Août 2007 – Petit Déjeuner Mayotte Hebdo – Les soldats du social

Mayotte Hebdo : Quel bilan faites-vous sur le social à Mayotte : les persistances, les améliorations, les régressions ?

Jean-Louis Gaulthier : Pour moi, quand je regarde dans le rétroviseur, le système de santé s’est amélioré grâce à ses réseaux. Le premier est celui de l’Ordre des médecins, puis la création de la sécurité sociale. Un travail sur la solidarité a débuté. Elle est paradoxalement neuve à Mayotte, même si la musada existe. La notion de solidarité dans notre ère moderne tendait à disparaître. La CSSM a ouvert une brèche par rapport à ce lien social.

Mayotte Hebdo : Tout le monde remarque pourtant une grande solidarité à Mayotte…

Jean-Louis Gaulthier : Avec le développement, la course à la consommation, un individualisme fort s’est développé depuis 1993. Par exemple les maoulidas shengué ont disparu. Il y a eu une régression sociale en 10 ans, justement à travers cet individualisme naissant et le besoin de consommation. Les individus ont voulu accéder à ces nouvelles vitrines, de manière totalement normale d'ailleurs. Je pense notamment aux grandes surfaces apparues dans les années 2000. Les personnes se sont rendues compte qu’il fallait un pouvoir d’achat pour accéder à ces plaisirs. Cette régression s'est accentuée avec la naissance de cette politique d’immigration clandestine, avec le refus de prise en charge des personnes. Le visa Balladur, en 1995, a créé beaucoup de discriminations. C’est une question qui se pose à la société mahoraise actuelle. La question du lien social, de la famille, alors que certaines ont dû se renier entre ceux qui avaient les papiers et ceux dépourvus. Moi-même j’ai fait partie de ces gens qui ont atomisé cette cellule en envoyant des gens se faire soigner en Métropole, à la Réunion. Quand je mettais en inaptitude des personnes qui n’avaient pas les soins ici, elles laissaient toute une famille sans revenu. Le système, quand il veut coller trop à sa lettre, déclenche aussi des ruptures, quand il ne prend pas en compte les spécificités mahoraises.

Cris Kordjee : Je suis d’accord avec Jean-Louis Gaulthier. Mais au niveau de la famille je dois préciser que la solidarité au sens d'entraide a toujours existé dans la sphère privée. Mais au cours de ces deux dernières décennies, c’est la solidarité collective, nationale qui s’est développée. Cette "intrusion", (ce n’est pas péjoratif de l'appeler ainsi car cela apporte aussi beaucoup de bien), cet interventionnisme donc a des effets sur les individus et les familles, et sur cette solidarité privée. Prestations familiales et autres se développent, mais en même temps la question de la contribution des uns et des autres, de ceux qui en sont bénéficiaires, n'a pas été assez abordée. On n’a pas su transmettre l'idée que cette solidarité engage ses bénéficiaires et appelle des contreparties parce qu'elle est le fruit de luttes antérieures, menées par d'autres. Ne serait-ce que le fait d'éduquer ses enfants pour qu'ils puissent en retour contribuer par leur travail au développement du pays et alimenter le pot commun C’est de là que vient le propos qui fâche. L'assistanat. On entend, ici ou là, qu’il ne faut pas développer l’assistanat. Le problème n'est pas là. Mais par provocation je réponds et pourquoi pas ? Pourquoi quand c'est notre tour on nous dit que c'est mal alors que vous y avez goutté depuis des décennies et vous en demandez toujours plus ! En même temps cela m'énerve quand j'entends les hommes politiques affirmer que : "Mon programme c’est de faire venir le RMI" Peut-on décemment bâtir un projet de vie à partir d'une telle prestation ? Par principe, je dirais que je refuse ce projet de vie. Ce RMI fait partie des mesures correctives qui viennent quand le système est défaillant Ne pourrait-on être plus ambitieux ?
Il nous faut explorer d'autres voies d'insertion ici, pour les raisons que nous savons, Même s'il est par ailleurs légitime que cette solidarité nationale s'exerce aujourd'hui pour soutenir des personnes en difficultés du fait de leur âge, de problèmes de santé, de handicap… et qui ne peuvent pas gérer leurs dépendances, seules. Que la solidarité nationale intervienne donc ok. Elle est encadrée et elle garantit des droits contrairement à la solidarité familiale traditionnelle dont la jouissance n'est pas garantie, donc pas protégée ce qui expose ses bénéficiaires à une rupture à tout moment. Pour autant, le fait que cette solidarité familiale nous a sauvés jusqu'ici est avérée et fondamentale ; il ne faut pas le minimiser. Car c'est tout de même ces liens qui font que l'on se sent redevable envers ses parents, frères et sœurs, sa communauté etc…qui ont assuré la cohésion de notre société, régulé nos conduites, nos relations. Ce sont aussi des luttes qui ont amené ces droits. Il faut en avoir conscience.

"Il faut trouver d’autres voies que le RMI"
Jean-Louis Gaulthier

Mayotte Hebdo : Pourquoi ici le message ne passe pas ?

Jean-Louis Gaulthier : Ce n’est pas ça. Il faut trouver d’autres voies que le RMI. Parce que pour celui-ci, il faut que les fondamentaux soient mis en place : l’éducation, l’instruction publique. Il faut donner un espoir au travailleur dans cette nouvelle donne mondiale économique. Il faut trouver d’autres moyens que la formation professionnelle parce que historiquement Mayotte s’intègre dans d’autres domaines. A cause d’une maladie, un ouvrier qui doit être reclassé ne trouve que gardien. Alors qu’a l’époque, le vieux avait vraiment une place. Il était sous le manguier. C’était le sage. C’était un mwalimu. Il discutait avec le jeune. Il y avait un lien social. Et celui-ci est en train de se perdre parce qu’on veut imposer un système réglementaire pas du tout adapté avec ce qu’on rencontre sur le terrain.

Cris Kordjee : Je suis totalement en accord. On entend souvent dire que Mayotte est en retard. Education. Infrastructure. Mais dès lors qu’il s’agit de parler de projets, on perd notre bon sens. Les fundis, les anciens qui ne peuvent plus se vendre sur le marché du travail, si l’on veut les accompagner pour ne pas les exclure, il faut mettre en avant leurs savoir-faire. Il ne faut pas tout normaliser. On est d’accord pour dire qu'il le faut pour les générations scolarisées, équipées, qui sont compétitives sur le marché de l'emploi. Et les autres ? Pourtant il y a du savoir-faire chez les anciens. Je ne suis pas spécialiste de la chose économique. Mais j’ai du mal à imaginer qu’avec de la volonté on n'ait pas pu faire de nos fundis qu’ils puissent continuer à travailler, à former des jeunes. On sait qu'une tonne de gens ont des compétences avérées mais se retrouvent hors jeu aujourd'hui parce qu’il faut des certifications reconnues. Comment on a fait pour bâtir la préfecture, alors ? Et les pêcheurs par exemple ?. Le problème ne réside pas dans le fait de normaliser, mais il faut être réaliste. Qu’est-ce qu’on fait des autres ? On les met à l’écart. Les jeunes qui ont des diplômes c’est bien, tant mieux. Si les vieux pouvaient toucher une retraite décente aussi, ce serait tant mieux. Mais le fait est que beaucoup de personnes en âge d'être actifs sont privées de revenus. Je me rappelle d'une entrevue sur les pêcheurs que j'ai lue dans vos colonnes. Un homme de 60 ans, du jour au lendemain est interdit de pêche. Motif : inaptitude On me demande s'il y a des aides sociales car le contrôle médical ne lui était pas favorable mais quelles sont les alternatives ?

Jean-Louis Gaulthier : Tout à fait. Zéro alternative.

Cris Kordjee : Il ne faut pas être plus royaliste que le roi. J’entends bien les exigences des médecins et des fabricants de formation de pêcheurs. Mais quel sens ça a ? On ne va pas l’envoyer au casse-pipe le reléguer au rang des exclus du jour au lendemain. Puis de toute façon que vous l’autorisiez ou pas il va peut-être crever de faim et personne ne s'en préàccupera.
Jean-Louis Gaulthier : Tout à fait.

"Et ce que je ne comprends pas par-dessus tout, c’est que les gens se laissent faire."
Cris Kordjee

Cris Kordjee : C’est comme ça qu’il survit depuis quarante ans. Il aurait pu se noyer des milliers de fois avant. Il galère depuis tout jeune. Aucun dispositif n'a été conçu pour lui. C’est comme cela qu’il survit par son travail. Je dis simplement qu’il faudrait adapter le rythme des choses. Je ne comprends pas pourquoi soudainement on devient, comme cela, inapte à gagner son pain. Il faut aller de l’avant certes, mais il faut aussi ménager un certain nombre de dispositions.

Jean-Louis Gaulthier : Je suis tout à fait d’accord avec vous madame Kordjee.

Cris Kordjee : Les taximen, les transporteurs, c’est pareil. Pour tous les autres corps de métiers aussi. Ils transportent tout le monde à travers tout Mayotte depuis des années. Maintenant il leur faut un document. Comment va faire celui qui est illettré ? Depuis x temps, il remplissait sa mission. Il y a des programmes de formation, je suis d’accord, mais que faisons-nous pour ceux qui ne réussissent pas ? Que deviennent leurs familles si on leur refuse le droit de travailler ? J’ai l’impression qu’il y a une course à deux vitesses, sans cohérence. Et ce que je ne comprends pas par-dessus tout, c’est que les gens se laissent faire.

"Tout doit passer à travers des mixités, des mélanges"
Jean-Louis Gaulthier

Jean-Louis Gaulthier : J’ai été le témoin de ce que vous me dites. Que cela soit le code de la route ou le code de sécurité routière ou celui des gens de mer. On nous établit une réglementation française implacable. Si on ne l’applique pas, le médecin du travail peut se mettre hors la loi. Je ne peux pas laisser faire, mais comme les lois du handicap ne sont pas encore applicables, ces gens sont jetés à la rue. Il ne faut pas nous jeter la pierre, ce sont les politiques les responsables. Ensuite je suis bien d'accord, on aurait pu trouver d’autres moyens que la formation professionnelle à la française. Il y a des tests psychotechniques pour vérifier des compétences. On n'est pas obligé de savoir lire et écrire pour être un bon maçon, un bon pécheur. On peut se rendre compte des réflexes indispensables pour la survie ce qui est bien plus efficace que de savoir lire ou écrire. On se rend bien compte en Afrique qu’il y a beaucoup moins d’accidents en mer et sur terre qu’en Europe. Ils ont plus de réflexes car ils sont restés très près du réel.
En Europe, on est déjà dans le virtuel avec internet, la télévision, etc. J’ai vécu le problème des pêcheurs. Il y a un non sens. Il faut accéder à ces diplômes alors qu’ils ont 60-70 ans et qu’ils nous ont fourni notre poisson qu’on aime depuis 40 ans. C’est incroyable. J’ai d’autant plus combattu que souvent je n’intervenais qu’après la formation professionnelle. La direction du travail accordait une formation pour un métier et ce n’est qu’ensuite que je disais si oui ou non la personne pouvait le pratiquer. On a mis les choses à l’envers. A Mayotte, il faut plus de cohérence, donc plus de réseau. J’ai souffert de ce manque de communication. Tout doit passer à travers des mixités, des mélanges. A travers leur regard, leur peau, on sait que les Mahorais ont du mélange. Cette île est pleine de métissages. Alors, pourquoi, aujourd'hui, on voudrait se fermer à un monde stricto franco-français. C’est un non sens. On doit s’ouvrir. Cette île a besoin de respiration. Dans les transports en commun, on passe par la terre mais on peut aussi passer en mer. Il y a un manque d’imagination à Mayotte. On reste figé par des lobbys commerciaux. Nous sommes en train d’étouffer.

Mayotte Hebdo : Surtout qu’avant la route, les transports en Grande Terre se réalisaient par la mer. Mon grand-père nous le disait. Lors de la semaine du développement durable, un Mahorais faisait remarquer que l’île s’était dégradée par l’apport du matérialisme européen. Et maintenant, ce sont ces mêmes Européens qui viennent nous dire comment faire pour ne pas polluer. 20 ans plus tard.

Cris Kordjee : C’est vrai que des enjeux commerciaux énormes prennent en otage l'île et ils font très peu cas de l’environnement et autres déboires sociaux. Par une ironie du sort, en contrepartie on donne des budgets énormes pour protéger cet environnement afin de réparer ou atténuer les dégâts commis par ces lobbys. Il n’est pas trop tard pour bien faire, mais je doute que la volonté existe. Je doute qu’elle vienne d’ici. Ce n’est pas moi qui est le pouvoir. On peut faire appliquer le principe du pollueur-payeur. Tout le monde est d’accord pour dire que cette île est petite. On peut bien contrôler, nom de dieu, alors que tout le monde connaît tout le monde on nous dit que ce n’est pas contrôlable.

Jean-Louis Gaulthier : Vous avez tout dit, ce sont des enjeux commerciaux qui nous dépassent. S’il n’y a pas de volonté politique derrière on risque de s’enfoncer. On n’est pas exempt de la mondialisation. Si on arrive au principe du pollueur-payeur, c’est vraiment qu’on regarde par le petit bout de la lorgnette.

"Les fondamentaux, si l'on considère l’individu, c’est de donner un sens à sa vie"
"Retrouver la campagne, retrouver les zébus, les bananes, c’est retrouver les racines de son identité"
Jean-Louis Gaulthier

 

"Cela m'énerve tellement cette exaltation de la culture qui fait folklore"
Cris Kordjee

Mayotte Hebdo : Est-ce que vous avez rencontré une injustice de traitement dans le monde du travail entre Mahorais et Européens ?

Jean-Louis Gaulthier : Comme dans toute population précaire, les personnes se sentent démunies et ont un désintérêt de leurs corps. Il faut reprendre les fondamentaux. C’est comme en randonnée. Quand on a perdu le chemin, il faut savoir rebrousser chemin pour repartir dans le bon sens. Les fondamentaux, si l'on considère l’individu, c’est de donner un sens à sa vie. Que l’identité mahoraise ne soit pas schizophrène, bâtarde entre deux mondes celui de la Métropole et celui des Comores. Il faut que Mayotte soit fière de son identité, de son histoire. Il faut une véritable identité. J’entends de plus en plus de jeunes qui partent le week-end à la campagne. Et ça, c’est un point positif. Retrouver la campagne, retrouver les zébus, les bananes, c’est retrouver les racines de son identité. Ses valeurs. Retrouvez les histoires de la veillée. SI les jeunes comprennent qu’il n’y pas que la télé, l’internet, les voitures. Qu’il y a aussi ce que lèguent les anciens. Il y a de l’espoir. Le retour aux sources à Mayotte est pour moi essentiel.

Cris Kordjee : Pas un repli qui rend frileux, mais fier. Mais seigneur, il y a tellement de préalables. Cela m'énerve tellement cette exaltation de la culture qui fait folklore. Souvenez-vous du m’biwu qui est maintenant dansé sur les stades. Avant c’était aux grandes occasions, dans la cour, loin des regards des hommes. Cela fait dix ans que je suis rentrée et je suis perturbée car cela tranche avec la pudeur qui nous caractérise. A l’époque, c’était l’expression de la joie du mariage ou de la circoncision. Maintenant c’est pour montrer sa culture. Être fier. Mais vous savez que quand on décide de se battre pour sa culture, de la montrer c’est qu’elle existe déjà un peu moins. Bien sûr que je rêve de jeunes qui portent fièrement leur identité, leur culture. Mais aujourd'hui, nous sommes rendus à en faire trois fois plus, des tonnes pour se montrer fier. Je dis qu’il y a un conflit identitaire, "moderne-pas moderne". Mais au fond, C'est juste des choix des ajustements, adaptations à faire entre plusieurs systèmes de références. On peut développer des réflexes défensifs culturels quand on a l’impression de ne plus être. Avant je disais : "je suis", point ! Le travers, c’est que maintenant le jugement porté sur la culture locale est souvent négatif et emprunt de préjugés. C'est certainement déstabilisant dans le contexte de Mayotte. J’ai lu un jour ici que les enfants n'arrivent pas à apprendre le français parce qu’ils vont à l’école coranique, parce qu’ils parlent shimaore entre eux, alors que tout le monde sait qu’il faut d’abord maîtriser sa langue maternelle avant d’aller vers une autre langue. Mais au-delà, quel raccourci!

Jean-Louis Gaulthier : Et à condition que le français soit enseigné comme une langue étrangère.

Cris Kordjee :
Un discours comme celui-la venant d’experts me trouble. Cela jette l’opprobre sur certaines pratiques. Pour la régulation/limitation des naissances c’est la même chose. On a voulu limiter le nombre d’enfants par famille. Soit. Mais les parents à l’époque faisaient beaucoup d'enfants pour espérer que trois ou quatre survivent, et surviennent à leurs besoins pour leurs vieux jours. C’est humain. Alors pourquoi tourne-t-on en dérision ce "calcul" qui était pourtant plein de bon sens ? Certes, le contexte est différent aujourd'hui. Mais a-t-on besoin de dénigrer ce qui a fait sens avant ? D'ailleurs les faits donnent encore raison aux aînés aujourd'hui puisque tout le monde le sait, s’il n’y avait pas ces liens, ces formes de dettes intrafamiliales, je pense qu’il y aurait plus de soucis à se faire au vu du niveau de revenus de ces personnes aujourd'hui. La famille et les enfants donc prennent largement en charge les dépenses pour leurs membres handicapés ou âgés. On ne peut pas taper sur cette logique. Il y avait bien une cohésion avant l’intervention de l'Etat. D’ailleurs, si cela n’existait pas l’Etat devrait encore plus casquer.

"La résistance existe dans tous les milieux"
Cris Kordjee

 

"On demande aux mères de ne plus faire d’enfants, alors qu'il n'y a pas de retraite…"
Jean-Louis Gaulthier

Mayotte Hebdo : Il existe aussi une résistance passive des Mahorais qui est passablement cachée ou moquée.

Cris Kordjee : C’est plus facile de dire qu’il y a un problème de compétences que de résistance. Parce qu'on résiste à l'agression ou à l'oppression ou à ce qui inquiète. On doit aller plus loin. Parler de méfiance, de peur ou d’agression. Ce qui amènent à formuler d'autres questions. D’autres concepts entrent en jeu. Survient aussi peut-être la conscience ou la crainte d’être perdant dans la confrontation. C’est sûr qu’on freine.

Jean-Louis Gaulthier : Je me pose la question. Quelque part, il existe cette résistance. Mais est-ce elle ou le fait que l’Etat ne s’implique pas assez ? J’entends madame Kordjee sur la retraite. On demande aux mères de ne plus faire d’enfants alors qu'il n'y a pas de retraite… Il y a à la fois un manque d’implication de l'Etat, une absence de cohérence. On ne peut pas demander à un instit d'avoir un niveau CM2 pour apprendre à lire et à écrire à nos enfants. Je suis passé sur le Choungui dernièrement et dans le village de Dapani. On ne peut pas me dire que les enfants vont s’en sortir là-bas. Ils sont abandonnés par la République. Je ne suis pas sûr que la résistance passive soit aussi haute que la non implication de l’Etat français.

Cris Kordjee : Je suis d’accord avec vous. Les gens voyagent maintenant. Beaucoup de Mahorais ont pratiqué les institutions françaises. Ils savent ce que doit être l’école par exemple. Comment voulez-vous qu’ils aient confiance alors qu’à Mayotte on se rend compte qu'ils nous vendent la copie ? Nous sommes une population pauvre c’est indéniable. Mais une parole donnée est une parole donnée. Il faut que tout le monde à son niveau soit crédible. Nous sommes capables de comprendre les insuffisances, les lenteurs, les contraintes etc. Je ne crois pas que les Mahorais arrivent et disent : "on veut tout". Les gens sont conciliants. Il y a largement de quoi mettre le feu ici, mais ils ne le font pas. Le fait est que nous avons besoin de transparence dans les choix qui s'opèrent et de considération. Les gens jugent par ce qu’ils voient. Les inégalités sont visibles. Deux Smig institués dans le monde du travail privé. Un Smig mahorais et un Smig métro. Cela dépasse mon entendement. Où est la justification d'une telle pratique? Pourtant les gens acceptent. Il faut se battre. J’ai moi-même connu deux démissions d'agents placés sous ma responsabilité parce que je n'ai pas accepté qu'ils prennent des libertés avec des procédures à respecter rigoureusement. Moi je n’ai pas fait l’école de Chiconi, j’ai été formée en Métropole. Pas la peine de me raconter des cagouilles et des carambouilles. Si chacun à son poste se contentait de faire son boulot, les choses iraient mieux, mais voilà, au bout de deux jours la motivation et la rigueur disparaissent.

"Le social a besoin de locomotives, a besoin d’armées d’assistantes sociales, besoin d’un lobbying social, autrement on écoutera toujours les jeunes qui veulent des stades"
Jean-Louis Gaulthier

Jean-Louis Gaulthier : A Mayotte je suis convaincu qu’il faut un discours direct, franc; il faut mettre en place l’exemple républicain. Clair et transparent. Je me méfie des grands idéologues. Il existe une fracture entre ce qui est mené sur le plan politique et le terrain. J’aimerais qu’il ne soit pas systématiquement sourd à nos informations. Ce n’est pas une histoire d’incompréhension, c’est qu’ils ne veulent pas le voir. Un homme politique a remis un des fondamentaux de la République, la médecine du travail, en cause. On s’est fait beaucoup d’ennemis en s'opposant. Or on peut se regarder dans notre miroir, nous sommes à peu près clairs. On a été des pionniers, c’est tout. Je sais que d’autres personnes vont venir avec de la motivation. Moi, il me faut de la respiration. Mais ce n’est pas grave, ce n’est que partie remise. Je quitte Mayotte avec beaucoup d’émotions, comme vous. Le social a besoin de locomotives, a besoin d’armées d’assistantes sociales, besoin d’un lobbying social, autrement on écoutera toujours les jeunes qui veulent des stades.

"Moi je crains des réactions désordonnées, impulsives, car trop c’est trop"
Cris Kordjee

Mayotte Hebdo : Ressentez-vous un début de prise de conscience par rapport au droit commun comme à Sada ?

Cris Kordjee : Deux temps forts décalés entre le collectif et les destructions de Sada. Je ne suis pas d’accord avec votre vision des choses. A travers cette opération, ce serait une prise de conscience du droit commun par les destructions ? Comme si on faisait des choses pour nous faire peur. Voila le droit commun. Alors que je ne pense pas que l’application du droit commun donne ça. J’ai travaillé en France sur des projets d’expulsions, c’est du jamais vu Sada. C’était une opération militaire. Pas sûr que cela se passe ainsi ailleurs. Un certain nombre de préalables doivent se remplir avant. Quand on le veut, on peut faire différemment. Moi je suis excédée. Que fait-on du traumatisme des gens, des enfants ? Tout le monde est choqué, mais il n’y a pas eu de réactions à la mesure de ce qui s’est passé à Sada. Je suis très frustrée. "Moi je suis en pyjama. Depuis deux jours, je vais au travail comme ça car les affaires ont été détruites". C'est ce qui a été diffusé à la télé. Moi je crains des réactions désordonnées, impulsives, car trop c’est trop. Cela rend les institutions peu crédibles.
Il faut que les acteurs sociaux se réveillent. On ne peut pas être travailleur social sans être engagé, ce n’est pas possible. Si on veut avancer, il faut encourager l’engagement du travailleur social. La chance d’engager des travailleurs métropolitains c’est de découvrir de nouvelles méthodes, de l'imagination, des solutions nouvelles Il nous faut ici véritablement des développeurs du social et de l'humain pleins d'imagination et audacieux pour avancer, des exécutants, il y en a suffisamment déjà.

Jean-Louis Gaulthier : Mais vous êtes bien d’accord que vos politiques ne doivent pas être sourds.

Cris Kordjee : Vous l’avez dit trois à quatre fois, mais moi j’ai appris que chacun doit faire son boulot. C’est la population qui les a mis en place les politiques. Elle a un rôle de contrôle et d’impulsion, mais malheureusement, il n'y a pas beaucoup de mobilisation pour dire stop face aux difficultés dont elle pâtit. Il faut que les Mahorais se mobilisent pour défendre leurs intérêts.

"Ce qu'il manque à la République, la pierre angulaire du tout : une éducation digne de ce nom, la promotion sociale"
Jean-Louis Gaulthier

Mayotte Hebdo : Les Sadois se sont retournés de manière violente vers…

Cris Kordjee : …le maire.

Mayotte Hebdo : La population préfère se retourner contre lui plutôt que contre ceux qui détruisent…

Cris Kordjee : Il existe encore cette peur à affronter le blanc, même si nous sommes dans notre bon droit.

Mayotte Hebdo : La République peut-elle être comprise et acceptée à Mayotte ?

Jean-Louis Gaulthier : Je pense que les idées et les mentalités changent plus vite que les lois. Ainsi, nous nous retrouvons souvent à mettre la charrue avant les bœufs. Il faut expliquer et donner un sens à ce que nous faisons. C'est ce que j'ai fait pendant quatorze ans à Mayotte : donner un sens à sa vie. Ce qu'il manque à la République, la pierre angulaire du tout : une éducation digne de ce nom, la promotion sociale. Il faut donner un sens à la présence de la France à Mayotte. J'essaye d'être réaliste, d'avoir les pieds sur terre, je suis fils de paysan.

Kriss Kordjee : De fait, les adaptations sont faites mais pour qui et dans quels intérêts. Au lycée de Mamoudzou, regardez les classes, les niveaux, les compositions des classes. Abandonnons les routes, les buildings. Mettons le paquet dans l'éducation. Pas dans le sport, pas dans Miss Mayotte. On dit chez nous que ce sont pour les ventres pleins "…". Quand on est rassasié il y a de la place pour l'apéro. C'est ridicule, futile par rapport à la majorité de la population. Qu'est-ce qu'on singe, je ne suis pas contre, mais nous ne pouvons pas tout faire. Alors focalisons-nous sur l'éducation à tous les niveaux.

"Pourquoi les gens, quand ils arrivent, pensent qu'il n'y avait rien auparavant; c'est cela qui aboutit à l'erreur ?"
Cris Kordjee

Mayotte Hebdo : Mais où sont les professeurs mahorais afin d'éviter des "bêtises", des malentendus. Le dernier exemple en date nous vient d'un établissement scolaire qui a emmené ses élèves au Kenya pour pratiquer l'anglais, aller sur les traces de Karen Blixen, l'écrivaine danoise de "Out of Africa" et rencontrer la prix Nobel Wangari Maathai. Résultat : les jeunes ont parlé swahili et non pas anglais. Pourquoi Alain-Kamal Martial n'est pas au programme ?

Jean-Louis Gaulthier : Cela fait partie des actions pour les ventres rassasiés. Je préfère revenir sur la formation. Je me suis rendu compte que certains employés ne savaient pas se laver les mains avec un poussoir. Le savon avait disparu, il était dans un tube. On dit que ce sont des générations décapitées. Ce message, cet état de fait, je ne le supporte pas, je suis un être humain. Je crois que toutes générations méritent l'éducation, l'information. On doit progresser avec ses savoirs et ses outils. N'enlevons pas les outils ancestraux pour promouvoir des maladies car source de diarrhées. Dans les supermarchés on vendait des produits pour l'agriculture, en vente libre. Mal appliqués ce sont des produits dangereux pour l'homme et la terre. Tous les nouveaux produits doivent être accompagnés d'explications simples, orales. Les fondamentaux : lire et écrire dans la petite enfance, connaître le lien social, le monde social, le monde qui nous entoure, pouvoir réfléchir sur un texte. C'est beaucoup plus important que les voyages en Afrique.

Cris Kordjee : Je pense qu'au départ, ces professeurs étaient animés de bonne volonté, de bons sentiments. Cet exemple caractérise ce qui se passe à Mayotte. Pourquoi les gens, quand ils arrivent, pensent qu'il n'y avait rien auparavant ; c'est cela qui aboutit à l'erreur. Il y a une expérience, une histoire chez nous.

Jean-Louis Gaulthier : Encore aujourd'hui, le vice-rectorat accueille ces professeurs en leur affirmant qu'ils sont des pionniers.
Cris Kordjee : Doux jésus… C'est n'importe quoi. Dans cette grande messe de trois jours, j'y ai participé une fois. C'est n'importe quoi. Il y a un mot-clé je pense. C'est une question d'état d'esprit. Vous avez beau mettre tout l'argent, cela ne change pas une mentalité. A N'gazidja, je les vois les Muzungus. Ils font attention et sont respectueux. Qu'est-ce qui fait qu'à Mayotte, on prend des libertés à tel point que des démarches entières capotent ? Le premier réflexe est de regarder, de comprendre, puis de voir comment s'insérer. Moi j'aimerais qu'on me réponde. De penser pour les gens, de se dispenser de savoir ce que cela représente pour les habitants.

Jean-Louis Gaulthier : En terminale, mon professeur de philosophie nous a fait découvrir Michel Leiris et un mot : l'ethnocentrisme. Et les Français sont les meilleurs du monde, surtout les touristes d'après certaines études.

"Si revendiquer l'égalité, la justice, c'est être raciste, alors je le dis devant vous je suis raciste"
Cris Kordjee

Mayotte Hebdo : Mayotte n'est pas indépendante. Elle a clairement montré qu'elle voulait être française.

Cris Kordjee : Donc c'est notre punition, ce comportement. Moi, je suis plus républicain qu'eux probablement. C'est la géographie de Mayotte, les huttes, les bananes, quoi ? Dès que la population lève le doigt, comme Alain-Kamal Martial dans des pièces écrites rouge sang, très belles, on le traite de raciste, pourquoi ? L'histoire de Mayotte est faite de sang. Il porte du sens. Les gens ont peur du blanc. L'histoire qui nous lie le fait comprendre aisément. On ne s'affranchit pas d'une telle "super tutelle" du jour au lendemain. On sort à peine du gouvernorat. Il faut apprendre, tomber, se relever; dès que nous avons un avis contraire on nous traite de raciste pour faire peur. La poubelle de Mayotte écrit cela quotidiennement. Si revendiquer l'égalité, la justice, c'est être raciste, alors je le dis devant vous je suis raciste. Je persiste et je signe si c'est dénoncer les incohérences, les injustices.

"On est en train de casser du lien social. C'est la plus grande des misères"
Jean-Louis Gaulthier

Jean-Louis Gaulthier : Vis-à-vis de l'enfant, de l'adulte et du grand-père, les vrais combats à mener sont dans notre environnement immédiat : école, village, famille, entreprise. Ce sont des grands tisseurs de liens sociaux, de grands moteurs. C'est ce qui manque à Mayotte. On est en train de casser du lien social. C'est la plus grande des misères, pire que le krach économique, la pollution au monoxyde de carbone, ne plus avoir d'eau. Tous les sociologues vous le diront. C'est ce qui fera tenir un pays quand il y aura une catastrophe. Pour cette raison, je mets très haut l'entreprise. Elle est un îlot où il y a du lien social, où les gens peuvent se retrouver à égalité, à condition bien sûr que le management soit à la hauteur. Des efforts sont faits ce n'est pas le cas à l'école et de moins en moins le cas malheureusement de ce qui se passe dans les familles. Ces dernières sont atomisées pour des raisons réglementaires de l'Etat. Il faut y réfléchir. Je n'ai pas les solutions. Il y a un combat à mener – il y en a eu auparavant – si des femmes peuvent se lever pour autres choses qu'un Anjouanais qui va prendre un poste important à la sécurité sociale. J'espère que les chatouilleuses vont se réveiller pour des combats en faveur de leurs enfants.

Cris Kordjee : Attention, je suis une chatouilleuse. Le jour où tous les acteurs accepteront que chacun a un potentiel pour faire évoluer sa vie, a le droit de cité dans les affaires qui le concernent. J'ai l'impression que tout le monde pense par préjugés : qu'ici on ne sait pas, on ne peut pas, pas compétents. Il y a des potentialités et des capacités très importantes pourtant. Certains ont de la mauvaise volonté certes, mais ne nous y arrêtons pas. On a tendance à confondre la culture "façon d'être" et celle "des inventions, des technicités". Sur cette dernière, bien entendu, on peut établir une échelle mais cela ne préjuge pas de mes capacités. Je peux vivre dans un banga et être savant. Le carrelage ne fait pas le savoir, ni le véhicule. Il faut faire preuve d'humilité, de modestie et d'ouverture.

Jean-Louis Gaulthier : L'inverse est juste aussi. C'est comme le harceleur et le harcelé. Il n'y a pas qu'une victime mais deux malades qu'il faut accompagner, soigner. Il y a un besoin de respiration, de communication. Je ne pense pas qu'en revenant dans les Hautes-Pyrénées j'aurais autant de bonjour et de sourire qu'à Mayotte. Tsararano, là où je vis, me manquera. Alors que je ne faisais pas partie de la culture et que j'étais égal à moi-même. Mais à force de temps et de connaissance de l'autre, l'intégration est arrivée. L'urbanisme ne doit pas oublier aussi le lien social.

Mayotte Hebdo : Il y a un déchirement quant à votre départ. Quel est votre état d'esprit avant de monter dans l'avion ?

Jean-Louis Gaulthier : Le déchirement est évident, mais je préfère retenir le grand bonheur qu'a été de connaître Mayotte. Mayotte m'a apporté tellement. Elle a été mon anti-dépresseur. Ma meilleure thérapie. J'ai eu une grande chance de connaître Mayotte.

Cris Kordjee : Cela dramatise un peu. Mais vous avez parlé de déchirement et effectivement c'est de cet ordre. Je n'avais jamais pensé à partir, surtout à cette époque. Ce n'est pas un choix personnel. Je suis une passionnée de Mayotte, non pas parce que je suis native. Je suis passionnée des causes et des problèmes et des questions auxquelles Mayotte est confrontée. J'aurais fait de même à Anjouan, à Madagascar. Ma nationalité elle est universelle. Je suis passionnée des causes du monde et généralement je me range du côté de ceux qui ont du mal à se défendre, les plus faibles. Ceci dit, l'île a besoin d'acteurs engagés. Mais ce n'est pas un renoncement. Je vais me ressourcer, car finalement je suis aussi de là-bas. Je me sens pleinement chez moi aussi à Orléans. Cela atténue le déchirement; je pars là-bas pour revenir encore plus forte. J'ai été formée à ces deux écoles. Mayotte au début, lors de la petite enfance, et un peu après Orléans qui m'a formée, forgée et confirmée ce que je suis aujourd'hui, mais Orléans a assez d'experts. Mais je vous le dis tout de suite : à bientôt, si dieu le veut.

Mayotte Hebdo : Un mot de conclusion…

Cris Kordjee : On a évoqué les problèmes extérieurs de l'île. On a oublié – ou plutôt nous n'avons qu'effleuré – un point sur lequel je veux insister. Insister sur la responsabilité de la population locale dans le changement. C'est elle qui va aller le chercher, le provoquer. Il ne viendra pas tout seul.
Jean-Louis Gaulthier : Il viendra surtout de ses racines, pas de ses feuilles.

Propos recueillis par Faïd Souhaïli et Gérôme Guitteau

J'AIME / J'AIME PAS

Le grand mariage

Cris Kordjee : J'aime, mais avec un peu moins de zébus.
Jean-Louis Gaulthier : Je le respecte.

L'UMP battu à la députation

Jean-Louis Gaulthier : Je crois que la question ne se pose pas en terme de partis politiques. Elles n'existent pas à Mayotte, la gauche et la droite.
Cris Kordjee : C'est une question d'approche pas de parti. Il faut être au plus près de la population, et non s'afficher avec le patronat et faire croire qu'on représente le peuple.

Les Jeux de l'océan indien

Jean-Louis Gaulthier : Indifférent. Je ne suis pas un spectateur, un supporter. Je déteste les gens qui agitent des drapeaux.
Cris Kordjee : C'est bien mais j'aurais préféré qu'on n'ait pas faim pour s'y rendre. Ce n'est pas une priorité pour moi.

Miss Mayotte

Jean-Louis Gaulthier et Cris Kordjee : C'est incongru.
Cris Kordjee : Ceci dit, j'avais désigné la gagnante dès le début…

Air Austral

Cris Kordjee : Je suis chauvin. Même si on dit qu'ils sont chers, ce sont eux qui nous accompagnent depuis trente ans.
Jean-Louis Gaulthier : Même réponse.


DEFINIR UN MOT

 
Archipel des Comores

Jean-Louis Gaulthier : Les îles de la lune, les îles du prophète
Cris Kordjee : La séparation. Archipel à problèmes.

Les notables

Cris Kordjee : Je ne suis pas choquée. Il faut plusieurs strates pour faire une société.
Jean-Louis Gaulthier : C'est de la représentation que je ne considère pas. Cela n'a aucun sens.

Département

Jean-Louis Gaulthier : Régionalisation
Cris Kordjee : Le vrai ou le faux ?

Karibu

Jean-Louis Gaulthier : Hodi. C'est marqué sur ma maison.
Cris Kordjee : Cela va me manquer.

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1109

Le journal des jeunes

À la Une