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Le syndrome insulaire, « on est tous un peu atteints à un moment »

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Le psychiatre Lionel Buron a cofondé le premier secteur de santé mentale de Mayotte en 2002. Au cours de ses dix-huit années de pratique médicale sur l’île, il a observé chez des « mzungus » expatriés sans antécédent le développement de troubles psychiatriques en réaction à la vie insulaire. Le fruit de ses d’observations, un article intitulé « Mayotte, quintessence du syndrome insulaire » a été publié dans la revue scientifique L’information psychiatrique, dans le cadre d’une édition spéciale « psychiatrie et santé mentale dans les outremers ». Le médecin nous renseigne sur ses découvertes.

Flash Infos : Qu’est-ce que le syndrome insulaire, et comment en êtes-vous venus à étudier ce phénomène ?

Lionel Buron : Dans ma pratique clinique psychiatrique à Mayotte, j’ai été amené à rencontrer des patients « mzungus » expatriés, qui avaient développé des symptômes psychologiques ou psychiatriques en réaction à la vie sur l’île. Ces symptômes se présentaient de manière inaugurale : c’est à dire que les patients n’avaient aucun antécédent. C’est la vie sur l’île qui avait créé ces symptômes. Cela rentre dans le cadre de ce qu’on appelle les voyages pathogènes, à l’instar du « syndrome indien » décrit par le docteur Régis Airault, avec qui j’ai cofondé le secteur de santé mentale à Mayotte. On part quelque part, pour vivre dans un environnement différent, et on développe des symptômes psychologiques ou psychiatriques. Ici, la spécificité, c’est que les symptômes se développent en réaction au mode de vie insulaire. Mon article se base sur des vignettes cliniques, c’est à dire de mes observations lors de la prise en charge des patients. On part de l’histoire de ces mzungus, et des symptômes qu’ils ont développés.

F.I. : Quels sont les symptômes observés ?

L.B. : En arrivant sur une île, l’expatrié est habité par des mythes, par un imaginaire occidental. Puis, il se confronte à la réalité et constate un décalage entre son imaginaire mythique et la réalité de la vie sur l’île, qui est beaucoup moins idyllique. Cette confrontation crée des symptômes très hétérogènes, que j’ai regroupés en cinq syndromes. Tout d’abord, l’hypomanie insulaire. Le sujet est dans l’hyper-excitation : tout est beau, tout est fantastique. Le sentiment de bien-être est exacerbé à outrance. Ensuite, la dépression insulaire se caractérise par un sentiment de confinement, d’isolement, d’exiguïté… On a l’impression de tourner en rond et, à contrario, de ne pas réussir à créer des liens humains sur le long terme car beaucoup sont de passage. Dans ce cas, les symptômes dépressifs sont directement liés à des confrontations spécifiques à l’île, dont le sujet a l’impression d’être prisonnier. Le troisième syndrome que j’ai identifié est celui de l’hyper-sexualité insulaire. Pour l’expatrié, la rencontre avec des mœurs sexuelles différentes résulte en une désinhibition érotique. Les rencontres se font plus facilement, on multiplie les expériences et on tombe dans un cercle vicieux comportemental qui aboutit à l’addiction. Au début c’est un plaisir, puis un excès, puis une pathologie… on ne dort plus, on est à côté de la plaque. La perte des repères culturels internes peut également déclencher la paranoïa insulaire : des angoisses qui se traduisent par une fragilisation sur le mode persécutif. En d’autres termes, on a le sentiment d’être scruté, moqué. Ça peut aller jusqu’au délire. J’ai pris en charge une patiente qui, après s’être vue proposer des « mabawas » a cru qu’on voulait l’empoisonner et a voulu rentrer en métropole à la nage ! Elle n’avait aucun antécédent psychiatrique. Après quelques semaines d’hospitalisation, elle a été rapatriée et s’est tout de suite stabilisée à son retour dans l’Hexagone.

Enfin, la perversion insulaire. J’ai surtout traité avec les victimes des personnes atteints de ce syndrome. Certains « mzungus », propulsés dans des positions hiérarchiques dominantes, se sentent tout permis et entrent dans des mégalomanies narcissiques. Des états pervers ressurgissent car on est en quelque sorte éloignés des règles de la métropole ; on a plus tendance à contourner les lois. Dans ces positions de dominance, les pervers exercent leur emprise, harcèlent sans culpabilité. L’individu croit que tout est possible, que plus rien n’est interdit. Il faut bien comprendre que l’on peut développer plusieurs syndromes, de façon cyclique et à des degrés différents : une hyper-excitation, puis une dépression par exemple. J’ai fait lire mon article à des proches qui ont vécu sur l’île. Ça parlait à tout le monde. Mais il faut bien comprendre que ces syndromes ne sont pas spécifiques à Mayotte ; tout cela peut être observé dans d’autres îles. Mayotte est mon prisme d’observation pour décrire ce syndrome insulaire, mais le champ s’élargit. Toutefois, c’est aussi un territoire sur lequel il s’observe de façon particulièrement marquée, d’où le titre « Mayotte, quintessence du syndrome insulaire ».

F.I. : Comment faire face à ces différents syndromes ?

L.B. : Déjà, je pense que mettre des mots sur ces symptômes, c’est important. On prend conscience qu’on n’est pas seul à vivre ce genre de choses, et que ce n’est pas forcément anormal de développer ces symptômes : ça a déjà un effet thérapeutique. Ensuite, il faut en parler, il faut voir quelqu’un. Quand on est isolé, ça aide. La majorité des patients que j’ai suivis dans ce cadre à Mayotte n’avaient jamais vu de psychiatre auparavant, et n’étaient pas forcément pour. Ça reste tabou. Ensuite, il serait intéressant de faire de la prévention : de faire savoir que l’on peut développer des symptômes psychologiques ou psychiatriques face au choc culturel provoqué par une expatriation sur une île. Cela donne des repères et des moyens de s’y préparer… parce que quelque part, on est tous un peu atteints à un moment ou un autre !

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