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« Le jardin mahorais contribue à l’alimentation des retenues collinaires »

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À l’occasion des journées européennes du patrimoine 2023, l’association Les Naturalistes de Mayotte a choisi le jardin mahorais comme thème pour son prochain café naturaliste, qui se tiendra ce vendredi (voir encadré). Une conférence qui abordera cette culture traditionnelle et, plus généralement, les différents intérêts de l’agroforesterie. À l’occasion de cet événement, Michel Charpentier, président des Naturalistes, revient sur les spécificités de ce type de culture.

Flash Infos : Pourquoi avoir choisi le thème du jardin mahorais pour les journées du patrimoine ?

Michel Charpentier : Le jardin mahorais, qui a une relation forte avec l’agroforesterie, est une méthode de culture traditionnelle, mais qui, malheureusement, est en cours d’abandon. Son principe repose sur le fait d’avoir plusieurs types de plantes sur une même parcelle, avec un étagement de la végétation en hauteur. Ainsi, on va avoir des arbres fruitiers, des arbres moins gros comme les citronniers, les orangers ou les bananiers, puis du manioc et même, parfois, du riz au ras du sol. Tout se mélange : on parle de culture associée. Aujourd’hui, cette technique reste pas mal développée sur l’île, mais ce n’est souvent plus le jardin mahorais totalement initial. Depuis quelques temps, il y a une tendance aux parcelles mono-spécifiques, c’est-à-dire des parcelles sur lesquelles on ne va cultiver que de la banane ou que du manioc, par exemple. On peut notamment expliquer cela par une volonté d’être immédiatement rentable. Puis, contrairement à ce qui pouvait être il y a quarante ans, beaucoup d’exploitants ont une autre activité principale et donc moins de temps pour travailler dans les champs. Une fois qu’on a planté ses pieds de banane, on est tranquille, on n’a pas besoin de revenir toutes les trois semaines pour retravailler le sol. Or, les inconvénients de la monoculture sont majeurs.

F.I. : Quels désavantages présentent les monocultures par rapport au jardin mahorais ?

M. C. : La banane et le manioc sont des plantes qui ne protègent pas le sol, car elles ont très peu de racines. Elles ne permettent pas de conserver le sol en place comme savent le faire les arbustes. Le sol est alors fragilisé et une bonne partie de la terre arable est embarquée par les pluies. Cela contribue donc à l’érosion. Au bout de quelques années, le sol ne donne plus rien. La parcelle devient une friche, ou ce qu’on appelle ici un padza, c’est-à-dire un sol complètement nu et stérile. Or, cela met des générations pour qu’un padza se réadapte. Les remettre en état a un coût : la reconquête des padzas est estimée à 50.000 euros l’hectare. Les méthodes du jardin mahorais et de l’agroforesterie (le fait d’intégrer des arbres à ses cultures, NDLR), sont les moins agressives pour le sol. Ces cultures diversifiées le protège, grâce aux racines et au fait que toutes les plantes n’arrivent pas à maturité en même temps. Il y a toujours, plus ou moins, une certaine couverture du sol. Cela offre une meilleure protection face aux grandes pluies, surtout dans les zones en pente. De plus, varier les cultures permet de prévenir la présence des parasites, car on ne concentre pas la même espèce au même endroit.

F.I. : Vous venez d’évoquer la terre plus facilement embarquée par les pluies dans le cas de la monoculture. Y’a-t-il des différences d’impact sur l’infiltration de l’eau dans le sol entre les deux méthodes que vous venez de présenter ?

M. C. : Effectivement, dans le cas des parcelles mono-spécifiques, les sols n’ont que des plantes avec peu de racines, ce qui fait que l’eau circule rapidement, glisse et s’en va très vite vers le lagon, sans avoir le temps d’infiltrer les terres. Quand il y a suffisamment d’arbres et d’arbrisseaux, cela favorise l’infiltration de l’eau, qui va alors dans les nappes phréatiques. Cela donne des sources qui alimentent les rivières puis les retenues collinaires. Le jardin mahorais contribue donc à l’alimentation de ces retenues. Il y a aussi un autre phénomène : là où il y a des arbres, il y a évapotranspiration. Alors, à l’échelle d’une parcelle, c’est invisible et pas mesurable, mais cette évapotranspiration, c’est de la vapeur d’eau qui rejoint ensuite les nuages, de l’eau qui peut retomber sur le sol. La végétation, de manière générale, produit cette vapeur, mais un manguier va en fabriquer plus que 25 pieds de manioc qui ont de toutes petites feuilles. Plus il y a de forêt, mieux on est servi en pluie, et moins il y a de forêt, plus il y a de sécheresse.

Une conférence sur le jardin mahorais, ce vendredi

Pour en apprendre davantage sur le sujet, le public est convié par l’association au café naturaliste ce vendredi 15 septembre, à 18 h, au restaurant La Croisette à Mamoudzou (derrière le marché). Clara Husson, agronome au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), y animera la conférence prévue, intitulée « Le jardin mahorais : une agroforesterie aux diverses formes et fonction ». L’occasion de découvrir les intérêts économiques, environnementaux et sociaux du jardin mahorais, mais aussi de mettre à l’honneur cette culture traditionnelle lors des journées du patrimoine.

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