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Crabier blanc : le Gepomay livre un premier bilan de son action

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Dans le cadre du projet européen Life Biodiv’om, le Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte (Gepomay) anime depuis 2019 un plan national d’actions (PNA) en faveur du crabier blanc, un petit héron en danger critique d’extinction dont Mayotte abrite 20 à 40% de la population mondiale. Suite au comité de pilotage de la quatrième – et dernière – année de ce PNA organisé le lundi 16 janvier, nous avons échangé avec Steeve Mathieu, chargé d’études crabier blanc au Gepomay.

Flash Infos : Pourquoi le crabier blanc est-il si spécial ?

Steeve Mathieu : Le crabier blanc Ardeola idae est un petit héron de 35 à 45 centimètres, qui nidifie sur quatre îles dans le monde : Madagascar, Aldabra aux Seychelles, Europa dans les îles Eparses et Mayotte. Ici, le crabier blanc niche en mangrove, et s’alimente dans les zones humides. L’espèce est en danger critique d’extinction selon le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

F.I. : Pour quelles raisons ?

 S.M. : La grosse problématique à Mayotte, c’est la dégradation de leur habitat. Les zones humides subissent beaucoup de pressions. Outre le déboisement et la pollution des eaux, les zones humides sont dégradées par des espèces exotiques envahissantes (EEE) végétales – telles que le songe, le dartier ‘Cassia alata’ ou encore la casse fétide ‘Senna obtusifolia’. Enfin, le rat noir des mangroves, connu pour créer de gros problèmes sur les populations d’oiseaux dans le monde, prédate ici les œufs et les juvéniles de crabiers au moment de la reproduction (N.D.L.R. entre septembre et février).

F.I. : En quoi consiste le plan national d’actions en faveur du crabier blanc ?

S.M. : Le plan national d’actions (PNA) crabier blanc, que nous animons au Gepomay, s’articule autour de six axes. Tout d’abord nous suivons l’évolution de la population. Nous procédons à un comptage mensuel sur une vingtaine de sites d’alimentation connus, et nous avons mis en place un protocole de photo-comptage par drone. L’appareil fait un premier passage, prend des photographies sur lesquels on compte les nids. On répète l’opération un mois plus tard et on comptabilise les nouveaux nids. Des modèles statistiques nous permettent ensuite d’estimer le nombre de crabiers blancs vivant à Mayotte : 415 couples à la saison reproductive 2021/2022.

Deuxièmement, il s’agit de réduire au maximum les causes de mortalité directes. Nous avons mentionné le rat noir des mangroves, contre lequel nous luttons à l’aide de pièges mécaniques.

Nous œuvrons à la protection des sites de reproduction contre les menaces en mangrove, par la mise en place d’outils réglementaires. Nous avons par exemple déposé une demande d’arrêté préfectoral de protection de biotope pour trois mangroves, pour lequel nous n’attendons plus que la validation de la Dealm (N.D.L.R. direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer).

Sur le terrain, nous travaillons à la conservation et à la restauration des sites d’alimentation du crabier blanc. Ils sont au nombre d’une vingtaine, dont les plus emblématiques sont le lac Karihani, les retenues collinaires de Dzoumogné et Combani, et la prairie humide de Tsararano. Nous avons par exemple œuvré à la restauration de la prairie humide de Malamani, sous forme de chantier d’insertion, en partenariat avec Mlézi Maoré : 5 jours d’arrachage des espèces envahissantes, 2 jours de plantation. Le bilan est mitigé puisqu’une grande partie des 335 plants indigènes réintroduits ont été volés. Les espèces exotiques envahissantes reprennent petit à petit le dessus. Nous sommes à la recherche de volontaires pour nous aider dans l’arrachage de ces plantes ! Un vrai travail de sensibilisation est nécessaire auprès de la population, comme des élus… En ce sens, le Gepomay a organisé en août dernier le festival du crabier blanc pour communiquer et sensibiliser la population autour de concerts et autres animations.

Enfin, nous faisons vivre le PNA au niveau national et international. Nous avons à ce titre participé au Pan African Ornithological Congress, organisé en novembre dernier au Zimbabwe, pour présenter notre dispositif d’équipement télémétrique des crabiers blancs – une première mondiale – et de lutte contre le rat noir. Un beau coup de pub : l’événement à réuni plus de 300 participants de 69 pays différents.

F.I. : A l’aube de cette dernière année de PNA, quel bilan tirez-vous ?

S.M. :  Tout d’abord, l’équipement télémétrique réalisé sur onze individus que nous avons équipés de balises Argos, nous fournit des données très intéressantes sur leur comportement ! On se rend compte que les crabiers blancs évoluent dans un périmètre plutôt restreint : certains restent cantonnés au grand Mamoudzou, d’autres demeurent en milieu forestier ou agricole. Un seul individu s’est aventuré à Anjouan, avant de revenir à Mayotte en fin d’année dernière. Nous avons également identifié un nouveau site d’alimentation. Un stagiaire a rejoint notre équipe pour analyser les données de télémétrie et de suivi des sites d’alimentation.

Nous allons rédiger le bilan final de notre action, qui sera examiné par un évaluateur sélectionné par la Dealm. Suite à cela, la décision sera prise de poursuivre ou non le PNA. Pour nous, l’objectif serait de le prolonger sur dix ans.

Des sorties pour découvrir les oiseaux des zones humides de l’île

Dans le cadre de la Journée mondiale des zones humides, le Gepomay organise trois sorties pour découvrir les oiseaux des zones humides mahoraises :

  • Samedi 11/02 : Lac Karihani
  • Samedi 18/02 : Zone humide d’Ambato
  • Samedi 25/02 : Retenue collinaire de Combani

Plus de renseignements par mail : animation@gepomay.fr

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