Avec le confinement, les demandeurs d’asile à Mayotte prisonniers du désespoir

Habitués à une galère quotidienne en espérant, un jour, obtenir le précieux statut de réfugiés, les demandeurs s’asile vivent le confinement comme un nouveau fléau. Les empêchant de se nourrir et d’alimenter encore un peu leur foi en une vie meilleure.

« On nous dit que le confinement va nous protéger contre le coronavirus mais nous allons mourir de faim ! Quelle sera l’importance du confinement si c’est pour nous retrouver morts dans nos maisons à la fin de l’épidémie ? », se désole Marie-France. Devant l’association Solidarité Mayotte qui vient en aide aux demandeurs d’asile du territoire, le trottoir ne s’est pas dépeuplé malgré le confinement et un service réduit de l’organisation. Mais aux difficultés quotidiennes que l’on retrouve habituellement chez ces personnes, une nouvelle détresse est venue se greffer. « Avec le confinement, c’est devenu tellement dur, nous souffrons énormément. Même quand on sort pour aller chercher les bons alimentaires on se fait arrêter par la police. Il n’y a pas moyen de vivre… », poursuit encore Marie-France, arrivée du Congo le 30 janvier avec son enfant de deux ans. Le regard perdu sur le goudron qui chauffe au soleil, la jeune maman raconte comment jusqu’à présent, elle parvenait à se débrouiller tant bien que mal pour survivre. Dans l’espoir, un jour, de décrocher le statut de réfugié que nombre de ses compatriotes espéraient trouver à Mayotte.

« Avant je vendais des chouroungou [des oignons] pour essayer de s’en sortir un peu mais maintenant ce n’est plus possible. La police est partout pour nous empêcher de le faire et quand ils nous attrapent ils nous mettent de grosses amendes même si je ne sais pas comment on pourrait les payer. Nous n’avons plus rien. Par exemple je n’ai qu’une seule tenue, je dois attendre qu’elle soit sèche pour pouvoir sortir de chez moi », emboîte Séraphin, qui a posé le pied en terre mahoraise après le même chemin d’exil que Marie-France. « On essaye de s’adapter à la vie de Mayotte même s’il y a beaucoup de difficultés. Vous savez quand on vient d’aussi loin, on ne connaît personne, il n’y a pas quelqu’un pour nous accueillir. S’intégrer est donc très compliqué. Chez Solidarité Mayotte il y a quand même un peu d’accompagnement. Pendant un mois, on nous loge et puis on nous accompagne avec des bons de 30 euros par mois. C’est toujours ça mais ça reste très peu car la vie ici est très chère », témoigne le demandeur d’asile.

« Il n’y a plus d’avenir, plus d’espoir. Juste la souffrance »

Alors, pour survivre, c’est la débrouille. « D’habitude on sort pour trouver de quoi gagner un tout petit peu d’argent, trouver à manger et de quoi payer le loyer ». Une lutte quotidienne rendue impossible par le confinement. « Ces derniers jours, c’est devenu encore plus compliqué « On ne trouve pas à manger, on ne voit personne et c’est aussi très dur pour le moral d’être aussi isolé. C’est très compliqué. On n’arrive plus à trouver de quoi payer le loyer de la colocation, il n’y a pas moyen. Nous n’avons plus rien et nous sommes tellement seuls », confie le trentenaire, en maillot de football mais sans équipe, assurant que pendant ce temps « nos dossiers à l’Ofpra n’avancent pas, on nous a oublié. » Solidarité Mayotte s’est en effet vue contrainte de se concentrer sur ses missions les plus urgentes, comme l’hébergement et la distribution de bons pendant cette période inédite.

Marie-France aussi, se sent abandonnée, avec son enfant. « La vie est devenue extrêmement compliquée. Avec les bons de 30 euros par mois ça ne suffit pas du tout, surtout que mon enfant est malade, il a une constipation terrible et il faut que je puisse lui donner les bonnes choses à manger pour que ça s’améliore », se désole-t-elle encore. « J’ai peur. Avant on pouvait penser un tout petit peu à l’avenir et se battre pour nos demandes d’asile. Ça donnait un peu d’espoir même si on ne se fait plus trop d’illusions. Maintenant il n’y plus d’avenir, plus d’espoir, juste la souffrance », lâche tristement Séraphin. Autour de lui, quelques compatriotes venus l’écouter acquiescent en silence dans une détresse commune.

 

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