différents éducateurs de l’enfant. « La solution doit venir d’une solidarité et d’une estime mutuelle entre ces différentes instances éducatives. Les communautarismes ne créent que des conflits », a-t-il déclaré. Il est vrai que dans le contexte de mondialisation, il est de toute façon impossible que les enfants ne reçoivent pas les influences venues d’autres cultures. Pour résumer, si les parents tiennent à ce que leurs enfants continuent de recevoir une éducation ancrée dans leurs traditions phares, celles-ci doivent être ouvertes et se combiner de la manière la plus harmonieuse possible avec les influences venues d’ailleurs auxquels leurs progénitures n’échapperont pas de toute façon.

Archimède Saïd Ravoay s’est montré très optimiste à l’issue de ces Assises. « Il nous faut encore quatre ans pour avoir une bonne évaluation du problème et continuer à trouver des solutions. Mais je suis certain que ce problème de délinquance juvénile massif finira par s’arrêter sur l’île », a-t-il conclu.

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