Environnement. Les écologistes doivent-ils eux aussi bloquer les routes?

Une énième opération de nettoyage de la mangrove va se tenir dans l’île. Cette fois-ci l’événement aura lieu au bord de la route nationale entre le quai de l’amphidrome et l’entrée de Kawéni (avant le rond-point El Farouk). Piloté par les Naturalistes, il vise à mobiliser différents acteurs de la société mahoraise qu’ils soient associatifs, professionnels ou institutionnels. « Nous avons réussi à obtenir de la mairie de Mamoudzou la mise à disposition de leurs agents et un camion pour le ramassage des sacs remplis des déchets collectés dans la mangrove », explique Michel Charpentier, le président des Naturalistes. Son organisme espère faire aussi bien que Mayotte Nature Environnement qui en février dernier avait rassemblé 300 personnes pendant toute une journée sur une douzaine de sites. « On espère voir des élus mettre aussi la main à la pâte », ajoute l’emblématique militant pour la nature à Mayotte.

« Mettre fin au marché clandestin de fripes au bord de la route »

C’est aussi, dans ce cadre-là que l’association environnementale a adressé un courrier à la municipalité lui demandant de prendre plusieurs engagements après cette journée de samedi pour trouver des solutions durables pour la propreté de la ville. Les Naturalistes souhaitent d’abord que la municipalité mette un terme au marché de fripes qui s’est créé au bord de la route après l’amphidrome à la suite de la démolition du marché clandestin il y a un an. « Aujourd’hui, ils vendent du textile mais demain ils pourront très bien vendre d’autres produits avec le risque que certains finissent dans les palétuviers en contrebas de la route », argumente le président de l’organisation. Il souhaite également que la mairie revoie avec le collectif d’associations mahorais (Cam) l’implantation de points de collecte collective des ordures ménagères à Kawéni et qu’elle s’assure ensuite auprès des sociétés chargées de la collecte et du suivi (Star, Enzo, Insidens) de l’efficacité des opérations de ramassage. Autre demande, la mise en place dans la commune d’un comité « ville propre » avec des représentants de la mairie, des entreprises, des institutions et des associations. Ce comité se réunirait périodiquement pour faire le point sur les progrès réalisés et les améliorations à apporter. « Le maire doit également informer la population de l’obligation de mettre tous les déchets dans les bacs sous peine d’infraction et mobiliser les services municipaux concernés pour commencer à dresser des contraventions en cas d’infraction constatée car la sensibilisation à ses limites malheureusement », ajoute Michel Charpentier. Enfin, l’association salue l’initiative de la mairie d’installer des corbeilles urbaines dans tous les quartiers mais l’enjoint à poursuivre cette action en assurant notamment la collecte fréquente par les services municipaux « car si les poubelles se remplissent mais ne sont pas vidées, ça ne sert à rien », résume-t-il.

« Des erreurs d’aménagement comme la rocade ont détruit la mangrove »

Les Naturalistes et leurs partenaires ont fait le choix de la mangrove pour cette opération de nettoyage pour la simple et bonne raison qu’il s’agit d’un écosystème précieux pour Mayotte et qu’il est menacé. « Tout le monde connaît son utilité contre l’érosion et contre les intempéries mais sa présence s’amenuise ici et dans le monde en général », rappelle l’association. Dans le 101ème département, sa destruction est principalement due à l’aménagement urbain et routier. L’association n’hésite pas à donner des exemples concrets: « des erreurs comme la rocade de Mtsapéré ont détruit la mangrove. Il aurait suffi d’élargir la route et le pont qui traversent Mtsapéré au lieu de construire ce terre-plein qui ne sert à rien », estime le président des Naturalistes même si aujourd’hui cette fameuse friche est utilisée pour quelques événements ponctuels comme le marché du ramadan ou la foire agricole. Autre cas que dénonce l’organisme local, la construction du quai en eau profonde au port de Longoni. « Je conçois que le dossier était complexe par rapport aux besoins de l’île mais il faut rappeler qu’en 2006/2007 il y a eu un raté dans le dragage de la zone et des sédiments ont été rejetés dans la mangrove étouffant celle-ci et causant sa perte. Même si les palétuviers sont connus pour piéger la terre, elle ne peut pas tout absorber », rappelle Michel Charpentier.

Mais ce dernier ne nie pas la complexité de l’aménagement du territoire dans une île où la majeure partie des terres sont vallonnées et que la moindre parcelle plate est recherchée pour être exploitée. « À l’allure où évolue cette île, il sera difficile d’éviter de passer par des constructions verticales pour répondre aux besoins démographiques, en tout cas nous veillons à éviter le mitage des habitations, c’est-à-dire la dispersion des logements au profit d’une concentration dans les villages comme c’est globalement le cas actuellement », expliquent les Naturalistes.

Si toute la difficulté de la tâche est de convaincre les élus départementaux et municipaux de donner un peu plus la priorité à l’environnement, l’autre obstacle repose sur la sensibilisation des populations clandestines aux enjeux écologiques. Des questions à mile lieues de leurs préoccupations qui pour certains s’apparentent à de la survie. « Nous sommes conscients de leur situation mais certains sont très au fait de la réglementation en vigueur en témoigne cet individu que j’ai découvert en train de couper un palétuvier. Celui-ci a filé ni une ni deux car il savait que ce qu’il faisait était interdit », se souvient Michel Charpentier.

Mais ces actions de sensibilisation, ces campagnes de nettoyage, ces assises ou autres conférences sont-elles vraiment efficaces? Au vu du contexte local, la réponse serait plutôt non, car nombreuses sont les associations et les Naturalistes sont les premiers à le rappeler, à baisser les bras, car 15 jours après avoir nettoyé telle ou telle plage, il faut tout recommencer. Faut-il donc que ces associations elles aussi, dressent des barrages sur les routes ou occupent les instances décisionnelles de l’île pour se faire entendre? Les militants de l’environnement s’y refusent pour le moment. « Nous estimons que ce n’est pas la méthode à adopter mais on ne sait jamais peut-être qu’un jour on y viendra si on voit que la cause n’avance pas. Mais depuis le temps que je suis là, j’ai quand même observé à l’échelle bien-sûr infinitésimale, des progrès dans l’environnement à Mayotte », tente de rester positif le président des Naturalistes.

Le chemin est encore long mais Les Naturalistes espèrent qu’en chacun puisse naître un intérêt pour l’environnement en se joignant à leur rassemblement ce samedi afin de mettre en pratique la théorie du colibri qui stipule: « chacun doit faire sa part ».

GD


 Pollution dans le lagon par le STM

Une vidéo circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux montrant l’amphidrome libérer ce qui ressemble à des eaux usées ou une huile de vidange directement dans le lagon. Enregistrée par un usager des barges, cette vidéo est datée par l’association Messo de février dernier mais il est impossible à l’heure actuelle d’en savoir plus sur les raisons et l’origine de cette sorte de dégazage. Les Naturalistes disent attendre une réponse du Service de transport maritime (STM) sur cette question. En attendant, l’association invite toute personne à signaler quelconque incivilité environnementale qu’elle aurait observée en contactant le réseau d’alerte vigilance au 06 39 02 37 36.


Lagon au patrimoine de l’Unesco: « il reste 9/10 du travail à effectuer »

Le président des Naturalistes s’est aussi longuement étendu sur la question du classement du lagon au patrimoine mondial de l’humanité. Pour cela, il faut d’abord commencer par améliorer la qualité des aux du lagon. « 3/4 des eaux usées actuellement se déversent dans la mer sans traitement », dénonce sans détour l’association. Certes, des programmes de stations d’épuration sont en cours d’élaboration, « mais encore faudrait-il construire le réseau qui va avec, car si c’est pour faire comme à Dembeni où une infime quantité des eaux usées sont traitées dans la centrale construite à cet effet, cela ne sert à rien », critique l’organisme. Celle-ci estime qu’à l’heure actuelle « 9/10 du travail reste à effectuer » pour que Mayotte remplisse les critères de l’Unesco. « Et pour persuader cette institution internationale, il faudra aussi convaincre la population, condition sine qua non pour obtenir ce label ».


 

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