Lors de la deuxième journée du colloque Mayotte en Santé, au Pôle d’excellence rurale (PER) de Coconi, le médecin Philippe Durasnel a donné une conférence sur le lien entre médecine traditionnelle et médecine conventionnelle. Un moyen d’exposer les tensions entre ces deux pratiques.
« Malgré d’importants progrès dans l’offre de soins depuis 1975, le recours à la médecine traditionnelle reste fréquent. » Philippe Durasnel anesthésiste réanimateur au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) entre 2009 et 2012 amorce ainsi sa conférence ce mardi au Pôle d’excellence rurale (PER) de Coconi, à l’occasion du colloque Mayotte en Santé. Durant sa pratique, il a constaté des tensions entre sa pratique de la médecine conventionnelle clinicienne et la médecine traditionnelle.
Un recours par faute de soins ?
Au cours de son intervention, le médecin explique le recours des Mahorais à la médecine traditionnelle par le retard de prise en charge par celle conventionnelle. Selon une enquête de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « en 2019, 45 % des habitants de Mayotte de 15 ans ou plus déclarent avoir renoncé à des soins médicaux nécessaires ou les avoir reportés », argumente le professionnel.
La rencontre avec ses patients lui a également permis de constater un ancrage de la médecine traditionnelle dans le paysage culturel et cultuel de Mayotte. Le médecin a aussi découvert des guérisseurs avec des noms différents : le fundi (maître), ou le mgangi (sorcier) qui ont leurs propres spécificités, comme le recours aux djinns, à la manipulation de textes sacrés ou encore aux offrandes propitiatoires.
Des résultats qui non sans risques
De son expérience, l’anesthésiste-réanimateur a pu observer le cas d’une guérison d’aphtes grâce à des plantes sur une jeune Mahoraise, alors que sa prise en charge clinicienne venait d’échouer. Néanmoins, Philippe Durasnel met en garde : les plantes utilisées pour se soigner ne sont pas sans risques, des accidents peuvent survenir. C’est le cas de l’acalypha indica, « vaha pefu » en shimaoré, utilisée par les Mahorais pour des enfants ayant des problèmes respiratoires. Cette plante a des conséquences mortelles pour les personnes déficitaires de globules rouges. Il y a donc une nécessité de les connaître avant de les administrer. Philippe Durasnel recommande ainsi le travail de Maoulida Mchangama et de Pacale Salaun qui ont répertorié les plantes médicinales de l’île au travers d’un texte scientifique le Recueil d’une pharmacopée à Mayotte.
Peu à peu au cours de sa carrière au CHM, son service a su accepter différentes pratiques non nocives pour les patients tel que le mdzidzano (masque au bois de santal) sur la tête ou encore une feuille de Coran dissimulée sous l’oreiller d’un nouveau-né. « Il faut accepter et comprendre les gens, nous ne pouvons pas soigner sans que les patients puissent nous faire confiance », conclut le médecin.
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