« Ha shibabu ya maore » : le 2ème essai sociologique de Mohamed Moindjié

Mohamed Moindjié, homme politique bien connu dans le 101ème département, vient de sortir un essai intitulé « Ha shibabu ya maore », qui pourrait se traduire en français par « L’espoir ensemble pour Mayotte ». Dans ce petit ouvrage de 73 pages, il dissèque les problématiques de l’île aux parfums et propose des pistes de solutions basées sur une redécouverte de l’identité mahoraise qui intégrerait harmonieusement les nouveaux modes de vie modernes liés à sa départementalisation.

Mohamed Moindjié n’en est pas à son premier coup d’essai dans le domaine de l’écriture. Il y a quelques années, il avait déjà publié un premier ouvrage, beaucoup plus long, intitulé « Aux noms de mes ancêtres qui ne sont pas des Gaulois ». « Cette fois-ci, j’ai voulu [en] écrire un plus court afin qu’il soit plus facile d’accès pour les personnes peu habituées à lire », déclare-t-il lors de la conférence de presse donnée le vendredi 5 août dernier au restaurant le 5/5. Cette fois-ci cependant, il ne s’est pas débrouillé seul : il a fait équipe avec Foumo Silahi, qui gère les éditions Hiziri Na Maore créées en 2022, et la librairie de Ben Amine Inssa, située à Passamaïnty, chargée de la diffusion du livre. Grâce à cette association, l’écrivain espère que son livre sera facilement accessible au plus grand nombre.

Objectif : donner de l’espoir aux gens concernant l’avenir de Mayotte

Cet essai part d’un diagnostique de la situation de l’île au lagon : il en dissèque les problématiques et en déduit que les solutions pour rétablir l’harmonie ne peuvent être les mêmes que celles qui étaient utilisées avant la départementalisation. « La société mahoraise a connu de grands bouleversements, qui ont généré certains problèmes, dont celui de la délinquance des jeunes », affirme-t-il. « La première étape est de prendre conscience de ce changement de société, induit notamment par la départementalisation de l’île et l’entrée dans la mondialisation qui s’en suit. Il nous faut faire avec ces évolutions, c’est inévitable. Mais, pour les intégrer harmonieusement, il me paraît essentiel de retrouver nos valeurs spécifiquement mahoraises. » Pour l’homme politique, il est primordial de rompre avec certaines pratiques qui ne collent plus avec le nouveau statut de Mayotte département tout en se réimprégnant de l’essence de la culture mahoraise, qui a eu tendance à se perdre ces dernières années, surtout chez la jeune génération.

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Mohamed Moindjié s’est rapproché de quelques grands noms de la littérature mahorais dont Ambass Ridjali (à g.) et Bacar Achraf.

« Nous sommes une civilisation plurielle marquée par des influences multiples dont la civilisation arabe, swahili et occidentale. Il nous faut valoriser cette identité, même si celle-ci évolue inévitablement avec le temps », déclare l’essayiste. Ce dernier liste dans son ouvrage quelques spécificités de la culture mahoraise : plurielle certes, mais aussi imprégnée par le respect des aînés et de l’autorité. « L’une des grandes causes à mon sens du chaos actuel est l’absence de peur dont fait preuve la jeune génération face aux autorités quelles qu’elles soient », analyse-t-il. D’autre part, Mayotte mêle des valeurs issues de l’islam et de l’animisme avec celles de la France républicaine. Un curieux camaïeu qui forme la spécificité culturelle de l’île. « Il n’est pas rare de voir des Mahorais assister toute une soirée à un patrossi (cérémonie animiste) tout en allant prier Allah à la première heure le lendemain matin et saluer avec respect le drapeau français dans les cérémonies laïques », souligne-t-il. « Maintenant, il défi est d’intégrer la mondialisation sans déroger à notre identité. » L’autre grande valeur mahoraise selon Mohamed Moindjié est l’hospitalité. Traditionnellement, la « personne qui vient d’ailleurs » se doit d’être accueillie avec respect. « Mayotte a une histoire, une culture particulière qui est malheureusement en train de disparaître progressivement. Tout le défi est de réussir à conserver notre identité tout en l’adaptant au monde moderne. »

Encourager les Mahorais à écrire

Au-delà de son livre, l’écrivain a également pour ambition encourager les Mahorais à se tourner davantage vers l’écriture. Pour cela, il a réuni autour de lui plusieurs grands noms du monde de la littérature mahoraise tels que Ambass Ridjali ou encore Bacar Achraf, le pionnier de la création du centre universitaire de formation et de recherche de Dembéni. « Il est important de valoriser les écrivains mahorais et, d’une manière générale, les savoir-faire locaux », insiste-il. C’est la raison pour laquelle, les écrivains en herbe sont également les bienvenus au sein de cette société littéraire encore en cours de création. « Notre ambition est de préserver la culture mahoraise tout en se tournant vers l’avenir. Certes, la situation actuelle de Mayotte laisse à désirer, mais je suis persuadé qu’il y a matière à conserver de l’espoir pour le futur. C’est ce que je souhaite prouver à mes lecteurs au travers de Ha Sibabu ya maore », conclut-il.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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