L’ex-pharmacie des Badamiers, cette épine dans le pied de l’ARS

L’affaire de l’ancienne pharmacie des Badamiers (devenue depuis une parapharmacie) revient à nouveau sous les projecteurs de l’actualité avec, cette fois-ci, le dépôt d’une requête en annulation auprès du tribunal administratif de Mamoudzou. Ce nouveau rebondissement remonte au 4 octobre 2022 après que l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte ait décidée de reporter la date de sa décision sur ce dossier aux allures de guerre de tranchées.

Depuis le 4 août 2022, l’offre de soins dans la moitié de la ville de Dzaoudzi-Labattoir laisse à désirer suite à une action en justice d’un pharmacien déjà installé en Grande-Terre avec une officine à son actif à Koungou (couronnée d’un arrêt du tribunal administratif de Bordeaux) contre sa consœur installée sur place depuis cinq ans. L’Agence régionale de santé de Mayotte s’exécute et ordonne la fermeture de la deuxième pharmacie de Labattoir, laquelle décide de passer en parapharmacie. Jusque-là, rien de vraiment exceptionnel, quelque soit les dégâts collatéraux subis par les uns et les autres. Sauf qu’au bout de quatre mois de silence (après la fermeture) de l’administration sur la gestion de ce dossier, voilà que l’on apprend cette semaine qu’une deuxième action en justice est intentée à la même ARS Mayotte le 4 octobre 2022, cette fois, par l’autre partie. En effet, l’ancienne pharmacie des Badamiers s’estime elle aussi lésée au travers du retard pris par l’administration à statuer définitivement sur son sort. Elle regrette le statut quo actuel et fait valoir le fait que son seul tort a été de saisir une opportunité. Celle-ci s’est matérialisée en un succès professionnel au terme de cinq années de travai.

Une histoire d’intérêts économiques

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L’Agence régionale de santé de Mayotte, dirigée par Olivier Brahic, doit trancher dans ce dossier en septembre.

La posture est très délicate pour l’Agence Régionale de Santé de Mayotte (ARS) pris en tenaille dans une bataille entre deux opérateurs économiques convoitant la même place en Petite-Terre. Le bras de fer se poursuit donc plus que jamais et pose sérieusement la question de la limite qu’il faut y avoir entre, d’une part, la défense des intérêts privés d’opérateurs économiques, et d’autre part, la santé et le bien-être de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui résident dans ce grand bassin de population qu’est la zone des Badamiers à Labattoir. Les clients se retrouvent sans pharmacie de proximité depuis le mois de mars 2022 (date d’annulation de la licence) et dans cet imbroglio administratif et juridique qui pourrait encore durer. Un professionnel du secteur que nous avons rencontré reconnaît que « c’est carrément la guerre » entre les deux opérateurs. Contacté par nos soins, le directeur général de l’ARS Mayotte, Olivier Brahic, reconnaît que la position de l’institution est très inconfortable, que ce dossier est hyper complexe à résoudre sur le plan juridique, y compris au niveau des juristes du ministère de la Santé à Paris. Il assure comprendre le désarroi de la patronne de l’ancienne pharmacie des Badamiers, mais souligne en même temps qu’une solution qui n’est pas mûrement réfléchie est susceptible d’être attaquée à nouveau en justice par l’une ou l’autre des parties, voir même d’autres concurrents potentiels. Pour faire simple, le silence apparent du représentant local du ministère de la Santé et le report de sa réponse définitive sur ce dossier à décembre ne signifient pas que ce dernier soit mis aux oubliettes. Il y aurait en plus des délais réglementaires incompressibles à respecter sachant que la décision finale de l’ARS Mayotte doit être extrêmement blindée sur le plan juridique. Celle-ci se veut toutefois rassurante à l’égard des populations concernées par la fermeture de l’officine des Badamiers, elle réaffirme le fait qu’elle a conscience de la nécessité d’une offre de soins qualitative à proposer aux patients à travers un maillage correspondant aux besoins de la population de Petite-Terre et privilégiant l’intérêt public.

« Pas de parti pris »

Du côté de l’ordre des pharmaciens, la position se veut limpide dans ce dossier, « pas de parti pris », même s’il est confirmé que le dossier de l’ancienne pharmacie des Badamiers, plusieurs fois soumis à examen, « a toujours été complet et conforme aux textes réglementaires ». On prend soin de préciser que le gendarme de la santé à Mayotte, c’est l’ARS. C’est à elle qu’il incombe de trancher sur cette affaire qui n’a pas son précédent en France et en Navarre. En l’absence du territoire de son représentant, le syndicat des pharmaciens n’a pu s’exprimer. Cependant, un professionnel du secteur, sous couvert de l’anonymat, a estimé qu’une solution était possible pour sortir de cette impasse. Celle-ci nécessiterait une intervention de la part des élus locaux et des instances parisiennes. Cette solution passerait par une réduction exceptionnelle des quotas en Petite-Terre (de 7.000 habitants actuellement par pharmacie à 6.000 ou 5.000). En outre, la population est officiellement estimée par l’Insee à un peu plus de 19.000 habitants, ce qui pourrait faciliter l’installation de deux pharmacies. En y additionnant celle existante rue du Commerce à Labattoir et celle de Pamandzi, cela permettrait d’instaurer une rotation (réglementairement obligatoire à partir de quatre officines) de garde les week-ends, au grand bénéfice de la population locale.

Étant donné son caractère régalien, cette décision dérogatoire et localisée ne pourrait alors souffrir d’aucune contestation juridique nouvelle. D’autant que l’ARS indique que cinq nouvelles licences seront octroyées dans trois ans pour de nouvelles pharmacies dans l’île.

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