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Une nuit avec les gendarmes mobiles à Mayotte

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Quand la population mahoraise prépare la riposte

Sur les réseaux sociaux ou dans la rue, formellement ou spontanément, les initiatives se multiplient pour répondre à la délinquance qui flambe à nouveau sur l’île aux parfums. Au risque, parfois, de voir l’exaspération prendre le pas sur la loi. 

Mayotte : une naissance dont ils se souviendront

Une naissance dans la rue, ce n’est pas si courant. C’est pourtant ce qu’ont vécu Jonathan et Mouna, lundi 18 mai, date à laquelle Sarah, leur petite fille, a décidé d’arriver. Un évènement auquel ont participé quelques passants, sur les lieux par hasard. Et quand s’improvise une chaîne de soutien, cela donne une belle histoire. Récit. 

À Mayotte, “le confinement a révélé la capacité perverse de certains à faire du mal aux autres sans qu’ils ne s’en rendent compte”

Deux mois de confinement peuvent en dire long sur un individu, mais ils peuvent également dévoiler les pires et les meilleurs aspects d’une société. La crise sanitaire a mis en évidence les failles de la société mahoraise, partagée entre la conscience de certains et l’irresponsabilité des autres. Le sociologue Combo Abdallah Combo nous explique pourquoi il est urgent de tirer les leçons de ce confinement et essayer de changer la donne. 

Camille Miansoni, procureur de Mayotte : “Mon rôle est de protéger la société avant tout”

L’affaire du rapt en Petite-Terre qui suscite l’émoi dans l’ensemble du Département est révélatrice de nombre de maux dont souffre la société mahoraise au sein de laquelle nombre de personnes semblent valider l’idée que l’on puisse se faire justice soi-même à défaut d’une carence supposée de l’État. Le procureur de la République, Camille Miansoni, revient ici sur ces éléments. C’est aussi l’occasion pour lui de rappeler le rôle qu’il occupe et la vision qui l’anime alors que les critiques pleuvent sur sa personne.

Si le confinement à Mayotte a permis, à ses débuts tout au moins, de calmer les violences que connaissait le territoire, d’autres les ont remplacés rapidement. Pour intervenir sur ces rassemblements virant aux affrontements, la gendarmerie mobile est déployée. Nous l’avons suivi durant une nuit. 

Il est 19h30, mercredi 20 au soir. Dernière nuit de travail pour les hommes de l’escadron de gendarmerie mobile de Saint-Gaudens (31), qui attendaient alors leur relève pour le 22 mai. Arrivés le 19 janvier, le confinement les aura contraints à rester à Mayotte un mois de plus. Objectif de ce report : assurer des “opérations de contrôles de zone”. En d’autres mots : veiller à ce que le confinement soit bien respecté. Au moins autant que faire se peut. Au moins sans violence. Car c’est là la vocation de la gendarmerie mobile : intervenir pour disperser les attroupements violents et les manifestations spontanées. 

Et de ce côté-là, on peut dire que ce prolongement a été bien loin d’être une sinécure. Ce qui explique, au-delà l’envie de retrouver conjoints, familles et amis – et même si “certains couples se sont habitués à vivre ainsi et ne pourraient plus faire autrement”, comme en rigolait un des hommes -, l’attente forte du départ, prévu trois jours plus tard. Mais il faudra encore patienter puisque restent encore quelques heures de mission à assurer. 

De l’hôtel Sakouli, où résident les effectifs, le convoi de trois véhicules – deux camions et un 4×4 – se met en route. À 20h15, il rejoint les gendarmes déjà en place au carrefour de Tsararano pour se tenir prêt en cas d’intervention dans cette zone sud de l’île. Au total, deux pelotons – soit 32 hommes – positionnés là et visibles de tous. Ce n’est pas pour rien. “L’endroit est stratégique”, précise le capitaine Florent Colombet en expliquant “la présence qu’il permet d’assurer et la rapidité d’intervention qu’il autorise”. Trois routes partent en effet d’ici : celle du nord, bien que d’autres pelotons de gendarmerie mobile y soient présents, et surtout celles de Chiconi et de Chirongui. La longue attente peut commencer, toujours basée sur un mot d’ordre : se tenir prêt. Car à la moindre alerte, il s’agira de se rendre sur les lieux agités pour tâcher de remettre de l’ordre. Une mission désormais bien connue par ces hommes et femmes qui, ces dernières semaines, ont eu à réguler et disperser les tensions entre jeunes, notamment celles liées à la tenue de morengués. L’officier l’explique : “Avec le confinement, nos missions ici ont un peu évolué, bien que nous avons eu à intervenir pour disperser des violences avant, à Kawéni et Tsoundzou notamment. Puis il y a eu une relative période de calme avec le début des mesures liées au virus, avant qu’elles ne reprennent dans le cadre cette fois de morengués. Les jeunes y cherchaient l’affrontement et en profitaient pour piller des commerces et cambrioler les habitants.” 

Mais pour le moment, tout est calme et seul un affectueux chien errant et quelques cigarettes viennent égayer la vie du groupe. Pas de quoi se rassurer pour autant. Tous s’accordent : “Cela peut être calme pendant quelques heures et dégénérer d’un seul coup. Même quand nous sommes de retour à l’hôtel, nous pouvons repartir en urgence.” 

Intervention de soutien 

Une heure plus tard, toujours rien en termes de rassemblement, mais une demande de la gendarmerie départementale. Celle-ci a reçu l’appel d’un homme habitant Hajangoua et qui dit être violemment menacé par son voisin après une dispute. Vraisemblablement, le taux d’alcoolémie de chacun des deux protagonistes n’est pas étranger à l’histoire. Oui, mais voilà : le premier serait armé selon les dires du plaignant. De quoi convaincre les départementaux de demander l’appui de la mobile. Quelques hommes sont donc envoyés sur place. Chemin inverse pour rejoindre les lieux et, au niveau du stade d’Iloni, un caillou jeté sur les grilles du camion, malgré la présence d’adultes en bord de route. “C’est systématique quand on passe ici”, déplore un des gendarmes. À l’arrivée à Hajangoua, descente du véhicule et accueil par le plaignant, dont le bonbon à la menthe avalé entre temps peine à dissimuler les relents d’alcool. Sur le mur de cette grande maison rappelant curieusement un mas provençal, une fenêtre s’entrouvre. Du premier étage, ledit voisin, finalement endormi, interpelle les gendarmes, non sans une certaine assurance. “Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?”, s’étonne-t-il, lampe-torche à la main, mis en joue sans le savoir par deux des hommes présents dans la cour. Explications du gendarme. “Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries encore ? Il me doit quatre mois de loyer”, s’indigne-t-il encore. “Non, juste un mois à cause du confinement”, répond son voisin, passablement énervé. Nous nageons là en pleine querelle exacerbée de voisinage. Pour autant, les choses se calment. 

• “Retournez vous coucher monsieur, nous repasserons demain pour en discuter”, intime le gendarme. 

• “Voilà faisons ça, oui”, lui répond l’homme, toujours à sa fenêtre, râlant. Et toujours avec, il faut lui reconnaître, un culot étonnant : “Qu’est-ce que c’est de débarquer comme ça chez les gens ? On n’est pas encore en dictature que je sache. Et pensez à refermer la chaîne en partant.” 

• “Fermez votre fenêtre monsieur et allez vous coucher je vous ai dit.” 

• “Oui oui, qu’est-ce que c’est que cette façon de faire…” 

Retour au camion et, à nouveau, départ pour rejoindre les troupes encore en poste à Tsararano. À nouveau, au passage d’Iloni, une pierre vient s’éclater contre le véhicule. Traditionnel, comme le faisait remarquer un des hommes. 

Au carrefour, tout est toujours calme. Il semble que ce soir, rien ne soit à signaler. Les forces déployées dans le cadre des récents événements auraient-elles porté leurs fruits ? Peut-être, mais rien n’est moins sûr car, encore une fois, “ça peut changer d’un moment à l’autre”. 

Un contexte très particulier 

En attendant, les hommes discutent. Une chose revient de leur expérience de quelques mois à Mayotte. La situation ici leur apparaît très particulière. L’un d’entre eux le déplore : “Des gamins parfois livrés à eux-mêmes et parfois sous chimique. Ou avec des parents qui ne transmettent aucune éducation. Tout ça est grave. On voit des petits dans la rue faire des conneries, devenir ultra-violents pour bien peu, un téléphone, un billet… C’est vraiment très particulier comme contexte.” Même si la violence existe partout, notamment en Outre-mer où ces hommes sont déployés une partie de l’année, ce particularisme social de Mayotte retient leur attention. Mais ce soir, ils n’auront pas à y faire face. La soirée s’est déroulée dans le calme. Rien à signaler. Ou pas encore en tout cas. 

Vers minuit, le convoi reprend donc la route de l’hôtel Sakouli. À Iloni, le stade et les bords de route se sont vidés. Pourtant, quelques centaines de mètres après, c’est de la pénombre de la brousse que viendra un nouveau jet de pierre. Un gros caillou cette fois, n’empêchant pour autant pas le camion de poursuivre sa route. Savent-ils alors, ces jeunes, que les mobiles rentrent à l’hôtel ? Cela se pourrait : “Ils nous observent, guettent nos allers-venues pour pouvoir sortir ensuite”, a constaté l’un d’eux durant son séjour ici. Une fois à l’hôtel, il s’agit alors de décharger et ranger le matériel. Après cela, ils pourront débuter leur nuit et se préparer à la quatorzaine qui les attend à leur retour en métropole, dans un camp militaire. Mayotte étant en zone rouge, leur périple n’est pas encore tout à fait fini. 

Sur le chemin du retour à Mamoudzou, à hauteur de la Brigade territoriale autonome de la gendarmerie départementale, les phares de notre voiture éclairent soudainement un panneau au milieu de la route. Il n’est pas seul : celui indiquant la direction de la gendarmerie a été arraché et posé lui aussi sur la voirie. Comme deux autres. Un barrage improvisé destiné à arrêter les véhicules et en dépouiller les conducteurs et passagers. Nous accélérons en slalomant entre les obstacles et passons sans mal. Coup de fil au capitaine Colombet, qui enverra une équipe sur place. Ils nous l’avaient bien dit, les mobiles : en termes de sécurité, à Mayotte, nul ne saurait être prophète.

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